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2004-01 LE MULTICANAL La stratégie de contact avec les clients au moyen de canaux multiples : une nécessite mais des dangers réels Jean-Pierre HELFER et Géraldine MICHEL Professeur à l’IAE de Paris - Maitre de Conférences à l’IAE de Paris Résumé : Les entreprises, quel que soit leur secteur, se sont lancées dans la pratique du multicanal pour entrer en contact avec leurs clients et leurs prospects. Les sites Internet, le e- mailing, les centres d’appel, les SMS, pour ne citer que les principaux supports, sont venus compléter le traditionnel face à face. La gestion de la complexité due au recours à des canaux multiples peut faire naître des déboires importants si des précautions élémentaires de cohérence ne sont pas prévues. La décision du multicanal est d’abord stratégique. Elle doit être prise avec une vision globale de l’entreprise pour procurer tous ses bienfaits. Les progrès de la technique d’une part, les préoccupations d’engager avec le client une réelle relation d’autre part conduisent les entreprises à mettre en œuvre une démarche multicanal de contact avec leurs acheteurs et leurs prospects. La stratégie multicanal trouve son essor à travers les nouvelles possibilités de communication (Internet, SMS, UMTS) mais aussi grâce à l’explosion des sources d’informations (le scanning, le suivi des consultations des pages Web, la connaissance des lieux et montants des dépenses effectuées avec les cartes de crédits, etc.). Ces deux éléments permettent d’apporter des réponses toujours plus adaptées aux besoins des individus. Par ailleurs, la préoccupation d’un marketing plus relationnel a conduit les entreprises à préserver leur capital client en faisant de la bonne gestion de leurs fichiers une source de richesse toujours renouvelée. De ce fait, les entreprises se sont engagées dans de véritables stratégies multi-canaux pour tisser autour de leurs clients un réseau de relations le plus dense possible. Prendre contact avec ses clients ou des prospects par téléphone, mailing, Internet ou encore par des magazine de marque puis commercialiser ses produits dans différents canaux de distribution est devenu possible et, au surplus, est estimé comme particulièrement rentable, voire indispensable. Toutefois, ces actions ne risquent-elles pas de rentrer en compétition les unes avec les autres ? Ne comportent-elles pas en elles-même des germes d’incompatibilité, de non-acceptabilité par le client, de désagréments divers ? C’est à ces interrogations que l’article tentera de répondre en apportant des pistes de solutions. Que les entreprises appartiennent au « B to B » ou au « B to C », elles se sont engagées dans la voie du multicanal avec, plus qu’une détermination, une réelle frénésie pourrait-on dire. La stratégie multicanal consiste à intégrer plusieurs canaux de vente et/ou de contact dans un même système capable de gérer les interactions avec un client. Certains secteurs sont emblématiques de la situation, tel celui des banques, mais tous les domaines, ou presque, sacrifient à la tendance. Nous tâcherons d’abord d’en discerner les raisons avant de dépeindre les méthodes utilisées puis de souligner les éventuels dangers que recèle une maîtrise non parfaite de la démarche. 1 LES OBJECTIFS DU MULTICANAL Comme cela a été souligné en introduction, la pratique du multicanal ne pouvait voir le jour qu’à partir du moment ou des technologies nouvelles l’autorisaient. De plus, ce n’est pas une réelle nouveauté pour les entreprises de souhaiter prendre contact avec leurs clients de la manière la plus étroite qui soit, mais trois principaux objectifs peuvent être avancés pour expliquer l’essor de cette pratique. 1.1 Créer un contact relationnel Le marketing relationnel correspond à une orientation de l’entreprise vers le client, celui-ci étant considéré comme une ressource stratégique. Il consiste à établir des relations durables avec des clients, sélectionnés selon leur contribution potentielle au succès de l’entreprise. Les entreprises sont toutes engagées stratégiquement dans l’amélioration de la relation avec leurs clients. Cette amélioration repose sur quatre principes fondamentaux : - la personnalisation : une relation par client,

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LE MULTICANALLa stratégie de contact avec les clients au moyen de canaux

multiples : une nécessite mais des dangers réelsJean-Pierre HELFER et Géraldine MICHEL

Professeur à l’IAE de Paris - Maitre de Conférences à l’IAE de Paris

Résumé : Les entreprises, quel que soit leur secteur, se sont lancées dans la pratique dumulticanal pour entrer en contact avec leurs clients et leurs prospects. Les sites Internet, le e-mailing, les centres d’appel, les SMS, pour ne citer que les principaux supports, sont venuscompléter le traditionnel face à face. La gestion de la complexité due au recours à des canauxmultiples peut faire naître des déboires importants si des précautions élémentaires decohérence ne sont pas prévues. La décision du multicanal est d’abord stratégique. Elle doitêtre prise avec une vision globale de l’entreprise pour procurer tous ses bienfaits.

Les progrès de la technique d’une part, les préoccupations d’engager avec le client uneréelle relation d’autre part conduisent les entreprises à mettre en œuvre une démarchemulticanal de contact avec leurs acheteurs et leurs prospects. La stratégie multicanal trouveson essor à travers les nouvelles possibilités de communication (Internet, SMS, UMTS) maisaussi grâce à l’explosion des sources d’informations (le scanning, le suivi des consultationsdes pages Web, la connaissance des lieux et montants des dépenses effectuées avec lescartes de crédits, etc.). Ces deux éléments permettent d’apporter des réponses toujours plusadaptées aux besoins des individus.

Par ailleurs, la préoccupation d’un marketing plus relationnel a conduit les entreprisesà préserver leur capital client en faisant de la bonne gestion de leurs fichiers une source derichesse toujours renouvelée. De ce fait, les entreprises se sont engagées dans de véritablesstratégies multi-canaux pour tisser autour de leurs clients un réseau de relations le plus densepossible. Prendre contact avec ses clients ou des prospects par téléphone, mailing, Internet ouencore par des magazine de marque puis commercialiser ses produits dans différents canauxde distribution est devenu possible et, au surplus, est estimé comme particulièrement rentable,voire indispensable. Toutefois, ces actions ne risquent-elles pas de rentrer en compétition lesunes avec les autres ? Ne comportent-elles pas en elles-même des germes d’incompatibilité,de non-acceptabilité par le client, de désagréments divers ? C’est à ces interrogations quel’article tentera de répondre en apportant des pistes de solutions.

Que les entreprises appartiennent au « B to B » ou au « B to C », elles se sontengagées dans la voie du multicanal avec, plus qu’une détermination, une réelle frénésiepourrait-on dire. La stratégie multicanal consiste à intégrer plusieurs canaux de vente et/ou decontact dans un même système capable de gérer les interactions avec un client. Certainssecteurs sont emblématiques de la situation, tel celui des banques, mais tous les domaines,ou presque, sacrifient à la tendance. Nous tâcherons d’abord d’en discerner les raisons avantde dépeindre les méthodes utilisées puis de souligner les éventuels dangers que recèle unemaîtrise non parfaite de la démarche.

1 LES OBJECTIFS DU MULTICANAL Comme cela a été souligné en introduction, la pratique du multicanal ne pouvait voir le

jour qu’à partir du moment ou des technologies nouvelles l’autorisaient. De plus, ce n’est pasune réelle nouveauté pour les entreprises de souhaiter prendre contact avec leurs clients de lamanière la plus étroite qui soit, mais trois principaux objectifs peuvent être avancés pourexpliquer l’essor de cette pratique.

