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Il n’existe pasde plus grande douleur

au monde que la pertede sa terre natale EURIPIDE, 431 AVANT J.-C.

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Depuis sa création il y acinquante ans, le 14 décembre1950, le Haut Commissariat desNations Unies pour les réfugiésa aidé quelque 50 millions depersonnes, déracinées par lesguerres et les persécutions, àprendre un nouveau départ dansla vie.Pour commémorer ce demi-siècle d’existence, desmanifestations sont prévuesdans le monde entier. C’est aussi,et surtout, l’occasion de rendrehommage à ces femmes et ceshommes qui, aprèsd’indescriptibles souffrances,ont réussi, par leurdétermination inébranlable, àreconstruire leur existencebrisée.La première de cesmanifestations aura lieu àGenève, le 14 décembre 2000, ladate anniversaire. Une soirée degala télédiffusée réunira desartistes de renommée mondialequi furent eux aussi, un jour, desréfugiés. Sont également auprogramme, une conférence depresse, une campagned’information sur la contributiondes réfugiés à leurscommunautés d’accueil, etl’inauguration d’un Fonds pourl’éducation des réfugiés, quinous l’espérons, prendra ensuitela forme d’une institutionpermanente.Les femmes et les enfantsconstituent la grande majoritédes réfugiés. Dans le chaos de laguerre, de la fuite et de l’exil,toute possibilité de scolarisationest exclue, parfois des annéesdurant. Le Fonds devraitcontribuer à remédier à ceproblème en permettantd’intégrer les enfants à unescolarité au niveau dusecondaire.Des dizaines d’autresmanifestations sont prévues —expositions, festivals, émissionde timbres commémoratifs,publications diverses. Un siteweb spécial (www.unhcr-50.org)est déjà en service.Une “Galerie des réfugiéscélèbres” présentera les histoirespersonnelles d’exilés qui, aucours des siècles passés et enparticulier des dernièresdécennies, ont enrichi les paysqui les ont accueillis de leurtalent, de leur courage et deleur générosité.L’Assemblée générale desNations Unies devrait par

Le droit au respect

Cette vidéo d’une durée de 30 minutes retracel’histoire de 50 années de travail au service desréfugiés. Au départ modeste institution au mandattemporaire, le HCR est devenu, au fil des ans, unevaste organisation internationale, présente dans 120pays et venant en aide à plus de 22 millions depersonnes. Les séquences documentaires illustrantl’ampleur et la gravité croissantes des criseshumanitaires sont complétées par des entretiens avecRigoberta Menchu, ex-réfugiée guatémaltèque et prixNobel de la paix, ainsi que d’autres personnalités dumonde humanitaire — Bernard Kouchner, le princeSadruddin Aga Khan, Olara Otunnu et Sadako Ogata,Haut Commissaire du HCR.

Production :Unité vidéo du HCRe-mail : [email protected] en anglais et en françaisNTSC / Pal / Secam

“Nous y étions…”

Assurer la scolarisation des enfantsréfugiés : une tâche primordiale.

Rectificatif : la photo de Fidel Castro, parue à la page 29 du numéro 119 de RÉFUGIÉS magazine, doit être créditée à Jenny Muñoa.

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ailleurs approuver laproclamation du 20 juin 2001comme première Journéemondiale du réfugié. Un moisplus tard, la Convention de 1951relative au statut des réfugiésfêtera ses 50 ans, le 28 juillet2001. A cette occasion, les Etatsseront solennellement rappelésau respect de leurs engagementsenvers les demandeurs d’asile etles réfugiés.

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Regardons un demi-siècle en arrière. Le monde retrouve la paix après laSeconde Guerre mondiale. Il doit alorsaider les dernières victimes du conflit àreconstruire leur vie. C’est ainsi que naîtle Haut Commissariat des Nations Uniespour les réfugiés, doté d’un mandat detrois ans pour secourir ces civilsdéracinés et ensuite… l’espérait-on…disparaître.Mais ce scénario initial, par tropoptimiste, échappe aux mains de sesauteurs. En effet, à cette crise,essentiellement européenne, succèdentd’autres, sur tous les continents.

Aujourd’hui, l’urgence est omniprésenteet peu de régions sont épargnées.C’est à un voyage au cœur du monde desréfugiés que vous invite ce numérospécial de RÉFUGIÉS magazine. Articles,photos, dessins humoristiques etcitations forment le tissu de cetteédition, qui commémore aussi cinquanteans d’action par le HCR. Une interviewde Mme Sadako Ogata, HautCommissaire jusqu’en décembre 2000,ponctue cette rétrospective.Déchirant, édifiant, source de réflexion,le monde des réfugiés n’a jamais cesséd’être celui de tous les bouleversements.

Visages d’exil.

ILLUSTRATION DE COUVERTURE : peinture originale de Yuroz, représentant des réfugiés.MANCHETTES DE JOURNAUX : collection d’archives de Josep Bosch ([email protected]).

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Le droit au refuge n’a pas Il est tout si

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– Anonyme.

Dresde en ruines : une image de l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

de prix. mplement synonyme de vie.

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La nouvelle organisation avait

connu de modestes débuts. “J’ai trou-vé trois pièces vides au Palais des Nations et j’ai dû démarrer à partirde rien”, se rappelle Gerrit Jan van

Heuven Goedhart — avec une équipe de 33 per-sonnes, aucune délégation sur le terrain et unminuscule budget annuel de 300 000 dollars.L’argent manquait tellement qu’un lingot d’or lé-gué par “héritage” fut vendu à 14 000 dollars pourrenflouer l’agence.

Les gouvernements, divisés entre les démo-craties occidentales d’un côté et un bloc com-muniste dominé par les Soviétiques de l’autre,avaient passé des mois à chicaner sur la compo-sition et le mandat de cet organisme alors en ges-tation, le Haut Commissariat des Nations Uniespour les réfugiés. Tous s’accordaient en revanchesur un même objectif : garder la mainmise po-litique et financière sur cette agence qui, sous lahoulette de G.J. Goedhart, le premier Haut Com-missaire, commençait à remplir sa mission — se-courir près d’un million de civils, principalementeuropéens, toujours sans abri cinq ans après lafin de la Seconde Guerre mondiale.

Personne ne s’attendait à ce que la tâche fûtlongue lorsque le HCR ouvrit ses portes le 1er jan-vier 1951. Pendant un éphémère âge d’or, le mon-

de bai-gna dans l’idéa-lisme. Les Nations Uniesavaient été créées cinq ans plustôt afin “d’épargner aux générationssuivantes le fléau de la guerre qui, par deuxfois de notre vivant, a frappé l’humanité d’indicibles malheurs”.

La proclamation en 1948 de la Déclarationuniverselle des droits de l’homme était suivieun an plus tard par la quatrième Convention deGenève sur la protection des civils victimes d’unconflit. Ces textes préfiguraient une avalanched’autres conventions, lois et proclamations hu-manitaires, dont la Convention de Genève de1951 relative au statut des réfugiés. Dans cetteambiance grisante, le HCR reçut un mandat detrois ans pour réaliser sa mission avant de se dis-soudre, espérait-on, une fois résolue la questiondes réfugiés.

Les diplomates, portés par leur optimismeet pressés de trouver une solution, avaient ap-paremment oublié que l’Histoire est émaillée depersécutions et d’évacuations forcées depuis queles hommes se regroupent pour former des com-

munautés. Presque au même moment, fut lan-cée la tradition du “sanctuaire”, le refuge accor-dé aux persécutés. D’anciens textes religieuxmentionnent à plusieurs reprises la notion d’asi-le, mot d’origine grecque signifiant “hors d’at-teinte d’une capture, d’une violation, de la dé-vastation”. Thésée, roi d’Athènes, confiait àOedipe, roi de Thèbes : “Comme toi, je me rap-pelle avoir grandi dans une maison qui n’étaitpas la mienne et en terre étrangère, j’ai affron-té de mortels dangers. Ainsi donc, je ne saurais

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"Bagages : dans laprécipitation de lafuite, les réfugiésn’emportent que lestrict minimum.Et, que ce soit enAfrique ou enAsie, ils ontrecours à différentsmoyens, des plussimples aux plus ingénieux,pour transporter leurs maigrespossessions.

par Ray Wilkinson

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rejeter quiconque me demande l’hospitalité,comme tu le fais maintenant.”

Quand les nations se mirent à développer uneconscience internationale au début du XXe siècle,la tradition d’aide aux déracinés se mondialisa el-le aussi et de nombreux organismes furent consti-tués à cette fin. En 1921, la Société des Nations,précurseur de l’ONU, avait nommé l’explorateurnorvégien Fridtjof Nansen au poste de HautCommissaire pour assister 800 000 réfugiés, es-sentiellement des Russes. Dans le chaos qui sui-vit la Seconde Guerre mondiale, l’Administra-tion des Nations Unies pour le secours et lareconstruction (UNRRA) aida au rapatriementde sept millions de personnes, réfugiés et autresgroupes chassés de chez eux.

Une troisième agence, l’Organisation inter-nationale pour les réfugiés (OIR), vit le jour en1946 mais adopta une voie différente de celle del’UNRRA, son aînée. Au lieu de rapatrier la ma-jorité des civils, l’OIR réinstalla plus d’un mil-lion de réfugiés dans des pays tiers. Par la suite,priorité allait être donnée alternativement à laréinstallation ou au rapatriement, selon le conflitet le profil politique des réfugiés. Vers la fin dusiècle, les pays d’accueil traditionnels prirent peuren voyant grimper inexorablement le nombrede déracinés dans le monde, et l’on favorisa gra-

duellement le rapatriement volontaire plutôt quela réinstallation.

La première crise que connut le HCR ne futpas provoquée par un mouvement de réfugiésmais par le manque d’argent. Fridtjof Nansenavait sermonné la Société des Nations pour saparcimonie. “Assez d’hypocrisie, avait-il déclaré.Les gouvernements ne peuvent pas réunir cettesomme (nécessaire pour aider les réfugiés russes)alors qu’elle représente à peine la moitié des coûtsde construction d’un seul navire de guerre !” Tren-te ans plus tard, le Haut Commissaire Goedhart,ancien journaliste et résistant néerlandais, fit échoà la frustration de Nansen quand il milita pour lacréation d’un petit fonds d’urgence. “Qu’est-ce quela «protection» pour un homme qui meurt defaim ? demanda-t-il. Les passeports sont néces-saires, mais impuissants à calmer la faim.” Il crai-gnait que l’absence de ressources le conduise àsimplement “gérer la misère”.

Le HCR a reçu la contribution d’undonateur anonyme de Marseille. Sonmontant : quatre timbres de 25centimes, soit un franc français. Lalettre qui l’accompagnait disait :“Monsieur, pardonnez la petitessede ce don, je ne peux pas faire plus.

