ADDE 2007 - Introduction Au Droit Marocain

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INTRODUCTION AU DROIT MAROCAIN

ADDEIntroduction au droit marocain

Introduction au droit marocain

Sophie De Blaere, juriste Point dappui DIP familial, ADDE asbl

SIPS, Lige, 16 novembre 2007Introduction

Lobjectif de cet article nest pas de faire un expos complet du droit marocain mais de comprendre lorigine du Code de la famille actuel et dexposer les grandes lignes de la rforme.

Ainsi, nous examinerons, dans un premier temps, le contexte dans lequel le Code de la famille marocain est n. Nous verrons do vient le droit marocain actuel et quelles sont les principales volutions dun point de vue juridique (Section 1).

Ensuite, nous survolerons les matires qui semblent les plus importantes dans la mesure o elles sont trs prsentes pour les Marocains qui rsident en Belgique (Section 2).

Nous aborderons ds lors les questions de mariage, de polygamie (1) et de divorce (2) car ce sont les questions les plus prsentes dans notre pratique.

Nous tenterons, travers cette contribution, de mettre laccent sur les grandes nouveauts du Code de la famille marocain et de vous donner quelques exemples concrets.

Section 1: Contexte des modifications du Code de la famille au Maroc

Afin de mieux apercevoir lvolution juridique qui sest faite au fur et mesure des annes, nous vous prsenterons, dans un ordre chronologique, les grandes modifications lgislatives qui sont intervenues en matire juridique et familiale.

Ainsi, nous dirons un mot de ltat du droit familial marocain avant 1957 (1). Ensuite, nous verrons les bouleversements juridiques de 1957 et 1958 suite la codification du droit marocain (2). Puis, nous analyserons les rvisions juridiques de 1993 (3). Nous examinerons ensuite les consquences de la mise en place dun gouvernement dalternance en 1999 sur le droit de la famille (4). Enfin, nous tudierons les avances considrables qui ont eu lieu en 2004 (5).

1. Avant 1957Avant la codification du droit de la famille en 1957, ctait le droit classique musulman dit fikh qui tait appliqu.

Il sagit dune source doctrinale, fonde sur le Coran et la Sounna, qui reprend les actes, les paroles, les silences et les positions du prophte lgard de certains problmes, notamment familiaux.

2. 1957-1958

En 1957-1958, le Maroc a codifi le droit de la famille dans un texte quon appelait la Moudawana. Ce terme signifiant code, on parlait alors de Code de statut personnel.

Llaboration de ce dernier a t influence par deux courants. Dune part, il sest inspir du Coran et de la Sounna, c'est--dire des paroles du prophte et de linterprtation qui est faite des principes religieux conformment au rite malkite. Dautre part, cette codification a t influence indirectement par le protectorat franais dans la mesure o en raction aux anciennes colonies, on a observ un retour vers la tradition.

Cest pourquoi, cette poque, le modle de la famille qui ressortait de la Moudawana tait celui dune famille traditionnelle, savoir, une famille fonde sur les liens du mariage. Au sein de cette famille, la prminence tait expressment reconnue au mari et la femme ntait considre que dans son rle procrateur et responsable de la gestion du foyer.

La Moudawana organisait ainsi les rapports au sein de la famille et prvoyait de faon expresse, travers plusieurs dispositions, lingalit entre les conjoints. Ainsi par exemple, la constitution de la famille tait place sous la direction du mari, le mari avait droit la polygamie condition dtre quitable envers ses co-pouses, etc.

3. 1993

Le Code de statut personnel tel quil tait rdig ce moment avait pour consquence directe que les femmes se retrouvaient totalement lses si bien que leur statut prcaire a t dnonc et la rvision du Code a t demande.

Ainsi, en 1993, diffrentes rvisions de la Moudawana sont intervenues, notamment suite la ratification de la Convention CEDAW de 1979.

Cette rvision visait entre autres tenir compte des Marocains rsidant ltranger et touchait principalement les points suivants:

1. Le consentement de lpouse au mariage.

Jusquen 1993, aucune disposition juridique ne prvoyait la forme que devait prendre le consentement au mariage. La rforme de 1993 a, par contre, prcis que le consentement doit tre explicite et public, ce qui a notamment pour consquence qu partir de ce moment, la femme doit signer lacte de mariage afin que ce dernier soit valable.

