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49 th Pugwash Conference
Confronting the Challenges of the 21st century
Rustenburg (South Africa) 7-13 september 1999
La question de la dissmination des armes et de leur production est un des facteurs qui
conditionnent la paix dans le monde. Le rle des armes, spcialement des armes
lgres, est expos de manire trs claire et trs complte dans le papier de Peter
LOCK. Je ne rpte donc pas cette analyse. Mais, dans le mme esprit, jajoute deux
propositions de travail pour lavenir.
1 Pour une meilleure connaissance des transferts darmements.
La question cruciale des armes lgres met en vidence les lacunes de
linformation quant aux transferts dans ce domaine. Toutefois, ces lacunes ne
concernent pas que les armes lgres. La connaissance que nous avons des transferts
darmements mondiaux est encore fragmentaire, imprcise et parfois contradictoire.
A lheure actuelle, il existe deux types de sources : Les sources en valeur et les
sources en volume physique :
Les sources en valeur :
Elles sont elles-mmes de deux types. Il y a les donnes du SIPRI dune part et
les donnes amricaines dautre part.
* le SIPRI publie depuis 1968 un annuaire comportant un chapitre sur les
transferts mondiaux d'armements majeurs. Cest une source importante mais dont la
mthodologie est particulire puisque linstitut sudois a choisi de construire un
indicateur qui nest donc pas exactement une mesure des flux financiers rels. Cet
indicateur est un bon instrument danalyse dans le long terme et pour les
comparaisons, mais il ne doit pas tre confondu avec une valuation prcise des
dpenses dacquisition darmement. De plus, ces donnes ne donnent pas dindications
dtailles sur les changes bilatraux.
* les donnes amricaines sont principalement rassembles dans deux
publications : dune part, celles de l'ACDA (US Arms Control and Disarmament
Agency) qui publie depuis 1970 un rapport annuel (World military expenditures and
arms transfers) et, dautre part, le service de recherche du Congrs amricain
(Congressional research service) dont le rapport annuel rdig par Richard
GRIMMETT (Conventional arms transfers to developing nations) donne un panorama
rtrospectif (sept annes) sur les transferts d'armes mondiaux (commandes et
livraisons) qui ne se limite pas, malgr le titre du document, aux pays en voie de
dveloppement. On peut ajouter que depuis 1997, l'dition du Military balance, de
l'IISS (International Institute for strategic studies) publie galement des donnes; mais
celles-ci ne sont pas une laboration originale, elles procdent des donnes de l'ACDA
et du CRS, ainsi que des donnes nationales pour quelques pays (dont la France).
Toutefois, chacune de ces sources a sa mthodologie propre pour valuer les
transferts d'armement et il existe entre elles des diffrences significatives en ce qui
concerne certains pays. La difficult est accrue par le fait qu'une mme source est
amene d'une anne sur l'autre rvaluer ses sries chronologiques, qui prsentent
donc parfois des diffrences notables. Enfin, il y a souvent une discordance relle entre
ces donnes internationales et les donnes d'origine nationale. Ceci est
particulirement net en ce qui concerne le cas de la France. Par exemple, les ventes
franaises de l'anne 1994 taient estimes par le SIPRI 705 M$1 dans l'annuaire
1995 et 1021 M$ dans l'annuaire 1996. Le CRS indiquait 700 M$2 dans son dition
1995 et 1400 M$ dans l'dition 1996 et l'ACDA, en 1995, indiquait 800M$.3 Les
valuations varient du simple au double. La fourchette (3,5 7 milliards de francs) est
trs loigne des donnes officielles du ministre franais de la dfense (16,8 milliards
de francs) et mme de celle - minimale - obtenue partir des donnes douanires
franaises (12,1 milliards de francs). Enfin, d'une anne sur l'autre il y a des
1 prix constants 1990 2 dollars courants 3 dollars constants 1994
rvaluations -certes de mme sens - mais d'importance diffrente : le SIPRI augmente
son estimation de 45%, mais le CRS lui la double purement et simplement. Ces
problmes ne sont pas bien entendu limits l'anne 1994 mais se retrouvent sur toute
la priode. Il faut galement souligner que le biais n'est pas du mme ordre de
grandeur suivant les pays concerns.
Les sources en volume physique.
