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Dudeisme : gloire au Dude ! p.7 Islam : la musique fait fausse note p.6 Une église transformée en logements sociaux p.3 www.10dumat.iscpalyon.com Actualité, analyse et dérision, tout sur les religions à Lyon PROMOTION 2015 / 2016 - ISCPA - J3 - JEUDI 11 FEVRIER 2016 N° 15 La religion : un mauvais élève ? @le10duMat

10 du mat du jeudi 11 février 2016

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Dudeisme : gloire au Dude ! p.7

Islam : la musiquefait fausse note p.6

Une église transformée en logements sociaux p.3

www.10dumat.iscpalyon.com

Actualité, analyse et dérision, tout sur les religions à LyonPR

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un mauvais élève ?

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EDITOPaul Dallas Rédacteur

Il y a quelques semaines, au tout début de la création de ce journal, je rencontrais une théo-logienne pour une interview. L’entretien termi-

né, nous prenions un moment pour discuter et je lui posais la question : « Depuis que vous vous intéressez à ces questions, avez-vous observé une montée des extrêmes religieux ? ». « Ça ne fait aucun doute » me répondit-elle. Je posais ensuite la question à un musulman d’un certain âge et très investi dans sa communauté. Même réponse. J’interrogeais alors un écrivain essayiste et spé-cialiste des systèmes de pensées religieuses qui m’expliqua que, si les branches les plus extrêmes des religions gagnaient en ferveur et en nombre de fidèles, c’était à cause de la mondialisation. Pour résumer ses propos, l’évolution des moyens de communication a fait se rencontrer et cohabi-ter les différentes religions. Alors qu’elles étaient autrefois très éloignées les unes des autres, et que leurs rencontres étaient anecdotiques. Au-jourd’hui, elles sont en concurrence - très vio-lemment parfois - sur les cinq continents. Près de deux tiers de la population mondiale est croyante. Aucun pays dans le monde n’est majoritaire-ment athée. Aux Etats-Unis, des athées sont régulièrement discriminés à l’embauche. Au Maroc, Kacem el-Gazzhali a reçu des menaces de mort pour s’être affirmé athée. En Rus-sie, ex-pays soviétique et athéiste, seulement 5% de la population déclare être sans religion. Face à l’absence de contradiction organisée, la re-ligion semble s’imposer dans les débats.

Le monde des religions

Hijarbie, une barbie voilée populaire sur les réseaux sociaux

Après la Barbie aux formes arrondies, voici la poupée voilée. Haneefah Afam, une étudiante en médecine de confession musulmane, veut prouver qu’il est tout à fait possible d’être «tendance» avec un

hijab. Celle qui porte elle-même le voile souhaite également que les petites filles musulmanes puissent s’inspirer et s’identifier à travers une poupée qui leur ressemble. Au Nigéria, près de 50 % de la population est musulmane et le port du voile est une chose courante chez les femmes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Hijardie rencontre un franc succès sur les réseaux sociaux. En postant chacune de ses créations, l’« Instagrameuse » de 24 ans possède plus de 27.000 abonnés. Un nombre qui grossit d’heure en heure. Pourtant, cette initiative divise la toile. Emy, catholique et étudiante en res-sources humaines, ironise : « A-t-on déjà vu une Barbie avec des croix autour du cou ou une kippa sur la tête ? » Tandis que Meihdine, étudiant en com-merce de confession musulmane, approuve : « c’est une super initiative car il n’y a pas de raison que seules certaines filles s’identifient à cette poupée.»

