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    Des semblants entre les sexes

    Des semblants dans la relation entre les sexesJacques-Alain Miller

    De nouveau, les semblants. Cette fois, impliqusdans la relation entre les sexes. *O sont les hommes, cet gard ? Peut-tre sont-ils

    plus captifs des semblants que les femmes, et peut-tre les femmes sont-elles plus proches du rel, detelle sorte qu parler des femmes et des sem-

    blants , ce sont les hommes qui sont la place dusemblant.

    La race des femmes

    Hsiode fut, semble-t-il, le premier parler, dans saThogonie, matrice dune norme quantit de my-thes, de la race des femmes genos gynaicon. Etensuite, partir de lui, dans la littrature grecque delAntiquit, on parle des femmes en termes de ike-lon, qui signifiesemblant, copie, de dolos, qui signi-fie ruse, de pema qui signifie calamit. Ce qui veutdire que calomnier les femmes est une chose qui acommenc il y a trs longtemps.Smonide, de la ville bien nomme dAmorgos,avait dj crit un pome nommIambe, dans lequel

    il ne parle pas degenos gynaicon, mais de tribus defemmes. Il numre, dans ce pome, rcemment r-dit en Angleterre, les femmes. Ce pome est uncatalogue fait, cela va sans dire, sans connatre le

    Don Juan de Mozart qui numre des types defemmes quil nappelle pas genos maisphyla, esp-ces. Le premier mot de son pome est celui de koris,qui se traduit de ct, mais, depuis Lacan, on se rendcompte que cela doit se traduire, non pas selonlunit, maisselon La diversit. Cest par ce mot queSmonide commence son pome.

    Jai, entre autres choses, lide risque dajouter untype de femme ce catalogue, que nous allons ren-contrer dans le cours de cette heure.Les citations mentionnes nous suffisent penserque la formulation de Lacan,La femme nexiste pas

    il ny a que les femmes tait quelque chose debien connu depuis toujours, au moins depuis lesGrecs. Aujourdhui, la formule de Lacan est suffi-samment connue du public pour que nous puissionsla prendre comme point de dpart.

    La femme nexiste pas ne signifie pas que le lieu dela femme nexiste pas, mais que ce lieu demeureessentiellement vide. Que ce lieu reste videnempche pas que lon puisse y rencontrer quelquechose. Dans ce lieu, ne se rencontrent que des mas-

    ques, masques de rien, suffisants pour justifier laconnexion entre les femmes et les semblants.

    Le rien, la pudeur et le respect

    Quappelons-nous semblant ?Nous appelons semblant ce qui a fonction de voilerle rien. En cela, le voile est le premier semblant.Comme en tmoignent lhistoire et lanthropologie,cest une proccupation constante de lhumanit quede voiler, de couvrir les femmes. Sans doute couvre-ton les femmes parce quon ne peut pas dcouvrirLafemme. Ainsi, il ne reste plus qu linventer.Dans ce sens, nous appelons femmes ces sujets quiont une relation essentielle avec le rien. Jutilisecette expression avec prudence, car tout sujet, telque le dfinit Lacan, a une relation avec le rien,mais, dune certaine faon, ces sujets que sont lesfemmes ont une relation avec le rien plus essentielle,

    plus proche.Freud pensait ce lien des femmes avec le rien par-tir du rien corporel, anatomique. Dans son article de1932, il numre quelques particularits psychiquesde la maturation fminine, comme il sexprime,

    parmi lesquelles il souligne la pudeur, quil situe

    partir de ce qui serait une intention initiale de voilerlabsence de lorgane gnital.Il y a l un paradoxe de la pudeur. la fois, selonFreud, elle voile labsence, en mme temps quelleconstitue cette absence comme quelque chose, cest--dire que lacte de voiler cre, fait natre, surgir.Les variations historiques de la pudeur nous le d-montrent, cest une invention qui, par sa localisation,attire le regard. On pourrait dire aussi quelle phalli-cise le corps. Et les tmoignages dhommes ne man-quent pas, que ce soit dans la littrature ou dans la

    clinique, pour qui la pudeur apparat dans sa valeurphallique. Le voile de la pudeur peut, en effet, don-ner valeur de phallus, pour sexprimer commeFreud, nimporte quelle partie du corps, et l sedmontre que le maniement du voile est phallicisant.Il y a peu de distance entre la pudeur et le respect.Le respect signifie quil y a quelque chose qui nedoit pas se voir, qui ne doit pas se toucher. Commela pudeur, le respect vise la castration. Respecter,

    peut-tre serait-ce toujours respecter la castration.Ainsi, demander le respect, de respecter la distance,

    par exemple, au pre. Quest-ce qui se respecte chezle pre, si ce nest ce que disait Lacan une fois, saqualit dancien combattant ? Quand il y a respect,le rien est toujours en jeu, et, corrlativement, les

