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Alcool-drogue : même Anesthésie chez les patients …stef.lopresti.free.fr/3eme sequence/terrain/Alcool_tox_EIADE11.pdf · Anesthésie chez les patients dépendants de l’alcool

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Anesthésie chez les patientsdépendants de l’alcoolet des drogues illicites

Ecole des Infirmiers

Anesthésistes

Michel ChandonService d’anesthésie

Hôpital Foch - SURESNES

Alcool-drogue : même problématique ?

• Celle des substances psychoactives�pouvant induire une dépendance (addictives)

�à fort retentissement sanitaire• individuel = complication de l’intoxication, aiguës et chroniques

• collectif = coût social

�mécanismes biochimiques cérébraux communs• de dépendance = système de récompense dopaminergique

• de sevrage

� regard social vis à vis des consommateurs dépendants• très « culturel »

• Mais�chaque substance psychoactive a des caractéristiques

propres, toxicologiques et sanitaires

Vocabulaire de l’addiction [1]

• Mode de consommation de substances psychoactives (OMS)• consommation ou usage : pas de retentissement

sanitaire ni psychosocial

• usage à problèmes ou abus : consommation mettant en jeu la santé physique ou psychique, et / ou entraînant un retentissement social

• dépendance : impossibilité pour le patient de se passer de la substance (psychique / physique)

Vocabulaire de l’addiction [2]

• Dépendance� psychique

• besoin irrépressible de consommer une substance en connaissance de ses dangers et de ses effets adverses

� physique• apparition de manifestations cliniques désagréables et / ou dangereuses lors

de l’arrêt de la prise de la substance responsable de l’addiction = syndrome de sevrage, état de manque

• héroïne, alcool, tabac entraînent une dépendance physique importantemais aussi les barbituriques, les benzodiazépines

• Tolérance (accoutumance)• nécessité d’augmenter les doses de substance consommée pour obtenir le

même effet

• certaines substances psychoactives n’entraînent pas ou peu de tolérance (cannabis, cocaïne et excitants)

• pas spécifique aux substances psychoactives (corticoïdes, vasoconstricteurs ORL…)

Substances psychoactives

• Illicites�opiacés

�cocaïne et crack

�excitants• ecstasy et dérivés

�hallucinogènes• LSD, champignons

�enivrants• solvants

�cannabis (addiction,

dangerosité remises en Q)

• Licites�médicaments

détournés• barbituriques, BZD

• antidépresseurs

• analgésiques palier II et III

• produits de substitution

• anesthésiques• kétamine, gamma-OH, N2O

• anabolisants

�alcool

� tabacProduits dangereux en raison de leur pouvoir addictogène

Produits ayant une dangerosité sanitaire importante

Rapport Roques 1999

Mécanismes de la dépendance psychique

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Alcool

Alcool : données générales

• Consommation alcool� 1 l boisson à 10° = 80 g alcool (densité éthanol = 0,8)

• Définition de l’éthylisme chronique� consommation journalière ≥ 60 g alcool / j depuis plusieurs mois

ou années

� ± dépendance vis à vis de l’alcool

• Epidémiologie� première cause mondiale d’intoxication

� 5 millions de buveurs dépendants ou à problème en France

� 45 000 décès attribuables / an (1995) = 16 000 cancers, 8200 affections digestives, 7600 accidents et traumatismes

• Morbidité périopératoire augmentée� complications 20 � 67 % (chir. colorectale, ORL, œsophage)

� surtout si syndrome de sevrage

Alcool : retentissement sanitaire

• Intoxication aiguë�conséquences traumatologiques

• 25 à 35 % des AVP, 58 % des TC…

�coma éthylique par surdose (« binge drinking »)parfois mortel (dépression respiratoire, inhalation massive)

• Conséquences physiologiques�cardiovasculaires, neurologiques, digestives,

immunologiques, psychiatriques

• Facteur de risque de cancers�ORL et digestifs

�+ co-intoxication tabagique dans 55 à 73 % des cas

Alcool : prise en charge

• Retentissement de l’intoxication alcoolique

• Interaction intoxication alcoolique et médicaments anesthésiques

• Syndrome de sevrage

Conséquences cardiovasculaires [1]