1.1 Créer un contact relationnelLe marketing relationnel correspond à une orientation de l’entreprise vers le client,

celui-ci étant considéré comme une ressource stratégique. Il consiste à établir des relationsdurables avec des clients, sélectionnés selon leur contribution potentielle au succès del’entreprise. Les entreprises sont toutes engagées stratégiquement dans l’amélioration de larelation avec leurs clients. Cette amélioration repose sur quatre principes fondamentaux :

- la personnalisation : une relation par client,

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- l’interactivité : le client répond aux sollicitations,

- la durabilité : tout au long de la vie du client,

- la continuité : tous les jours, quel que soit le canal choisi par le client.

La stratégie multicanal, qui permet de toucher et contacter le client par tous les canauxdisponibles, s’insère dans cette politique du management de la relation client. La relation avecle client, chacun en convient, constitue une facette complémentaire de la conquête duprospect. L’imbrication entre relationnel et transactionnel est parfaite et la stratégie multicanalpermet de jouer sur les deux leviers du marketing que sont la conquête et la fidélisation. Eneffet, le prospect, cerné par une multitude de contacts se décidera plus naturellement àacheter. La conquête est la première marche de la fidélité. Par ailleurs, la fidélisation, par lemaintien d’une relation de qualité, s’entretient par des transactions répétées. Pour cerner etentretenir le client dans une densité relationnelle forte, la simple logique conduit à multiplier lesoccasions de contacts. Cette multiplication peut s’opérer avec une fréquence renforcée sur unseul canal ; elle peut l’être d’autant plus si plusieurs canaux sont utilisés.

De plus, l’utilisation de plusieurs canaux de contact favorise la personnalisation desmessages dans la mesure où les médias sélectionnés peuvent cibler différents segments declientèle. L’interactivité avec les individus est également plus efficace en recourant à lastratégie muticanal dans la mesure où les échanges avec les individus peuvent s’appuyer surdifférents supports (téléphone, mail, etc). Ajoutons y le fait que la stratégie multicanal, par ladiversité des contacts qu’elle engendre, permet de pister, cibler, séduire le prospect de façoncontinue, ce qui l’intègre parfaitement dans le marketing relationnel.

1.2 Appliquer l’ultra segmentationL’ultra segmentation consiste à considérer que chaque client, chaque prospect

constitue un segment et que, en conséquence, pour chacun, une offre commerciale adaptéedoit être mise en œuvre. Si tel est le cas, les canaux de communication, de prise de contact,relevant d’un univers de masse, perdent totalement leur pertinence. Les canaux adaptés àchacun, les canaux capables de viser chacune des cibles en fonction de leurs habitudes, deleurs intérêts, sont les seuls à rencontrer une efficacité. La SNCF déploie ainsi divers outilsdans l’optique d’une relation client intégrant -en complément de la force de vente- courrier,téléphone, fax, e-mailing et SMS. Les alertes SMS sont réservées aux informations dedernières minutes, l’e-mailing est utilisé pour les offres commerciales et le courrier pour lesinformations plus détaillées. On observe ici une démarche qui vise à segmenter, hiérarchiserles informations et correspond à un véritable programme de communication multicanal àdestination de la clientèle.

Le site de vente des produits culturels Alapage use également de la stratégiemulticanal pour toucher distinctement ses différentes cibles. Le distributeur Alapage joue ainsisur la personnalisation en envoyant des mails d’alerte sur la sortie de nouveaux produits à ceuxqui en ont fait la demande et en prévenant, en priorité, leurs meilleurs clients du début dessoldes. Cette approche d’ultra segmentation vise ainsi à mieux fidéliser les clients et trouve sonapplication dans la stratégie multicanal.

Par ailleurs, pour fidéliser le client, une des solutions possibles consiste à multiplier lesoccasions de contact et donc à rechercher tous les canaux susceptibles de provoquer l’achatmais aussi susceptibles de maintenir la relation avec le client. Le multicanal s’impose dès lorsque chacun doit être joint fréquemment et personnellement.

La segmentation de Surcouf au service de sa stratégie multicanalPour améliorer la relation avec ses clients, Surcouf (distributeur de matériel

informatique) multiplie les moyens de contacts. Le service client peut ainsi être contacté partéléphone ou par e-mail. L’entreprise utilise également son catalogue comme autre points decontact car il permet de conserver la relation clientèle sur le long terme. En effet, le cataloguereprésente un guide d’achat et sert de relais pour le service après-vente et la commande. Pourtirer profit de ses différents points de contact, Surcouf distingue cinq segments de clientèle :le B to B, les « bidouilleurs », les « fashions », les « gameurs » et les utilisateurs de PC.L’objectif de Surcouf est de contacter ces cibles au moyen des newsletters différenciées etd’entretenir ainsi une relation privilégiée avec sa clientèle.

D’après le Journal du Net, 19 mars 2002

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1.3 Diminuer ses coûts grâce à la synergie des différents canauxLe marketing ne s’est jamais désintéressé du calcul de l’efficacité (atteint-on ses

objectifs ?) et de la question de l’efficience (les actions sont-elles menées aux meilleuresconditions de coûts ?). Mais, aujourd’hui, cette seconde préoccupation est devenue cruciale.C’est ainsi que le calcul du coût d’un contact clientèle, de la gestion d’une carte de fidélité, dusuivi des primes réservées aux bons ou « gros » clients, des cadeaux de bienvenue auxnouveaux clients, des mille appels dans un centre téléphonique, de l’entretien d’un automatetéléphonique, du pilotage permanent d’un site Internet est devenu une préoccupation d’unpremier rang pour les directions marketing.

Dès lors que chaque occasion de créer ou de maintenir une relation avec le clients’inscrit dans un calcul précis de profitabilité, il devient naturel de comparer les coûts et lesrendements de chaque action au moyen de chaque canal possible. Le simple entretien d’unclient banal s’accommode aisément d’un contact régulier par voie postale mais ne supportepas le coût d’une relance téléphonique. A l’inverse, la visite régulière d’un compte clé par unvendeur s’impose même si le coût est fort élevé.

Aujourd’hui, pour rendre profitable leur contact clientèle les entreprises ont accès à unegamme élargie de canaux qu’elles doivent gérer avec précision tant les contraintes sontrenforcées. Ainsi Général Electric’s Medical Systems a su profiter de la complémentarité ducentre d’appels et de sa force de vente pour diminuer ses coûts de cinquante pourcents.L’intégration du centre d’appels a permis à la force de vente de se consacrer davantage à desactions à forte valeur ajoutée, comme la vente de systèmes d’imagerie médicale de plusieursmillions d’euros et de se décharger de la vente d’accessoires d’un montant de moins de dixeuros, gérés aujourd’hui par le centre d’appels.

Dans le domaine bancaire, les Caisses d’Epargne profitent de leur stratégie muticanalpour facturer différemment les ordres de bourse selon qu’ils lui parviennent d’une l’agence(100%), par téléphone (80%) ou par Internet (60%).