La Thaïlande boude le bouddhisme

La Constitution thaïlandaise ne reconnaîtra pas le bouddhisme comme « religion nationale du pays ». C’est la décision prise par le comité de rédaction de

la nouvelle Constitution. Une clause rejetée malgré les pressions fréquentes de certains groupes bouddhistes. Déjà évoquée en 1997, 2007 puis 2014, cette volonté de faire du bouddhisme la religion nationale est pourtant très populaire en Thaïlande, portée par la communauté monastique bouddhiste et la majeure partie de la popu-lation. En effet, sur 68 millions d’habitants, 90% sont de confession bouddhiste. Pour ces militants, il s’agit de répondre à une menace intérieure, due à la méconduite de beaucoup de moines, mais également à l’extérieur, avec le poids des minorités musulmanes (qui repré-sentent 80% de la population dans le sud thaïlandais) et chrétiennes (de 1% seulement). Pourtant, pour ces détracteurs, majoritairement laïcs, c’est un danger pour la Thaïlande.

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Speed dating et islam, un

mélange made in Australia

Détruire les préjugés sur l’islam et dédia-boliser les femmes musulmanes, tels sont les objectifs de Hana Assafiri, jeune

femme maroco-australienne. Pour cela, la pro-priétaire du Moroccan soup bar à Melbourne a organisé un premier speed dating dans le-quel une trentaine d’hommes ont pu poser les questions qu’ils souhaitaient à des musulmans. Au menu de ce rendez-vous peu formel : port du voile, violences domestiques, mariage for-cé... « La seule condition est de rester respec-tueux», raconte la jeune femme à l’Orient-le-Jour. Cependant, cette dernière le précise : « Chaque femme offre son opinion et ne parle pas au nom de tous les musulmans. »

Athée-rrissons !

Directrice de la publicationIsabelle DumasDirecteur de la rédactionRaphaël RuffierRédactrice en chefLéa MasseguinRédacteursAxel Poulain, Lilian Gaubert, David Hernandez, Laura Turc, Florentin Perrier, Maxime Feuillet, Leo Roynette, Léa Masseguin, Charline Bakowski, Hugo Borrel, Charlène Ravella, Pierre-Antoine Barut, Arnaud Bastion, Johanne-Eva Desvages, Paul Dalas, Stéphane Monier, Morgan [email protected]

Pour réagir et approfondir la lecture

www.10dumat.iscpalyon.com

51% Un récent sondage publié par l’institut Pew research center révèle que plus de la moitié des Américains (51%) ne souhaiterait pas voter pour un candidat qui « ne croit pas en Dieu ».

Pour toucher un public de jeunes musulmanes, une Nigérienne a décidé de concevoir des voiles miniatures pour sa Barbie, tout en postant ses photos sur un compte Instagram à son effigie.

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Maxime Feuillet

Le Cœur Immaculé de Marie ne bat plus

Actualité

Au 34 rue Richelieu, dans le quartier de la Ferrandière, proche des Maisons-Neuves à Villeurbanne, l’église du Cœur

Immaculé de Marie vit ses dernières heures. La paroisse, construite aux prémices du XIXè siècle, est aujourd’hui cernée par les grillages et autres permis de démolir. Dans quelques mois, cet imposant édifice religieux laissera place à un centre d’hébergements sociaux. Celui-ci comprendra un immeuble de 17 logements sociaux, un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) composés d’une dizaine d’appartements et de 22 chambres individuelles. Au total, le centre pourra accueillir jusqu’à 70 personnes. .

La genèse de ce projet remonte à février 2012. À l’époque, le Conseil de quartier Ferrandière/Maisons-Neuves interpelle

Richard Llung, adjoint à l’Urbanisme à la mairie de Villeurbanne au sujet du devenir de l’église du Cœur Immaculé de Marie. L’adjoint municipal répond : « Un projet pourrait voir le jour autour de l’église. Pour l’heure, il n’est pas abouti. L’un des fondamentaux d’un éventuel projet est la conservation de la façade et du volume de cette église. Elle participe au paysage de la ville, de son animation et de son histoire, aussi

est-il judicieux d’envisager une évolution et non une démolition. » Mais quelques mois plus tard, en mars 2013, la commission Urbanisme du conseil de quartier détaille ce fameux projet : « La conservation de l’église était en contradiction avec la rentabilité du projet. L’option choisie est de raser l’essentiel de la construction, mais d’en conserver une partie des murs et les sols, afin de créer un patio. » La paroisse sera donc démolie.