Depuis 1992, une autre source est apparue : le registre des Nations Unies sur les
transferts d'armes classiques. Ce registre correspond un effort des transparence dont
on doit se fliciter. Toutefois, on sait quil a des limites : il ne repose que sur les
dclarations volontaires des pays membres (et certains acteurs importants du march
des armements s'abstiennent de rpondre comme l'Arabie Saoudite, le Kowet ou le
Pakistan). Il n'enregistre qu'un nombre limit de catgories d'armes majeures,
l'exclusion des armes lgres et de la petite artillerie. Ces catgories elles-mmes sont
trs gnrales (avions de combat sans autre prcision) ou quivoques ( "missiles et
postes de tirs"). Surtout, les mouvements ne sont enregistrs qu'en termes physiques et
pas en valeur.
La dpendance par rapport aux sources dinformation.
La difficult confronter les diffrentes sources et avoir une information
vrifie est particulirement illustre par le contenu du rapport de Richard
GRIMMETT 4 de 1998. Ce rapport 1998 comporte en effet une rvaluation radicale
des ventes d'armes amricaines.
Ce rapport est constitu depuis plusieurs annes avec les mmes rubriques. Si
les chapitres les plus dvelopps concernent les transferts aux pays en voie de
dveloppement, il comporte galement des tableaux de synthse sur les transferts vers
l'ensemble des pays du monde (dont on peut donc dduire les transferts vers les pays
dvelopps). Les principaux vendeurs (Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni,
Chine, Allemagne, Italie) sont individualiss. Les donnes concernent aussi bien les
commandes (agreements) que les livraisons (deliveries). le rapport donne des sries
rtrospectives sur 8 ans (1990-1997 dans le rapport de 1998). Certains tableaux
donnent des regroupements quadriennaux (1990-1993 et 1994-1997). D'une dition
l'autre, il est procd certains ajustements sur les donnes, mais jusqu' prsent ces
ajustements restaient d'un volume limit et pouvaient tre considrs comme de
simples ajustements statistiques. Il n'en est pas de mme dans le rapport 1998 qui
procde une rvision trs importante des donnes concernant les Etats-Unis. Si on
compare les donnes concernant les sept annes communes (1990-1996) des rapports
de 1997 et de 1998, on constate en effet que les livraisons totales d'armement des
Etats-Unis sur cette priode sont rvalues la baisse de 25% (76,9 milliards de
dollars suivant le rapport 1997, 57,4 suivant le rapport 1998), soit 19,4 milliards de
dollars de moins. Les rvaluations concernant les autres vendeurs importants ne sont
de la mme ampleur, mme pour ceux dont les rsultats peuvent prsenter des
difficults d'apprhension statistique : les chiffres pour la Chine ne varient pas, ceux
pour la Russie sont trs lgrement augments (de 34,8 35,2 milliards de dollars),
comme pour le Royaume-Uni (de 35 35,2). Les rsultats de la France sont revaloriss
de presque 5% (de16,7 17,5 milliards de dollars). La rvaluation est plus forte pour
l'Allemagne (de 10 11,2 milliards de dollars). En fait la variation la plus sensible
concerne la catgorie "autres pays europens"5 dont les ventes 1990-1996 estimes en
1997 14,8 milliards de dollars sont revus la hausse en 1998 18,5 milliards de
dollars. Mais il est vident que le mouvement n'est pas du mme ordre de grandeur que
celui qui touche les ventes amricaines.
De plus cette baisse de 25,2% des valuations de ventes amricaines concernent
aussi bien les ventes aux pays en voie de dveloppement (-25,8% de 51,7 milliards de
dollars 38,4) que les ventes aux pays dvelopps (-24,2% de 25,2 milliards de dollars
19,1), ce qui exclut que cette baisse soit lie aux conditions de crise conomique des
pays asiatiques ou d'Amrique latine, ou la faiblesse du prix du ptrole.
4 Richard F. GRIMMETT, Conventional arms trasnfers to developping nations 1990-1997, juillet
1998, CRS report for congress, 84 pages.
La mme rvision drastique la baisse s'applique aux commandes passes
l'industrie amricaine : le montant total des commandes des annes 1990-1996 tait
estim par le CRS en 1997 113,4 milliards de dollars. En 1998, pour la mme
priode, l'valuation n'est plus que de 80,7 milliards de dollars (-28,9%). La baisse est
trs marque pour les commandes des pays en voie de dveloppement (qui passent de
73,4 48,7 milliards de dollars, soit une baisse de 33.6%), mais elle est loin d'tre
ngligeable pour les pays dvelopps (de 40,1 32 milliards de dollars, soit une baisse
de 20,2%).