• Effet protecteur de l’alcool� pour cardiopathie ischémique si consommation modérée

• Cardiomyopathie alcoolique� CMNO avec dilatation VG et baisse de la fraction d’éjection

� survenue liée à l’importance et durée de l’intoxication

� évolution grave : espérance de vie = 4 ± 3 ans si intoxication arrêtée

� en fait 1/3 des alcooliques chroniques ont des altérations de la FE

• Rare : béribéri cardiaque par carence en vitamine B1

Conséquences cardiovasculaires [2]

• Arythmies�augmentation de QT, hyperexcitabilité, allongement

conduction AV et auriculaire

� tachycardies surtout supraventriculaires, en situation d’hypercatécholaminémie (postop)

�syncopes et morts subites lors d’ivresses aiguës = TV

• HTA�vasodilatation lors de l’intoxication aiguë

�HTA chez l’alcoolique chronique (> 80 g/j chez l’homme, 40 g/j chez la femme)

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Conséquences hématologiques et immunitaires

• Hématologie�anémie macrocytaire (indépendante de la carence en

acide folique associée)

• Coagulopathie alcoolique� thrombopénie et surtout thrombopathie

�activité fibrinolytique augmentée

� indépendamment des conséquences de la cirrhose (thrombopénie + insuffisance hépatocellulaire)

• Diminution de l’immuno-incompétence� infections , cancers

Conséquences respiratoires

• Risque infectieux respiratoire� immunodépression

�+ intoxication tabagique associée

� inhalation de liquide digestif lors des intoxications aiguës (SDRA)

• Hypoxémie�sédation alcoolique, même si alcoolémie faible

�augmentation des apnées du sommeil et des épisodes de désaturation nocturne

Conséquences neurologiques

• Centrales�vasculaires : accidents vasculaires hémorragiques

(x 4 à 6)

�atrophie cortico sous-corticale• cortex frontal, moteur

• comitialité majorée par la prise d’alcool

�encéphalopathie de Gayet-Wernicke• carence en vit B1, urgence métabolique

• évolution vers syndrome de Korsakoff si non traitée

�myélinolyse centropontine (hyponatrémies)

• Neuropathies périphériques�polynévrite alcoolique

�névrite optique rétro-bulbaire

Conséquences digestives

• Fréquence augmentée de�cancers digestifs, ulcères gastrique et duodénal,

gastrite, œsophagite

• Stéatose - cirrhose hépatique�stéatose constante chez l’alcoolique chronique,

réversible

�hépatite aiguë alcoolique évolue vers la cirrhose

• Pancréatite�aiguë, parfois sévère

�chronique, liée à l’importance de l’intoxication

Conséquences métaboliques

• Métabolisme hydrosodé� intoxication aiguë -> polyurie par inhibition sécrétion ADH

� intox. chronique -> rétention sodée avec fuite potassique par activation du système rénine-angiotensine

� intoxication par l’eau des gros buveurs de bière

• Acidose métabolique� acidocétose lors de consommation massive d’alcool à jeun

• Autres modifications� hypertriglycéridémie -> nécroses osseuses, pancréatite

� hypercholestérolémie, hyperuricémie, intolérance glucidique

� hypocalcémie, hypophosphatémie

Interactions pharmacologiques

• Intoxication aiguë� compétition ou additivité au niveau des sites d’action

� modification des structures membranaires -> absorption intracellulaire des médicaments modifiée

• Intoxication chronique� activation des structures hépatiques de dégradation : cytochrome

P450, isoenzyme P4502E1

� augmentation du volume de distribution

� modifications membranaires

• Conséquences� « sensibilité » aux drogues en cas d’intoxication aiguë

� « résistance » en cas d’intoxication chronique

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Hypnotiques

• Thiopental�sensibilité cérébrale non modifiée, mais nécessité

d’augmenter les doses si injection rapide

• Propofol�nécessité d’augmenter les doses

�voire authentiques cas de résistance

• Halogénés�expérimentalement : tolérance aux halogénés avec

augmentation de la durée d’induction (cytochrome P450)