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    outrages. Do lon saisit que loutrage peut prendrevaleur rotique.Dans les groupes analytiques, on observe parfois ceque Lacan signale comme un respect dlirant, unedemande trs exigeante de respect de la part des an-ciens ou de ceux qui se mettent dans cette position.Ce qui a videmment voir avec le fait que

    lanalyste nexiste pas. Cest parce que Lanalystenexiste pas que le respect et ses susceptibilits oc-cupent dans le fonctionnement dun groupe analyti-que mmesi cest une cole une place que lon

    peut considrer excessive.

    Vers une clinique fminine

    Freud se limitait, semble-t-il, et la diffrence deLacan, une diffrence anatomique de la femme,considrant que, de fait, elle tait marque dun

    moins, que sa castration tait effective. Mais si lonadmet la construction qui conduit prciser le fait dece moins, la question demeure de sa subjectivation,cest--dire quel sens acquiert pour le sujet son ne-

    pas-avoir. Freud a propos comme significationfondamentale de ce ne-pas-avoir ce quil appelle le

    Penisneid, qui est le nom freudien du ne-pas-avoir.Ainsi, les portes souvrent de ce que nous pourrionsappeler clinique fminine . Sans aucune prten-tion dexhaustivit, on peut dj parler de cliniquefminine directement partir de la conceptualisation

    du moins. Dans ce chapitre de la clinique fminine,nous pourrions parler de la place que prend le senti-ment dinjustice, thme qui peut remplir des sancesanalytiques. Nous pourrions parler dun fantasmedinjustice fondamental. Nous pourrions peut-tredire cela ne manquerait pas dtre divertissant que lorigine mme du concept de justice doit sechercher dans la plainte fminine. Nous pourrionsaussi parler de lextension, de la frquence, de laconstance habituelle dun sentiment de dprciation,qui est aussi li ce que nous pouvons mettre, defaon un peu grossire, dans la parenthse dun sen-timentFreud met laccent sur les supplments que le sujet

    peut rencontrer, ou inventer, pour son moins, cemoins fondamental, selon lui, auquel le sujet est enrelation. Pour cela, il conduit linvestigation analyti-que jusquaux biens qui peuvent arriver colmaterce trou du moins. Il a mis laccent sur lobtenir, le

    possder. Et de fait, Lacan lui-mme senchantait designaler cette dnomination de la bourgeoise qui,

    dans la langue populaire, peut tre le nom delpouse Ma bourgeoise. On signifie ainsi quecest elle que revient spcialement le soin delargent de la famille.

    Lenfant aussi a t pris par Freud dans cette srie,et, en un certain sens, la maternit mme peut treconsidre comme formant partie de la pathologiefminine. Se transformer en mre, en Autre de lademande, cest se transformer en celle qui a par ex-cellence.La question reste ouverte. Se transformer en mre,

    est-ce la solution la position fminine ? Cest unesolution du ct de lavoir, et il nest pas sr queFreud ait labor une autre solution pour les femmesque celle du ct de lavoir.Il y a cependant une autre solution, ou un autreregistre de solution, qui est la solution du ct deltre. La solution du ct de ltre consiste ne pascombler le trou, mais le mtaboliser, le dialectiser,et tre le trou, cest--dire se fabriquer un tre avecle rien. De ce ct, souvre aussi toute une cliniquefminine, la clinique du manque didentit, dont

    lintensit chez les femmes nest en rien comparable ce qui se rencontre chez les hommes. Nous som-mes ainsi quasiment obligs de parler dun tre derien et dune douleur spcifique cet tre de rien.Au manque didentit sajoute un manque de consis-tance, observable dans ces tmoignages dun senti-ment de fragmentation corporelle. Cela peut allersuffisamment loin pour que lon voque une psy-chose, et que lon soit amen faire un diagnosticdiffrentiel. Nous pouvons situer, dans ce mmechapitre, le manque de contrle, cet affect par lequel

    on sent quchappe la matrise du corps. Il y a dansla clinique fminine des tmoignages de douleur

    psychique lie un affect de non-tre, dtre rien,comme des moments dabsence de soi-mme. Il y aaussi des tmoignages dune relation trange aveclinfini, qui peut aussi se prsenter au niveau de cequi nest pas fini, cest--dire au niveau dun senti-ment dincompltude radicale.