Je suis très vieux (89 ans), sansfamille et sans aide.”— Une aide inattendue et touchanteparmi tant d’autres.

A cette occasion la Fondation Ford, un orga-nisme privé, fut la première à injecter au HCRun apport de 3,1 millions de dollars qui l’aida àsurvivre à cette crise. Cet épisode donnait le tond’une odyssée de cinquante années au cours des-quelles l’organisation, comme le reste du mon-de, allait connaître de profonds changements.

Dans les années 60, avec l’effondrement desempires coloniaux, les grands mouvements deréfugiés se déplacèrent d’Europe vers l’Afrique.Dix ans après, ce fut au tour de l’Asie. Puis, surfond de guerre froide, les manœuvres des super-puissances engendrèrent de nouveaux exodes aucours des années 80. A la fin du siècle, la bouclefut bouclée quand de nouvelles tragédies frap-pèrent l’Afrique puis l’Europe, où tout avait com-mencé : les Balkans se disloquèrent dans lesflammes et la violence au cours des années 90.

Le nombre de personnes déracinées ne ces-sa d’augmenter dans le sillage de l’après-guerre,passant d’un million d’individus relevant à l’ori-gine du mandat du HCR, à huit millions vers1980 pour atteindre un pic de plus de 27 millions

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en 1995. Déjà parmi ces déshérités figuraient, enplus des réfugiés, d’autres catégories de personnesne relevant pas directement du mandat du HCR— des personnes déplacées à l’intérieur de leurpropre pays, des réfugiés qui rentraient chez euxet des demandeurs d’asile.

Tous ces gens avaient fui les guerres et les per-sécutions par tous les moyens — à pied, en canoë,en voiture, en camion ou par avion — seuls, avecleur famille, ou de plus en plus souvent, dans lecadre d’un exode massif. En 1971, dix millions decivils passèrent en Inde pour échapper aux dan-gers qui les menaçaient au Pakistan oriental (lefutur Bangladesh). Ce fut le plus important dé-placement humain de l’histoire moderne.

Trois millions de boat people quittèrent l’Asiedu Sud-Est au lendemain de la guerre du VietNam et six millions d’Afghans ont dû fuir leurpatrie. En 1994, plus d’un million de Rwandaisse réfugièrent au Zaïre en l’espace de trois jours.Dans les années 90, le HCR s’occupa de quatremillions de personnes dans la région des Balkans.Il est arrivé qu’un seul camp abrite des centainesde milliers de réfugiés, devenant parfois la plusgrande agglomération d’un pays donné.

En 1981, quand 452 bateauxdébarquèrent en Thaïlande avec àleur bord 15 479 réfugiés, les

statistiques fournies par le HCRrévélèrent un monde d’horreur : 349embarcations avaient été attaquéestrois fois chacune en moyenne; 578femmes avaient été violées, 228autres enlevées et l’on dénombra881 décès ou disparitions.— Rapport sur les sévices endurés régu-lièrement par les boat people indochinois.

Le budget initial du HCR, de 300 000 dol-lars, atteignit le chiffre record de 1,4 milliard dedollars en 1996, au plus fort de la crise mondia-le, tandis que son personnel passait de 34 à plusde 5000 membres présents dans 120 pays. A cô-té des juristes chargés de protéger les droits desréfugiés intervenaient désormais, du fait de lacomplexité croissante des opérations, des logis-ticiens, des ingénieurs hydrauliques et du bâti-ment, des psychologues, des nutritionnistes, desdémineurs, des universitaires, des écologues, desjournalistes, des experts en cartographie et ima-gerie par satellite, des contrôleurs aériens et autresspécialistes. Le nombre d’associations humani-taires, notamment d’organisations non gouver-nementales (ONG), se multiplia également. Aucours des années 90, il devint courant de voir descentaines d’agences, depuis les groupes fonda-mentalistes religieux jusqu’aux équipes de neu-

rochirurgiens, planter leurs tentes dans les lieuxles plus désolés de la planète.

Les progrès des communications et des trans-ports révolutionnèrent le refugee business. Dansles années 60, un Africain avait adressé un appelà l’aide au Haut Commissaire, au moyen dequelques mots gravés sur une feuille d’arbre : “Jepense que vous serez heureux de m’entendre àtravers cette feuille.” Le messager de fortune arri-va à Genève par courrier. A la fin des années 90,les réfugiés kosovars disposaient gratuitement detéléphones portables pour appeler leurs proches.

Si les réfugiés continuèrent de fuir par lesmoyens les plus rudimentaires et les plus chao-tiques tout au long de ces cinquante années, lesopérations mises en place pour les aider devin-rent de plus en plus sophistiquées et high-tech.En 1973, le HCR organisait le plus important pontaérien de tous les temps pour rapatrier des di-zaines de milliers de victimes de la guerre au Pa-kistan à travers le sous-continent indien.

Après le plus “grand” pont aérien, le HCRmit en place le plus “long” pont aérien humani-taire de l’histoire pour nourrir la population as-siégée de Sarajevo, la capitale bosniaque, durantquatre rudes hivers. Il dura 1279 jours.

Ce fut l’Organisation du Traité de l’Atlan-tique Nord (OTAN) qui livra la première guer-re humanitaire de l’histoire, la seule à ce jour,

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"Transport :la plupart des réfugiéss’enfuient de chez eux àpied. D’autres partent entracteur, en voiture, enavion ou en camion. EnTanzanie, un alliéinattendu, le Liemba,leur a tendu la main.Ce vieux navire de laMarine allemande,canonnière rescapée dela Première Guerremondiale, avait tenu lavedette aux côtés deHumphrey Bogart etKatherine Hepburn dansun classiquehollywoodien : “AfricanQueen”.

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une guerre éclair en 78 jours de raidsaériens contre les forces serbes pourtenter de protéger la population d’ori-gine albanaise dans la province you-goslave du Kosovo.

Ils nous ont obligés à nouscoucher dans la neige, les mainsderrière la tête, et ils nous ont rouésde coups. Puis ils nous ont ordonnéde monter sur une colline. Nousavons été pris de panique et nousnous sommes mis à courir. Lespoliciers ont ouvert le feu. Certainsont été abattus dans leur course,d’autres exécutés sur place.— Récit d’un survivant des massacres auKosovo.

Grâce à l’ensemble de ses opérations, le HCRa aidé environ 50 millions de personnes à refaireleur vie, en favorisant leur rapatriement ou en lesréinstallant dans un nouveau pays. En 1954, l’agen-ce se vit décerner le premier de ses deux prix No-bel de la paix pour avoir essayé de créer ce que leHaut Commissaire Goedhart décrivait à l’époquecomme un environnement mondial “dans lequelaucune personne, dans aucun pays, en fait aucungroupe de personnes quel qu’il soit, ne vive dans

la peur et lebesoin”. Cet espoir nes’est pas réalisé. Vingt-cinqans après, le HCR reçut un se-cond prix Nobel de la paix quePoul Hartling, alors Haut Com-missaire, qualifiait de “témoignageaux réfugiés du monde entier, qu’onne les oublie pas”.

Au milieu de tous ces remous et bou-leversements, quelques constantes de-meurent — notamment les terribles souffranceset les épreuves traversées par ceux que l’on chas-se de chez eux, ainsi que leur courage et leur dé-termination pour repartir de zéro.

Pendant l’exode de l’Asie du Sud-Est, nom-breuses sont les femmes qui furent violées et lespassagers massacrés, par embarcations entières,au cours des plus atroces actes de piraterie del’époque moderne. Après le génocide de 1994, quifit un million de victimes au Rwanda, des dizainesde milliers de réfugiés rwandais périrent du cho-

léra etd’autres

maladies,souvent de-

vant les camérasde télévision, dans

les camps du Kivu en Afriquecentrale. A Srebrenica, ville déclarée “sanctuaire”de l’ONU, plus de sept mille hommes et jeunesadolescents ont été exécutés en 1995. Ce fut le plusodieux massacre de ce genre commis en Europedepuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Oùque ce soit, pratiquement chaque réfugié avait unrécit d’horreurs à raconter.

Pourtant, des millions de personnes ont réus-si à reconstruire leur vie, souvent discrètementet sans fanfare. Des gens célèbres sont devenusréfugiés. D’autres sont devenus célèbres après

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avoirfui leurpays. La listedes réfugiés illustres est longue : Frédéric Cho-pin, Lénine, Marlène Dietrich, Madeleine Al-bright, Henry Kissinger. Dans les années 30, alorsque l’on brûlait ses œuvres sur les places publiques,Sigmund Freud commenta amèrement : “Quelprogrès : au Moyen-Âge ils m’auraient condam-né au bûcher. Aujourd’hui ils se contentent debrûler mes livres.”

Quelques années plus tard, Albert Einstein,qui avait fui l’Allemagne nazie et travaillait à

l ’u n i ve rs i t éaméricaine de Prince-

ton, écrivait : “J’ai presque hontede vivre au milieu d’une telle paix alors

que tant d’autres luttent et souffrent. Maisaprès tout, mieux vaut s’occuper des choses

éternelles, car d’elles seules provient l’esprit quipeut redonner paix et sérénité au monde deshommes.”

Les statuts du HCR, adoptés par l’Assembléegénérale du 14 décembre 1950, soulignent “le ca-ractère apolitique” de la nouvelle organisation.Cette dernière s’est battue pour conserver saneutralité et son caractère “humanitaire et so-cial” pendant le demi-siècle qui a suivi, mais bienévidemment son travail était par essence émi-nemment politique. La grande majorité des mou-vements de réfugiés est provoquée par des décisions politiques ou des erreurs de calculconduisant à des guerres et des exodes massifs.Le HCR n’a d’ailleurs pu voir le jour qu’à l’issued’âpres débats et après un vote de 36 voix contre5, et 11 abstentions, reflet exact de la divisionentre les démocraties occidentales et les pays dubloc soviétique. Par la suite, les nations com-

munistes se contentèrent d’ignorer l’organisa-tion pendant des années.

Les Etats ont essayé d’influencer les décisionsopérationnelles du HCR, plus ou moins ouver-tement, en utilisant l’arme la plus puissante, l’ar-gent, comme prolongement de leur politiqueétrangère. Au plus fort de l’exode afghan, l’Iranabrita 3,2 millions de réfugiés, devenant ainsi lepays d’accueil le plus généreux au monde. Le Pa-kistan, pro-occidental, en hébergeait 2,9 millions.Fidèle à ses convictions, l’Occident accorda desbudgets d’assistance considérables pour l’aide auPakistan et pratiquement rien à l’Iran. En 1999,de nombreuses associations humanitaires s’indi-gnèrent des sommes colossales dépensées pourles réfugiés kosovars, qui après tout se trouvaienten Europe, en comparaison avec les budgets dé-risoires en faveur des réfugiés africains, confron-tés, ainsi que ceux qui les aidaient, à des condi-tions extrêmes.