�chez l’homme : éviter halothane, hépatotoxique

Adjuvants de l’anesthésie

• Curares� pas de données objectives

� préférer les curares non métabolisés par le foie : atracurium et cisatracurium

• Morphiniques� augmentation de la consommation démontrée pour fentanyl et

alfentanyl (effet opioïde-like de l’alcool)

� pas de modifications pharmacocinétiques

• Analgésiques non morphiniques� paracétamol contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique

� prudence avec les AINS (complications gastro-duodénales)

Période préopératoire

• Diagnostic de l’intoxication alcoolique� toujours très sous-évalué

• échelles (MAST, CAGE)

• marqueurs (VGM, GGT) : peu spécifiques et sensibles; dosage de la CDT (carbohydrate deficient transferrin) mieux mais peu pratiqué

� intoxications associées : tabac, benzodiazépines

• Evaluation du retentissement� cardiovasculaire, neurologique, nutritionnel, immunitaire

� bilan paraclinique• radio thoracique (cardiomégalie, foyer, surcharge)

• ECG

• NFS plaquettes + coagulation + iono + bilan hépatique + bilan métabolique complet

• éventuellement échographie cardiaque, fibroscopie œso-gastro-duodénale, recherche et traitement de foyers infectieux

Préparation à l’intervention

• Chirurgie réglée� il est logique et prouvé qu’un sevrage d‘un mois,

surtout en cas de chirurgie lourde, diminue la morbidité (surtout DT et pneumopathies)

�services d’alcoologie, centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie CHAA

• Chirurgie urgente�bilan simplifié

� rechercher les signes de sevrage

�apport de glucose, de vitamine B1 500 mg/j et B6 200 mg

Période opératoire [1]

• Prémédication�sédative et anxiolytique : benzodiazépines

�± clonidine logique mais non évaluée

• ALR ? Evaluer rapport bénéfice-risque�pas en cas de neuropathie

�attention aux anomalies de coagulation

• AG� isoflurane halogéné de choix, sévoflurane sans doute

�besoins en propofol et morphiniques augmentés; intérêt du BIS non démontré mais probable

Période opératoire [2]

• Estomac plein en cas d’urgence�et toujours en cas d’intoxication aiguë

� intubation en séquence rapide : pento/propofol + succi + manœuvre de Sellick

• Intoxication aiguë�diminution des doses d’induction et consommées

� risque de collapsus

• Réanimation peropératoire� tenir compte des données du bilan biologique préop

�adapter le remplissage (CMNO alcoolique)

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Syndrome de sevrage postopératoire

• Incidence et délai de survenue� 16 à 31 %; incidence plus élevée de complications et allongement

du temps d’hospitalisation

� en moyenne à J2 postopératoire

• Clinique� anxiété, agitation, irritabilité, insomnie

� tr. neurovégétatifs Σ : sueurs, tremblements, tachycardie, HTA

� tr. digestifs : anorexie, nausées, vomissements

� se compliquant de• Dlirium Tremens (DT) : hallucinations, confusion, désorientation, obnubilation,

hyperthermie, convulsions

• en cas de persistance des signes de sevrage, évoquer dépendance BZD

Prévention du syndromede sevrage

• Administration de benzodiazépines� mesure validée

� flunitrazépam (Narcozep®, Rohypnol®), diazépam (Valium®), chlorazépate (Tranxène®), etc.

