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  • analyse AfricAn BAnker aot - septembre - octobre 2014 analyse AfricAn BAnker aot - septembre - octobre 2014

    Dafer Sadane Professeur, Skema Business School et universit de Lille

    La Tunisie doit rattraper son retard. Il appartient aux investisseurs institutionnels, dans un cadre lgal adapt, de sengager dans la culture de la Bourse et des marchs financiers. Au service de lconomie et des initiatives prives. Par Jaloul Ayed et Dhafer Sadane

    Pour une nouvelle culture financire

    Dans toute conomie digne de ce nom, il existe un systme financier dont larchi-tecture doit rpondre un minimum vital. Capital is made at home , disait lconomiste Albert Hahn. En effet, un systme financier national doit tre jug sa capacit rpondre dune manire adquate lensemble des besoins des oprateurs conomiques sur toute la chane de crations de valeurs quels que soient leur taille et le secteur conomique dans lequel ils oprent.

    Quand on parle du systme financier, on ne peut pas se limiter au seul systme bancaire. Non ! Le systme financier doit englober dautres acteurs contribuant au financement de lconomie. Ces acteurs sont hlas souvent luds.

    Nous ne prtendons pas une dmarche exhaustive dans la description des dfaillances vaincre. Nous souhaitons simplement suggrer, dans le cas de la Tunisie, des pistes de rflexion permettant datteindre au mieux ce systme financier optimal.

    Dans un systme financier aux cts des banques, il existe un march des capitaux avec ses trois compartiments : montaire, financier (actions et obligations) et change. Des investisseurs institutionnels alimentent les marchs en liquidits, contribuant ainsi au financement de lconomie surtout en capital et en obligations portant sur de longues dures.

    Ces structures constituent dsormais une

    norme minimale simposant dans tous les pays dits dvelopps.

    Il faut formuler le vrai problme, clarifier les questions et identifier les prrequis.

    Or, de quoi parle-t-on Tunis ? Parle-t-on de la rforme du secteur bancaire, de celle du systme financier ou de lassainissement uniquement des banques publiques plombes par les crdits accrochs ? Bref, les termes du problme ne semblent pas poss de manire claire.

    De notre point de vue, la question la plus pertinente est : de quoi ont besoin les entreprises tunisiennes pour amliorer leur financement ?

    Promouvoir une vraie culture financire et de marchs

    La rponse peut paratre simple dans sa formulation, mais complexe dans la mise en uvre de sa rponse. Sans prtendre lexhaus-tivit, on peut avancer que les entreprises tunisiennes ont besoin avant tout dun systme financier optimal capable de les comprendre et qui est constamment leur coute. Quels sont les prrequis pour y arriver ?

    Nous pensons quil importe dinsuffler une vraie culture financire et de marchs. Or, les marchs financiers ne peuvent jamais se dvelopper leur pleine capacit sils ne russissent pas assurer trois fonctions fonda-mentales que sont la liquidit, le transfert des risques, et la gnration des revenues. Seule la

    cration de marchs obligataires et dactions, digne de ce nom, peut runir ces conditions afin de rpondre aux besoins des oprateurs conomiques sur le moyen et le court terme. Il est un fait, le systme financier tunisien na pas encore atteint son architecture optimale. En particulier, le march obligataire reste largement sous-dvelopp. Labsence dune courbe de taux dintrt reliant les taux courts aux taux longs constitue une contrainte majeure qui milite contre la mobilisation de ressources longues tant ncessaires aux grands projets dinfrastructure. La courbe des taux permet de relier le niveau des taux dintrt et les chances des placements. Elle permet surtout dtablir un rfrentiel de prix pour la structuration des obligations mises par les entreprises (corpo-rate bonds). Dune manire gnrale, cette courbe doit tre croissante, car un placement

    Jaloul ayed Banquier, ancien ministre des Finances de la Tunisie

    effectu par un investisseur institutionnel, sur une longue priode, devrait rapporter plus quun placement sur une courte priode. Il existe, en effet, une prime de risque qui est offerte sur les placements les plus longs afin de les encourager investir. Ainsi, en priode normale cest--dire hors crise, les taux longs sont suprieurs aux taux courts. La courbe peut malheureusement sinverser notamment quand les oprateurs anticipent une baisse de lactivit ou, comme cest le cas en Tunisie, quand il existe des menaces inflationnistes. La Banque centrale de Tunisie vient de redresser le taux directeur 4,75 %, la seule arme dont elle dispose pour attnuer la tension sur les prix. Dans de telles conditions les placements courts deviennent plus rmunrateurs que les placements longs. Ce pige est douloureux pour une conomie, a fortiori lorsquelle est pauvre. Ltablissement dune courbe de taux

    Turquie

    Les rformes ont PayDes fonds propres consquents imposs par un rgulateur trs conservateur, voil comment se caractrise le systme bancaire turc, aprs ses rformes.