2. Le rle du wali dans la conclusion au mariage.

Avant la rvision de 1993, lorsquune femme souhaitait pouser un homme, elle ne pouvait le faire quen prsence de son wali, c'est--dire de son tuteur matrimonial. Ce dernier tait ds lors le mandataire de toute future pouse mineure qui souhaitait se marier (sachant que la majorit civile tait fixe 20 ans). En 1993, la Moudawana a opr une distinction, dans lhypothse o lpouse a atteint la majorit civile, entre la future pouse orpheline de pre et celle dont le pre est vivant. La premire ne doit plus ncessairement tre en prsence dun wali pour conclure valablement son mariage contrairement celle dont le pre est vivant quel que soit son ge.

3. La polygamie.

La rforme a apport trois grandes nouveautsen matire de polygamie. Tout dabord, la nouvelle future pouse doit dsormais tre informe de ce que son mari est dj mari et la premire femme doit tre avertie de ce que son mari souhaite pouser une autre femme. Ensuite, la premire pouse est libre de dcider de son sort en cas de polygamie. Enfin, le juge a, depuis 1993, le pouvoir dinterdire la polygamie si une injustice est craindre alors que prcdemment cela relevait uniquement de la bonne volont du mari.

4. La rpudiation.

Le Code de statut personnel modifi a attnu les effets de la rpudiationdans la mesure o la femme doit tre prsente lors de la rpudiation et par consquent, informe. Le notaire doit vrifier la validit de la rpudiation et tout abus sera pris en compte dans lvaluation du don de consolation.

5. La garde des enfants.

Les nouvelles dispositions relatives la garde ont modifi lordre des personnes auxquelles est confi lenfant en cas de divorce. Le pre occupe ds lors le deuxime rang, aprs la mre.

6. Le choix du parent.

La Moudawana rvise a modifi lge partir duquel lenfant a le droit de choisir le parent avec lequel il dsire rsider, savoir, 15 ans pour la fille et 12 ans pour le garon.

7. La pension alimentaire. En 1993, deux modificationsimportantes sont intervenues en ce qui concerne la pension alimentaire. Premirement, lvaluation de la pension est faite par une personne dsigne par le notaire qui devra prendre en considration les ressources du mari, la situation matrielle de lpouse et le cot de la vie. Deuximement, la procdure en excution devient plus efficace dans la mesure o il sagit dsormais dune procdure en rfr et o la dcision reste excutoire jusqu ce que la pension ne soit plus due.

8. La reprsentation lgale.

Depuis la rvision de 1993, la mre peut tre tuteur lgal de ses enfants mineurs si le pre est dcd, malade ou atteint dincapacit.

4. 1999

En 1999, suite au dcs du Roi Hassan II, un gouvernement dalternance a t mis en place.

Le Premier Ministre a alors propos un plan daction national pour lintgration des femmes au dveloppement conformment aux revendications classiques que les ONG avaient mises en avant jusque l.

Ce plan a permis de mettre sur la scne publique la question des droits familiaux des femmes et les diffrentes discriminations quelles subissaient. En effet, jusqualors, la Moudawana cantonnait les femmes dans un statut de minorit au sein de la famille.

Toutefois, ce projet a rencontr une forte opposition du mouvement islamiste car ils considraient quil y avait une atteinte la personnalit musulmane et que ces revendications taient destructrices des valeurs marocaines. On avait ainsi dun ct, les traditionalistes qui voulaient maintenir lidentit nationale et de lautre, les modernistes qui voulaient quil soit tenu compte des volutions historiques.

Par ailleurs, ce plan a t critiqu, notamment par la commission scientifique du ministre des affaires islamiques qui a remis un rapport dtaill reprenant le point de vue des savants religieux sur les propositions de rvision de la Moudawana.

Cest ainsi que dans le courant du mois de mars 1999, deux marches ont t organises. Elles ont propuls la question des femmes au premier plan des conflits de socit. Il y avait donc deux mouvements qui se mettaient en place: le mouvement fminin qui souhaitait des volutions dans le sens dune plus grande galit homme femme et le mouvement plus islamiste qui rclamait le respect de la tradition.

Cest galement en 1999 que Mohamed VI est devenu le nouveau Souverain du Maroc.

5. 2004Trs vite, le Roi Mohammed VI a propos une grande rforme du droit familial qui a retenu lattention de lopinion publique internationale non seulement parce que la mthode utilise tait neuve mais surtout parce quelle traduisait la volont daller vers plus dgalit entre lhomme et la femme en matire familiale.