• Administration empirique d’alcool� non recommandée par les alcoologues et les psychiatres

� et en raison de la toxicité propre de l’alcool

� souvent utilisée en fait en complément ou comme alternative aux BZD (hospitalisation courte, patient non compliant)

• Autres médicaments� carbamates (Equanil®) , tiapride (Tiapridal®)

� pas d’avantages prouvés par rappport aux benzodiazépines

Traitement du syndromede sevrage

• Administration d’une benzodiazépine� toutes se valent : 10 mg diazépam = 30 mg

oxazépam (Seresta®) = 2 mg de lorazépam (Temesta®) = 15 mg de chlorazépate (Tranxène®) = 1 mg d’alprazolam (Xanax®)

�mais les BZD à demi-vie longue (diazépam, chlorazépate, flunitrazépam) préviennent mieux les crises comitiales

� répartir la dose, si possible par voie orale sur 24 h en surveillant la sédation (risque d’inhalation)

• Eventuellement�bêta-bloquant ou clonidine

Traitement DT et convulsions

• Codifié par conférence de consensus• en USI, par voie IV : diazépam titré (5 à 10 mg) ou flunitrazépam

(0,5 à 1 mg) jusqu’à obtention d’un score de Ramsay S2 ou S3

• puis réinjections à la demande (5 mg Valium ou 0,5 mg Narcozep) ou administration continue

• halopéridol titré si hallucinations persistantes

• Hydratation adaptée aux pertes

• Vit B1 500 mg/j

• Crise comitiale• unique = attendre

• si récidive : clonazépam (Rivotril®) ou diazépam (Valium®)

• si état de mal convulsif : sédation lourde sous intubation et ventilation assistée

Postop : nutrition et métabolisme

• Apports hydriques�adaptés, donc importants en cas de DT avec

hyperthermie

�mais pas d’hyperhydratation (risque d’hyponatrémie)

• Apport glucidique� indispensable, régulier (pompes)

�surveillance de la glycémie capillaire

• Electrolytes�selon des données du bilan

• Vitamines�B1 ≥ 500 mg/j, B6 ≥ 200 mg / j, PP ≥ 100 mg /j

Période postopératoire

• Analgésie�paracétamol oui si pas d’insuffisance hépatique

�AINS : prudence

�morphiniques / ALR : comme d’habitude

�une analgésie optimisée diminuerait la fréquence de survenue du syndrome de sevrage

• Digestif� reprise de l’alimentation ou nutrition entérale précoce

� indication large des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole = Mopral® , Inexium®…)

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Drogues illicites

opiacésles autres

Opiacés

• Opiacés = héroïne� principal produit illicite entraînant une forte dépendance

• la consommation a diminué, mais encore 150 000 à 180 000 usagers « à problème »[OFDT 2003]

• réaugmentation depuis 2000, modification du profil de consommation (sniff)

� conséquences sanitaires majeures : surdoses, infections (virales surtout)

� efficacité de la politique de réduction des risques(vente libre des seringues 1989, substitution bas seuil au Subutex® 1996)

• diminution des surdoses : 564 décès en 1993 dont 505 H, 23 dus à H en 2005), tendance depuis à réaugmentation : 38 en 2006, 52 cas en 2008…

• diminution des contaminations viralesprévalence VIH chez les injecteurs 20 % en 1996, 7,3 % en 2006mais prévalence VHC reste stable autour de 60 %

• Polyusage presque constant chez l’héroïnomane dépendant

� alcool, BZD, barbituriques > cocaïne, crack, amphétamines

� produits de substitution légale ou non légale (Subutex® +++)

La substitution légale

• Réduction des risques par la substitution• empêcher l’apparition du syndrome de sevrage par administration d’un opioïde

per os de longue durée d’action (une seule prise quotidienne), sans effet flash

• pour diminuer ou supprimer le recours à l’injection IV, resocialisation

• Méthadone = réduction des risques « haut seuil »• agoniste pur; pas d’effet plafond; antagonisable; additivité avec anesthésie, en

fait peu de conséquences

• dispositif « lourd » : prescription et délivrance en centre agréé, surveillance toxicologique

• peu d’accidents de surdosage

• Buprénorphine (Subutex®) = RR « bas seuil »• agoniste-antagoniste, récepteurs µ; effet plafond ;non antagonisable =>

antagonisme avec les agonistes purs (en fait peu avec sufenta, alfenta)