    Nous connaissons ici la solution que lon peut ren-contrer, qui consiste tre ce trou, mais en relation lAutre, comme si, pour chapper ce dfautdidentit, une solution tait de le dplacer verslAutre, en attaquant la compltude de lAutre. Celaconsiste penser qu lAutre, lAutre viril, manqueun trou, et soccuper lincarner. Correspond, cette variante dtre le manque de lAutre en le posi-tivant, ce que Lacan a apport la clinique souslexpression tre le phallus.Il faut sapercevoir que lexpression tre le phallusimplique dj une certaine dprciation quant lavoir de lAutre viril, une rduction de lavoir de

    lAutre au semblant.

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    Lacte dune vraie femme

    Lacan ne dit pas seulement que La femme nexistepas. Il dit, en outre, quil y a des vraies femmes expression qui nous pose un problme.Ce nest pas que lon ne comprenne pas que femmeet vrit puissent avoir quelque chose voir, puisque

    la vrit est distincte du savoir, quelle a structure defiction, et dpend ainsi du semblant. On comprendaussi que les femmes puissent tre localises commela vrit dun homme, en tant quelles rduisent lessublimations masculines des mensonges, etquelles incarnent, en tant que La femme nexiste

    pas, lchec de son concept.Que serait une vraie femme ?Il y a une rponse trs simple donner. Le vrai, dansle sens de Lacan, chez une femme, se mesure sadistance subjective de la position de la mre.

    tre une mre, la mre de ses enfants, est, pour unefemme, choisir de se faire exister comme La. Sefaire exister comme La mre est se faire existercommeLa femme en tant quelle a.Quand ce cri chappe-t-il Lacan ? Cest unevraie femme.Dun ct, cest toujours de cette faon que lon doitutiliser cette expression, car il ne sagit pas de cons-truire le concept deLa vraie femme. La vraie femmene peut se dire que une par une, et en une occasion,

    parce quil nest pas sr quune femme puisse se

    maintenir dans la position dune vraie femme. Celane peut se dire que comme tuch. Cest une vraie

    femme ne peut se dire quen un cri de surprise, quece soit dmerveillement ou dhorreur, et peut-treseulement quand on peroit que se touche, se faitvoir, que la mre na pas combl en elle le trou.Cest quelque chose qui sarticule au sacrifice des

    biens, et peut-tre une femme mrite-telle ce cri pr-cisment quand elle a consenti la modalit proprede sa castration. Je regrette, donc, de ne pouvoiroffrir un modle de mre suffisamment bonne,comme Winnicott, ou un modle dpouse de sou-tien.Dun autre ct, je voudrais dire quelque chose dun

    personnage qui peut nous figurer, nous donner unmodle, certainement extrme ce nest pas poursidentifier , du cest une vraie femme, suivant uneindication de Lacan. Il lindique beaucoup plus dis-crtement que moi, mais comme beaucoup de tempsa pass, il me semble que lon peut aujourdhui pr-senter Mde.

    Mde avait tout fait pour son homme, Jason. Elleavait trahi son pre, son pays, convaincu les filles dePlias de le tuer, et, pour cette raison, elle vivait enexil, Corinthe, avec son mari et ses enfants. Cest

    signal au dbut de la pice dEuripide, o il est ditexplicitement que celle-ci sefforait de consentir tout ce que dsirait Jason. Il ny avait aucun dissen-timent, elle tait lpouse et la mre parfaite. Un peucriminelle, un peu sorcire, mais, comme pouse etmre, parfaite. Cest alors que Jason lui annoncequil veut se marier avec une autre, avec la fille de

    Cron. Comme le dit Mde, cest un outrage. Etelle connat ce que nous pourrions appeler, avec nosmots daujourdhui, un moment de dpression. Dansses mots elle, elle a perdu la joie de vivre, elle estla proie des larmes, et nous avons ce chant si beau