Une démolition qui pose problème

Les riverains et associations de quartier accusent le coup. Parmi celles-ci, Cadre de vie et patrimoine, une organisation qui milite pour assurer le bien-être des citoyens villeurbannais et la préservation du patrimoine de la ville. En octobre 2014, le collectif créé, sur internet, la pétition « Non à la démolition de l’église de la Ferrandière » qui compte aujourd’hui 358 signatures. Hélène Percherancier, présidente de l’association, développe : « Cette démolition touche au cadre de vie car beaucoup d’habitants du quartier de la Ferrandière sont attachés à cette église qui a toujours fait partie de leur environnement. Ça touche aussi au patrimoine puisqu’on s’attaque

à l’un des derniers vestiges du château de la Ferrandière, qui a marqué la ville et le quartier autrefois. »

D’autres critiques visent, quant à elles, la décision du diocèse de se séparer de ce terrain et de donner son aval à la démolition de la paroisse. De son côté, la Direction des affaires économiques du diocèse de Lyon explique : « En 2009, nous avons lancé une grande étude sur les bâtiments paroissiaux de Villeurbanne et nous avons dû faire des choix sur les lieux à rénover et à réhabiliter. Mais pour faire ces choix, il a fallu faire des abandons puisque le diocèse n’a pas des revenus pharamineux. Ce sont les paroissiens qui ont fait ces choix et il a finalement été décidé de délaisser cette église du Cœur Immaculé de Marie mais avec l’obligation de mettre en place sur ce lieu un projet social. » Ainsi, la dernière messe au sein de cette paroisse a été célébrée en juin 2014 après la signature d’un compromis pour un bail emphytéotique de 57 ans entre le diocèse et Métropole Est Habitat. Les travaux du centre d’hébergements sociaux devaient débuter à l’été 2015, ils ne commenceront que courant février. La livraison ne se fera qu’en 2017.

Le chantier de l’église de la Ferrandière doit commencer dans les prochains jours. Transformée en centre d’hébergements sociaux, cette paroisse s’apprête à être démolie.

Voici à quoi ressemblera lʼéglise de la Ferrandière après sa reconstruction.(Projet 3D) ©DR

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1 - Fier de votre religion ?

Selon l’enquête sociologique du CNRS et de Sciences-Po Grenoble dirigée par Sébastien Roché, politologue spécialiste de la délin-

quance et publiée par le Nouvel Obs, 90,7% des musulmans, 65% des athées et 49,4% des catho-liques sont fiers de leur religion1. De notre côté, la quasi totalité des élèves interrogés ont un sentiment de fierté vis-à-vis de leur religion. Qu’ils soient mu-sulmans ou chrétiens, tous se sentent pleinement appartenir à leur confession. « Depuis les attentats, j’ai encore un peu plus envie de le revendiquer, de montrer que nous ne sommes pas tous pareils. Je dirais même que c’est un devoir. Comme dans toutes les religions, il y en a qui font n’importe quoi et nous nous devons de combattre ces dérives », confie Ha-chim, 18 ans. Marie et Bilal, tous deux en classe de première au lycée Ampère, avouent être plus soli-daires avec les autres membres de leur confession. « Dans la classe, je sens qu’il y a plusieurs commu-nautés, et ça ne se mélange pas beaucoup », dé-clare Marie.

2 -Quelle est l’origine des espèces vi-vantes?

Sur ce point, les avis sont tranchés. Pour les cinq lycéens athées interrogés, tous s’accordent sur le fait que l’homme est issu de l’évolution. Selon les

