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6 sur 6 ? Ou les secrets de la gestion de classe à l’usage des enseignants débutants Olivier Maulini Université de Genève Laboratoire Innovation-Formation- Education (LIFE) 1 & 5 mars 2010

6 sur 6 ? Ou les secrets de la gestion de classe à lusage des enseignants débutants Olivier Maulini Université de Genève Laboratoire Innovation-Formation-Education

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6 sur 6 ?Ou les secrets de la gestion de classeà l’usage des enseignants débutants

Olivier MauliniUniversité de GenèveLaboratoire Innovation-Formation-Education (LIFE)1 & 5 mars 2010

Page 2: 6 sur 6 ? Ou les secrets de la gestion de classe à lusage des enseignants débutants Olivier Maulini Université de Genève Laboratoire Innovation-Formation-Education

1. Entre fantasme de la perfection et esthétisme de la résignation : l’enseignant suffisamment bon

2. Deux situations singulières (et emblématiques ?) : désir de mobilisation, besoin de soumission

3. Cinq secrets, et le sixième en option

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1.Entre fantasme de la perfection et

esthétisme de la résignation : l’enseignant suffisamment bon

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2.Deux situations singulières (et

emblématiques ?) : désir de mobilisation, besoin de soumission

Page 5: 6 sur 6 ? Ou les secrets de la gestion de classe à lusage des enseignants débutants Olivier Maulini Université de Genève Laboratoire Innovation-Formation-Education

« Une classe de français en 3e année du collège. Le cours de littérature a pour thème le Cid de Corneille. L’enseignante demande d’analyser la scène selon le schéma habituel. Un élève refuse d’accomplir le travail demandé en se retournant pour discuter. L’enseignante demande de se mettre au travail. L’élève ne répond pas et ignore l’enseignante. L’enseignante l’appelle nommément. L’élève répond par la violence et dit que cela ne sert à rien et que c’est toujours la même chose. L’enseignante ne sait pas comment réagir, s’énerve et laisse tomber la situation. L’élève ne fait rien durant le cours et attend la correction pour prendre note. Je garde rancune à l’élève et vice-versa. Je me suis énervée car tous les autres travaillaient sauf lui. L’élève a réagi violemment contre mon enseignement et mis en doute ma capacité. Je laisse tomber car je me dis qu’on ne peut motiver quelqu’un sans le forcer. Pas envie de violence. Comment motiver quelqu’un qui refuse en bloc ? Comment réagir face à un désintérêt fondé pour l’autre ? »

2.1

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« Une classe de français en 3e année du collège. Le cours de littérature a pour thème le Cid de Corneille. L’enseignante demande d’analyser la scène selon le schéma habituel. Un élève refuse d’accomplir le travail demandé en se retournant pour discuter. L’enseignante demande de se mettre au travail. L’élève ne répond pas et ignore l’enseignante. L’enseignante l’appelle nommément. L’élève répond par la violence et dit que cela ne sert à rien et que c’est toujours la même chose. L’enseignante ne sait pas comment réagir, s’énerve et laisse tomber la situation. L’élève ne fait rien durant le cours et attend la correction pour prendre note. Je garde rancune à l’élève et vice-versa. Je me suis énervée car tous les autres travaillaient sauf lui. L’élève a réagi violemment contre mon enseignement et mis en doute ma capacité. Je laisse tomber car je me dis qu’on ne peut motiver quelqu’un sans le forcer. Pas envie de violence. Comment motiver quelqu’un qui refuse en bloc ? Comment réagir face à un désintérêt fondé pour l’autre ? »

2.1

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• « Schéma habituel » : questionnement des présupposés

• « Refuser de travailler vs discuter » : distinction des problèmes

• « Laisse tomber » : acceptation des limites

• « Pas envie de violence » : défense des aspirations

• « Démotivation, refus, désintérêt ‘en bloc’ » : tension entre désir d’apprendre et intention d’enseigner

