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Urgences (1995) XIV, 220-221 0 Elsevier, Paris Fait clinique A propos d’un cas d’6piglottite de I’adulte M Khouri, I Demare-Jallet, G Lalande Service d’accueil des urgences, centre hospitalier de Nevers, 1, av Cotbert, 58000 Nevers, France (Repu le 4 aotit 1995 ; accept6 le 7 septembre 1995) Si l’epiglottite aigue est consideree comme mala- die frequente chez I’enfant entre 2 et 6 ans, elle I’est beaucoup moins chez I’adulte. En effet, I’epi- glottite aigue chez I’adulte est une affection rare, mais preoccupante en raison de son evolution possible vers I’obstruction complete des voies aeriennes. OBSERVATION Admis dans le service des urgences pour une dyspnee severe, le patient presentait une dyspnee importante, une hypersialorrhee, une position penchee en avant, une dysphagie et une voie eteinte. L’examen clinique montre une cyanose digitale, des marbrures aux ge- noux, une fievre a 38”C, une TA 146187, I’absence de foyer crepitants a I’auscultation pulmonaire. L’examen du pharynx met en evidence une pharyngite erythbma- teuse, I’absence d’amygdale en raison d’une amygda- lectomie dans I’enfance et I’absence d’adenopathie cervicale. L’interrogatoire de son epouse elimine tout antecedent d’asthme ou d’allergie connue. Les globules blancs etaient & 22 800/ml dont 70% de PN. L’ionogramme sanguin est normal, la gazometrie Qgalement avec saturation a 98% sous oxygenothera- pie en masque 4 I/min. Le diagnostic d’epiglottite aigu@ ou de laryngite etant Bvoquk, I’ORL de garde est appe- le. II pratique une laryngoscopie indirecte qui confirme le diagnostic d’epiglottite aigu& Le patient recoit aux urgences 1 g d’amoxicilline plus de I’acide clanuloni- que, et 40 mg de dexamkthasone. L’evolution est rapidement favorable. Le recours a la tracheotomie n’a pas Bte necessaire pendant le sejour en reanimation. La radiographie cervicale de profil mon- tre une hypertrophie de I’epiglotte. Les hemocultures sont redevenues negatives. Le patient est reste 48 heures en service de reanimation et transfer6 dans la suite en service ORL d’oti il est sorti $I J5. DISCUSSION L’epiglottite aigue infectieuse de I’adulte est une entite rare [5] (9,7 cas par million d’habitants et par an), mais dont les symptdmes sont souvent im- pressionnants. le diagnostic repose sur la clinique aidee par une radiographie du cou de profil ; il est confirm& si necessaire, par une laryngoscopie indirecte. Le diagnostic est facilement evoque de- vant I’association dyspnee, hypersialorrhee et voie etouffee. Les hemocultures sont positives dans 25-56% chez I’adulte, avec une hyperleucocytose constante dans toutes les series aux alentours de 20 000 GB/mm3. Sur les hemocultures, les germes en cause sont Haemophilus influenzae [4] alors que les prelevements pharynges re- trouvent le plus souvent la flore habituelle de I’adulte sain. Plusieurs autres micro-orga- nismes ont ete incrimines chez I’adulte, notam- ment le streptocoque beta hemolytique, le sta- phylocoque dare et le pneumocoque. Haemophilus influenzae, dont la responsabilite est probablement rare dans I’epiglottite aigue de I’adulte, represente un facteur de gravite. Par- fois aucun germe pathologique nest retrouve, et c’est le cas de notre patient, d’ou I’hypothese d’une epiglottite virale [2]. La prise en charge reste le point le plus discute. La liberation des voies aeriennes superieures par intubation nasotracheale ou tracheotomie est le premier geste therapeu- tique de la prise en charge, si le patient pre- sente a son arrivee une detresse respiratoire. Le traitement medical s’avere suffisant en I’absence de gene respiratoire. Dans tous les cas, la surveillance en milieu de reanimation est necessaire. L’antibiotherapie doit etre ac- tive sur tous les germes potentiels [3]. Ainsi sont proposes soit une cephalosporine de 3e generation, soit I’association amoxicilline- acide clavulanique, voire I’association d’ampicilline et de chloramphenicol. La corticotherapie a forte dose peut etre asso- ciee pour diminuer I’oademe local bien que son efficacite n’ait pas ete prouvee sur la duree de I’evolution [l].

À propos d'un cas d'épiglottite de l'adulte

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Page 1: À propos d'un cas d'épiglottite de l'adulte

Urgences (1995) XIV, 220-221 0 Elsevier, Paris

Fait clinique

A propos d’un cas d’6piglottite de I’adulte

M Khouri, I Demare-Jallet, G Lalande

Service d’accueil des urgences, centre hospitalier de Nevers, 1, av Cotbert, 58000 Nevers, France

(Repu le 4 aotit 1995 ; accept6 le 7 septembre 1995)

Si l’epiglottite aigue est consideree comme mala- die frequente chez I’enfant entre 2 et 6 ans, elle I’est beaucoup moins chez I’adulte. En effet, I’epi- glottite aigue chez I’adulte est une affection rare, mais preoccupante en raison de son evolution possible vers I’obstruction complete des voies aeriennes.

