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Société québécoise de science politique Agir par mimétisme: la Commission européenne et sa politique d'éducation Author(s): Isabelle Petit Source: Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, Vol. 38, No. 3 (Sep., 2005), pp. 627-652 Published by: Canadian Political Science Association and the Société québécoise de science politique Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25165846 . Accessed: 16/06/2014 06:10 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Political Science Association and Société québécoise de science politique are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.212 on Mon, 16 Jun 2014 06:10:06 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Agir par mimétisme: la Commission européenne et sa politique d'éducation

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Société québécoise de science politique

Agir par mimétisme: la Commission européenne et sa politique d'éducationAuthor(s): Isabelle PetitSource: Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, Vol. 38,No. 3 (Sep., 2005), pp. 627-652Published by: Canadian Political Science Association and the Société québécoise de science politiqueStable URL: http://www.jstor.org/stable/25165846 .

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Agir par mim?tisme: la Commission

europ?enne et sa politique d'?ducation

Isabelle Petit Institut d'?tudes europ?ennes

(Universit? de Montr?al-Universit? McGill)

Introduction

La Commission europ?enne n'a pas attendu l'insertion de l'article 126 dans le Trait? de Maastricht (1992), en vertu duquel ? la Communaut? contribue au d?veloppement d'une ?ducation de qualit? ?, pour inter venir dans ce secteur. D?s le d?but des ann?es 60, elle plaide en faveur de la cr?ation d'une universit? et d'?coles europ?ennes. ? la m?me

?poque, elle tisse des liens avec des organisations internationales qui uvrent dans le domaine de l'?ducation comme l'UNESCO ou encore le

Conseil de l'Europe2 ainsi que, ? l'?chelle nationale, ? avec des organi sations culturelles, professionnelles ou syndicales d'enseignement [et] les autorit?s acad?miques comp?tentes ? (JOCE, n? C 382 du 14.02.61, 61). Elle encourage aussi la mise en place d'instituts europ?ens charg?s d'approfondir les connaissances sur les institutions et les politiques communautaires dans les ?tablissements d'enseignement sup?rieur, ainsi que les initiatives visant ? favoriser les ?changes ?tudiants dans les Communaut?s. Durant les ann?es 70, la Commission poursuit sur sa lanc?e et propose l'adoption de programmes dans six secteurs principaux :

l'?ducation des enfants de travailleurs migrants, l'?galit? d'acc?s ? l'?ducation pour les filles et les gar?ons, la coop?ration dans

l'enseignement sup?rieur, le d?veloppement de la dimension europ?enne dans l'?ducation, l'enseignement des langues et la reconnaissance des

dipl?mes (pour une description d?taill?e voir Neave, 1984; Petit, 2002a). Face ? ce constat, on peut se demander pourquoi la Commission est

intervenue si t?t dans l'?ducation alors que, jusqu'? Maastricht, elle n'?tait

pas juridiquement habilit?e ? le faire. Ne doit-on voir, dans ces dif f?rents programmes, que de simples mesures d'accompagnement des poli

Isabelle Petit, Institut d'?tudes europ?ennes, Universit? de Montr?al-McGill Univer

sity, Montr?al, Qu?bec H3T 1P1; [email protected]

Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique 38:3 (September/septembre 2005) 627-652 ? 2005 Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Soci?t? qu?b?coise de science politique

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tiques ?conomiques d?coulant des trait?s? Autrement dit, la Commission n'est-elle intervenue dans ce secteur qu'afin de permettre la r?alisation

pleine et enti?re des march?s commun et unique pr?vus par le Trait? de Rome (CEE) et l'Acte unique, comme peuvent le laisser croire les logiques n?o-fonctionnaliste et inter-gouvernementaliste?3

Si nous n'?cartons pas cette hypoth?se, ne serait-ce que parce que le discours de l?gitimation de la Commission contient des arguments en ce sens (pour des exemples, voir Petit, 2002b), nous nous demandons cepen dant si la politique europ?enne ne poursuit pas ?galement des objectifs qui lui sont propres? En intervenant dans ce domaine, qui est ? l'interface des changements r?els de soci?t?, de leur interpr?tation et de leur repr?sen tation, la Commission de Bruxelles ne cherche-t-elle pas, depuis les tout d?buts du processus int?gratif, ? g?n?rer un sentiment d'appartenance ? la Communaut? chez les ressortissants des ?tats membres? Autrement

dit, ne s'efforce-t-elle pas, en agissant dans ce secteur, de d?velopper une identit? euro-communautaire?4

Si nous pouvons nous poser une telle question, c'est essentiellement

pour trois raisons. Premi?rement, parce qu'il existe aujourd'hui un large consensus parmi les auteurs des diverses disciplines des sciences sociales et humaines admettant que les identit?s sociales ne sont pas inn?es mais bien construites (Cederman, 2001; Herrmann et Brewer, 2004 : 16 et sui

vantes). M?me si ce consensus n'existait pas dans la litt?rature, force est de constater que non seulement les p?res de l'Europe et leurs succes seurs partagent cette position, mais aussi qu'ils estiment que la construc tion d'une telle identit? europ?enne, d'un tel sentiment d'appartenance est n?cessaire ? la viabilit? de l'Union et donc in fine ? son maintien. ? cet ?gard, Walter Hallstein par exemple, premier pr?sident de la Com

mission, d?clare, d?s 1955 : ? l'Union europ?enne ne peut ?tre l' uvre

d'experts. Elle doit ?tre port?e par l'unit? des peuples d'Europe eux m?mes ? (Bossuat 1994 : 194) ou encore ? Nous voulons que les hom mes cessent de se concevoir seulement comme membres d'un ?tat. [...] Nous voulons qu'ils se consid?rent aussi comme membres de la grande famille europ?enne ? (Fragni?re, 1995 : 70-71).5

Deuxi?mement, ? l'oppos? des tenants de l'approche inter-gouverne mentale qui accordent peu ou pas d'importance aux institutions suprana tionales de l'Union, nous estimons, avec les n?o-fonctionnalistes et les

adeptes des trois diff?rents n?o-intitutionnalismes6, que celles-ci?et en

particulier la Commission?jouent un r?le important dans la dynamique int?grative europ?enne (Peterson et Shackleton, 2002). Elles jouent non seulement un r?le actif dans la d?finition des grandes orientations de la

politique europ?enne, dans la gestion de l'Union ainsi que dans la con ciliation des int?r?ts des diff?rents acteurs impliqu?s dans le processus, mais aussi dans la construction d'une identit? europ?enne (Herrmann et Brewer, 2004 : 1-22). ? cet ?gard, nombreux sont les universitaires

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R?sum?. Les acteurs individuels comme collectifs s'inspirent des exp?riences pass?es au

moment de la conception de leurs politiques. Or, nous retrouvons au niveau de la politique

europ?enne d'?ducation et du discours que la Commission de Bruxelles ?labore afin de justi fier ses actions dans ce domaine trois dynamiques qui ont jadis jou? un r?le important, dans

le cadre ?tatique, lors du processus de construction nationale, ? savoir : la (re)structuration de l'univers spatial des individus appel?s ? composer la future ? communaut? imagin?e ?; l'?dification d'un cadre culturel commun ou syst?me de significations partag?es; enfin, le pro cessus d' ? atemporalisation-naturalisation ? de la communaut? en formation.

Cette observation sugg?re que, contrairement ? une id?e commun?ment admise, si la Com

mission europ?enne intervient dans l'?ducation depuis le d?but des ann?es 60, ce n'est pas

simplement pour des raisons ?conomiques, c'est-?-dire pour assurer la r?alisation pleine et enti?re

du march? unique, mais aussi afin de d?velopper un sentiment d'appartenance ? l'Union chez

les ressortissants des ?tats membres, autrement dit une identit? euro-communautaire jug?e n?ces

saire ? la r?alisation ? d'une union sans cesse plus ?troite entre les peuples d'Europe ?.