Ils étaient cachés dans les buissons,armés de mitraillettes, de machetteset de cocktails Molotov. La voiturede Preziosi et Plicque a étéimmobilisée et encerclée par unefoule de Congolais armés de fusilsautomatiques et par des Tutsisportant des lances et des machettes.Deux hommes ont fouillé Plicque et

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"Logement :le confort varie d’unextrême à l’autre. AuDanemark, c’est pres-que le luxe : les deman-deurs d’asile habitentdans de confortablesappartements équipésde télévisions. ATbilissi, en Géorgie, ilsse sont installés dansun hôtel délabré ducentre ville. Ailleursdans le monde, destentes, des caves, descanalisations et mêmedes containers serventd’abri aux exilés.

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François Preziosi.

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Preziosi. La foule s’est mise à lesfrapper avec toutes sortes d’armes,surtout des machettes. Plicque acrié : “Nous sommes là uniquementpour vous aider.”— Le câble du HCR relatant le meurtrede son collaborateur François Preziosi etd’un collègue de l’ONU au Congo en1963. C’était le premier employé du HCRtué dans l’exercice de ses fonctions.

Dans les années 80, deux millions de person-nes ont été déracinées en Amérique centrale dansune série de guerres opposant les gouvernementsde droite, soutenus par les Américains, aux in-surgés de gauche. Paradoxalement, le sort indi-viduel des réfugiés allait être déterminé par latendance politique des Etats qu’ils fuyaient. LeHonduras ouvrit grand ses portes aux Nicara-guayens qui fuyaient le nouveau gouvernementde gauche en place à Managua, et encouragea ac-tivement les opérations de la guérilla Contra,menées contre ce régime depuis le couvert descamps de réfugiés. Pour les Salvadoriens, fuyantl’arrivée au pouvoir d’une faction de droite, l’ac-cueil fut beaucoup moins chaleureux. La politi-que humanitaire était guidée par des jeux de pou-voir, et le HCR fut une fois de plus critiqué pourson apparente incapacité à protéger l’ensembledes individus dans une situation de crise.

Sadruddin Aga Khan fut le Haut Commissai-re qui resta en poste le plus longtemps : de 1966à 1977. Lors d’un récent entretien, il se remémo-rait sa constante bataille pour dépolitiser le HCRen l’ouvrant à des employés de tous les horizons,en améliorant ses relations encore fraîches avecles pays du bloc de l’Est et en modérant les ONGpartisanes.

“Quand j’ai pris mes fonctions,le HCR était un club occi-dental composé d’un per-sonnel essentiellement occidental. Certains vou-laient que l’organisationreste leur domaine pré-servé. J’ai commencé à re-cruter d’autres personnes maistout le monde disait : «Oh, pre-nez garde aux infiltrations. Le KGB vien-dra travailler à Genève». Et je répondais :«Et alors ? L’agence fonctionne dans la trans-parence. Nous n’avons rien à cacher. Je serais ra-vi que des agents du KGB envoient des rapportsà Moscou sur nos activités. C’est le meilleurmoyen de leur prouver que nous sommes apo-litiques».”

Certaines organisations non gouvernemen-tales opéraient également selon la logique de laguerre froide ou de leurs priorités toutes per-sonnelles, relate Sadruddin Aga Khan qui ajou-

te : “J’étais abso-lument intransigeant

sur un point. Il n’était pasquestion de collaborer avec des par-

tenaires qui d’une main distribuaient desvivres et de l’autre la Bible. C’était tout simple-

ment inacceptable.”Le combat fut difficile et le devint plus en-

core à l’aube du XXIe siècle où la politique, lesguerres et le sauvetage des vies humaines sontinextricablement mêlés et où les Etats se retran-chent de plus en plus derrière les opérations de

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secours, pour ne pas prendre de décisions poli-tiques ou militaires difficiles.

Quelques éléments positifs ont quand mê-me émergé de ce bourbier et le travail humani-taire favorisa parfois des avancées politiques. Aulendemain de la guerre du Viet Nam, Améri-cains et Vietnamiens ont tenu secrètement leurspremières discussions de fond sous l’égide desnégociations internationales relatives au sort desboat people de l’Asie du Sud-Est.

Le plus souvent, cependant, l’impact de lapolitique sur l’humanitaire s’est révélé désas-treux. Mme Sadako Ogata, Haut Commissaireau cours des dix dernières années, a qualifié plu-sieurs opérations du HCR en ex-Yougoslavie de“feuille de vigne” destinée à masquer l’inactionde la communauté internationale. A la mêmeépoque, au milieu des années 90, sur un autrecontinent, dans la région des Grands Lacs enAfrique, elle dénonçait en ces termes l’enche-vêtrement délétère des guerres, de la politiqueet des exodes massifs : “Jamais auparavant monorganisation n’avait effectué sa mission huma-nitaire au sein d’un bourbier aussi meurtrierd’intérêts croisés, régis par la politique et les im-pératifs de sécurité.”

Il était déjà courant de “refiler le bébé”. Cet-te critique fut aussi énoncée au moment de lapremière grande urgence du HCR. La Hongriefut à maints égards un cas d’école en matière de

Quand les chars soviétiques écrasèrent la ré-volution hongroise en 1956, 180 000 personness’enfuirent en Autriche et 20 000 en Yougosla-vie. Atterrés, les pays occidentaux prirent desdispositions hâtives pour venir en aide aux Hon-grois, soit le long des frontières soit en les ac-cueillant chez eux. En quelques semaines lesEtats-Unis mobilisèrent des forces aériennes etnavales pour acheminer des milliers d’entre euxvers l’Amérique du Nord. Cet aspect “bonneconscience” s’étala complaisamment à la une desjournaux, tout en aidant des dizaines de milliersd’individus à démarrer une vie nouvelle. Maisd’aucuns reprochèrent aussi à ce mouvement de

masquer le refus de l’Ouestde gêner

réfugiés et de gestion des crises, avec ses “gen-tils” et ses “méchants” faciles à identifier, et undénouement relativement heureux pour la plu-part des victimes et des agences qui avaient ap-porté leur concours.

Ils avaient rassemblé leurs dernierssous, leur ultime courage, et payé un passeur bossu pour leur indiquerdes chemins de traverse que lesRusses n’auraient pas encoredécouverts... Soudain des bruits debottes, l’aboiement des chiens, desfusées qui éclairent lanuit. Puis un soldatcria : «Qui va là ?»Paralysé deterreur, legarçon trouvaenfin sa voixpour demander :«Où sommes-nous ?» «EnAutriche».— Récit d’un jeunegarçon échappé de Hongrie. Ilallait devenir plus tard AndrewGrove, président d’INTEL, l’unedes entreprises les plus puissantesau monde.

"Nourriture : comment faire parvenir les denrées alimentaires à des millionsde réfugiés de par le monde ? Dans les Balkans, elles étaient acheminées versSarajevo, la capitale bosniaque, par le pont aérien ou par voie terrestre, à bord deconvois sous escorte renforcée. En Afghanistan, la nourriture était parfoisacheminée par voie fluviale, sur de petits radeaux. Mais que ce soit au Kosovo,au Mozambique ou ailleurs, l’essentiel est que la nourriture arrive à destination.

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Moscou par des choix politiques ou militairestranchés.

L’affaire hongroise représenta un tournant dé-cisif pour le HCR. Beaucoup d’Etats n’étaient en-core pas convaincus de son utilité à long terme,mais l’organisation s’acquitta correctement de satâche et consolida sa crédibilité internationale au-près des capitales de l’Ouest comme de l’Est. Pas-sant outre aux objections d’une partie de son per-sonnel peu désireux d’étendre les opérationsd’assistance à un pays communiste, le HCR co-opéra étroitement avec la Yougoslavie pour aiderles Hongrois qui s’y étaient réfugiés. Pour la pre-mière fois, cela permit d’établir un dialogue avecd’autres capitales communistes, facilitant plus tardle regroupement familial ainsi que le retour deceux qui souhaitaient rentrer. Un nouveau fondsexceptionnel d’urgence, plus souple, fut instituédans la foulée, résolvant en partie le casse-tête fi-nancier permanent de l’agence.

La Convention de 1951 relative au statut desréfugiés avait une portée restreinte. Elle autori-sait les Etats à limiter leurs obligations aux seulsréfugiés européens et ne couvrait strictementpas les personnes chassées de leur foyer après le1er janvier 1951. Cela aurait pu exclure les réfu-giés hongrois. Auguste R. Lindt, le nouveau HautCommissaire se souvient d’avoir demandé à sonprincipal conseiller, Paul Weis, ce qu’il ferait fa-ce à un tel problème juridique, et celui-ci lui

avait répondu : “Il existe (toujours) deux posi-tions légalement défendables. J’espère que vousadopterez celle qui respecte le plus les droits desréfugiés.” M. Lindt invoqua, pour intervenir, unerésolution de l’Assemblée générale de l’ONUsur la Hongrie et un certain degré de flexibili-té.

La flexibilité fut également invoquée en 1984,quand des centaines de milliers d’Ethiopiens af-fluèrent au Soudan pour échapper à l’une des pi-res famines de l’histoire contemporaine. Le HCRles décréta réfugiés de bonne foi au motif qu’ilsavaient dû fuir du fait des politiques et des ac-tions du gouvernement éthiopien, et non passimplement parce qu’ils étaient victimes d’unecatastrophe naturelle.

Des années plus tard, le Haut CommissaireSadako Ogata décrivait les mêmes dilemmesd’une manière légèrement différente. A plusieursreprises, à commencer par la crise des réfugiéskurdes dans le sillage de la guerre du Golfe, elledéclara avoir pris des décisions “de bon sens” quine suivaient pas à la lettre les textes juridiques.Bien sûr cette approche pouvait prêter à contro-verse et il y avait toujours des détracteurs pouraccuser le HCR d’enfreindre, d’élargir ou de malinterpréter son rôle et son mandat. Ce à quoiMme Ogata rétorquait : “Notre mission essen-tielle, c’est avant tout le bien-être et la sécuritéde chaque réfugié.”

Je me souviens d’épisodesincroyables, surréalistes. Je m’étaisrendu en Italie, dans des camps detransit qui abritaient des Asiatiquesexpulsés d’Ouganda par Idi AminDada, et j’y ai rencontré desAfricains embarqués par erreur dans les avions. Ils ne savaientmême pas où ils avaient atterri. L’un d’eux m’a raconté : «Je metrouvais à Entebbe quand le pontaérien a commencé, et tout à coupon m’a mis dans un avion, et je meretrouve ici, en Italie, et je ne veuxqu’une chose — rentrer chez moi.»Nous avons organisé leurrapatriement.— Sadruddin Aga Khan, ancien HautCommissaire.

