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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2014) 131, 125—127 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Adénome pléomorphe du septum nasal S. Baron a , V. Koka a,, P. El Chater a , J. Cucherousset b , C. Paoli a a Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, centre hospitalier intercommunal André-Grégoire, 56, boulevard de Boissière, 93130 Montreuil, France b Service de pathologie, groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, 10, avenue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France MOTS CLÉS Adénome pléomorphe ; Fosses nasales ; Septum nasal ; Glandes salivaires ; Tumeurs bénignes Résumé Introduction. L’adénome pléomorphe (AP) est la plus fréquente des tumeurs bénignes des glandes salivaires. Ce sont majoritairement les glandes salivaires principales qui sont concer- nées mais aussi plus rarement les glandes salivaires accessoires, notamment de la cavité buccale. Les autres localisations (sinus, fosses nasales, tractus aérodigestif supérieur) sont exceptionnelles. Présentation de cas. Nous présentons le cas d’une femme de 26 ans qui a consulté pour obs- truction nasale droite. Les examens radiologiques ont révélé une masse développée au tiers antérieur de la cloison nasale. La patiente a bénéficié d’une exérèse complète de la tumeur par voie endonasale. L’examen histologique a révélé une composante cellulaire (épithéliale et myoépithéliale) et mésenchymateuse à stroma chondromyxoïde permettant de poser le diagnostic d’adénome pléomorphe typique. Discussion/conclusion. L’adénome pléomorphe est une tumeur de localisation exceptionnelle au niveau des fosses nasales ; peu de cas ont été rapportés dans la littérature. Bien qu’il s’agisse d’une tumeur bénigne, elle comporte un potentiel de récidive locale et plus exceptionnelle- ment de transformation maligne et métastatique imposant une surveillance clinique stricte et prolongée. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.03.007. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhi- nolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Koka). Introduction L’adénome pléomorphe (AP) est la plus fréquente des tumeurs bénignes des glandes salivaires. Il intéresse les glandes salivaires principales (GSP) dans 65 % des cas, essen- tiellement de la glande parotide, et les glandes salivaires accessoires (GSA) dans 35 % des cas, essentiellement de la cavité buccale (surtout le palais) [1]. Les fosses nasales, les sinus, le tractus respiratoire et digestif supérieur sont des sites exceptionnels. L’adénome pléomorphe est une tumeur bénigne à double composante (tumeur mixte) : l’une cellulaire faite de 1879-7261/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2013.08.001

Adénome pléomorphe du septum nasal

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Page 1: Adénome pléomorphe du septum nasal

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2014) 131, 125—127

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Adénome pléomorphe du septum nasal�

S. Barona, V. Kokaa,∗, P. El Chatera, J. Cucheroussetb, C. Paoli a

a Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, centre hospitalier intercommunal André-Grégoire, 56,boulevard de Boissière, 93130 Montreuil, Franceb Service de pathologie, groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, 10, avenue duGénéral-Leclerc, 93370 Montfermeil, France

MOTS CLÉSAdénomepléomorphe ;Fosses nasales ;Septum nasal ;Glandes salivaires ;Tumeurs bénignes

RésuméIntroduction. — L’adénome pléomorphe (AP) est la plus fréquente des tumeurs bénignes desglandes salivaires. Ce sont majoritairement les glandes salivaires principales qui sont concer-nées mais aussi plus rarement les glandes salivaires accessoires, notamment de la cavitébuccale. Les autres localisations (sinus, fosses nasales, tractus aérodigestif supérieur) sontexceptionnelles.Présentation de cas. — Nous présentons le cas d’une femme de 26 ans qui a consulté pour obs-truction nasale droite. Les examens radiologiques ont révélé une masse développée au tiersantérieur de la cloison nasale. La patiente a bénéficié d’une exérèse complète de la tumeurpar voie endonasale. L’examen histologique a révélé une composante cellulaire (épithélialeet myoépithéliale) et mésenchymateuse à stroma chondromyxoïde permettant de poser lediagnostic d’adénome pléomorphe typique.Discussion/conclusion. — L’adénome pléomorphe est une tumeur de localisation exceptionnelle

au niveau des fosses nasales ; peu de cas ont été rapportés dans la littérature. Bien qu’il s’agissed’une tumeur bénigne, elle comporte un potentiel de récidive locale et plus exceptionnelle-ment de transformation maligne et métastatique imposant une surveillance clinique stricte etprolongée.