    Au regard des niveaux internationaux, le niveau de fonds propres des banques turques est traditionnellement trs lev, le ratio dadquation des fonds propres (CAR) est de 19,5 % fin mai 2010 aprs avoir dpass les 20 % fin 2009.

    Depuis 2006, si on le compare aux stand-ards internationaux, le secteur bancaire turc affiche des retours sur fonds propres trs impressionnants, qui vont de pair avec une stabilit densemble de la marge brute dintermdiation, autour de 5 %.

    Extrmement dpendante de la demande trangre, en particulier europenne, lconomie turque a t touche de plein fouet par la crise conomique : en 2009, le PIB rel a connu une baisse de 4,8 %, entranant son cortge de faillites et de dfaillances. On pouvait sattendre ce que la rcession se traduise par une forte hausse des impays et des dfauts sur les crdits. Si cette hausse a bien eu lieu, force est de constater que son ampleur a t finalement limite, puisque le taux dencours douteux (NPL ratio), aprs tre mont plus de 5,5 % durant lanne

    2009, est descendu moins de 4,5 % ( fin juin 2010). De plus, les encours douteux sont globalement bien provi-sionns (avec un taux de provisionnement de 83,6 % fin dcembre 2009), mme si ce taux est en baisse ces dernires annes (90 % mi-2006). Bien entendu, parmi les facteurs explicatifs du ratio de NPL relativement modr, figurent le traitement comptable permis par lAgence de rgulation et de supervision bancaire (BRSA) et les mesures permet-tant de restructurer prventivement les prts potentiellement douteux. Bien quil soit difficile dvaluer limpact rel de ces mesures, le Rgulateur bancaire estime que sans celles-ci, le taux de NPL aurait vraisemblablement atteint 8 %.

    Le poids du financement de ltat samenuise

    Relativement rustique dans son modle et solide dans sa structure, le systme bancaire turc nest pas pour autant fig ; il a connu des volutions importantes. Parmi ces volutions qui vont faonner le systme bancaire, les principales concer-nent la fin de la surliquidit structurelle et laugmentation de la part des prts dans le total du bilan ; sur ce dernier

    point, les volutions rglementaires ont contribu un basculement vers le systme bancaire turc des financements corporate en devises qui se faisait en grande partie offshore.

    En offrant des taux levs sur ses bons du Trsor, ltat a longtemps permis aux banques de bnficier de rendements levs sur des placements sans risque. Ce faisant, il a provoqu de par ses besoins financiers, un effet dviction au dtriment des emprunteurs privs. La politique dassainissement des Finances publiques mene depuis 2002 dans le cadre des programmes successifs avec le FMI a port ses fruits et, en rduisant le poids de la dette publique, a permis, peu peu de diminuer le poids des titres publics dans le total de bilan des banques. Pour autant, mme si la progression des crdits lconomie a t spectaculaire au cours de la dcennie coule, ils ne reprsentent encore qu peine la moiti des actifs bancaires. La progression des crdits devrait tre trs soutenue pour lensemble des acteurs conomiques.

    Daprs les travaux dAnselme Imbert, de la Banque de France, conseiller financier de lAmbassade de France en Turquie (2010).

    passe ncessairement par le renforcement du march primaire des valeurs du trsor et la cration dun vrai march secondaire des taux. Ce march serait ouvert lensemble des intervenants institutionnels aussi bien bancaires que non-bancaires (compagnies dassurances, fonds de pension, gestionnaires dactifs, etc.).

    La Bourse : une courroie de transmission ncessaire

    La cration dun tel march ncessite par consquent une parfaite coordination entre le Trsor, la Banque centrale et les intermdiaires en valeurs du trsor. En particulier, les banques ont un rle essentiel jouer pour sa cration.

    La culture financire doit tre complte par un renforcement substantiel de la Bourse de Tunis qui reprsente une courroie de trans-mission indispensable dun financement en capital crateur de richesse. En effet, la Bourse des valeurs mobilires doit sappuyer sur des investisseurs institutionnels (caisse de retraites et compagnies dassurances) capables de la dynamiser. Or la Bourse de Tunis, avec ses 7,770 milliards de capitalisation boursire se trouve loin derrire la Place de Casablanca qui reprsente une capitalisation globale de 55,446 milliards $. De plus, Tunis se trouve

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    loin derrire la Bourse rgionale de lAfrique de lOuest (Bnin, Burkina Faso, Guine-Bissau, Cte dIvoire, Mali, Niger, Sngal, Togo), riche dune capitalisation de 11,203 milliards $, lEgyptian Exchange (63,716 milliards $), le Nigerian Stock Exchange (82,813 milliards $) et bien entendu le Johannesburg Stock Exchange (330,287 milliards $). Bref, alors qu la fin des annes 1980, la Bourse de Tunis tait considre comme un modle pour les pays du Maghreb et dAfrique, elle est nettement la trane.

