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UN MUSÉE RÉGIONAL DES SCIENCES ENTROIS MOIS par W.T. O'DEA 266 L'auteur a passé douze semaines en Inde, de janvier à mars 19j7, au titre du pro- gramme Unesco d' '' aide aux États membres ". Pendant sa brève mission de conseil- ler pour la création de musées scientifiques, il lui aurait été normal et relativement facile de prodiguer toutes sortes de conseils et de rédiger l'habituel rapport. Aussi bien, n'avait-il pu faire beaucoup plus, au cours d'une mission antérieure dans une autre partie de l'Asie m5ridionale. Mais cette fois, d'excellentes raisons le poussaient à tenter ce qui pouvait paraître impossible: la création en trois mois d'un musée scientifique . REMII~REMENT, j'avais passé, à New Delhi, neuf mois auparavant, une semaine P consacrée à des entretiens préparatoires à la suite desquels, trois mois plus tard, un fonctionnaire appelé à me remplacer avait été nommé. A mon retour, celui-ci avait pris tous les contacts voulus et était parfaitement au courant de la marche à suivre. Deuxièmement, on pouvait disposer d'un excellent local de 3 IO mètres carrés, doté de tous les services nécessaires, au Laboratoire national de physique de New Delhi. Troisièmement, des crédits avaient été prévus avant mon arrivée. Quatrième- ment, il y avait dans les divers départements du Laboratoire national de physique des experts en de nombreux domaines scientifiquesqui pouvaient prêter leur concours et donner ou prêter un certain nombre d'objets d'équipement; on pouvait compter aussi sur les ateliers du laboratoire. Enfin, il existait une collection d'appareils de démonstration scientifique, acquis au cours des trois années pendant lesquelles l'idée de la création d'un musée avait peu à peu pris forme : quelques-uns restaient d'expo- sitions antérieures ; d'autres venaient de départements de recherches dans lesquels ils n'avaient plus d'utilité ; d'autres étaient l'œuvre de chaleureux partisans de l'idée d'un musée; d'autres enfin étaient les reliquats assez défraîchis d'une exposition itinérante de l'Unesco. TOUS étaient pourvus d'un étiquetage défectueux, rangés au hasard, presque incompréhensibles au cours des démonstrations faites aux nombreux groupes de visiteurs guidés qui affluaient sans cesse dans le lointain Laboratoire national de physique et attestaient la soif d'enseignement scientifique du peuple indien. Telles sont les cinq raisons, exposées par ordre d'importance décroissant, que j'avais de mettre ce musée sur pied. Ma mission m'appelait aussi à donner des conseils pour l'organisation d'un musée des sciences à Calcutta. Là, la famille Birla avait fait don d'un bâtiment d'environ 3 IOO mktres carrés pour le musée; mais les installations électriques du bâtiment étaient insuffisantes, il n'avait pas d'équipement de labora- toire et il était dirigé par un fonctionnaire tout récemment nommé et manquant encore d'expérience muséographique. Je ne pouvais songer à organiser le moindre embryon de musée scientifique pendant mon séjour à Calcutta, et il ne faisait pas de doute qu'au début, les progrès seraient lents. L'énergique Comité consultatif du musée, sous la présidence du premier ministre du Bengale-Occidental, a fait preuve de détermination et d'ouverture d'esprit ; mais c'est pour les années futures que nous fûmes amenés à prendre des décisions, tandis qu'à New Delhi quelques semaines de travail préparatoire me suffisaient pour me rendre compte qu'avec un peu de chance, je parviendrais à former un organisme en état de fonctionner, dans lequel on pourrait reconnaitre immédiatement les prémisses d'un véritable musée scientifique. Il faut espérer que cette leson de l'expérience sera comprise des pays qui peuvent avoir à solliciter le concours de l'Unesco pour l'organisation de leurs musées. Ma première mission, en I 9 j 6, était également la première à répondre à une demande de conseils au sujet des musées scientifiques. Je rencontrai alors en Inde le Dr Robert Hatt, des États-Unis d'Amérique, qui, à titre d'expert de l'Unesco, venait de remplir à Karachi, au Pakistan, une mission relative à ce type de musées. I1 me confirma dans ma propre expérience et ma seconde mission m'apporta une nouvelle confirmation. D'ailleurs ces considérations s'appliquent aussi bien, dans l'ensemble, à tout autre type de musées. La collection d'objets fortuitement exposés ne peut plus