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© 2013 Elsevier Masson SAS

DOI de l’article original :http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.03.007.

� Ne pas utiliser pour citation la référence francaise de cet articlemais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhi-nolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (V. Koka).

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1879-7261/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits rhttp://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2013.08.001

s droits réservés.

ntroduction

’adénome pléomorphe (AP) est la plus fréquente desumeurs bénignes des glandes salivaires. Il intéresse leslandes salivaires principales (GSP) dans 65 % des cas, essen-iellement de la glande parotide, et les glandes salivairesccessoires (GSA) dans 35 % des cas, essentiellement de laavité buccale (surtout le palais) [1]. Les fosses nasales, les

inus, le tractus respiratoire et digestif supérieur sont desites exceptionnels.

L’adénome pléomorphe est une tumeur bénigne à doubleomposante (tumeur mixte) : l’une cellulaire faite de

éservés.

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126 S. Baron et al.

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Figure 2 Adénome pléomorphe avec contingent mésenchy-mateux : plages chondroïdes (droite), myxoïdes (en bas) etéc

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igure 1 IRM montrant une tumeur circonscrite dans la fosseasale avec un hypersignal en T2.

ellules épithéliales et myoépithéliales et l’autre d’untroma mésenchymateux : myxoïde, hyalin, chondroïde,stéoïde. À la coupe, il s’agit d’une tumeur nodulaire bienimitée, ronde ou lobulée, entourée par une capsule fibreuse’épaisseur variable, de consistance ferme ou parfois molleyxoïde (gélatiniforme), de couleur blanchâtre homogène.Nous présentons un rare cas d’AP localisé au niveau du

eptum nasal.

as clinique

ne jeune femme de 26 ans s’est présentée dans notre ser-ice en janvier 2012, avec une obstruction nasale unilatéraleroite évoluant depuis six mois.

L’examen rhinoscopique a montré une masse comblantntièrement la fosse nasale droite, pédiculée sur environ

cm au niveau du septum, à consistance chondroïde.Une IRM des fosses nasales montre une formation poly-

loïde bien circonscrite développée aux dépens de la partientérieure de la cloison nasale en hyposignal T1 et hyper-ignal T2 (Fig. 1), hétérogène avec un rehaussement globalprès injection de gadolinium.

Il a été réalisé une exérèse complète de la tumeurccolée à la cloison emportant une pastille cartilagineuse,ssociée à une septoplastie par voie endonasale. L’évolutionostopératoire a été simple.

L’examen anatomopathologique montre macroscopique-ent une tumeur de 2,5 cm × 1,2 × 1 cm blanc grisâtre,’allure bien limitée, homogène, de consistance ferme.

À l’examen histologique, cette tumeur est constituée

e deux contingents : l’un de type épithélial et l’autreésenchymateux. Le contingent épithélial est fait de cel-

ules épithéliales basaloïdes et myoépithéliales fusiformes,isposées en travées, tubes et structures cribriformes.

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pithélial (centre) formant des tubes, et des travées de cellulesubiques, basales ou myoépithéliales (coloration HES).

e contingent mésenchymateux forme de larges lobuleshondroïdes avec des logettes occupées par des chondro-ytes réguliers, et des plages lâches myxoïdes. Ces deuxontingents sont d’importance variable suivant les terri-oires (aspect pléomorphe). Le contingent cellulaire est parndroit prédominant, cependant il n’est pas observé deitose, d’atypie, ni foyer de nécrose. La tumeur est bien

irconscrite par une capsule fibreuse régulière non envahiet il n’y a pas d’engainement périnerveux. (Fig. 2).

L’analyse histologique a donc conclu à un aspect typique’AP.