Abstract. Decision-makers do not act in a policy vacuum. As they develop their programmes,

they are aware of and influenced by available historical examples. If we look closely at the

European Commission's education policy (measures as well as discourses), we notice the exis

tence of similarities in the strategies that it deploys in this field and dynamics deployed much

earlier by states engaged in nation-building (i.e. the redefinition of people' spatial representa tion of their community of belonging; the creation of a framework of shared values; and the

process of 'detemporalisation-naturalisation'). This observation leads us to believe that if the European Commission decided to get involved

in the field of education at an early stage in the integration process, it was not only?as most

people believe?to insure an effective implementation of the Common market in 1957 or of the

Single Market in 1987. Rather, through its education policy, the Commission also hopes to

create and foster a EU identity that the founding fathers and subsequent 'Europeans' consid

ered necessary for achieving their goals of creating ? an ever closer union ?.

qui soulignent, depuis la fin des ann?es 90 surtout, l'existence d'un lien entre certaines initiatives de l'Union et le d?veloppement d'une identit?

europ?enne (pour une vue d'ensemble voir Shore, 2000). Par exemple, nous trouvons un nombre consid?rable d'analyses dans lesquelles les auteurs d?crivent l'euro comme un ? vecteur d'identit? europ?enne ? (par exemple : Ancori et Koenig, 2002; Risse, 2003). Dans d'autres ?tudes, les chercheurs s'interrogent sur une possible relation entre l'?mergence d'une identit? europ?enne et la cr?ation, ? l'?chelle communautaire, de symboles comme le drapeau ou encore l'hymne europ?en (par exem

ple, Lager, 1994; Shore, 1993), le d?veloppement d'une citoyennet? europ?enne (Meehan, 1993; Wiener, 1997), d'une politique culturelle ou

linguistique de l'Union (Sassatelli, 2002), ou encore l'essor d'une poli tique europ?enne d'information dans le secteur de l'audio-visuel et des

medias (Schlesinger, 1999; Theiler 1999b). Troisi?mement, enfin, dans de nombreuses ?tudes, anciennes comme

r?centes, th?oriques comme empiriques, les auteurs montrent qu'il existe des liens ?troits entre la construction des ?tats-nations et le d?veloppe ment d'une scolarit? obligatoire et la?que (voir, par exemple : Durkheim, 1985 [1922]; Gellner, 1983; Balibar et Wallerstein, 1988; Green, 1990; Soysal, 2002; Schleicher, 1993).

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630 Isabelle Petit

S'il est exact de croire qu'en ?laborant une politique europ?enne d'?ducation, la Commission a effectivement l'intention de g?n?rer un sen timent d'appartenance ? l'Union chez les citoyens europ?ens, alors nous

pouvons logiquement penser que nous allons retrouver au niveau des pro grammes communautaires qui ont ?t? adopt?s ainsi que du discours de l?gitimation qui les accompagne des facteurs ou des ?l? ments qui ont jadis jou? un r?le important, dans le cadre ?tatique, lors de l'apparition des identit?s nationales. Il y a ? cela essentiellement deux raisons. Tout d'abord, l'Union europ?enne ressemble sur de nom breux points ? un syst?me politique ? classique ?.7 Mais surtout, les auteurs issus g?n?ralement des courants n?o-institutionnalistes historique et sociologique en politique compar?e insistent sur l'importance des

exp?riences pass?es dans le choix des politiques que les acteurs ?laborent et sur le fait qu'ils ? recourent souvent ? des protocoles ?tablis ou ? des

mod?les de comportement familiers pour atteindre leurs objectifs ? (Hall et Taylor, 1997 : 473). Ils rappellent en effet que ceux-ci n'agissent pas dans le vide mais dressent leurs normes ? dans un monde qui en contient

d?j? beaucoup ? et qui constituent autant de ? sch?mas, cat?gories et mod?les cognitifs qui sont indispensables ? l'action ? (Hall et Taylor, 1997 : 483 et 490. Voir, par exemple, Hall, 1993; Tarrow, 1998; Tilly, 1986). Pourquoi la situation serait-elle diff?rente dans le cas de la Com

mission europ?enne? Pourquoi devrions-nous ?carter, a priori, l'id?e que cette jeune administration, ? d?faut de disposer de mod?les qui lui sont

propres en raison, notamment, de sa cr?ation r?cente, se tourne, lorsqu'elle d?finit ses actions, vers les pratiques d'autres acteurs et notamment vers celles des ?tats dont elle est, en partie, une ?manation?

Afin de v?rifier si nous retrouvons, ? l'?chelle europ?enne, des fac teurs qui ont jadis jou? un r?le important, dans le cadre ?tatique, lors de l'apparition des identit?s nationales et, par cons?quent, de v?rifier

si, en intervenant dans l'?ducation, la Commission poursuit non seule ment des objectifs ?conomiques mais s'attache aussi ? cr?er une iden tit? euro-communautaire, nous proc?dons en deux temps. Tout d'abord, dans une premi?re partie, nous d?gageons, ? partir de la litt?rature sur

la construction nationale (nation-building) et le nationalisme, trois m?canismes qui ont jou? un r?le important dans la construction des identit?s nationales. Puis, dans une deuxi?me partie, nous examinons si nous retrouvons ces processus au niveau de la politique europ?enne d'?ducation. En adoptant une telle d?marche, nous r?pondons, dans une

certaine mesure, ? l'invitation lanc?e par Lars-Erik Cederman dans son

article intitul? ? Nationalism and Bounded Integration : What It Would Take to Construct a European Demos ?, dans lequel il conclut en affir mant : ? there is a rich sociological-institutionalist literature on demos

formation [but] it has not yet been applied systematically to European integration ? (2001 : 164).

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Agir par mim?tisme 631

Construction Nationale : Trois Points Communs

Si les ? primordialistes ? ou ? essentialistes ? estiment que les identit?s nationales sont des ph?nom?nes naturels qui ne peuvent qu'?tre r?v?l?s ou ? d?couverts ?, la grande majorit? des auteurs consid?rent, au con

traire, qu'elles ne sont pas de simples donn?es mais de v?ritables cons

truits socio-historiques (pour une typologie desdits auteurs voir, par

exemple, Cederman, 2001 : 141-145). La plupart d'entre eux insistent sur la sp?cificit? de chaque processus de formation identitaire ou nation

building, sur le fait qu'il n'existe pas une seule mais diff?rentes

dynamiques de construction nationale (par exemple : Anderson, 1991; Bali bar et Wallerstein, 1988; Brubacker, 1992; Greenfeld, 1992).

Nous partageons leur position. Ceci dit, il nous semble tout de m?me

possible de d?celer, au del? de cette diversit? et de ces sp?cificit?s, plu sieurs ?l?ments communs aux processus du nation-building. Il s'agit de

m?canismes qui ont largement particip? au d?veloppement d'un senti ment d'appartenance aux nations parce qu'ils ont contribu?, de pr?s ou

de loin et de fa?on plus ou moins volontaire, ? la d?construction du statu

quo ante et ? l'?mergence d'un nouvel ordre socioculturel, ? la (red?fi nition des fronti?res entre l'ensemble des membres de la communaut? en

formation et Palt?rit?. ? cet ?gard, il convient de faire une distinction entre deux types de mesures : celles que nous qualifions de ? posi tives ?, parce qu'elles visent ? mettre en relief les ressemblances ou points communs autour desquels peut se cristalliser l'identit? collective en for

mation; et les mesures dites ? n?gatives ?, dont l'objet est de faire res

sortir aussi clairement que possible les ?l?ments qui distinguent un groupe d'un autre.

Ces ?l?ments communs aux processus du nation-building sont prin cipalement au nombre de trois. Il s'agit : a) de la dynamique de (re)struc turation de l'univers spatial des individus qui composent la future ? communaut? imagin?e ?; b) du m?canisme d'?dification d'un cadre culturel commun ou d'un syst?me de significations partag?es; et c) du

processus que nous qualifions d'? atemporalisation-naturalisation ? de la collectivit? imagin?e.8

La (re)structuration de l'univers spatial

Ce processus comporte deux volets : d'un c?t?, la d?finition puis le ren

forcement des fronti?res ext?rieures de l'?tat; de l'autre, l'accroissement de la mobilit? au sein du territoire ainsi d?limit?. En ce qui a trait ? la

premi?re dimension, Charles Tilly (1990), par exemple, montre que les

?tats, pour des raisons militaires, sont amen?s ? d?finir leurs fronti?res de mani?re toujours plus pr?cise. Pour ce faire, ils s'emploient notam ment ? ?laborer des cartes qui, parce qu'elles offrent aux individus des

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repr?sentations claires et concr?tes de ce que sont leur ? communaut?

imagin?e ? et celles des autres, facilitent l'?mergence d'une identit? natio nale. Les ?tats renforcent ?galement leurs contr?les aux fronti?res en y

disposant des gardes ainsi qu'en instaurant un syst?me de passeports et de visas. Ce faisant, ils donnent non seulement une existence physique, concr?te, ? ces d?marcations, mais ils se livrent ? un travail de d?finition diff?renciation du soi collectif et de l'alt?rit? (Tilly, 1990 et 1993).