Ainsi, dans son discours du 10 octobre 2003, le Roi a annonc onze points de cette rforme, savoir :

(1) la famille est dsormais place sous la responsabilit conjointe des deux poux, la rgle de lobissance de lpouse son mari est abandonne;

(2) la femme na plus besoin de tuteur matrimonial (wali);

(3) lge du mariage est fix dix-huit ans pour les deux poux (au lieu de quinze ans pour la femme dans lancien texte);

(4) la polygamie est soumise des conditions qui la rendent plus difficile envisager;

(5) sous rserve dtre contracts en prsence de deux tmoins musulmans, les mariages des MRE (Marocains rsidant ltranger) faits ltranger peuvent dsormais tre reconnus;

(6) la rpudiation est soumise lautorisation pralable du juge;

(7) la femme peut dsormais demander le divorce;

(8) en cas de divorce, la garde des enfants revient la mre, puis au pre, puis la grand-mre maternelle, la garde de lenfant doit tre garantie par un habitat dcent et une pension alimentaire;

(9) dans le cas o la situation dun homme et dune femme ne serait pas encore formalise par un acte de mariage, le nouveau Code accorde lenfant issu de leur union la reconnaissance de la paternit;

(10) les enfants hritent dsormais de leur grand pre maternel;

(11) le nouveau Code prvoit pour les poux la possibilit dtablir un contrat (acte spar de lacte de mariage,) pour grer les biens acquis durant celui-ci.

La proposition de rforme a t tudie par le Parlement marocain en dcembre 2003 et a t adopte par les deux chambres le 16 janvier 2004 si bien que le nouveau Code de la famille marocain (loi 70-03) est entr en vigueur en fvrier 2004 et plus prcisment le 5 fvrier.

Il y a lieu dattirer lattention du lecteur sur le fait que ce nouveau Code ne porte plus le nom de Moudawana comme auparavant mais se nomme dsormais Code de la famille marocain comme le stipule expressment larticle 1er dudit Code. Ce changement de nom sexplique par la volont de mettre laccent sur la rupture avec lancien Code ainsi que par le dsir de mettre en avant le fait quil est destin tous les membres de la famille.

Il est galement important de signaler que mme si ce nouveau Code propose des innovations significatives, le cadre musulman dans lequel le droit familial sinscrit demeure. En effet, le Code prcise en son article 400 que pour tout ce qui na pas t expressment nonc dans le prsent Code, il y a lieu de se rfrer aux prescriptions du Rite Malkite et/ou aux conclusions de leffort jurisprudentiel (Ijtihad), aux fins de donner leur expression concrte aux valeurs de justice, dgalit et de coexistence harmonieuse dans la vie commune, que prne lIslam.

Il nen reste pas moins que certaines dispositions du Code introduisent des changements considrables notamment relativement la protection de la femme en cas de dissolution du lien conjugal ainsi que par rapport aux droits des enfants.

Il reste encore prciser que ce Code marocain a un intrt certain en Belgique dans la mesure o dune part, le droit marocain devra y tre appliqu dans certaines situations de droit international priv (comme par exemple en matire de filiation, o il y a lieu dappliquer, conformment larticle 62 du Code, le droit de lEtat dont celui dont la filiation est en question a la nationalit) et dautre part, lorsque les Marocains qui rsident en Belgique posent des actes au Maroc et souhaitent faire reconnatre ces actes ici (les autorits belges peuvent tre alors amenes se demander quelle est la validit de ces actes).

Section 2: Grands changements apports par le nouveau Code et points importants

1. Remarques pralables

A) Champ dapplication du Code (article 2)

Il est important de dterminer avant tout qui sapplique ce Code. Est-ce aux personnes de nationalit marocaine qui vivent au Maroc ou aux celles de nationalit marocaine qui vivent galement ailleurs?

Larticle 2 du Code marocain de la famille prcise entre autres quil est applicable tous les Marocains mme sils ont une autre nationalit.

Cela signifie que toutes les personnes qui sont de double nationalit (de nationalit belge et de nationalit marocaine) sont soumises au Code marocain.

B) Ministre public (article 3)

Le nouveau Code de la famille donne un rle plus important la justice. Ainsi, le Procureur du Roi doit tre prsent dans toutes les actions qui touchent au droit de la famille et doit veiller la bonne mise en uvre du Code. Il sagit dune garantie supplmentaire pour tout le monde.

Par ailleurs, des Tribunaux de la famille ont t crs.

2. Mariage et polygamieA) Le mariage (Articles 4 et suivants)

1. Dfinition

Le mariage peut tre dfini comme un pacte fond sur le consentement de lhomme et de la femme en vue dtablir une relation durable et de fonder une famille.