Il a été décidé d’une simple surveillance compte tenue la localisation antérieure de la tumeur permettant uneurveillance clinique facile. Le suivi à dix mois n’a pas misn évidence de signes de récidive locale.

iscussion

’adénome pléomorphe de la fosse nasale est rare. Cepen-ant, deux larges séries ont été décrites par Compagno etong avec 40 cas [2] et Suzuki et al. avec 41 cas [3], avecne incidence préférentielle chez les femmes, âgées de 30 à0 ans [2].

Alors que l’AP se développe à bas bruit (plusieurs années)ans les GSP, sa découverte est souvent plus précoce auiveau des GSA. Les symptômes cliniques les plus souventetrouvés sont l’obstruction nasale unilatérale dans 71 %,’épistaxis dans 56 % et la déviation externe de la pyramideasale [4].

Les principaux risques évolutifs de l’AP sont la récidiveocale [5], la transformation maligne [6] et les métastases.n effet, le taux de récidive après exérèse chirurgicale variee 0 à 8 % et les multiples récidives augmentent le risquee cancérisation [7]. Le risque de transformation malignee ces tumeurs est de 6 % [1] et en l’absence d’exérèse

hirurgicale, il est estimé à 1,5 % à cinq ans [5].

Concernant la localisation nasale des AP, Compagnot Wong ont rapportés trois cas de récidive locale sur0 patients (7,5 %) après trois années de suivi [2].

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Adénome pléomorphe du septum nasal

Les facteurs de risque de récidive sont un stroma myxoïdeprédominant, une capsule irrégulière ou envahie. Elles sefont souvent sous une forme multinodulaire.

De nombreux types histologiques de carcinomes peuventêtre observés : le plus souvent un carcinome indifférenciéou un adénocarcinome, moins fréquemment un carcinomeépidermoïde, un carcinome adénoïde kystique, ou un carci-nome mucoépidermoïde.

Les carcinomes inclus dans l’adénome, dit « non invasifsou enclos » ou avec « invasion minime » (< 1,5 mm) sont depronostic très favorable. Par contre, lorsqu’il déborde lar-gement de l’adénome (> 1,5 mm) et devient « invasif », sonpronostic est défavorable avec 30 % de survie à cinq ans pourles carcinomes [6,8].

Il est évident que le traitement d’un « carcinome sur adé-nome pléomorphe » n’est pas le même que le traitementd’un « simple » adénome pléomorphe ; d’où la nécessité debien les distinguer afin d’évaluer le pronostic ; d’autant plusque la présentation clinique peut être similaire. En effet,l’histologie reste le gold standard pour les différencier etdonc pour orienter la prise en charge thérapeutique.

Cependant, les mécanismes de transformation malignesont encore mal connus et il n’a pas encore été trouvé, àl’heure actuelle, de consensus concernant des critères histo-logiques qui pourraient prédire ce risque de transformationmaligne mais des portes commencent à s’ouvrir sur le planimmunohistochimique.

L’expression du marqueur immunohistochimiqueMUC1 pourrait être prédictive du risque de récidive desadénomes pléomorphes des glandes salivaires [9].

Röijer et al. suggèrent que l’amplification et la surex-pression d’HMGIC et possiblement de MDM2 pourraient êtredes phénomènes génétiques contribuant à la transformationmaligne des adénomes pléomorphes [10].

Conclusion

L’adénome pléomorphe n’est pas une tumeur banale ;elle peut affecter d’autres localisations que les glandes

[

127

alivaires et a un potentiel de transformation en tumeuraligne à ne pas négliger ; d’où la nécessité d’une

urveillance prolongée.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

[1] Sciandra D, Dispenza F, Porcasi R, et al. Pleomorphic adenomaof the lateral nasal wall: case report. Acta OtorhinolaryngolItal 2008;28:150—3.

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[5] Sengul I, Sengul D. Pleomorphic adenoma of the lower lip: areview. N Am J Med Sci 2011;3:536—9.

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[9] Hamada T, Matsukita S, Goto M, et al. Mucin expression inpleomorphic adenoma of salivary gland: a potential role forMUC1 as a marker to predict recurrence. J Clin Pathol 2004;57:813—21.

10] Röijer E, Nordkvist A, Ström AK, et al. Translocation, dele-tion/amplification, and expression of HMGIC and MDM2 in acarcinoma ex pleomorphic adenoma. Am J Pathol 2002;160:433—40.