En ce qui concerne le deuxi?me volet, plusieurs auteurs montrent

qu'en Europe occidentale, le processus d'industrialisation s'est accom

pagn? d'une augmentation des d?placements ? l'int?rieur du territoire. Cet accroissement de la mobilit? a largement contribu? ? l'?mergence d'un sentiment d'appartenance nationale en offrant aux individus la pos sibilit? de penser leur appartenance dans un espace plus englobant que la localit? ou la r?gion, lieux avec lesquels leurs liens se sont progres sivement rel?ch?s (par exemple : Balibar et Wallerstein, 1988; Deutsch, 1953; Gellner, 1983; Weber, 1976).9

L'?dification d'un cadre culturel commun

Mais l'intensification des contacts humains ne conduit pas n?cessaire ment ? l'?mergence d'une identit? collective. Au contraire, elle peut aboutir ? un renforcement des particularismes r?gionaux et ? 1'exacerbation des sentiments d'antipathie, voire de haine, s'il n'y a pas, simultan?

ment, adoption de mesures ad?quates visant ? ?liminer les pr?jug?s et ?

promouvoir une certaine compr?hension r?ciproque (Domenach, 1993). Autrement dit, le d?veloppement d'un sentiment d'appartenance exige qu'il y ait non seulement une augmentation des interactions (dimension quantitative), mais aussi la capacit? pour les personnes appel?es ? com

poser la nouvelle entit? ? communiquer de fa?on plus effective entre elles

qu'avec les ?trangers (dimension qualitative) (Deutsch, 1953; Howe, 1995). Cela suppose l'adoption de mesures l?gislatives ou autres visant notam ment ? cr?er un cadre culturel commun, c'est-?-dire un ensemble partag? de valeurs, de croyances et de referents. La pr?sence d'un tel cadre ouvre

la voie ? l'instauration d'une communication effective et d'une compr?hen sion r?ciproque dans la mesure o? elle influence la mani?re dont les indi vidus d?finissent ou se repr?sentent le monde dans lequel ils ?voluent et

donc, in fine, leurs comportements. Dans la plupart des ?tats europ?ens, ce syst?me de significations

partag?es a ?t? ?tabli sur le principe de l'homog?n?it? culturelle et le

rejet des particularismes r?gionaux ou locaux. ? cet ?gard, Charles Tilly rappelle, par exemple, que les gouvernements centraux se sont mis ?

d?signer et ? cr?er ? une seule et unique tradition linguistique, his

torique, artistique et pratique qui aurait priorit? sur toutes celles

repr?sent?es jusque-l? sur le territoire national ? (1993 : 68). Autrement

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Agir par mim?tisme 633

dit, ils ? se sont engag?s comme jamais auparavant pour promouvoir la

supr?matie d'une version unique de la culture nationale sur le plan de la

langue, de la communication, des arts ? (1990 : 170).10

Le processus d'atemporalisation-naturalisation

Les artisans de la nation ne peuvent pas se contenter de modeler la re

pr?sentation mentale que les individus se font de la collectivit? ? laquelle ils pensent d?sormais appartenir. Ils doivent ?galement s'assurer que

l'image ainsi constitu?e demeure ancr?e dans leur esprit et qu'il leur soit difficile d'imaginer leur appartenance ? un autre type d'organisation socio

politique. Du succ?s de cette entreprise d?pend en effet, en grande par tie, la survie de la ? communaut? imagin?e ?. Sur ce point, Benedict

Anderson (1991) rappelle, par exemple, que si l'image de la nation a pu s'imposer ? un moment donn?, c'est parce que l'av?nement du capita lisme et de l'imprimerie, ainsi que le d?veloppement rapide et croissant des communications, sont venus ?branler un certain nombre de certitudes dont celle de la repr?sentation de la soci?t? naturellement organis?e autour et sous l'autorit? d'un monarque dot? de pouvoirs divins, ouvrant ainsi la

possibilit? pour les gens d'imaginer leur lien avec autrui et le pouvoir?et donc leur soi collectif?diff?remment que par le pass?.

Le blocage d'images alternatives peut ?tre r?alis?, entre autres, gr?ce ? un travail que nous qualifions d'atemporalisation-naturalisation de la ? communaut? imagin?e ?. Cette t?che consiste ? pr?senter l'entit? en formation comme un ensemble qui non seulement existe depuis toujours (parfois sous forme latente), mais existera in?vitablement jusqu'? la fin des temps. Pour y parvenir, ceux qui s'emploient ? cr?er un sentiment

d'appartenance ? la nation s'efforcent, dans leur discours, d'?tablir d'une

part une passerelle entre le pass? et le futur, cherchant ainsi ? cr?er une

impression de continuit? donc de ? naturalit? ?, et, d'autre part, de mon trer que le type d'organisation socio-politique qui domine ? l'heure actu elle n'est en fait qu'une ?tape g?n?ralement malheureuse de l'histoire.

Ce pont entre le pass? et le futur repose, quant ? lui, sur une double affirmation : celle de l'existence d'origines partag?es et celle de la

pr?sence d'un destin commun. L'une et l'autre sont susceptibles de g?n?rer un sentiment d'appartenance ? la nation. La premi?re car elle conduit ? une restructuration de la m?moire collective (Jenson, 1995) et parce que, comme le note G?rard Bouchard par exemple, la recherche ou la cr?ation

d'origines partag?es suscite chez des individus qu'en principe tout s?pare ou rien ne rapproche a priori ? un sentiment de proximit? n? de l'histoire ?

(1999 : 37). L'objectif est d'autant mieux atteint que cette recherche/ cr?ation d'origines communes s'accompagne g?n?ralement d'un travail de mythification desdites sources. En construisant ainsi une image id?a lis?e ou enjoliv?e, les artisans de la nation sont susceptibles d'emporter

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634 Isabelle Petit

l'adh?sion des personnes ? cette communaut? puisque, comme le souli

gnent par exemple Philippe Braud (2000) ou encore Anthony Birch (1989), il y a une certaine fiert? ? appartenir ? cette entit? dont on ne cesse de

glorifier les bases et le pass?! L'affirmation d'un destin commun est elle aussi ? m?me de cr?er un

sentiment d'appartenance ? la nation, mais ce sentiment na?t plut?t par d?pit que par choix; il est l'expression d'une fatalit?. L'assertion d'une destin?e partag?e repose sur une croyance plus ou moins justifi?e, et elle m?me mythifi?e, selon laquelle les individus appel?s ? former la nation ne pourront assurer leur survie tant au plan politique qu'?conomique et culturel que s'ils s'unissent et parviennent ? tisser entre eux des liens de solidarit?. De leur adh?sion ? cette communaut?, ainsi va le discours, d?pend ? la fois leur bien-?tre et leur capacit? ? faire face ? des ennemis

communs, r?els ou imagin?s.

Des Strat?gies Communautaires Calqu?es Sur Les Exp?riences Nationales Pass?es

Retrouvons-nous ces trois grands processus dans le cadre de la politique europ?enne d'?ducation? Il nous semble possible de r?pondre par l'affirmative. Nous constatons, en effet : 1) qu'un grand nombre de pro grammes europ?ens adopt?s dans le secteur de l'?ducation contribuent ?

renforcer, d'une certaine mani?re, les fronti?res ext?rieures de l'Union tout en att?nuant celles qui se trouvent ? l'int?rieur de l'espace commu

nautaire; 2) que la Commission s'emploie ? b?tir, par ses interventions, un syst?me de significations partag?es qui remet en cause, jusqu'? un certain point, les cadres existants et invite ainsi les individus ? envisager de nouvelles fa?ons de penser leur appartenance et l'alt?rit?; 3) qu'enfin, l'instance bruxelloise se livre ? un v?ritable travail d'? atemporalisation naturalisation ? dont l'objectif est de pr?senter l'espace europ?en comme

l'espace naturel ou normal des activit?s non seulement ?conomiques mais aussi politiques et sociales.

La mobilit? : pierre angulaire des programmes communautaires

Depuis les ann?es 60, la Commission europ?enne cherche, par le biais de ses actions dans le domaine de l'?ducation, non seulement ? sou

ligner et donc ? rendre plus visibles les fronti?res ext?rieures de l'Union mais aussi, et surtout, ? accro?tre la mobilit? ? l'int?rieur de l'espace communautaire et par cons?quent ? estomper les fronti?res qui s?parent les diff?rents ?tats membres. Pour ce faire, elle agit essentiellement de

quatre mani?res. Tout d'abord, elle ?labore des mesures dont seuls les ressortissants des ?tats membres ou des futurs ?tats membres r?els ou

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projet?s peuvent b?n?ficier. Ceux des pays tiers comme le Canada, par exemple, ne sont pas admissibles.