    De tout ce qui respire et qui a conscience /il nestrien qui soit plus plaindre que nous, les femmes.Jason vient lui tenir de beaux discours, lui donnerdes explications, la rassurer quant ses bonnes in-tentions il va soccuper de ses enfants, payer lesfrais Elle refuse les dons. Comme elle le dit expli-

    citement, elle est dj dans une zone o lavoir naplus aucune valeur sans cet homme-l.Comment labore-t-elle sa vengeance ? Elle ne tue

    pas linfidle. Ce serait trop simple. Sa vengeanceconsistera tuer ce quil a de plus prcieux, cest--dire sa nouvelle pouse et ses propres enfants. Lavaleur de cet extrme, chez Euripide, est admirable,en tant que Mde est prsente comme une mrequi aime profondment ses enfants. Elle parle avecenchantement de ce quils sont, de ce quelle en es-

    pre, comment ils furent avec elle jusqu leur mort,

    comment elles les a accompagns dans ce qui seraleur tombe. Mais, cette heure, elle est prpare les tuer et il sagit l de luvre thtrale la plushorrible elle le fait. Elle tue ses propres enfants,qui sont aussi ceux de Jason, et cest l la femme qui

    prend en elle le dessus sur la mre. Il ne sagit pas delimiter, mais elle nous donne lexemple radical dece qutre femme est au-del dtre mre. Par cetacte, elle sort de sa dpression. Elle est toute danscet acte. partir de l, tous les mots sont inutiles,elle sort dcidment du registre, du rgne, du signi-fiant.Il faut maintenant ajouter, mme si je ne veux pasdvelopper, quelque chose de trs prsent dans toutela pice, le savoir de Mde. Le mot epistmconvient bien Mde.Lacan se rfre une fois Mde au sujet de quel-ques vers o Mde apparat dans la position dusage, de celui qui sait, et non sans cho la positionde lanalyste. En effet, les vers que cite Lacan nesont pas ceux du crime de Mde, mais ceux quelle

    dit Cron Apporte au vulgaire ignorant des pen-ses neuves et savantes, /ils ne diront pas que tu esun sage, mais un inutile. /Ceux dautre part qui sont

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    convaincus den connatre long, /si le peuple estimeque tu les dpasses, en prendront offense.Pour Lacan, discrtement, lacte dune vraie femme,

    je ne vais pas dire que cest lacte de Mde, mmesil en a la structure, cest le sacrifice de ce quelle ade plus prcieux pour creuser en lhomme un trouqui ne pourra pas se refermer. Sans doute est-ce

    quelque chose qui va au-del de toute loi et de touteaffection humaine, mais pas parce que a se jouesuperficiellement, comme le pensait Goethe. Unevraie femme explore une zone inconnue, outrepasseles limites, et si Mde nous donne un exemple de cequil y a dgar chez une vraie femme, cest parcequelle explore une rgion sans marques, au-del desfrontires.Il faut aussi souligner quelle agit avec le moins etnon pas avec le plus. Au sein mme dune situationo elle apparat sans dfense, elle rencontre une pe

    mortelle. Elle trouve faire du moins son arme pro-pre, une arme qui a plus de force et plus defficacitque toutes les armes de guerre. Ajoutons aussiquelle le fait pour un homme, dans la stricte relation un homme.Lacan a reconnu lacte de Mde dans lacte de lafemme de Gide. On pourrait ridiculiser cette der-nire, pouse vierge, protestante, lesprit petit-

    bourgeois, proie des ides de son entourage social, etqui resta au ct de Gide dans la position dun angesacrifi et immuable. Mais ce que retient Lacan,

    cest prcisment son acte, quand elle brle les let-tres dAndr Gide, ce quelle nomme elle-mmecomme son bien le plus prcieux. Ctaient les let-tres damour dAndr Gide, une correspondancesuivie anne aprs anne, partir de la premirerencontre. Lui aussi nous dit que ctait ce quilavait de plus prcieux, quil ny eut jamais plus bellecorrespondance, quil appelle lenfant quil na ja-mais eu. Cest dans ce contexte que nous trouvons la

    phrase de Lacan se rfrant Gide Pauvre Jason,il ne reconnat pas Mde. En effet, il ne reconnat

    pas Mde dans son anglique pouse.-Pauvreshommes, qui ne savent pas reconnatre les Mdesdans leurs pouses ! Cest quil ny a pas ici de justemilieu, comme un personnage de luvre dEuripidele souhaiterait. Il ny a pas de ngociations. Il y acomme une mergence de labsolu.Dans ces cas, que ce soient Mde ou MadeleineGide, il sagit de ractions la trahison de lhomme,et comme un chtiment.