Il ressort ainsi du Code de la famille que le mariage et la famille sont fonds sur trois valeurs essentielles telles que:

la fidlit rciproque;

la puret;

la fondation dune famille stable (c'est--dire quil y a lieu dviter la dissolution du mariage, labandon du domicile, etc.).

Larticle 4 du Code de la famille stipule dsormais expressment que le mariage est plac sous la direction des deux poux.

Il sagit dun grand changement dans la mesure o lancien Code ne reconnaissait que lautorit du mari.

Depuis 2004, la femme ne doit plus obissance ce dernier.

2. Conditions pour pouvoir se marier (articles 10 et suivants)

Si un homme et une femme souhaitent se marier, il y a lieu de vrifier que les conditions requises pour pouvoir se marier ont t respectes.

Ces conditions sont au nombre de cinq, savoir:

1. Le consentement.

Il ressort des articles 10 et 11 du Code de la famille marocain que les deux poux doivent donner leur consentement. Ce dernier doit tre verbal dans la mesure du possible. Il doit tre concordant et exprim sance tenante. Enfin, il doit tre dcisif et non subordonn un dlai ou une condition suspensive ou rsolutoire.

2. La capacit.

Afin que le mariage puisse tre clbr, les poux doivent tre capables. De cette condition, dcoulent deux choses:

Dune part, les poux doivent avoir 18 ans tous les deux. En effet, si jusquen 2004, les filles pouvaient se marier ds lge de 15 ans et les garons ds lge de 18 ans, il nen va plus de mme depuis lentre en vigueur du nouveau Code. Aujourdhui, lge de la majorit matrimoniale est fix 18 ans.

Toutefois, il est possible de demander une autorisation au juge pour se marier avant lge de la capacit matrimoniale. En pratique, il arrive trs souvent que cette drogation soit demande et accorde.

Dautre part, la prsence du wali ne sera plus ncessaire que dans le cas o un des deux futurs poux est mineur. Dans les autres hypothses, sa prsence nest pas obligatoire et les poux sont considrs comme capables.

3. Linexistence dempchements mariage (articles 35 46).

Le Code prcit prvoit, en ses articles 35 46, les empchements mariage.

Il y a lieu de distinguer dune part les empchements dits perptuels et dautre part, les empchements temporaires.

Les empchements perptuels sont ceux qui perdurent quelle que soit la situation. Nous pouvons citer titre dexemple, les liens dalliance, de parent, etc. Trs concrtement, cela signifie quun homme ne pourra, par exemple, jamais se marier avec sa sur ou avec sa nice.

Les empchements temporairessont, comme son nom lindique, des empchements qui peuvent disparatre si un lment change. Constituent notamment de tels empchements, les empchements religieux. Il en dcoule quune femme marocaine ne peut se marier quavec un homme musulman. Cela implique que si une femme marocaine se marie avec un homme belge, le Consulat vrifiera en principe si lhomme est musulman. Si ce nest pas le cas, le mariage ne sera pas valable pour le Maroc donc concrtement, ces personnes seront considres comme maries ici et clibataires au Maroc. Mais le Consulat du Maroc Bruxelles nuance parfois cette ralit en trouvant des solutions pragmatiques afin dviter ces situations boiteuses.

4. La non entente sur la suppression de la dot.

Le mariage ne sera valable que si la dot na pas t exclue expressment. Il en dcoule que si rien nest dit sur la dot, le mariage sera valide.

5. La prsence de deux tmoins musulmans.

Les poux doivent tre entours de deux tmoins musulmans qui doivent attester de ce que les futurs poux ont lintention de se marier et quils donnent leur consentement ce mariage. Certains disent que ces derniers doivent ncessairement tre des hommes. Toutefois, le Code ne dit rien ce sujet.

3. Mariage ltranger

Avec la rforme de 2004, le lgislateur marocain a souhait prendre en compte les Marocains rsidant ltranger ainsi que leur faciliter les formalits de mariage. Cest pourquoi, les articles 14 et 15 dudit Code prvoient expressment que les Marocains qui rsident ltranger ont la possibilit de sy marier selon les formalits administratives locales du pays de rsidence pour autant, bien entendu, que les conditions de fond du droit marocain soient remplies.

Par consquent, si les poux souhaitent que leur mariage soit reconnu au Maroc, c'est--dire quil ait une valeur au Maroc, il faudra dposer lacte de mariage devant le Consulat marocain qui refusera le dpt si une des conditions nest pas remplie.

