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L ICENCE DE MATHÉMATIQUES 3ème année Algèbre – 2ème Partie Groupes de Lie C.-A. PILLET

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LICENCE DE MATHÉMATIQUES

3ème année

Algèbre – 2ème Partie

Groupes de Lie

C.-A. PILLET

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Table des matières

1 Préliminaires 7

1.1 Algèbres matricielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.1.1 L’algèbre de Banach Mat(d,K) . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.1.2 Calcul fonctionnel analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.1.3 Sous-groupes à un paramètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

1.2 Groupes linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.2.1 Groupes orthogonaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

1.2.2 Groupes unitaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.2.3 Groupes symplectiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

1.2.4 Groupes d’isométries affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

1.3 Groupes Topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

1.3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

1.3.2 Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

1.3.3 Composantes connexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

1.3.4 Espaces simplement connexes . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

1.3.5 Mesure de Haar d’un groupe compact . . . . . . . . . . . . . 39

2 Groupes de Lie 41

2.1 Définition et exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

2.2 L’algèbre de Lie d’un groupe de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

2.3 L’application exponentielle g→ G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

2.4 Algèbres de Lie abstraites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

2.5 Morphismes locaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

2.6 La représentation adjointe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

2.7 La formule de Baker-Campbell-Hausdorff . . . . . . . . . . . . . . . 63

3

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3 Représentations des groupes de Lie 69

3.1 La représentation d’algèbre de Lie induite . . . . . . . . . . . . . . . 69

3.2 Représentations de l’algèbre de Lie su(d) . . . . . . . . . . . . . . . 74

3.2.1 Représentations des algèbres de Lie sl(2,C) et su(2) . . . . . 75

3.2.2 Représentations de l’algèbre de Lie sl(3,C) . . . . . . . . . . 80

A Groupes affines 85

A.1 Action de groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

A.2 Espaces et applications affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

A.3 Repères affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

A.4 Groupes affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

A.5 Espaces affines pseudo-euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

B Les groupes de Lie des théories de la relativité 91

B.1 Mouvement relatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

B.2 Relativité galiléenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

B.3 Le groupe de galilée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

B.4 L’espace de Minkowski . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

B.5 Le groupe de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

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Bibliographie1. R. Mneimné, F. Testard : Introduction à la théorie des groupes de Lie classiques.

Hermann, Paris, 1996.

2. G. Pichon : Groupes de Lie, représentations linéaires et applications. Hermann, Pa-ris, 1973.

3. N. Bourbaki : Groupes et algèbres de Lie. Masson, Paris, 1981.

4. A. Baker : Matrix Groups. An Introduction to Lie Group Theory. Springer, NewYork 2002.

5. B. Hall : Lie Groups, Lie Algebras, and Representations. An Elementary Introduc-tion. Springer, New York, 2003

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6 TABLE DES MATIÈRES

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Chapitre 1

Préliminaires

1.1 Algèbres matricielles

Rappels et conventions. Dans tout ce cours, K = R ou C et les espaces vectorielssont toujours réels ou complexes. On rappelle que toutes les normes sur un espacevectoriel de dimension finie V sont équivalentes, la topologie induite par la métriqued(x,y) = |x − y| ne dépend donc pas du choix de la norme | · |. Cette topologie estséparable (il existe un sous ensemble dénombrable dense dans V). Tous les espacesvectoriels de dimension finie seront munis de cette topologie. Toute norme sur unespace vectoriel de dimension finie y induit une structure d’espace de Banach sépa-rable (un espace vectoriel normé complet et admettant un sous-ensemble dense dé-nombrable). Soit e1 . . . , ed une base quelconque de l’espace vectoriel V. On dénotepar xi ∈ K les composantes de x ∈ V relativement à cette base. Une suite x(n) ∈ V

est une suite de Cauchy (respectivement converge vers x ∈ V) si et seulement si lessuites x(n)

i sont des suites de Cauchy (respectivement convergent vers xi).

Soit V un espace vectoriel complexe de dimension finie et O ⊂ C un ouvert. Unefonction f : O → V est analytique s’il existe une base e1, . . . , ed de V telle queles composantes fi : O → C de f relativement à cette base soient analytiques. Si fest analytique, alors cette propriété est vraie pour toutes les base de V. En effet, lescomposantes f ′i de f relativement à une base e ′1, . . . , e ′d sont exprimées à l’aide descomposantes fi par la formule de changement de base

f ′i(z) =

d∑j=1

Sijfj(z).

f : O→ V est analytique si et seulement si, pour tout z0 ∈ O elle admet un dévelop-pement

f(z) =

∞∑n=0

an(z− z0)n,

7

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8 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

absolument convergent dans tout disque Dr(z0) = z ∈ C | |z − z0| < r contenudans O. Les coefficient an ∈ V sont alors donnés pas la formule de Cauchy

an ≡∮Γ

f(z)

(z− z0)n+1

dz

2πi,

où Γ est un contour encerclant z0 et entièrement contenu dans O.

Si V est un espace vectoriel réel, son complexifié VC est l’espace vectoriel complexedéfini par VC = V× V, la loi d’addition (u, v) + (u ′, v ′) = (u+ u ′, v+ v ′) et la loiexterne (λ+ iµ)(u, v) = (λu− µv, λv+ µu). On écrira alors (u, v) = u+ iv et onidentifiera u ∈ V avec u+ i0 ∈ VC.

Soit V un espace vectoriel réel et I =]a,b[⊂ R un intervalle ouvert. Une fonctionf : I→ V est réelle-analytique s’il existe un ouvert O ⊂ C tel que I = O ∩R et unefonction analytique f : O→ VC dont la restriction à I est f.

On peut définir de la même manière une fonction analytique de plusieurs variables.Si r = (r1, . . . , rk), avec ri > 0, on appelle polydisque de rayon r centré en z0 =

(z01, . . . , z0k) le sous-ensemble ouvert

Dr(z0) ≡ (z1, . . . , zk) ∈ Ck | |zi − z0i| < ri pour i = 1, . . . ,k.

Une fonction f : Dr(z0) → V est analytique s’il existe une base de V telle queles composantes fi : Dr(z0) → C de f relativement à cette base admettent undéveloppement

fi(z1, . . . , zk) =

∞∑n1,...,nk=0

a(i)n1···nk(z1 − z01)

n1 · · · (zk − z0k)nk ,

absolument convergent dans tout sous-ensemble compact deDr(z0). Les coefficientsde ce développement sont donnés par la formule de Cauchy

a(i)n1···nk =

∮Γ

fi(z1, . . . , zk)(z1 − z01)n1+1 · · · (zk − z0k)nk+1

dz1 · · ·dzk(2πi)k

,

où Γ = (z1, . . . , zk) | |zi − z0i| = εi et εi < ri.

1.1.1 L’algèbre de Banach Mat(d,K)

L’ensemble des endomorphismes de Kd, c’est-à-dire l’ensemble des matrices d × dsur K, est noté Mat(d,K). C’est une K-algèbre unitale (en particulier un K-espacevectoriel) de dimension d2. Elle est non-commutative si d > 1. Le groupe des unitésde Mat(d,K), l’ensemble de toutes les matrices d × d inversibles, est appelé groupelinéaire général et noté GL(d,K). On remarque que

GL(d,K) = T ∈ Mat(d,K)| det T 6= 0,

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1.1. ALGÈBRES MATRICIELLES 9

et comme l’application det : Mat(d,K) → K est continue (c’est un polynôme dansles composantes Tij de T ), GL(d,K) est ouvert dans Mat(d,K).

Comme nous l’avons remarqué ci-dessus, toutes les normes sur Mat(d,K) sont équi-valentes. Cependant elle ne sont pas toutes adaptée à sa structure d’algèbre.

Une norme d’algèbre sur une algèbre unitale A est une norme satisfaisant les deuxconditions suivantes

, | I‖ = 1,‖TS‖ 6 ‖T‖‖S‖,

pour tout T ,S ∈ A. Une algèbre unitale munie d’une norme d’algèbre est dite nor-mée. Dans une algèbre normée, le produit (T ,S)→ TS est une application continue.En effet, on a

‖TS− T ′S ′‖ 6 ‖S‖‖T − T ′‖+ ‖T ′‖‖S− S ′‖. (1.1)

Il en résulte que l’application T → Tn est continue pour tout n > 0. Plus précisé-ment, du développement télescopique

Tn − Sn =

n∑j=1

T j−1(T − S)Sn−j,

et de l’inégalité‖Tn‖ 6 ‖T‖n, (1.2)

on déduit l’estimation

‖Tn − Sn‖ 6 nmax(‖T‖, ‖S‖)n−1‖T − S‖. (1.3)

Une algèbre unitale normée complète dans la topologie induite par sa norme est unealgèbre de Banach. Mat(d,K) est une algèbre de Banach, en effet on vérifie facilementque

‖T‖ ≡ maxi

∑j

|Tij|,

est une norme d’algèbre. On notera en particulier que |Tij| 6 ‖T‖.Il existe d’autres normes d’algèbre sur Mat(d,K). En fait, à toute norme | · | sur Kd

on peut associer la norme d’algèbre

‖T‖op ≡ supx∈Kd,|x|=1

|Tx| = supx∈Kd,x 6=0

|Tx|

|x|. (1.4)

Dans la suite on supposera Mat(d,K) munie d’une norme d’algèbre.

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10 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

1.1.2 Calcul fonctionnel analytique

1. Soit f(z) une fonction analytique dans le disque Dr ≡ z ∈ C | |z| < r. Dans lecas K = R on supposera en plus que f est réelle-analytique. Pour ε < r on a

Mf(ε) ≡ sup|z|=ε

|f(z)| <∞,

et doncan ≡

∮|z|=ε

f(z)

zn+1

dz

2πi, (1.5)

est borné par|an| 6Mf(ε)ε

−n.

La série de Taylor

f(z) =

∞∑n=0

anzn,

est absolument convergente dans Dr. Pour tout ε ∈ [0, r[ on obtient

Mf(ε) 6 Rf(ε) ≡∞∑n=0

|an|εn 6Mf((r+ ε)/2)r+ ε

r− ε<∞.

Théorème 1 Pour tout T ∈ Dr ≡ X ∈ Mat(d,K)|‖X‖ < r, la série

f(T) =

∞∑n=0

anTn, (1.6)

est absolument convergente dans Mat(d,K). De plusi. L’application T 7→ f(T) est analytique dans Dr.

ii. Pour tout T ∈ Dr, ‖f(T)‖ 6 Rf(‖T‖).iii. Pour tout T ∈ Dr, la fonction z 7→ f(zT) est analytique dans le disqueDr/‖T‖.

Démonstration Si T ∈ Dr alors, compte tenu de (1.2),

∞∑n=0

|an|‖Tn‖ 6∞∑n=0

|an|‖T‖n = Rf(‖T‖) <∞,

ce qui montre ii et la convergence absolue de la série (1.6). On a donc une sérieabsolument convergente

(f(T))ij =

∞∑n=0

anP(n)ij (T11, . . . , Tdd)

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1.1. ALGÈBRES MATRICIELLES 11

où P(n)ij est un polynôme de degré n en d2 variables

P(n)ij (X11, . . . ,Xdd) ≡

d∑k1,...,kn−1=1

Xik1Xk1k2 · · ·Xkn−2kn−1Xkn−1j.

On peut donc conclure que (f(T))ij est une fonction analytique des variables T11, . . . , Tdd.

Finalement, on remarque que si ‖zT‖ = |z|‖T‖ < r la série

f(zT) =

∞∑n=0

anTnzn,

est absolument convergente.

2. Si f(z) et g(z) sont analytiques dans Dr, alors h(z) = f(z)g(z) l’est aussi et si

f(z) =

∞∑n=0

anzn, g(z) =

∞∑n=0

bnzn,

alors

h(z) =

∞∑n=0

cnzn,

avec

cn =

n∑j=0

ajbn−j.

Théorème 2 Pour tout T ∈ Dr on a f(T)g(T) = h(T).

Démonstration Soient fN,gN et hN les sommes partielles des séries de Taylor def,g et h. Pour T ∈ Dr et ‖T‖ < ε < r on a

f(T)g(T) = limN→∞ fN(T)gN(T)

= limN→∞

N∑n,m=0

anbmTn+m

= limN→∞

N∑k=0

(k∑j=0

ajbk−j)Tk + RN

= limN→∞

N∑k=0

ckTk + RN

= lim

N→∞ hN(T) + RN ,

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12 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

où le reste RN est majoré par

‖RN‖ 6∑

n+m>N

|an||bm|εn+m

(‖T‖ε

)n+m

6

(‖T‖ε

)N+1

Rf(ε)Rg(ε).

On a donc limN→∞ RN = 0 et par conséquent f(T)g(T) = h(T).

Exemple 1 Les fonctions f(z) = (1 − z)−1 et g(z) = 1 − z sont analytiques dans ledisque unitéD1. Si T ∈ Mat(d,K) on a clairement g(T) = I−T . Comme f(z)g(z) =

1 on en conclut que si ‖T‖ < 1 on a f(T)g(T) = I, c’est à dire que la matrice I − T

est inversible et que

(I− T)−1 = f(T) =

∞∑n=0

Tn. (1.7)

On note que ce développement implique que ‖(I− T)−1‖ 6 (1 − ‖T‖)−1 si T est telque ‖T‖ < 1.

Exemple 2 La fonction f(z) = ez est entière. La série

ezT =

∞∑n=0

Tn

n!zn,

est donc convergente pour tout T ∈ Mat(d,K) et pour tout z ∈ C. La fonctionz 7→ ezT est entière. C’est l’unique solution fondamentale de l’équation différentielle

d

dzφ(z) = Tφ(z).

On aezTe−zT = I,

ce qui montre que ezT est toujours inversible et que e−zT est son inverse. On a deplus ‖ezT‖ 6 e|z|‖T‖.

3. Comme dans le cas d’une fonction analytique d’une variable complexe, f(T)peut s’exprimer à l’aide de la formule de Cauchy.

Théorème 3 zI − T est inversible et la fonction z 7→ (zI − T)−1 est analytique pour|z| > ‖T‖. Si f(z) est analytique dansDr et T ∈ Dr alors, pour ‖T‖ < ε < r on a

f(T) =

∮|z|=ε

f(z)(zI− T)−1 dz

2πi. (1.8)

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1.1. ALGÈBRES MATRICIELLES 13

Démonstration Si ‖T/z‖ < 1, alors l’exemple (1) montre que I− T/z est inversibleet que

(zI− T)−1 = z−1(I− T/z)−1 =

∞∑n=0

Tn

zn+1 ,

est absolument convergente. On peut donc substituer cette série dans le membre dedroite de la formule (1.8) et intégrer terme à terme pour obtenir, compte tenu de (??)

∮|z|=ε

f(z)(zI− T)−1 dz

2πi=

∮|z|=ε

f(z)

( ∞∑n=0

Tn

zn+1

)dz

2πi

=

∞∑n=0

(∮|z|=ε

f(z)

zn+1

dz

2πi

)Tn

=

∞∑n=0

anTn

= f(T).

4. Soit f(z) analytique dans Dr et g(z) analytique dans Dr ′ telle que g(0) = 0.Alors il existe r ′′ 6 r ′ tel que si ε < r ′′ on aie Mg(ε) 6 Rg(ε) < r. Dans ce cas lafonction h(z) ≡ f g(z) est analytique dans Dr ′′ .

Théorème 4 Pour tout T ∈ Dr ′′ on a f(g(T)) = h(T).

Démonstration Soit ‖T‖ < ε < r ′′, alors ‖g(T)‖ 6 Rg(ε) < δ < r et le théorème3 donne

f(g(T)) =

∮|z|=δ

f(z)(zI− g(T))−1 dz

2πi. (1.9)

Pour |z| = δ, la fonction j(w) ≡ (z− g(w))−1 est analytique dans Dε puisque g(w)

y est analytique et |g(w)| 6 Mg(ε) 6 Rg(ε) < δ. Comme (z − g(w))j(w) = 1, lethéorème 2 montre que j(T) = (zI− g(T))−1 et le théorème 3 permet d’écrire

(zI− g(T))−1 =

∮|w|=ε ′

(zI− g(w))−1(wI− T)−1dw

2πi,

pour un ε ′ tel que ‖T‖ < ε ′ < ε. La substitution de cette formule dans le membrede droite de l’identité (1.9) permet d’obtenir, en utilisant le théorème de Fubini et

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14 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

celui de Cauchy

f(g(T)) =

∮|z|=δ

f(z)

(∮|w|=ε ′

(zI− g(w))−1(wI− T)−1dw

2πi

)dz

2πi

=

∮|w|=ε ′

(∮|z|=δ

f(z)(zI− g(w))−1)

(wI− T)−1dw

2πi

=

∮|w|=ε ′

h(w)(wI− T)−1dw

2πi= h(T).

5. Si f(z) est analytique dans Dr et si f ′(0) 6= 0, alors f est un difféomorphismed’un voisinage de 0 ∈ Dr dans un voisinage de a ≡ f(0) (c’est une transformationconforme). La fonction réciproque f−1(z) est analytique dans un disque Dr ′(a) derayon r ′ > 0 centré en a et admet dans ce disque le développement

f−1(z) =

∞∑n=1

bn(z− a)n ≡ g(z− a).

Si T ∈ Mat(d,K) est tel que ‖T − aI‖ < r ′, alors

f−1(T) ≡∞∑n=1

bn(T − aI)n = g(T − aI),

est absolument convergente et comme f g(z) = z + a, le théorème 4 montre quef(f−1(T)) = f(g(T − aI)) = T .

Exemple 3 La fonction f(z) = ez transforme la bande z ∈ C | | Im z| < π de ma-nière conforme dans le plan coupé C\] −∞, 0]. La fonction réciproque f−1(z) =

log z est analytique dans ce domaine, et en particulier dans le disque D1(1). Le déve-loppement

log z = −

∞∑n=1

(1 − z)n

n,

permet donc de définir

log T = −

∞∑n=1

(I− T)n

n, (1.10)

pour T ∈ Mat(d,K) tel que ‖T − I‖ < 1. Dans ce cas on a elogT = T .

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1.1. ALGÈBRES MATRICIELLES 15

Réciproquement, pour X ∈ Mat(d,K) on a

‖eX − I‖ 6∞∑n=1

‖X‖nn!

= e‖X‖ − 1,

et si ‖X‖ < log 2 on peut en conclure que

X = log eX.

1.1.3 Sous-groupes à un paramètre

Définition 1 Un sous-groupe à un paramètre de GL(d,K) est un morphisme de groupecontinu

φ : R → GL(d,K)

t 7→ φ(t)

Si φ est un sous-groupe à un paramètre, son image Imφ est un sous-groupe deGL(d,K). Comme pour tout morphisme, on a φ(0) = I et φ(t)−1 = φ(−t).

Théorème 5 φ est un sous-groupe à un paramètre de GL(d,K) si et seulement si il existeune matrice X ∈ Mat(d,K) telle que

φ(t) = etX,

pour tout t ∈ R.

On remarque en particulier qu’un sous-groupe à un paramètre est la restriction à Rd’un morphisme holomorphe φ : C→ GL(d,C), en effet

φ(z) = ezX =

∞∑n=0

zn

n!Xn,

est une fonction entière de z.

Démonstration Si X ∈ Mat(d,K) le théorème 2 montre qu’on a bien un mor-phisme continu etXesX = e(t+s)X. Supposons que φ(t) soit un sous-groupe à unparamètre. Comme φ est continu, il existe ε tel que ‖I − φ(t)‖ < 1/2 pour tout|t| < ε. On définit

M(t) =

∫ t0φ(τ)dτ.

De φ(t) = I − (I − φ(t)), on obtient l’estimation ‖M(t) − tI‖ 6 t/2 pour tout|t| < ε et donc M(t) est inversible pour 0 < |t| < ε.

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16 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

La propriété de morphisme de φ implique

φ(t)M(s) =

∫s0φ(t+ τ)dτ =

∫ t+st

φ(τ)dτ = M(t+ s) −M(t),

et pour 0 < |s| < ε, on peut donc écrire

φ(t) = (M(t+ s) −M(t))M(s)−1,

et comme M(t) est différentiable, φ(t) l’est également. On pose

X ≡ d

dtφ(t)|t=0.

La propriété de morphisme φ(t + s) = φ(s)φ(t) peut maintenant être dérivée parrapport à s en s = 0, ce qui donne

d

dtφ(t) = Xφ(t).

Le théorème d’unicité des solutions d’un systèmes d’équations différentielles linéairesimplique que la seule solution de cette équation satisfaisant la condition initialeφ(0) = I est bien φ(t) = etX (c.f. exemple 2).

Remarque. Cette démonstration n’utilise pas le fait que l’application φ est définiepour tout t ∈ R. On arrive à la conclusionφ(t) = etX si pour un ε > 0 l’applicationcontinue φ :] − ε, ε[→ GL(d,K) satisfait la propriété de morphisme φ(t)φ(s) =

φ(t + s) pour tout t, s ∈] − ε, ε[ tels que t + s ∈] − ε, ε[ et si φ(0) = I. Nousutiliserons ce fait dans la preuve du théorème 22.

A cause du théorème 5, la fonction exponentielle joue un rôle très important dansl’analyse des groupes de matrices. Le théorème suivant résume ses propriétés élémen-taires.

Théorème 6 L’application X 7→ eX est une fonction analytique de Mat(d,K) dansGL(d,K) c’est-à-dire que les d2 composantes de la matrice eX sont des fonctions analy-tiques (et par conséquent infiniment différentiables) des composantes Xij de la matrice X.En outre, c’est un difféomorphisme analytique d’un voisinage de 0 ∈ Mat(d,K) dans unvoisinage de I ∈ GL(d,K).

De plus, pour tout X, Y ∈ Mat(d,K) on a :

i. Si XY = YX alors eXeY = eX+Y .

ii. AeXA−1 = eAXA−1 pour tout A ∈ GL(d,K).

iii. eX> = (eX)> et si K = C, eX∗ = (eX)∗.

iv. det eX = etrX.