    Le ne-pas-avoir et lavoir

    Il y a dautres modalits, que Lacan connat gale-ment, quand il signale quil ny a pas de limites aux

    concessions quune femme peut faire un homme,de son corps, de son me, de ses biens. Concessionssignifie ici cder. Cela signifie que chacune est ca-

    pable daller jusquau ne-pas-avoir, et de se ralisercomme femme dans le ne-pas-avoir.Lhomme lacanien , tel quil traverse les Smi-naires et les crits, est au contraire un tre lourd,

    gn, embarrass par lavoir. Lavoir est pour luiune gne, et comme il a quelque chose perdre, ilest condamn la prudence. Lhomme lacanien estfondamentalement peureux. Et sil va la guerre,cest pour fuir les femmes, pour fuir le trou. Ainsi,lhomme nest pas sans semblants, mais ce sont dessemblants pour protger son petit avoir. Ce nest pasle cas du semblant proprement dit, le semblant fmi-nin, qui est proprement masque du manque.On pourrait parler de la subjectivation de lorganegnital chez lhomme, et le faire sous le titre Lavoir

    lavoir comme sentiment qui lui donne une sup-riorit de propritaire, un bien qui implique aussi la

    peur quon le lui drobe. Une couardise masculinecontraste ici avec le sans-limites fminin.Lavoir est clairement li la masturbation. La

    jouissance phallique est par excellence une jouis-sance de propritaire. Ce qui signifie que le sujet nedonne personne la clef de la caisse, allant parfois

    jusqu se protger par limpuissance, et sur unmode satisfaisant. Et quand finalement il arrive quildonne, cest alors comme sil tait victime dun vol,

    tel point quil conserve de surcrot la masturbationcomme refuge dune jouissance pour lui-mme Une pour elle, une pour moi.Il me semble que, non seulement la diffrencemais contrairement Freud, Lacan pensait quil nyavait pas de solution pour une femme du ct delavoir, et que, sur ce versant, il ne rsulte que faus-sets ou inauthenticits.Que signifie vivre sous la signification de lavoir ?Je vais, pour approcher une rponse, introduire avecsoin ce personnage qui est la femme postiche.

    La femme postiche

    La femme postiche est celle qui ajoute artificielle-ment ce qui lui manque, condition que, toujours, eten secret, elle lait dun homme. Chez la femme

    postiche, le paratre est essentiel, en tant que celadoit paratre comme delle-mme, de sa proprit.claircissons une ambigut du concept de la femme

    phallique. Nous devons distinguer la femme phalli-

    que qui se constitue comme la femme qui a, du ctde lavoir, ce que jappelle la femme postiche, decelle qui se constitue du ct dtre le phallus. Elles

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    nont rien voir, mme si elles peuvent se ren-contrer divises dans la mme.Une femme qui se constitue du ct dtre le phallusassume son manque--avoir. Cest partir de sonmanque--avoir reconnu quelle arrive tre le phal-lus, celui qui manque aux hommes. Au contraire,lautre cache son manque--avoir et parade, fait

    monstration dtre la propritaire qui ne manquerien ni personne. Lune reste gale une femme, etceci se note au caractre sauvage avec lequel elle

    protge son bien, avec un trait dhybris, dexcs.Lautre, au contraire, celle du ct de ltre, faitmonstration du manque. Au regard de lhomme, unevraie femme, au sens de Lacan, lui permet de se ma-nifester comme dsirant, en tant quelle assume lemoins, assumant aussi les semblants qui font leur jeudu moins. loppose, la femme postiche dnoncelhomme comme castr, et ce nest pas peu de fois

    quelle se complte ainsi avec un homme, danslombre duquel elle se maintient.Quand Mde, la fin de la pice dEuripide, partsur le char ail du soleil, cest la femme postiche,le sujet le plus conservateur possible, celle qui de-mande ce quon ne la regarde pas de trs prs, etexige un norme respect, la distance ncessaire pourfaire croire que le postiche est vrai. Elle exige lerespect comme un d de faon absolue. Une femmevraie, au contraire, dmontre lhomme que lavoirest ridicule. Dune certaine faon, cest la ruine de

    lhomme. Cest plus tranquille de faire couple avecla femme postiche, pour dposer son propre biendans un coffre-fort. Cette femme postiche, qui nesemble pas castre, ne menace pas lhomme, car ellenexige pas de lui quil soit dsirant, de telle sortequelle reoit respect et repos de la castration.On rencontre le mot postiche chez Lacan la page825 descrits, lorsquil parle de labsence du pnisqui fait la femme phallus, quand Lacan conseillequasiment dvoquer ladite absence en faisant porter la femme un postiche sous un travesti de bal. Cenest pas une initiative venant de la femme, ce qui sedmontre dans cette simple complaisance au dsir delhomme agrer sa demande en se prtant sonfantasme. Et cet homme est celui qui na pas peur dela castration, du ne-pas-avoir fminin, car ce posti-che lacanien nest pas fait pour faire penser