A REGIONAL MUSEUM OF SCIENCE IN THREE MONTHS

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U N MUSÉE RÉGIONAL DES SCIENCES E N T R O I S MOIS

par W . T . O ' D E A

266

L'auteur a passé douze semaines en Inde, de janvier à mars 19j7, au titre du pro- gramme Unesco d' '' aide aux États membres ". Pendant sa brève mission de conseil- ler pour la création de musées scientifiques, il lui aurait été normal et relativement facile de prodiguer toutes sortes de conseils et de rédiger l'habituel rapport. Aussi bien, n'avait-il pu faire beaucoup plus, au cours d'une mission antérieure dans une autre partie de l'Asie m5ridionale. Mais cette fois, d'excellentes raisons le poussaient à tenter ce qui pouvait paraître impossible: la création en trois mois d'un musée scientifique .

REMII~REMENT, j'avais passé, à New Delhi, neuf mois auparavant, une semaine P consacrée à des entretiens préparatoires à la suite desquels, trois mois plus tard, un fonctionnaire appelé à me remplacer avait été nommé. A mon retour, celui-ci avait pris tous les contacts voulus et était parfaitement au courant de la marche à suivre. Deuxièmement, on pouvait disposer d'un excellent local de 3 IO mètres carrés, doté de tous les services nécessaires, au Laboratoire national de physique de New Delhi. Troisièmement, des crédits avaient été prévus avant mon arrivée. Quatrième- ment, il y avait dans les divers départements du Laboratoire national de physique des experts en de nombreux domaines scientifiques qui pouvaient prêter leur concours et donner ou prêter un certain nombre d'objets d'équipement; on pouvait compter aussi sur les ateliers du laboratoire. Enfin, il existait une collection d'appareils de démonstration scientifique, acquis au cours des trois années pendant lesquelles l'idée de la création d'un musée avait peu à peu pris forme : quelques-uns restaient d'expo- sitions antérieures ; d'autres venaient de départements de recherches dans lesquels ils n'avaient plus d'utilité ; d'autres étaient l'œuvre de chaleureux partisans de l'idée d'un musée; d'autres enfin étaient les reliquats assez défraîchis d'une exposition itinérante de l'Unesco. TOUS étaient pourvus d'un étiquetage défectueux, rangés au hasard, presque incompréhensibles au cours des démonstrations faites aux nombreux groupes de visiteurs guidés qui affluaient sans cesse dans le lointain Laboratoire national de physique et attestaient la soif d'enseignement scientifique du peuple indien.

Telles sont les cinq raisons, exposées par ordre d'importance décroissant, que j'avais de mettre ce musée sur pied. Ma mission m'appelait aussi à donner des conseils pour l'organisation d'un musée des sciences à Calcutta. Là, la famille Birla avait fait don d'un bâtiment d'environ 3 IOO mktres carrés pour le musée; mais les installations électriques du bâtiment étaient insuffisantes, il n'avait pas d'équipement de labora- toire et il était dirigé par un fonctionnaire tout récemment nommé et manquant encore d'expérience muséographique. Je ne pouvais songer à organiser le moindre embryon de musée scientifique pendant mon séjour à Calcutta, et il ne faisait pas de doute qu'au début, les progrès seraient lents. L'énergique Comité consultatif du musée, sous la présidence du premier ministre du Bengale-Occidental, a fait preuve de détermination et d'ouverture d'esprit ; mais c'est pour les années futures que nous fûmes amenés à prendre des décisions, tandis qu'à New Delhi quelques semaines de travail préparatoire me suffisaient pour me rendre compte qu'avec un peu de chance, je parviendrais à former un organisme en état de fonctionner, dans lequel on pourrait reconnaitre immédiatement les prémisses d'un véritable musée scientifique.

Il faut espérer que cette leson de l'expérience sera comprise des pays qui peuvent avoir à solliciter le concours de l'Unesco pour l'organisation de leurs musées. Ma première mission, en I 9 j 6 , était également la première à répondre à une demande de conseils au sujet des musées scientifiques. Je rencontrai alors en Inde le Dr Robert Hatt, des États-Unis d'Amérique, qui, à titre d'expert de l'Unesco, venait de remplir à Karachi, au Pakistan, une mission relative à ce type de musées. I1 me confirma dans ma propre expérience et ma seconde mission m'apporta une nouvelle confirmation.