Pour cibler le plus grand nombre de clients, distribuer ses produits ou services parplusieurs canaux est à présent une nécessité. Il y a quelques années, des sociétés commeXerox ou IBM, par exemple, ne vendaient que par l’intermédiaire de leurs commerciaux.Aujourd’hui, ces entreprises vendent par différents canaux. La gamme professionnelle estprésente chez les revendeurs spécialisés, mais aussi chez les grossistes. Quant aux grandscomptes, ils restent la cible de la force de ventes des deux marques Xerox et IBM. Passer parplusieurs canaux et réseaux permet d’obtenir des synergies et par conséquent de rentabiliserles investissements. Au delà du simple fait de vendre, les réseaux rendent des servicesinestimables : ils stockent, facturent, font du conseil et parfois du service après-vente. Lesentreprises qui ont sacrifié au multicanal ont très généralement vu leur chiffre d’affairess’accroître.

Au surplus, de nombreuses études attestent que les consommateurs « multicanaux »,c’est-à-dire ceux achetant à la fois, dans les magasins, sur catalogue et en ligne, consommentplus que les clients monocanal. Ainsi, les gains d’une stratégie multicanal ne sont pasuniquement engendrés par l’addition des ventes de chaque canal mais par la capacité d’uncanal à influencer les ventes d’un autre canal.

La stratégie multicanal des AGFLes AGF sont impliquées dans une stratégie multicanal et multiréseaux. La société

d’Assurances distribue ses produits à la fois par des agents généraux d’assurances, descourtiers spécialisés, des salariés AGF spécialisés par métiers (santé, patrimoine, assurance-vie, etc.), un site Web et des partenariats avec le Crédit Lyonnais, les trois Suisses ou desbanques de gestion privée » (internet). Toutefois, le système de distribution n’est pas unsystème intégré dans la mesure où chaque cible n’est touchée que par un seul réseau dedistribution. Il n’y a donc pas de confusion pour la clientèle mais le système ne tire ainsi pastotalement parti de son potentiel.

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2 LE ROLE DU MULTICANAL DANS LA STRATEGIE MARKETINGNouer des contacts avec les clients ou avec les prospects a, depuis toujours, été une

nécessité majeure des forces marketing et commerciales de l’entreprise. Aujourd’hui, il estindispensable d’associer différents canaux de contact pour répondre aux trois grands besoinsque sont prospecter, fidéliser ou encore communiquer. Pour chacun de ces objectifs, nousprésenterons les stratégies multicanal les plus adaptées.

2.1 Prospecter Toute entreprise se doit de recruter de nouveaux clients pour renouveler son

portefeuille clients mais également pour élargir sa cible. Pour atteindre cet objectif avec plusd’efficacité, les entreprises associent plusieurs canaux de contact. Dans une approche deprospection, les outils les plus souvent utilisés sont les centres d’appels, le SMS et le e-mailing.

Les centres d’appels

Dans une approche de prospection, les centres d’appels, de par leurs coûts réduits parrapport à une visite en face à face, connaissent un succès bien compréhensible. L’usage dutéléphone représente un gain de temps qui permet aux sociétés de conquérir à moindre coûtde nouveaux marchés. Le téléphone peut être qualifié de rencontre interactive, rapide,chaleureuse et adaptée. Si les techniques de vente par téléphone ont peu évolué (script,argumentaire, guide d’entretien), la façon d’aborder les personnes s’est, en revanche,transformée. Les contacts téléphoniques sont aujourd’hui mieux ciblés, grâce aux logiciels descoring et l’approche est devenue "plus douce". L’objectif est d’identifier, de comprendre lebesoin de l’individu et non plus de vendre un produit à tout prix.

La prospection téléphonique est généralement couplée à l’envoi d’un courrier ou à lavisite d’un vendeur. Ainsi, dans le contexte de l’ouverture d’une nouvelle agence bancaire, parexemple, la banque adresse un courrier aux clients potentiels et contacte les non détenteursde compte en s’appuyant sur le géomarketing afin de mieux cibler les appels. En B to B, letélémarketing peut être utilisé pour cerner l’adéquation entre l’offre de l’entreprise et la cibleavant de mener une opération de mailing relative à l’envoi d’une documentation.

Toujours dans le secteur B to B, le télemarketing peut être utilisé pour détecter lesprojets en voie de réalisation. Le téléopérateur assure ainsi un rôle dans la détection de projets,celle-ci pouvant être suivie d’une prise de rendez-vous.

Le SMS

Aujourd’hui le téléphone s’élargit au téléphone mobile et permet de nouveaux contactsau travers de ce qu’on appelle mini-messages, textos ou SMS. Il s’agit de messages courtsdiffusés sur les téléphones mobiles. Loin de se cantonner au public des 15-25 ans, qui ont étéles premiers à le plébisciter, le SMS peut potentiellement toucher les 37 millions depossesseurs de téléphones portables. Les envois de SMS doivent se faire exclusivementauprès des personnes ayant explicitement donné leur accord pour recevoir des messages àcaractère publicitaire ou de celles qui ont communiqué leur numéro de téléphone dans le cadred’une relation avec la marque. Le contact SMS rentre dans la logique du marketing de« permission » au risque de subir ultérieurement des retombées négative sur la marque.

Les six étapes de construction d’un plan stratégique autour des centresd’appels

(Oxford Associates, 1998)

1 - Définir les objectifs commerciaux du centre d’appels

2 - Définir les applications du centre d’appels (vente directe, pénétration de marché, pros-pection)

3 - Définir la couverture du centre d’appels (les segments de marché choisis)

4 - Construire un plan d’investissement (types de ressources engagées, modèle de coûts d’exploitation)

5 - Construire un plan de coordination avec les autres canaux (intégration avec la force de vente, les partenaires d’affaires et Internet)

6 - Etablir les indices de performance (mesure de l’efficacité et des coûts)

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Pour s’assurer un bon retour sur investissement, les annonceurs doivent définir desmessages ciblés, à haute valeur ajoutée et surtout coupler leurs messages textes à descampagnes de communication. Le message SMS doit, en effet, permettre à l’abonné debénéficier d’avantages, d’informations personnalisés et exclusifs.

C’est ainsi que pour le lancement de sa gamme de produit Oligo 25, Vichy, encomplément d’une communication presse, a adressé un message SMS qui invitait lesconsommatrices à venir chercher un échantillon du nouveau soin en pharmacie. Le message« Vous avez moins de 35 ans ? Oligo 25 est arrivé ! Vichy lance le nouveau soin hydratant anti-teint terne. Votre échantillon vous attend en pharmacie » était tout à fait ciblé. Soixante dix millefemmes, âgées de 15 à 34 ans, sélectionnées en fonction de leur centre d’intérêt« hygiène/beauté » ont alors profité de cette action promotionnelle (Marketing Direct, N°69,Novembre 2002).

2.2 FidéliserLa fidélisation des clients passe par une amélioration de la relation client. Pour cela, la

plupart des entreprises mènent une stratégie multicanal qui s’appuie notamment sur le mailinget le e-mailing. Nous y ajouterons le rôle du service clients.