    Le savoir suppos des femmes

    partir de la sexualit fminine, et de nul autre lieu,

    on peut situer la jouissance proprement dite en tantquelle dborde le phallus et le tout-signifiant.Lglise, avant la psychanalyse, avait reconnu lesvraies femmes. Lglise avait reconnu en elles une

    menace, et elle labora pour elles une solution lesmarier avec Dieu. Cest ainsi quencore aujourdhui,quelques-unes prononcent ces vux perptuelsdobissance, de pauvret et de chastet. Ces vuxencadrent la jouissance au-del du phallus. Ils signi-fient quaucun homme ne peut tre au niveau decette jouissance, et quil y faut rien moins que Dieu.

    Et le ne-pas-avoir fminin sassume avec le vu depauvret, comme le propose lglise.Ce nest pas un hasard que ce soit un auteur catholi-que comme Lon Bloy qui ait pu crire le roman La

    femme pauvre pour situer la position fminine fon-damentale. On pourrait, partir de l, aussi biensituer lorigine de linfini que la fonction du secret.Ce secret structural de la parole, en tant quil y aquelque chose qui ne peut pas se dire, est un secretqui est du ct des femmes. Le secret peut tre pourelles condition de jouissance et elles peuvent arriver

    jouir du secret comme tel, constituer le men-songe mme comme objet petit a. De l, cette fa-meuse question de lignorance des femmes, decomment les enseigner et les duquer, qui traverselhistoire, tel point que, parfois, les femmes finis-sent par se croire ignorantes. Il arrive en vritquune femme, par la nature de la parole, incarne cequi ne peut pas se dire, un savoir secret, voil, etcest pour cela quon situe chez elle le sujet suppossavoir. Tout ce bruit autour de ce quil faut leur en-seigner ne parvient pas masquer la crainte mle

    envers le savoir suppos des femmes.Il est certain que parfois les femmes ont besoindune analyse pour prendre connaissance du savoirquon leur suppose. Cest l que nous approchonslune des diverses raisons pour lesquelles nous pou-vons dire que la psychanalyse convient aux femmes.La psychanalyse convient aux femmes, parcequelles incarnent, comme dit Freud, dans la culturedes sujets qui se proccupent de la sexualit,lamour, le dsir, la jouissance. Ces thmes de la

    psychanalyse sont des thmes de femmes. Il est as-sez rcent, comme phnomne de masse, que leshommes prennent en charge ces thmes. La positiondobjet petit a leur va bien aussi, en tant quelleexige de la flexibilit au regard du fantasme delAutre.Par rapport cela, peut-tre pouvons-nous dire quel-que chose des femmes en analyse, car lanalyse leuroffre, son commencement, une certaine relche,une relve, du semblant, une relche de la capturequi comme objet petit a sexerce sur elles dans le

    fantasme de lhomme. Se soutenir en cette placefatigue. Ainsi, lanalyse offre aux femmes le reposque donne le fait de dlguer ladite position lanalyste.

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    Il convient aussi aux femmes doccuper la place dusujet barr, ce sujet qui exprimente son manquedidentit. Il y a des cas qui dmontrent quelles

    peuvent rester tellement colles au rle de lobjetpetit a quelles ne peuvent pas le cder lanalyste,ou quelles sont tellement habitues au rle de sujetsuppos savoir quelles ne peuvent ladmettre en

    lautre.

    Le fantasme selon les sexes

    Sans dvelopper ces thmes, peut-tre pourrais-jementionner quil serait utile de penser la fonctiondistincte du fantasme chez les hommes et chez lesfemmes.Dans le dsir masculin, dont le caractre, selon La-can, accentue peine le dsir pervers puisquil y a

    pour lui une certaine homologie avec le dsir pervers

    , les objets sont pris dans la parenthse de ce quiscrit , pour signifier quest prsente ici une vo-lont de jouissance qui ncessite un fantasme. Lacanla crit (a). Cest sa premire faon dcrire ledsir masculin, o figure lobjet a comme objet par-tiel, objet pulsionnel.