1- Chiffres tirés de l’échantillon de 9.000 collégiens des Bouches-du-Rhône, interrogés entre avril et juin 2015

résultats de l’enquête, en tenant compte du fait que 28% des élèves interrogés se sont abstenus, 66,3% des athées sont de cet avis. Côté musul-mans, le pourcentage augmente à 71,8% pour un taux d’abstention peu ou prou similaire. Et sur les trois musulmans ayant répondu à nos questions, tous sont convaincus du rôle prépondérant de Dieu dans la création de l’homme. Les chrétiens rencon-trés sont, quant à eux, plus partagés. Un fait que l’étude semble valider puisqu’ils sont 30% à pen-cher en faveur de l’évolution, 48,2% en faveur de Dieu et 21,8% à ne pas se prononcer. Une indéci-sion que Siegfried, étudiant centrafricain de 17 ans, confirme, « la science explique tout de l’évolution des créatures. Mais, à l’origine, il est évident que Dieu a été le point de départ de toute chose vivante ou non. » Un point de vue que partage Paul, lui aussi d’obédience catholique.

3 - Quel est le rôle de la femme ?

C’est à partir de là que le débat s’anime. Pour les athées, l’homme et la femme n’ont aucun rôle pré-défini si ce n’est que d’être les représentants de chaque sexe de leur espèce. Selon eux, ils doivent être égaux puisqu’ils sont capables des mêmes choses. Une tendance qui se rapproche des ré-sultats de l’enquête sociologique qui montrent que 64,4% des élèves sondés pensent que la femme n’est pas faite que pour concevoir des enfants et les élever, 19,2% supplémentaires n’étaient plutôt

pas d’accord avec cela. Siedfried poursuit cette idée mais tient à l’atténuer : « La femme est une personne au rôle essentiel, au même titre que l’homme. Nous sommes tous fils et fille de Dieu. Notre rôle c’est lui qui nous le donne et ce n’est pas à nous d’en dé-cider ». « Biologiquement parlant, c’est-à-dire sans langue de bois, il faut tout de même considérer qu’il y a des différences d’aspiration, de besoins et de fonctionnement, qui complètent l’homme. Leur rôle est donc le même que celui des hommes : perpé-tuer l’espèce », explique Jean. Du côté des élèves musulmans que nous avons questionné, l’avis est unanime bien qu’il varie en intensité. La femme est là pour combler l’homme, pour satisfaire les tâches ménagères, le besoin conjugal et doit par dessus tout le respect à son mari.

4 - Les livres et les films qui attaquent la religion doivent-ils être interdits ?

Sur cette question, nous avons observé deux pen-sées. Celle des non-religieux, pour qui il est néces-saire de les accepter au nom de la liberté d’ex-pression. Pour Paul, « une critique de religion est tout à fait concevable. Il est essentiel de réfléchir sur le sens, le but, et l’utilité d’une religion ». Alors que celle des religieux se rejoignent. Pour eux, il est inconcevable de critiquer un dieu ou un prophète. Sonia, convertie à l’islam, explique qu’ « à partir du moment où il y a volonté d’attaquer qui ou quoi que ce soit, il faut l’interdire. Inciter à la haine n’a jamais été une bonne chose. » Bilal accentue quant à lui la

À son échelle, la rédaction du « 10dumat » a tenté de voir si l’enquête publiée la semaine dernière par le Nouvel Obs au sujet de la religion à l’école avait du sens. Une dizaine d’étudiants appartenant aux lycées La Martinière Monplaisir, Ampère, Lumière et Saint-Just ont accepté de répondre à quelques unes de nos questions.

Hugo Borrel

Confidences de lycéens sur leur rapport à la religion

Le dossier

90,7% des musulmans, 65% des athées et 49,4% des catholiques se disent fi ers de leur religion.©DR

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version de sa camarade : « Dans ma classe, beau-coup de musulmans pensent qu’à cause de cer-tains qui sont allés trop loin, il faut désormais tout arrêter. Les livres et les films critiquent sans cesse l’islam. ». Une tendance qu’il est possible d’obser-ver grâce à l’enquête puisque 53,3% des musul-mans pensent que les films et les livres devraient être interdits. 13,1% d’entre eux continuent de penser que cela doit être autorisé.

5 - Si une loi heurtait vos principes religieux que feriez-vous ?