Les années qui suivirent la crise hongroisevirent une véritable lune de miel entre les réfu-giés et les pays qui les protégeaient, même si lapolitique interférait toujours. Trente-cinq na-tions ouvrirent leurs portes aux Hongrois. Par lasuite toute personne cherchant à fuir l’oppres-sion en Europe de l’Est fut généralement bienaccueillie à l’Ouest, bien qu’à l’évidence les ré-fugiés aient également été utilisés comme despions sur l’échiquier de la guerre froide.

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En Afrique, les pays qui venaient d’arracherleur indépendance aux puissances colonialeseuropéennes ouvrirent leurs frontières à d’autresAfricains, fort nombreux, encore sous domi-nation étrangère. En 1999, dans un entretienaccordé peu de temps avant sa mort, l’ancienprésident de Tanzanie, Julius Nyerere, décri-vait à RÉFUGIÉS magazine l’état d’esprit qui ré-gnait à l’époque, caractérisé par “l’optimisme etla naïveté”, où nul ne prévoyait l’imminencedu chaos. “Jamais nous n’aurions cru qu’après lafin du colonialisme des flots de réfugiés quitte-raient ces Etats indépendants déchirés par desluttes intestines. Nous ne l’avions pas prévu. Etnous pensions qu’ils retourneraient dans leurpays un jour ou l’autre.”

Les Etats africains, parmi les plus pauvresdu monde, se sont aussi montrés parmi les plusgénéreux. La Tanzanie et d’autres pays ont offert aux réfugiés des terres et la citoyenneté.Souvent, les premiers arrivants s’installaientdans des villages, au sein de la communauté lo-cale, une formule que continuent d’encouragercertains Etats comme l’Ouganda.

Mais, face à la multiplication des exodes massifs, il fallut aménager d’immenses campsnon seulement en Afrique, mais également auPakistan, en Iran, en Thaïlande et, plus tard,dans les Balkans. Tous ces camps étaient cen-sés être provisoires, pourtant beaucoup sont

restés ouverts des années, avec des problèmescroissants de criminalité, de sécurité, de dé-gradation de l’environnement et d’énormes dif-ficultés logistiques pour la gestion des millionsde dollars apportés par l’aide alimentaire, sani-taire et médicale.

En 1969, l’Organisation de l’unité africaine(OUA) institutionnalisait sa tradition de géné-rosité en ratifiant sa propre convention en fa-veur des réfugiés du continent. Pour la pre-mière fois, un document juridique étendait lestatut de réfugié à des groupes d’individus cher-chant à échapper à une agression, une occupa-tion ou une domination étrangère. Le texte seréférait aussi au principe désormais universeldu rapatriement “volontaire” ou librementconsenti. Deux ans plus tôt, la Convention deGenève de 1951 avait été étoffée par le Proto-cole de 1967 et plaçait sous sa protection tousles réfugiés, quelles que soient leur région d’ori-gine et la date à laquelle ils avaient été contraintsde fuir.

Au cours de son demi-siècle d’existence, leHCR a développé son modus operandi au couppar coup, en fonction des défis rencontrés et ducontexte politique et militaire dans lequel il opé-rait. La Convention de 1951 demeurait le fon-dement de son travail de protection mais ellefut consolidée par le Protocole, la Conventionde l’OUA, la Déclaration de Carthagène signée

en 1984 par les pays d’Amérique latine ainsi qued’autres instruments juridiques.

Dès les années 60, avec la fin de la guerred’Algérie, l’agence commença à s’impliquer surle terrain dans ce qu’on appelle les situationsd’après-conflit — à savoir l’aide aux anciens ré-fugiés rentrés chez eux. “Le sort des anciens ré-fugiés rapatriés ne saurait être dissocié de celuide l’ensemble de la population algérienne sanscompromettre dangereusement la stabilité so-ciale du pays”, écrivait alors le Haut Commis-saire Felix Schnyder. Ce thème allait devenir ré-current dans les futures opérations humanitairesmenées par la communauté internationale avec,il faut le dire, un succès inégal.

Les récalcitrants sont recrutés deforce. Une camionnette verteappelée “panier à salade” circuledans les rues d’Oujda et deshommes sont assommés etembarqués à bord du camion.— Un câble du HCR, en 1961, décrivant une scène au Maroc danslaquelle les réfugiés algériens étaientenrôlés de force dans la guérilla. Leproblème des camps de réfugiés civilsparmi lesquels se cacheraient des rebellesarmés entrave régulièrement lesopérations de secours.

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"Communication :en cinquante ans, lasituation a considérable-ment évolué. Un jour, un réfugié africain avaitécrit au HautCommissaire sur unesimple feuille d’arbre.Aujourd’hui, certainsréfugiés utilisent letéléphone par satellitepour communiquer avecle monde extérieur. Le réseau global derecherche leur permetparfois de retrouver latrace d’un membre deleur famille disparu.

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A ses débuts, selon Sadruddin Aga Khan, leHCR “travaillait d’un seul côté de la frontière,pour accueillir les réfugiés. On ne se souciaitguère d’établir des contacts avec les pays d’ori-gine des réfugiés, ni d’ailleurs de leur rapatrie-ment volontaire. L’opinion générale était que lesréfugiés qui souhaitaient rentrer pouvaient s’yrisquer par leurs propres moyens, mais nous nevoulions pas nous en mêler. Cet état de chosesdevait changer”.

Et cela changea brutalement en 1971, au mo-ment de la crise au Pakistan, quand il devintclair que la seule solution viable à long termepour ces millions de gens rescapés du chaos,était de regagner leur foyer. A la mêmeépoque, le HCR fut chargépour la pre-

mière fois de coordonner toutes les opérationsde secours de l’ONU, un rôle qu’il allait tenirpar la suite dans beaucoup d’autres interven-tions humanitaires.

Lorsque les Cambodgiens affluèrent en Thaï-lande pour échapper aux horribles crimes desKhmers rouges, le HCR se lança pour la pre-mière fois dans la construction et l’administra-tion d’immenses camps de réfugiés. En Amé-rique centrale, il élabora le concept des “projetsà impact rapide” pour reconstruire les écoles, lesdispensaires, les puits et autres infrastructuresindispensables, comblant ainsi le fossé entre l’ai-de d’urgence et le développement à long terme.

Après la guerre du Golfe et pouréchapper aux foudres de Saddam

Hussein, deux millions de Kurdesiraquiens se sont réfugiés en

Iran et dans le nord del’Iraq, une région qui

devait ensuite êtredéclarée “sûre”par les gouverne-ments alliés. Lesforces occidenta-les assuraient lasécurité tandisque le HCR etd’autres organis-mes étaient char-

gés d’assister les Kurdes. Jamais auparavant lepersonnel humanitaire n’avait collaboré si étroi-tement avec les militaires. Depuis lors, le débatsur l’opportunité et le bien-fondé d’une telle co-opération, qui s’est répétée en Bosnie, au Kosovoet au Timor, n’a cessé de faire couler de l’encre.

Les Kurdes repliés dans le nord de l’Iraq res-taient sur leur territoire national, ils furent doncconsidérés comme des “déplacés internes” et nondes réfugiés au sens juridique du terme. Les ré-fugiés traversent une frontière pour se mettre àl’abri dans un autre pays. Leur protection relèvede la compétence du HCR. Les déplacés internes,en revanche, n’ont pas d’autre choix que de setourner vers leur gouvernement pour deman-der aide et protection. Or, lors d’un conflit civil,ils sont souvent considérés comme des ennemisdu régime en place.

L’augmentation vertigineuse du nombre desdéplacés ces dernières années — ils seraient ac-tuellement 20 à 25 millions, contre 11,7 millionsde réfugiés — a poussé la communauté interna-tionale à se mobiliser pour mettre en place unvéritable système de protection des déplacés, si-milaire à celui qui existe pour les réfugiés, plu-tôt que de réagir au cas par cas. D’où un débatpassionné opposant défenseurs et détracteurs de“l’ingérence humanitaire”. Les démocraties oc-cidentales insistent sur le fait que la protectiondes droits de l’homme passe avant la souverai-

"Protection :c’est le premier mandatdu HCR. Il prend des formes diverses,telles que signer unaccord avecl’Organisation del’unité africaine(OUA), superviser leretour des boat peopleau Viet Nam ous’assurer du bien-êtredes personnesdéplacées en Erythrée.

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neté et l’inviolabilité des frontières — les fon-dements modernes de l’Etat-nation. D’autrespays, comme la Chine, sont convaincus que sou-veraineté et non-ingérence dans les affaires in-térieures sont les garants des relations interna-tionales. Pendant 20 ans, la saga des réfugiésindochinois alimenta considérablement le flotdes exilés. La fuite d’environ trois millions depersonnes faillit saturer le système mondial dudroit d’asile, engendra en réponse diverses inno-vations et marqua à la fois le point culminant etla fin annoncée de la “lune de miel” entre l’Occi-dent et les candidats à la réinstallation. Les be-soins financiers du HCR suivirent cette courbeascendante, passant de 80 millions de dollars en1975, au début de la crise, à plus de 500 millionsen 1980.

Au début de l’exode des boat people, aucunpays de la région n’avait encore accédé à laConvention de 1951 ni à son Protocole. Singapourrefusa tout bonnement l’entrée de son territoireaux réfugiés qui n’avaient aucune garantie d’ac-cueil dans un pays tiers. Le système internatio-nal qui avait plutôt bien fonctionné pendant unquart de siècle “donna des signes de faiblesse etfinit même par s’effondrer, au mépris du droitd’asile” selon le Haut Commissaire d’alors, Jean-Pierre Hocké.

Un patrouilleur remontait le fleuve.

Les soldats ont braqué une lampetorche sur nous et ils se sont mis àtirer. Ma femme a crié : «Ils ont tuénotre fils !» Je me suis retourné, jel’ai cherché à tâtons dans l’obscurité.Mes doigts ont trouvé le trou qu’ilavait dans la tête.— Récit d’un réfugié laotien extrait dulivre “Terms of Refuge”.

Il fallut des initiatives diplomatiques pour sor-tir de l’impasse et sauver la notion même d’asi-le. En 1979, Hanoï accepta d’organiser les départsde manière ordonnée afin de faciliter l’émigra-tion officielle de ses ressortissants que des paysde réinstallation étaient prêts à accueillir. Le HCRparticipait pour la première fois à des négocia-tions visant à prévenir une crise au lieu de se li-miter à en gérer les conséquences.