    Nous pouvons dplacer cette criture lcriture dufantasme, cette fois comme fantasme masculin,comme S(a), en tant que le dsir masculin sesoutient de semblants phalliciss. Il sexprimenteavec lanalyse qu traverser les diffrents niveaux

    du fantasme, cette formule se concentre et accentuela fonction , cest--dire que traverser les diffrentsniveaux du fantasme et le rduire los ne donne lafonction phallique que comme encore plus insis-tante. En change, si lon se rfre lcriture don-ne par Lacan du dsir fminin,A(), mme si La-can a dit beaucoup dautres choses aprs, on peutdj y lire la relation de ce dsir, dun ct avec A,et de lautre avec le phallus. Dans les voies de cedsir, ne figure pas lobjet pulsionnel, sauf passerpar A

    , et de lautre, avec le suppos objet gnital.Ce quindiquent ces deux formules, cest quau mo-ment o un homme rencontre les voies de son dsir,la fonction se fait plus insistante, alors que lorsquese dploient les voies de son dsir pour une femme,il a chance daccder A, cest--dire savoir quelAutre nexiste pas.Le cynisme fminin nous donne parfois dj de celaune anticipation, quand il rappelle aux hommes queleurs sublimations ne sont rien en comparaison de la

    jouissance, et quils se trompent avec les semblants.

    Ce sont les femmes qui rappellent aux hommesquils sont tromps par les semblants, et que cessemblants ne valent rien compars au rel de la

    jouissance.

    En cela, les femmes sont plus amies du rel que leshommes, et cest de leur ct quil y a un accs plusfacile que les hommes la vrit de ce que le phallusnest pas tout et est semblant. videmment, en tantque sujets, elles peuvent finir du ct de , qui est lamanire dcrire le postiche, et elles peuventsinscrire comme sujet du ct du petit phi, cest--

    dire (x), en jouant au tout avec le postiche, et enincarnant leAdans un homme castr.Une analyse du dsir fminin pris dans cette direc-tion extrme peut dboucher annuler le A, ce quifait surgir quelque chose comme un monstre qui dit

    Je sais tout. Cest quand sincarnent ces figuresoraculaires, comme le fut en son temps la gnialeMlanie Klein, qui ne doutait de rien. Mais si lon sedgage de cette voie, on peut dire que son dsirconduit une femme naturellement A, alors que,chez lhomme, la fonction fait obstacle la rduc-

    tion du phallus au semblant.

    La desse Psychanalyse et la desse cole

    Ceci se dcouvre parfois travers le processus de lapasse.Le passant peut avoir ou ne pas avoir atteint la fin deson analyse au gr du jury. Toujours est-il qu songr lui, du moins selon lexprience franaise, il se

    prsente la passe sil pense quil a son compte,quil la finie. Il pense avoir fait le tour de ce que la

    psychanalyse peut lui apporter et il y a quelquechose, du moins selon notre exprience en France,que nous pouvons appeler le sentiment de findanalyse.Lanalysant se prsente la passe au moment o il

    peut penser que la desse Psychanalyse a ralis sonvu, et il va prsenter la joie obtenue de la psycha-nalyse aux supposs experts, pour quils valuent sicette joie est vraie ou fausse.Cest un fait que, par la passe, on observe que lesanalysants changent dans le cours de lexprienceanalytique les clibataires se marient, les pouxdivorcent, les folles de leur corps se rangent, les ob-sds peuvent penser autre chose, et les angoisss

    jouissent en paix. Parfois, on ne peut savoir si celaest d lanalyse ou lge, parce que parfois laseule chose claire est que les analysants vieillissent.Le passant ne vient pas toujours pour dire que ladesse a ralis son vu. Il vient parfois dire lecontraire, que la desse na en rien ralis son dsir,que la desse a rejet ses demandes, et que ce quil

    attendait dune analyse reste sans ralisation. Maissil fait la passe, cest quil a ventuellement recon-nu avoir appris que son vu mme est un vu derien, ou que la desse qui aurait pu le raliser

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  • 7/26/2019 162618801 Jacques Alain Miller Des Semblants Entre Les Sexes

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    nexiste pas. Le passant est celui qui est convaincu,rellement, quil nobtiendra rien de plus de ladesse et quil ny a dsormais plus rien esprerdelle. Et il demande une autre desse, la desse delcole, quelle ralise son vu dappartenir au re-gistre des analystes de cette cole. Sur ce versant,cest lincurable qui constitue un mrite pour la no-

    mination, laccs du sujet, et son consentement, lincurable. Dautres analysants offrent un autre typede tmoignage, quils ont ralis leurs vux et quela desse leur a fait un cadeau, un don. Les uns et lesautres tmoignent, leur faon, que la psychanalyseles a guris du manque--tre, mais pas toujours dela faon quils espraient.Pour les uns, cest par lidentification au symptme.Ils nont plus lespoir de se dfaire du symptme etnesprent pas plus. Ils se sont transforms en symp-tme eux-mmes. Ils sont leur symptme, et dans ce