D'ailleurs ces considérations s'appliquent aussi bien, dans l'ensemble, à tout autre type de musées. La collection d'objets fortuitement exposés ne peut plus

aujourd’hui être tenue pour un musée. I1 existeà présent une expérience profession- nelle très poussée dans le domaine de la présentation, où l’appel à la sensation visuelle doit souligner la valeur éduca- tive de l’objet. I1 faut un certain talent pour choisir la place des objets, établir entre eux des relations nécessaires, réduire la fatigue mentale et physique des visi- teurs, faciliter la circulation du public dans les salles et lui donner des explica- tions, ce qu’on obtiendra d’autant mieus que l’effort sera moins évident. Or, dans un musée, la simplicité de la présentation est d‘ordinaire le résultat d’un très dur travail. On croit encore trop volontiers qu’un musée peut être créé à partir de rien en quelques mois, ou qu’une collec- tion d’objets constitue un musée. On ne saurait trop insister sur ce fait : si modeste que soit le succès qui puisse être reven- diqué pour cette brève mission, il sera dû entièrement aux discussions tenues neuf mois auparavant, à la mise en œuvre des recommandations formulées à l’époque et aux ressources dont j’ai pu disposer à mon retour.

En ce qui concerne d’autres types de musées, j’ai été heureux de pouvoir, bien que je sois avant tout un spécialiste des musées scientifiques, faire servir mon expérience de la présentation, et mes quelques connaissances en matière d’éclairage, à la solution de plusieurs problèmes qui préoccupaient le directeur général de l’archéologie et l’architecte du bâtiment du nouveau Musée national indien. Ultérieurement, j ’ai été invité à donner mon avis sur l’éclairage des temples souterrains d‘Ajanta et d’Ellora. (Je me permettrai ici une digression, pour demander qu’on renonce à l’expression, si souvent employée, de “ grottes d’Ajanta ”. Je m’attendais à trouver là quelque chose de semblable à ce qu’on voit à Lascaux. Un Indien qui connaît tout particu- lièrement ces temples creusés dans la roche vive m’a dit qu’il avait été tout aussi surpris, mais pour la raison inverse, en visitant les grottes naturelles de la Dordogne.) Le travail de l’homme de science peut, à première vue, différer totalement de celui de l’artiste ou de l’archéologue, mais, dans le monde des musées, il existe de nom- breux problèmzs communs dont les solutions ne diffèrent que par des points de détail. On apprécie de plus en plus, dans les milieux de l’enseignement, la valeur éducative des musées tels qu’ils sont conps aujourd‘hui, et l’Unesco doit s’attendre à recevoir de nombreuses demandes de concours en ce domaine, de la part de pays qui appli- quent de vastes programmes d’éducation. C‘est surtout dans les pays qui comptent un fort pourcentage de gens relativement peu instruits que le musée pourra contri- buer largement, par son action visuelle, à créer une atmosphère favorable au déve- loppement culturel. Mais, en sollicitant le concours d’experts, ces pays doivent bien se rendre compte que la plupart de ces derniers ne peuvent que rarement se libérer de leurs fonctions permanentes, et que leur temps ne peut être employé de fason vraiment efficace que si un travail préliminaire a été effectué avant leur arrivée. Désignation d’un remplapnt, choix d’un bttiment pourvu des services nécessaires, ouverture de crédits, élimination des démarches et activités qui ne sont pas adaptées à ces missions de durée très limitée, ce sont là des conditions préalables. Une très courte visite préparatoire de l’expert est extrêmement souhaitable sans être absolu- ment essentielle.

LE MUSÉE DES SCIENCES DE NEW DELHI. Dans un local de 310 mètres carrés, si satisfaisant soit-il, il n’est pas possible de couvrir un très vaste domaine d’activité scientifique. Aussi avons-nous choisi les plus commodes à . traiter. Pour justifier notre choix, nous avons décidé qu’un panneau introductif, placé à l’entrée du musée, expliquerait ce qu’était ce musée, la place que la science tenait en Inde et celle qu’elle

68. MU&E DES SCIENCES, New Delhi. Entrée de l’exposition: un appareil donne quatre minutes d‘explications, accompagntes d’illus- trations montrant l’importance que la science prtsente pour l’Inde. 68. SCIENCE MUSEUM, New Delhi. An appliance at the entrance gives a four-minute lecture with illustrations on the importance of science to India.