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1.1. ALGÈBRES MATRICIELLES 17

Démonstration L’analyticité de l’exponentielle eX est une conséquence du théo-rème 1, la fonction z 7→ ez étant entière. L’exemple 3 montre que l’applicationX 7→ eX est bijective au voisinage de X = 0 et que son inverse est l’applicationY 7→ log Y qui est analytique dans un voisinage de e0 = I. L’exponentielle est doncbien un difféomorphisme analytique.

i. Si X et Y commutent on a

(X+ Y)n =

n∑k=0

(n

k

)XkYn−k,

et donc

eX+Y =

∞∑n=0

n∑k=0

Xk

k!Yn−k

(n− k)!

=

∞∑k=0

∞∑n=0

Xk

k!Yn

n!

= eXeY ,

toutes les manipulations étant justifiées par la convergence absolue.

ii. On a AXnA−1 = (AXA−1)n et donc

AeXA−1 =

∞∑n=0

AXnA−1

n!=

∞∑n=0

(AXA−1)n

n!= eAXA

−1.

iii. Se démontre de la même manière.

iv. On pose Mt = etX, alors

detMt =∑π∈Sd

ε(π)Mt1π(1) · · ·Mt

kπ(k) · · ·Mtdπ(d),

et comme

d

dtMtkπ(k) =

d∑j=1

XkjMtjπ(k),

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18 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

on obtient

d

dtdetMt =

∑π∈Sd

ε(π)

d∑k=1

Mt1π(1) · · ·

(d

dtMtkπ(k)

)· · ·Mt

dπ(d)

=∑π∈Sd

ε(π)

d∑k=1

d∑j=1

Mt1π(1) · · ·

(XkjM

tjπ(k)

)· · ·Mt

dπ(d)

=

d∑k=1

d∑j=1

Xkj∑π∈Sd

ε(π)Mt1π(1) · · ·Mt

jπ(k) · · ·Mtdπ(d)

=

d∑k=1

d∑j=1

Xkjδjk∑π∈Sd

ε(π)Mt1π(1) · · ·Mt

kπ(k) · · ·Mtdπ(d)

= trX detMt,

qui permet de conclure que detMt = et trX detM0 = et trX.

On remarque qu’en général eXeY 6= eX+Y si X et Y ne commutent pas. Nous verronsplus tard que dans ce cas on a une formule du type eXeY = eZ où Z peut s’exprimer àl’aide de commutateur répétés de X et de Y (formule de Baker-Campbell-Hausdorff).On a cependant une version infinitésimale de la loi de groupe sous la forme suivante.

Théorème 7 (Formule du produit de Lie) Pour tout X, Y ∈ Mat(d,K) on a

eX+Y = limN→∞(eX/NeY/N)N.

Démonstration On a eX/N = I+ X/N+ R(X/N) avec

R(X/N) =

∞∑n=2

Xn

n!N−n,

et donc ‖R(X/N)‖ 6 N−2e‖X‖. On en conclut que

eX/NeY/N =

(I+

X

N+O(N−2)

)(I+

Y

N+O(N−2)

)= I+

X+ Y

N+O(N−2),

c’est à dire que ‖eX/NeY/N − I‖ = ‖X + Y‖N−1 +O(N−2) = O(N−1). Lorsque Nest assez grand on a donc ‖eX/NeY/N − I‖ < ε < 1 et par conséquent (c.f. exemple3)

eX/NeY/N = eZN ,

avec ZN = log eX/NeY/N.

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1.2. GROUPES LINÉAIRES 19

On note que si T ∈ Mat(d,K) est tel que ‖T‖ < ε < 1 on a

log(I+ T) = −

∞∑n=1

(−1)n

nTn,

d’où on obtient facilement

‖ log(1 + T) − T‖ 6∞∑n=2

εn

n

(‖T‖ε

)n6

| log(1 − ε)|

ε2 ‖T‖2

6 Cε‖T‖2.

Avec TN = eX/NeY/N − I = (X+ Y)N−1 +O(N−2) on arrive à

ZN = log(I+ TN) = TN +O(‖TN‖2) =X+ Y

N+O(N−2),

d’où on conclut quelimN→∞NZN = X+ Y.

Comme l’exponentielle est continue, on a finalement

limN→∞(eX/NeY/N)N = lim

N→∞ eNZn = eX+Y .

1.2 Groupes linéaires

Définition 2 Un groupe linéaire est un sous-groupe d’un groupe linéaire général GL(d,K).

Si G est un groupe linéaire, l’application det : G → C∗ est un morphisme. Son

noyau T ∈ G | det T = 1 est un sous-groupe distingué de G. En particulier, legroupe linéaire formé de toutes les matrices de déterminant 1 est un sous-groupedistingué de GL(d,K). On l’appelle groupe linéaire spécial noté SL(d,K).

Exemple 4 Le groupe diédral Dn ⊂ GL(2,R) est le groupes des transformationslinéaires du plan euclidien laissant invariant un polygone régulier à n sommets. C’estun groupe fini d’ordre 2n engendré par deux éléments : la rotation ρ d’angle 2π/net une réflexion σ par rapport à un axe de symétrie du polygone. On vérifie queσρ = ρ−1σ et qu’il suit que Dn = I, ρ, . . . , ρn−1,σ, ρσ, . . . , ρn−1σ.

Le sous-groupe Rn = T ∈ Dn | det T = 1 est engendré par ρ. C’est le groupecyclique d’ordre n des rotations d’angle multiple de 2π/n.

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20 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Rappels. 1. Une forme bilinéaire φ sur un espace vectoriel réel V est symétrique si,pour tout x,y ∈ V, on a φ(y, x) = φ(x,y). Elles est alternée, ou anti-symétrique, siφ(y, x) = −φ(x,y).

2. Une forme hermitienne φ sur un espace vectoriel complexe V est une forme ses-quilinéaire telle que φ(y, x) = φ(x,y) pour tout x,y ∈ V.

3. Une forme bilinéaire symétrique, alternée ou hermitienne sur un espace vectorielV est non-dégénérée si φ(x,y) = 0 pour tout x ∈ V implique que y = 0.

4. Si e1, . . . , ed est une base de l’espace V, la matrice de la forme bilinéaire ousesquilinéaire φ relativement à cette base est Φij ≡ φ(ei, ej). Pour x =

∑i xiei et

y =∑i yiei on a φ(x,y) =

∑ijΦijxiyj si φ est bilinéaire et φ =

∑ijΦijxiyj si

elle est sesquilinéaire. φ est symétrique si et seulement si sa matrice est symétriqueΦ> = Φ, elle est alternée si et seulement si Φ est anti-symétrique Φ> = −Φ, elleest hermitienne si Φ est auto-adjointe Φ∗ = Φ. La forme φ est non-dégénérée si etseulement si sa matrice est non-singulière, detΦ 6= 0.

1.2.1 Groupes orthogonaux

Un espace pseudo-euclidien est un espace vectoriel réel V de dimension finie d munid’une forme bilinéaire symétrique non-dégénérée g : V × V → R. Si (V,g) estun tel espace, il existe toujours un système générateur e1, . . . , ed de V telle queg(ei, ej) = giδij où gi = ±1. Un tel système est nécessairement libre puisque six =

∑i xiei on a xi = gig(ei, x). On dit que c’est une base orthonormée. Pour

tout x ∈ V on a alors

x =

d∑i=1

gig(ei, x)ei.

On se souviendra de la loi d’inertie de Sylvester : le nombre p de vecteurs ei d’unebase orthonormée tels que g(ei, ei) = +1 ne dépend que de g et pas de la base.Le couple d’entiers (p,n) où n ≡ d − p est appelé signature de g ou, par abus delangage, signature de V. Dans le cas particulier où n = 0, g est définie positive, c’estdonc un produit scalaire et (V,g) est un espace euclidien.

Une transformation orthogonale de l’espace (pseudo-)euclidien (V,g) est une appli-cation f : V → V qui préserve g, c’est-à-dire telle que pour tout x,y ∈ Rp+n on ag(f(x), f(y)) = g(x,y). Une telle application est automatiquement linéaire et bijec-tive. En effet, si e1, . . . , ed est une base orthonormée et fi = f(ei) alors f1, . . . , fdest une base orthonormée. De plus si x =

∑i xiei on a

f(x) =∑i

gig(fi, f(x))fi,

et comme g(fi, f(x)) = g(f(ei), f(x)) = g(ei, x) = gixi on a bien

f(x) =∑

xif(ei).

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1.2. GROUPES LINÉAIRES 21

L’ensemble des transformations orthogonales de l’espace pseudo-euclidien (V,g) estun groupe qu’on appelle groupe orthogonal de (V,g).

Si (V,g) est un espace pseudo-euclidien de signature (p,n) il est isomorphe à l’espaceRp+n muni de la forme

g(x,y) =∑i

gixiyi = (x1y1 + · · ·+ xpyp) − (xp+1yp+1 + · · ·+ xp+nyp+n).

Le groupe orthogonal de (V,g) est isomorphe au groupe orthogonal deRp+n qu’ondésigne par O(p,n) ou plus simplement O(p) lorsque n = 0. Si on dénote par g lamatrice diagonale gij = giδij, il est clair que

O(p,n) = T ∈ GL(p+ n,R) | T>gT = g.

On notera en particulier que si T ∈ O(p,n) alors det T 2 = 1 et donc det T = ±1.Le sous-groupe SO(p,n) = T ∈ O(p,n) | det T = 1 est appelé groupe orthogonalspécial de Rp+n. Les groupes O(p,n) et SO(p,n) sont des groupes linéaires.

On se rappellera que toute forme bilinéaire g définit un forme quadratique g[x] ≡g(x, x) et que si g est symétrique elle peut être reconstruite à partir de cette formequadratique à l’aide de la formule

g(x,y) =12(g[x] + g[y] − g[x− y]). (1.11)

On peut donc caractériser le groupe O(p,n) comme le groupe des transformationslinéaires de Rp+n laissant invariante la forme quadratique

g[x] = (x21 + · · ·+ x2

p) − (x2p+1 + · · ·+ x2

p+n).

Exemple 5 En dimension 1 il n’y a qu’un seul espace (pseudo-)euclidien (à l’isomor-phisme près), c’est R muni de la forme g(x,y) = xy. On a bien entendu

O(1) = −1, 1 et SO(1) = 1.

Exemple 6 Il y a deux espaces pseudo-euclidiens de dimension 2 : l’espace euclidienR

2 et l’espace pseudo-euclidien proprement dit R1+1. Le groupe orthogonal du pre-mier est O(2) = T ∈ Mat(2,R) | T>T = I. C’est le groupe formé des rotations etdes réflexions

O(2) =

T =

[cosα −σ sinαsinα σ cosα

]|α ∈ R etσ ∈ −1, +1

.

T est une rotation d’angle α si det T = σ = 1 et une réflexion par rapport à la droitedirigée par le vecteur [

cosα/2sinα/2

],

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22 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

si det T = σ = −1.

On note que la distance de T à I est donnée par

d(T , I) = ‖T − I‖ =

| sinα| + |1 − cosα| siσ = 1,1 + | sinα| + | cosα| siσ = −1.

On a donc d(T , I) 6 2 si det T = +1 et d(T , I) > 2 si det T = −1. De plus, on alimα→0 d(T , I) = 0 si det T = 1. Tout voisinage de I dans O(2) contient donc desrotations et ne contient que des rotations si son rayon est inférieur à 2.

Comme det T = σ, le groupe orthogonal spécial se compose de toutes les rotations

SO(2) =

T =

[cosα − sinαsinα cosα

]|α ∈ R

.

Considérons maintenant l’espace pseudo-euclidien R1+1. Une matrice T est ortho-gonale si g = T>gT , c’est-à-dire si[

1 00 −1

]=

[a c

b d

] [1 00 −1

] [a b

c d

]=

[a2 − c2 ab− cd

ab− cd b2 − d2

].

L’équation a2 − c2 = 1 permet d’écrire a = σ ch θ, c = sh θ avec θ ∈ R et σ = ±1.De manière similaire b2 − d2 = −1 implique d = τ chψ et b = shψ avec ψ ∈ Ret τ = ±1. Finalement l’équation ab = cd devient thψ = στ th θ d’où on conclutque θ = στψ. On a donc

O(1, 1) =

[σ ch θ στ sh θsh θ τ ch θ

]|θ ∈ R etσ, τ ∈ −1, +1

.

On note que det T = στ, et donc

SO(1, 1) =

[σ ch θ sh θsh θ σ ch θ

]|θ ∈ R etσ ∈ −1, +1

.

1.2.2 Groupes unitaires

On définit les groupes unitaires de manière complètement similaire aux groupes or-thogonaux. Sur l’espace vectoriel complexeCp+n on considère la forme hermitiennenon-dégénérée

g(x,y) =

d∑i=1

gixiyi = (x1y1 + · · ·+ xpyp) − (xp+1yp+1 + · · ·+ xp+nyp+n).

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1.2. GROUPES LINÉAIRES 23

Le groupe unitaire U(p,n) est l’ensemble des application f : Cp+n → Cp+n telles

que, pour tout x,y ∈ Cp+n, g(f(x), f(y)) = g(x,y),

U(p,n) = T ∈ Mat(p+ n,C) | T∗gT = g.

On remarque que si T ∈ U(p,n) on a det T∗ det T = | det T |2 = 1. Le sous-groupeSU(p,n) = T ∈ U(p,n) | det T = 1 est appelé groupe unitaire spécial. Dans cecours nous ne considérerons que le cas particulier n = 0 c’est-à-dire les groupesU(d) ≡ T ∈ Mat(d,C) | T∗T = I et SU(d) ≡ T ∈ U(d) | det T = 1.

Une forme hermitienne g définit une forme quadratique réelle g[x] ≡ g(x, x), laforme g se laissant reconstruire par polarisation

g(x,y) =14(g[x+ y] − g[x− y] + ig[x− iy] − ig[x+ iy]).

On peut donc caractériser U(p,n) comme le groupe des transformations linéairesde Cp+n laissant invariante la forme quadratique réelle

g[x] = (|x1|2 + · · ·+ |xp|

2) − (|xp+1|2 + · · ·+ |xp+n|2).

Exemple 7 En dimension 1 il n’y a qu’un groupe unitaire

U(1) = z ∈ C | |z| = 1,

et SU(1) = 1. On note que l’application z 7→ eiαz deC dans lui-même corresponda une rotation d’angle alpha du plan de Gauss. On a donc un isomorphisme

φ : U(1) → SO(2)

eiα 7→[

cosα − sinαsinα cosα

].

1.2.3 Groupes symplectiques

Soit V un espace vectoriel réel. Une forme symplectique sur V est une forme bilinéairealternée non-dégénéréeω : V× V→ R. Un espace symplectique (V,ω) est un espacevectoriel réel muni d’une forme symplectique.

Si (V,ω) est un espace symplectique de dimension finie d, alors la matrice Ω de laforme symplectiqueω relativement à une base quelconque de V est anti-symétrique.On a donc detΩ = detΩ> = det(−Ω) = (−1)d detΩ et comme ω est non dégé-nérée, detΩ 6= 0. On en conclut que la dimension d est paire. Si d = 2n, il existeune base de V relativement à laquelle Ω est donnée par

Ω =

[0 −InIn 0

],

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24 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

où In est la matrice identité n × n. Un espace symplectique de dimension 2n estdonc isomorphe à R2n = Rn ⊕Rn muni de la forme symplectique

ω(x⊕ y, x ′ ⊕ y ′) =

n∑i=1

(xiy′i − yix

′i).

Le groupe symplectique Sp(2n) est le groupe linéaire des automorphismes deR2n quilaisse cette forme invariante. On a donc

Sp(2n) = T ∈ GL(2n,R) | T>ΩT = Ω.

On peut montrer que det T = 1 pour tout T ∈ Sp(2n).

Exemple 8 Le premier groupe symplectique est Sp(2). Comme[a c

b d

] [0 −11 0

] [a b

c d

]=

[0 −(ad− bc)

ad− bc 0

],

on conclut aisément que Sp(2) = SL(2,R).

1.2.4 Groupes d’isométries affines

En considérant Rp+n comme un espace affine basé sur l’espace vectoriel Rp+n, uneforme quadratique g[x] sur le vectoriel Rp+n permet de définir une pseudo-métrique

ρ2(x,y) ≡ g[x− y],

sur l’espace affineRp+n. Si n = 0 on a ρ2(x,y) = |x−y|2 et ρ(x,y) =√ρ2(x,y) est

la métrique euclidienne. Si n 6= 0, ρ2(x,y) n’est pas définie positive, c’est pourquoion dit que ρ est une pseudo-métrique. On appelle espace affine pseudo-euclidien unespace affine muni d’une pseudo-métrique (voir l’annexe A pour une courte intro-duction aux espaces affines).

Remarque 1 Les espaces pseudo-euclidiens jouent un rôle très important en phy-sique. Dans la théorie de la relativité restreinte l’espace-temps, appelé espace de Min-kowski, est l’espace affine pseudo-euclidien M ≡ R3+1. La métrique

ρ2(x,y) = |x− y|2 − (x4 − y4)2,

où x = (x, x4),y = (y,y4) ∈ R3 × R, est appelé métrique de Minkowski. Voirl’annexe B.

Une application f d’un espace affine pseudo-euclidien dans lui-même est une isomé-trie si elle préserve la "distance", c’est-à-dire si pour tout x,y on a

ρ2(f(x), f(y)) = ρ2(x,y).

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 25

Théorème 8 Soit f une isométrie de l’espace affine pseudo-euclidien Rp+n. Alors ilexiste a ∈ Rp+n et T ∈ O(p,n) tels que f(x) = Tx+ a pour tout x ∈ Rp+n.

Démonstration Supposons tout d’abord que f(0) = 0. Alors l’identité (1.11) per-met d’écrire, pour tout x,y ∈ Rp+n,

2g(f(x), f(y)) = g[f(x)] + g[f(y)] − g[f(x) − f(y)]

= ρ2(f(x), 0) + ρ2(f(y), 0) − ρ2(f(x), f(y))= ρ2(f(x), f(0)) + ρ2(f(y), f(0)) − ρ2(f(x), f(y))= ρ2(x, 0) + ρ2(y, 0) − ρ2(x,y)= g[x] + g[y] − g[x− y]

= 2g(x,y).

On en conclut que f est une transformation orthogonale c’est-à-dire qu’il existe T ∈O(p,n) tel que f(x) = Tx. Si f(0) = a 6= 0, alors l’application f(x) = f(x) − a estune isométrie telle que f(0) = 0 c’est donc une transformation orthogonale et on abien f(x) = f(x) + a = Tx+ a.

L’isométrie f(x) = Tx+a peut se représenter comme une matrice (d+ 1)× (d+ 1)

f =

[T a

0 1

],

la composition f g correspondant au produit des matrices correspondantes fg.L’application réciproque f−1(x) correspond donc à la matrice inverse

f−1 =

[T−1 −T−1a

0 1

].

On peut donc considérer le groupe des isométrie de l’espace affine euclidien Rp+n

comme un sous-groupe A(p,n) du groupe GL(p+ n+ 1,R), c’est donc un groupelinéaire.

Une isométrie f(x) = Tx + a préserve l’orientation si et seulement si la transfor-mation orthogonale T est de déterminant 1. Comme det f = det T , le sous-groupesdes isométrie préservant l’orientation, SA(p,n) = f ∈ A(p,n) | det f = 1 estdistingué.

1.3 Groupes Topologiques

Rappels. Une topologie sur un ensembleX 6= ∅ est un ensemble T de sous-ensemblesde X tel que

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26 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

i. X ∈ T et ∅ ∈ T.

ii. L’intersection ∩Ni=1Oi d’une famille finie (Oi)i∈1,...,N d’éléments de T est unélément de T.

iii. La réunion ∪i∈IOi d’une famille quelconque (Oi)i∈I d’éléments de T est unélément de T.

Un espace topologique (X, T) est un ensemble Xmuni d’une topologie T. Les élémentsO ∈ T sont appelés sous-ensembles ouverts de X. F ⊂ X est fermé si son complémentX \ F est ouvert. L’adhérence (ou fermeture) d’un sous-ensemble A ⊂ X est le pluspetit sous-ensemble fermé de X contenant A

A =⋂

F⊃A,X\F∈T

F.

Un élément x ∈ X est un point d’adhérence (ou d’accumulation) de A si x ∈ A. Unsous-ensemble A ⊂ X est dense si A = X.

Une topologie T est séparable s’il existe un sous-ensemble de X dénombrable et dense.Elle est Hausdorff si, pour tout x,y ∈ X, x 6= y, il existe U,V ∈ T tels que x ∈ U,y ∈ V et U ∩ V = ∅.

Un sous-ensemble U ⊂ X est un voisinage de x ∈ X s’il existe un ouvert O ∈ T telque x ∈ U ⊂ O.

Si d : X × X → [0,∞[ est une métrique sur X, on appelle ε-voisinage de x ∈ X lesous-ensemble Uε(x) = y ∈ X |d(x,y) < ε. Un sous-ensemble O ⊂ X est ouvertpour d si, pour tout x ∈ O il existe ε > 0 tel que Uε(x) ⊂ O. L’ensemble des sous-ensembles ouverts pour d est une topologie, la topologie induite par d sur X. Unetopologie T est métrisable si il existe une métrique d sur X telle que T soit induitepar d. Une topologie métrisable est Hausdorff.

Si (X, T) et (Y, S) sont des espaces topologiques une application f : X → Y estcontinue si f−1(O) ∈ T pour tout O ∈ S. f est ouverte si f(O) ∈ S pour toutO ∈ T. Une application continue et ouverte est dite bi-continue. Une applicationbijective et bi-continue est un homéomorphisme. Une application bijective f est unhoméomorphisme si et seulement si f et f−1 sont continues. Les espaces topologiques(X, T) et (Y, S) sont dits homéomorphes s’il existe un homéomorphismes f : X→ Y.