2.1

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« Lors d’un exposé individuel sur un sujet libre (critères variés, dont le vocabulaire, etc.), l’élève, au lieu de dire le mot  femme ou  fille aimait à répéter ‘meuf’. À chaque fois, je le reprenais en disant ‘femme’. Sans plus. Et cela se répéta environ 20 fois. Toujours la même correction, sur le même ton. Finalement, l’élève dit : ‘J’en ai marre… si c’est comme ça, j’arrête. Je me casse.’ Je me suis senti agressé, atteint dans mon autorité. Une certaine crainte également : réaction de la classe, colère d’un élève très sanguin (et plus costaud que moi…), gestion de la suite de son exposé (comment le faire continuer). Sur un ton très sec, je lui ai dit que s’il ‘se casse’, ce sera avec toutes ses affaires en disant au revoir pour toujours à ses camarades car je me chargerai d’informer le doyen qui le renverra. Ma remarque, lui ai-je dit, était fondée sur des critères de l’évaluation (vocabulaire). S’il ne l’acceptait pas et n’y remédiait pas, c’était mon devoir de le corriger et de lui en faire prendre conscience. Le tout n’était pas pour se moquer de lui ou le dévaloriser. Laclasse est restée calme et sans commentaire. Ai-je bien réagi ? »

2.2

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« Lors d’un exposé individuel sur un sujet libre (critères variés, dont le vocabulaire, etc.), l’élève, au lieu de dire le mot  femme ou  fille aimait à répéter ‘meuf’. À chaque fois, je le reprenais en disant ‘femme’. Sans plus. Et cela se répéta environ 20 fois. Toujours la même correction, sur le même ton. Finalement, l’élève dit : ‘J’en ai marre… si c’est comme ça, j’arrête. Je me casse.’ Je me suis senti agressé, atteint dans mon autorité. Une certaine crainte également : réaction de la classe, colère d’un élève très sanguin (et plus costaud que moi…), gestion de la suite de son exposé (comment le faire continuer). Sur un ton très sec, je lui ai dit que s’il ‘se casse’, ce sera avec toutes ses affaires en disant au revoir pour toujours à ses camarades car je me chargerai d’informer le doyen qui le renverra. Ma remarque, lui ai-je dit, était fondée sur des critères de l’évaluation (vocabulaire). S’il ne l’acceptait pas et n’y remédiait pas, c’était mon devoir de le corriger et de lui en faire prendre conscience. Le tout n’était pas pour se moquer de lui ou le dévaloriser. Laclasse est restée calme et sans commentaire. Ai-je bien réagi ? »

2.2

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• « Toujours la même correction » : asymétrie des responsabilités

• « Je me chargerai d’informer le doyen qui le renverra » : rapport de force, promesse et délégation de l’autorité

• « Critères de l’évaluation » : distinction des registres

2.2

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3.Cinq secrets, et le sixième en option

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« Tu ne tergiverseras pas », ou l’engagement dans le travail

• Pourvu qu’ils écoutent…

• Les 4 phases AERE :– Attentes interminables

– Enrôlement sans préambule

– À la Recherche des élèves

– Expressions théâtralisées et culpabilisation des indisciplinés

• « Assez de préliminaires, il est plus facile d’organiser le travail que la discipline » (Ubaldi, 1994)

3.1

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• Travailler à faire travailler les élèves…– Du cours magistral au cours dialogué

– Questions à la cantonade, puis adressées

– 3 secondes de silence…

– Distribuer et faire durer le questionnement

– Élargir, donc soigner les questions

• « L’union des travailleurs de la preuve »– Recherche personnelle

– Groupes de proximité (imposés), rapporteurs

– Mise en commun

– Collectivisation et matérialisation de l’enquête

– Précision et reformulation des consignes et des phases de transition

3.2

« Tu ne monopoliseras pas », ou l’enrôlement des élèves

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« Tu ne galvauderas pas », ou la crédibilité des règles

• Comportement et apprentissages : ne pas se tromper de priorité

• Ligne blanche, ligne rouge : « ne pas nuire, ne pas se moquer »

• Promettre peu, sanctionner vraiment

• Régler la circulation (équitable) de la parole

• Nuire à soi-même : une responsabilité à attribuer

• La punition collective : peut-on se renier ?