• théoriquement pas de dépression respiratoireen fait surdoses mortelles décrites = injection IV (58 % des usagers de BHD détournée 2005), BZD associées [Tracqui Presse Méd 98]

• devenu un produit d’addiction « comme les autres » 2 à 5 € / 8 mg28 % des usagers de Subutex détournent en 2005

Substitution /autosubstitution

Produit Dose quotidienne Cadre d ’utilisation N usagers2007 fourchette hte

Méthadone 40 à 80 mg / j AMM pour substitution 240001 prise / j Centre agréé « haut seuil »

Buprénorphine 0,8 à 16 mg / j AMM pour substitution 960 00 Subutex® 1 prise / j Tout médecin « bas seuil »

+ autosubst.+ détournée

Morphine sulf. 60 à 120 mg / j Pas d’AMM ??Skénan ®… 2 ou 3 prises détournée

Codéine cp 15 mg Pas d’AMM > 12 MNéocodion ®… 30 à 60 cp / j Automédic. tolérée boites / an 96

6 M en 2002

Tolérance et sevrageaux opiacés

• Sevrage� déséquilibre entre effets antinociceptifs (courte durée) et effets

pronociceptifs (longue durée) des opioïdes

� libération de glutamate

� hyperactivité noyaux gris centraux noradrénergiques : locus cœruleus LC, SGPA, noyau du raphé, moelle, riches en récepteurs µ et kappa

� => hyperactivité sympathique, hyperalgésie = syndrome de sevrage

• Effets de substances associées� antagonistes des récepteurs NMDA

• la kétamine inhibe l’hyperactivité des neurones induite par le glutamate libérédans le LC en cas de sevrage morphinique chez le rat

• elle est efficace en clinique pour diminuer les phénomènes de tolérance et prévenir le sevrage

� agonistes α2 adrénergiques (clonidine) : action postsynaptique

Toxicomanie aux opiacés :conséquences pratiques

• Situations cliniques rencontrées� pathologies liées à la toxicomanie

• à la drogue elle-même : surdosages ou sevrages

• complications « sanitaires » = contaminations virales, infections

� majorées par l’altération de la douleur-signal

• En situation chirurgicale, le sevrage entraîne� une hyperalgésie constante

• qui se surajoute à la douleur chirurgicale

� une hyperactivité sympathique

� des conséquences psychiques sévères

• La prise en charge doit donc assurer� la prévention du sevrage (composantes somatique et psychique)

� le traitement de la douleur

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Motifs d’accès à la chirurgie

• Le plus souvent des urgences• abcès sur site d ’injection, thrombophlébite septique

• fractures (AVP, rixes)

• plaies par balles ou par armes à feu

• aponévrotomie pour rhabdomyolyse par surdose…

• Mais aussi chirurgie réglée• affection chirurgicale intercurrente (souvent toxicomanes

substitués)

• LNH digestif toxicomane VIH, endocardite tricuspidienne…

• Obstétrique• retard de diagnostic de grossesse

• dissimulation de la toxicomanie

• morbidité +++ : avortements spontanés, prématurité, RCIU

Principes de la prise en charge

• Assurer� la prévention du sevrage

(composantes somatique et psychique)

� le traitement de la douleur (et sa composante hyperalgésique)

• préopératoire si urgence

• postopératoire toujours

Nécessité d’un contrat de soins

• Pour éviter les difficultés « habituelles� agressivité, troubles du

comportement

� recherche compulsive de toxiques et de médicaments

� vols, fugues, approvisionnement par visiteurs…

Eléments du contrat de soins

• Etablir les objectifs de l’hospitalisation� presque jamais le moment d’un sevrage

� accepter de ne pas tout prendre en charge

• L’équipe s’engage� à prévenir l’état de manque

� à traiter la douleur

� à traiter l’anxiété

� à informer le patient (choix thérapeutiques, délais…)