Deuxi?mement, la Commission ins?re dans presque tous ses pro grammes, les nouveaux comme les anciens, une ou plusieurs disposi tions invitant les ?l?ves et les ?tudiants mais aussi les enseignants, les

professeurs, les chercheurs et autres acteurs du domaine de l'?ducation ?

s?journer, pour une p?riode d?termin?e, dans un ?tat membre dont ils ne sont pas ressortissants. Par exemple, dans le cadre du programme Eras

mus I (1989) qui concerne l'enseignement sup?rieur, il est pr?cis? que ? l'objectif principal des accords inter-universitaires est de donner aux

?tudiants d'une universit? la possibilit? de suivre dans au moins un autre

?tat membre une p?riode d'?tudes pleinement reconnue ? ou encore ? qu'une aide sera ?galement octroy?e pour les ?changes d'enseignants aux fins de t?ches d'enseignement int?gr? ? (Conseil des Communaut?s

europ?ennes, 1989 : 109 et 111). Autre exemple : dans le cadre du pro gramme Lingua I (1989) qui concerne l'apprentissage des langues com

munautaires, il est indiqu? qu'il convient de ? permettre aux professeurs de langues ?trang?res d'am?liorer leur comp?tence professionnelle ... au

moyen de p?riodes de formation ... dans un ?tat [de l'Union] o? est par l?e la langue qu'ils enseignent ? (ou encore qu'il ? faut permettre aux

?tudiants qui ?tudient les langues ?trang?res ... et aux futurs professeurs de langues ?trang?res de passer une p?riode reconnue de formation ini tiale ... dans un ?tat [de l'Union] o? est parl?e la langue qu'ils ?tudient ?

(Conseil des Communaut?s europ?ennes, 1989 : 91). Nous pourrions mul

tiplier ainsi les exemples. Troisi?mement, la Commission ne se contente pas d'encourager la

mobilit? dans l'espace communautaire en incluant des dispositions sur les ?changes dans ses diff?rents programmes. Elle adopte aussi des

mesures qui visent ? ?liminer?ou du moins ? r?duire?les obstacles ? la libre circulation des agents ou acteurs du monde ?ducatif, qu'ils soient d'ordre linguistique, social ou administratif.11 En ce qui concerne le pre mier type de barri?re, de nombreux programmes contiennent une ou plu sieurs dispositions sur l'apprentissage des langues que la Commission

d?peint comme un compl?ment indispensable aux ?changes, comme une mesure d'accompagnement. Ainsi, par exemple, dans le programme Socrates I (1995), il est indiqu? qu'en vue d'encourager les universit?s ? d?velopper des activit?s transnationales, la Communaut? pourra financer l'apprentissage des langues qui doit ?tre con?u comme une par tie int?grante des ?tudes ou encore qu'elle s'engage ? d?velopper son

syst?me d'aides financi?res directes aux activit?s li?es ? la pr?paration du s?jour de l'?tudiant, notamment les cours de langue (Conseil des Com munaut?s europ?ennes, 1996).

Afin d'att?nuer au maximum les obstacles d'ordre social, la Com mission offre, par exemple, chaque ann?e, depuis les ann?es 60, des

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636 Isabelle Petit

bourses aux ?tudiants afin de leur permettre d'aller ?tudier dans un autre

pays membre. ? cet ?gard, mentionnons que les programmes Erasmus I,

Lingua I mais aussi Socrates I pr?voient ? l'instauration d'un syst?me d'aide financi?re directe aux ?tudiants des universit?s accomplissant une

p?riode d'?tudes dans un autre ?tat membre ? (Conseil des Communau t?s europ?ennes, 1989 et 1996). Non seulement la Commission offre-t elle de telles bourses, mais elle insiste ?galement aupr?s des autorit?s nationales pour que les jeunes qui b?n?ficient de bourses de subsistance dans leur pays d'origine continuent ? les percevoir pendant la p?riode d'?tudes qu'ils accomplissent dans l'?tat membre d'accueil (Conseil des Communaut?s europ?ennes, 1989 et 1996). Autrement dit, l'instance bru xelloise exerce des pressions sur les ?tats membres afin que les ?tudi ants soient en mesure ? d'apporter leur bourse avec eux ? et de la combiner avec une bourse Erasmus.

Afin de r?duire le plus possible les obstacles d'ordre administratif ? la libre circulation des acteurs du monde ?ducatif, l'instance bruxel loise proc?de de plusieurs fa?ons. Par exemple, depuis l'adoption de son

programme d'action du 9 f?vrier 1976, elle milite en faveur de la re connaissance acad?mique des dipl?mes et des p?riodes d'?tude r?alis?es dans un autre ?tat membre (reproduit dans Conseil des Communaut?s

europ?ennes, 1987). Afin de s'assurer que des progr?s tangibles soient r?alis?s dans ce sens, elle invite, depuis plusieurs d?cennies d?j?, les autorit?s nationales comp?tentes ? promouvoir ? un syst?me europ?en d'unit?s capitalisables (cr?dits acad?miques) transf?rables dans toute la Communaut? (ECTS) ?. Elle les convie aussi ? se joindre ? elle afin ? de promouvoir le d?veloppement de cycles d'?tudes communs entre universit?s des diff?rents ?tats membres ? et s'engage ? verser des sub ventions annuelles aux universit?s qui uvrent en ce sens (Conseil des Communaut?s europ?ennes, 1987 : 194). Enfin, derni?re illustration, afin de faire de la reconnaissance acad?mique des dipl?mes une r?alit?, la Commission pr?cise, dans plusieurs de ses programmes, que les Com munaut?s financeront en priorit? les universit?s qui ?laborent des

programmes communs ? comportant une p?riode int?gr?e d'?tudes

pleinement reconnue dans un autre ?tat membre ? ou encore, qu'elles n'accorderont de bourses Erasmus ? que dans le cas o? la p?riode d'?tudes ? accomplir dans un autre ?tat membre est pleinement recon nue par l'universit? d'origine de l'?tudiant ? (Conseil des Communau t?s europ?ennes, 1987 : 193-194).

Afin d'?liminer les obstacles d'ordre administratif ? la libre circu lation des acteurs du monde ?ducatif, la Commission milite aussi,

depuis plusieurs d?cennies d?j?, en faveur de l'?laboration d'une authen

tique politique europ?enne d'admission aux institutions d'enseignement sup?rieur. C'est dans ce cadre qu'elle veille ? ce que les universit?s de l'Union n'imposent pas aux ?tudiants en provenance d'autres ?tats

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Agir par mim?tisme 637

membres des frais de scolarit? plus ?lev?s que ceux qu'elles exigent des ressortissants nationaux (par exemple, Commission of the European Com

munities, 1978) et qu'elle n'h?site pas, en cas d'infraction, ? saisir la Cour de justice des Communaut?s europ?ennes en invoquant une discrimi nation fond?e sur la nationalit? et contraire aux trait?s (voir, par exem

ple, l'affaire ?tat belge contre Ren? Humbel et Marie-Th?r?se Edel dans Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1986c).

Enfin, afin d'?liminer les barri?res administratives ? la libre circu lation des acteurs du monde de l'?ducation, la Commission fait pression pour que les autorit?s comp?tentes ? prennent en consid?ration, lors du calcul des ann?es d'anciennet?, les p?riodes d'activit? d'enseignement ou de recherche effectu?es dans un autre ?tat membre ? et permettent ?gale ment ? le cumul, aux fins du calcul des droits ? la pension, des p?riodes d'activit? dans l'enseignement ou la recherche effectu?es dans d'autres ?tats membres ? (Conseil des Communaut?s europ?ennes, 1987 : 26).

Quatri?mement, pour accro?tre les ?changes dans l'Union, la Com mission ne se contente pas d'ins?rer des dispositions sur la mobilit? dans ses diff?rents programmes ou encore d'adopter des mesures visant ? ?liminer les obstacles ? la libre circulation des agents du monde de l'?ducation dans l'espace communautaire. En tandem avec la Cour de Justice des Communaut?s europ?ennes (CJCE), elle se livre aussi ? un v?ritable exercice de ? contorsion s?mantique ? dont l'objectif est de

permettre aux ?tudiants ou enseignants de se d?placer dans l'Union de fa?on autonome, c'est-?-dire en dehors des programmes pr?vus ? cet effet. Par exemple, jusqu'? l'adoption d'une directive en 1990, seuls les ?tudiants qui suivaient un enseignement de type professionnel pouvaient s?journer dans un ?tat membre autre que celui dont ils ?taient ressortis sants. Autrement dit, seul un nombre restreint d'?tudiants pouvait pr? tendre circuler librement dans l'espace communautaire en dehors des

programmes propos?s. La Commission sugg?re alors ? la Cour d'adopter une d?finition large de la notion de ? formation professionnelle ?, ce

que cette derni?re fera, notamment, dans l'affaire Vincent Blaizot contre l'Universit? de Li?ge du 2 f?vrier 1988. Dans cet arr?t, la Cour va, en

effet, ? assouplir sensiblement le lien qui, dans les formes traditionnelles de la formation professionnelle et technique, existe entre un enseigne ment donn? et un m?tier ou une profession ? (Frazier, 1995 : 118) puisqu'elle pose le principe selon lequel, en r?gle g?n?rale, les ?tudes universitaires rel?vent de la formation professionnelle (Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1988a; voir aussi, par exemple, l'affaire Steven Malcom Brown contre Secretary of State for Scotland dans Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1988b).