69. MJS~E DES SCIENCES, New Delhi. Appareil provenant de l'exposition itinérante de l'Unesco L 'étiergìe e t xe.r frati<forniafìotix, et permcttant d'en- registrer la voix, puis de la reproduire. Cette démonstration a connu un vif succès. 69. SCIENCE hiUSEUhf, New Delhi. A voice- recording and play-back appliance from the Unesco travelling exhibition Etiergy arzd 2.r Trati.formatioti, which provcd a great attraction.

70. ~ ~ U S É E DES SCIENCES, New Delhi. L'effet de la télévision a kté irrésistible ... Il n'existe pas encore de ser.i.ice public de télévision en Inde. 70 . SCIENCE b l u s w h r , New Delhi. There is, as yet, no public television service in India. Television was irresistible. . . .

pourrait y tenir un jour. Une partie de la subvention accordée par l'Unesco pour l'achat de matériel avait servi à l'acquisition d'un équipement phonographique synchronisé, expédié de Grande-Bretagne au début de décembre ; en pressant l'un des deux boutons du dispositif, on pouvait obtenir quatre minutes d'explications soit en anglais, soit en hindi ; quinze cames synchronisées actionnaient des commu- tateurs en certains points du texte. Une carte représentant les contours de l'Inde était gravée à une profondeur de z mm d'épaisseur dans une feuille de perspex de 6 mm et une lampe fluorescente installée le long du bord supérieur ; il suffisait de presser le bouton pour faire apparditre cette carte, sous la forme d'une ligne lumineuse, ce qui indiquait que toute la causerie portait sur le róle de la science dans l'avenir de l'Inde. Des modèles réduits de charrues, anciennes et modernes, s'éclairaient pour montrer les applications les plus simples de la science; une série de diapositives lumineuses présenGaient d'autre part au spectateur des sujets plus complexes, relevant de la science et de l'industrie, jusqu'aux réacteurs nucléaires en construction à Bom- bay. L'activité du Conseil de la recherche scientifique et industrielle (dont le Labo- ratoire national de physique est un organe) était particulièrement mise en valeur par des flèches lumineuses, montrant que cette activitt s'étend à l'ensemble de l'Inde. Puis le but pour lequel avait été constituée la collection du musée était expliqué par l'appareil et l'on entendait alors exprimer l'espoir que nombre de visiteurs choisiraient une carrière scientifique ou technique si ce qu'ils allaient voir les inté- ressait (fig. 68). Malheureusement, par suite de retards d'acheminement, les appa- reils venaient à peine d'arriver au port de Calcutta à la veille de mon départ de Delhi. Le personnel du musée réalisa ce tour de force d'improviser l'appareil, de sorte que nous n'eûmes pas à ouvrir le musée sans cette pièce clé : quinze commuta- teurs furent montés sur un plateau et manœuvrés à la main par un aide qui écoutait le commentaire enregistré.

Nous n'aurions jamais pu ouvrir sans les priorités que nous ont accordées et l'in- térêt personnel que nous ont manifesté le directeur général du Conseil de la recherche scientifique et industrielle (lequel, ayant acquis la conviction que nous avions au moins une chance d'ouvrir avant mon départ, nous fit trois visites pendant les sept semaines qui restaient) et le directeur et le directeur adjoint du Laboratoire national de physique. Les trois derniek jours, mon futur remplapnt et moi-même fûmes probablement les seuls à penser que l'ouverture pourrait vraiment avoir lieu. La prudence nous commandait de ne pas promettre une ouverture officielle, ni même une présentation à la presse ; mais nous pûmes finalement organiser la visite de tout un groupe de jeunes filles de la Lahore Montessori School de Delhi. Encore y eut-il des difficultés inattendues suscitées par les examens. Toutes les photographies

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illustrant le présent article ont été prises à cette occasion,(fig. 68-73) et, bien que nous fussions parfaitement conscients des faiblesses de ce que ’nous avions à présenter, l’intérit et le plaisir évidents de ces jeunes filles nous donnhrent à ‘to.us l’heureuse certitude d’avoir effectivement créé en trois mois l’embryon d’un futur musée. En fait, compte tenu des cinq semaines consacrées à des activités de caractère plus général (y compris le voyage à Calcutta), ainsi qu’à l’examen de notre actif, nous avons effectué la plus grande partie du travail en sept semaines.