Sur cette question, les avis divergent. Selon les résultats de l’enquête, 33,9% des catholiques, 68,1% des musulmans et 47,3% des autres religieux suivraient leurs principes religieux. Il semblerait donc qu’il s’agisse de convictions personnelles. Nous avons pu ob-server de notre côté que certains expliquent que tout dépendrait de la loi. D’autres, beau-coup plus catégoriques, confient qu’ils sui-vraient quoi qu’il arrive leurs principes religieux. De son côté, Camille, athée, pense que si elle avait été croyante, elle aurait pu manifester contre une portant atteinte à sa religion. Ju-lien, chrétien orthodoxe a, quant à lui, une vision plus large de la question : « Une loi heurtant mes principes religieux porterait

atteinte aux libertés individuelles fondamentales. Quelle que soit la religion, ce n’est pas tolérable. Personne ne devrait être pour le fait de suppri-mer nos libertés fondamentales, sous prétexte du bien-fondé. »

6 - Que pensez-vous du mariage hors religion ? De l’homosexualité ?2

Là encore, une grande diversité de ré-ponses. Mais aucune tendance reli-gieuse hormis les élèves musulmans. Pour eux, le mariage doit se célébrer dans le cadre religieux, avec une personne du sexe opposé, de confession musulmane. Hors de question donc de parler d’homo-sexualité. Pour ce qui est des chrétiens et des catholiques, c’est environ du 50-50. Il y a ceux qui sont pour et ceux que ça dérange. Il s’agit donc d’un sujet qui touche à la subjectivité de la personne.

7 - Vous vous sentez plus attachés à la religion ou à la République ?

Trois postures différentes sont à observer. Il y a ceux qui sont 100% en faveur de la République et exclusivement athées. Il y a également ceux

2 - Les questions 6, 7 et 8 sont internes à la rédaction.

qui se disent totalement religieux. Et ceux qui mettent les deux au même niveau. D’après Sieg-fried, « la République est très importante, pour ses valeurs et ce qu’elle représente. Elle m’a appris à être un homme. La religion a fait de moi ce que je suis également. Disons que la République est mon père, la religion ma mère ». Julien ne penche en faveur de « Ni l’un ni l’autre, l’un surélève des hommes sous couvert d’une structuration. Pour-quoi pas. Et l’autre, la « religion «, formalise des croyances. Ça peut être bien. Mais à bon escient ».

8 - Est-ce que vous en parlez librement à l’école ?

Tous en parlent de manière plus ou moins libre, c’est vrai. C’est un sujet de discussion récurrent. « J’en parle en ce moment même avec plaisir », plaisante Hachim. La différence se fait de manière que ces discussions soient vécues par les élèves. Pour certains, celle-ci est possible mais leur point de vue ne change pas. D’autres, plus ouverts, aiment en parler et connaître l’avis de leurs ca-marades. Et ce, même si leur avis sont totalement divergents, expliquant que cela ne peut que les enrichir. Selon les résultats de l’enquête et les témoignages recueillis, la diversité des points de vues et des ressentis sont donc de mise dans un monde lycéen marqué par sa complexité.

Confidences de lycéens sur leur rapport à la religion

« Quelque part, l’intérêt d’un tel dossier c’est qu’il nous apporte des données chiffrées qui viennent confirmer une tendance. Parce que sinon, il enfonce des portes ouvertes. Les problèmes que ren-contrent notre profession ne datent pas d’hier ». Catherine, profes-seure d’Histoire-Géographie dans un lycée de Lyon, a remarqué que, « plus les années passent, plus les lycéens semblent impliqués dans leur vie religieuse et se reven-diquent de telle ou telle confession ». Michèle, enseignante dans un ly-cée de la banlieue lyonnaise par-tage cet avis mais pour elle, « ce phénomène a pris une tout autre ampleur depuis 2012 et les at-taques de Mohammed Merah. On a commencé à voir des re-

vendications identitaires de plus en plus nombreuses ». Toutefois, le phénomène aurait pu en rester-là mais il n’a cessé depuis de croître et d’accroître les divisions. Entre élèves de différentes confes-sions et entre élèves et profes-seurs, défenseurs de la laïcité. « On a vraiment eu du mal à gérer le post-attentats Charlie Hebdo, ç’était terrible. Certains élèves mu-sulmans se sont mis à invoquer la théorie du complot, expliquant que les véritables auteurs de ces actes étaient de confession juive. D’autres ont perturbé la minute de silence. Depuis j’ai des collè-gues qui ne veulent plus aborder certains sujets de peur de ne pas arriver à gérer », rajoute Michèle.