Autre exemple de contorsion s?mantique, la Commission a ?gale ment tent? d'accro?tre la circulation des enseignants et professeurs dans l'espace communautaire en encourageant la CJCE ? adopter

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638 Isabelle Petit

une d?finition large du mot ? travailleur ?, ce que fait cette derni?re, notamment, dans l'affaire Deborah Lawrie-Blum contre Land de Baden

W?rttenberg (Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1986b). Dans cet arr?t, la Cour rejette les arguments invoqu?s par le Land pour justifier son refus d'autoriser la plaignante, une ressortissante britan

nique, ? suivre un stage de formation ? la carri?re d'enseignante, stage dont elle a besoin pour compl?ter ses ?tudes effectu?es ? l'Universit? de

Fribourg. Elle ?carte notamment l'argument selon lequel Deborah Lawrie Blum ne peut se pr?valoir du principe de libre circulation inscrit dans les trait?s et qui implique l'abolition de toute discrimination fond?e sur la

nationalit?, car cette disposition ne s'adresse qu'aux seuls travailleurs, c'est-?-dire aux ? personnes qui ont avec ceux qui les emploient un rap port de droit priv? ? et non ? celles dont les relations de travail sont

r?gies par le droit public comme c'est le cas des enseignants. Pour la

Cour, en effet, la qualit? de travailleur ne peut ?tre d?finie sur la base du lien juridique qui lie deux personnes; tout individu?enseignants compris?qui ? accomplit des prestations ayant une valeur ?conomique en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci en con

trepartie desquelles il touche une r?mun?ration ? est un travailleur (Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1986b : 2145; dans le m?me

sens, voir l'affaire R.H. Kempf contre secr?taire d'?tat ? la justice dans Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1986a).

Dans le m?me arr?t, la Commission a ?galement encourag? la Cour a retenir une d?finition fonctionnelle et non organique de la notion d'? emploi dans la fonction publique ? et ce, toujours dans le m?me but d'accro?tre la mobilit? au sein de l'Union. Dans cette affaire, le Land fait valoir que, m?me si on consid?re que les enseignants sont bel et bien des ? travailleurs ?, ceux-ci ne peuvent invoquer le principe de non dis crimination fond?e sur la nationalit? car il ne s'applique pas aux emplois dans l'administration publique dont font partie les postes d'enseignants. ? cela la CJCE r?torque qu'en raison notamment de la diversit? des situa tions nationales, il est impossible de d?finir l'administration publique en termes d'appareil d'?tat et d'organismes de droit public (d?finition institutionnelle) et qu'il convient de le faire en termes de fonctions assum?es par l'agent, d'attributions de l'emploi occup? (d?finition fonc

tionnelle). Pour la Cour, seuls les emplois qui ? comportent une partici pation, directe ou indirecte, ? l'exercice de la puissance publique et

qui impliquent dans le m?me temps des missions de sauvegarde des int?r?ts g?n?raux de l'?tat ou des collectivit?s publiques ? peuvent ?tre consid?r?s comme des emplois dans l'administration pour lesquels l'employeur a la possibilit? de refuser d'embaucher un individu sur la base de sa nationalit?. Or, d'apr?s elle, ? ces conditions cumulatives tr?s strictes ne sont pas remplies dans le cas de l'enseignant ? m?me s'il lui arrive, dans l'exercice de ses fonctions, d'assurer le maintien de la

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Agir par mim?tisme 639

discipline, d'attribuer des notes ou encore d'infliger certaines sanctions

disciplinaires (Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1986b : 2147 et 2135; jurisprudence confirm?e dans l'affaire Mme Pillar Allu? et Carmen Mary Coonan contre Universita degli Studi di Venezia rap port?e dans Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1989; ou encore dans l'affaire Annegret Bleis contre minist?re de l'?ducation natio nale dans Cour de justice des Communaut?s europ?ennes, 1991).12

Nous pourrions multiplier ainsi les exemples de contorsion s?man

tique que la Commission europ?enne encourage afin de permettre au plus grand nombre d'acteurs ou agents du monde ?ducatif de circuler libre ment dans l'Union de fa?on autonom.

Un cadre culturel commun construit sur le principe de l'unit? dans la diversit?13

Comme nous l'avons mentionn? dans la premi?re partie de cet article, si la mobilit? joue un r?le important dans l'?laboration des ? commu naut?s imagin?es ?, elle ne peut cependant ? elle seule g?n?rer un sen timent d'appartenance ? l'entit? socio-politique en construction. Encore faut-il que les personnes qui entrent ainsi en contact puissent commu

niquer entre elles et se comprendre, ce qui exige notamment la pr?sence d'un cadre culturel commun qui influence la fa?on dont les individus

per?oivent et d?finissent le monde qui les entoure. Autrement dit, il est essentiel de cr?er un syst?me de significations partag?es qui leur per

mette de porter un regard relativement identique ou du moins tr?s proche sur leur environnement et ainsi, non seulement de communiquer effi cacement entre eux, donc de se comprendre, mais ?galement de se d?finir et de se reconna?tre comme membres d'une m?me collectivit?. Or, si la Commission europ?enne encourage la mobilit? des acteurs du milieu ?ducatif ? l'int?rieur de l'espace communautaire, elle cherche ?gale ment ? d?velopper un tel syst?me de significations partag?es en sou

tenant, entre autres, la publication de brochures et autres mat?riels

p?dagogiques dans lesquels les auteurs mettent l'accent sur les valeurs communes aux Europ?ens (par exemple Couloubaritis et al., 1993).

Ceci dit, contrairement ? ce qui peut ?tre observ? dans la plupart des ?tats membres de l'Union, ce cadre repose non pas sur le principe de

l'homog?n?it? culturelle mais sur celui du respect de la diversit? et des diff?rences qui sont d?crites comme le fruit ? du g?nie cr?ateur et inno vateur des Europ?ens ?, une ? valeur fondamentale de l'Europe ?, ? un ?l?ment qui fait partie int?grante de la culture ancestrale europ?enne ?

(par exemple, Commission des Communaut?s europ?ennes, 1986a; European Commission, 1996). La Commission insiste, en effet, sur la n?cessit? de pr?server la diversit? nationale au sein de l'Union. Ainsi, par exemple, dans un ouvrage destin? aux enseignants, et r?alis? dans le cadre

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640 Isabelle Petit

de l'initiative communautaire Euroforum, les auteurs d?clarent en par lant de l'Europe :

Les traditions, les caract?ristiques culturelles, les int?r?ts sont divers et il n'est

pas question d'aboutir par l'?ducation ? un unanimisme artificiel, ? un centra

lisme destructeur des aspirations particuli?res, parfaitement l?gitimes tant

qu'elles tiennent compte des aspirations des autres. C'est cela ? l'unit? dans la

diversit? ?, formule r?sumant bien l'objectif global ? atteindre. {Euroforum, 1978 : 64).

Non seulement la Commission insiste-elle sur la n?cessit? de pr? server les diversit?s nationales au sein de l'Union, mais elle souligne ?gale

ment l'importance de tenir compte de la diversit? pr?sente ? l'int?rieur de chaque pays membre, qu'elle soit macroscopique, c'est-?-dire propre ? un groupe, ou bien microscopique, autrement dit relative ? l'individu. Deux mesures sont particuli?rement r?v?latrices de cette tendance. Depuis son programme d'action de 1976, la Commission accorde une attention

particuli?re aux enfants des travailleurs migrants. Dans le cadre de ce docu ment mais aussi de la directive du 25 juillet 1977 et des suivantes, elle

indique que :

Les ?tats membres prennent, conform?ment ? leurs situations nationales et ?

leurs syst?mes juridiques, et en coop?ration avec les ?tats d'origine, les mesures

appropri?es, en vue de promouvoir, en coordination avec l'enseignement nor

mal, un enseignement de la langue maternelle et de la culture du pays d'origine en faveur des enfants concern?s {JOCE n? L 199 du 06.08.1977 : article 3).

De son c?t?, ? le programme Lingua aide ? promouvoir les politiques que les ?tats membres adoptent ... et qui visent ... ? encourager la connais sance des langues ?trang?res (sous-entendu communautaires) les moins

r?pandues et les moins enseign?es ? {JOCE n? L 239 du 16.08.1989 : arti cle 5).