Dix ans après, face à un nouveau naufrage dela mission humanitaire, toutes les parties concer-nées signèrent un Plan d’action global. Ce planextrêmement complexe engageait l’ensemble desacteurs en présence : les pays générateurs de ré-fugiés —Viet Nam, Cambodge et Laos — les Etatsde la région comme la Thaïlande ou les Philip-pines qui accueillaient les civils en fuite, et despays comme les Etats-Unis et l’Australie qui ac-ceptaient la réinstallation de certains quotas deréfugiés. Il leur assignait un rôle spécifique dans

le cadre d’un programme soigneusement élabo-ré et orchestré. La défaillance d’un seul maillonde la chaîne aurait probablement fait échouerl’ensemble du processus.

Une étape importante fut franchie avec l’ap-parition de l’asile temporaire grâce auquel lespays de la région acceptaient d’accueillir les ci-vils qui avaient dû s’enfuir à condition qu’ilss’engagent à repartir assez rapidement, soit pourun nouveau pays soit pour rentrer chez eux si,à l’issue d’un nouveau système de détermina-tion de statut, ils n’étaient pas reconnus com-me des réfugiés de bonne foi. Ce même amé-nagement fut mis en pratique quelques annéesplus tard, au plus fort de la guerre en Bosniequand les pays européens offrirent une protec-tion temporaire à 700 000 réfugiés. Certains ju-gèrent ce développement inquiétant, arguantqu’il conduisait à la constitution d’un régime àdeux vitesses avec des réfugiés de seconde clas-se et que les gouvernements essaieraient de plusen plus de remplacer le droit d’asile par la pro-tection temporaire.

L’épisode de l’Asie du Sud-Est marqua éga-lement un tournant, mais sur un autre plan. Bienque 2,5 millions de réfugiés se soient installésdans un nouveau pays et qu’un demi-milliond’entre eux soient rentrés au pays, avec la garantieque l’Etat ne les harcèlerait pas, l’Occident allaitdésormais se montrer beaucoup moins disposé

"Le HCR entreprend et soutient desprojets très variés. Il a, par exemple,financé des patrouilles anti-pirates lors del’exode des boat people en Asie du Sud-Est, ou des opérations de déminage enBosnie. Il a lancé des campagnes desensibilisation en Ethiopie sur l’excisiondes femmes, mis en place un réseau de busassurant la liaison entre les différentesenclaves ethniques dans les Balkans ouencore, encouragé la création d’activitésgénératrices de revenus au Burundi.

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à réinstaller d’im-portants contingents deréfugiés.

Au début de la dernière décen-nie, on crut d’ailleurs que tant de largessesdeviendraient superflues. Certes on comptait en-core 15 millions de déracinés relevant de la com-pétence du HCR, et ce dernier connaissait lui-même un creux dû à la baisse de moral dupersonnel, aux restrictions budgétaires et à unfeu de critiques de plus en plus nourri. Mais laguerre froide prenait fin, le mur de Berlin s’étaiteffondré et toutes les capitales du monde bruis-saient de propos optimistes sur un nouvel ordremondial.

Cet espoir ne tarda pas à s’évanouir. Si la ri-valité des grandes puissances avait favorisél’émergence des conflits, elle avait aussi tenusous le boisseau maintes querelles et tensionsinterethniques. Big Brother n’étant plus là pourles contenir, des dizaines de guerres éclatèrent

aux quatre coinsdu monde. D’après

le personnel humani-taire, ces crises furent

souvent plus violentes,dangereuses et complexes

que les situations qu’il avaitconnues jusqu’alors.

Dix hommes ont faitirruption. Deux d’entre eux se

sont emparés de mon mari etl’ont traîné dehors. Deux autres

sont restés, dont un qui a essayé deme violer. Je me suis débattue.L’autre lui a dit : «Laisse-latranquille. C’était le mari que tuvoulais.» Il était furieux. Il a pointéson fusil sur moi puis il m’a frappéeau visage. J’ai ouvert la porte. Toutétait calme. Soudain j’ai vu le corpsde mon mari, couvert de sang. J’aiperdu la raison.— Récit d’une réfugiée éthiopienne dansun camp au Kenya en 1983.

Sadako Ogata, diplomate et universitaire ja-ponaise, fut nommée Haut Commissaire à la finde l’année 1990. Elle avait déjà entendu parlerdes problèmes du HCR, elle pensait personnel-

lement qu’il s’agissait d’une “institution ponti-fiante qui n’acceptait pas volontiers d’être aidéeou conseillée”, avant d’y découvrir quand mêmeune équipe motivée. Quelques jours après sa pri-se de fonctions “nous étions placés au pied dumur”, confiait-elle dans un récent entretien,lorsque 400 000 Kurdes se trouvèrent pris aupiège dans les montagnes du nord de l’Iraq. LaTurquie refusait de les accueillir pour des raisonsde politique intérieure, leur déniant ainsi l’accèsà une procédure de demande d’asile. Britanniqueset Américains voulaient créer une zone où lesKurdes seraient en sécurité sur le territoire ira-quien, ces derniers devenant alors des personnesdéplacées et non des réfugiés, mais aussi des ciblesfaciles en cas de reprise des hostilités.

Pour le HCR, le fait d’être obligé de travailleren étroite collaboration avec les forces militairesqui étaient à l’origine de l’exode des Kurdes allait à l’encontre de ses principes. L’organisationn’avait pas du tout l’habitude de travailler sousde telles contraintes. Ce fut alors que SadakoOgata prit la première de ce qu’elle appela sesdécisions “fondées sur le bon sens” en acceptantde coopérer. “Mon adjoint Gerald Walzer m’a ditque c’était selon lui l’une des décisions les plusimportantes que j’aie jamais prises.”

Les années 90 furent la décennie la plus agi-tée de l’histoire du HCR. Des crises terribles sesuccédèrent — l’Iraq, les Balkans, le génocide au

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Rwanda et ses répercussions, le Kosovo, le Ti-mor, la Tchétchénie — et monopolisèrent l’atten-tion des médias, oblitérant de nombreux autresproblèmes tout aussi graves, comme celui desmillions d’Afghans qui représentaient, pourtant,la plus grande communauté de réfugiés au mon-de. Les donateurs finissaient par se lasser.

Le terme “forteresse européenne” devint syno-nyme de portes résolument closes aux deman-deurs d’asile. “Le libéralisme incontrôlé des années60 et 70 a cédé le pas aux restrictions harmoni-sées des années 80 et 90”, écrivait D. Joly dans sonlivre “Le sanctuaire ou l’enfer : réfugiés et politiquesd’asile en Europe”. L’Afrique et d’autres régions endéveloppement menacèrent d’appliquer la mêmepolitique que les pays industrialisés.

Jusqu’alors les agences humanitaires étaientparvenues à conserver leur statut de neutralité.Mais les conflits devenant chaque jour plus vio-lents, et le personnel devant travailler dans desrégions si hostiles que même les soldats occi-dentaux ne s’y aventuraient pas, elles devinrentparfois la proie des belligérants. Dans la régionafricaine des Grands Lacs, au milieu des années90, 36 employés du HCR trouvèrent la mort, fu-

rent tués ou portés disparus dans des conditionsépouvantables.

Dans les caves humides, froides etsombres qui lui servirent de logispendant 10 mois, il étaitconstamment enchaîné à son lit defer par des menottes et un câbled’un mètre de long, ce qui luipermettait de faire exactementquatre pas. «Je rêvais toujours defaire ce cinquième pas.»— Récit de captivité de Vincent Cochetel,délégué du HCR dans le nord duCaucase, enlevé et détenu pendant 317jours avant d’être libéré.

A la même époque un nouvel élément depoids vint s’ajouter au mélange explosif des opé-rations d’aide aux réfugiés — les médias. Avant,les journalistes restaient cantonnés à leur rôled’observateurs et de reporters. Or les voilà sou-dain qui occupent le devant de la scène, devien-nent des acteurs à part entière, influencent parleur omniprésence les décisions des gouverne-

ments,des agenceshumanitaires, desforces armées, des re-belles et jusqu’aux réfu-giés eux-mêmes.

Les médias pouvaient fai-re ou défaire une opération.Leur seule présence garantissaitl’afflux en dollars de l’aide humani-taire. Ainsi, dans les premières se-maines de l’exode des Rwandais, en 1994,la communauté internationale dépensa-t-elle 2 milliards de dollars pour les aider. Le dé-part des médias eut l’effet inverse. Le monde ou-blia les réfugiés rwandais dès que les camérass’en retournèrent... jusqu’au moment où un re-gain de violence les ramena en 1996.

Les téléspectateurs du monde entier assistè-rent en direct à de douloureux dilemmes. En Bos-nie, le HCR intervenait parfois pour déplacer desgens qui sinon risquaient d’être tués. Ce faisant,il participa involontairement au nettoyage eth-

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"Environnement : l’imagerie par satellite permetde repérer les importantes concentrations deréfugiés. Les camps de réfugiés peuvent causer desdégradations à l’environnement. Les réfugiésramassent du bois de chauffage dans les forêtsavoisinantes, laissant à leur départ des espacesdéboisés. Afin de préserver l’environnement, leHCR encourage l’utilisation de fourneaux à faibleconsommation d’énergie, comme ceux qui ont étéintroduits en Amérique centrale.

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nique. Comme l’a souligné un responsable, l’agen-ce se trouvait “dans une position délicate et pa-radoxale où il s’agissait de sauver des vies, maisen fabriquant de nouveaux réfugiés”. En Afriquecentrale, le HCR participa au sauvetage forcé de185 000 Rwandais arrachés à la forêt tropicale.Dans un monde “idéal”, toutes proportions gar-dées, ils auraient dû pouvoir choisir librementle rapatriement. En 1997, seule une et cruelle al-ternative s’offrait à eux: rester et presque certai-nement mourir ou être tués par les rebelles, ou

bien retourner au Rwandavers un avenir incertain.

Avec la crise des Grands Lacs,même les plus endurcis faillirent

renoncer. “J’ai appelé directement leHaut Commissaire à Genève, pour la

première fois en 10 ans”, raconteFilippo Grandi, qui diri-

geait alors les opérationsdu HCR dans la ville

congolaise de Kisangani.“Les conditions étaient si

mauvaises que je lui ai de-mandé si nous devions tout arrê-

ter. Après un long entretien télé-phonique, nous avons décidé de

rester. Notre retrait aurait fait du bruitmais il aurait condamné trop de mal-

heureux à une mort certaine.”Aujourd’hui, Madame Ogata décrit l’expérien-

ce du Congo comme son pire cauchemar. “Il nousarrivait d’être envahis par un sentiment d’im-puissance absolument totale. Mais nous avonstenu bon.” Et d’ajouter : “De nos jours il est rare-ment possible de prendre de bonnes décisions. Ily en a seulement de moins mauvaises qued’autres.”

Kisangani nous a engloutis, nous avolé notre foi, notre énergie, a

repoussé nos limites personnellesau-delà de l’imaginable. C’était un peu comme se retrouver dans un film d’aventures à la Indiana Jones, mais infiniment pluseffrayant et réel, plus nauséabond,pestilentiel et immonde. C’était l’enfer.— Kilian Kleinschmidt, employé du HCR au Zaïre en 1997, lorsque face àtant d’horreurs, même les plus “durs” ont failli craquer.