Le mailing

Le mailing demeure l’outil utilisé par tous. Les entreprises de distribution informentleurs clients de leur zone de chalandise des promotions effectuées. Les industriels envoientcatalogues et offres diverses à leurs clients et à leurs prospects. Les banquiers sollicitent leursclients pour leur vendre de nouveaux produits. Les compagnies aériennes proposent descartes de crédit co-brandées avec des banques. Le succès du mailing est notamment dû à lagestion des bases de données, à une savante collecte d’informations et au recours auxlogiciels de scoring. Le coût de tout ceci est relativement modeste, comparé au contact en faceà face. Toutefois, la constitution et l’entretien d’une base de données coûtent cher, de plus, lesinvestissements doivent être mis en relation avec les retours. Un taux de remontée de 5 à 10%- exceptionnel – procure une rentabilité inespérée, un taux de 0,5 % à 1 % - plus habituel -précipite l’opération vers la perte.

Toutefois, le mailing gagne toute son efficacité lorsqu’il est couplé à d’autres canauxde contacts. Dans une approche de fidélisation, l’avantage du multicanal est de répondre aumieux aux attentes des clients et donc de renforcer la relation entre marque et consommateur.C’est ainsi que les Galeries Lafayette ont choisi dans leur programme de fidélisation des 15-25 ans d’associer des SMS à la carte Lafayette Mod’pass. Les jeunes détenteurs de la carte,acceptant de donner leur numéro de téléphone portable, reçoivent des mailings plus des SMSqui leur permettent de bénéficier d’avantages exclusifs rapidement.

Une opération de mailing peut également s’appuyer sur la richesse d’expression dumagazine de marque. Le magazine de marque, nommé également « consumer magazine »,fait partie des canaux privilégiés par les entreprises pour rentrer en contact avec leur client. On

Les bénéfices et limites d’une campagne SMSLe SMS représente de nombreux avantages pour l’annonceur et le consommateur, ilconnaît toutefois certaines limites importantes à connaître.

- Les bénéficesLes annonceurs peuvent toucher en one to one 37 millions de personnes.Le SMS est un support qui permet d’améliorer la relation client grâce à son caractèreimmédiat et affectif.Le SMS est simple d’utilisation et améliore l’interactivité.Le SMS permet de joindre le consommateur quel que soit l’endroit où il se trouve.Une campagne SMS peut dynamiser l’image de marque de l’annonceur.C’est un canal peu coûteux.

- Les limitesLe SMS s’il n’est pas inscrit dans une démarche de « permission » peut être considérécomme intrusif.Le message SMS est aujourd’hui limité à 160 caractères.

Source : Marketing Direct, N°69, Novembre 2002

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peut citer le magazine « Maison en vie » de Leroy Merlin ou encore les magazines desdistributeurs Carrefour et BHV. Le magazine de marque a notamment pour objectif de créerune relation de proximité et de connivence avec les cibles visées. Cette stratégie estnotamment développée par les magazines des marques de transport, destinés aux porteursde cartes, comme Grands Voyageurs de la SNCF ou A/R du groupe des transporteurs d’Ile deFrance (RATP, SNCF, Transilien). Ces magazines présentent un contenu éditorial riche eninformations, qui peut porter à la fois sur la marque, ses produits, ainsi que sur les loisirs et lessujets de société. En tant qu’outil relationnel mais aussi en tant qu’expression identitaire de lamarque par les sujets traités et le ton utilisé le magazine doit refléter les valeurs de la marque.Afin d’entretenir une relation à long terme et développer une histoire commune avec sesclients, le magazine de marque se doit d’être à la fois un outil pédagogique, divertissant etinteractif. L’interactivité éditoriale consiste à donner la parole aux lecteurs, à les laissers’exprimer et à témoigner de leur expérience. Dans une approche multicanal, l’interactivitécommerciale incite à intégrer dans le magazine un média de réponse qui renvoie à un contacttéléphonique, à un service Minitel ou à un site Internet.

Le e-mailing

Les envois de courriers électroniques directs sont en augmentation rapide, notammenten raison des faibles coûts de ce média. Si 500 euros représentent le coût d’une visite avec unvendeur comme indiqué plus haut, 50 euros seront le coût d’un contact par téléphone et uncontact par Internet coûtera 5 euros, ou même moins. Toutefois, le succès du e-mailing nes’explique pas seulement par des contraintes de coûts, ce nouveau canal de communicationpermet, en effet, d’améliorer le contact clientèle grâce à un échange immédiat et interactif.Ainsi, le client fidèle d’une entreprise lui confie son adresse mail et accepte très volontiersd’entretenir, par ce canal, une histoire à répétition. Les offres proposées par l’annonceur sontalors adaptées, donc bien accueillies par le consommateur.

Le service clients

Le service clients prend appui sur le canal téléphonique. A la différence des centresd’appels où l’entreprise prend contact avec des prospects ou des clients, le service clientspermet au client d’être l’initiateur du contact. Par cette originalité, le service consommateur estdevenu un moyen privilégié des entreprises pour fidéliser leur client. La hot-line, permet eneffet aux individus de solliciter 24h/24 un conseil, une information, de déposer une réclamationou de passer une commande. Dès que le consommateur contacte de lui-même l’entreprise, letéléphone a le mérite d’être rapide, et interactif.

Toutefois, les téléopérateurs font face à des questions, des réclamations et doiventdéfendre l’identité de la marque. L’éventuel danger du service clients est de détériorer l’imagede l’entreprise par le manque de connaissance de la marque, surtout lorsque le service estexternalisé. D’où l’importance d’une cellule propre à l’entreprise, bien rattachée à sa culture oùle responsable de marque doit veiller à la pertinence du discours des téléconseillers.

Les bénéfices et limites d’une campagne d’e-mailingLe e-mail représente certains avantages pour l’annonceur et le consommateur, ilconnaît toutefois de nombreuses contraintes importantes à connaître.

- Les bénéficesLes annonceurs peuvent toucher leur cible en one to one.L’e-mail permet d’améliorer la relation client grâce à son caractère immédiat.Le e-mail améliore l’interactivité.Le e-mail permet de donner des informations précises et de jouer sur la création publi-citaire.Une campagne d’e-mailing peut dynamiser l’image de marque de l’annonceur.C’est un canal peu coûteux.

- Les limitesL’efficacité du e-mailing peut être remis en cause par la fiabilité des adresses.L’internaute peut craindre d’ouvrir un courrier inconnu en raison des risques de propa-gation des virus.S’il n’est pas inscrit dans une démarche de « permission » le e-mail peut être consi-déré comme une violation intempestive de l’intimité de chacun.

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2.3 InformerPour communiquer les valeurs de la marque mais aussi pour améliorer les relations

clients, les entreprises s’appuient sur le face à face et le site Internet. Ces supports, bien gérés,permettent à l’entreprise de s’exprimer librement avec la plus grande clarté.

Le face à face

La rencontre en face à face est très évidemment la plus ancienne de toutes lesméthodes de contact avec un client. Que ce soit à son domicile, dans une agence ou dans unlieu de réunion, le client particulier a depuis toujours été sollicité par les vendeurs. La formulese raréfie pour ce qui est du démarchage à domicile mais conserve toute sa forme avec lesdéplacements du client vers l’entreprise.

Pour ce qui est du client entreprise, dans le domaine du B to B, la pratique estuniversellement plus répandue. On en comprend à l’évidence l’intérêt. La rencontre permetd’écouter le client pour mieux reformuler sa demande et autorise l’argumentation et laréactivité. On peut montrer son offre, la faire vivre dans une situation, en préciser l’intérêt enfonction des réactions du client.