Dans la perspective de l'?mergence d'une identit? euro-commu

nautaire, ce choix para?t habile pour plusieurs raisons. Premi?rement, si l'on part du principe?comme nous le faisons?que la Commission

europ?enne s'inspire tr?s largement des pratiques jadis employ?es par les ?tats dans leurs efforts de construction nationale, nous pouvons penser

qu'elle entend aussi ?viter les erreurs du pass?. Or, l'histoire nous apprend que chaque fois qu'une autorit? centrale s'est livr?e ? une politique d'homog?n?isation culturelle ? l'int?rieur de ses fronti?res, les particu larismes r?gionaux ont t?t ou tard refait surface, mena?ant le semblant d'unit? alors existant.14 Tirant les le?ons du pass?, la Commission

europ?enne semble donc ?pouser l'id?e d?velopp?e par certains phi losophes selon laquelle, dans les soci?t?s pluri- ou multiethniques, l'unit? passe obligatoirement par la reconnaissance de la diversit? (Kym licka, 1992; Taylor, 1993 et 1994). Il s'agit de r?aliser 1'? unit? dans la

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Agir par mim?tisme 641

diversit? ?, formule que l'on trouve dans plusieurs ?tats (les ?tats-Unis

par exemple, avec leur Pluribus Unum) et dont l'Union europ?enne a

fait, en 2000, sa devise.

Deuxi?mement, en agissant de la sorte, la Commission construit un contre-discours, c'est-?-dire un discours qui vise ? neutraliser celui de ceux et celles qui pr?sentent cette diversit? comme un obstacle in franchissable ? l'?dification d'un cadre culturel commun et, subs?

quemment, ? l'?mergence d'une Europe unie. Comme elle l'indique elle-m?me par le biais de son commissaire Manuel Marin, ? la Com mission est convaincue que la diversit? n'est pas un obstacle ? l'Union de l'Europe ? (Commission des Communaut?s europ?ennes, 1986a : 2-3). Elle en veut d'ailleurs pour preuve le fait que dans l'histoire, bien

qu'ayant toujours ?t? pr?sentes, ces disparit?s ne se sont jamais r?elle ment oppos?es ? l'unit? europ?enne. ? cet ?gard, elle rappelle, par exem

ple, dans un fascicule destin? aux jeunes Europ?ens que ? Despite the

many languages and regional dialects [...] The peoples of Europe have

always been linked by a shared culture, cultural symbiosis ? (European Commission, 1996 : 70)

Troisi?mement, en ?laborant un syst?me ou cadre de significations partag?es bas? sur le principe du respect de la diversit?, la Commission s'offre du m?me coup la possibilit? de montrer aux jeunes que les dif f?rences et les ressemblances ne se situent par toujours l? o? nous le

pensons. Notons, par exemple, que depuis la fin des ann?es 50, l'instance bruxelloise soutient les ?coles europ?ennes, c'est-?-dire des ?tablisse ments scolaires o?, dans les cours d'histoire et de g?ographie, les profes seurs enseignent aux ?l?ves que :

Similar conditions of life and similar climate are more powerful factors in

producing common outlooks among people than are the accidents of shared

nationality.... that a peasant from the Beauce region of France may have more

in common with a German farmer from Lower Saxony than he has with a

French miner from the Saar or a French wine grower from Languedoc. (Hey man, 1964 : 9)

Enfin, quatri?mement, en se livrant ? l'?dification d'un cadre cul turel bas? sur une apologie de la diversit? et des diff?rences, la Commission proc?de ? la d?construction d'une conception particuli?re de l'appartenance impos?e dans un grand nombre d'?tats, celle de

l'appartenance exclusive ? un groupe. En d'autres termes, en remettant en cause les cadres existants bas?s sur le principe de l'homog?n?it? cul

turelle, elle ouvre la voie ? de nouvelles fa?ons de penser l'appartenance et l'alt?rit?; elle incite les ressortissants des pays membres ? prendre conscience de l'aspect pluridimensionnel de leur identit?. Il devient ainsi

plus facile pour eux de se d?finir comme faisant partie non seulement

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d'une communaut? nationale particuli?re, mais aussi d'un ensemble plus large, l'Union europ?enne, ou encore plus petite, la r?gion.

Un actif travail d'atemporalisation-naturalisation de la Communaut?

La Commission semble aussi se livrer, par le biais de sa politique d'?ducation, ? un travail d'atemporalisation-naturalisation de la Commu naut? europ?enne. Ceci ressort assez clairement du discours qu'elle adopte pour justifier ses interventions dans ce secteur, ainsi que du contenu des fascicules et du mat?riel p?dagogique dont elle soutient la publication. Nous retrouvons en effet ici, deux ?l?ments qui ont jadis jou? un r?le

important dans la formation des identit?s nationales : d'une part, la mise en ?vidence d'origines communes tr?s souvent mythifi?es et, d'autre part, une description de l'organisation socio-politique contemporaine?ici l'?tat-nation?en terme d'?tape (de surcro?t malheureuse) de l'histoire.

Les origines communes tout d'abord. Chaque fois qu'elle en a la

possibilit?, la Commission rappelle qu'au del? de la diversit? qui les carac

t?rise, les ?tats de l'Union appartiennent en fait ? une m?me civilisation, la civilisation europ?enne, qu'elle d?finit comme un amalgame des legs grec, romain, jud?o-chr?tien et humaniste. Autrement dit, d?s qu'elle le

peut, elle souligne les ? racines ? partag?es des pays membres. Ainsi, par exemple, elle n'h?site pas ? soutenir la r?daction d'un manuel des tin? aux adolescents dans lequel les auteurs retracent l'histoire de l'Europe en faisant ressortir l'h?ritage commun des nations qu'elle regroupe. Dans ce document intitul? Aux sources de l'identit? europ?enne, ceux-ci rap pellent que :

Celui qui parcourt notre continent europ?en et qui ouvre bien les yeux cons

tate sans peine qu'au del? de la diversit? des langues et du style de vie, un

esprit de famille nous relie les uns aux autres, que les grandes valeurs nous

sont communes. La Gr?ce est le berceau de notre civilisation europ?enne. Rome

l'a marqu?e de son empreinte, le christianisme lui a donn? son ?me et la moder

nit? lui assure son avenir. Que nous le voulions ou non, nous sommes les h?ri

tiers de ce pr?cieux patrimoine (Couloubaritis et al., 1993 : 175).

Dans le m?me sens, nous pouvons lire dans une brochure destin?e aux

jeunes et publi?e par l'Office des publications officielles des Commu naut?s europ?ennes :

The democratic form of government bequeathed to us by the Greeks was to

become a cornerstone of European civilization. With their written law, the

Romans endowed Europe with the rules which order our relations with each

other. In the 16th and 17th centuries, the likes of Copernicus, Galileo, Kepler,

Descartes, Hygens and Newton paved the way for modern science. (McLough lin et Kilford, 1996 : 69)

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Agir par mim?tisme 643

Dans le but de faire ressortir au maximum les origines communes des pays membres de l'Union, la Commission pr?conise ?galement, depuis 1976, l'essor ? d'une dimension europ?enne dans l'?ducation ?. Autre

ment dit, elle sugg?re aux autorit?s nationales comp?tentes d'ins?rer dans les cours, les programmes et le mat?riel didactique des dispositions qui permettent de d?velopper 1'? angle europ?en ? des enseignements dispens?s; il s'agit de mettre l'emphase sur les aspects europ?ens de

l'histoire, de la g?ographie ou encore de l'?conomie pour reprendre les termes d'Alan Forrest (1993), ancien chef de la division ?ducation, cul ture et jeunesse au Conseil des ministres de l'Union.

Mais la Commission ne se contente pas de rappeler que les ?tats membres sont tous issus d'une m?me civilisation. Elle souligne ?gale ment la grandeur de cette civilisation et insiste sur le fait qu'elle est

aujourd'hui menac?e. Ainsi, par exemple, reprenant les propos de l'historien LeGoff, l'instance bruxelloise affirme qu'??tre Europ?en, c'est b?n?ficier d'un acquis culturel d'une vari?t? et profondeur in?gal?e ?