Avec de la morphine ou d’autres morphiniques

• Le patient s’engage� à la franchise lors de l’interrogatoire et des soins

� à accepter un certain inconfort lors des phases d’adaptation

� à ne pas recourir à des substances non prescrites

� à ne pas entrer dans une logique de chantage

Contractants

• Le patient et son entourage� famille et proches

�accepter une éventuelle limitation des visites

• L’équipe soignante� toute l’équipe : médecins (AR), chirurgiens, personnel

soignant

• Equipe spécialisée en toxicomanie�psychiatrie de liaison, SDIT, ECIMUD

• Pharmacie hospitalière�procédures établies pour médicaments de

substitution

Etape préopératoire

• Interrogatoire et examen clinique• produits consommés, doses, horaire dernières prises

• signes d’imprégnation ou de sevrage

• complications de la toxicomanie

• Examens complémentaires• selon terrain, chirurgie envisagée, complications potentielles

• ECG si cocaïne, amphétamines ou suspicion

• recherche de toxiques utile en urgence

• TDM cérébral en cas de coma

• bilan hépatique simplifié (ASAT, ALAT, PAL, temps de Quick)

• sérologies selon l’accord du patient

• radio de thorax ± abdomen (ingestion de sachets)

Situations rencontrées

• Héroïnomane actif�en phase d’intoxication aiguë

�en phase de sevrage

• Héroïnomane substitué�à la méthadone

�au Subutex®

• Héroïnomane sevré

• Femme enceinte

Recommandations Formalisées d’Experts Sfar 2009 : Gestion périopératoire des traitements chroniques et dispositifs médicauxhttp://www.sfar.org/_docs/articles/150-rfe_ttsdm09.pdf

Recommandations Formalisées d’Experts Sfar 2009 : Gestion périopératoire des traitements chroniques et dispositifs médicauxhttp://www.sfar.org/_docs/articles/150-rfe_ttsdm09.pdf

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Héroïnomane en phase aiguëd’intoxication

• Conduite à tenir� intervention immédiate si urgence

�surdose : intubation et ventilation mécanique

• Pas de naloxone

Héroïnomane en phasede sevrage

• Prévention du manque + traitement de la douleur par chlorhydrate de morphine� soit

• établir une ration quotidienne de base « substitution »(mais la pureté de l ’héroïne est très variable 10-25%)

• + ration « analgésie »

• = dose totale administrée en IM ou SC / 4 h ou en IV SE

� mieux = titration de morphine sous surveillance stricte =dose pour 4 h + paracétamol, néfopam, AINS

� surveillance et réévaluation à 1 h et toutes les 4 h• du niveau de douleur, de symptomatologie de manque

• du niveau de sédation

• Associer BZD à 1/2 vie longue� si co-dépendance ou anxiété importante

Héroïnomane substitué

• Méthadone• la donner le matin en chirurgie réglée

• en urgence : traiter la douleur par la morphine aux doses habituelles + antalgiques périphériques

• si voie orale inutilisable : morphine SC ou IM (10 mg morphine parentérale = 10 mg méthadone PO) en 6 injections

• + ration analgésie

• Subutex®

� efficacité antalgique imprévisible à forte dose (effet plafond)

• poursuivre si EVA prévue < 4, ALR prévue, voie SL utilisable

• prévoir relais par morphine si EVA prévue > 4en urgence l’AG utilise morphiniques de forte affinité (alfentanil, sufentanil)

• Dans les deux cas éviter les BZD• message clair : substitution + BZD = DANGER

Héroïnomane sevré

• Risque = réinduction de dépendance [May

Anesth. Analg 2001]

�privilégier ALR +++ dès la période préopératoire si possible

�analgésiques non morphiniques, clonidine

�BZD utiles (aide équipe psychiatrie de liaison)

�si douleur importante, utiliser la morphine aux doses habituelles

�analgésie planifiée et réévaluée

�éviter les morphiniques de forte affinité

Grossesse / toxicomanieaux opiacés

• Consommation d’héroïne et sevrage dangereux� diagnostic tardif de G, avortements, syndrome sevrage du NN