Si T et S sont deux topologies sur X, on dit que T est plus fine que S, ou que S estplus grossière que T si S ⊂ T, c’est-à-dire si les ouverts pour S sont aussi ouverts pourT. La topologie la plus fine sur X est l’ensemble de tous les sous-ensembles de X, onl’appelle topologie discrète de X. La topologie la plus grossière est ∅,X.

Si (X, T) est un espace topologique et Y ⊂ X, on appelle topologie relative sur Y latopologie la plus grossière telle que l’injection canonique i : Y → X soit continue.C’est la topologie TY = i−1(O) |O ∈ T = O ∩ Y |O ∈ T.

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 27

Si (Xi, Ti) sont des espaces topologiques, la topologie produit sur le produit cartésiensX ≡ ×i∈IXi est la topologie la plus grossière telle que toutes les projections pk : X→Xk, pk((xi)i∈I) ≡ xk soient continues. Un sous-ensemble O ⊂ ×i∈IXi est ouvert siet seulement si O = ∪j∈J(×i∈IOij) pour des ouverts Oij ⊂ Xi.Un espace topologique (X, T)est connexe s’il n’est pas la réunion de deux sous-ensembles ouverts disjoints non-vides. (X, T) est connexe si et seulement si les seulssous-ensembles de X qui soient ouverts et fermés sont X et ∅. Un sous-ensemble Yde l’espace topologique (X, T) est connexe si, muni de la topologie relative, c’est unespace topologique connexe. Si (Yi)i∈I est une famille de sous-ensembles connexestelle que ∩i∈IYi 6= ∅, alors ∪i∈IYi est connexe. La composante connexe de x ∈ X estle plus grand sous-ensemble connexe de X contenant x. C’est la réunion de tous lessous-ensembles connexe de X contenant x. C’est un ensemble fermé. La relation "xappartient à la composante connexe de y" est une relation d’équivalence. Ses classesd’équivalence sont les composantes connexes de X. Un espace topologique (X, T) estdit localement connexe si, pour tout x ∈ X, tout voisinage de x contient un voisinageconnexe de x. Un espace topologique (X, T) est connexe par arc si pour tout x,y ∈ Xil existe une courbe continue γ : [0, 1] → X telle que γ(0) = x et γ(1) = y. Unespace connexe par arc est connexe.

Un recouvrement ouvert d’un espace topologique (X, T) est une famille d’ouverts(Ui)i∈I telle que X = ∪i∈IUi. Un tel recouvrement est dit fini si l’ensemble I est fini.Un espace topologique (X, T) est compact s’il est Hausdorff et si tout recouvrementouvert de X contient un recouvrement fini. Un sous-ensemble de X est compact si,muni de la topologie relative, c’est un espace topologique compact. Un compactest fermé. Un sous-ensemble fermé d’un compact est compact. L’image, par uneapplication continue, d’un compact est un compact. Un sous-ensemble de Kn estcompact si et seulement si il est fermé et borné (théorème de Borel-Lebesgue).

1.3.1 Définition

Définition 3 Un groupe topologique est un groupe G muni d’une topologie telle quel’application

G×G → G

(a,b) 7→ ab−1

est continue.

Exemple 9 Un espace vectoriel normé V est un groupe topologique abélien. En effetl’application (x,y) 7→ x− y est continue

‖(x− y) − (x ′ − y ′)‖ = ‖(x− x ′) − (y− y ′)‖ 6 ‖x− x ′‖+ ‖y− y ′‖.

Exemple 10 Soit A une algèbre unitale normée et U son groupe des unités. La to-pologie induite sur U est celle de la métrique d(a,b) = ‖a − b‖. Nous avons déjà

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28 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

remarqué que l’application (a,b) 7→ ab est continue (c.f. l’inégalité (1.1)). Commeb = a− (a− b) = a(I− a−1(a− b)) on a

b−1 = (I− a−1(a− b))−1a−1,

et si ‖a− b‖ < ‖a−1‖−1, on conclut de

b−1 =

∞∑n=0

[a−1(a− b)]na−1,

que limb→a b−1 = a−1. L’application a 7→ a−1 est donc continue dans U et il en est

donc de même de (a,b) 7→ ab−1. U est un groupe topologique.

Le résultat suivant est évident.

Proposition 1 Un sous-groupe d’un groupe topologique est un groupe topologique pourla topologie relative.

Exemple 11 Les groupes linéaires sont des groupes topologiques.

1.3.2 Morphismes

Définition 4 Soient G et H des groupes topologiques et φ : G → H un morphisme degroupe.

i. Si φ est continu on dit que c’est un morphisme continu.ii. Si φ est bi-continu on dit que c’est un morphisme topologique.

iii. Si φ est un homéomorphisme on dit que c’est un isomorphisme topologique. Dansce cas on dit que les groupes G et H sont topologiquement isomorphes et on noteG ≈ H.

iv. Si G = H et φ est un homéomorphisme, on dit que c’est un automorphisme topolo-gique.

Exemple 12 Le morphisme φ : R →]0,∞[ donné par φ(t) = et est un iso-morphisme topologique. En effet, φ est continu ainsi que le morphisme inverseφ−1(s) = log s. On a donc (R, +) ≈ (]0,∞[, ·).

Exemple 13 Le morphisme φ : R→ SL(2,R) définit par

φ(t) ≡[

1 t

0 1

],

est clairement continu. Il n’est pas ouvert. En effet φ(] − ε, ε[) contient I maisne contient aucune matrice de rotation distincte de I. Or tout voisinage de I dansSL(2,R) contient une telle matrice (c.f. exemple 6).

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 29

On note cependant que φ est injectif et que Imφ ⊂ SL(2,R) est un groupe topolo-gique. La restriction φ : R → Imφ est continue et ouverte. En effet φ est isomé-trique : d(φ(t),φ(s)) = ‖φ(t) − φ(s)‖ = |t − s|, c’est donc un homéomorphismeet on a Imφ ≈ R.

Exemple 14 Soit a un réel non-nul. L’application x 7→ ax est un automorphismetopologique du groupe additif R.

Soit H C G et π : G → G/H la surjection canonique. On muni le groupe quotientG/H de la topologie la plus fine telle que π soit continue. Un sous-ensemble O duquotient G/H est donc ouvert si et seulement si π−1(O) est un ouvert de G. Latopologie ainsi définie sur G/H est appelée topologie quotient.

Exemple 15 Le tore d-dimensionnel Td est le quotient du groupe additif Rd parle sous-groupe Zd. Les éléments de Td sont des classes d’équivalence de la formex + Zd ≡ x + n |n ∈ Zd ⊂ Rd et la surjection canonique π : Rd → T

d donnéepar π(x) = x+ Zd. Un sous-ensemble O ∈ Td est ouvert si et seulement si

π−1(O) = x ∈ Rd |π(x) ∈ O,

est un ouvert de Rd. On peut identifier Td avec Td ≡ [0, 1[× · · · × [0, 1[⊂ Rd, àl’aide de la bijection φ : Td → Td définie par φ(x+Zd) = Td ∩ (x+Zd). On a eneffet πφ = IdTd et φπ|Td = IdTd . On peut visualiser la topologie quotient deTd

en dessinant l’image par φ des voisinages d’un point x + Zd ∈ Td (voir figure 1.1).L’applicationψ : Td → C

∗d définie parψ : (x1, . . . , xd)+Zd 7→ (e2iπx1 , . . . , e2iπxd)

est un morphisme continu. En effet siO est ouvert dansCd alors ψ−1(O) est ouvertdans Td puisque π−1(ψ−1(O)) = (ψ π)−1(O) et ψ π(x) = (e2iπx1 , . . . , e2iπxd)

est évidement continue.

Théorème 9 Soit G un groupe topologique et H un sous-groupe distingué.i. Pour tout a ∈ G, les translations à gauche ga : x 7→ ax et à droite da : x 7→ xa

sont des homéomorphismes de G dans lui-même.ii. Pour tout a ∈ G les conjugaisons ja : x 7→ axa−1 sont des automorphismes topolo-

giques.iii. L’application x 7→ x−1 est un (anti-)automorphisme topologique.iv. La surjection canonique π : G→ G/H est un morphisme topologique.v. G/H est un groupe topologique.

vi. G/H est Hausdorff si et seulement si H est fermé.

Démonstration i,ii et iii. On se souviendra que dans tout groupe, les translationssont des bijections et les conjugaisons des automorphismes : g−1

a = ga−1 , d−1a = da−1

et j−1a = ja−1 . Dans un groupe topologique, ces applications sont évidemment conti-

nues et il en est de même que leurs inverse. Ce sont donc des homéomorphismes.

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30 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

x

yz

Fig. 1.1 – Voisinages de trois points x,y, z ∈ T2.

L’application x 7→ x−1 étant involutive et continue, c’est évidement un homéomor-phisme.

iv. π est un morphisme continu (par définition de la topologie quotient). Nous de-vons encore montrer que π est ouvert. Soit O un ouvert de G. π(O) est ouvertsi et seulement si π−1(π(O)) l’est. On a π−1(π(O)) = b ∈ G |π(b) ∈ π(O) etπ(b) ∈ π(O) si et seulement si il existe a ∈ O tel que b ∈ π(a) = aH. On a donc

π−1(π(O)) =⋃a∈O

aH =⋃a∈O

⋃h∈H

ah =⋃h∈H

dh(O),

et comme dh est un homéomorphisme, dh(O) est ouvert et il en est de même de laréunion des dh(O).

v. Soit ϕ : G/H×G/H→ G/H définie par

ϕ(π(a),π(b)) ≡ π(a)π(b)−1 = π(ab−1) = π ϕ(a,b),

où ϕ : G × G → G est l’application continue ϕ(a,b) ≡ ab−1. Nous devonsmontrer que ϕ est continue, c’est-à-dire que ϕ−1(O) est ouvert pour tout ouvert Odu quotient G/H. On a

ϕ−1(O) = (π(a),π(b)) | ϕ(π(a),π(b)) ∈ O

= (π(a),π(b)) | (a,b) ∈ ϕ−1(π−1(O)),= (π× π)(O),

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 31

où O ≡ ϕ−1(π−1(O)). π−1(O) étant ouvert et ϕ continue, O est un ouvert duproduit G × G. Il existe donc des ouverts Oi,O ′i de G tels que O = ∪i(Oi × O ′i).On a donc

ϕ−1(O) = (π× π)

(⋃i

(Oi ×O ′i))

=⋃i

(π(Oi)× π(O ′i)),

qui est ouvert puisque π est ouvert.

vi. Si G/H est Hausdorff, l’ensemble π(e) est fermé dans G/H et comme π estcontinue, π−1(π(e)) = H est fermé dans G.

ϕ étant continu ϕ−1(H) = (a,b) ∈ G × G |π(a) = π(b) est fermé si H estfermé. Si π(a) 6= π(b), alors (a,b) appartient au complémentaire de ϕ−1(H) qui estouvert. Il existe donc des ouverts Oi,O ′i de G tels que

(a,b) ∈⋃i

(Oi ×O ′i) = (G×G) \ϕ−1(H). (1.12)

On conclut qu’il existe i avec a ∈ Oi et b ∈ O ′i et donc π(a) ∈ π(Oi) et π(b) ∈π(O ′i) où π(Oi) et π(O ′i) sont ouverts puisque π est ouvert. De plus ces ouverts sontdisjoints. En effet, si π(Oi)∩π(O ′i) n’est pas vide il existe x ∈ Oi et y ∈ O ′i tels queπ(x) = π(y). Alors (x,y) ∈ (Oi ×O ′i) ∩ ϕ−1(H), ce qui contredit l’égalité dans larelation (1.12).

Dans un groupe topologique les translations permettent de transporter la topologied’un voisinage de l’élément neutre vers un voisinage d’un élément quelconque de G.Voici une première conséquence de ce principe.

Proposition 2 Soient G et H des groupes topologiques et φ : G → H un morphismecontinu en e ∈ G. Alors φ est un morphisme continu.

Démonstration Soit O un ouvert de H et a ∈ φ−1(O). On pose b ≡ φ(a−1). Latranslation à gauche gb étant un homéomorphisme, gb(O) est un voisinage ouvertde e ∈ H. φ étant continu en e ∈ G, il existe un voisinage ouvert U de e tel queφ(U) ⊂ gb(O). La translation à gauche ga transforme U en un voisinage ouvertga(U) de a tel que

φ(ga(U)) = φ(aU) = φ(a)φ(U) ⊂ φ(a)gb(O) = φ(a)φ(a−1)O = O,

et donc a ∈ ga(U) ⊂ φ−1(O), ce qui montre que φ−1(O) est ouvert.

On démontre de manière complètement analogue que φ est ouvert s’il est ouvert ene, c’est-à-dire si φ(V) est un voisinage de e pour tout voisinage V de e.

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32 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Si φ : G→ H est un morphisme, on a la décomposition canonique

φ

G −→ H

π↓ ↑i

G/Kerφ −→ Imφφ

où π est la surjection canonique, i l’injection canonique et φ est un isomorphisme. SiG et H sont topologiques, il en est de même de G/Kerφ et de Imφ. Supposons queφ soit continu. Un sous-ensembleO ⊂ Imφ est ouvert siO = i−1(O ′) = O ′∩ Imφpour un ouvert O ′ de H. On a donc

φ−1(O) = π(a) |φ(a) ∈ O ′ = π(φ−1(O ′)),

et comme φ est continu et π ouvert on peut conclure que φ est continu. Si φ estbi-continu on a de plus, pour tout ouvert O ⊂ G/Kerφ,

φ(O) = φ(a) |π(a) ∈ O

= φ(a) |a ∈ π−1(O)

= φ(π−1(O)),

et comme π est continu et φ ouvert, on peut conclure que φ est ouvert.

Théorème 10 Soient G, H des groupes topologiques et φ : G→ H un morphisme.

i. Si φ est un morphisme continu, φ : G/Kerφ → Imφ est un isomorphismecontinu.

ii. Si φ est un morphisme topologique, φ est un isomorphisme topologique et doncG/Kerφ ≈ Imφ.

Exemple 16 Si H est discret, tout morphisme continu φ : G → H est bi-continupuisque tout sous-ensemble de H est ouvert.

Soit G un groupe linéaire tel que le morphisme det : G→ K∗ aie une image discrètedet(G) (c’est le cas de tous les groupes linéaires réels que nous avons introduit dansle paragraphe 1.2, puisque ces groupes sont formés de matrices de déterminant ±1).On a alors Ker det = T ∈ G | det T = 1 ≡ SG et le quotient G/SG ≈ detG estdiscret.

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 33

1.3.3 Composantes connexes

Soient G un groupe topologique et U ⊂ G un voisinage de l’élément neutre e ∈ G.U−1 ≡ a−1 |a ∈ U étant l’image de U par l’homéomorphisme x 7→ x−1, c’est unvoisinage de e. Il en est de même de U ∩U−1. L’ensemble

G(U) ≡ a1a2 · · ·an |n ∈ N;a1, . . . ,an ∈ U ∩U−1,

est un sous-groupe de G. En effet, le produit de deux éléments de G(U) est évidem-ment un élément de G(U), l’inverse d’un élément de G(U) est encore dans G(U) etfinalement e ∈ U ∩U−1 ⊂ G(U).

Posons V ≡ U ∩ U−1 et soit a ∈ G(U). La translation à gauche ga étant un ho-méomorphisme, ga(V) = aV est un voisinage de a = ga(e) et comme aV ⊂ G(U)

on en conclut que G(U) est ouvert. G(U) est également fermé. En effet, les classes àgauche aG(U) = ga(G(U)) sont toutes ouvertes et forment une partition de G. Ona donc

G(U) = G \⋃

a∈G\G(U)

aG(U).

On note en particulier que si G est connexe, alors G(U) = G. Nous avons doncdémontré le théorème suivant.

Théorème 11 Soient G un groupe topologique connexe et U un voisinage de son élé-ment neutre. U engendre G : pour tout a ∈ G il existe n ∈ N et a1, . . . ,an ∈ U telsque

a = a1 · · ·an.

Théorème 12 Dans un groupe topologiqueG, la composante connexe de l’élément neutreest un sous-groupe distingué.

Démonstration Soient C la composante connexe de e dans G et a ∈ C. La transla-tion à gauche ga étant un homéomorphisme, ga(C) = aC est également connexe.C étant la composante connexe de a on a aC ⊂ C. C est donc stable. De mêmea−1C est connexe et contient e. On a donc a−1C ⊂ C, d’où a−1 ∈ C. C est bien unsous-groupe.

Soit b ∈ G. La conjugaison jb : x 7→ bxb−1 étant un homéomorphisme, jb(C) estconnexe et contient e. On a donc jb(C) ⊂ C ce qui montre que C est distingué dansG.

Définition 5 SoitG un groupe topologique. On dénote par C(G) la composante connexede son élément neutre. Le groupe G/C(G) est appelé groupe des composantes connexes deG.

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34 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

La translation à gauche ga étant un homéomorphisme, il est clair que ga(C(G)) estla composante connexe de a dans G. Les éléments du groupe quotient G/C(G) sontles classes à gauche aC(G) = ga(C(G)), ce sont bien les composantes connexes deG.

Théorème 13 Si G est un groupe topologique localement connexe, le groupe des compo-santes connexes de G est discret (voir figure 1.2).

e

a

b

c

G/C(G)

π

C(G)

b C(G)

aC(G)

c C(G)

G

Fig. 1.2 – Le groupe localement connexe G est la somme topologique de ses compo-santes connexes.

Démonstration Si G est localement connexe, e admet un voisinage connexe V . SoitU ⊂ V un ouvert contenant e. On a U ⊂ V ⊂ C(G) et si π : G → G/C(G) est lasurjection canonique il en résulte que π(U) ⊂ π(C(G)) = e, où e = C(G) dénotel’élément neutre de G/C(G). U étant un ouvert non-vide et π ouvert, on en conclutque π(U) = e est ouvert. Pour tout a ∈ G/C(G), la translation à gauche ga est unhoméomorphisme, on obtient ainsi que a = ga(e) est également ouvert. Toutsous-ensemble de G/C(G) est donc ouvert, c’est-à-dire que la topologie de G/C(G)

est discrète.

Exemple 17 R∗ n’est pas connexe, c’est la réunion de deux ouverts disjoints R∗ =

] −∞, 0[∪]0, +∞[. Ses deux composantes connexes sont R− =] −∞, 0[ et R+ =

]0, +∞[. Le groupe des composantes connexes de R∗ est isomorphe à Z2.

C∗ est connexe par arc et donc connexe. Soient z = reiϕ et w = seiψ où nous

pouvons supposer, sans restreindre la généralité, que 0 < r 6 s. Alors

γ(t) ≡ (r+ t(s− r))ei(ϕ+t(ψ−ϕ)),

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 35

est une courbe continue reliant z à w et telle que |γ(t)| = r+ t(s− r) > r > 0.

Exemple 18 Le groupe orthogonal O(d) n’est pas connexe. Le morphisme det :

O(d)→ −1, +1 étant continu et surjectif, on a une décomposition

O(d) = det−1(1) ∪ det−1

(−1),

en sous-ensembles fermés disjoints. Comme det I = 1, la composante connexe de Idans O(d) ne peut contenir que des rotation. C’est un sous-groupe de SO(d).

Le groupe SO(d) est connexe par arc. En effet, si T ∈ SO(d) il existe S ∈ O(d), etα1, . . . ,αr ∈ R tels que

T = S

R(α1) · · · 0 0

... . . . ......

0 · · · R(αr) 00 · · · 0 Id−2r

S−1, (1.13)

où Id−2r est la matrice unité de dimension d− 2r et

R(α) ≡[

cosα − sinαsinα cosα

]. (1.14)

On définit une courbe continue T(t) dans SO(2) telle que T(0) = I et T(1) = T enremplaçant dans (1.13) les blocs R(αk) par R(tαk).

Si S est un autre élément de SO(d), on définit de manière analogue une courbe S(t)dans SO(d) telle que S(0) = I et S(1) = S. La courbe composée

γ(t) ≡S(1 − 2t) si t ∈ [0, 1/2],T(2t− 1) si t ∈ [1/2, 1],

est continue et relie S à T .

La composante connexe de I dans O(d) est le groupe SO(d). En effet c’est d’unepart le plus grand sous-ensemble connexe de O(d) contenant I, il doit donc contenirSO(d). D’autre part nous avons déjà remarqué que ce sous-ensemble doit être unsous-groupe de SO(d). Le groupe des composantes connexes de O(d) est donc lequotient

O(d)/ SO(d) = O(d)/Ker det ≈ Im det = −1, +1 ≈ Z2.

Si P ∈ O(d) est un élément quelconque de déterminant −1 on a

O(d) = SO(d)⋃P SO(d).

On démontre de manière très similaire que U(d) et SU(d) sont connexes par arc.

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36 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Exemple 19 GL(d,C) est connexe par arc. Soient T ∈ GL(d,C) et

T(z) ≡ I+ z(T − I). (1.15)

Alors p(z) ≡ det T(z) est un polynôme ne s’annulant pas en z = 0 et en z = 1.Il existe donc une courbe continue γ : [0, 1] → C telle que γ(0) = 0, γ(1) = 1 etp(γ(t)) 6= 0 pour tout t ∈ [0, 1] (voir figure 1.3). Alors Tt ≡ T γ(t) est une courbecontinue dans GL(d,C) reliant I à T . On procède ensuite comme dans l’exemple 18.

10

γ

Fig. 1.3 – La courbe γ évite les zéros de p(z).

SL(d,C) est connexe par arc. Soient T ∈ SL(d,C) et T(z) donné par la formule(1.15). Le problème est ici compliqué par le fait que p(z) = det T(z) 6= 1 et doncT(z) 6∈ SL(d,C). On a la factorisation p(z) = A

∏di=1(z − zi) et on muni chaque

zéro zi d’une coupure selon la figure 1.4. Il existe une courbe continue γ reliant 0 à1 et évitant toutes les coupures. On peut donc définir

∆(z) = A1/dd∏i=1

(z− zi)1/d

comme une fonction analytique dans un voisinage de γ telle que ∆(z)d = p(z). Ondéfinit finalement T ′t = T γ(t)/∆ γ(t). C’est une courbe continue dans SL(d,C)

reliant I à T et on termine comme précédemment.