    Lingnierie financire au service de lentreprise

    La Bourse de Tunis ne gagnera en profon-deur quen encourageant les investisseurs institutionnels dy investir, car il nest gure normal que les personnes physiques repr-sentent aujourdhui la majorit crasante des investisseurs. Il faut aussi permettre aux inves-tisseurs trangers dy accder plus facilement. Enfin, ne serait-il pas judicieux dintroduire la cote, au moins partiellement, certaines entreprises publiques afin que notre march puisse gagner davantage de profondeur et de notorit ?

    La culture financire est stimule ensuite par une capacit dinnovation et un savoir-faire en ingnierie financire, de sorte que la finance soit vritablement au service de lentreprise. Larchitecture optimale dun systme financier suppose aussi la matrise dun minimum de savoir-faire en matire dingnierie financire pour les PME et de corporate finance en gn-ral, afin de rpondre des besoins spcifiques exprims par les entreprises locales. L aussi, la Tunisie a enregistr un retard. Ceci est particulirement vrai quand on examine la sophistication des produits et services offerts par les dpartements Banque de financements et dinvestissements des banques tunisiennes. Par

    exemple, au Maroc, des produits de couverture de risques et de hedging aussi bien de taux que de change existent depuis quinze ans. On y trouve la panoplie classique : options de change, options de taux, swaps de taux et de change, options sur actions, etc.

    Le mariage de la finance et de lconomie sociale

    Or, en Tunisie, mme les produits les plus classiques, tels que la bancassurance, nexistent pas. La Tunisie enregistre du retard dans dautres domaines spcialiss tels que le private equity, les oprations de capital transmission (LBO/LMBO) et le corporate finance en gnral.

    Enfin, la culture financire doit garantir un mariage heureux entre la finance et une conomie sociale inclusive. En effet, le systme financier tunisien ne peut plus vivre en vase clos ; les acteurs financiers ne peuvent plus prter quaux riches. Ils ont besoin de souvrir sur la socit et rduire les fractures sociale et rgionale par des stratgies et des outils qui luttent contre lexclusion. Il est regrettable, cet effet que depuis lindpendance la Tunisie nait pas formul une stratgie nationale ambi-tieuse et percutante pour la micro-entreprise qui reprsente aujourdhui la part du lion dans le tissu conomique national. Ce manque de vision explique en partie le fait quune large frange de ces entreprises opre aujourdhui sur le march informel qui prend de plus en plus des proportions alarmantes. Cest aussi ce manque de vision qui explique que les PME tunisiennes restent largement la marge du systme financier national : elles ne bnficient que de 25 % des crdits bancaires, alors quelles reprsentent la majeure partie des entreprises. La solution structurelle passe ncessairement par un renforcement substantiel des mtiers de capital investissement et dun programme

    national daccompagnement et de coaching de ces entreprises.

    Parmi ses nombreuses missions, la Caisse des dpts et consignation peut, par linterm-diaire de ses organismes ddis, assurer cette mission dinclusion financire. En Tunisie, lconomie sociale et solidaire a du sens, mais elle a aussi beaucoup de chemin faire avant datteindre ses objectifs. On peut voquer plus particulirement les domaines de la microfi-nance, de la micro-assurance, et du mobile banking. Il est intressant de noter cet effet que Bank Al-Maghrib a dcid rcemment de prendre en charge la supervision des instituts de microfinance, et de loger en son sein la centrale des risques alors quen Tunisie la cration dun crdit bureau trane depuis des annes.

    En adoptant une dmarche normative et en voquant uniquement quelques aspects de ce quil convient de faire on saperoit que le systme financier tunisien a souffert ces dernires annes dun manque de ractivit de la part des autorits montaires. Elles auraient d engager des rformes de fonds portant sur les aspects voqus dans notre analyse. Naturellement, dautres dimensions sont explorer comme la gouvernance bancaire, la gestion des risques, la ressource humaine, laccompagnement linternational

    Autant dire que ce nest pas uniquement par lassainissement des trois banques publiques que lon va mettre un terme au vritable drame que vit le systme financier tunisien. Il importe daller au-del.

    Les PME tunisiennes restent largement la marge du systme financier : elles ne bnficient que de 25 % des crdits bancaires, alors quelles reprsentent la majeure partie des entreprises. La solution structurelle passe ncessairement par un renforcement substantiel des mtiers de capital investissement et dun programme national daccompagnement.

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