Tout ceci est une caractéristique qui ne peut trouver d’équivalent dans un aucun autrecanal de communication. Souplesse, réactivité, adaptation, capacité à démontrer, le face àface rassemble tous les suffrages. De l’automobile au matériel de bureau, de l’ordinateurportable au vêtement, du contrat d’assurance au voyage de vacances, on ne peut imaginer uneméthode plus puissante et plus adaptée que le face à face.

La contrepartie de ces avantages nombreux est le coût élevé de ce contact. Une visite,une rencontre, un face à face comporte un coût, variable selon le temps d’accès, la durée del’entretien et les compétences du vendeur. Une visite d’un vendeur très qualifié, donc bienrémunéré, qui nécessite une journée de préparation, en comptant une journée d’approche, vacoûter plusieurs centaines d’euros et ceci en ignorant les frais de déplacement. On avancefréquemment, dans le domaine industriel, le coût de 500 euros pour une visite. Voilà à n’en pasdouter, une moyenne même si elle masque des réalités différentes. Lorsque c’est le client quise rend dans une entreprise, dans une agence, dans un magasin ou un show room, le coût ducontact est évidemment réduit mais demeure important.

Toutefois, pour assurer un retour sur investissement maximal, les entreprises ont biencompris que la force de vente devait être intégrée dans une stratégie multicanal.

Le service clientsDe plus en plus, le service consommateur est utilisé comme un outil de marketing dont

l’objectif est de faciliter la relation d’un client avec la marque. Sur les emballages del’ensemble des marques de Lever Fabergé (Skip, Omo, Cif, Cajoline, Rexona, etc.) figureainsi un numéro Azur pour les clients.

Par ailleurs, le service consommateur se transforme en outil de la gestion de la relationclient. Le consommateur a, en effet, de plus en plus d’attentes vis-à-vis de la marque et si leservice client lui propose des réponses adaptées, la confiance s’accroît et la proximité sedéveloppe. Les Centres Leclerc viennent ainsi de lancer un service consommateurs baptisé« Allo E. Leclerc » qui permet de répondre rapidement et de façon adaptée aux demandes desclients.

Enfin, le fait que de nombreux services consommateurs soient rattachés à la directiongénérale de l’entreprise, comme ceux de Nestlé et Procter et Gamble, révèle l’importance decette unité dans le management de la relation client.

D’après Marketing Direct, N°66, janvier 2002

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Le site Internet

Les sites Internet pour lesquels le client décide, par lui-même, de la prise de contactconnaissent un grand succès auprès des marques qui veulent développer leur marketingrelationnel. Les marques intègrent ainsi de plus en plus l’adresse de leur site Internet au seinde leurs campagnes publicitaires dans la presse, à la télévision ou en affichage.

Outre l’image de modernité que confère le Web, les sites Internet permettent auxmarques de mettre en place un nouveau canal d’échange avec les consommateurs. Parexemple, le site Internet de Cyrillus, marque vestimentaire pour les enfants et leur maman,permet de relayer l’image de la marque, de présenter les nouveaux produits et de mettre enplace les offres promotionnelles. Toute cette communication est, de plus, relayée par descampagnes d’e-mailing personalisées.

Le site Internet peut également être un moyen pour créer une relation privilégiée avecsa cible.

Quelques mois avant le lancement de la Mini One et relayé par une campagne decommunication, BMW proposait une visite virtuelle au volant de la nouvelle voiture sur le sitemini.com. Yop, la première marque à avoir osé le discours décalé dans l’univers des produitsultra-frais, a refondu son site pour donner naissance à la Yop city et y décline la Yop attitude :zone de jeux, bons plans, goodies à télécharger. Le site Internet permet à la marque Yop derevendiquer son style de vie jeune, décontracté et d’entretenir une relation de proximité avecle public. Le site Internet peut devenir une véritable opportunité pour faire vivre une marque.C’est ainsi que la marque Monsieur Propre a rajeuni son image depuis l’ouverture de son siteInternet lancé en juin 2000. En organisant sur Monsieurpropre.com un concours d’affiches etde slogans publicitaires P&G a créé du trafic sur le site et a surtout mieux su faire connaître samarque apposée sur des tee-shirts que l’on repère aujourd’hui dans les quartiers à la mode dela capitale parisienne.

Toutefois, l’efficacité du site Internet dans une stratégie multicanal dépend notammentde son interactivité, de sa simplicité, de sa bonne ergonomie, de son design attractif et de sapréoccupation en matière de sécurité pour protéger les transactions. Les grands précurseursde la vente tels Amazon.com mais aussi les banques, les agences de voyages ont su habituerl’internaute à nouer des contacts par le Web. Les avantages sont immenses pour l’entreprisecomme pour le client. Pour l’entreprise, le coût réduit a déjà été relevé mais il convient d’yajouter la capacité à présenter, à faire vivre les offres, à entrer dans une relation trèsindividualisée avec une forte interactivité et une rapidité excellente.

Il suffit pour s’en convaincre d’observer les résultats d’une entreprise comme Dell.Quant au client, il retrouve en continu toute l’information souhaitée. S’il s’agit d’une simple prisede contact pour une information ou une réclamation, le dépôt de sa demande est immédiat.Dans le domaine bancaire, par exemple, les clients prennent conscience des bénéfices de lastratégie multicanal qui leur permet de réaliser par Internet la consultation des comptes et lesopérations bancaires simples, y compris la vente et l’achat d’actions. Notons qu’Internet est

Optimiser la force de vente dans un contexte multicanalTrois principes peuvent être prescrits afin d'améliorer l'efficacité ? d'une force de

vente impliquée dans un dispositif multicanal : 1- Recentrer l'activité de la force de vente sur l'acquisition et la pénétration de grands

comptes, en réduisant notamment le rôle de la force de vente dans les processusd’approvisionnement ou de support après-vente

2- Fournir un support technologique à la force de vente. L’information auxcommerciaux doit leur permettre d’identifier de nouvelles opportunités et de conclure desventes. De ce fait, l’information fournie aux vendeurs doit être rapide d’accès, actualisée defaçon continue, être intégrée au système d’information de l’entreprise. Enfin, il est importantd’utiliser des technologies collaboratives et Internet pour améliorer l’agrégation desinformations sur un même compte.

3- Former la force de vente aux interactions avec les autres canaux. Si les canaux devente alternatifs peuvent aider la force de vente à concentrer leur activité sur l’acquisition degrands comptes, cela ne peut se faire sans une maîtrise des interactions entre les différentscanaux. Une formation spécifique des commerciaux peut éviter de graves déconvenues quantà l’efficacité d’un dispositif multicanal.

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devenu un lien de contact aussi bien en B to B (à preuve le développement lent mais continudes places de marché) qu’en B to C.

3 LA PRATIQUE DU MULTICANAL : DES DANGERS REELSLes entreprises surfent sur les différents canaux de communication possibles. Mais se

pose aujourd’hui la question, non plus du choix d’un canal, mais de la combinaison optimaleentre plusieurs canaux.