10 γ

Fig. 1.4 – La courbe γ évite les coupures issues des zéros de p(z).

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 37

Exemple 20 GL(d,R) n’est pas connexe, on a

GL(d,R) = GL+(d,R) ∪GL−(d,R),

où GL±(d,R) ≡ T ∈ GL(d,R) | ±det T > 0 sont ouverts et disjoints. GL+(d,R)

est un groupe, c’est la pré-image dans GL(d,R) du groupe ]0,∞[ par le morphismedet.

GL+(d,R) est connexe par arc. Soit T ∈ GL+(d,R), alorsA ≡ T>T est une matricesymétrique définie positive

∑ijAijxixj =

∑ijk TkiTklxixj = |Tx|2. Il existe donc

S ∈ O(d) tel que A = S−1DS avec Dij = δijλi et λi > 0. Soit R la racine carréede A, R = S−1D1/2S où D1/2

ij = δijλ1/2i . Alors U = TR−1 ∈ SO(d). En effet si

(x,y) =∑i xiyi dénote le produit scalaire usuel sur Rd on a

(Ux,Uy) = (TR−1x, TR−1y) = (x,R−1R2R−1y) = (x,y),

et detU = det T/ detR = det T/ detD1/2 > 0. On a donc T = UR (c’est la dé-composition polaire de T ). D’après l’exemple 18, il existe une courbe continue U(t)

dans SO(d) telle que U(0) = I et U(1) = U. On définit R(t) ≡ S−1M(t)S avecMij(t) = δijλ

t/2i . Alors T(t) = U(t)R(t) est continue, T(1) = UR = T et T(0) = I.

On procède ensuite comme dans l’exemple 18, en particulier on note que la compo-sante connexe de I dans GL(d,R) est GL+(d,R).

On procède de façon analogue pour montrer que SL(d,R) est connexe par arc. Onremarque en effet que si det T = 1, alors

det T(t) = detR(t) = detM(t) =

d∏i=1

λt/2i =

(d∏i=1

λi

)t/2

= 1.

Le tableau 1.1 résume la situation pour les groupes linéaires que nous avons intro-duits dans le paragraphe 1.2.

1.3.4 Espaces simplement connexes

Définition 6 Un espace topologique X est simplement connexe s’il est connexe par arcet si toute courbe fermée et continue γ dans X peut être continuement déformée en unpoint : pour toute courbe continue γ : [0, 1] → X telle que γ(0) = γ(1) il existe uneapplication Γ : [0, 1]× [0, 1]→ X telle que

i. Γ(t, 0) = γ(t) pour tout t ∈ [0, 1].

ii. Γ(t, 1) = Γ(0, 1) pour tout t ∈ [0, 1].

iii. Γ(0, s) = Γ(1, s) pour tout s ∈ [0, 1].

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38 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

Groupe Connexe (simplement) Groupe des composantes connexesGL(d,C) oui (non)SL(d,C) oui (oui)GL(d,R) non Z2

SL(d,R) oui (non)U(d) oui (non)SU(d) oui (oui)O(d) non Z2

SO(d) oui (non)O(p, n) non Z4

SO(p,n) non (pn 6= 0) Z2

Sp(2n) oui (non)

Tab. 1.1 – Connexité des groupes linéaire

Exemple 21 C∗ n’est pas simplement connexe. Soit Γ(t, s) une déformation conti-nue du cercle γ(t) ≡ e2iπt dans un point a ∈ C∗. Γ étant uniformément continue,pour tout ε il existe δ tel que |Γ(t, s) −a| < ε si (t, s) ∈ [0, 1]× [1 − δ, 1]. La courbedéformée Γ(·, s) est donc entièrement contenue dans le disqueDε(a). Comme cettecourbe encercle 0 on a aussi 0 ∈ Dε(a). On en conclut que a = 0 ce qui est absurde.

ǫ

a0

Fig. 1.5 – Les points a et 0 sont dans le même ε-voisinage.

Exemple 22 GL(d,C) n’est pas simplement connexe. La courbe fermée dans GL(d,C)

définie par

γ(t) =

e2πit

1. . .

1

,

n’est pas continuement déformable en un point. En effet, si une telle déformation

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1.3. GROUPES TOPOLOGIQUES 39

Γ(t, s) existait, alors Γ(t, s) ≡ det Γ(t, s) serait une déformation continue du cercleγ(t) = detγ(t) = ei2πt dans C∗ ce qui est impossible par l’exemple précédent. Cetargument montre également que U(d) n’est pas simplement connexe.

1.3.5 Mesure de Haar d’un groupe compact

Dans le première partie de ce cours, la mise en oeuvre du concept de moyenne in-variante sur un groupe fini a permis de développer complètement la théorie desreprésentations de ces groupes. Il est clair que si une telle moyenne invariante existesur un groupe topologique, la théorie des représentations de ce groupe pourra êtredéveloppée en suivant les même lignes (relations d’orthogonalités, caractères, ...)

Le théorème suivant montre que la théorie des représentations des groupes topolo-giques compacts est très similaire à celle des groupes finis. Nous suivrons une voiecomplètement différente dans cette seconde partie du cours. Nous ne démontreronsdonc pas ce résultat (voir par exemple W. Rudin : Functional Analysis. McGraw-Hill,New York, 1973).

Théorème 14 Sur un groupe topologique compact G il existe une unique mesure deBorel régulière µ telle que µ(G) = 1 et∫

G

f(gx)dµ(x) =

∫G

f(x)dµ(x),

pour tout g ∈ G et f ∈ C(G). On appelle µmesure de Haar de G.

La mesure de Haar µ satisfait égalementi.∫G f(xg)dµ(x) =

∫G f(x)dµ(x) pour tout g ∈ G et f ∈ C(G).

ii.∫G f(x

−1)dµ(x) =∫G f(x)dµ(x) pour tout f ∈ C(G).

Exemple 23 Sur le groupe G ≡ SO(2), la mesure de Haar est donnée par

Mf ≡∫

SO(2)f(g)dµ(g) =

∫ 2π

0f(g(α))

2π,

où g(α) représente la rotation d’angle α. La représentation régulière de G dans l’es-pace L2(G,dµ) des fonctions de carré intégrable sur G est donnée par

πreg(g) : L2(G,dµ) → L2(G,dµ)

f(·) 7→ f(g−1·).

Les sous-espaces invariants par cette représentation sont les sous-espaces de dimen-sion 1 engendrés par les fonction fn(g(α)) = einα. On a en effet

πreg(g(β))fn = e−inβfn ≡ χn(g(β))fn,

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40 CHAPITRE 1. PRÉLIMINAIRES

ce qui montre que les caractères irréductibles de SO(2) sont les fonctions

χn(g(β)) = e−inβ,

qui forment une base orthonormée de L2(G,dµ).

Exemple 24 Sur le groupe additifR, la seule mesure invariante par translation est lamesure de Lebesgue. Comme elle n’est pas finie, il n’existe pas de moyenne invariantesur R. Ce n’est pas une spécificité du groupe R. Tout groupe localement compactadmet une mesure invariante par translation. Cependant, cette mesure n’est finie quelorsque le groupe est compact.

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Chapitre 2

Groupes de Lie

2.1 Définition et exemples

Définition 7 Un groupe de Lie matriciel est un sous-groupe fermé d’un groupe linéaireGL(d,K).

Un groupe de Lie est un groupe G muni d’une structure de variété différentiabletelle que les opérations de groupe (produit et inversion) soient différentiables. Sansentrer dans les détails, G est une variété différentiable de dimension k si c’est unsous-ensemble de RM tel que, pour tout a ∈ G, il existe un voisinage U 3 a dansRM et un système de coordonnées différentiables (x1, . . . , xM) : U→ R

M tel que

G ∩U = b ∈ U | xk+1(b) = · · · = xM(b) = 0.

La notion de groupe de Lie est plus générale que celle de groupe de Lie matriciel for-mulée dans la définition 7. Cependant les groupes de Lie sont pratiquement tous desgroupes de Lie matriciels. Comme d’autre part le développement de la théorie géné-rale des groupes de Lie nécessite la mise en oeuvre de tout un arsenal de géométriedifférentielle des variétés, nous nous restreindrons dans ce cours aux seuls groupesde Lie matriciels. Par la suite nous sous-entendrons toujours cette restriction et par-lerons simplement de groupe de Lie.

On notera qu’un groupe de Lie G ⊂ GL(d,K) est naturellement un groupe topolo-gique muni de la topologie relative. Le fait que G soit fermé dans GL(d,K) peut setraduire de la manière suivante. Pour toute suite Xn dansG telle que limn→∞ Xn = X

pour un X ∈ Mat(d,K) on a soit X ∈ G, soit X 6∈ GL(d,K).

On sera attentif au fait qu’un groupe de Lie n’est pas nécessairement un sous-ensemblefermé de Mat(d,K). Par contre un sous-groupe de GL(d,K) fermé dans Mat(d,K)

l’est également dans GL(d,K) et est donc un groupe de Lie.

41

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42 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Dans un groupe de Lie, les opérations de groupes (a,b) 7→ ab et a 7→ a−1 sontanalytiques. C’est évident pour le produit qui est une application bilinéaire dansl’algèbre Mat(d,K). Pour l’inverse, c’est une conséquence de la formule (1.7). On ale développement

(a+ h)−1 = [a(I+ a−1h)]−1 = (I+ a−1h)−1a−1 =

∞∑n=0

(−1)n(a−1h)na−1,

qui est absolument convergent pour ‖h‖ < ‖a−1‖−1.

Théorème 15 Un groupe de Lie G ⊂ GL(d,K) est compact si et seulement si G est unsous-ensemble fermé et borné de l’algèbre Mat(d,K).

Démonstration Comme Mat(d,K) est un K-espace vectoriel de dimension finie, ilne s’agit ici que d’une forme déguisée du théorème de Borel-Lebesgue.

Exemple 25 GL(d,k) est le premier exemple de groupe de Lie. Il n’est ni fermé niborné dans Mat(d,K) puisque pour tout λ ∈ K∗ on a Tλ ≡ λI ∈ GL(d,K) et

limλ→0

Tλ = 0 6 ∈GL −d,K),

limλ→0‖Tλ‖ = ∞. (2.1)

La fonction det étant continue, SL(d,K) = T ∈ GL(d,K) | det T = 1 est fermédans GL(d,K), c’est donc un groupe de Lie. Il est compact (en fait trivial !) pourd = 1. Pour d > 1 il n’est ni fermé ni borné dans Mat(d,K), en effet la matrice

Tλ ≡

λ 0 0 · · · 00 λ−1 0 · · · 00 0 1 · · · 0...

...... . . . ...

0 0 0 · · · 1

,

est un élément de SL(d,K) qui satisfait aussi (2.1).

Exemple 26 Il est aisé de se convaincre que T 7→ T∗ est une application continuedans Mat(d,K) (si K = R, on conviendra que T∗ = T>). Si g ∈ GL(d,K), l’applica-tion

T 7→ T∗gT ,

est donc continue. On en conclut que le sous-ensemble

Gg ≡ T ∈ GL(d,K) | T∗gT = g,

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2.1. DÉFINITION ET EXEMPLES 43

es fermé dans GL(d,K). On vérifie aisément que c’est un groupe. C’est donc ungroupe de Lie. On remarque que pour tout T ∈ Mat(d,K), T∗gT = g implique| det T | = 1 et en particulier T ∈ GL(d,K). On a donc

Gg = T ∈ Mat(d,K) | T∗gT = g,

ce qui montre que Gg est également fermé dans Mat(d,K).

Si g est symétrique (ou hermitienne) et définie (sans restriction de la généraliténous supposerons g définie positive), alors |||T |||2 ≡ tr(T∗gT) définit une normesur Mat(d,K) (ce n’est pas une norme d’algèbre, mais ceci na pas d’importance pourle présent argument). Pour tout T ∈ Gg on a alors |||T ||| = tr(g)1/2 ce qui montreque Gg est borné. C’est donc un groupe de Lie compact.

Un choix approprié de g, montre que les groupes orthogonaux O(p,n), symplec-tiques Sp(2n) et unitaires U(p,n) sont des groupes de Lie fermé dans leurs algèbresmatricielles respectives. De plus O(d) et U(d) sont des groupes de Lie compacts.On montre facilement que O(p,n) et U(p,n) ne sont pas compacts si p,n > 0. Demême Sp(2n) n’est pas compact.

Exemple 27 Les groupes d’isométries affines A(p,n) sont des groupes de Lie. Eneffet si

fk =

[Tk ak0 1

]∈ A(p,n),

est une suite convergente dans Mat(p + n + 1,R) alors Tk ∈ O(p,n) est une suiteconvergente dans Mat(p + n,R) et comme O(p,n) est fermé dans cette algèbre salimite T appartient à O(p,n). De même la suite ak ∈ Rp+n est convergente et salimite a est un élément de Rp+n. On a donc

limk→∞ fk = f =

[T a

0 1

]∈ A(p,n),

ce qui montre que A(p,n) est fermé dans Mat(p + n + 1,R) et donc aussi dansGL(p + n + 1,R). Par contre il n’est pas borné, même lorsque p ou n est nulpuisque ‖f‖ →∞ lorsque |a|→∞. A(p,n) n’est donc pas compact.

Exemple 28 Le groupe diédral Dn est un sous-groupe discret de GL(2,R), c’estdonc un groupe de Lie. Il est cependant de nature très particulière puisque la com-posante connexe de I dans Dn se réduit à I.

Définition 8 Soit G un groupe de Lie. On appelle sous-groupe de Lie de G un sous-groupe fermé de G.

Théorème 16 Un sous groupe de LieH d’un groupe de Lie G est un groupe de Lie. Si Gest compact, H l’est également.

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44 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Démonstration Il suffit de montrer qu’un sous-ensemble H fermé dans le groupeG ⊂ GL(d,K) est aussi fermé dans GL(d,K). C’est une propriété générale de latopologie relative.

Soit X un espace topologique et Y ⊂ X un sous-espace muni de la topologie relative.Sur le sous-ensemble Z ⊂ Y ⊂ X les topologies relatives à Y et à X coïncident.

En effet si i1 : Y → X et i2 : Z → Y sont les injections canoniques, alors la com-position i1 i2 : Z → X est l’injection canonique. La topologie de Z relative à Xest donc TZ = (i1 i2)−1(O) |O ouvert deX. Or (i1 i2)−1(O) = i−1

2 (i−11 (O))

et les sous-ensembles O ′ = i−11 (O) sont précisément les ouverts de Y. On a donc

TZ = i−12 (O ′) |O ′ ouvert dansY qui est la topologie de Z relative à Y. Les deux

topologies relatives sur Z étant identiques, elle admettent les même sous-ensemblesfermés.

La seconde assertion du théorème suit du fait qu’un sous ensemble fermé d’uncompact est compact.

On notera en particulier que la composante connexe de I dans un groupe de Lie estun sous-groupe de Lie.

Exemple 29 Si G est un groupe de Lie, alors SG ≡ T ∈ G | det T = 1 est unsous-groupe de Lie puisque l’application det est continue. Ainsi SO(p,n) est unsous-groupe de Lie de O(p, n) et SU(p,n) un sous-groupe de Lie de U(p, n). Deplus SO(d) et SU(d) sont des groupes de Lie compacts.

Définition 9 Un morphisme de Lie entre deux groupes de LieG etH est un morphismecontinu de G dans H.

Nous verrons plus tard qu’un morphisme de Lie est automatiquement analytique.Nous connaissons déjà un exemple de ce phénomène : un morphisme continu dugroupe de Lie R dans un groupe de Lie G ⊂ Mat(d,K) est un sous-groupe à unparamètre et est analytique d’après le Théorème 5.

2.2 L’algèbre de Lie d’un groupe de Lie

Définition 10 Soit G ⊂ GL(d,K) un groupe de Lie. On appelle algèbre de Lie de Gl’ensemble

g ≡ X ∈ Mat(d,K) | etX ∈ G pour tout t ∈ R.

Il est important de remarquer que la condition eX ∈ G n’implique pas nécessaire-ment que X ∈ g. Par exemple X ≡ 2πiI ∈ Mat(d,C) satisfait eX = I ∈ SU(d), alorsque etX = e2πitI 6∈ SU(d) pour td 6∈ Z. Cependant on peut remplacer la conditionglobale etX ∈ G par une condition locale, comme le montre le lemme suivant.

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2.2. L’ALGÈBRE DE LIE D’UN GROUPE DE LIE 45

Lemme 1 SoitG ⊂ GL(d,K) un groupe de Lie et g son algèbre de Lie. Pour tout ε > 0on a

g = X ∈ Mat(d,K) | etX ∈ G pour tout t ∈] − ε, ε[.

Démonstration On remarque que pour tout s ∈ R il existe un entier N tel queδ = s−Nε/2 ∈ [0, ε/2[. Si etX ∈ G pour |t| < ε on a donc

esX = e(Nε/2+δ)X = (eεX/2)NeδX ∈ G,

ce qui montre que X ∈ g.

X ∈ Mat(d,K) est un élément de l’algèbre de Lie de G si et seulement si le sous-groupe à un paramètre qu’il engendre, φ(t) = etX, est un sous-groupe de G. Onnote que X = d

dtφ(t)|t=0, c’est-à-dire que X est le vecteur tangent à la courbe φ(t)

en φ(0) = I. L’algèbre de Lie d’un groupe de Lie est donc l’ensemble des vecteurstangents en I aux sous groupes à un paramètres de G.

G

I

φ(t)

X

Fig. 2.1 – X comme vecteur tangent en I au sous-groupe φ(t).

Exemple 30 L’algèbre de Lie du groupe R∗ (respectivement C∗) est R (respective-ment C). Celle du sous-groupe −1, 1 ⊂ R est 0 alors que celle du sous-groupeS1 = z ∈ C | |z| = 1 est iR.

Exemple 31 Pour tout X ∈ Mat(d,K) et tout t ∈ R on a etX ∈ GL(d,K). En effet,d’après le théorème 6, etX est inversible et e−tX est son inverse. L’algèbre de Lie deGL(d,K) est donc

gl(d,K) = Mat(d,K).

Toujours d’après le théorème 6, det etX = et trX. L’algèbre de Lie de SL(d,K) estdonc

sl(d,K) = X ∈ Mat(d,K) | trX = 0.

Théorème 17 L’algèbre de Lie g d’un groupe de Lie G ⊂ GL(d,K) est un espace vecto-riel réel. On appelle dimension du groupe G la dimension de cet espace vectoriel.

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46 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Démonstration Comme g ⊂ Mat(d,K), il suffit de montrer que g est stable pourl’addition et la multiplication par un scalaire réel. Si X ∈ g et λ ∈ R on a et(λX) =

e(tλ)X ∈ G pour tout t ∈ R et donc λX ∈ g. Si X, Y ∈ g et t ∈ R, il suit de laformule de Lie (théorème 7) que

et(X+Y) = limN→∞(etX/NetY/N)N.

Comme pour tout N, etX/N et etY/N sont des éléments de G et comme G est ungroupe on a (etX/NetY/N)N ∈ G. G étant fermé dans GL(d,K) et la limite et(X+Y)

étant un élément de GL(d,K) il suit que et(X+Y) ∈ G. On a donc X+ Y ∈ g.

Exemple 32 La dimension du groupe de Lie GL(d,C) est 2d2, son algèbre de LieMat(d,C) étant de dimension complexe d2. La dimension de GL(d,R) est d2.

L’application X 7→ trX est une forme linéaire sur Mat(d,K), son noyau est doncde codimension 1. On a par conséquent dimK sl(d,K) = d2 − 1 qui nous permet deconclure que SL(d,C) est de dimension 2(d2−1) alors que SL(d,R) est de dimensiond2 − 1.

Exemple 33 Soit X ∈ Mat(p+ n,R), alors etX ∈ O(p,n) si et seulement si

(etX)>getX = g, (2.2)

où g est la matrice diagonale gij = giδij avec

g1 = · · · = gp = 1, gp+1 = · · · = gp+n = −1.

En utilisant le théorème 6 on peut donc écrire (2.2) comme

etX>

= ge−tXg−1 = e−tgXg−1.

L’application exponentielle étant injective près de 0, cette dernière égalité ne peutêtre vraie pour tout t ∈ R que si X> = −gXg−1, ou encore Xg+gX> = 0. L’algèbrede Lie du groupe O(p,n) est donc

o(p,n) = X ∈ Mat(p+ n,R) |Xg+ gX> = 0.

En utilisant une notation par blocs, on obtient que X ∈ o(p,n) si et seulement si

X =

[A B

B> C

], (2.3)

où A est une matrice p × p réelle anti-symétrique (A + A> = 0), C une matriced× d réelle anti-symétrique (C+ C> = 0) et B une matrice réelle p× n.

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2.2. L’ALGÈBRE DE LIE D’UN GROUPE DE LIE 47

L’espace vectoriel réel des matrices d×d réelles et anti-symétriques est de dimension(d2 − d)/2. On en conclut que la dimension de O(p,n) est ne dépend que de d =

p+ n,

dim O(p,n) =p(p− 1)

2+n(n− 1)

2+ pn =

(p+ n)(p+ n− 1)2

=d(d− 1)

2.

On note en particulier que l’algèbre de Lie de O(d) est l’ensemble des matrices d×dréelles anti-symétriques,

o(d) = X ∈ Mat(d,R) |X+ X> = 0.

On remarque qu’une matrice réelle anti-symétrique a une trace nulle, ses élémentsdiagonaux étant tous nuls. Si X ∈ o(p,n) la représentation (36) montre que trX =

trA + trC = 0 et par conséquent det etX = et trX = 1, c’est-à-dire que etX ∈SO(p,n). L’algèbre de Lie de SO(p,n) coïncide donc avec celle de O(p,n) et il enest de même de leurs dimensions.