(Commission europ?enne, 1995 : 78). Puis, faisant allusion ? la diffu sion grandissante de la culture de masse am?ricaine, elle ajoute que cette civilisation ? d'une profondeur in?gal?e ? risque de dispara?tre au profit de cette ? sorte de manteau uniforme qui est en train de recouvrir la

plan?te ?, qui menace ? les valeurs familiales, sociales, culturelles ... qui ont meubl? notre demeure de jadis ? et elle enjoint les jeunes certes ? ? repenser, ? r?viser ce que nos anc?tres ont ?difi? avec peine ? mais ? le faire de telle mani?re qu'en bout de ligne, ? la civilisation de demain ne renie pas ses racines ? (Couloubaritis et al., 1993 : 177)

Dans le cadre de son travail d'atemporalisation-naturalisation, la Commission ne se limite pas ? souligner l'existence de ? racines ? com munes entre les ?tats de l'Union. Elle s'efforce aussi de faire prendre conscience aux Europ?ens que l'Europe n'a pas toujours ?t? divis?e en

?tats-nations, ?tats-nations dont elle n'h?site pas d'ailleurs ? souligner le caract?re d?suet en rappelant qu'aujourd'hui bon nombre de probl?mes ne peuvent ?tre r?solus ? ce niveau. Cette pratique qui consiste ? pr?senter l'?tat moderne comme une anomalie dans l'histoire de l'Europe est par ticuli?rement visible dans le cadre d'Erasmus I, par exemple. Lors de la

pr?sentation de ce programme, la Commission, apr?s avoir rappel? que ? paradoxalement, les ?tudiants europ?ens sont aujourd'hui moins mobiles

qu'il y a cinq si?cles ?, implore le Conseil des ministres de ? renouer avec la tradition cr??e par Erasme et ses contemporains ?, avec ? l'?poque d'Erasme o? il ?tait courant de circuler librement entre les diff?rentes uni versit?s du continent ? (Commission des Communaut?s europ?ennes, 1986b : 4; voir aussi, Neave, 1998). En agissant de la sorte, l'instance bruxelloise cherche ? souligner le caract?re anomalique de la situation qui pr?vaut actuellement, situation qui, d'apr?s elle, est contraire ? la nature des choses puisqu'elle est en rupture totale avec le pass?, avec la tradition.

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644 Isabelle Petit

Autre exemple qui illustre bien la d?marche de la Commission : dans le chapitre ? The Origins of the European Union ? d'un fascicule destin? aux jeunes Europ?ens, les auteurs mentionnent que

Before the advent of nationalism, 'European careers' were quite normal. Crafts

men plied their trade all over the continent, learning as they went from one

country to the next, without worrying about the borders. Erasmus, who was

born in Rotterdam 500 years ago, studied in Paris, obtained a doctorate in

Turin and taught in Cambridge for more than a decade. He died in Basle.

Despite the many languages and regional dialects, the knowledge of philoso

phers and scientists spread everywhere, contributing to cross-fertilization of

ideas. The peoples of Europe have always been linked by a shared culture.

Puis, ils ajoutent en des termes percutants : ? Aggression resulting from the economic and technological power created by 19th and 20th century industrialization and nationalism broke up this cultural symbiosis ?

(McLoughlin et Kilford, 1996 : 69-70).

Conclusion

Dans cette ?tude, nous avons voulu montrer qu'en intervenant dans l'?ducation depuis les ann?es 1960, la Commission europ?enne ne pour suit pas uniquement des objectifs d'ordre ?conomique mais s'efforce aussi d'atteindre un autre but : le d?veloppement d'une identit? euro communautaire chez les ressortissants des pays membres, ?... a long term cohesion of the Community, (...) a wider sense of solidarity and

mutual understanding particularly among the young generations who have no direct memory of the world war ? (European Commission, 1983 : 1)

Partant du principe pos? notamment par les tenants des approches n?o-institutionnelles historique et sociologique selon lequel les acteurs

n'agissent pas dans le vide mais s'inspirent des exp?riences pass?es lors de l'?laboration de leurs politiques, nous avons soulign? le fait que nous

retrouvons, au niveau de la politique europ?enne d'?ducation, trois

dynamiques qui ont jadis jou? un r?le important, dans le cadre ?tatique, dans la formation des identit?s nationales. En effet, nous avons vu que la Commission s'efforce de restructurer l'univers spatial des citoyens europ?ens en encourageant, par le biais de plusieurs instruments, la

mobilit? des personnes au sein de l'espace communautaire, mobilit?

qu'elle con?oit comme un ?l?ment cl? dans l'?mergence d'une cons

cience ou d'une identit? europ?enne. ? cet ?gard, elle ?crit, par exem

ple, que les mesures visant ? accro?tre les d?placements ?tudiants dans l'Union sont n?cessaires ? to the 'ever-closer union of the people of

Europe ' required by Article 1 of the EEC Treaty and to promoting the

'identity and images ' of the Community in the minds of its citizens ?

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Agir par mim?tisme 645

(OJEC no C 329, 28.05.85 : 24), qu'elles sont ? un excellent moyen de faire prendre aux citoyens de la Communaut? une conscience plus aigu? de l'identit? europ?enne ? (Commission des Communaut?s europ?ennes, 1976 : 87). Ou encore ? que cette mobilit? permettra de d?provincia liser les universit?s, de donner aux 'cadres' [et peut-on le penser aux

?tudiants] une conscience europ?enne, gr?ce ? une exp?rience directe de la vie, de la culture [...] d'autres pays ? (Commission des Commu naut?s europ?ennes, 1986a : 6). Nous avons ?galement vu que, tout comme jadis les b?tisseurs des ?tats, l'instance bruxelloise cherche ? cr?er un syst?me de significations partag?es, ou un cadre culturel

conjoint, qui repose sur l'affirmation d'une diversit? ench?ss?e dans un

h?ritage commun, patrimoine auquel il faut ? rendre sensibles les jeunes [... et] sans lequel la construction europ?enne resterait pour les citoyens [...] une abstraction juridique et un corps sans ?me ? (Beullac, 1977 :

1). Enfin, nous avons montr? que la Commission proc?de aussi ? cet exercice que nous qualifions d'? atemporalisation-naturalisation ? de la collectivit? imagin?e, exercice par lequel elle s'attache non seulement ? d?finir l'?tat-nation comme une ? parenth?se ? de l'histoire mais surtout ? pr?senter l'espace europ?en comme le cadre de vie naturel des ressor tissants communautaires, comme celui qui a exist? de tout temps et con tinuera d'exister jusqu'? la fin des temps.

Cette ?tude pr?sente, nous semble-t-il, un double int?r?t :

a) Comme nous l'avons indiqu? dans l'introduction, s'il existe

aujourd'hui de nombreuses ?tudes dans lesquelles les auteurs s'interrogent sur l'?mergence d'un demos ou d'une identit? ? l'?chelle europ?enne, tr?s

peu portent sp?cifiquement sur la politique europ?enne d'?ducation. La

plupart traitent de la citoyennet? europ?enne, de l'euro, des actions com munautaires dans l'audio-visuel, de la politique europ?enne d'information ainsi que, mais dans une moindre mesure, de la politique culturelle ou lin

guistique de l'Union.

b) Parmi les auteurs qui s'interrogent sur la possibilit? de cr?er, ? l'?chelle europ?enne, une identit? collective, plusieurs concluent par la

n?gative. Diverses raisons sont invoqu?es dont la suivante. La cr?ation d'une identit? supranationale n'est pas viable, ou du moins est difficile ment envisageable, car cela suppose que l'on soit en mesure de d?passer jusqu'? un certain point les identit?s nationales qui bien qu'?tant ? imagi n?es ? rev?tent aussi une dimension objective, ce qui les rend particu li?rement r?sistantes aux changements. Elles sont le fruit de politiques et

m?canismes sp?cifiques arr?t?s, principalement, dans les domaines de

l'?ducation, des langues et des mass m?dias. Ces arrangements institu tionnels sont non seulement ? l'origine de l'?mergence des identit?s nationales mais ils en assurent, une fois cr??es, la reproduction donc la stabilit? (Cederman, 2001 : 151). Or, les tenants de ce raisonnement sou tiennent 1) que ces m?canismes demeurent aujourd'hui encore contr?l?s

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646 Isabelle Petit

par les ?tats nationaux, 2) qu'en mati?re d'?ducation notamment ? a quick glance at the current situation reveals how far the European Union is

from securing these processes ?15 (Cederman, 2001 : 158), et 3) que les perspectives de changement sont peu reluisantes puisque ? the road to reforms in this area has now been blocked more permanently by constitutional guarantees included in the TEU and the Amsterdam

Treaty ?16 (Cederman, 2001 : 158). Or, ? l'issue de notre ?tude, il nous semble que de telles conclusions bas?es sur ? a quick glance ?, pour

reprendre l'expression utilis?e par Cederman (2001 : 158), sont quelque peu h?tives. ? notre avis, d'autres recherches s'imposent. Nous pour rions notamment examiner la mani?re dont ces diff?rents programmes communautaires ont ?t? mis en uvre par les pays membres. En d'autres

termes, nous pourrions nous pencher de fa?on syst?matique sur le degr? d'europ?anisation des politiques nationales d'?ducation, exercice amorc? dans une certaine mesure, par une auteure comme Soysal (2002).