Larticle 15 du Code prvoit, quant lui, la procdure suivre pour faire reconnatre son mariage au Maroc.

Ainsi, il y a lieu de dposer dans les 3 mois partir de la date de la conclusion du mariage la copie de lacte de mariage devant les autorits consulaires marocaines. Le Consulat vrifiera notamment si les tmoins sont musulmans.

En labsence de Consulat, la copie de lacte doit tre envoye au Ministre des affaires trangres qui lenvoie lofficier dtat civil et la section de la justice de la famille du lieu de leur naissance.

Si lun des deux poux est n en dehors du Maroc, il y a lieu de lenvoyer Rabat et au Procureur du Roi prs le Tribunal de Premire Instance de Rabat.

Cette grande nouveaut du Code permet donc dviter la double clbration.

Il nous reste encore prciser quil est possible de se marier par procuration. Il faut, pour ce faire, demander lautorisation du juge si les conditions prvues par larticle 17 sont respectes.

B) La polygamie (Articles 40 et suivants)

1. Dfinition

La polygamie nest pas dfinie par le Code de la famille marocain mais il dcoule indirectement des articles 40 et suivants du Code prcit que la polygamie consiste avoir plusieurs pouses en mme temps.

Depuis la rforme de 2004, si la polygamie existe toujours, elle est dsormais soumise lautorisation du juge qui ne la permettra qu certaines conditions trs strictes. Cela implique quil est beaucoup plus difficile pour un homme, voire impossible dans certains cas, dpouser dautres femmes.

Dans ce cadre dailleurs, les articles 40 et 41 prvoient expressment des cas dinterdiction de la polygamie.

Ainsi, elle est interdite:

lorsquune injustice est craindre envers les pouses;

lorsquil existe une condition de lpouse en vertu de laquelle lpoux sengage ne pas lui adjoindre une autre pouse (dans lacte de mariage ou dans un accord postrieur);

lorsque sa justification objective et son caractre exceptionnel nont pas t tablis;

lorsque les ressources de lpoux ne permettent pas de rpondre aux besoins des deux familles et dassurer une relle galit des deux pouses et de leur famille.

Il sagit ds lors dune grande avance dans la mesure o la polygamie devient une exception que le lgislateur rduit deux pouses et qui est soumise condition.

2. Procdure (Articles 43 et suivants)

Si le mari souhaite sadjoindre une seconde pouse, il doit donc introduire une demande dautorisation devant le Tribunal en indiquant notamment les raisons objectives et exceptionnelles justifiant la polygamie.

Le juge doit, quant lui, convoquer la premire pouse.

Toutefois, dans lhypothse o lpouse a reu la convocation en personne mais dcide de ne pas se prsenter, le Tribunal lui adresse une seconde convocation linformant que si elle ne se prsente pas laudience, il sera statu en son absence sur la demande de lpoux.

Dautre part, si le Ministre public invoque limpossibilit de connatre le domicile et le lieu de rsidence de lpouse, le Tribunal statue galement en labsence de lpouse sur la demande de lpoux.

Par contre, si lpoux est de mauvaise foi et quil donne une fausse adresse ou falsifie son identit afin quelle ne reoive pas la convocation, lpouse peut demander que le mari soit sanctionn pnalement conformment larticle 361 du Code pnal.

Il y a encore lieu de prciser qu laudience, les dbats ont lieu en chambre du conseil (cest--dire que laudience nest pas publique) en prsence des deux poux. Les parties sont entendues afin de tenter de trouver un accord aprs analyse des faits et examen des justifications prsentes et des moyens soulevs.

Le tribunal peut par dcision motive autoriser la polygamie si les conditions sont respectes.

Il sagit dune dcision non susceptible de recours qui doit prvoir des mesures prendre en faveur de la premire pouse et des enfants.

Il y a encore lieu de souligner que si la femme, une fois informe nest pas daccord que son mari sadjoigne une seconde pouse, elle peut demander le divorce

3. DivorceDepuis lentre en vigueur du Code de la famille marocain en 2004, il existe trois catgories de divorce, savoir:

le divorce sous contrle judiciaire

le divorce judiciaire

le divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation

Nous allons passer en revue les diffrentes formes de divorce et voir travers un exemple si cette forme de divorce pourra tre reconnue en Belgique.