Un certain nombre de circonstances fortuites nous ont servis. Quelques mois avant mon arrivée àNew Delhi, au moment où se tenait la Conférence générale de l’Unesco, avait eu lieu une exposition célébrant l‘année Jayanta du Bouddha, et nous avons pu retirer du pavillon abandonné du Conseil de la recherche scientifique et industrielle, avec les encouragements du directeur général, tous les supports dont nous avions besoin pour installer nos objets. A cette même exposition, une entreprise américaine avait présenté une boucle de télévision en circuit fermé, dont un membre du Labora- toire national de physique, partisan enthousiaste du musée, avait réussi à obtenir l’aban- don en vue d‘une présentation ultérieure ; telle fut l’origine de notre objet d’exposition le plus populaire, bien que, lorsque nous eûmes construit le meuble destiné àleprésenter selon les techniques muséographiques, nous l’eussions probablement rendu presque méconnaissable (fig. 70). Au cours des voyages de M. Nehru, un gouvernement étranger lui avait fait don d’un standard automatique PBX; M. Nehru l’avait fait envoyer au Laboratoire national de physique, pour le futur musée. Nous avons été enchantés non seulement de l’avoir, mais aussi de trouver que l’Administration des postes indiennes avait un ingénieur qui fùt en mesure de le raccorder à notre instal- lation. Il nous fallait compléter ce standard par l’acquisition de quelques appareils téléphoniques, ce qui nous amena à conclure un arrangement grâce auquel nous pouvions emprunter ces appareils aux magasins d’exposition de Delhi, pour éviter d‘attendre leur livraison : l’Inde est un sous-continent où les distances sont immenses, et souvent l’Européen, nouveau venu, a quelque peine à se faire à l’idée qu’il est aussi déraisonnable de demander dans les deux jours qui viennent quelque chose qui se trouverait mettons à Bangalore, que de vouloir faire venir cet objet d’Athènes à Londres dans le même délai. La seule différence, c’est que, dans le cas de l’Inde, il n’y a pas même une demi-douzaine de places plus rapprochées où, en cas d’urgence, on puisse se procurer un objet analogue. Ce sont des circonstances de ce genre qui nous ont fait trouver les sept dernières semaines incroyablement courtes, et nous ont amenés, au dernier moment, à réduire quelque peu notre programme primitif.

Nous avons remanié plusieurs fois l’ordre de présentation des objets exposés pour tenir compte de la situation, mais toujours en vue de donner de la science une image intelligible. Un peintre en lettres fut engagé pour dessiner les légendes en anglais et en hindi. Des menuisiers construisirent des bancs et des cloisons. Des électriciens, des installateurs et d’autres techniciens nous apportèrent leur aide. On fouilla le laboratoire pour y trouver des objets à exposer. Un chronomètre normal, sur lequel les visiteurs pouvaient régler leur montre, mit admirablement en valeur une horloge à cristal de quartz dont la marge d’erreur est de quelques secondes par siècle (fig. 72). Un émetteur-récepteur d’hyperfréquences a été installé en un temps record. Un lit de catalyseur fluidifié complet, avec un volumineux compresseur, a été pris à la division de chimie; un générateur d’étincelles d’une puissance de 3 0 o00 volts, provenant de la division d’électricité, compléta une machine électrique de Wimshurst. D’autres objets d‘exposition, comme une roue de Barlow, furent construits selon les instructions données dans les publications de l’Unesco à l’inten- tion des professeurs de sciences ; mais un appareil de mesure électrique fut présenté tout à côté pour faire comprendre l’application pratique d’un tel principe. Des générateurs à main provenant de matériel de guerre réformé furent adaptés pour montrer la faiblesse de l’énergie produite par le corps humain, lorsqu’on veut s’en servir ne serait-ce que pour allumer une lampe de 40 watts (fig. 73). Mais ce qui était vraiment important, c’est que chacun de ces objets était accompagné d’une etiquette expliquant longuement et avec précision ce qui se produisait, et pourquoi. Ce sont ces modestes détails qui constituent la partie la plus difficile de la technique des musées de sciences.

,~. MusriE DES SCIENCES, New L,cs formes mathématiques n’exercent qu’un attrait limité ... 71. SCIENCE hIus~vhr, New Delhi. hrathcmatical

a .i.ery limited . . .

Je ne saurais terminer cet article sans rendre hommage à l’excellent travail effectué par mon futur remplapnt et par ses collaborateurs. A mesure que je prenais confiance, 269

je m’effaGais progressivement. I1 n’était d’ailleurs pas dans l’esprit de ma mission que je fisse moi-même le travail, et il était encourageant de voir qu’il se trouvait là-bas des gens capables de prendre ma place, et qui s’en tiraient fort bien. Outre le fonc- tionnaire chargé du musée, il y avait un assistant scientifique subalterne, un assistant de laboratoire de grade supérieur et un homme remarquable qui, quoique ayant un très petit grade, fit preuve, au cours des travaux, de connaissances et d’un esprit d’initiative exceptionnels. Je suis parti avec la conviction qu’une fois livré à ses propres moyens, le personnel du musée serait capable de constituer, autour de ce premier élément, un véritable musée.