• Le travail scolaire comme punition : contradiction ?

3.3

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« Tu ne discuteras pas », ou le paradoxe de l’autorité

• « Ne jamais parler plus fort qu’eux, c’est le truc. »

• Rapport de force et compétence de désescalade

• Effet miroir : demander de redire, interroger, mener par la question

• Surseoir à la réaction

• Externalisation de la mise à plat

• Un critère : le jeu du face à face est-il ou non à somme nulle ?

3.4

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« Tu ne te tromperas pas de gratification », ou l’éthique assumée

• Souffrance sociale et lutte pour la reconnaissance• Travailler (avec) ses irritations

« On a pu estimer que le collège produit en deux ans plus d’inégalités sociales de résultats que l’ensemble de la scolarité antérieure. (…) Pourquoi cette accélération ? (…) On pense en particulier au contenu même des programmes, largement hérités, malgré des évolutions significatives, d’une époque où seule une frange triée d’élèves accédaient au secondaire. On peut évoquer aussi des facteurs tels que la multiplicité des maîtres, l’importance du travail à la maison, bref toute une organisation du temps et de la vie scolaires héritée des lycées et inégalement familière aux élèves. (…) [La recherche] montre qu’on assiste à une chute des motivations scolaires, à une montée du stress, à un accroissement des attitudes fatalistes pendant les années de collège. » (Duru-Bellat, 2002)

3.5

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Où est la réussite, où est l’échec [de l’éducateur] ? On assure parfois que le succès d’une éducation résiderait précisément en ce que celui qui en est l’objet la contrecarre pour advenir en différence et en séparation. Cela est-il pour nous rassurer ? Si l’éducation est le lieu exemplaire de l’exercice du pouvoir, son succès insuffisant atteste que ce pouvoir est néanmoins limité. L’humain échappe toujours un peu aux prédéterminations ; il résiste aux tentatives normatives comme à l’entreprise totalisante qui, si elle s’actualise à ses dépens, atteint rarement sont but ; il peut en venir même à fomenter sa propre destruction, pour se sauver comme sujet irréductible. C’est au prix le plus fort qu’il paie la garantie de sa liberté. (…) Savoir de l’extérieur est une chose, et nous en savons chaque jour davantage. Personne ne le conteste. Mais dans le rapport à l’autre, où il s’agit pour lui de grandir et d’apprendre, ce qui importe est de l’autoriser à construire sa vie, sa connaissance ; de se confronter aux difficultés et de les dépasser. Notre savoir n’y est pas suffisant (…). Ainsi nous sommes déchus de la place de toute-puissance que nous pensions pouvoir occuper ; et nous ne sommes jamais quitte d’œuvrer au jour le jour, sans garantie. L’autre excède toujours la théorie. (Cifali, 1994, pp. 35-36, 53)

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Merci de votre attention.

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En savoir plus…www.unige.ch/fapse/life

• Duru-Bellat, M. (2002). Les inégalités sociales à l'école. Genèse et mythes. Paris : PUF.

• Gelin, D., Rayou, P. & Ria, L. (2007). Devenir enseignant. Parcours et formation. Paris : Armand Colin.

• Maulini, O. (2005). Questionner pour enseigner & pour apprendre. Le rapport au savoir dans la classe. Paris : ESF

• Meirieu, Ph. (2005). Lettre à un jeune professeur. Paris : ESF.

• Rey, B. (2004). Discipline en classe et autorité de l'enseignant. Eléments de réflexion et d'action. Paris : De Boeck.

• Ubaldi, J.-L. (Ed.) (2006). Débuter dans l'enseignement: Témoignages d'enseignants, conseils d'experts. Paris : ESF.