Il y a toutefois lieu dtre prudent quant aux termes utiliss. En effet, le mot rpudiation peut signifier rpudiation unilatrale ou divorce. Il est ds lors trs important didentifier correctement lacte qui nous est prsent.

A) Le divorce sous contrle judiciaire (articles 78 93)

Le divorce sous contrle judiciaire est une forme de rpudiation unilatrale appele aussi talak. Il sagit de la rpudiation telle quon la connaissait jusque l. Toutefois, elle est dsormais encadre par le juge.

Selon ce mode de dissolution, lpoux qui souhaite mettre fin son union conjugale doit introduire, devant le Tribunal, une demande dautorisation de faire dresser acte de divorce par deux adouls (sorte de notaires).

Il sagit dune prrogative exclusive du mari sauf dans les cas o le mari a consenti sa femme un droit doption au divorce dans le contrat de mariage.

Une fois la demande introduite, le Tribunal convoque les poux pour une tentative de conciliation. Il y a toutefois lieu de noter que si les poux ont eu des enfants, il y a deux tentatives de conciliation espaces dau moins trente jours.

Si la conciliation savre impossible, le juge fixe les droits de lpouse et des enfants. Ces droits comprennent le reliquat de la dot, la pension pour la priode de viduit, le don de consolation, le logement et les droits des enfants.

Le mari doit consigner les montants dans les 30 jours, sans quoi, il est considr comme se dsistant de la procdure.

Le juge rend ensuite sa dcision dautorisation de rpudiation.

Lacte de rpudiation est alors dress par les adouls puis homologu par le Tribunal.

Exemple:

Un couple marocain sest mari au Maroc en 1997 sans contrat de mariage. Ils ont eu leur rsidence habituelle au Maroc durant 6 ans (jusquen 2003). Le couple se spare et Monsieur vient sinstaller en Belgique et conserve sa nationalit marocaine.

En 2005, lors dun sjour au Maroc, il introduit une procdure de divorce sous contrle judiciaire.

Cette dcision sera-t-elle reconnue en Belgique?

La rponse est non dans la mesure o larticle 57 du Code de droit international priv belge stipule qu un acte tabli ltranger constatant la volont du mari de dissoudre le mariage sans que la femme ait dispos dun droit gal ne peut tre reconnu en Belgique. Lalina 2 de cette disposition prvoit une exception si les conditions prvues par cet alina sont remplies. Toutefois, dans lhypothse donne, Monsieur rsidant en Belgique, cette exception ne sera pas applicable.

Par contre, si dans le contrat de mariage, un droit doption au divorce a t prvu pour la femme, lacte de rpudiation pourrait thoriquement tre reconnu car il ne sagit plus de la volont unilatrale du mari. B) Divorce judiciaire

Au sein du divorce judiciaire, il y a lieu de distinguer deux formesde divorce, savoir, le divorce pour discorde (chiqaq) dune part et le divorce pour faute dautre part.

1. Divorce pour discorde (articles 94 97)

Le divorce pour discorde dit galement chiqaq constitue une des innovations principales du nouveau Code de la famille de 2004.

Il sagit galement dune procdure encadre par le juge.

Ainsi, le mari ou la femme qui souhaite divorcer pour cause de discorde introduit une demande devant le Tribunal.

Il sagit dune procdure galitaire dans la mesure o tant la femme que lhomme ont la possibilit dintroduire cette action.

Deux arbitres doivent tenter de rconcilier les poux. Si les arbitres nont pas russi a rconcilier les poux, un procs verbal de non-conciliation est dress et la discorde est constate.

Le juge statue alors sur les droits dus en tenant compte de la responsabilit de chacun des poux et prononce le divorce

Larticle 97 dudit Code prcise encore qu il est statu sur laction relative la discorde dans un dlai maximum de 6 mois. En pratique, la procdure est souvent plus longue

Exemple:

Un couple franco-belge, dorigine marocaine, a sa rsidence habituelle en Belgique. Le couple se spare et Madame rentre au Maroc o elle installe sa rsidence habituelle.

Elle introduit une procdure de divorce pour discorde.

Ce divorce peut-il tre reconnu en Belgique?

La rponse est oui pour autant que nous ne sommes pas en prsence dun des motifs de refus de reconnaissance prvus par larticle 25 du Code de droit international priv belge.

En effet, le chiqaq ntant pas une forme de rpudiation unilatrale, il ne tombe pas sous lapplication de larticle 57 du mme Code mais il est par contre soumis lapplication des articles 22 et 25 dudit Code relatifs la reconnaissance des dcisions judiciaires trangres.