I1 reste beaucoup à faire. On se propose à Calcutta de construire de nouveaux bâtiments et d’entreprendre de nouveaux travaux dans de nouveaux domaines. A Delhi, il faudrait de toute urgence de nouveaux bâtiments. Au moment où j’écri- vais ces lignes, le fonctionnaire chargé du Musée de Delhi faisait en Europe un séjour de six mois grâce à une bourse de l’Unesco, pour s’y perfectionner aupr&s de ses collègues plus expérimentés. D’autres titulaires d’une bourse de voyage doivent également partir. I1 n’est guère douteux que de nombreuses autres demandes d’aide en vue de la création de musées scientifiques seront présentées. I1 est probable que les mêmes problèmes se poseront. Conditions du succès à avoir bien présentes à l’esprit : un travail préliminaire sérieux, puis un effort résolu et concerté pour établir, de préférence à un rapport, le premier Clément du musée.

( Tradziìt de 2 ’anglais.)

.

A REGIONAL MUSEUM OF

b y W . T . O ’ D E A

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SCIENCE -IN THREE MONTHS The author spent 12 weeks in India, under the Unesco Aid to Member States programme, from January to March 19j7. During such a short mission as adviser on the establishment of science museums it would have been normal, and relatively easy, to have given a load of advice and to have produced the usual report, In a previous mission to another part of South Asia he had been able to do little else; but this time he had excellent reasons for attempting the apparently impossible-a science museum in three months.

N the first place, I had been able to spend a week in New Delhi in preparatory I discussions nine months before, as one result of which a counterpart officer was appointed three months later and was well established and familiar with persons and procedures by the time I arrived. Secondly, 3,000 square feet of excellent space with all necessary services was available at the National Physical Laboratory, New Delhi. Thirdly, an allocation of funds had been made in the estimates before I arrived. Fourthly, in the various departments of the National Physical Laboratory there were experts in many fields of science whose assistance it was possible to obtain and from whom a certain amount of equipment could be begged or borrowed. The Laboratory workshops were also able to contribute. Lastly, there existed a collection of scientific demonstrations acquired during the three years in which the idea of establishing a museum had been taking shape. Some were left over from exhibitions, some were transfers from research departments when their usefulness was over, some were the work of enthusiasts who wanted to encourage the museum idea, some were the rather battered remains of a Unesco travelling exhibition-and all were inade- quately labelled, haphazardly grouped, and almost incomprehensible when presented to the stream of conducted parties which flowed persistently to the remotely situated National Physical Laboratory in evidence of the new hunger of the Indian people for instruction in science.

The five points given above are in descending order of importance. My mission also included the task of advising on the establishment of a science museum in Calcutta. There a building of about 30,000 square feet had been donated for the purpose by the Birla family, but it was most inadequately proyided with electric services, had no workshop facilities, and was under the charge of a very newly

I

appointed officer with no previous museum experience. It was not possible to attempt the establishment of the smallest nucleus of a science museum in Calcutta during my stay, and there can be no doubt that progress there at first will inevitably be slow. An energetic museum advisory committee under the chairmanship of the Chief Minister, \Vest Bengal, showed admirable determination and progressiveness. But it was in respect of future years that we were able to make decisions, whereas in New Delhi it took only a few weeks of preparatory work to realize that with luck I might be able to leave behind me a working nucleus recognizable as one from which a genuine science museum would grow.

It is to be hoped that the lessons derived from these experiences will be understood by other countries which may in future ask for Unesco help in establishing museums. My first mission in 19 J 6 was also the first in which advice on science museums had been requested. I met, in India, the Unesco expert Dr. Robert Hatt from the United States of America, who had just completed a science museum mission in Karachi, Pakistan. He confirmed my own previous experiences which were, in turn, confirmed again during my own second mission

But the same considerations apply with equal force, in the main, to any other type of museum. No collection of objects, haphazardly displayed, can nowadays be accepted as a museum. There is a highly professional sldll in presentation, in which visual appeal must be used to reinforce educational values. There is a subtlety in positioning objects, in Co-relating them, in reducing mental and physical fatigue, in ensuring circulation of visitors, and in explanation which is most successfully achieved where it is least evident. Simplicity, in a museum, is usually the result of very hard work. There is still a very widely held notion that a museum can be made out of nothing in a few months, or that a collection of objects constitutes a museum. It cannot be too greatly emphasized that what little success map be claimed for this short mission was due entirely to the preliminary discussions nine months before, to the implementation of recommendations made then, and to the availability of reasonable resources when I returned.