Exemple 34 Penchons nous de plus près sur le groupe SO(3) qui joue un rôle parti-culièrement important puisque c’est le groupe des rotations dans l’espace physiqueà trois dimensions. Comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent, son algèbrede Lie so(3) est l’espace vectoriel réel des matrices réelles 3× 3 anti-symétriques. Sadimension est 3 et coïncide donc avec la dimension de l’espace sur lequel agissent cesmatrices (d(d− 1)/2 = d si et seulement si d = 3 !). Comme espace vectoriel, so(3)est donc isomorphe à R3, un tel isomorphisme est donné par

ω =

ω1

ω2

ω3

7−→ Ω =

0 −ω3 ω2

ω3 0 −ω1

−ω2 ω1 0

. (2.4)

On note que pour tout x ∈ R3 on a

Ωx = ω∧ x,

où ∧ dénote le produit vectoriel dans R3. Par conséquence x(t) = etΩx satisfaitl’équation différentielle

x(t) = Ωx(t) = ω∧ x(t).

Soit P la projection orthogonale sur la droite dirigée par ω et Q la projection sur leplan perpendiculaire à ω

Px =(ω · x)ω

|ω|2, Qx = (I− P)x.

Pour z(t) = Px(t) on obtient immédiatement

z(t) = Px(t) = P(ω∧ x(t)) = 0,

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48 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

et donc z(t) = z(0). En utilisant l’identité de Lagrange a∧(b∧c) = b(a·c)−c(a·b)on note que

x(t) = ω∧ x(t) = ω∧ (ω∧ x(t)) = (ω · x(t))ω− |ω|2x(t) = −|ω|2Qx(t),

et par conséquence y(t) = Qx(t) satisfait

y(t) = −|ω|2y(t).

Cette équation se résout immédiatement

y(t) = cos(|ω|t)y(0) +sin(|ω|t)

|ω|y(0).

Comme y(0) = Qx(0) = Q(ω∧x) = ω∧x, on obtient ainsi la formule de rotationd’Euler

etΩx = Px+ cos(|ω|t)Qx+sin(|ω|t)

|ω|ω∧ x.

On en déduit que etΩ est une rotation d’angle |ω|t autour de l’axe dirigé par ω.

Exemple 35 On détermine de façon similaire l’algèbre de Lie des groupes unitairesU(d). Il suffit de remplacer X> par X∗ dans l’exemple précédent. On obtient l’al-gèbre de Lie

u(d) = X ∈ Mat(d,C) |X+ X∗ = 0.

qui est l’ensemble de s matrices d × d anti-hermitiennes. La dimension du groupeunitaire U(d) est 2(d2 − d)/2 + d = d2.

On a etX ∈ SU(d) si et seulement si etX ∈ U(d) et det etX = et trX = 1. L’algèbrede Lie de SU(d) est donc

su(d) = X ∈ u(d) | trX = 0.

La trace d’une matrice anti-hermitienne étant réelle, l’application tr : u(d)→ R estune forme linéaire dont le noyau est de codimension 1. La dimension de SU(d) estdonc d2 − 1.

Exemple 36 Pour déterminer l’algèbre de Lie du groupe symplectique Sp(2n), onprocède de manière analogue aux deux exemples précédents. La différence résidecette fois dans le fait que la matrice symétrique g est remplacée par la matrice anti-symétrique Ω. On obtient facilement

sp(2n) = X ∈ Mat(2n,R) |XΩ+ΩX> = 0.

En notation par blocs, X ∈ sp(2n) si et seulement si

X =

[A B

C −A>

],

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2.2. L’ALGÈBRE DE LIE D’UN GROUPE DE LIE 49

où A,B,C sont des matrices n×n réelles et B,C sont symétriques. La dimension del’espace vectoriel réel des matricesn×n symétriques est (n2−n)/2+n = n(n+1)/2.La dimension de Sp(2n) est donc

n2 + 2n(n+ 1)

2= n(2n+ 1).

Groupe Dimension Algèbre de LieGL(d,C) 2d2 gl(d,C) = Mat(d,C)

SL(d,C) 2(d2 − 1) sl(d,C) = X ∈ Mat(d,C) | trX = 0GL(d,R) d2 gl(d,R) = Mat(d,R)

SL(d,R) d2 − 1 sl(d,R) = X ∈ Mat(d,R) | trX = 0U(d) d2 u(d) = X ∈ Mat(d,C) |X∗ = −X

SU(d) d2 − 1 su(d) = X ∈ Mat(d,C) |X∗ = −X, trX = 0O(p,n) d(d− 1)/2 o(p,n) = X ∈ Mat(d,R) |Xg+ gX> = 0SO(p,n) d(d− 1)/2 so(p,n) = X ∈ Mat(d,R) |Xg+ gX> = 0Sp(2n) n(2n+ 1) sp(2n) = X ∈ Mat(2n,R) |XΩ+ΩX> = 0

Tab. 2.1 – Algèbres de Lie des groupes classiques (d ≡ p+ n)

Si G est un groupe de Lie et g son algèbre de Lie, l’application exponentielle

exp : g → G

X 7→ expX ≡ eX,

est réelle-analytique. En particulier elle est continue et comme g est un espace vecto-riel il est connexe et il en est de même de son image exp g ⊂ G. Comme d’autre partI ∈ exp g on en conclut que exp g est contenu dans la composante connexe C(G). Ilen résulte que l’algèbre de Lie du groupe de Lie C(G) coïncide avec g.

Exemple 37 La composante connexe de I dans le groupe diédral Dn est I puisquece groupe est discret. On en conclut que l’algèbre de Lie du groupe Dn est trivialedn = 0. Dn est un groupe de Lie de dimension 0.

Exemple 38 Nous avons vu dans l’exemple 32 que O(p,n) et SO(p,n) ont la mêmealgèbre de Lie. Pour le comprendre, il suffit de remarquer que O(p,n) n’est pasconnexe et que SO(p,n) est fermé dans O(p,n). La composante connexe C de Idans O(p,n) doit être contenue dans SO(p,n) puisque le déterminant prenant sesvaleurs dans −1,1 sur O(p,n) doit être constant (égal à 1) sur C. Ainsi C est aussi lacomposante connexe de I dans SO(p,n) et les algèbres de Lie des groupes O(p,n),SO(p,n) et C coïncident.

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50 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

2.3 L’application exponentielle g→ G

Théorème 18 Soit G un groupe de Lie et g son algèbre de Lie. Il existe des voisinages0 ∈ U ⊂ g et I ∈ V ⊂ G tels que l’application exp : U→ V soit un difféomorphisme.

Démonstration Nous savons que exp est un difféomorphisme analytique entreU0 ≡ X ∈ Mat(d,K) | ‖X‖ < log 2 et le voisinage I ∈ expU0 ⊂ GL(d,K), soninverse étant donné par log. Le théorème est donc démontré dans le cas particulierG = GL(d,K).

Dans le cas général G ⊂ GL(d,K) l’algèbre de Lie g est un sous-espace vectorielréel de Mat(d,K) que nous pouvons considérer comme un espace vectoriel réel (dedimension 2d2 si K = C). Il existe donc un sous-espace supplémentaire tel queMat(d,K) = g⊕ h. L’application

F : g⊕ h → Mat(d,K)

X⊕ Y 7→ eXeY ,

est un difféomorphisme de tout voisinage suffisamment petit U de 0 ⊕ 0 dans sonimage F(U). En effet F est différentiable et on calcule aisément l’application dérivéede F en 0⊕ 0,

(DF0⊕0)X⊕ Y =d

dtF(tX, tY)

∣∣∣∣t=0

= X+ Y,

c’est-à-dire que DF0⊕0 = I. Le théorème de la fonction inverse montre que F est undifféomorphisme d’un voisinage de 0 ⊕ 0 dans g ⊕ h dans un voisinage de I dansMat(d,K).

Comme F(g ∩ U) ⊂ G ∩ F(U) il suffit de montrer qu’il existe un voisinage V deI dans G tel que V ⊂ F(g ∩ U) = exp(g ∩ U). Dans ce cas en effet exp est undifféomorphisme de log(V) dans V dont l’inverse est log |V .

0gh U F

G F (U)VIFig. 2.2 – Le difféomorphisme F : g⊕ h→ Mat(d,K).

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2.3. L’APPLICATION EXPONENTIELLE G→ G 51

Supposons au contraire qu’un tel V n’existe pas. Il existe alors une suite an dansG ∩ F(U) telle que an → I et an 6∈ F(g ∩ U). On a donc an = F(Xn ⊕ Yn) avecYn 6= 0, Xn → 0, Yn → 0 et bn ≡ eYn = e−Xnan ∈ G. Comme la sphère unitéh1 ≡ Y ∈ h | ‖Y‖ = 1 est compacte on peut supposer, en passant éventuellement àune sous-suite, que Yn/‖Yn‖ → Y ∈ h1.

Pour t ∈ R soit kn la suite d’entier telle que kn < t/‖Yn‖ 6 kn + 1. Comme‖Yn‖ → 0 on a kn‖Yn‖ → t et donc bknn = eknYn = e(kn‖Yn‖)(Yn/‖Yn‖) → etY .G étant fermé dans GL(d,K) et etY ∈ GL(d,K) on peut conclure de bknn ∈ G queetY ∈ G pour tout t ∈ R, c’est-à-dire que Y ∈ g.

Puisque g ∩ h = 0 implique g ∩ h1 = ∅, ceci est une contradiction.

Corollaire 1 Soit G un groupe de Lie et g son algèbre de Lie. Si U est un voisinagesuffisamment petit de 0 dans g, tout élément a de la composante connexe C(G) de I dansG peut s’exprimer comme

a = eX1eX2 · · · eXn ,

avec n ∈ N et X1, . . . ,Xn ∈ U.

Démonstration Nous avons déjà remarqué que C(G) est un groupe de Lie d’algèbrede Lie g. Par le théorème 18, si U est assez petit il existe un voisinage V 3 I dansC(G) tel que pour tout b ∈ V on aie b = eX pour un X ∈ U. Par le théorème 11,tout élément a ∈ C(G) s’écrit comme un produit a = b1 · · ·bn avec bi ∈ V .

La démonstration du théorème 18 montre que dans un voisinage V de I dans GL(d,K)

l’application F−1 : GL(d,K)→ g⊕h fourni un système de coordonnées (X(a), Y(a)) =

F−1(a) tel que G ∩ V = a ∈ GL(d,K) |Y(a) = 0. Les translations à gauche de Gpermettent de transporter ces coordonnées dans un voisinage d’un point quelconquede G et de montrer que G admet la structure de variété différentiable évoquée au dé-but du paragraphe 2.1.

Si γ :] − ε, ε[→ G est une courbe différentiable dans le groupe de Lie G telle queγ(0) = I, le théorème 18 montre que X(t) ≡ log f(t) est une courbe différentiabledans l’algèbre de Lie g de G définie pout t assez petit. Le vecteur tangent à cettecourbe en t = 0 est un élément de g donné par

d

dtX(t)

∣∣∣∣t=0

= −d

dt

∞∑n=1

(I− γ(t))n

n

∣∣∣∣∣t=0

= γ(0).

On voit donc que le vecteur tangent à la courbe γ en t = 0, c’est-à-dire lorsque γpasse en I, est un élément de g. Comme nous avons déjà remarqué, à la suite dulemme 1, que tout X ∈ g est le vecteur tangent à la courbe φ(t) = etX en t = 0,nous avons le théorème suivant.

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52 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Théorème 19 L’algèbre de Lie d’un groupe de Lie G est l’espace vectoriel tangent à Gen I, c’est-à-dire l’ensemble des vecteurs tangents en I à toutes les courbes différentiablesdans G passant par I.

X gGYIFig. 2.3 – g comme espace tangent au groupe G.

2.4 Algèbres de Lie abstraites

Définition 11 Une K-algèbre de Lie est un K-espace vectoriel l muni d’une applicationbilinéaire

l× l → l

(x,y) 7→ [x,y],

telle que

i. Pour tout x ∈ l, [x, x] = 0.

ii. Pour tout x,y, z ∈ l, [x, [y, z]] + [y, [z, x]] + [z, [y, x]] = 0.

La dimension de l est sa dimension de K-espace vectoriel.

Le produit [·, ·] dans une algèbre de Lie n’est généralement pas associatif, c’est-à-direque [x, [y, z]] 6= [[x,y], z]. Une K-algèbre de Lie n’est donc pas une K-algèbre. Leproduit n’est pas commutatif, au contraire la propriété i permet d’écrire

0 = [x+ y, x+ y] = [x, x] + [x,y] + [y, x] + [y,y] = [x,y] + [y, x],

qui implique[y, x] = −[x,y], (2.5)

pour tout x,y ∈ l. La propriété ii est appelée identité de Jacobi.

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2.4. ALGÈBRES DE LIE ABSTRAITES 53

Exemple 39 L’espace vectoriel R3 muni du produit vectoriel

[x,y] ≡ x∧ y =

x2y3 − x3y2

x3y1 − x1y3

x1y2 − x2y2

,

est une algèbre de Lie.

Exemple 40 Soit V un K-espace vectoriel. L’algèbre L(V) des endomorphismes de V

munie du produit[X, Y] ≡ XY − YX,

est une K-algèbre de Lie. Le produit [X, Y] = XY − YX est appelé commutateurde X avec Y. Il est clairement bilinéaire et satisfait trivialement la condition i de ladéfinition 11. L’identité de Jacobi ii se vérifie par un simple calcul

[X, [Y,Z]] = + XYZ − XZY − YZX + ZYX

[Y, [Z,X]] = + XZY − YXZ + YZX − ZXY

[Z, [X, Y]] = − XYZ + YXZ + ZXY − ZYX

En particulier, Mat(d,K) = L(Kd) est une K-algèbre de Lie.

ToutC-espace vectoriel est unR-espace vectoriel par restriction de la multiplicationpar un scalaire à R. Si l est une C-algèbre de Lie c’est donc aussi une R-algèbre deLie. Réciproquement, si l est une R-algèbre de Lie et lC son complexifié en tantqu’espace vectoriel, le produit [·, ·] s’étend par linéarité à lC et un calcul simple maisun peu long montre que cette extension satisfait les propriétés i et ii de la définition11, on dit que lC est l’algèbre de Lie complexifiée de l.

Le définition suivante regroupe les principaux concepts associés à la structure d’al-gèbre de Lie.

Définition 12 Soit l une K-algèbre de Lie.

1. Une sous-algèbre de Lie de l est un sous-espace vectoriel m ⊂ l tel que

[m, m] ⊂ m.

2. Un idéal de l est un sous-espace vectoriel i ⊂ l tel que

[l, i] ⊂ i.

3. l est abélienne si [l, l] = 0.

4. z(l) ≡ z ∈ l | [x, z] = 0 pour tout x ∈ l est le centre de l.

5. Un morphisme d’algèbres de Lie de l dans une K-algèbre de Lie m est une applicationlinéaire ϕ : l→ m telle que

ϕ([x,y]) = [ϕ(x),ϕ(y)],

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54 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

pour tout x,y ∈ l. Le noyau d’un morphisme ϕ est le noyau de l’application linéaireϕ, Kerϕ = x ∈ l |ϕ(x) = 0. Si ϕ est bijective on dit que c’est un isomorphismed’algèbres de Lie et que l et m sont isomorphes, ce qu’on dénote l ' m. Un isomorphismed’algèbre de Lie ϕ : l→ l est un automorphisme de l.

Le théorème suivant, que nous ne démontrerons pas, met en évidence le lien intimeentre la structure abstarite d’algèbre de Lie et l’exemple 40.

Théorème 20 (Ado) Toute K-algèbre de Lie (de dimension finie) est isomorphe à unesous-algèbre de Lie de Mat(d,K) pour un entier d.

Un idéal est une sous-algèbre de Lie. A cause de l’identité (2.5), un idéal est toujoursbilatère, [i, l] = [l, i] ⊂ i.

Le centre z(l) est un idéal. En effet, si z ∈ z(l) on a

[y, [x, z]] = [y, 0] = 0,

pour tout x,y ∈ l, c’est-à-dire que [x, z] ∈ z(l) pour tout x ∈ l.

L’identité (2.5) montre que l’algèbre de Lie l est abélienne si et seulement si [x,y] =

[y, x] pour tout x,y ∈ l. l est abélienne si et seulement si z(l) = l.

Le noyau d’un morphisme d’algèbre de Lie ϕ : l → m est un idéal, si x ∈ Kerϕ ona ϕ(x) = 0 d’où

ϕ([y, x]) = [ϕ(y),ϕ(x)] = [ϕ(y), 0] = 0,

et donc [y, x] ∈ Kerϕ. L’image de ϕ est une sous-algèbre de Lie de m puisque[ϕ(x),ϕ(y)] = ϕ([x,y]) ∈ Imϕ pour tout ϕ(x),ϕ(y) ∈ Imϕ.

Si i ⊂ l est un idéal, on vérifie aisément que l’espace vectoriel quotient l/i est unealgèbre de Lie pour le produit

[x+ i,y+ i] = [x,y] + i.

La surjection canonique π : l → l/i, π(x) ≡ x + i, est un morphisme d’algèbre deLie.

Si ϕ : l→ m est un morphisme, on a la décomposition canonique

lϕ−→ m

π ↓ ↑ iImϕl/Kerϕ ϕ−→ Imϕ

où π(x) = x + Kerϕ est la surjection canonique, iImϕ est l’injection canonique etl’application linéaire ϕ, définie par ϕ(x + Kerϕ) = ϕ(x), est bijective. ϕ est unisomorphisme d’algèbre de Lie.

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2.4. ALGÈBRES DE LIE ABSTRAITES 55

Exemple 41 Considérons l’application ϕ : R3 → Mat(3, R) définie par (2.4) dansl’exemple 34. C’est évidement une application linéaire. Un simple calcul montre que

ϕ(x)ϕ(y) −ϕ(y)ϕ(x) = ϕ(x∧ y),

pour tout x,y ∈ R3.ϕ est donc un morphisme entre l’algèbre de Lie R3 de l’exemple39 et l’algèbre de Lie Mat(3, R) de l’exemple 40. On a d’une part Kerϕ = 0 etl’exemple 34 montre que Imϕ = so(3). On peut donc conclure que so(3) est unealgèbre de Lie au sens de la définition 11 et qu’elle est isomorphe à l’algébre de LieR3 de l’exemple 39.

Exemple 42 K est une K-algèbre de Lie abélienne. C’est un K-espace vectoriel et leproduit [x,y] = 0 pour tout x,y ∈ K définit bien une structure d’algèbre de Lie. Ilen est de même de Kn pour tout entier n.

Exemple 43 Le centre de l’algèbre de Lie Mat(d,K) est l’ensemble des matrices Ztelles que [Z,X] = ZX − XZ = 0 pour tout X ∈ Mat(d,K). En considérant lesmatrices X(kl) telle que X(kl)

ij = δikδjl, on montre facilement que ce centre est

z(Mat(d,K)) = λI | λ ∈ K = KI.

Exemple 44 L’ensemble i ≡ X ∈ Mat(d,K) | trX = 0 est un idéal de l’algèbre deLie Mat(d,K). C’est le noyau du morphisme X 7→ trX de Mat(d,K) dans l’algèbrede Lie abélienne K. On a en effet

tr[X, Y] = trXY − tr YX = 0 = [trX, trY],

pour tout X, Y ∈ Mat(d,K). Comme Im(tr) = K, on a

Mat(d,K)/i ' K.

Nous terminons ce paragraphe en montrant que l’algèbre de Lie d’un groupe de Lieest bien une algèbre de Lie au sens de la définition 11. Si G est un groupe de Lieet g son algèbre de Lie on a TetXT−1 ∈ G, pour tout T ∈ G, X ∈ g et t ∈ R. Lethéorème 6 implique que TetXT−1 = etTXT

−1 ce qui nous permet de conclure queTXT−1 ∈ g.

Lemme 2 Si g est l’algèbre de Lie du groupe de Lie G alors, pour tout T ∈ G et toutX ∈ g on a TXT−1 ∈ g.

Théorème 21 L’algèbre de Lie g d’un groupe de Lie G ⊂ GL(d,K) est une sous-algèbrede Lie de l’algèbre de Lie réelle Mat(d,K) pour le produit

[X, Y] ≡ XY − YX.

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56 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Démonstration Par le théorème 17, g est un sous-espace vectoriel réel de Mat(d,K).Pour montrer que c’est une sous-algèbre de Lie, il suffit de montrer que [X, Y] ∈ g

pour tout X, Y ∈ g. Par le lemme 2, Yt ≡ etXYe−tX ∈ g pour tout t ∈ R. Il enrésulte que

d

dtYt

∣∣∣∣t=0

= [X, Y] ∈ g.

2.5 Morphismes locaux

Définition 13 SoientG etH des groupes de Lie. Un morphisme de Lie local deG dansHest une application continue φ : U → V , d’un voisinage I ∈ U ⊂ G dans un voisinageI ∈ V ⊂ H telle que

i. φ(ab) = φ(a)φ(b) pour tout a,b ∈ U tels que ab ∈ U.ii. φ(I) = I.

Si φ est bijective, on dit que c’est un isomorphisme local et que G et H sont localementisomorphes.

Si le morphisme local φ : U → V est injectif, alors a ∈ U |φ(a) = I = I.Réciproquement, supposons que cette dernière condition soit vérifiée et que U ⊂ Usoit un voisinage de I tel que a,b ∈ U implique b−1 ∈ U et ab−1 ∈ U (un telvoisinage existe puisque l’application (a,b) 7→ ab−1 est continue). Alors, pour touta,b ∈ U tels que φ(a) = φ(b) on a

φ(ab−1) = φ(a)φ(b−1) = φ(b)φ(b−1) = φ(bb−1) = φ(I) = I,

et donc a = b. Par conséquent la restriction de φ à U est morphisme local injectif.Le critère du noyau est donc applicable au morphismes locaux.

Exemple 45 R et S1 ≡ z ∈ C | |z| = 1 sont localement isomorphes. L’application

φ : ] − ε, ε[ → eit | t ∈] − ε, ε[t 7→ eit,

est un isomorphisme local pour 0 < ε < π.