2. Divorce pour faute (articles 98 112)

Cette forme de divorce existait dj sous lancien Code et est principalement ouverte la femme.

Lpouse peut introduire une demande de divorce pour faute, pour manquement lune des conditions stipules dans lacte de mariage, pour prjudice subi, pour dfaut dentretien, pour absence, pour vice rdhibitoire chez le conjoint et pour serment de continence ou de dlaissement.

Il ressort de larticle 99 du Code de la famille marocain que tout manquement lune des conditions stipules dans lacte de mariage est considr comme un prjudice subi par lpouse et peut justifier une demande en divorce.

Cette disposition prvoit galement que tout acte ou comportement infamant ou contraire aux bonnes vies et moeurs causant un dommage matriel ou moral lpouse pourra galement suffire pour introduire une procdure en divorce. Un ddommagement peut tre prvu au titre de prjudice conformment larticle 101 du Code.

Larticle 102 stipule, quant lui, que le divorce pour dfaut dentretien peut tre demand au mari puisquil sagit dune obligation incombant exclusivement au mari.

Le Tribunal peut dans ce cas, ordonner un prlvement sur les biens si lpoux dispose de biens permettant ce prlvement. Si lpoux est indigent, le Tribunal donne au mari un dlai dun mois maximum pour remplir ses obligations. Le divorce sera automatique en cas de refus dexcution de la part du mari sans motif valable.

Le divorce pourra galement tre demand sur base de labsence de lpoux dans les hypothses prvues aux articles 104 106 du Code de la famille.

La demande de dissolution du lien conjugal pourra ensuite tre introduite pour vice rdhibitoire. Ces vices sont ceux qui empchent les rapports conjugaux ou les maladies qui mettent en danger la sant ou la vie de lautre poux sans possibilit de gurison dans le dlai dun an.

Enfin, le divorce pourra tre demand pour serment de continence et dlaissement. Dans cette hypothse, le juge donne un dlai de quatre mois pour que la situation change.

Exemple:

Un couple marocain rside habituellement au Maroc. Monsieur toujours en voyage laisse sa femme sans ressource. Madame introduit une procdure de divorce sur base du dfaut dentretien. Elle est prise en charge par sa famille en Belgique. Elle demande la reconnaissance de son divorce. Ce divorce peut-il tre reconnu en Belgique? Il semble que la question nest pas tranche. En effet, ne sagissant pas de la dissolution de lunion conjugale sur base de la volont unilatrale du mari, larticle 57 nest pas appliqu. Il faut ds lors se rfrer aux articles 22 et 25 du Code de droit international priv belge.

Or, ny a-t-il pas une question dordre public dans cette hypothse? En effet, ne devons-nous pas considrer quil y a un dfaut dgalit dans la mesure o Madame na pas de devoir dentretien vis--vis de son mari. Dun autre ct, Monsieur a, lui aussi, la possibilit dintroduire facilement une demande de divorce par le biais dune autre procdure.

Il semble quil y a lieu de trancher au cas par cas.

C) Divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation

Cette catgorie de divorce se distingue en deux procdures distinctes (nonces directement dans le titre), savoir: le divorce par consentement mutuel et le divorce moyennant compensation.

Dans le cadre de ces deux modes de dissolution du lien conjugal, la notion daccord est essentielle.

Il y a lieu toutefois dtre attentif ce quil est malais de les distinguer dans la mesure o ces deux procdures sont extrmement proches. Il faudra ds lors tre spcialement attentif au contenu de lacte.

1. Divorce par consentement mutuel (article 114)

Cette forme de divorce a t nouvellement introduite par le nouveau Code en 2004. Il sagit, comme nous lavons dit prcdemment, dune forme de divorce qui ncessite laccord des conjoints.

Le couple qui souhaite mettre fin, de commun accord, son union conjugale doit ds lors saisir le Tribunal afin de demander au juge lautorisation de dresser lacte de divorce sur base de laccord des deux poux. Ce dernier tente de les rconcilier. Si cette tentative choue, le Tribunal autorise ce divorce. Les poux vont alors devant les adouls qui dressent lacte de divorce.

Exemple:

Un couple belgo-marocain rside habituellement en Belgique. Le couple choisit de divorcer par consentement mutuel au Maroc.

Ce divorce sera-t-il reconnu en Belgique?