Le multicanal offre de nouvelles opportunités aux entreprises commerciales qu’ils’agisse de mieux servir les clients, d’en atteindre de nouveaux, d’accroître la fréquence descontacts ou d’améliorer le ciblage des actions marketing. Ces opportunités posent, toutefois,de nouveaux défis et risques. Il ne s’agit pas de dresser la liste des limites que ces méthodes,comme toutes autres actions commerciales, peuvent rencontrer. Nous nous attachons ici àmettre en évidence les dangers potentiels de cette démarche. Les entreprises parviennent-elles à suivre finement les comportements de leurs clients d’un canal à l’autre ? N’y a-t-il pasune grand risque d’aboutir pour elles à une vision morcelée du client ?

3.1 Une accumulation de canaux de contact sans véritable intégration globaleLorsqu’un seul, voir deux canaux existent pour prendre contact avec le client, par

exemple, la visite et le courrier, la réception dans une agence et le téléphone, le téléphone etle courrier, la segmentation en terme de communication est relativement simple. Les clientsimportants sont visités et joints par téléphone, les clients plus modestes sont contactés partéléphone, les plus petits clients ne méritent qu’un simple courrier. A terme, si de nombreuxcanaux sont mis en œuvre pour chaque client, la démarche conduit à rattacher chaque canalà un besoin spécifique. De ce fait le client, traité de façon morcelée, devient insatisfait.

Chaque canal est spécialisé pour un seul problème

Aujourd’hui chaque segment, voire chaque client, est rattaché à un canal spécifiqueselon ses besoins. La banque en constitue un bon exemple. Un client « moyen » n’est supposése rendre dans son agence que pour acquérir de nouveaux produits mais il n’a pas d’autresressources qu’Internet ou un automate téléphonique pour collecter des informations et suivrel’état de son compte. Comment alors faire admettre au client, que lors de son passage dansl’agence, il peut, par exemple, retirer un bijou d’un coffre mais qu’il ne lui sera pas possible dese faire remettre de l’argent liquide et qu’il doit recourir au distributeur automatique de billets.Le client peine à accepter que son statut se modifie à chaque opération et que l’entreprise luiimpose un canal de contact différent pour résoudre les divers problèmes. Il souhaite un servicecomplet au moment de chaque contact et déplore vivement de ne pas pouvoir disposer de ceque l’on appelle le « guichet unique ». La pratique s’observe de la même manière dansl’assurance, chez les opérateurs de téléphonie mobile, les vendeurs d’appareilsélectroménagers ou d’ordinateurs.

Là se trouve une réelle limite du multicanal. Celui-ci entend tronçonner le client selonla nature et l’objet du contact alors que le client, lui, bien au contraire, veut une porte d’entréeunique capable de répondre à toutes ses interrogations que ce soit une demanded’informations (coûteuse pour l’entreprise), une réclamation (utile mais très onéreuse pourl’entreprise), une décision d’achat d’un faible montant ou d’un montant élevé.

Dans le cadre du B to B, les entreprises ont parfaitement compris ce danger en créantdes responsables de comptes-clés qui coordonnent l’ensemble des contacts avec un seulclient. Mais a-t-on pensé à ce qu’il convient de faire pour un compte « non clé » ? De même,les fabricants ont ajouté des responsables d’enseignes dans leur organigramme pour

Tableau 1 : L’association des différents canaux de contact selon les objectifs marketing

Objectifs poursuivis

Force de vente

Mailing, e-mailing

Télémarketing

SMSSite

InternetCentre d’appels

Service clients

ProspecterFidéliserInformer

XXXX

XXXX

XX

XXXX

XX

XX

XX

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maintenir un contact harmonieux avec les grands distributeurs en dépit de la multitude decanaux utilisés pour les contacter.

Une absence de vision globale

Les opérations de contact par un canal ou un autre sont encore trop fréquemmentdécidées sans une vision globale dans l’entreprise. Un segment de population reçoit une offrepar courrier car il répond à certains critères alors qu’au sein de cette population certains clients,parce qu’ils répondent en même temps à d’autres critères, vont recevoir la même offre ou uneoffre voisine par un contact téléphonique. De plus, le client, au regard d’une vente, peutapparaître comme multifacettes : il est chef de l’entreprise dont la banque détient le compte depar son métier, mais il est particulier en raison de ses comptes personnels. Combiend’entreprises sont à même de surpasser ces différences pour voir le client globalement ?

De fait, l’usage du multicanal peut s’opérer de façon désordonnée. Ceci est d’autantplus vrai lorsque les activités appartiennent, sur le plan organisationnel, à des structuresdifférentes.

Le centre d’appel, par exemple, relève du département CRM au sein de la divisionmarketing ; les équipes de vendeurs sont sous l’autorité de la direction commerciale ; lesopérateurs, qui font des mailings appartiennent à une cellule promotion rattachée au chef deproduit ou au chef de groupe concerné. La coordination, les échanges d’informations, lesactions d’intégration des plans commerciaux, le décloisonnement des axes de travail sontautant de voies absolument indispensables pour assurer l’efficacité de la stratégie multicanal.

3.2 Des clients insatisfaits par des canaux inadaptésA ce stade, on ne peut éviter de s’interroger sur la pertinence du développement des

canaux de contact dont le coût est sans aucun doute très diminué mais qui n’apportent au clientqu’une satisfaction réduite.

Des canaux inadaptés aux besoins des clients

Centres d’appels et sites Internet sont en perpétuel développement et s’améliorent dejour en jour mais engendrent encore beaucoup de difficultés. Les enquêtes clients sontsaturées des exposés des désagréments ressentis : hot-line jamais joignable, numéros detéléphone toujours occupés ou ne répondant pas, automates téléphoniques qui sont organiséspour dissuader le client d’aller choisir le contact direct avec un conseiller, sites Internet dont lemaniement est incompréhensible, voire dont certaines pages sont impossibles à ouvrir, fichiersPdf rompant la connexion au moment de l’ouverture, impossibilité d’imprimer les pages utiles,absence de renseignements précis sur ce que l’on souhaite. Pour une satisfaction réelle sur laqualité, la précision, la rapidité d’un contact, combien d’histoires négatives rapportées ! Le

CRM multicanal : la grande embrouille« Dans leur stratégie CRM, les entreprises ont répondu pour la plupart à une logique

de juxtaposition et non d’intégration » affirme Xavier Gazay, responsable du CRM France etBenelux chez Accenture. Et, à en croire Olivier Bourassion, responsable du partenariat Siebelchez CSC Peat Marwick, le constat a tout autant d’acuité aujourd’hui. Selon lui, la tendance àl’agrégation se confirme :

« Dans la phase de conduite de projet, les entreprises travaillent de moins en moinssur des schémas globalisants. Elles entrent dans la relation client par un canal, comme lescentres d’appels ou encore Internet. Par la suite seulement et progressivement, elles intègrentd’autres canaux. »

L’exemple du Club Med, souvent cité, est éloquent. Voici une entreprise, trèssoucieuse de sa communication, qui a d’emblée souhaité élargir les points de contact avec laclientèle, ne lésinant pas sur les dépenses autour du mailing courrier, du centre d’appels,d’Internet (sans parler de la pub et des points de vente). Le hic, c’est que, dans larestructuration souhaitée il y a quelques années par le PDG, les passerelles n’ont jamais étésérieusement établies entre la base de données gérée par les agences et le siège, celleaccolée au call center et celle attenante au Web. Ce qui donne parfois lieu, dans la teneur dela communication avec la clientèle, à des détails pour le moins cocasses.