« C’est compliqué, ils ne nous écoutent pas »

Pour Catherine, il y a une raison prin-cipale à ces dérives : internet et plus largement les réseaux sociaux. « Oui, internet est un formidable outil péda-gogique. Mais dans ce cas là, il nous dessert ». Prédicateurs YouTubeurs, théories du complot et forums reli-gieux sont tout autant de moyens pour la jeune génération de vivre leur foi de manière inappropriée. « Notre objectif est de déconstruire cet apprentissage religieux 2.0. Mais pour la plupart, ils ne veulent rien entendre. C’est vrai que c’est compliqué, ils ne nous écoutent pas », poursuit Catherine. Le problème semble toutefois plus profond. Bien que le gouvernement ait mis en place un certain nombre

de mesures – un programme de for-mation de 300.000 enseignants à la laïcité, la mise en place d’un enseigne-ment moral et civique, la distribution d’un guide de la laïcité à tous les chefs d’établissement et l’instauration d’une journée annuelle de la laïcité – le corps enseignant éprouve des difficultés à convaincre les élèves. Pour certains, la laïcité est devenue une religion à part entière en même titre que les trois grandes religions monothéistes. Elle n’apporte donc plus une certaine paix en terme de religion mais contri-bue, à sa manière, à perpétuer les cli-vages religieux observés jusqu’alors. La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, va donc de-voir redoubler d’efforts pour réussir son examen de passage. Affaire à suivre…

Quand les enseignants font face à la religionDes convictions religieuses qui s’affirment et s’opposent aux enseignements universels, c’est ce à quoi doit faire face le monde enseignant depuis quelques années. Certains professeurs ont accepté de nous répondre. Témoignages.

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Léo Roynette

Société

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« Celui qui écoute de la musique risque d’être transformé en singe ou en porc ! » La phrase

avait fait le tour de l’Hexagone. Dans une vidéo mise en ligne en mai 2014, on pouvait voir l’imam de Brest Ra-chid Abou Houdeyfa s’adresser à un parterre d’enfants l’écoutant reli-gieusement. « Ceux qui chantent, le prophète a dit qu’ils seront engloutis par la terre . » Les enfants boivent ses paroles. La vidéo avait fait le buzz et se retrouvait au centre des débats dans les médias. « Il faut le mettre dans un asile psychiatrique ! » s’était amusé Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, au micro de France Inter. Et de poursuivre : « Les musulmans ont développé la musique durant le Moyen-âge et des compa-gnons du prophète la pratiquaient eux-mêmes. »

Alors l’imam Houdeyfa n’était-il qu’un imposteur prêchant l’islam à tort et à travers ? Ou s’agissait-il d’une inter-

prétation des textes sacrés comme il en est légion ? Il y a un an, le groupe État islamique publiait des clichés pris à Derna, dans l’est de la Libye. On peut y voir les terroristes brûler des instruments de musique « non islamiques », tels que des batteries, des saxophones et des tambours. Une scène qui n’est pas sans rappe-ler le film Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, récompensé par le César du meilleur film de 2015. Les extrémistes religieux font alors régner la charia sur la ville malienne, et y interdisent notamment le football et la musique.