Soient φ : U → V est un morphisme local de G dans H et g, h les algèbres deLie de G et H. A tout X ∈ g on peut associer un sous-groupe à un paramètre etX

de G. Si t et s sont assez petit, on a etX, esX, e(t+s)X ∈ U et donc φ(etX)φ(esX) =

φ(e(t+s)X). L’applicationψ : t 7→ φ(etX) est donc un morphisme local deR dansH.D’après la remarque suivant le théorème 5, ce dernier s’applique à un tel morphisme

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2.5. MORPHISMES LOCAUX 57

ce qui implique l’existence d’une matrice Y telle que ψ(t) = etY pour tout t ∈ Rassez petit. Le lemme 1 permet alors de conclure que Y ∈ h. On a ainsi défini uneapplication

φ : g→ h,

telle que φ(etX) = etφ(X) pour tout X ∈ g et tout t ∈ R assez petit ou, de manièreéquivalente, φ(eX) = eφ(X) pour tout X dans un voisinage assez petit de 0 dans g.Pour λ ∈ R on a évidement φ(λX) = λφ(X). Pour X, Y ∈ g la formule de Lie(théorème 7) montre que et(X+Y) = limn→∞(etX/netY/n)n et comme φ est continuon a

etφ(X+Y) = φ(et(X+Y)) = limn→∞φ((etX/netY/n)n)

= limn→∞(φ(etX/n)φ(etY/n))n

= limn→∞(etφ(X)/netφ(Y)/n)n = et(φ(X)+φ(Y)),

qui permet de conclure que φ est linéaire.

En appliquant le théorème 6 on obtient, pour tout a ∈ U tel que a−1 ∈ U

φ(a)etφ(X)φ(a−1) = φ(a)φ(etX)φ(a−1)

= φ(aetXa−1)

= φ(et(aXa−1))

= etφ(aXa−1),

qui peut être différentiée en t = 0 pour donner

φ(a)φ(X)φ(a−1) = φ(aXa−1).

En particulier, si a = etY , on obtient pour t assez petit

φ(etY)φ(X)φ(e−tY) = etφ(Y)φ(X)e−tφ(X) = φ(etYXe−tY).

L’application φ étant linéaire, on peut maintenant différentier cette relation en t = 0pour obtenir

[φ(Y), φ(X)] = φ([Y,X]),

qui montre que φ est un morphisme d’algèbre de Lie.

Soit U un voisinage de 0 dans g suffisamment petit pour que :

i. exp : U→ U ≡ exp(U) ⊂ U soit un difféomorphisme.

ii. exp : φ(U)→ V ≡ exp(φ(U)) ⊂ V soit un difféomorphisme.

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58 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

φ étant continu, ceci est toujours possible grâce au théorème 18. Dans ce cas lediagramme

g ⊃ Uexp−→ U ⊂ G

φ ↓ ↓ φh ⊃ V

exp−→ V ⊂ H

(2.6)

est commutatif, φ(eX) = eφ(X) pour tout X ∈ U. Comme φ est linéaire, on enconclut que la restriction

φ = exp φ log : U→ V , (2.7)

est analytique. De plus il est évident que cette application est injective (respective-ment surjective) si et seulement si φ est injectif (respectivement surjectif).

Finalement, si χ : F→ G est un morphisme local on a

φ χ(eX) = φ(eχ(X)) = eφ(χ(X)),

c’est-à-dire (φ χ) = φ χ.

Le théorème suivant résume nos considérations.

Théorème 22 Soient G etH des groupes de Lie et g, h leurs algèbres de Lie. Si φ : U→V est un morphisme de Lie local l’application

φ : g → h

X 7→ ddtφ(etX)

∣∣t=0

(2.8)

défini un morphisme d’algèbre de Lie. De plus les propriétés suivantes sont vraies.

i. Pour tout X dans un voisinage de 0 dans g on a φ(eX) = eφ(X).

ii. Pour tout a ∈ U ∩U−1 et tout X ∈ g on a φ(a)φ(X)φ(a−1) = φ(aXa−1).iii. φ est analytique dans un voisinage U tel que I ∈ U ⊂ U.

iv. φ|U est injectif (surjectif ) si et seulement si φ est injectif (surjectif ).v. En particulier g et h sont isomorphes si et seulement si G et H sont localement

isomorphes.

vi. Si χ est un morphisme local de F dans G alors (φ χ) = φ χ.

Exemple 46 Soient G un groupe de Lie et g son algèbre de Lie. Si H ⊂ G est unsous-groupe de Lie, l’injection canonique i : H → G est un morphisme de Lie. Elleinduit un morphisme injectif d’algèbre de Lie i : h→ g tel que

etY = i(etY) = eti(Y),

pour tout Y ∈ h et t ∈ R assez petit. On en conclut que i(Y) = Y, c’est-à-dire que iest l’injection canonique de h dans g et donc que h est une sous-algèbre de Lie de g.

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2.5. MORPHISMES LOCAUX 59

Exemple 47 Les matrices de Pauli

σ1 ≡[

0 11 0

], σ2 ≡

[0 −i

i 0

], σ3 ≡

[1 00 −1

],

forment un système linéairement indépendant dans Mat(2,C) considéré comme es-pace vectoriel réel. L’application linéaire

Σ : R3 −→ Mat(2,C)

x 7−→ x ≡ x1σ1 + x2σ2 + x3σ3,

est donc injective et son image H ⊂ Mat(2,C) isomorphe à R3. On note que

H =

x =

[x3 x1 − ix2

x1 + ix2 −x3

]| x = (x1, x2, x3) ∈ R3

, (2.9)

est l’espace vectoriel réel des matrices 2 × 2 complexes, auto-adjointes et de tracenulle.

Pour tout U ∈ SU(2) et x ∈ H, la matrice UxU∗ est auto-adjointe et de trace nulle.L’application φ(U) définie par

φ(U)x ≡ UxU∗,

étant clairement bijective (φ(U)−1 = φ(U−1)), c’est un automorphisme deH. Commeφ(U)φ(V) = φ(UV), φ : SU(2)→ GL(H) est un morphisme et il est facile de voirqu’il est continu. On a donc R(U) = Σ−1 φ(U) Σ ∈ GL(3,R) tel que

φ(U)x = R(U)x,

et R : SU(2)→ GL(3,R) est un morphisme continu. Comme det x = −|x|2, on a

|R(U)x|2 = − det(φ(U)x) = − det(UxU∗) = − det x = |x|2,

c’est-à-dire que R(U) ∈ O(3). De plus, SU(2) étant connexe, son image par R l’estaussi et doit être contenu dans la composante connexe de R(I) = I dans O(3). Onen conclut que R : SU(2)→ SO(3).

On note qu’une matrice complexe X satisfait X∗ = −X si et seulement si la matriceiX est auto-adjointe. L’algèbre de Lie de SU(2) (voir le tableau 2.1) n’est autre quesu(2) = iH ≡ ix | x ∈ H. L’application Σ étant linéaire, le morphisme d’algèbre deLie R : su(2)→ so(3) donné par le théorème 22 est donc déterminé par

R(ix)y =d

dtR(eixt)y

∣∣∣∣t=0

=d

dtR(eixt)y

∣∣∣∣t=0

=d

dteixtye−ixt

∣∣∣∣t=0

= i[x,y].

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60 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

On montre aisément, à partir de la forme explicite de x (c.f. équation (2.9)), que

i[x, y] = −2x∧ y.

On peut donc en conclure que

R(ix)y = −2x∧ y.

On vérifie que R(ix) est bien un élément de l’algèbre de Lie so(3), en effet c’est uneapplication linéaire dans R3 dont la matrice est donnée par

R(ix) = 2

0 x3 −x2

−x3 0 x1

x2 −x1 0

,

qui est bien anti-symétrique. On note que R est un isomorphisme puisque il estinjectif (R(ix) = 0 si et seulement si x = 0) et dim su(2) = dim so(3). Le théorème22 permet de conclure que SU(2) et SO(3) sont localement isomorphes. Cependantle morphisme de groupe R n’est pas globalement injectif, en effet son noyau n’estpas trivial : R(U) = I si et seulement si R(U)x = x pour tout x ∈ R3, c’est-à-direφ(U)x = x ou encore [U, x] = 0. On en déduit facilement que

KerR = −I, I.

Finalement on montre que R est surjectif. En effet, tout élément de SO(3) est unerotation R(α, e) d’angle α autour d’un axe Re, e ∈ R3, |e| = 1. Soit (e, f,g) unebase orthonormée directe de R3, c’est-à-dire telle que e ∧ f = g. Dans cette base, lamatrice de R(ie) est

M =

0 0 00 0 20 −2 0

,

et on calcule aisément R(e−ieα/2) = e−R(ie)α/2 qui est donné, dans la base (e, f,g)par la matrice

e−Mα/2 =

1 0 00 cosα − sinα0 sinα cosα

.

Cette matrice est celle d’une rotation d’angle α autour de l’axe dirigé par e, on adonc R(α, e) = R(e−ieα/2), ce qui montre que R est surjectif. On en conclut que

SO(3) ' SU(2)/−I, I.

Soient φ : G → H un morphisme de Lie et a ∈ G. Le théorème 22 montre queφ est analytique dans un voisinage U 3 I. D’autre part les translations à gauche

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2.6. LA REPRÉSENTATION ADJOINTE 61

ga−1 et gφ(a) sont analytiques (ce sont des applications linéaires dans les algèbresmatricielles correspondantes). L’identité

φ = gφ(a) φ ga−1 ,

montre que φ est analytique dans le voisinage ga(U) de a dans G. Nous avons doncmontré la généralisation suivante du théorème 5.

Théorème 23 Un morphisme de Lie est analytique.

Si le groupe de Lie G est connexe, le morphisme d’algèbre de Lie induit par unmorphisme de Lie caractérise ce dernier.

Théorème 24 SoientG un groupe de Lie connexe et φ1,φ2 des morphismes de Lie deGdans un groupe de Lie H. Alors φ1 = φ2 si et seulement si φ1 = φ2.

Démonstration Si φ1 = φ2 alors φ1 = φ2 suit de la définition (2.8). Supposons queφ1 = φ2. Par le corollaire 1, siU est un voisinage assez petit de 0 dans l’algèbre de Lieg de G, tout élément a ∈ G peut s’écrire comme a = eX1 · · · eXn avec X1, . . . ,Xn ∈U. Par le théorème 22, si U est assez petit on a alors

φ1(eXk) = eφ1(Xk) = eφ2(Xk) = φ2(e

Xk),

et par conséquent φ1(a) = φ2(a).

2.6 La représentation adjointe

Soit G un groupe de Lie de dimension n et g son algèbre de Lie. On rappelle que lesapplications ja : x 7→ axa−1 sont les automorphismes intérieurs de G. D’après lethéorème 22, ja induit sur g un isomorphismes d’algèbre de Lie

Ada(X) ≡ ja(X) =d

dtja(e

tX)

∣∣∣∣t=0

= aXa−1.

Comme Adab(X) = abXb−1a−1 = Ada(Adb(X)), l’application

Ad : G −→ GL(g)

a 7−→ Ada,

est une représentation de G dans g. On l’appelle représentation adjointe de G.

g étant un espace vectoriel réel de dimension n, on peut l’identifier àRn par le choixd’une base. GL(g) peut alors être identifié avec GL(n,R). C’est donc un groupe de

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62 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

Lie d’algèbre de Lie L(g) = Mat(n,R). Ad est un morphisme de Lie et induit,d’après le théorème 22, un morphisme d’algèbre de Lie ad ≡ Ad

ad : g −→ L(g)

X 7−→ adX,

tel que AdetX = et adX . On a donc, pour tout X, Y ∈ g

adX Y =d

dtAdetX(Y)

∣∣∣∣t=0

=d

dtetXYe−tX

∣∣∣∣t=0

= [X, Y],

et par itérationadnX Y = [X, [X, · · · , [X, Y] · · · ]].

Définition 14 1. Soit l une K-algèbre de Lie. Une représentation de l dans un K-espacevectoriel V est un morphisme d’algèbre de Lie

Π : l −→ L(V).

2. Π est fidèle si l’application x 7→ Π(x) est injective.

3. Un sous-espace W ⊂ V estΠ-invariant siΠ(x)W ⊂W pour tout x ∈ l. Un sous-espaceΠ-invariant W est irréductible si ses seuls sous-espaces Π-invariants sont 0 et W.

4. Π est irréductible si V est irréductible. Dans le cas contraire, Π est réductible.

5.Π est complètement réductible s’il existe des sous-espacesΠ-invariants irréductibles Wk

tels que V = ⊕kWk.

6. Deux représentations Π1 etΠ2 sont équivalentes s’il existe un isomorphisme T tel queTΠ1(x) = Π2(x)T pour tout x ∈ l, inéquivalentes dans le cas contraire.

Le morphisme d’algèbre de Lie ad est donc une représentation de l’algèbre de Lie g

dans l’espace vectoriel g qu’on appelle représentation adjointe de g.

On muni l’algèbre L(g) de la norme d’algèbre

|||M||| = supX ∈ g‖X‖ = 1

‖MX‖,

et on remarque que pour X, Y ∈ g on a

‖ adX Y‖ = ‖[X, Y]‖ = ‖XY − YX‖ 6 2‖X‖‖Y‖,

et que par conséquent||| adX ||| 6 2‖X‖, (2.10)

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2.7. LA FORMULE DE BAKER-CAMPBELL-HAUSDORFF 63

pour tout X ∈ g. Si f(z) =∑∞n=0 anz

n est une fonction analytique dans le disqueDr, on peut donc définir

f(adX) =

∞∑n=0

an adnX,

pour tout X ∈ g tel que ‖X‖ < r/2.

Si φ : g → Mat(d,K) est un morphisme d’algèbre de Lie, on remarque que pourX, Y ∈ g on a

φ(adX Y) = φ([X, Y]) = [φ(X), φ(Y)] = adφ(X)

φ(Y),

c’est-à-dire que φ adX = adφ(X)φ, où φ(X) 7→ ad

φ(X)est la représentation ad-

jointe de l’algèbre de Lie Im φ, sous-algèbre de Lie de Mat(d,K). Par itération onobtient donc φ adnX = adn

φ(X)φ et comme φ est linéaire

φ f(adX) =

∞∑n=0

anφ adnX =

∞∑n=0

an adnφ(X)φ = f(ad

φ(X)) φ. (2.11)

2.7 La formule de Baker-Campbell-Hausdorff

Dans ce paragraphe, nous allons montrer que la structure de l’algèbre de Lie g d’ungroupe de Lie G détermine complètement la structure du groupe lui-même dans unvoisinage de I.

Le théorème 18 montre que dans un voisinage assez petit I ∈ V ⊂ G, on peut seservir d’un voisinage 0 ∈ U ⊂ g comme système de coordonnées c’est-à-dire quepour tout élément a ∈ V il existe un unique X ∈ U tels que a = eX. Si V ′ ⊂ V estun voisinage de I tel que V ′ · V ′ ⊂ V (un tel voisinage existe puisque le produit estcontinu) et U ′ = logV ′, la structure algébrique du groupe G dans le voisinage V ′

est donc complètement déterminée par les produits eXeY avec X, Y ∈ U ′. CommeeXeY ∈ V il existe un unique Z ∈ U tel que eXeY = eZ. Cette relation définit uneapplication

Z : U ′ ×U ′ → U

(X, Y) 7→ Z(X, Y).

La formule de Baker-Campbell-Hausdorff montre que cette application ne dépendque de la structure de l’algèbre de Lie g, c’est-à-dire qu’il est possible de calculerZ(X, Y) en utilisant uniquement cette structure.

Théorème 25 (Formule de Baker-Campbell-Hausdorff ) Soient G un groupe de Lie, g

son algèbre de Lie et ad : g→ L(g) la représentation adjointe de g. Il existe un voisinage0 ∈ U ′ ⊂ g tel que, pour tout X, Y ∈ U ′,

eXeY = eZ(X,Y),

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64 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

où Z(X, Y) ∈ g est donné par la formule

Z(X, Y) = X+

∫ 1

0f(eadXet adY)Ydt, (2.12)

f étant la fonction analytique dans le disqueD1(1) = z ∈ C | |z− 1| < 1 définie par

f(z) =log z

1 − z−1 .

Démonstration Avec 0 < ε ≡ 2e−π < 1 et 0 < ρ ≡ 1 − ε < 1 on définit

U ′ ≡W ∈ g | ‖W‖ < log(1 + ρ)

2(1 + ε)

.

Alors, pour tout X, Y ∈ U’ et t ∈ C tel que |t| < 1 + ε on a

‖I− eXetY‖ 6 ‖(eX − I)etY + (etY − I)‖6 ‖eX − I‖‖etY‖+ ‖etY − I‖6 (e‖X‖ − 1)e(1+ε)‖Y‖ + (e(1+ε)‖Y‖ − 1)6 e(1+ε)(‖X‖+‖Y‖) − 1< elog(1+ρ) − 1 = ρ < 1.

On peut donc définir Z(t) ≡ log(eXetY) de façon que

eZ(t) = eXetY .

On remarque en outre que Z(t) est une fonction analytique dans le disque D1−ε, ledéveloppement en série (1.10)

Z(t) = log(eXetY) = −

∞∑n=1

(I− eXetY)n

n,

étant une somme absolument convergente de fonctions analytiques dans ce disque.On a en outre la borne uniforme

‖Z(t)‖ 6∞∑n=1

ρn

n= | log(1 − ρ)| < π, (2.13)

pour tout t ∈ D1+ε.

La fonction T(s, t) ≡ esZ(t) est donc analytique pour (s, t) ∈ C×D1+ε et on a

∂sT(s, t) = Z(t)T(s, t) = T(s, t)Z(t),

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2.7. LA FORMULE DE BAKER-CAMPBELL-HAUSDORFF 65

et donc∂2

∂t∂sT(s, t) = Z(t)

(∂

∂tT(s, t)

)+ Z(t)T(s, t),

où Z(t) = ddtZ(t). En posant

Q(s, t) ≡ e−sZ(t)

(∂

∂tT(s, t)

),

on obtient

∂sQ(s, t) =

(−e−sZ(t)Z(t)

)( ∂∂tT(s, t)

)+e−sZ(t)

(Z(t)

(∂

∂tT(s, t)

)+ Z(t)T(s, t)

)= e−sZ(t)Z(t)esZ(t)

= Ade−sZ(t) Z(t) = e−s adZ(t)Z(t).

Comme Q(0, t) = 0 on en conclut que

Q(1, t) =

∫ 1

0e−s adZ(t)Z(t)ds = g(adZ(t))Z(t),

g(z) ≡∫ 1

0e−szds =

1 − e−z

z= −

∞∑n=1

(−z)n−1

n!,

est une fonction entière. Comme on a d’autre part

Q(1, t) =(eZ(t)

)−1(∂

∂teZ(t)

)= e−tYe−X

(∂

∂teXetY

)= Y,

on arrive à l’équationg(adZ(t))Z(t) = Y. (2.14)

La fonctionh(z) ≡ 1

g(z)=

z

1 − e−z,

étant analytique dans le disque D2π, g(adZ(t)) est inversible, d’inverse h(adZ(t))

puisque (2.10) et (2.13) impliquent ||| adZ(t) ||| 6 2‖Z(t)‖ < 2π. L’équation (2.14)peut donc être résolue pour Z(t) et on obtient

Z(t) = h(adZ(t))Y.

En posant f(w) ≡ h(logw), on peut récrire cette dernière égalité comme

Z(t) = f(eadZ(t))Y,

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66 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

et par intégration, comme Z(0) = X, on obtient

Z(t) = X+

∫ 1

0f(eadZ(t))Ydt.

Finalement on remarque que

eadZ(t) = AdeZ(t) = AdeXetY = AdeX AdetY = eadXet adY , (2.15)

ce qui termine la démonstration.

Comme première application de la formule de Baker-Campbell-Hausdorff, nous dé-montrons la réciproque du théorème 22, c’est-à-dire qu’un morphisme d’algèbre deLie induit un morphisme de Lie local.

Corollaire 2 Soient G un groupe de Lie, g son algèbre de Lie et

φ : g→ Mat(d,K),

un morphisme d’algèbre de Lie. Alors il existe un voisinage I ∈ V ′ ⊂ G tel que, pourtout a ∈ V ′, loga ∈ g et

φ(a) ≡ eφ(loga), (2.16)

définit un morphisme local φ : V → GL(d,K).

Démonstration Par le théorème 18, il existe un voisinage I ∈ V ⊂ G et un voisinage0 ∈ U ⊂ g tels que l’application log : V → U soit un difféomorphisme. La formuleφ(a) = eφ(loga) définit donc une application de U dans GL(d,K). C’est la compo-sition de trois applications continues, elle est donc continue. De plus on a φ(I) = I.Il reste à vérifier que φ(ab) = φ(a)φ(b) pour tout a,b dans un voisinage de I.Par le théorème 25, il existe un voisinage 0 ∈ U ′ ⊂ g tel que eXeY = eZ(X,Y) pourtout X, Y ∈ U ′, où Z(X, Y) est donné par la formule de Baker-Campbell-Hausdorff.Soient V ′ = V ∩ exp(U ′), a,b ∈ V ′ et X = loga, Y = logb. On a donc X, Y ∈ U ′et

φ(ab) = eφ(log(eXeY)) = eφ(Z(X,Y)), (2.17)

et la formule (2.12) permet d’écrire, grâce à la linéarité de φ,

φ(Z(X, Y)) = φ(X) +

∫ 1

0φ(f(eadXet adY)Y)dt.

En utilisant la covariance du morphisme ad (2.11) on obtient encore

φ(f(eadXet adY)Y) =(φ (f(eadXet adY))

)(Y) = f(e

adφ(X)e

t adφ(Y))φ(Y),

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2.7. LA FORMULE DE BAKER-CAMPBELL-HAUSDORFF 67

et donc

φ(Z(X, Y)) = φ(X) +

∫ 1

0f(e

adφ(X)e

t adφ(Y))φ(Y)dt,

dont le membre de droite n’est autre que la formule de Baker-Campbell-Hausdorffpour

log(eφ(X)eφ(Y)

).