Bien entendu, le rsultat de ces rvisions de sens contraire (forte baisse pour les
ventes amricaines, hausse pour les autres pays) est de minorer substantiellement la prt
des Etats-Unis dans le commerce mondial d'armement : ainsi pour l'anne 1996, la part
des Etats-Unis dans les livraisons mondiales d'armement ne serait plus de 45,8% mais
de 31,5 % et pour le cumul 1990-1996 cette part passerait de 35,7% 28,3%.
le rapport ne fournissant pas d'indications mthodologiques susceptibles
d'expliquer l'importance de cette rvision, il est bien entendu impossible de trancher
sur le niveau rel des donnes. Cependant, Il n'est pas interdit de considrer que cette
rvaluation radicale qui minore la place des Etats-Unis dans le commerce mondial
des armements permet de conforter l'ide d'une sorte de "arms sales gap", de "retard"
des Etats-Unis qui conduirait les acteurs d'outre-atlantique accrotre encore leur
pression dj trs sensible sur les marchs mondiaux d'armement. Bien entendu,
l'enjeu de cette pression est bien loin d'tre uniquement conomique, il est
indissolublement politico-stratgique. C'est le rapport de force entre producteurs
europens et producteurs amricains qui est en jeu ici.
Limportance de cette rvaluation dans une source qui est devenue, au fil des
ans, une des rfrences principales illustre la ncessit de disposer dans lavenir de
sources contrlables et comparables.
Il serait donc pertinent que, dans le cadre des activits de Pugwash, on mette sur
pied un groupe de travail, comportant en particulier des conomistes et experts en
transferts darmements des principaux pays exportateurs (EU, RU, France, Russie,
5 pays europens, l'exclusion de France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie.
Chine, Allemagne, Italie notamment) de faon tablir des donnes plus dtailles et
vrifiables sur les valeurs financires des transferts darmements, pays par pays dans
un premier temps, puis fournisseur (entreprises) par fournisseur dans un deuxime
temps.
2 Suivre le mouvement de transnationalisation des firmes darmements.
Dans le mme esprit (avoir une meilleure connaissance conomique des
phnomnes lis aux transferts et la production darmement), il est srement
souhaitable dtre trs attentif lvolution des structures industrielles des systmes de
production darmement.
Dans ces dernires annes, les volutions principales ont t caractrises par les
phnomnes suivants :
- privatisation : la plupart des arsenaux dEtat ont t transforms en socits. Les
socits nationales ont t privatises (totalement ou partiellement). Le mouvement
est particulirement fort en Grande-Bretagne, France, Italie, Espagne, Sude
- diversification : les firmes sont gnralement moins spcialises dans la production
militaire. Elles sont donc moins dpendantes des commandes de lEtat.
- Concentration : le mouvement le plus visible est bien sur celui qui a produit aux
Etats-Unis lmergence de trois groupes gants : Boeing-McDonnell, Lockheed-
martin-Loral, Raytheon-Hughes, mais il se dveloppe aussi en Europe (British
aerospace - Marconi en Grande-Bretagne Arospatiale-Matra en France, Dasa en
Allemagne).
Jusqu prsent ces concentrations se sont faites dans un cadre national (en ce qui
concerne les Etats-Unis) ou dans un cadre national ou europen (en ce qui concerne les
pays europens). Mais ce mouvement de concentration a peu de chances de rester
totalement lcart de lvolution conomique mondiale. Or, ce quon observe dans
les autres secteurs (banques, assurances, nergie, automobile, industrie) cest la
constitution dalliances transfrontires. Il est donc vraisemblable que dans les annes
venir, on assiste une telle transnationalistion des entreprises darmement.
Ce phnomne posera videmment des problmes de contrle politique. Les
Etats risquent de perdre une partie de leur matrise sur les entreprises du secteur. Les
rglementations elles-mmes (en particulier quant aux exportations) risquent dtre
remises en cause. La politique des entreprises sera de moins en moins influence par
les dcisions tatiques, de moins en moins contrle. Un tel processus ne peut
quouvrir la voie une dissmination accrue des armements de toute nature.
On propose donc de crer un groupe de travail de pugwash spcialement consacr
cette question (ou den faire une partie du programme de travail du groupe propos
dans le point 1), de faon suivre de prs les alliances industrielles transfrontires et
valuer sans retard les consquences de cette volution quant aux capacits de contrle
des Etats.