L’islam ne se limite pas au Coran

Mais loin de n’appartenir qu’aux groupes islamistes, cette pensée rigoriste est largement relayée sur internet, notamment sur des forums musulmans français, où des fidèles venant avouer leur amour pour

la msique et en discuter avec « leurs frères » de confession se heurtent la plupart du temps au même discours prohibitif. Pour justifier cette interdiction, les « anti » s’appuient sur différents ha-diths, écrits des compagnons du pro-phète. D’après Abou Malik Al Ach’ari, le Prophète a dit : « Il y aura des gens dans ma communauté qui vont rendre licite l’adultère, la soie, le vin et les instruments de musique. » Une inter-diction que Najib Azergui, fondateur de l’UDMF (Union des Démocrates Musulmans Français) veut tempérer : « La musique est à écouter avec mo-dération car son emprise peut détour-ner les pensées du croyant d’Allah. Cependant, tous les hadiths n’ont pas la même force. Certains sont authen-tiques et validés par des savants.

D’autres, rapportés par une seule personne, n’ont pas été renforcés par d’autres témoignages similaires et peuvent être totalement incohérents

face à des hadiths authentiques. De plus, ils ne sont pas universels. Les chiites par exemple ne reconnaissent que certains hadiths. »

Toute religion compte des pêcheurs

De manière générale, l’acceptation de la musique par les musulmans ne dépend grossièrement que de leur foi. En atteste la clientèle de Fran-çois Ayoub, gérant de la boutique d’instruments de musique orientaux Sons de l’Orient : « La plupart de mes clients sont musulmans et cela ne les empêche pas d’acheter des instruments. Toutefois, une cliente m’a déjà demandé d’enlever les cymbales d’un riq (petit tambourin assorti de cymbales) car cet instru-ment était interdit par sa religion. En Egypte, d’où je suis originaire, tous les musiciens sont musulmans. » Alors, quid de cette interdiction ? Globalement, il semblerait que

l’islam interdise la musique, ou en tout cas la déconseille. Est-ce grave ? Les diffé-rentes religions ont toutes avec elles leur lot d’inter-dits. Cela n’empêchera pas leurs fidèles de braver les règles et de commettre des pêchés. Ce n’est pas pour rien que les Dieux de toutes confessions sont qualifiés de miséricordieux.

De nos jours, la musique est partout. Dans les médias, dans les magasins, dans la rue. Le monde paraîtrait bien étrange sans musique. Pourtant, certains musulmans décident de s’en passer, au nom de leur religion. D’autres fidèles, au contraire, n’y voient aucun inconvénient. Alors la musique est-elle la corde sensible de l’islam ?

L’islam interdit-il vraiment la musique ?

lʼEtat islamique a décidé de brûler les ins-truments de musique car non conformes à la charia © DR

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Pierre-Antoine Barut

E n 2005, Oliver Benja-min, journaliste de Los Angeles basé en Thaï-

lande, cherchait une religion en phase avec les valeurs et les convictions qu’il prônait. C’est en regardant le long mé-trage des frères Cohen, The Big Lebowski, en s’attardant plus par ticulièrement sur le per-sonnage principal du film, le Dude, qu’il a eu une révélation. Selon lui, l’attitude, le détache-ment et l’ouver ture d’esprit du personnage joué par Jeff Bridges formaient une symbolique parfaite pour créer sa propre religion. Cette même année, il décida donc de fonder The Church of The Latter-Day Dude, que l’on peut traduire par « L’Eglise du dude du dernier jour » ou encore « L’Eglise moderne, mon pote ». Auto-baptisé Dudely Lama, Oliver Benjamin est donc le membre le plus connu du Dudeisme et se force dès lors à faire comprendre le message dudeiste à travers le monde.

Qu’est ce que le dudeisme ? Pour Baptiste, étudiant en informa-tique à Lyon et membre dudeiste, « tu fais ce que tu veux. » Basée sur différents mantras comme « Ta-kin’ it easy », « Going with the flow » ou encore « The Dude Abides », que l’on traduit respectivement par « l’impor tant c’est de se la cou-ler douce », « Laisse-toi aller » et « Le Dude reste le Dude ». Le dudeisme prône donc le détache-ment permanent face aux difficultés de la vie. « En fait, il s’agit vraiment de s’amuser et de profiter des pe-tites choses du quotidien, sans se prendre au sérieux », ajoute Bap-tiste. Dans le film, Jeff Lebowski (le Dude), appréhende le bowling (son spor t favori) comme un plaisir simple et journalier, dont le bon-heur de le pratiquer va bien au-delà d’une accumulation d’éventuelles richesses. C’est justement ça le message du dudeisme ! Le bonheur et l’accomplissement personnel se-raient liés à la richesse humaine et