OBSERVATION

Admis dans le service des urgences pour une dyspnee severe, le patient presentait une dyspnee importante, une hypersialorrhee, une position penchee en avant, une dysphagie et une voie eteinte. L’examen clinique montre une cyanose digitale, des marbrures aux ge- noux, une fievre a 38”C, une TA 146187, I’absence de foyer crepitants a I’auscultation pulmonaire. L’examen du pharynx met en evidence une pharyngite erythbma- teuse, I’absence d’amygdale en raison d’une amygda- lectomie dans I’enfance et I’absence d’adenopathie cervicale. L’interrogatoire de son epouse elimine tout antecedent d’asthme ou d’allergie connue.

Les globules blancs etaient & 22 800/ml dont 70% de PN. L’ionogramme sanguin est normal, la gazometrie Qgalement avec saturation a 98% sous oxygenothera- pie en masque 4 I/min. Le diagnostic d’epiglottite aigu@ ou de laryngite etant Bvoquk, I’ORL de garde est appe- le. II pratique une laryngoscopie indirecte qui confirme le diagnostic d’epiglottite aigu& Le patient recoit aux urgences 1 g d’amoxicilline plus de I’acide clanuloni- que, et 40 mg de dexamkthasone.

L’evolution est rapidement favorable. Le recours a la tracheotomie n’a pas Bte necessaire pendant le sejour en reanimation. La radiographie cervicale de profil mon- tre une hypertrophie de I’epiglotte. Les hemocultures sont redevenues negatives. Le patient est reste 48 heures en service de reanimation et transfer6 dans la suite en service ORL d’oti il est sorti $I J5.

DISCUSSION

L’epiglottite aigue infectieuse de I’adulte est une entite rare [5] (9,7 cas par million d’habitants et par an), mais dont les symptdmes sont souvent im- pressionnants. le diagnostic repose sur la clinique

aidee par une radiographie du cou de profil ; il est confirm& si necessaire, par une laryngoscopie indirecte. Le diagnostic est facilement evoque de- vant I’association dyspnee, hypersialorrhee et voie etouffee.

Les hemocultures sont positives dans 25-56% chez I’adulte, avec une hyperleucocytose constante dans toutes les series aux alentours de 20 000 GB/mm3. Sur les hemocultures, les germes en cause sont Haemophilus influenzae [4] alors que les prelevements pharynges re- trouvent le plus souvent la flore habituelle de I’adulte sain. Plusieurs autres micro-orga- nismes ont ete incrimines chez I’adulte, notam- ment le streptocoque beta hemolytique, le sta- phylocoque dare et le pneumocoque. Haemophilus influenzae, dont la responsabilite est probablement rare dans I’epiglottite aigue de I’adulte, represente un facteur de gravite. Par- fois aucun germe pathologique nest retrouve, et c’est le cas de notre patient, d’ou I’hypothese d’une epiglottite virale [2].

La prise en charge reste le point le plus discute. La liberation des voies aeriennes superieures par intubation nasotracheale ou tracheotomie est le premier geste therapeu- tique de la prise en charge, si le patient pre- sente a son arrivee une detresse respiratoire. Le traitement medical s’avere suffisant en I’absence de gene respiratoire. Dans tous les cas, la surveillance en milieu de reanimation est necessaire. L’antibiotherapie doit etre ac- tive sur tous les germes potentiels [3]. Ainsi sont proposes soit une cephalosporine de 3e generation, soit I’association amoxicilline- acide clavulanique, voire I’association d’ampicilline et de chloramphenicol.

La corticotherapie a forte dose peut etre asso- ciee pour diminuer I’oademe local bien que son efficacite n’ait pas ete prouvee sur la duree de I’evolution [l].

Page 2: À propos d'un cas d'épiglottite de l'adulte

Un cas d’epiglottite de I’adulte 221

CONCLUSION

L’epiglottite aigue de I’adulte est une affection rare mais a ne pas meconnaitre car I’evolution peut etre fatale.

Le diagnostic est a evoquer devant toute gene respiratoire avec voix etouffee et hypersialorrhee. Le traitement repose sur la liberation des voies aeriennes superieures une antibiotherapie effi- cace. La surveillance dans un milieu de reanima- tion est necessaire.

La gravite des manifestations cliniques et surtout la rapidite du diagnostic et de la prise en charge thera- peutique jouent un role primordial dans le pronostic.

RiFkRENCES

1 Adreassen UK, Husum B, Tos M, Peth K. Acute epiglot- tite an adultes. A management protocol based on a 17 year material. Acfa anesthesiol Stand 1984;28:1.55-7

2 Cohen EL. L’epiglottite de I’adulte. Tempo A&d 1984; no1 78

3 Gilain L. Laryngites aigues de I’adulte. EMC (Paris);20- 645-A-l 0

4 Veyssier C, Bleichner G, Manet P, Guerin JM, Grosbuis S, Lallemont PY, Sollet JP. Epiglottite aigue de I’adulte. Reanim soins intensifs m&d LIT- gence 1989;5 no4

5 Williams PD, Armitage EN, Fisher mg, Hatcher GW. Pre- cipitation of laryngeal obstruction in acute epiglottis. Br Med 1985;290:990-1007