Source : Marketing Direct, février 2002

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point de vue donné ici ne doit pas masquer tout l’intérêt de ces canaux récents. Il est développéuniquement pour en souligner les difficultés.

Par ailleurs, il est important de préciser que plus le nombre de canaux est élevé plus lacoordination est délicate. La gestion en parallèle des actions de marketing direct et deséquipes de vente dans l’automobile, par exemple, a donné lieu à de nombreuses réflexions ily a plusieurs années. Aujourd’hui, marier avec habileté le site qui donne de l’information etpermet de prendre des commandes, le catalogue général, les mailings spécifiques, le contactdirect grâce aux vendeurs spécialistes, les supports techniques, les responsables de comptes,le e-mailing, les prises de rendez-vous grâce à un centre d’appel et le bon accueil dans unshow room ou une agence relève d’un véritable exploit. C’est ici que la nouveauté se trouve,dans la notion même de canaux multiples. La Camif se vante ainsi de sa stratégie multicanalà travers le slogan « un article peut être choisi sur le catalogue papier, essayé en magasin etacheté sur le web ». On imagine comment la chaîne peut être rompue si une des phases n’estpas en parfaite harmonie avec les deux autres. Il reste désormais à étudier, ce qu’en pensentles clients ou les prospects, comment ils vivent les multiples approches dont ils font l’objet autravers de ces canaux multiples.

Des clients peu satisfaits

Les attentes des clients envers une entreprise, dans toutes les formes de contactpossibles, sont différentes entre les domaines des services (Air France, BNP Paribas, Deloitteet Touche) d’une part et les fabricants (Danone, Sony, Dell) d’autre part. Toutefois, le clientattend une réponse rapide, précise, chaleureuse lorsqu’il est l’initiateur du contact. Lorsquel’entreprise est à l’origine du contact, le consommateur souhaite être contacté de manièreciblée, c’est-à-dire dans des conditions qui ne l’importunent pas. Sur ces deux plans, lemulticanal pourrait présenter des limites.

• Les canaux à distance sont une source emblématique de l’insatisfaction des clients.

Internet et les centres d’appel ou les automates téléphoniques sont à même derépondre utilement à de nombreux types de contacts. Lorsque l’information souhaitée ousollicitée est factuelle, lorsqu’elle ne comporte ni ambiguïté ni adaptation nécessaire, niréactivité, ni reformulation, elle peut aisément transiter par des canaux électroniques.

En revanche, lorsqu’un client attend un contact adapté, lorsqu’il se trouve dans unesituation singulière, lorsqu’il pense avoir droit à un traitement personnel, le canal à distance,sans la présence d’un interlocuteur, ruine la qualité perçue du service. L’éloignement généraldes entreprises de leurs clients pour des raisons multiples (longueur et complexité des circuitsde commercialisation, délocalisation, regroupement des ressources dans des lieux précis)rend la qualité du contact encore plus cruciale. Toute diminution de certains indicateurs de

Faible intégration des différents canauxDurant le dernier trimestre 2001, Accenture a mené une enquête auprès des

responsables marketing de grandes entreprise britanniques et américaines. 175 entretienstéléphoniques ont été menés dans divers secteurs d’activité (produits de grandeconsommation, distribution, construction et vente automobile, services, finance). S’il neconcerne pas précisément les entreprises françaises, ce focus est intéressant en ce qu’ilrévèle la relativement faible intégration des différents canaux et médias des entreprises. Enl’occurrence, rien ne laisse supposer que les choses soient plus avancées dans l’Hexagone.

68 % des entreprises sondées ne sont pas en mesure d’évaluer le retour surinvestissement de leurs actions de marketing. Ce, du fait d’une trop faible intégration desdifférents outils impliqués : vente, marketing relationnel, centres d’appels. 65 % despersonnes interrogées affirment avoir du mal à connecter les diverses données, clientsrecueillies via les différents canaux (Web, mailings, call centers…). D’autant que, comme lesignale Accenture, les moyens exploités pour contacter la clientèle sont de plus en plusnombreux, accentuant toujours plus la fragmentation des actions et campagnes de marketingrelationnel. Or, si la dimension "créative" et production de cette multiplicité est assez bienmaîtrisée, la vision unifiée est beaucoup plus précaire côté dimension analytique des donnéesenregistrées et côté exploitation intégrée des informations. 67 % des entreprises jugentnécessaire une meilleure intégration de ces canaux.

Source : Marketing Direct, février 2001

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satisfaction engendre chez le client, à très court ou à plus long terme, un désir de changer defournisseur pour retrouver une richesse relationnelle jugée perdue.

• Le client n’admet pas les traitements différenciés

Le client est une personne unique, qui ne peut se résoudre à être traité de façondifférente selon les services qu’il attend. De plus, le client est à l’évidence, client de plusieursentreprises, dont il peut aisément comparer les offres, qu’elles soient dans un même domained’activité ou non. Le particulier compare les efforts de son banquier pour le solliciter oul’informer avec ceux entrepris par une autre banque – lorsqu’il est multi bancarisé – ou avecceux de son concessionnaire automobile. La comparaison porte par exemple sur les facilitésd’accès au service client de SFR d’une part avec l’achat en ligne d’un billet SNCF d’autre part.Ou encore, l’entreprise vérifie le service offert par son fournisseur de fournitures de bureauavec le démarchage de son banquier pour une flotte de transport. Tout est comparé, tout estvérifié. Le client repère les qualités, les défauts, et les limites de la stratégie multicanal de leursfournisseurs, qui en atténuant leur coût de contact, prennent le risque de la dégradation de laqualité du service offert.

3.3 Les conséquences d’un multicanal désordonnéLa logique même du multicanal est d’offrir à chaque client un service adapté, au

moindre coût, répondant à chacune de ses demandes. Le multicanal est né, comme nousl’avons dit, d’une force « push » - la technologie l’a permis - et d’une force pull – offrir auconsommateur les mille moyens d’entrer en relation avec l’entreprise à tout moment. Le CRMn’est pas simple à mettre en œuvre ; les choix sont délicats ; la réussite à court terme n’est pasnécessairement au premier détour du chemin mais la formule ne connaît pas de détracteurs.Mieux connaître le client pour le fidéliser avec des contacts variés est admis par tous. Unmulticanal adapté à chaque situation et qui parvient à dominer son désir de conserver tous lesclients pour, au contraire, ne retenir que les meilleurs et accepter de détourner de l’entrepriseles clients fidèles mais trop peu rentables, sont des actions qui représentent le lot au quotidiendes spécialistes du marketing. Mais, comme on le dit aujourd’hui, c’est dans la mise en œuvreque se trouve la réussite. Le principe de multicanal n’est contesté par personne. En revanche,des actions de multicanal mal préparées, mal coordonnées sont au cœur du problème. C’estce que nous allons décrire autour de quelques idées force.