spirituelle, contrairement au fait de dépenser son argent pour accéder à la satisfaction matérielle. Baptiste précise : « Il y a différentes façons d’appréhender le dudeisme. Tu peux y aller pour le fun, cela peut aussi montrer l’absurdité de la religion en tant que tel, parce qu’il s’agit quand même d’un truc sor ti de nul par t qui a réussi à s’ imposer comme une religion reconnue. Tu peux aus-si y aller parce que tu aimes bien « chiller » au quotidien, il y a plein de raisons. .. » Devenir prêtre en un clic Pour devenir membre de la religion du dudeisme, rien de plus simple. « Tu remplis un formulaire sur inter-net, sur le site de l’église dudeiste et tu es automatiquement ordonné prêtre ». En plus de devenir prêtre, les membres du dudeisme peuvent se donner le statut qu’ils sou-haitent. « Mon colocataire et moi sommes devenus Lord. En plus, pour 40 euros, tu peux acheter

une parcelle de terre de 30cm2 en Ecosse. Je suis donc proprié-taire de cette parcelle ! », précise Baptiste. En plus du côté fun de la chose, cette possibilité d’acqué-rir un bout de terrain dégage un côté écologique. « Cette parcelle se situe dans un parc national. Si 10.000 personnes achètent 30cm2 de terre et que quelqu’une veut construire quelque chose sur ces parcelles, il est obligé de contacter ces 10.000 personnes. C’est donc l’enfer pour lui », ajoute Baptiste. De par t son statut de prêtre re-connu, Baptiste peut dorénavant marier des gens ! « Aux Etats-Unis, un mec a acheté un lieu de culte et en a fait l’Eglise dudeiste. Maintenant, grâce à mon statut, je peux dire à des gens qui veulent se marier « selon l’Eglise dudeiste je vous déclare officiellement mariés ». Plus de dix ans après sa création, le Dudeisme s’est donc imposé comme une religion reconnue et compte à présent plus de 150.000 fidèles à travers le monde.

Le dudeisme : « l’Eglise moderne, mon pote ! »

Jeff Bridges, alias The Dude dans The Big Lebowski ©DR

Créé en 2005 par un jeune journaliste de Los Angeles, le Dudeisme est une religion dite agnostique, philosophique et extrêmement libertaire. Tiré du film The Big Lebowski, sorti en 1998, ce culte revendique la positivité des attitudes, plutôt décalées, de son personnage principal, le Dude. Attitude relâchée, non matérialiste, paresseuse et souvent sarcastique, les codes de cette religion ont déjà conquis plus de 150.000 personnes à travers le monde.

Il était une foi�...

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Les jeux de la rédaction

Devinette : quel est ce monument lyonnais ?

Pour le découvrir, rendez-vous sur note site : www.10dumat.iscpalyon.com

Pour connaître les résultats, rendez-vous sur note site : www.10dumat.iscpalyon.com

HORIZONTAL

5- Doctrine selon laquelle on ne peut connaître la vérité sur l’existence de Dieu.6- La loi canonique de l’islam régissant la vie religieuse, politique et sociale de certains Etats musulmans.8- Rivière du nord de l’Inde, considérée comme la plus sainte de tout le pays. 10- Edifice consacré au culte israélite.

VERTICAL

1- Fête chrétienne commémorant la résurrection du Christ.2- L’un des courants de l’islam.3- Ensemble de textes considérés comme sacrés par le judaïsme et le christianisme. 4- Couvre-chef des juifs. 7- Fondateur de l’islam.9- Principal patriarche des religions juive, chrétienne et musulmane et figure centrale de la Genèse.

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