Le Kosovo, dernière crise majeure du XXe

siècle, illustre à lui seul les problèmes et dilemmesauxquels les humanitaires sont confrontés de-puis 50 ans, les progrès accomplis dans la ges-tion des déplacements massifs, et les nouveauxdéfis qu’ils devront relever au XXIe siècle.

L’épreuve de force entre l’OTAN et les forcesserbes au printemps 1999 fit suite à des annéesde troubles dans cette province. Tandis que Bel-grade intensifiait implacablement les pressionspolitiques et militaires à l’encontre des popula-tions d’origine albanaise, le HCR et d’autres or-ganisations aidaient déjà des centaines de mil-liers de civils au Kosovo. Les gouvernementsdu monde entier se contentaient de suivre dis-traitement les événements et de préconiser desopérations humanitaires en guise de cache-

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misère, pour masquer leur inaction sur le planpolitique.

Quand l’intervention politique eut enfin lieu,il était trop tard pour sauver la région d’une autrecatastrophe. La guerre qui s’ensuivit mêla poli-tique, objectifs militaires et assistance humani-taire, en un inextricable sac de nœuds.

L’OTAN se trouvait dans une position para-doxale dans la mesure où elle livrait une guerreaérienne dévastatrice au Kosovo tout en appor-tant une aide humanitaire aux victimes du conflit.Les organismes de secours furent débordés lors-qu’en l’espace de quelques semaines, près d’unmillion de personnes prirent la fuite ou furentcontraintes à l’exil. Ils n’avaientpas d’autre choix

que de se tourner vers les seules structures dis-posant de la logistique nécessaire pour des se-cours d’une telle ampleur — les militaires. Lesprogrammes humanitaires furent en outre sou-vent dictés par de sombres calculs politiques, no-tamment en fonction de l’audience qu’ils pou-vaient séduire dans leur pays d’origine.

Plus que lors des crises précédentes, les Etatsse lancèrent dans des opérations bilatérales, àfort retentissement médiatique, court-circuitantfréquemment les projets multila-téraux, moins specta-culaires.

Ces mêmes gouvernements qui faisaient fi dela coordination, en finançant dans leur coin desprogrammes les valorisant, reprochèrent vive-ment au HCR de ne pas tenir son rôle tradi-tionnel de coordinateur et de ne pas participerà davantage de programmes opérationnels.

Malgré ces revers, l’opération humanitaire at-teignit son but, prouvant ainsi que si l’on déblo-quait assez tôt les ressources nécessaires, la com-munauté internationale pouvait faire face àn’importe quel exode soudain et massif. Des atro-cités ont certes été commises au Kosovo, maisune fois arrivés dans les pays voisins les civils bé-néficièrent au moins d’une protection et d’uneassistance minimum, et les décès furent éton-namment peu nombreux par rapport à des dé-placements d’ampleur similaire dans d’autres ré-gions du monde.

Lorsque les forces serbes acceptèrent de seretirer du Kosovo, les réfugiés suivirent l’avan-cée des troupes alliées et regagnèrent leur régionpresque aussi soudainement qu’ils l’avaient quit-tée, quelques mois plus tôt. Cet exode à reboursconfrontait le HCR et ses partenaires à quelques-uns des grands enjeux humanitaires du prochainmillénaire, parmi lesquels figurent la questiondes personnes déplacées, et celle de la promotiond’une coexistence entre des communautés voi-

"Un nouveau départ :la plupart des réfugiésfinissent un jour parrentrer chez eux, même sic’est dans des conditionsparfois pénibles. Ils doiventalors reconstruire leurlogement, se refaire unevie. Si, pour une raison ouune autre, ils ne peuventpas rentrer chez eux, ilsrepartent de zéro dans unpays d’adoption et sefamiliarisent avec saculture.

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sines qui ont passé des années à se haïr et à semassacrer.

En une heure les banditsmassacrèrent une centaine depersonnes, tuant indifféremmentvieillards, enfants et handicapésmentaux. La plus jeune victime était un bébé de trois mois brûlé vifdans un four. La plus âgée avait 96ans. Neuf personnes furentassassinées dans la maison d’Amra.Les atrocités commises à Ahmiciallaient symboliser l’une des pages les plus noires de la guerre en ex-Yougoslavie.— Les champs de la mort en Bosnie.

Promouvoir la coexistence pacifique… Pre-mière étape vers une réconciliation durable, cetambitieux projet est peut-être, selon Sadako Oga-ta, qui quittera ses fonctions de Haut Commis-saire à la fin de l’année 2000, l’objectif humani-taire capital du siècle à venir. “C’est la premièrepierre à poser, celle sans laquelle il sera impos-sible de ressouder des communautés, des pays en-tiers, comme au Kosovo, au Timor ou au Rwan-da”, déclarait-elle récemment dans une interviewà RÉFUGIÉS magazine. “Nous n’y avons pas portésuffisamment d’attention jusqu’à présent.”

Le HCR vient de lancer un projet de re-cherche, en partenariat avec l’université de Har-vard, pour étudier la faisabilité de projets sus-ceptibles d’encourager la coexistence dans lescommunautés déchirées, tels que projets éduca-tifs, socioéconomiques ou autres.

Mais cela ne constituera que la premièreétape dans ce que Mme Ogata perçoit commede profonds changements à venir, dans la ma-nière dont la communauté internationale ré-pondra aux problèmes des réfugiés et de toutesles autres populations déracinées. “Nous vivonsdes bouleversements inédits. Les anciennesméthodes de protection ne fonctionneront plusà l’avenir.”

A tout instant, sur notre terre, des personnessont jetées sur les routes par milliers, causantdes mouvements migratoires d’une ampleursans précédent : réfugiés et déplacés fuyant denouvelles persécutions, d’autres rentrant chezeux après un long exil, migrants économiquesen quête d’une vie meilleure, ou encore victimesde calamités, chassées par la famine ou les ou-ragans. Comprendre les rouages de ces flux com-plexes, identifier les différents groupes et prendredes décisions fondées sur leur situation respec-tive — tout cela exigera beaucoup de souplesseet d’imagination, des approches novatrices de lapart des gouvernements et des organismes spé-cialisés tels que le HCR.

Le HCR va entreprendre, avec les gouver-nements et les organismes concernés, une sé-rie de consultations sur la protection interna-tionale. Même si certains affirment que laConvention de Genève de 1951, le principal ins-trument de protection du HCR, n’est plus adap-tée à la conjoncture actuelle, l’agence souhaiterenforcer la Convention sur des aspects qu’ellene couvre pas aujourd’hui.

“Ces consultations nous permettront pour lapremière fois d’aborder la question d’une annexeà la Convention — sous forme soit de protocole,soit d’une déclaration de l’Assemblée générale oudes deux — pour faire face aux nouvelles formesde déplacements”, explique Erika Feller, direc-trice du département de la protection internatio-nale au HCR. Sadako Ogata a déclaré : “LaConvention est sacro-sainte. Mais nous pouvonspeut-être résoudre certains problèmes majeurset combler des lacunes.”

Lors d’un précédent anniversaire, le HautCommissaire Poul Hartling avait dit : “En souf-flant nos 30 bougies imaginaires, espérons qu’unjour viendra où nous pourrons rédiger l’ultimecommuniqué de presse annonçant le retour oula réinstallation du dernier réfugié. Je serais l’hom-me le plus heureux de l’univers si l’état du mon-de pouvait rendre mon organisation inutile.” Vingtans après, ce vœu reste intact et la probabilitéqu’il se réalise, toujours aussi ténue. B

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Madame Sadako Ogata est entrée en fonctionsen tant que Haut Commissaire en février 1991.Elle quittera son poste à la fin de l’an 2000. Au cours de son mandat, elle a dû affronter unelongue série de crises internationales qui ont misl’organisation à rude épreuve : répercussions de laguerre du Golfe, dislocation de la Yougoslavie,tragédie des Grands Lacs africains, exode kosovar, déplacements forcés au Timor, et des dizaines d’autres drames. Dans l’entretien quisuit, elle fait le bilan de ces dix années et se penche sur l’avenir de l’action humanitaire.

RÉFUGIÉS MAGAZINE : Quand vous avez prisvos fonctions, le HCR semblait en pleindésarroi, démoralisé, à court d’argent et entrain de perdre la confiance de la commu-nauté internationale...SADAKO OGATA : L’argent manquait en effet cruel-lement, mais le processus de reconstruction avaitdéjà commencé. Le climat était à l’optimisme etla volonté de remonter la pente était bien là. J’avais,à mon arrivée, l’image d’une organisation ponti-fiante et peu réceptive aux conseils. Je me trom-pais. Peut-être aussi ai-je apporté de l’extérieurune démarche nouvelle qui a hâté la guérison.Car je venais pour écouter, consulter, apprendre.

Vous n’en avez guère eu le temps !A peine étais-je installée que déjà j’étais aux prisesavec l’épineux dossier des Kurdes du nord del’Iraq. Il a bien fallu que je me jette à l’eau! LesTurcs ne les voulaient pas chez eux. Les Alliésvoulaient les faire descendre de leurs montagneset les regrouper dans une zone protégée du nordde l’Iraq. Autrement dit, les Kurdes n’auraientplus été protégés sur leur propre territoire. Toutcela allait à l’encontre des principes tradition-nellement défendus par le HCR, mais j’ai déci-dé, pour des raisons de bon sens, que nous de-vions venir en aide à ces personnes. GeraldWalzer, qui est par la suite devenu mon adjoint,pense que c’est la décision la plus importante quej’aie jamais prise.

Pour la première fois de son histoire, le HCRa coopéré étroitement avec les militaires,principalement américains et britanniques.Y a-t-il eu des problèmes ?Je suis allée en personne demander au PrésidentBush de ne pas retirer ses troupes trop vite, carnous n’étions pas sûrs de pouvoir garantir la sé-curité des Kurdes. «Si nous restons, que ne

va-t-on pas dire sur l’impérialisme des Etats-Uniset de son président !» m’a-t-il répondu. Une zo-ne d’exclusion aérienne avait bien été mise enplace, mais les soldats sont partis, laissant der-rière eux une situation très fragile.

En quoi le rôle du HCR a-t-il évolué dans lesannées 90 ?La souffrance humaine est devenue l’un desgrands enjeux de la politique internationale, etdu coup nous sommes devenus des acteurs ma-jeurs sur la scène mondiale. Aujourd’hui, il y abeaucoup de monde dans notre domaine d’inter-vention. L’aide humanitaire est un secteur trèsencombré.