    cas le sentiment de fin danalyse traduit la mise nude la jouissance du symptme, et cest la rvlationde la jouissance de ce symptme qui met fin aumanque--tre.Pour les autres, cest la traverse du fantasme. Si,

    pour les premiers, un sentiment de ncessit vientconnoter laccs limpossible, pour ces derniers ily a comme un affect de libert, cest--dire de possi-

    bilit qui donne accs la contingence. Quand ontermine du ct de lidentification au symptme, il ya comme un sentiment de ncessit, et daccs

    limpossible. Du ct de la traverse du fantasme, ily a un affect de libert et daccs la contingence.Ici le traductible en termes freudiens de la traversedu fantasme, cest la modification comme flexibili-sation de la condition damour qui rgit les choixdobjets.Ce que la passe, vue du ct du jury, enseigne cest du moins ma conclusion, trs transitoire ,cest quil y a une incidence de la diffrence sexuellequant au fantasme. Il y a une prgnance trs spcialedu fantasme dans la sexuation de lhomme, et par-fois, loin que le fantasme permette une traverse duct du dsir masculin, on observe, au contraire,comme une compression de celui-ci.Je ne sais pas si vous connaissez les uvres dusculpteur franais Csar, qui peut prendre toute une

    pile de voitures et la rduire par compression pouren faire une sculpture, comme un cube. Cest com-ment faire un cube dautomobiles comprimes. Eh

    bien, de la mme manire, il y a un rsultat possiblede lanalyse, quant au dsir masculin, o sobserve

    une terrible compression du fantasme, la Csar.Comme si lon obtenait, par la traverse, dnud, lesignifiant de la jouissance, et le sujet reste commecoll ce signifiant dernier.

    Cela se prsente comme une question.Une fois rduits tous les semblants, cest comme sirestait cet ultime, faisant cran au A tel point quelon pourrait penser quaprs la Proposition de 67sur la passe dfinie comme traverse du fantasme,Lacan aurait ajout, comme fruit de son exprience,la fin de lanalyse par lidentification au symptme.

    Cela serait peut-tre une autre fin de lanalyse. Faut-il reconnatre, comme fin danalyse, ce type de findanalyse, dans lequel, finalement, la fonction phal-lique demeure ? On voit trs bien dans les deux for-mules de Lacan sur la sexuation du dsir masculin etfminin que cela se rduit finalement au terme pre-mier. Et la question peut tre comment lanalyse se

    pratique avec la fonction , et quelle se pratiqueparfois avec rigidit, mais pas sans honntet, par-fois avec brutalit, ou avec un silence de pierre, quinest pas sans effets positifs. Devons-nous reconna-

    tre comme autre modalit de la fin danalyselidentification au symptme ?Freud avait peru que, de mme, une nvrose obses-sionnelle se prolonge jusquau point o la maladiene peut plus se distinguer de la cure. Freud dit queles symptmes finissent par reprsenter des satisfac-tions, et que cette signification devient progressive-ment la plus importante. Le sujet cherche ses satis-factions dans ses symptmes.Le plus typique, lidal, de la passe se cherche cer-tainement au niveau duA, mais il faut dire que cestdu ct fminin. Lacan a privilgi la sortiedanalyse du ct fminin, comme il a dfini la posi-tion mme de lanalyste en affinit avec la positionfminine.Le dernier mot pourrait tre Hommes, encore uneffort

    Confrence prononce Buenos Aires le 10 mars 1992. Texte transcrit enespagnol par Juan Carlos Indart et publi dans Cuadernos del pasador, Bue-nos-Aires, 1993 ; et traduit de lespagnol par Catherine Bonningue et Marta

    Wintrebert pour la prsente dition. Publie avec laimable autorisation de J.A.M.

    Cette confrence fait suite une leon du cours De la nature des semblants (1991-92) (indit) intitule Des femmes et des semblants .

    Le grand secretPhilippe La Sagna

    Lennui tourmente les hommes et peut-tre plus en-core les femmes. Quon le veuille moderne, nelempche pas de perdurer depuis Lucrce, qui djdnonce luniformit des jours. Lavance de lascience lui a fait perdre son statut de question mo-

    rale, thique, voire thologique. Lennui se voit ainsidivis au dix-neuvime sicle en une rfrence m-dicale, somatique, la neurasthnie, et une rfrencelittraire potique, le spleen. Ces deux termes fini-

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