With regard to other types of museum I was happy, although piimarily a sciefice museum expert, to be able to help from experience in presentation and some expertise in lighting matters, in determining several problems that were giving concern to the Director-General of Archaeology and the architect of the new Indian National Museum building. Later I was asked to advise on lighting in the Ajanta and Ellora rock temples. (May ’I digress to plead for the abandonment of the more usual title of “Ajanta Caves”. I was expecting to see something like Lascaux. - An Indian, very familiar with these temples hewn out of the living rock, told me of ?I. hIusBE DES SCIENCES, New Delhi. Horloge his equal, if reversed, astonishment when he visited those natural caves in the de très grande pr~cision cristal de quartz. - Dordogne.) The work of the science man and that of the arts man and archaeologist may seem completely different at first glance, but in the museum world there are many common problems the solutions of which differ only in detail. The value

72. sCIENCE ~ ~ U S E U M , N ~ ~ ~ , Delhi. A ,-lock controlled by a quartz crystal to a very high degree Of accuracy*

of museums in the modern manner is being appreciated more and more in educa- tional circles. There are bound to be many future calls upon Unesco from countries that have ambitious educational programmes. In particular where there is a large percentage of relatively uneducated people the museum can often do much by its visual appeal to create an atmosphere favourable to development. In calling for the aid of expert advisers, such. countries should appreciate that most advisers can only be spared infrequently from their own permanent tasks and that their time can be used very much more efficiently if preliminary work has been done before they arrive. A counterpart officer, a building with services, an allocation of funds and a readiness to short-circuit procedures that are unsuited to a mission of very limited duration may be listed as the primary requirements. A very short preparatory visit by the espert is highly desirable, even if not absolutely essential.

THE SCIENCE MUSEUM OF NEW DELHI. In 3,000 square feet of space, however excellent, it is not possible to cover a very wide field of scientific activity. The items we selected for treatment were those that were expedient. To give the resulting choice some form and purpose it was therefore decided to have an introductory exhibit explaining what the Museum was for and what place science had and might be expected to have in India. Part of the Unesco equipment allowance had been spent on synchronized gramophone equipment which was shipped from Britain 27=

73. ~ I ' u s É E DES SCIENCES, New Delhi. I1 faut une quantitt de travail Ctonnante pour allumer une lampe de 40 watts au moyen d'une machine électrique à main. 73. SCIENCE MusEuax, New Delhi. It is sur- prisingly hard work to generate, with a hand- operated machine, enough electricity to light a 40-watt lamp.

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early in December. In response to pressure on one of two buttons it would speak for four minutes in either English or Hindi. Fifteen synchronized cams operated switches at chosen points in the speech. An outline of the map of India was engraved one2sixteenth of an inch deep in a sheet of quarter-inch perspex and a fluorescent lamp was mounted along the top edge. When the button was pressed this outline became visible a's a brilliant line of light to emphasize that all this talk of science referred to its part in the future of India. Model ploughs, old and new, were lit up to show the simplest applications of science from which, by a series of illuminated transparencies, more complicated matters in science and industry led up to nuclear reactors building at Bombay. The work of the Council of Scientific and Industrial Research (of which the National Physical Laboratory is one of the units) was particularly stressed with illuminated arrows showing that it covered the whole of India. Then the purpose of the museum collection was explained and the hope expressed that many of the visitors might decide on careers in science and engineer- ing if they should find themselves interested in what they saw (fig. 68). Unfortunately shipping delays meant that the apparatus had hardly been unloaded at Calcutta before my last day in Delhi, but the staff of the Museum made a great effort of improvisation so that we did not have to open without this key exhibit. Fifteen switches were mounted on a plate and were operated manually by an assistant listening to the recorded commentary.