Ce vedettariat n’avait sans doute pas quedes avantages…En effet. L’action humanitaire a servi de feuillede vigne pour camoufler l’inertie des politiqueset des militaires. En Bosnie, la communauté in-ternationale a finalement sévi contre les Serbesmais cela s’est déroulé de manière très peu mé-thodique, plutôt comme une guerre artificiellequi n’a fait qu’intensifier l’exode des populations.On retrouve le même schéma au tout début dela crise du Kosovo. Quant à la crise des GrandsLacs, la réponse de la communauté internatio-nale a été plus réservée encore. Ce qu’il faut avanttout retenir de tout cela, c’est que les grandes puis-sances se mobilisent d’autant plus que la situationd’urgence est proche de leurs portes. Si le pointchaud se trouve à l’autre bout du globe, elles luiaccorderont un peu d’attention pour la forme maisne lui sacrifieront pas un seul de leurs soldats.

Quel est votre plus mauvais souvenir de cesdix dernières années ?Le déferlement de plus d’un million de réfugiéssur les frontières du Zaïre en 1994. Il nous est ar-rivé alors de nous sentir impuissants, totalementimpuissants.

La crise des Grands Lacs a exigé des déci-sions difficiles, et celles du HCR ont été trèscritiquées…Souvenez-vous : quand les équipes de MédecinsSans Frontières ont décidé de se retirer des campsde réfugiés parce que des génocidaires, des ex-soldats et des miliciens se cachaient parmi les ci-vils, je leur ai dit : «Vous êtes une ONG, et doncvous êtes libres de faire ce que bon vous semble.Moi, je suis tenue, par mon mandat, de protégerces gens. Et comme plus de la moitié d’entre euxsont des femmes et des enfants, je ne peux pasles abandonner.»

Pensez-vous encore avoir eu raison ?Oui. Je n’avais pas d’autre choix. Nous coordon-nons de nombreuses activités, et nous ne pou-vons nous offrir le luxe de brandir nos principespersonnels. Les principes, c’est très bien, mais cequi compte avant tout c’est de sauver des vies hu-maines. Nous aurions peut-être dû nous déme-ner davantage pour faire comprendre aux grandespuissances que si elles n’intervenaient pas im-médiatement, le conflit allait s’étendre, commecela s’est vérifié par la suite.

Le prochain Haut Commissaire du HCR devra-t-il être plus “politique” ?Assurément. Quand on défend des causes hu-manitaires et qu’on doit venir en aide aux popu-lations en détresse, il faut savoir gagner la confian-ce des décideurs.

Comment une institution des Nations Uniespeut-elle devenir plus politique dans un cli-mat qui encourage la conformité ?Je n’aime pas l’idée de la conformité à tout prix.Nous sommes des gens de terrain, et noussommes censés pouvoir réagir rapidement encas d’imprévu ; c’est la raison pour laquelle nousrenforçons notre capacité d’intervention en casd’urgence. Nous mettons actuellement au pointun système cohérent de répartition des respon-sabilités entre toutes les institutions spécialisées.

En quoi le prochain millénaire sera-t-il diffé-rent des cinquante dernières années ?

Nous vivons dans un monde

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Il y a cinquante ans, nous venions en aide à desgens persécutés par les autorités de leur proprepays, à des réfugiés qui avaient fui le commu-nisme ou un régime autoritaire. Nous avons en-suite été appelés à secourir des populations ci-viles au moment de la décolonisation et, dans lesannées 70 et 80, les victimes des conflits causéspar la guerre froide. Depuis une dizaine d’années,les guerres civiles sont venues remplacer lesguerres entre les nations. On trouve pêle-mêledans les mouvements d’exode, des réfugiés, desmigrants économiques et des déplacés, qui choi-sissent de partir pour des raisons de plus en pluscomplexes. Le monde aura toujours besoin d’uneorganisation pour secourir les populations lesplus déshéritées et vulnérables. Mais la manièredont nous avons interprété notre mandat de pro-tection est désormais dépassée. Nous devons élar-gir notre champ d’action et redéfinir nos instru-ments de protection.

C’est une révolution...Mais le monde est en pleine révolution! A l’ave-nir, les anciennes méthodes de gestion, les mo-dalités de protection, les solutions traditionnellesseront inopérantes.

Et cette révolution va-t-elle toucher les fon-dements du mandat de protection du HCR,c’est-à-dire la Convention de 1951 sur les ré-fugiés, que d’aucuns jugent dépassée ?Il sera peut-être nécessaire, en effet, de mettreà jour le champ d’application de la Conventionpour tenir compte des situations nouvelles. LaConvention doit rester sacro-sainte car elle estau cœur même de notre travail de protection.Mais nous avons engagé une série de consulta-tions avec les Etats et autres parties intéresséesafin d’explorer diverses idées, de clarifier les interprétations divergentes et d’incorporer dansla Convention des domaines qu’elle ne couvrepas.

Comme par exemple, la protection des personnes déplacées sur le territoire de leurpropre pays ?Elles sont déjà plus nombreuses que les réfugiéset le seront encore davantage si les conflits in-ternes se multiplient. Comment se fait-il qu’onprotège les réfugiés mais qu’on néglige les dé-placés, qui ont été eux aussi chassés par desguerres ? Il faudra sans doute adopter une ap-proche plus globale en faveur des personnes dé-placées et des réfugiés.

Et la question des migrations ?La mondialisation de l’information, des marchésfinanciers et des échanges va très vite. Mais iln’existe encore aucun système pour gérer lamondialisation des mouvements de populations.La communauté internationale doit en inven-ter un, tout en renforçant le système de protec-tion des réfugiés.

Certains craignent que vous ayez ouvert laboîte de Pandore en acceptant le principed’un réexamen de la Convention…Il faut peut-être prendre des risques si l’on veutrester efficace. Nous serons évidemment trèsprudents lors de l’examen de notre mandat debase, mais être utile, n’est ce pas avant tout ser-vir efficacement l’humanité ?

Le HCR et l’université de Harvard élaborentensemble un projet appelé “Imaginer la coexistence”. Où en êtes-vous ?Nos équipes sont actuellement en train de mettreau point des projets pilotes au Rwanda et en Bos-nie, deux pays où des millions de personnes doi-vent réapprendre à vivre ensemble. Nous avonsdéjà une certaine expérience en la matière dansd’autres régions du monde. Il faut maintenantque le personnel sur le terrain et les universi-taires de Harvard élaborent ensemble un pro-gramme, à la fois solide sur le plan théorique etefficace sur le plan pratique. Nous publierons en-suite un guide pratique de la reconstruction so-ciale et de la cohabitation à l’usage de tous les ac-teurs sur le terrain.

Il y a aussi l’initiative dite de Brookings…Oui. Elle répond à un double objectif : obtenirdes financements pour combler le “vide” entrel’aide d’urgence et le redressement à plus longterme, et renforcer les articulations institution-nelles ; ainsi, nous avons mis en place un mé-canisme de consultation avec la Banque mon-diale et le Programme des Nations Unies pourle développement. Nous avons fait un énormetravail d’explication, si bien que tout le mondeveut être de la partie, les gouvernements et lesorganisations non gouvernementales, ce qui n’estpas une mauvaise chose. Il reste encore beau-coup de chemin à parcourir. Nous avons les ou-tils théoriques, mais nous travaillons toujourssur les solutions concrètes, les projets communs,la cible et le contenu de nos interventions, lesmodalités de coopération avec la Banque et lesorganismes d’aide au développement, etc.

Qu’est-ce qui vous a poussée à prendre cesnouvelles initiatives ?L’énergie du désespoir ! Nous avons absolumentbesoin d’appuis solides pour combler ce “vide”entre l’aide d’urgence et le développement à longterme. J’ai soulevé le problème l’année dernièreparce que nous étions désespérés. Les autoritésétaient censées assurer la sécurité des réfugiésrwandais, mais elles se sont montrées incapablesde maintenir l’ordre et de faire respecter la loi.Nous avons dû intervenir, là encore en désespoirde cause. Si nous insistons tant aujourd’hui surla cohabitation, c’est qu’il devient vital de retis-ser des liens entre les communautés, et que noussommes frustrés car nous manquons d’outils etde ressources pour accomplir notre mission. C’estla rage du désespoir qui a inspiré les actions no-vatrices des dix dernières années.

Les médias semblent désormais desacteurs du jeu politique, et non plus desimples observateurs impartiaux descrises humanitaires.Aujourd’hui, ce sont eux qui “font” l’actualité, euxqui interpellent les Etats et les contraignent àprendre les crises à bras le corps — ou à trouverdes boucs émissaires. Nous devons établir descontacts plus étroits avec les médias, expliquernotre mission, et même la promouvoir.

En quoi ces dix dernières années vous ont-elles changée personnellement ?Tout d’abord, j’ai pu mesurer l’admirable téna-cité mais aussi la cruauté de l’espèce humaine.J’ai également appris beaucoup de choses sur lescoulisses du pouvoir, sur les dessous de la poli-tique internationale, sur la gestion des crises etdes organisations. Je crois que je me suis endur-cie. Il y a dix ans, j’étais beaucoup plus détendueet docile, et sans doute plus aimable !

Que comptez vous faire après votre départ ?D’abord me reposer. Ensuite, écrire un livre, uneanalyse des dix dernières années vues à traversle prisme des bouleversements survenus en po-litique internationale.

Comment résumeriez-vous vos dix années àla tête du HCR ?Nous avons toujours répondu présent. Nousavons été en première ligne dans les situationsd’urgence. Et nous avons changé la vie de mil-lions de personnes. B

en pleine révolution…

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“Le réfugié est le fruit denos erreurs, et son calvaire,un réquisitoire accablantcontre notre conduite entant que peuples et nations.S’il existe, c’est uniquementpour nous donner une leçon et nous lancer unavertissement.”Sadruddin Aga Khan, ancienHaut Commissaire du HCR.

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“Le jour nous marchions surdes cadavres, la nuit nousdormions entre les morts.”Un rescapé du génocide duCambodge.

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“Les politiciens se sont ser-vi de l’assistance humanitai-re comme d’une feuille de vigne pour camoufler leurpeu d’empressement à s’attaquer aux causes profondes des conflits.”Kofi Annan, Secrétaire généralde l’ONU.

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“Tu seras obligé d’abandon-ner ce qui te sera le plus

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cher ; c’est la premièreflèche que lance l’arc del’exil. Tu apprendras com-bien le pain de l’étrangerest amer, et combien il estdur de monter et descendrel’escalier d’autrui.”Dante, La Divine Comédie.

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“J’ai vu des réfugiés précipiter leurs enfants duhaut d’un pont. Ils préfé-raient les tuer eux-mêmesen les jetant dans le fleuveou sur les rochers plutôtque de les voir massacréspar les soldats.”Afrique centrale, 1997 : un témoignage.