En insérant l’identité ainsi obtenue dans (2.17) on obtient le résultat recherché

φ(ab) = elog(eφ(X)eφ(Y)) = eφ(X)eφ(Y) = φ(a)φ(b).

On vérifie bien entendu que si φ est le morphisme de Lie local induit par le mor-phisme d’algèbre de Lie φ, ce dernier coïncide avec le morphisme d’algèbre de Lieinduit par φ d’après le théorème 22. En effet (2.16) implique

φ(etX) = eφ(tX) = etφ(X),

et par conséquent

φ(X) =d

dtφ(etX)

∣∣∣∣t=0

,

conformément à la définition (2.8).

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68 CHAPITRE 2. GROUPES DE LIE

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Chapitre 3

Représentations des groupes de Lie

3.1 La représentation d’algèbre de Lie induite

Toutes les représentations de groupes de Lie que nous considérerons seront conti-nues. Se sont donc des morphismes de Lie π : G → GL(V) d’un groupe de Lie Gdans un groupe linéaire réel ou complexe. Le théorème 22 associe à un tel morphismeun morphisme d’algèbre de Lie Π = π de l’algèbre de Lie g de G dans l’algèbre deLie L(V) de GL(V). Π est donc une représentation de l’algèbre de Lie g dans V qu’onappelle représentation induite par π.

Exemple 48 Nous avons déjà remarqué que la représentation adjointe de G

Ad : G −→ GL(g),

induit la représentation adjointe ad : g→ L(g) de g.

Exemple 49 Soit Hn l’espace vectoriel complexe des polynômes homogènes de de-gré n− 1 dans les variables z ≡ (z1, . . . , z

d) ∈ Cd

Hn =

p(z) =

∑n1+···+nd=n−1

an1···ndzn11 · · · zndd |an1···nd ∈ C

.

Pour tout U ∈ SU(d) on définit l’application πn(U) : Hn → Hn par

(πn(U)p)(z) = p(U−1z).

Alors πn : SU(d)→ GL(Hn) est une représentation. La représentation induite Πnse calcule aisément,

(Πn(X)p)(z) =d

dt(πn(etX)p)(z)

∣∣∣∣t=0

=d

dtp(e−tXz)

∣∣∣∣t=0

= −(Xz · ∇p)(z),

c’est-à-dire que Πn(X) = −∑jk Xjkzj∂zk .

69

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70 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

Les propriétés d’une représentation π sont intimement liées à celle de la représen-tation induite Π. Par exemple, le théorème 22 montre que si la représentation π estfidèle, il en est de même de Π. Le résultat suivant est plus intéressant car il permetd’obtenir des propriétés importantes de π à partir de celles de Π.

Théorème 26 Soient G un groupe de Lie connexe et g son algèbre de Lie.i. Une représentation π de G est réductible (respectivement complètement réductible)

si et seulement si la représentation induite Π de g est réductible (respectivementcomplètement réductible).

ii. Deux représentations π1, π2 de G sont équivalentes si et seulement si les représenta-tions induites Π1, Π2 le sont.

Démonstration Soit W un sous-espace invariant pour π. Alors pour tout X ∈ g ettout t ∈ R on a π(etX)W = etΠ(X)W ⊂W. Comme un sous-espace est fermé, il endécoule que Π(X)W ⊂ W. Réciproquement, si Π(X)W ⊂ W on a aussi Π(X)nW ⊂W et donc π(eX)W = eΠ(X)W ⊂ W. D’après le corollaire 1, tout élément de Gs’écrit comme un produit a = eX1 · · · eXn avec X1, . . . ,Xn ∈ g. On en déduit queπ(a)W = π(eX1 · · · eXn)W = eΠ(X1) · · · eΠ(Xn)W ⊂ W. Les sous-espace invariantspour π coïncident donc avec ceux invariants pour Π, ce qui démontre i.

Si π1 et π2 sont équivalentes, il existe un isomorphisme T tel que, pour tout a ∈ Gon a Tπ1(a) = π2(a)T . Alors

TΠ1(X) =d

dtTπ1(e

tX)

∣∣∣∣t=0

=d

dtπ2(e

tX)T

∣∣∣∣t=0

= Π2(X)T ,

pour tout X ∈ g et Π1 est équivalente à Π2. Réciproquement, si Π1 et Π2 sont desreprésentations équivalentes dans des espaces vectoriels V1 et V2, il existe un isomor-phisme T : V2 → V1 tel que Π1(X) = TΠ2(X)T−1. Alors π(x) ≡ Tπ2(x)T

−1 est unereprésentation de G dans V1. π et π1 sont donc deux morphismes de G dans GL(V1)

tels que

π(X) =d

dtπ(etX)

∣∣∣∣t=0

=d

dtTπ2(e

tX)T−1

∣∣∣∣t=0

= Td

dtπ2(e

tX)

∣∣∣∣t=0T−1

= TΠ2(X)T−1

= Π1(X) = π1(X),

pour tout X ∈ g et le théorème 24 permet de conclure que π = π1, c’est-à-dire queπ1 et π2 sont équivalentes.

La construction d’une représentation de l’algèbre de Lie d’un groupe G est souventplus aisée que celle d’une représentation du groupe G lui-même. Nous sommes donc

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3.1. LA REPRÉSENTATION D’ALGÈBRE DE LIE INDUITE 71

intéressé à l’opération consistant à associer une représentation π de G à une repré-sentation Π de son algèbre de Lie. Le théorème suivant, qui est une version globaledu corollaire 2, montre que c’est possible si G est simplement connexe.

Théorème 27 Soient G un groupe de Lie simplement connexe et Π une représentationde son algèbre de Lie dans un espace vectoriel V. Alors il existe une et une seule représen-tation π de G dans V telle que Π soit la représentation induite par π.

Démonstration Sans restreindre la généralité, nous pouvons supposer V = Kd. Lecorollaire 2 nous permet de définir un morphisme local π, d’un voisinage V de I ∈ Gdans GL(V) tel que

π(a) = eΠ(loga), (3.1)

pour tout a ∈ V . Soit V ′ ⊂ V un voisinage de I tel que V ′ · V ′ · V ′ ⊂ V . Alors,pour tout a,b, c ∈ V ′ on a π(a)π(b) = π(ab) et π(a)π(b)π(c) = π(abc). Enparticulier, si a,a−1 ∈ V ′ alors π(a)π(a−1) = π(I) = I et donc π(a−1) = π(a)−1.

A une courbe continue γ : [0, 1]→ G on associe la fonction

gγ : [0, 1]× [0, 1] → G

(t, s) 7→ γ(t)γ(s)−1,

qui jouit des propriétés suivantes :

i. gγ(t, s)gγ(s, r) = gγ(t, r).

ii. gγ(s, t) = gγ(t, s)−1.

iii. gγ(t, t) = I.

iv. gγ est uniformément continue, [0, 1]× [0, 1] étant compact.

Une subdivision de l’intervalle [0, 1] est une famille finie de points ti ∈ [0, 1],

S = (ti)ni=1,

telle que 0 = t1 < · · · < tn = 1. On note ∆S ≡ maxi |ti+1 − ti| le pas de lasubdivision S. On dit qu’une subdivision S ′ est plus fine que S si tous les points deS sont aussi des points de S ′. Si S et S ′ sont deux subdivisions, on note S ∪ S ′ lasubdivision obtenue en ordonnant la réunion des points de S et de S ′.

La stratégie de la démonstration est la suivante. Si S = (ti)ni=1 est une subdivision de

[0, 1], la propriété i montre que

gγ(1, 0) = gγ(tn, tn−1) · · ·gγ(t2, t1).

En particulier, si la courbe γ relie I à a, alors gγ(1, 0) = a et donc

a = gγ(tn, tn−1) · · ·gγ(t2, t1).

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72 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

Pour tout morphisme φ on doit avoir

φ(a) = φ(gγ(tn, tn−1)) · · ·φ(gγ(t2, t1)), (3.2)

pour toute courbe γ reliant I à a et pour toute subdivision S. Si la subdivision estassez fine, tous les gγ(ti+1, ti) seront proches de I, la formule 3.2 permet donc decalculer φ(a) à partir de la restriction de φ à un petit voisinage de I. On va doncconstruire la représentation π recherchée en utilisant le morphisme local (3.1) dansle membre de droite de la formule (3.2). La preuve étant assez longue, on la divise enplusieurs étapes.

Etape 1. Des propriétés iii et iv on déduit qu’il existe δ > 0 tel que gγ(t, s) ∈ V ′dès que |t − s| < δ. Si S = (ti)

ni=1 est une subdivision telle que ∆S < δ on a

gγ(ti+1, ti) ∈ V ′ et on peut donc définir

πS(γ) ≡ π(gγ(tn, tn−1)) · · ·π(gγ(t2, t1)). (3.3)

Etape 2. Si on raffine la subdivision S = (ti)ni=1 par l’adjonction d’un seul point

u ∈]tl, tl+1[, on obtient une subdivision S ′ telle que

πS ′(γ) = π(gγ(tn, tn−1)) · · ·π(gγ(tl+1,u))π(gγ(u, tl)) · · ·π(gγ(t2, t1)),

et comme gγ(tl+1,u) et gγ(u, tl) appartiennent à V ′ la propriété i donne

π(gγ(tl+1,u))π(gγ(u, tl)) = π(gγ(tl+1,u)gγ(u, tl)) = π(gγ(tl+1, tl)),

ce qui montre que πS ′(γ) = πS(γ). En itérant ce procédé, on montre que pour toutesubdivision S ′ plus fine que S, on a πS ′(γ) = πS(γ).

Si S et S ′ sont deux subdivisions, S ∪ S ′ est plus fine que S et S ′ et on a doncπS(γ) = πS∪S ′(γ) = πS ′(γ). On en conclut que πS(γ) est indépendant de S, et ondénote par π(γ) la valeur commune à tous les πS(γ).

Etape 3. Soient γ, γ ′ : [0, 1] → G deux courbes continues fermées telles que pourtout t ∈ [0, 1] on aie

h(t) ≡ γ(t)γ ′(t)−1 ∈ V ′, h(t)−1 ∈ V ′.Soit encore S = (ti)

ni=1 telle que gγ(ti+1, ti) ∈ V ′ et gγ ′(ti+1, ti) ∈ V ′. Alors on a

gγ(ti+1, ti) = h(ti+1)gγ ′(ti+1, ti)h(ti)−1,

et doncπ(gγ(ti+1, ti)) = π(h(ti+1))π(gγ ′(ti+1, ti))π(h(ti))

−1.

Il en découle que

π(γ) = π(gγ(tn, tn−1)) · · ·π(gγ(t2, t1))

= π(h(tn))π(gγ ′(tn, tn−1))π(h(tn−1))−1π(h(tn−1))π(gγ ′(tn−1, tn−2)) · · ·

· · ·π(h(t2))−1π(h(t2))π(gγ ′(t2, t1))π(h(t1))

−1

= π(h(tn))π(γ ′)π(h(t1))−1,

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3.1. LA REPRÉSENTATION D’ALGÈBRE DE LIE INDUITE 73

et comme γ et γ ′ sont fermées on a

h(tn) = h(1) = γ(1)γ ′(1)−1 = γ(0)γ ′(0)−1 = h(0) = h(t1).

On en conclut que π(γ) et π(γ ′) sont donc conjugués dans GL(V).

Etape 4. Soit γ : [0, 1]→ G une courbe continue fermée. Comme G est simplementconnexe, il existe une déformation continue Γ : [0, 1]× [0, 1]→ G telle que

i. Γ(t, 0) = γ(t) pour tout t ∈ [0, 1].ii. Γ(0, s) = Γ(1, s) pour tout s ∈ [0, 1].

iii. Γ(t, 1) = a pour un a ∈ G et tout t ∈ [0, 1].La fonction h(t, s, s ′) ≡ Γ(t, s)Γ(t, s ′)−1 étant uniformément continue et égale à Ipour s = s ′, il existe δ > 0 tel que h(t, s, s ′) ∈ V ′ et h(t, s, s ′)−1 ∈ V ′ si |s−s ′| < δ.Soit S = (si)

ni=1 une subdivision telle que ∆S < δ. Avec γi : t 7→ Γ(t, si), le résultat

de l’étape 3 montre qu’il existe Ti ∈ GL(V) tels que

π(γi) = Tiπ(γi+1)T−1i ,

et doncπ(γ) = π(γ1) = T1 · · · Tn−1π(γn)T−1

n−1 · · · T−11 .

La courbe γn étant réduite à un point a, on a gγn(t, s) = I et il suit de la définition(3.3) que π(γn) = I. Nous avons donc montré que π(γ) = I pour toute courbecontinue fermée γ.

Etape 5. Soit a ∈ G. G étant connexe par arc, il existe une courbe continue dans Gqui relie I à a. Si γ, γ ′ : [0, 1]→ G sont deux courbes de ce type, alors

γ(t) ≡γ(2t) si t ∈ [0, 1/2],γ ′(2(1 − t)) si t ∈ [1/2, 1],

est une courbe continue fermée, γ(0) = γ(1) = I. La propriété ii montre queπ(γ) = π(γ ′)−1π(γ). Le résultat de l’étape 4 permet de conclure que π(γ ′) = π(γ),c’est-à-dire que π(γ) ne dépend que du point a et pas de la courbe reliant I à a. Onpeut donc définir π(a) comme étant égal à la valeur commune que prend π(γ) surtoutes les courbes continues reliant I à a.

Etape 6. Soient a,b ∈ G et γ,γ ′ : [0, 1] → G des courbes continues reliant I à a etb. La courbe continue

γ : t 7→γ ′(2t) si t ∈ [0, 1/2],γ(2t− 1)b si t ∈ [1/2, 1],

relie I à ab dans G. On remarque que

gγ(s, t) =

gγ ′(2s, 2t) si s, t ∈ [0, 1/2],gγ(2s− 1, 2t− 1) si s, t ∈ [1/2, 1].

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74 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

Soient S = (ti)ni=1 et S ′ = (t ′i)

mi=1 des subdivisions telles que

π(a) = π(γ) = πS(γ), π(b) = π(γ ′) = πS ′(γ′).

Alors

0 =t ′12< · · · < t ′m−1

2<t ′m2

=12

=1 + t1

2<

1 + t2

2< · · · < 1 + tn

2= 1,

est une subdivision S telle que

πS(γ) = π(gγ(1,1 + tn−1

2)) · · ·π(gγ(

1 + t2

2,

12))π(gγ(

12

,t ′m−1

2)) · · ·π(gγ(

t ′22

, 0)),

= π(gγ(1, tn−1)) · · ·π(gγ(t2, 0))π(gγ ′(1, t ′m−1)) · · ·π(gγ ′(t′2 − 1, 0)),

= πS(γ)πS ′(γ′).

On peut en conclure que

π(ab) = π(γ) = πS(γ) = πS(γ)πS ′(γ′) = π(γ)π(γ ′) = π(a)π(b),

c’est-à-dire que π est un morphisme.

Etape 7. Soit g l’algèbre de Lie deG. Pour tout X ∈ g, il existe ε > 0 tel que etX ∈ Vpour tout t ∈ R tel que |t| < ε. La définition (3.1) permet donc de conclure que

π(etX) = etΠ(X),

pour de tels t. Par différentiation en t = 0 on vérifie que Π est bien la représentationinduite par π.

Etape 8. Nous avons démontré l’existence de la représentation π. Son unicité est uneconséquence directe du théorème 24.

3.2 Représentations de l’algèbre de Lie su(d)

Le groupe SU(d) est simplement connexe. Par le théorème 27, ses représentationsde dimension finie sont en correspondance biunivoque avec les représentations dedimension finie de son algèbre de Lie su(d). Il existe une théorie générale des re-présentations des algèbres de Lie semi-simples dont su(d) est un exemple. Pour desraisons de temps, nous nous contenterons dans ce cours d’une illustration de cettethéorie par l’exemple de su(2) et su(3).

SU(d) est un groupe compact, il admet une mesure de Haar et la théorie généraledes représentations de groupes avec moyenne invariante s’y applique. En particulier,toute représentation de dimension finie de SU(d) est unitaire et donc complètement

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3.2. REPRÉSENTATIONS DE L’ALGÈBRE DE LIE SU(D) 75

reductible. Par le théorème 26, toute représentation de dimension finie de l’algèbrede Lie su(d) est elle aussi complètement réductible.

su(d) est la sous-algèbre de Lie réelle de l’algèbre de Lie Mat(d,C) composée detoutes les matrices anti-autoadjointes de trace nulle. Sa dimension réelle est d2 − 1.L’algèbre de Lie complexifiée su(d)C est la sous-algèbre de Lie complexe de Mat(d,C)

composée des matrices de la forme X+iY, avec X, Y ∈ su(d). Sa dimension complexeest d2 − 1. Toute matrice Z ∈ Mat(d,C) s’écrit de manière unique comme

Z =12(Z− Z∗) + i

12i

(Z+ Z∗) = X+ iY,

où X et Y sont anti-autoadjointes. La trace d’une matrice anti-autoadjointe est pu-rement imaginaire, on a trZ = trX + i tr Y = 0 si et seulement si X et Y sont detrace nulle. On en conclut que su(d)C = Z ∈ Mat(d,C) | trZ = 0, c’est-à-dire quesu(d)C = sl(d,C), l’algèbre de Lie du groupe SL(d,C).

Si Π est une représentation complexe de su(d), la formule

Π(X+ iY) ≡ Π(X) + iΠ(Y),

définit une représentation complexe de sl(d,C). Réciproquement, la restriction auxmatrices anti-autoadjointes d’une représentation complexe de sl(d,C) définit unereprésentation complexe de su(d). Les représentations complexes de su(d) et desl(d,C) sont donc en correspondance

Soient Π : su(d) → GL(V) une représentation complexe et W ⊂ V un sous-espaceΠ-invariant. On a Π(X+ iY)W = Π(X)W + iΠ(Y)W ⊂W pour tout X, Y ∈ su(d),c’est-à-dire que W est aussi invariant pour la représentation de sl(d,C) associée à Π.La réciproque est évidente. Les représentations associées de su(d) et de sl(d,C) ontdonc les même sous-espaces invariants. En particulier, toute représentation complexede dimension finie de sl(d,C) est complètement réductible.

3.2.1 Représentations des algèbres de Lie sl(2,C) et su(2)

La dimension de sl(2,C) est 3, les matrices suivantes en forment une base

H ≡[

1 00 −1

], X+ ≡

[0 01 0

], X− ≡

[0 10 0

].

Les relations de commutation de ces matrices sont

[H,X±] = ±2H, [X+,X−] = H. (3.4)

Une représentation Π de sl(2,C) dans V étant une application linéaire, elle est com-plètement déterminée parΠ(H),Π(X+),Π(X−). Construire une représentationΠ de

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76 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

sl(2,C) dans l’espace vectoriel V revient à trouver 3 matrices Π(H),Π(X+),Π(X−)

satisfaisant les relations de commutation (3.4). Ce problème est considérablementplus simple que la construction d’une représentation du groupe SL(2,C). Pour sim-plifier la notation, nous écrirons désormais H,X± au lieu de Π(H),Π(X±).

La pemière relation dans (3.4) donne

HX± = X±(H± 2),

et doncHX2± = X±(H± 2)X± = X2

±(H± 4),

et par iterationHXn± = Xn±(H± 2n).

Supposons que Π soit une représentation complexe de dimension finie de sl(2,C)

dans V. La matrice H admet au moins une valeur propre λ. Soit v 6= 0 un vecteurpropre correspondant. Alors, pour tout entier n > 0 on a

HXn−v = (λ− 2n)Xn−v,

c’est-à-dire soit Xn−v = 0, soit (λ − 2n) est une valeur propre de H. La matriceH n’ayant qu’un nombre fini de valeurs propres, il existe un entier k > 0 tel queXk−v 6= 0 mais Xk+1

− v = 0. On pose ε0 ≡ λ− 2k et w0 ≡ Xk−v. On obtient

HXn+w = (ε0 + 2n)Xn+w,

pour tout entier n > 0. Par le même argument que précédemment, il existe un entierm > 0 tel que Xm+w 6= 0 mais Xm+1

+ w = 0. Posons εn ≡ ε0 + 2n,wn ≡ Xn+w0 pourn = 0, . . . ,m, alors

Hwn =

X+wn =

wn+1 pour n = 0, . . . ,m− 1,0 pour n = m,

X−w0 = 0.

(3.5)

On utilise la deuxième relation dans (3.4) pour calculer

X−w1 = X−X+w0 = X+X−w0 −Hw0 = −ε0w0,

puisX−w2 = X−X+w1 = X+X−w1 −Hw1 = −(ε0 + ε1)w1,

et par induction

X−wn+1 = −

n∑j=0

εjwn = −

n∑j=0

εjwn = −(n+ 1)(ε0 + n)wn, (3.6)

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3.2. REPRÉSENTATIONS DE L’ALGÈBRE DE LIE SU(D) 77

pour n = 0, . . . ,m− 1. De la deuxième relation (??) on obtient encore

(ε0 + 2m)wm = εmwm = Hwm

= X+X−wm − X−X+wm

= X+(−m(ε0 +m− 1)wm−1)

= −m(ε0 +m− 1)wm,

d’où on tire(m+ 1)(ε0 +m) = 0.

Comme m > 0, on doit avoir ε0 = −m et donc

εn = 2n−m.

Les relations (3.5) (3.6) montrent que le sous-espace engendré par w0, . . . ,wm estΠ-invariant. Si Π est irréductible, ces vecteurs forment une base de V et les matricesde la représentation Π sont complètement déterminées. En particulier, la dimensionde Π est m + 1. Il est d’usage de paramétrer cette dimension par un demi-entier` ∈ N/2 en écrivant m = 2`. Nous avons démontré

Théorème 28 Pour tout demi-entier ` ∈ N/2 il existe une et, à l’équivalence près, uneseule représentation irréductible Π` de dimension 2`+ 1 de sl(2,C) et de su(2). Elle estdonnée par

Π`(H) =

−2`

−2(`− 1). . .