Dans le cadre dun divorce par consentement mutuel, nous ne pouvons pas, par dfinition, parler de volont unilatrale du mari. Larticle 57 du Code de droit international priv est donc cart si bien quil y a lieu dappliquer les articles 22 et 25 du Code prcit (relatifs la reconnaissance des jugements trangers en Belgique. 2. Divorce moyennant compensation ou khl (article 115 120)

Ce type de divorce existait dj dans lancienne version du Code de la famille et a t conserv. Il sagit dune forme de divorce par laquelle la femme demande lautorisation son poux de mettre fin au mariage moyennant une compensation financire.

Cette forme de dissolution du lien conjugal implique ds lors que les parties soient daccord sur la compensation. Dans le cas contraire, le Tribunal peut fixer celle-ci.

Larticle 115 du Code prcit renvoie larticle 114 en ce qui concerne la procdure. Le Tribunal doit ds lors, comme dans toutes les autres procdures de divorce, tenter de concilier les poux et les autoriser dresser lacte de divorce en cas dchec de la conciliation. Ceux-ci doivent alors faire dresser lacte par deux adouls.

Sil sagit dune procdure fonde sur laccord des conjoints, il nen reste pas moins quil faut rester attentif au fait que ce type de divorce peut poser des difficults lors de la reconnaissance en Belgique. En effet, les travaux prparatoires de larticle 57 du Code de droit international priv stipule expressment que le khl tombe sous le coup de la disposition prcite et ne peut ds lors pas tre reconnu en Belgique. Cependant, il semble que dans la mesure o il sagit dune forme de divorce ouverte la femme, on ne peut parler dune dissolution sur la volont unilatrale du mari au sens de larticle 57 prcit. A ce sujet, il y a toutefois lieu davoir gard lordonnance du Tribunal de Premire Instance du 13 novembre 2007 qui ordonne la reconnaissance de ce type de procdure.

Conclusion

Nous lavons dit, la connaissance du droit marocain en Belgique est utile dans la mesure o par le biais de conventions internationales ou par la biais du Code de droit international priv, il pourra tre appliqu dans des situations de droit familial prsentant un lment tranger.

Toute personne confronte une telle situation devra par consquent examiner la situation, identifier la comptence ou non du juge belge et dterminer quel sera le droit applicable la situation.

Cest dans cette mesure que nous pouvons tre amens appliquer le droit tranger. En Belgique, vu le nombre de personnes de nationalit marocaine, il sera trs souvent fait application du droit marocain.

M-Cl. Foblets, J-Y. Carlier, Le Code Marocain de la famille Incidences au regard du droit international priv en Europe, Bruylant, 2005, p. 1-6; M. Benradi, La Moudawana, je veux comprendre! Initiation au statut juridique de la femme, La Voix des Femmes asbl, 2003, p. 13-25; ADDE, Guide pratique de droit familial tranger, ADDE, p. 7-10.

M. Benradi, op. cit., p. 14.

Dahir portant loi n 193 347.

Convention sur llimination de toutes les discriminations lgard des femmes.

Ibidem, p. 19.

M-Cl. Foblets, J-Y. Carlier, op. cit., p. 1.

Ibidem, p. 6.

Art. 400 du Code de la famille marocain.

Art. 5 du Code de la famille marocain.

Art. 19 du Code de la famille marocain.

Art. 21 du Code de la famille marocain.

Art. 39, 4), du Code marocain de la famille.

Ainsi, si le mariage a lieu en Belgique et que le droit marocain est applicable lun des deux poux en vertu de larticle 46 du Code de droit international priv, le mariage sera valable (sous rserve du respect des autres conditions) dans la mesure o lacte de mariage belge ne dit pas un mot sur la dot et par consquent ne lexclut pas directement.

Il y a toutefois lieu de nuancer quelque peu cette condition dans la mesure o lorsque deux poux se marient en Belgique et demandent la reconnaissance de ce mariage au Consulat, si les tmoins ne sont pas musulmans, le Consulat peut procder un acte additif avec deux tmoins musulmans.

Voyez, sur les conditions de fond du mariage: Section 2, 2, 2.

Art. 40 du Code de la famille marocain.

Art. 40 du Code de la famille marocain.

Art. 41 du Code de la famille marocain.

Art. 41 du Code de la famille marocain.

Art. 42 du Code de la famille marocain.

Art. 43 du Code de la famille marocain.

M-Cl. Foblets, J-Y. Carlier, op. cit., p. 60.

Art. 57 du Code de droit international priv belge.

Il sagit le plus souvent de membres de la famille.

Art. 97 du Code de la famille marocain.

Art. 107 du Code de la famille marocain.

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