� la substitution améliore le pronostic obstétrical

� mais problèmes non résolus• quel produit ? sevrage du NN, allaitement…

� 1000 à 2000 grossesses / an sous Subutex®, 160 à 320 sous méthadone

• Conduite à tenir pour accouchement / césarienne� poursuite substitution, relais morphine si nécessaire

� analgésie péridurale souhaitable

� équipe spécialisée en toxicomanie

Problèmes peropératoires -Impératifs

• Etat veineux� induction au masque (sévoflurane)

�cathéter central (chirurgie abdominale, thoracique, traumato)

• Respect des précautions universelles�pour la prévention des maladies transmissibles

par le sang et les liquides biologiques

�port de gants, masques, éviter de recapuchonner les aiguilles, robinets à 3 voies

�protéger l’appareil d’anesthésie par un filtre

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Peropératoire

• ALR souhaitable� permet de dissocier analgésie / prévention de l ’état de manque

� techniques avec cathéter => poursuite de l ’analgésie

� apporter en peropératoire morphiniques et BZD en QS pour prévention du sevrage

• AG souvent « raisonnable » ou nécessaire• « raisonnable » = acte bref peu douloureux et / ou patient non compliant

• nécessaire = chirurgie abdominale, thoracique

� morphiniques de forte affinité (alfentanil, sufentanil)surtout si le patient a reçu du Subutex®

� surveillance du BIS certainement utile

� AG en urgence chez le toxicomane = estomac plein

� administration de kétamine logique (0,15 à 0,4 mg/kg)

� anticiper l’analgésie postopératoire en fin d’intervention, en VS après décurarisation [Mitra] : antalgiques palier I + bolus morphine en fonction de la FR

Réveil et période postopératoire

• Après ALR• poursuite analgésie LR avec AL + clonidine ± analgésiques périphériques

• poursuite substitution prévue (Subutex®, méthadone, morphine)

• Après AG• paracétamol ± néfopam ± AINS

• morphine titration (incréments de 5 à 8 mg), puis SC, IM ou IV

• PCA chez le toxicomane substitué ?

• BZD si dépendance ou si anxiété

• α2 agonistes probablement utiles - antagonistes des récepteurs NMDA

• kétamine surtout si analgésie insuffisante

• Dans tous les cas� surveillance clinique et instrumentale

� réévaluation toutes les 4 h au début (efficacité - tolérance)

A plus long terme

• Diminution de la douleur postopératoire• arrêt de l’analgésie locorégionale

• ou diminution des apports de morphinejusqu ’à revenir à la ration « de base »

• Reprise ou institution de substitution• équipe spécialisée +++

• diminution et arrêt des BZD

• le plus souvent Subutex®

• Sevrage ?• antalgiques, antispasmodiques, inducteurs de sommeil

• BZD (sauf Tranxène® et Rohypnol®) ou neuroleptiques

• intérêt des α2-agonistes (clonidine)

• sevrage rapide (naltrexone + AG) = NON recommandé [Conf. Cons. FFP 99]

Drogues illicites

opiacésles autres

Cocaïne et crack

• Formes disponibles - Epidémiologie� nombres d’usagers France 350 000 à 500 000 ??

� cocaïne chlorhydrate sniffée, rarement IV ou fumée• mode « traditionnel » des usagers insérés, peu de recours aux soins

� crack = cocaïne base fumée, rarement IV• dépendance très rapide et très forte - marginalisation +++

• problème de santé publique aux Antilles et en Guyane

• Modes de consommation� consommateurs occasionnels

• majorité ? sur 30 M expérimentateurs aux USA, 20 % consommateurs réguliers, 5 % de dépendants (NIDA 1998)

� abuseurs et dépendants• « binge » surtout : périodes brèves de consommation massive

• polyconsommation : speedball, descente de cocaïne / crack

• une consommation non quotidienne de C peut donc être à risque

Complications de la cocaïne

• Syndrome d’hyperstimulation sympathique� HTA paroxystique, accidents coronariens, AVC, dissection

aortique, troubles de l’excitabilité, FV et arrêt cardiaque

• Complications neurologiques� convulsions, état de mal, coma

� AVC ischémique ou hémorragique

• Complications respiratoires� dyspnée sine materia lors de l’hyperstimulation sympathique