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“Au cinquième coup de ma-chette, j’ai perdu connais-sance. Ce sont les hurle-ments de ma petite fille quim’ont tirée de mon éva-nouissement. Ils étaient entrain de lui trancher lamain, à elle aussi.”

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Une réfugiée racontant les atro-cités quasi-quotidiennes com-mises en Sierra Leone en 1998.

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“L’étranger qui vit loin deses compatriotes et dessiens devrait être plus quequiconque aimé des

natale, ma vie, mon âme, ma patrie.”Le rédacteur d’un journal co-lombien expliquant sa décisionde partir en exil après avoir reçudes menaces de mort.

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“S’il est un sort plus terribleque celui de réfugié, c’estd’être un réfugié sans paysd’asile.”Sadruddin Aga Khan, ancienHaut Commissaire du HCR.

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“Quel progrès : au Moyen-Âge, ils m’auraient condamné au bûcher. Aujourd’hui ils se conten-tent de brûler meslivres…”Sigmund Freud en1933, commentantla destruction deses ouvrages sur laplace publique.

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“Un homme sanspapiers n’est quela moitié d’unhomme.”J.G. van Heuven Goed-hart, premier HautCommissaire duHCR.

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hommes et des dieux.”Platon.

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“Comme l’intellectuel, le journaliste, le militantdes droits de l’homme, le déplacé, je dois à montour abandonner ma terre

“Ceux qui rentreront enpremier dormiront dans deslits, ceux qui rentreront ensuite dormiront sur desnattes, ceux qui rentrerontun peu plus tard dormiront dans la boue et ceux qui rentreront en dernier dormiront sous la terre.”Avertissement des Khmers rouges aux réfugiéscambodgiens.

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“L’objectif auquel je suis leplus attaché, c’est d’arriverà faire en sorte que plus jamais l’ONU ne faillisse àsa mission de protectiondes populations civilescontre les génocides et lesmassacres.”Kofi Annan, Secrétaire généralde l’ONU, au lendemain du

génocide rwandais de1994.

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“Tu ne molesteras pasl’étranger ni ne

l’opprimeras, cartu as toi-mêmerésidé commeétranger dans le pays d’Egypte.”

Ancien Testament, Exode, 22.

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Réfugiésbosniaques audébut des années90. Une scène quis’est répétéepresque partoutdans le mondetout au long dudemi-siècle passé.

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La première mission de l’organisation a été de venir en aide àenviron un million de personnes toujours sans abri cinq ansaprès la fin de la Seconde Guerre mondiale.

A sa création, le HCR est doté d’un budget de 300 000 dollarset d’une toute petite équipe.

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La révolutionhongroise a été unmoment décisifpour le HCR dansles années 50,lorsque quelque200 000 personnesont dû fuir enAutriche et enYougoslavie.

La premièreintervention duHCR en Afrique aeu lieu en 1957. Ils’agissait alors devenir en aide à 200 000 réfugiésalgériens en Tunisieet au Maroc, aumoment de laguerre d’indépen-dance de l’Algériecontre la France.

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En Afrique, c’est la fin des empires coloniauxet des conflits éclatent à travers le continent.Au début des années 60, comme trenteannées plus tard, le HCR doit se mobiliserpour venir en aide aux réfugiés rwandais.

Au cours des années 60, le programmed’intégration rurale des réfugiés dans lespays d’accueil, comme ici en Tanzanie, est un franc succès.

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Le plus grand exode de l’histoire contemporaine :jusqu’à 10 millions de personnes sont obligées de fuir lePakistan oriental. C’était au début des années 70.

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L’exode de plus de six millions d’Afghans acommencé vers la fin des années 70. Une grandepartie de l’Afghanistan, dont Kaboul, la capitale, aété détruite.

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Au milieu des années 70, dans le sillage de la guerre du VietNam, jusqu’à trois millions de personnes fuient l’Indochine.Quelque 2,5 millions d’entre elles parviendront à refaire leurvie ailleurs.

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Au cours des années 80, la répression s’installe en Amérique centrale.Deux millions de personnes, dont cette Guatémaltèque réfugiée auMexique, n’ont pas d’autre choix que la fuite.

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Au début des années80, la moitié desréfugiés dans lemonde se trouventsur le continentafricain. Des millionsd’entre eux ont fui lasécheresse dans lacorne de l’Afrique. A l’autre bout ducontinent, à l’ombrede ces arbres, desréfugiésmozambicainssuivent des coursdans une école auMalawi.

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Au lendemain de la guerre du Golfe, descentaines de milliers de Kurdes iraquiensont été littéralement pris au piège dansle nord de l’Iraq.

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En 1992-1993, après des années d’exil, lesréfugiés cambodgiens ont commencé àregagner leur pays et à y reconstruire leurvie. Mais pour près de 100 000 Bhoutanaisréfugiés dans des camps au Népal, l’avenirest encore plein d’incertitude.

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L’Afrique de l’Ouest n’apas été épargnée. AuLibéria, près d’un milliond’habitants ont étédéracinés au début desannées 90 et descentaines de milliers deréfugiés sierra-léonais ontégalement été jetés surles routes de l’exil. Afind’éviter la propagationdes maladies, de l’eaupotable a été distribuéepartout où cela étaitpossible.

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Rwanda 1994 : fuyant legénocide, des centaines demilliers de personnes sesont réfugiées dans les paysvoisins où d’immensescamps ont été mis en place.

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Quelque 700 000 personnes en provenancedes Balkans ont trouvé refuge en Europeoccidentale au début des années 90. Mais lesdemandeurs d’asile étant toujours plusnombreux, les pays industrialisés commencentà introduire des lois plus sévères pour tenterd’enrayer cet afflux. Ici, des Nord-Africainsviennent d’être interceptés au large de la côteespagnole.

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En 1992, la guerre civile éclate au Tadjikistan,en Asie centrale, et 20 000 personnes vontchercher refuge en Afghanistan, pays pourtanten proie à de violents affrontements. Laplupart ont pu retourner chez elles vers la mi-95, dont cette femme médecin et sa patiente.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique,plusieurs Etats nouvellement créés ont étédéchirés par des conflits civils et des exodes.Dans le Nord du Caucase, l’Ingouchie aaccueilli un grand nombre de déplacésingouches et tchétchènes.

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Kosovo, printemps 1999 : près d’un million depersonnes ont été contraintes de s’enfuir ouont été littéralement « déportées »…

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…quelques mois plus tard, à leur retour, ladestruction et la désolation sont au rendez-vous.

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La fin du XXe siècle a été marquée par l’exode des Est-Timorais. Après le retour de l’ordre grâce à la présenced’une force internationale, beaucoup d’entre eux ont pris le chemin du retour.

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Le Haut Commissariat des Nations Unies pourles réfugiés, première organisation au monde pourl’aide aux réfugiés, passe en revue les grandescrises humanitaires de la seconde partie duvingtième siècle et analyse les différentesstratégies mises en œuvre par la communautéinternationale pour faire face aux déplacementsforcés.

Les réfugiés et autres personnes déracinées sontvictimes d’événements qui les dépassent :persécutions, conflits armés, violations des droitsde l’homme. Ils apparaissent aussi de plus en plusnettement comme des enjeux, tant au niveau de lasécurité des Etats que sur la scène politiquemondiale. Dans la seule année 1999, les drames duKosovo, du Timor oriental et de la Tchétchénie ontjeté sur les routes de l’exil plus d’un million depersonnes. C’est dire que le problème desdéplacements forcés restera l’une despréoccupations majeures du XXIe siècle.

L’ouvrage retrace l’évolution du droitinternational relatif aux réfugiés et la création des

institutions chargées de protéger les réfugiés et les personnes déplacées. Il rappelle lesgrandes crises qui ont mobilisé le HCR au cours de son histoire — les flux migratoiresmassifs en Europe après la Seconde Guerre mondiale, la fuite des réfugiés hongrois en1956, les exodes causés par la décolonisation africaine et la guerre d’indépendance auBangladesh en 1971, les vagues incessantes de réfugiés d’Indochine pendant vingt ans,les exodes provoqués par d’interminables conflits dans les années 80, en Afghanistan,dans la corne de l’Afrique et en Amérique centrale.

Les années 90 furent marquées par d’importants mouvements de populationconsécutifs à la dislocation du bloc soviétique, ainsi que par l’exode des Kurdes dunord de l’Iraq après la guerre du Golfe. La crise des Balkans, les flambées de violencedans l’Afrique des Grands Lacs, au Timor oriental et dans le Caucase furent d’autrespoints chauds de la décennie. Mais l’un des enjeux politiques majeurs restera ledurcissement des conditions d’asile en Europe et en Amérique du Nord.

Par ce tour d’horizon, le HCR insiste sur la nécessité de trouver des solutionsdurables aux déplacements forcés. Il affirme aussi qu’il ne saurait y avoir de paix etd’équilibre mondial tant que la sécurité des individus n’est pas assurée.Date de parution : novembre 2000.

Edition albanaiseUNHCRRruga Donika KastriotiTiranaALBANIEe-mail : [email protected]

Edition allemandeVerlag J.H.W. DietzIn der Raste 2D-53129 BonnALLEMAGNEe-mail : [email protected]

Edition anglaiseOxford University PressGreat Clarendon StreetOxford OX2 6DPROYAUME-UNIe-mail : [email protected]

Edition arabeUNHCR13, El Fellah StreetMohandiseenLe CaireEGYPTEe-mail : [email protected]

Edition chinoise1-2-1, Ta Yuan DiplomaticOffice Building14 Liangmahe Nan Lu,Beijing 100600CHINEe-mail : [email protected]

Edition espagnoleACNURAv. Gral Peron 32, 2°28020 MadridESPAGNEe-mail : [email protected]

Edition françaiseÉditions AutrementService de presse17, rue du Louvre75001 ParisFRANCEe-mail : [email protected]

Edition grecqueUNHCR23, Taygetou Str., 15452Paleo PsychicoAthènesGRÈCEe-mail :[email protected]

Edition hongroiseUNHCRGyimes utca 3/B.1126 BudapestHONGRIEe-mail : [email protected]

Edition italienneACNUR/UNHCRVia Caroncini 1900197 RomeITALIEe-mail :[email protected]

Edition japonaiseJiji Press1-3 Hibiya-koen,Chiyoda-ku,Tokyo 100-8568, JAPONe-mail : [email protected]

Edition polonaiseUNHCR, Al. Roz 2,00-556 Varsovie,POLOGNEe-mail : [email protected]

Edition portugaiseCPRBairro do ArmadorZona M de ChelasLote 764 – Loja Dtª.1900 LisbonnePORTUGALe-mail :[email protected]

Edition russeUNHCR6, pereulok Obukha103064, MoscouFÉDÉRATION DE RUSSIEe-mail :[email protected]