Une compétition entre les canaux

Il est tellement aisé de franchir le pas entre la complémentarité souhaitable et lacompétition ruineuse. Le multicanal repose, par construction, sur le credo de l’intérêt de lacomplémentarité. Dans tous les domaines, et donc bien évidemment dans celui du marketing,la volonté affichée dans l’entreprise de la plus parfaite harmonie est réelle mais la réalité estparfois bien différente. Les structures sont telles que, très souvent, ou plutôt trop souvent, lesdépartements sont en lutte les uns contres les autres. Les vendeurs se heurtent aux opérationsde marketing direct, la publicité grands média dispute sont budget à la promotion des ventes,le mailing ciblé souhaite tirer à lui une couverture qui, jusque-là, protégeait les envois enmasse. Dans une entreprise, toute opération est en compétition redoutable avec les autres. Lasimple naïveté pourrait faire croire qu’une profonde harmonie règne mais ceci estgénéralement erroné. Le désir de chaque titulaire de la responsabilité d’une action de faireprévaloir son efficacité à tout prix le conduit à mener ses batailles dans une sorte d’isolement.Combien de luttes ont été menées dans une vision de conquête et de fidélisation de clientèle– et c’est très normal – mais sans la prise en compte raisonnée des faits induits par un moyend’actions sur les autres moyens ? Quel responsable de centre d’appel a en tête que son activité

Les grandes marques à réseau peinent à maîtriser leur dispositifmulticanalChacun reconnaît que « cette multiplication des canaux a complexifié la relation que

les banques entretiennent avec leurs clients. Nous avons tous eu tendance à développer cescanaux en les impliquant de manière successive et peut être un peu trop cloisonné (BanquesPopulaires). Les banques ont conçu Internet en termes d’architecture informatique,davantage comme un nouveau produit que comme un nouveau canal. Résultat : les systèmesfonctionnent mais des progrès considérables peuvent être accomplis en matière decohérence.

Source : Les Echos, novembre 2002

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est d’abord destinée à conférer un support aux équipes de vente ? Quel chef de produit n’ajamais lancé de mailing sans avoir repéré au préalable, avec le gestionnaire du site Internet,les risques d’effets imprévus sur les clients ? Quel Web Master n’a-t-il pas modifié une offre,créé une bannière, établi un lien entre sites sans repérer avec précision l’effet sur l’imageauprès des clients ? Le monde marketing et commercial n’est pas un monde idéal. Tout aucontraire, et sans que les compétences des uns et des autres ne soient nullement mises encause, observons la réalité : les informations circulent mal, le décloisonnement n’est jamais ceque l’on attend, les efforts de transversalité ne portent leurs fruits qu’à terme.

Une mise en oeuvre difficile

Les imperfections de la communication, dans le cadre du multicanal, engendrent desimmenses difficultés puisque plusieurs canaux visent un seul objectif, une seule personne, leclient. Toute action désordonnée, toute concertation non parfaite, toute coordination nonassurée vient révéler son inefficacité au cœur de l’entreprise. Celui-ci, dans un même temps,apprend à déjouer les erreurs du multicanal car il en découvre instantanément les limites enmettant à jour les pratiques de l’entreprise. Segmentation, ciblage, positionnement, pourparvenir à leur efficacité maximale sont des actions qui doivent travailler dans la plus parfaitesymbiose. Lorsque leur mise en œuvre, en sens contraire, révèle des faiblesses, ellesimpriment dans l’esprit du client, ce qui ne devrait jamais s’y trouver : la mise à jour de lastratégie commerciale. Dans cette voie, le multicanal par ses excès, ses imperfections courtles plus grands dangers. Il révèle ce qui devrait être logiquement masqué. Il indique au clientqu’il n’est qu’une ligne d’un fichier et que ses désirs sont soigneusement décortiqués, analysésafin de déterminer des réponses adaptées et guidées par les seules nécessités de l’entreprise.Si nous prenons quelque hauteur de vue, on observe ici que les principes du multicanal sontsans défaut mais que leur mise en application, parce qu’elles touchent les hommes et lesstructures, peut nous plonger dans la dure constatation de la réalité et, ici, le constat estsévère. Le mauvais, ou tout au moins le multicanal imparfait, plonge l’entreprise dans les piresdifficultés.

EN CONCLUSION, quelques recommandationsLe multicanal, en offrant à chaque client un service adapté et répondant à chacune de

ses demandes, est devenu un fait incontournable et rentable aussi bien pour l’entreprise quepour le client. Mais c’est dans la mise en œuvre que se trouve la réussite ou l’échec de lastratégie. Des actions multicanal mal préparées, mal coordonnées peuvent ainsi engendrerdes difficultés dans le management de la relation client. Deux conseils peuvent alors êtredonnés pour améliorer la mise en œuvre de cette stratégie.

Le premier est de bien comprendre, du côté de l’entreprise, que plus le nombre decanaux utilisés s’accroît, plus la complexité et donc plus les risques d’erreurs augmentent. Aun doublement du nombre de canaux correspond sans doute une multiplication par six de lacomplexité. Le multicanal ne peut tolérer d’imperfections. Le recours à un canal unique, ou àdeux canaux, permet de combler aisément les lacunes, de les contourner, de les atténuer. Lemulticanal, tout au contraire, avec les interactions qu’il crée, voit toute erreur beaucoup plusdifficilement gommée.

Le second conseil est celui de prendre, encore plus régulièrement qu’auparavant, l’avisde la clientèle sur la qualité des contacts entretenus. La perception simple d’une insatisfactionqu’un vendeur en face à face pouvait recueillir, ou qu’un conseiller au téléphone décodaitfacilement n’est plus de mise avec la distance et le multicanal. L’ordinateur, l’automate, Internetsont mal équipés pour comprendre une tonalité, un agacement de la part du client. Une visitesur un site, trop vite quitté par un client parce que l’ergonomie n’était pas pertinente, n’est pasnécessairement mesurée comme une insatisfaction. Il convient donc, pour les entreprises, demettre au point des baromètres sur cet aspect de la satisfaction du contact en prenant encompte plus particulièrement les effets du multicanal. La réussite future est à ce prix. Le jeu envaut la chandelle.

Références[7] Besson M. et Gurviez P. (2000), La vente dans un contexte relationnel : l’exemple du

luxe, Décisions Marketing, 20, 47-55.

[8] Ivens B. et Mayrhofer U. (2003), les facteurs de réussite du marketing relationnel,Décisions Marketing, 31, 39-47.

[9] Michel G. et Vergne J.F. (2001), Le magazine de marque : un outil de communicationpour la distribution, Décisions Marketing.

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[10] Oxford Associates (1999), Multi-Chanel customer Coverage, White Paper.

[11] Sillard B. (2003), La communication multicanal, in De Floch G., Les Médias, Editionsebg, 403-441.

[12] Tzokas N., Donaldson B. et Sade A.B. (2000), L’impératif du service client dansl’industrie, Recherche et Applications en Marketing, 15, 1, 21-38.

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Les papiers de recherche du GREGOR sont accessiblessur INTERNET à l’adresse suivante :

http://gregoriae.univ-paris1.fr/Site de l’IAE de Paris : http://www.iae-paris.com

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La stratégie de contact avec les clients au moyen de canaux multiples : une nécessite mais des

dangers réelsJean-Pierre HELFER et Géraldine MICHEL

Professeur à l’IAE de Paris - Maitre de Conférences à l’IAE de Paris

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