� crack lung immunoallergique

• Autres complications� ORL (nécrose cloison nasale)

� hyperthermie / rhabdomyolyse

� grossesse : avortements, HTA gravidique, jittery baby

Page 10: Alcool-drogue : même Anesthésie chez les patients …stef.lopresti.free.fr/3eme sequence/terrain/Alcool_tox_EIADE11.pdf · Anesthésie chez les patients dépendants de l’alcool

Cocaïne et anesthésie

• Nombreux cas d’interaction décrits� le plus souvent imprévus

• prise de cocaïne non spontanément avouée

• prise de cocaïne non recherchée

• pas de signes d’imprégnation évidents

� y penser devant tout accident de type « hyper » sous AG ou ALR• HTA sévère, troubles de l’excitabilité, ischémie myocardique,arrêt circulatoire,

convulsions, AVC

• après élimination des autres causes : anesthésie insuffisante, phéochromocytome, hyperthermie maligne

• Facteurs favorisants� catécholamines

• endogènes : anesthésie insuffisante, kétamine

• exogènes : tout apport exogène, y compris AL adrénalinés

� halothane (troubles de l’excitabilité)

� étomidate, enflurane (potentiel convulsivant)

Stimulants - Hallucinogènes

• Stimulants = dérivés de l’éphédrine (designer drugs)

� ecstasy ou « Adam » (MDMA), « Eve » MDEA, méthamphétamine « Crystal », « Ice », « Yaba »…

� risques • hyperthermie parfois mortelle

• syndrome d’hyperstimulation sympathique ≈ cocaïne

• hépatite fulminante

• troubles psychiques chroniques (lésions cérébrales irréversibles démontrées)

• dépendance psychique majeure, désocialisation avec méthamphétamine

Plus de 100 décès décrits dus à l’ecstasy

• Hallucinogènes� LSD, phencyclidine, kétamine

� états psychotiques aigus, effet sympathomimétique

Cannabis

• Très consommé� 850 000 consommateurs réguliers (10 fois par mois) en France

� toxicité aiguë très faible

• Il est responsable� d’AVP : 230 décès / an dus au cannabis seul

risque relatif x 1,8, x 14 si alcool associé [Etude SAM, 2005]

� de consommation à problèmes chez 6 % des filles et 14 % des garçons de 17-18 ans (consommation quotidienne, retentissement sur la vie scolaire, familiale)

� révélation schizophrénie sous-jacente

• Très peu d’interactions décrites avec anesthésie� œdème de la luette 2 cas (peropératoire et aux urgences)

� agitation au réveil

� recommandation : arrêt la veille de l’intervention

Conduite pratique

• Imprégnation par cocaïne, crack, amphétamines� risque cardiovasculaire et neurologique

• surveillance monitorée en USI ou SSPI

• traitement symptomatique des à-coups tensionnels et troubles de l’excitabilité (nicardipine, esmolol)

• éphédrine « inactive », utiliser les α-β- (esmolol, labétalol) plutôt que les β-purs (propranol) qui ont une activité sympathomimétique intrinsèque

• traitement convulsions

• anesthésie profonde - éviter hypercathécholaminémie

� troubles psychiques (crack)• Tercian®, Nozinan®…

• Dans tous les cas� traiter toute pathologie associée

� liée à la toxicomanie ou à la pathologie chirurgicale(hypovolémie, sepsis…)

Conclusions

• Le « paysage » de la toxicomanie est en évolution incessante� amélioration de la prise en charge

• évolution du regard sur l’addiction, réduction des risques

� « nouvelles » toxicomanies

� domaines de recherche• substitution périopératoire par agonistes purs PO (méthadone ?)

• prise en charge des femmes enceintes

• prise en charge de la dépendance psychique (antagonistes D3)

• L’alcool reste une problème de santé majeur� prise en charge anesthésique : dépistage, investigation,

anticipation du sevrage