We should never have opened if it had not been for the priorities given, and per- sonal interest shown, by the Director-General of the Council of Scientific and Industrial Research (who came to visit us three times during the seven weeks that elapsed after he had been persuaded that we had at least a fair chance of opening before I left) and the Director and Deputy Director of the National Physical Labora- tory. In the last three days the counterpart officer and I were probably the only two people who thought that we could open at all. Prudence dictated that we should not be committed to a formal opening, nor to a Press view, but in the end we were able to arrange an invasion by a coachload of girls from the Lahore Montessori School, Delhi. Even that was unexpectedly difficult owing to examinations. The illustrations to this article were all taken on that occasion (fig. 68-73), and although we were ourselves very conscious of the limitations of what we had to offer the evident enjoyment and great interest shown by these girls left us all happy that we really could claim to have created, in three months, the nucleus of a future museum. In fact, allowing for five weeks spent in more general activities, including the trip to Calcutta, and in surveying the possibilities, we did most of the work in seven weeks.

We had a number of adventitious aids. At the time of the Unesco General Confer- ence, a few months before my arrival in New Delhi, there had been an exhibition to celebrate the Buddha Jayanta Year and from the deserted Councii‘ of Sciéntific and Industrial Research pavilion we were able to extract, with the Director-General’s encouragement, as many benches as we could use to accommodate our own exhibits. At this same earlier exhibition an American firm had shown a closed-circuit tele- vision loop which one ofthe museum enthusiasts at the National Physical Laboratory had persuaded them to leave for future representation. That was the origin of our most popular exhibit, although by the time we had erected a structure to house it in the museum manner we had probably made it almost unrecognizable as such (fig. 70) . A foreign government, during Mr. Nehru’s travels, had presented him with an automatic telephone PBX exchange which he had sent to the National Physical Laboratory for the Museum. We were delighted both to have it and to find that the Indian Post Ofice authorities had an engineer who knew how to connect it up. We had to buy a few teIephones to go with it and that involved an arrangement whereby we borrowed them from the Delhi showrooms to avoid delay in delivery. India is a sub-continent of great distances and it is by no means unusual to wake up to the fact, as a visiting European, that to demand something within a couple of days from, say, Bangalore, is as unreasonable as expecting a similar performance in London from Athens. The only diEerence in India is that there are not half a dozen nearer places from which to get alternatives in an emergency. It was such factors as this that made the seven final weeks seem impossibly short and led to various last- minute prunings of our original scheme.

We re-arranged the sequence of exhibits several times as conditions changed, but always with the object of making a comprehensive story of science. A lettering man was employed to signwrite captions in English and Hindi. Carpenters were engaged to erect benches and partitions. Electricians, fitters and other technical workers rallied round. The Laboratory was combed for exhibits. A standard watch-timer on which visitors could test their own watches provided the perfect foil for a quartz- controlled clock accurate to a matter of seconds in a century (fig. 72). A microwave transmitter and receiver was pressed into service. A fluidized bed, complete with bulky compressor, was taken from the Chemistry Division; a 30,000-volt spark generator from the electricity division, to go with a contrasting Wimshurst machine. Other exhibits, such as Barlow’s Wheel, were made to the instructions given in Unesco’s publications to assist science teachers ; but an electricity meter was shown nearby to point out how this kind of principle can be put to practical use. War- surplus hand generators were adapted to show how puny the power of the human body appears when related even to the inconsiderable load of a 40-watt lamp (fig. 72). What was really important was that each one of these exhibits was labelled with a long, detailed explanation of what was happening and why it happened. That, the unspectacular appendage, is the most difficult part of science museum technology.

I cannot conclude without paying tribute to the sterling work done by the counter- part officer and his staff. As my confidence increased, I gradually removed myself from the scene. It was not the intention of my visit that I should do the job myself, and it was heartening to see that there were people who could assume responsibility and did. In addition to the museum officer there were a junior scientific assistant, a senior laboratory assistant and a remarkable man in a very junior grade indeed who displayed exceptional enterprise and knowledge in the work of preparation. I left fully assured that, without further assistance, the museum personnel would expand the nucleus into a proper museum.

There is much to do ahead. There are new buildings and a great deal of pioneer work in prospect at Calcutta. New buildings in Delhi are urgently required. The museum of3icer from Delhi is, even as I write, spending six months in Europe on a Unesco fellowship to gain experience from those more firmly established. Other travelling fellowships are expected to follow. There is little doubt that many more requests will be received for help in establishing science museums. The same prob- lems are likely to recur. Adequate preliminary work and then a determined and concerted effort to produce a nucleus rather than a report seem to me the objectives that should be kept in mind. 273