Notes

1 Je tiens ? remercier ma coll?gue Jane Jenson pour ses conseils. Je remercie ?gale ment les ?valuateurs/trices anonymes de la REVUE pour leurs commentaires qui m'ont

permis de pousser un peu plus loin ma r?flexion.

2 Dans le cadre de l'UNESCO, la Commission est amen?e ? participer ? plusieurs groupes de travail charg?s d'?tudier les questions relatives ? l'enseignement sup?rieur et ?

l'?quivalence des dipl?mes. ? l'?poque, dans le cadre du Conseil de l'Europe, elle est

pr?sente dans trois comit?s qui se penchent sur l'enseignement sup?rieur et la recherche, l'?ducation g?n?rale et technique, et sur l'?ducation extrascolaire. Il est int?ressant de noter les similarit?s entre les mesures adopt?es par ces OI dans l'?ducation et celles

?labor?es, g?n?ralement un peu plus tard, par la Commission europ?enne. 3 Selon les tenants de l'approche n?o-fonctionnaliste, dont le repr?sentant le plus connu

est Ernest Haas (1958), le moteur du processus int?gratif europ?en est le ? spill over ? ou effet de d?bordement. Celui-ci repose sur l'id?e suivante : tous les secteurs

de l'activit? humaine sont interreli?s, si bien qu'en transf?rant ? une autorit? centrale

des comp?tences dans un domaine A, les ?tats seront contraints, ? plus ou moins

long terme, de transf?rer d'autres comp?tences ? cette autorit?. Pourquoi ? Car la

mise en uvre effective des politiques arr?t?es dans le domaine A (dans le cas qui nous int?resse, celui des ?changes ?conomiques au sein de l'espace communautaire)

exigera, ? un moment donn?, que des mesures soient prises dans le domaine B (dans le cas qui nous int?resse, celui de l'?ducation). De leur c?t?, les tenants de l'approche

inter-gouvernementale, dont le repr?sentant le plus connu est certainement Andrew

Moravcsik (1991 et 1998), estiment que les int?r?ts des ?tats et en particulier ceux

des plus puissants au sein de l'Union sont le vrai moteur de l'int?gration europ?enne. Ainsi, d'apr?s eux, si l'Acte unique europ?en a ?t? adopt? en 1986, apr?s une longue p?riode d'euroscl?rose, c'est parce qu'il ?tait dans l'int?r?t de l'Allemagne, de la

France et de la Grande-Bretagne d'instaurer un grand march? unique (Moravcsik,

1991). Or ce march? ne pouvait ?tre mis en place sans l'adoption de certaines mesures

dans le domaine de l'?ducation et notamment en mati?re de reconnaissance des

dipl?mes d'o? l'adoption des grands programmes tels qu'Erasmus ou encore Lingua etc. Pour une critique de ces deux approches, voir Rosamond (2000).

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Agir par mim?tisme 647

4 II nous semble n?cessaire de pr?ciser que dans cette ?tude, nous ne nous int?ressons

qu'aux seules intentions de la Commission, que nous nous effor?ons de rendre expli cites par le biais d'une comparaison. En nous interrogeant ainsi sur les intentions

de l'instance bruxelloise et non sur les r?sultats obtenus (plus ou moins grand suc

c?s de l'entreprise), nous nous d?marquons de la tr?s grande majorit? des ?tudes sur l'identit? europ?enne qui ont ?t? produites depuis la fin des ann?es 90 et qui s'ins?rent, en g?n?ral, dans une probl?matique plus large : celle de la d?mocra

tisation de l'Union. Dans la plupart de ces analyses, les auteurs s'efforcent de

r?pondre aux questions suivantes. Existe-t-il une identit? europ?enne et est-il

n?cessaire d'en avoir une? (Duchesne et Frognier 1995; Kohli 2000; Schild

2001; Schmitter 2000) Peut-il y avoir formation d'une identit? europ?enne et

si oui, sur quelles bases (ethniques, culturelles et/ou civiques)? (Ferry 1992;

Magnette 1999; Fossum 2003; Habermas 1992; Shaw 1997; Weiler 1997) Y a-t-il eu d?veloppement d'un sentiment d'appartenance ? l'Union et/ou ? l'Europe chez les ?lites nationales et/ou communautaires? (Laffan 2004; Shore 2000; Trondal 2002) Y a-t-il eu d?veloppement d'un sentiment d'appartenance ? l'Union

et/ou ? l'Europe chez le commun des mortels? (Bruter 2003; Carey 2002; Citrin et

Sides 2004; Deflem et Pampel 1996; Haesly 2001) De plus en plus d'auteurs

s'interrogent, pour leur part, sur la fa?on dont s'articulent l'identit? europ?enne et

les identit?s nationales et/ou r?gionales (Diez Medrano et Guti?rrez 2001; Kohli

2000; Risse 2004; Smith 1992; Woolf, 1993). D'autres encore?moins nombreux

cependant?comme Shore (1993 et 2000) ou Cederman (2001) se penchent sur les

m?canismes de formation d'une identit? europ?enne en tant que tels comme nous le verrons plus loin.

5 Pour de plus amples d?veloppements sur ce point voir Petit, 2006. 6 Nous retrouvons, dans le domaine des ?tudes europ?ennes, les trois types de n?o

institutionnalisme identifi?s, en politique compar?e, par Peter Hall et Rosemary Tay lor (1997). Pour des illustrations de l'utilisation des n?o-institutionnalismes historique, des choix rationnels et sociologique dans l'?tude de l'Union europ?enne voir, par

exemple, respectivement Garrett et Tsebelis (1996), Pierson (1996), et Risse (2004). Pour un r?sum?, voir Schmidt (1999).

7 Tous les auteurs ne partagent pas notre position. Certains estiment, en effet, que l'Union europ?enne est une construction sui generis, unique, et qu'il est par con

s?quent impossible, ou du moins difficile, de l'analyser en utilisant des concepts d?ve

lopp?s pour l'?tude des ?tats-nations. Pour une pr?sentation des deux positions et un

r?sum? critique des d?bats sur cette question, nous vous renvoyons ? Hix (1998) et ? Shore (2000).

8 Nous aurions ?galement pu traiter d'un autre ph?nom?ne qui lui aussi a jou? un r?le

important dans la formation des identit?s nationales ? savoir l'?mergence d'un ?tat ? l'?coute et au service de sa population, qui ? ach?te ? en quelque sorte la loyaut? des individus en leur accordant un certain nombre de droits. Nous ne l'avons pas fait faute d'espace et parce que cette dimension fait d?j? l'objet de nombreux d?veloppe

ments dans les ?tudes sur la citoyennet? en g?n?ral et la citoyennet? europ?enne en

particulier. Pour de plus amples d?veloppements sur ce point voir Petit (2002a : 225 227 et 233-244).

9 Le contraire semble ?galement vrai. Ainsi, selon Benedict Anderson (1991) par exem

ple, l'absence de mobilit? et de communication entre les diff?rentes parties de la

colonie espagnole d'Am?rique Latine due, en grande partie, aux distances et ? la

densit? de la v?g?tation, expliquerait, jusqu'? un certain point, pourquoi il y a eu

?mergence de plusieurs nations et non d'une seule. 10 Loin d'?tre marginale, sa position semble aujourd'hui partag?e par des auteurs aussi

diff?rents que Etienne Balibar, Immanuel Wallerstein, Liah Greenfeld, Rogers Bru backer ou encore Eugen Weber.

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648 Isabelle Petit

11 Au cours des ann?es, la Commission europ?enne a command? plusieurs ?tudes visant

? identifier les obstacles ? la libre circulation des acteurs du monde de l'?ducation; on peut d?j? voir l? une volont? de les ?liminer (par exemple, Commission des Com

munaut?s europ?ennes, 1989). 12 En adoptant une telle position, la Cour remet donc en question l'un des grands prin

cipes sur lesquels se sont ?difi?es les administrations nationales et qui, comme le

soulignent par exemple Charles Tilly (1993) ou encore Benedict Anderson (1991), a

jou? un r?le important dans le processus de d?marcation entre le ? nous ? et l'alt?rit?.

13 Cette sous-partie fait l'objet de plus amples d?veloppements dans Petit (? para?tre) 14 Pensons ici ? l'ex-Yougoslavie ou encore, dans une certaine mesure, ? la mont?e des

mouvements nationalistes r?gionaux en France, en Espagne, en Grande-Bretagne ou

encore en Italie.

15 Sans aller aussi loin que Cederman (2001), Shore (2000: 64) reconna?t, de son c?t?,

que la Commission europ?enne a utilis? des moyens plus efficaces que l'?ducation

dans son effort de construction d'une identit? euro-communautaire. Dans le m?me

sens voir Theiler, 1999a ou encore Soysal 2002: 275.

16 Pour un avis contraire voir, par exemple, Field (1998).

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