2(`− 1)2`

,

Π`(X+) =

01 0

1 . . .. . . 0

1 0

,

Π`(X−) =

0 1(2`)0 2(2`− 1)

0 . . .. . . (2`− 1)2

0 (2`)10

.

Si M est une matrice (ou un endomorphisme d’un espace vectoriel) on dénote parσ(M) le spectre de M, c’est-à-dire l’ensemble de ses valeurs propres. On remarque

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78 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

que si deux représentations Π et Π ′ sont équivalentes σ(Π(H)) = σ(Π ′(H)). Lethéorème 28 montre que si Π est une représentation irréductible, σ(Π(H)) = 2(k−

`) |k = 0, . . . 2` ⊂ Z pour un demi-entier ` ∈ N/2. Si Π est une représentationquelconque de dimension finie de sl(2,C), elle est complètement réductible et sedécompose en une somme directe de représentations irréductibles Π = ⊕iΠ`i . Lespectre de Π(H) = ⊕iΠ`i(H) est

σ(Π(H)) =⋃i

σ(Π`i(H)),

et en particulier σ(Π(H)) ⊂ Z. Il est alors très simple de déterminer les compo-santes irréductibles de Π. Plutot que d’énoncer un théorème, nous allons présenterun exemple important.

Exemple 50 On dénote par π` la représentation irréductible de SU(2) de dimension2`+ 1 correspondant à Π` et on considère la représentation

π ≡ π`1 ⊗ π`2 .

Nous cherchons à déterminer la décomposition

π =⊕k

π`k , (3.7)

de π en représentations irréductibles.

La représentation induite Π est déterminée par les matrices Π(H), Π(X±). en parti-culier on a

Π(H) =d

dtπ(etH)

∣∣∣∣t=0

=d

dtπ`1(e

tH)⊗ π`2(etH)

∣∣∣∣t=0

=d

dtetΠ`1(H) ⊗ etΠ`2(H)

∣∣∣∣t=0

= Π`1(H)⊗ I+ I⊗ Π`2(H).

Si w(j)`i

, j = 0, . . . , 2`i sont les vecteurs propres de Π`i(H),

Π`i(H)w(j)`i

= 2(j− `)w(j)`i

,

alors les vecteurs w(j1)`1⊗w(j2)

`2sont les vecteurs propres de Π(H)

Π(H)w(j1)`1⊗w(j2)

`2= Π`1(H)w

(j1)`1⊗w(j2)

`2+w

(j1)`1⊗ Π`2(H)w

(j2)l2

= 2(j1 + j2 − `1 − `2)w(j1)`1⊗w(j2)

`2

= εj1j2w(j1)`1⊗w(j2)

`2.

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3.2. REPRÉSENTATIONS DE L’ALGÈBRE DE LIE SU(D) 79

Le spectre de Π(H) est donné par

σ(Π(H)) = εj1j2 ≡ 2(j1 + j2 − `1 − `2)|j1 = 0, . . . , 2`1; j2 = 0, . . . , 2`2,

et est représenté dans la figure 3.1. Chaque point (j1, j2) de ce diagramme représenteun vecteur proprew(j1)

`1⊗w(j2)

`2de Π(H). Les lignes obliques représentent des valeurs

propres correpondantes εj1j2 . La plus grande valeur propre, 2(`1 +`2) est simple. Elleindique la présence d’une représentation π`1+`2 dans la décomposition (3.7). Chaquepoint sur la ligne grasse extérieure du diagramme correspond à une valeur proprede Π`1+`2(H). Si on enlève tous ces point, la plus grande valeur propre restante est2(`1 + `2 − 1) et indique la présence de la représentation π`1+`2−1. En continuantainsi on trouve toutes les représentations irréductibles apparaissant dans (3.7) et onobtient le résultat recherché

π =

`1+`2⊕`=|`1−`2|

π`.

σ(Πℓ1+ℓ2(H))

σ(Πℓ1+ℓ2−1(H))

σ(Π|ℓ1−ℓ2|(H))

j1

j2

εj1 j

2 =2(ℓ

1 +ℓ2 )

εj1 j

2 =2(ℓ

1 +ℓ2 −

1)

εj1 j

2 =2(ℓ

1 +ℓ2 −

2)

2ℓ1

εj1 j

2 = −2(ℓ

1 +ℓ2 −

1)

εj1 j

2 = −2(ℓ

1 +ℓ2 )

2ℓ2

εj1 j

2 = −2(ℓ

1 +ℓ2 −

2)

Fig. 3.1 – Décomposition du spectre de Π(H).

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80 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

3.2.2 Représentations de l’algèbre de Lie sl(3,C)

L’algèbre de Lie sl(3,C) est de dimension 8, les matrices suivantes en forment unebase

H1 ≡

1 0 00 −1 00 0 0

, H2 ≡

0 0 00 1 00 0 −1

,

X1 ≡

0 1 00 0 00 0 0

, X2 ≡

0 0 00 0 10 0 0

, X3 ≡

0 0 10 0 00 0 0

,

Y1 ≡

0 0 01 0 00 0 0

, Y2 ≡

0 0 00 0 00 1 0

, Y3 ≡

0 0 00 0 01 0 0

.

Les relations de commutation de ces matrices sont données dans le tableau 3.4.

H1 H2 X1 X2 X3 Y1 Y2 Y3

H1 0 0 2X1 −X2 X3 −2Y1 Y2 −Y3

H2 0 0 −X1 2X2 X3 Y1 −2Y2 −Y3

X1 −2X1 X1 0 X3 0 H1 0 −Y2

X2 X2 −2X2 −X3 0 0 0 H2 Y1

X3 −X3 −X3 0 0 0 −X2 X1 H1 +H2

Y1 2Y1 −Y1 −H1 0 X2 0 −Y3 0Y2 −Y2 2Y2 0 −H2 −X1 Y3 0 0Y3 Y3 Y3 Y2 −Y1 −H1 −H2 0 0 0

Tab. 3.1 – Relations de commutation de sl(3,C).

Une représentationΠ de sl(3,C) dans V est complètement déterminée par 8 matricesΠ(H1), . . . ,Π(Y3) satisfaisant les relations de commutation du tableau 3.1. Commedans le paragraphe précédent, nous supposons donnée une représentation complexeirréductible Π dans V et, pour ne pas alourdir la notation, nous écrirons les imagesdes 8 matrices de base H1, . . . ,Y3 .

On note que les matrices H1 et H2 commutent [H1,H2] = 0.

Lemme 3 Soient A,B deux matrices telles que [A,B] = 0. Il existe un vecteur v 6= 0 etα,β ∈ C tels que Av = αv et Bv = βv.

Démonstration Soit α une valeur propre de A, alors Ker(αI−A) 6= 0 et

(αI−A)BKer(αI−A) = B(αI−A) Ker(αI−A) = 0,

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3.2. REPRÉSENTATIONS DE L’ALGÈBRE DE LIE SU(D) 81

implique que BKer(αI−A) ⊂ Ker(αI−A). Soit β une valeur propre de la restrictionde B à Ker(αI − A). Alors il existe v ∈ Ker(αI − A) tel que v 6= 0, Bv = βv etAv = αv.

On dit que µ = (µ1,µ2) ∈ C2 est un poids de Π s’il existe v ∈ V tel que v 6= 0 et

H1v = µ1v, H2v = µ2v, (3.8)

et on appelle vecteur de poids µ tout vecteur v ∈ V satisfaisant (3.8). L’ensemble detous ces vecteurs forme un sous-espace vectoriel de Vµ de V qu’on nomme espace depoids µ. L’ensemble des poids de Π est noté M.

Théorème 29 Si Π est une représentation de sl(3,C) alorsM ⊂ Z2.

Démonstration On remarque que les matrices H1,X1, Y1 satisfont les relations decommutations de sl(2,C),

[H1,X1] = 2X1, [H1, Y1] = −2Y1, [X1, Y1] = H1.

La représentation Π restreinte à ces 3 matrices définit une représentation de cettealgèbre de Lie. On a donc σ(H1) ⊂ Z comme nous l’avons remarqué dans le para-graphe précédent. Le même argument s’applique aux trois matrices H2,X2, Y2.

Les poids de la représentation adjointe jouent un rôle particulier et sont appelésracines de l’algèbre de Lie sl(3,C). ρ = (ρ1, ρ2) ∈ Z × Z est une racine s’il existeZρ ∈ sl(3,C) non-nul tel que

adHi Zρ = [Hi,Zρ] = ρiZρ.

On identifie aisément les racines de sl(3,C) sur la table 3.1 :

ρ Zρρ(1) = (2, −1) X1

ρ(2) = (−1, 2) X2

(1, 1) = ρ(1) + ρ(2) X3

(−2, 1) = −ρ(1) Y1

(1, −2) = −ρ(2) Y2

(1, 1) = ρ(1) + ρ(2) Y3

les racines ρ(1) et ρ(2) ont la propriété remarquable que toute racine peut s’exprimercomme combinaison linéaire aρ(1)+bρ(2) avec des coefficients entiers tels que a,b >0 ou a,b 6 0. Nous pouvons utiliser ces deux racines pour définir un relationd’ordre sur l’ensemble M des poids de Π

µ < ν⇐⇒ µ− ν = aρ(1) + bρ(2) aveca,b > 0.

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82 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

Muni de cette relation M est un ensemble partiellement ordonné. On dit que µ estun plus grand poids de M si µ ∈ M et si ν 4 µ pour tout ν ∈ M. Comme ρ(1) etρ(2) sont linéairement indépendants il est clair que si M admet un plus grand poidsce dernier est unique.

Théorème 30

i. Si Π est une représentation irréductible de sl(3,C) dans V alors V = ⊕µ∈MVµ.ii. Toute représentation irréductible de sl(3,C) admet un unique plus grand poids µ ∈N×N et dim Vµ = 1.

iii. Deux représentations irréductibles de sl(3,C) sont équivalentes si et seulement sileurs plus grands poids coïncident.

iv. Pour tout µ = (µ1,µ2) ∈ N × N il existe une et, à l’équivalence près, une seulereprésentation irréductible de sl(3,C) de plus grand poids µ. Cette représentationest de dimension (µ1 + 1)(µ2 + 1)(µ1 + µ2 + 2)/2.

Pour démontrer ce théorème, nous avons besoin du lemme suivant

Lemme 4 Soit ρ = (ρ1, ρ2) une racine, Zρ ∈ sl(3,C) tel que [Hi,Zρ] = ρiZρ etµ ∈M. Alors soit ZρVµ = 0 soit µ+ ρ ∈M et ZρVµ ⊂ Vµ+ρ.

Démonstration Soit v ∈ Vµ, alors

HiZρv = ZρHiv+ [Hi,Zρ]v= Zρµiv+ ρiZρv

= (µi + ρi)Zρv,

et si Zρv 6= 0 c’est un vecteur de poids µ+ ρ.

Démonstration du théorème 30. (i) W = ⊕µ∈MVµ est un sous-espace de V. CommeHiVµ = µiVµ on a HiW ⊂ W. Le lemme 4 montre que ZρW ⊂ W pour toute ra-cine ρ. On en conclut que W est invariant et comme Π est irréductible on a bienW = V.

(ii) Soit Π une représentation irréductible. Comme l’ensemble M des poids de cettereprésentation est fini il existe un élément maximal µ ∈M (tel que ν ∈M et ν < µimplique ν = µ). Si v est un vecteur de poids µ alors X1v = X2v = 0. En effet, siXiv 6= 0 alors, par le lemme 4 c’est un vecteur de poids µ+ρ(i) < µ ce qui contreditla maximalité de µ. Soit W le sous-espace enegendré par les vecteurs

Yi1Yi2 · · · Yinv, (3.9)

où n ∈ N et i1, i2, . . . , in ∈ 1, 2. Le lemme 4 montre que pour k = 1, 2

HkYi1Yi2 · · · Yinv = (µk − ρ(i1)k − ρ

(i2)k − · · ·− ρ(in)

k )Yi1Yi2 · · · Yinv, (3.10)

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3.2. REPRÉSENTATIONS DE L’ALGÈBRE DE LIE SU(D) 83

et par conséquent HkW ⊂W. D’autre part on a

XkYi1Yi2 · · · Yinv = [Xk, Yi1Yi2 · · · Yin ]v

=

n∑j=1

Yi1 · · · Yij−1 [Xk, Yij ]Yij+1 · · · Yinv

=

n∑j=1

Yi1 · · · Yij−1(δijkHk)Yij+1 · · · Yinv

=

n∑j=1

δijk(µk − ρ(ij+1)k − · · ·− ρ(in)

k )Yi1 · · · Yij−1Yij+1 · · · Yinv,

et donc XkW ⊂ W. Comme X3 = [X1,X2] on a aussi X3W ⊂ W. Finalement ona YkW ⊂ W pour k = 1, 2 et comme Y3 = [Y2, Y1] également Y3W ⊂ W. On enconclut que W est invariant et comme Π est irréductible W = V. La relation (3.10)montre que tout élément de V est combinaison linéaire de vecteurs de poids ν 4 µ.(i) permet de conclure que ν 4 µ pour tout ν ∈ M et par conséquent µ est leplus grand poids de M. Il suit également de (i) que le seul vecteur de la forme (3.9)de poids µ est v et donc que Vµ = Cv. Nous avons déjà remarqué que H1,X1, Y1

définissent une représentation de sl(2,C) dans V. Comme X1v = 0 et H1v = µ1v ilsuit de la démonstration du théorème 28 que µ1 est un entier non négatif. De façonanalogue on montre que µ2 ∈ N.

. . .

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84 CHAPITRE 3. REPRÉSENTATIONS DES GROUPES DE LIE

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Annexe A

Groupes affines

On rappelle ici quelques notions de base de la géométrie affine. Revoir aussi lescours de géométrie (M41) et d’algèbre (M53) de Licence. Les démonstrations les plusélémentaires sont laissées à vos soins. Pour en savoir plus sur le sujet de cette annexe,voir :

M. Berger : Géométrie 1. Action de groupes, espaces affines et projectifs. CEDIC - Far-nand Nathan, Paris, 1977.

A.1 Action de groupe

Définition 15 Un groupe G opère sur un ensemble X s’il existe une application

G× X −→ X

(a, x) 7−→ ax,

telle que

(i) 1x = x pour tout x ∈ X, où 1 dénote l’élément neutre de G ;

(ii) a(bx) = (ab)x pour tous a,b ∈ G, x ∈ X.

Une telle application est une opération ou une action du groupeG sur l’ensemble X. Uneaction de groupe est dite transitive si, pour tous x,y ∈ X, il existe a ∈ G tel que y = ax.Elle est simplement transitive si cet élément a est unique. Elle est fidèle si ax = x pourtout x ∈ X implique que a = 1. Un espace G-homogène est un ensemble sur lequel Gopère transitivement.

Si G opère sur X, l’orbite d’un point x ∈ X est l’ensemble Gx = ax |a ∈ G. Lesorbites sont les classes d’équivalence de la relation x ' y ⇔ y = ax pour una ∈ G.

85

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86 ANNEXE A. GROUPES AFFINES

Le stabilisateur de x est l’ensemble Gx = a ∈ G |ax = x. C’est un sous-groupede G qui n’est généralement pas distingué. L’ensemble G/Gx des classes à gauchede Gx n’est donc généralement pas un groupe. Deux points x,y de la même orbiteont des stabilisateurs isomorphes, en effet si y = ax alors Gy = aGxa

−1. Si Gx estdistingué (en particulier si G est abélien), tous les points de l’orbite de x ont alors lemême stabilisateur.

X est G-homogène si et seulement si c’est l’unique orbite de G.

Si X estG-homogène, l’action deG est simplement transitive si et seulement siGx =

1 pour un x ∈ X (et donc pour tout x ∈ X).

L’applicationGx 3 ax 7→ aGx ∈ G/Gx est une bijection. Si X estG-homogène il estdonc en bijection avec G/Gx. Si en plus Gx est distingué pour un x ∈ X il l’est pourtous les x ∈ X et dans ce cas G opère fidèlement sur X si et seulement si Gx = 1pour tout x ∈ X.

En particulier, siG est abélien, son action sur un espaceG-homogène est simplementtransitive si et seulement si elle est fidèle.

A.2 Espaces et applications affines

Définition 16 Un espace affine sur le corps K est un ensemble V sur lequel opère transi-tivement et fidèlement le groupe abélien d’un K-espace vectoriel V. La dimension dimVde l’espace affine V est celle du K-espace vectoriel V.

L’action de V sur V est généralement notée comme V × V 3 (X, x) 7→ X + x ∈ Vet interprétée comme une translation du point X par le vecteur x. V est le groupe destranslations de V . On dira aussi que V est l’espace vectoriel associé à V .

Exemple 51 Pour tout entier d > 1, Kd est un K-espace vectoriel de dimension d.Il agit sur Kd de manière naturelle

X+ x = (X1, . . . ,Xd) + (x1, . . . , xd) = (X1 + x1, . . . ,Xd + xd).

Cette action est transitive et fidèle. Kd est un espace affine de dimension d.

Définition 17 SoientV un espace affine et V son groupe de translations. Un sous-ensemblenon-videW ⊂ V est un sous-espace affine si c’est un espace homogène pour l’action d’unsous-espace vectoriel W ⊂ V .

L’action du sous-espace W surW étant fidèle,W est lui-même un espace affine. Pourtout X ∈ W on a W = X + W. On dit que W est le sous-espace directeur de W etque W est le sous-espace affine dirigé par W passant par X.

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A.2. ESPACES ET APPLICATIONS AFFINES 87

L’action du groupe abélien V sur l’espace homogène V étant fidèle, elle est simple-ment transitive et par conséquence on peut associer à toute paire (X, Y) ∈ V × V ununique vecteur

−→XY ∈ V tel que Y = X+

−→XY.

Un espace affine de dimension finie V est muni d’une topologie canonique héritée dela topologie de son groupe de translation V qui est un espace vectoriel de dimensionfinie (voir la discussion au début du paragraphe 1.1). Un ensemble U ⊂ V est ouvertsi l’ensemble

−→OY |Y ∈ U est ouvert dans V pour un (et par conséquence pour tout)

O ∈ V . En particulier, une fonction R 3 t 7→ X(t) ∈ V est continue en t0 ∈ R sila fonction t 7→ −−−→OX(t) ∈ V est continue en t0 pour un (et donc pour tout) O ∈ V .Elle est différentiable en t0 ∈ R si la limite

X(t0) = limt→t0

−−−−−−→X(t)X(t0)

t− t0,

existe dans V. Si cette limite existe pour tout t0 ∈]a,b[ et si ]a,b[3 t → X(t) ∈ V

est continue alors

X(t) = X(t0) +

∫ tt0

X(s)ds,

pour tous t0, t ∈]a,b[. Comme tout sous-espace d’un espace vectoriel de dimensionfinie est fermé, tout sous-espace affine W ⊂ V est fermé puisqu’il est de la formeW = O+W pour toutO ∈W et un sous-espace W ⊂ V. En particulier, si X(t) ∈Wpour tout t dans un voisinage de t0 alors

−−−−−−→X(t)X(t0) ∈W pour tout t assez proche de

t0 et si X(t) est différentiable en t0 il en résulte que X(t0) ∈W.

Définition 18 Soient V et W des espaces affines et V, W les espaces vectoriels associés.Une application f : V →W est affine (ou est un morphisme d’espaces affines) s’il existeune application linéaire F : V→W et un point X ∈ V tels que

f(X+ x) = f(X) + Fx,

pour tout x ∈ V.

Si f est affine et f(X + x) = f(X) + Fx pour tout x ∈ V alors, pour tous Y ∈ V etx ∈ V, on a

f(Y + x) = f(X+−→XY + x) = f(X) + F

−→XY + Fx = f(X+

−→XY) + Fx = f(Y) + Fx.

L’application affine f est donc complètement déterminée par l’application linéaire Fet par l’image f(Y) d’un point quelconque Y ∈ V ce que l’on exprime également parl’identité −−−−−→

f(X)f(Y) = F−→XY,

vérifiée pour tout X, Y ∈ V .

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88 ANNEXE A. GROUPES AFFINES

Si V ′ est un sous-espace affine de V dirigé par V ′ on a

f(V ′) = f(X+ V ′) = f(X) + FV ′,

pour tout X ∈ V ′. L’image par f de V ′ est donc un sous-espace affine de W dirigépar l’image de V ′ par F.

On remarquera que l’application affine f est injective (resp. surjective) si et seulementsi l’application linéaire F est injective (resp. surjective). Si f est bijective (c’est alorsun isomorphisme affine) on a, pour tous X ∈ V , x ∈ V,

X+ x = f−1 f(X+ x) = f−1(f(X) + Fx),

et en posant Y = f(X) et y = Fx on obtient

f−1(Y + y) = f−1(Y) + F−1y,

qui montre que f−1 est affine.

A.3 Repères affines

Définition 19 Soit V un espace affine et V le vectoriel associé. Un point O ∈ V et unebase B = (e1, . . . , ed) de V déterminent un repère affine de V . Les coordonnées d’unpoint X ∈ V dans ce repère affine sont les composantes du vecteur

−→OX dans la base B

On peut également spécifier un repère affine d’un espace affine V de dimension d endonnant d + 1 points O,P1, . . . ,Pd de V tels que les d vecteurs e1 =

−−→OP1, . . . , ed =−−→

OPd forment une base du groupe de translations de V .

Soit R = (O, e1, . . . , ed) un repère affine de V . L’application linéaire

ΦR : (x1, . . . , xd) 7−→d∑j=1

xjej,

est un isomorphisme entre les espaces vectoriels Kd et V. On en déduit que l’appli-cation affine

ϕR : x 7−→ O+ΦRx,

est un isomorphisme affine entre Kd et V . Les coordonnées d’un point X ∈ V dansle repère R sont données par l’isomorphisme inverse (x1, . . . , xd) = ϕ−1

R (X). Toutespace affine de dimension finie d est donc isomorphe à l’espace affine Kd.

Soit f : V → W une application affine et R = (O, e1, . . . , en), S = (P,g1, . . . ,gm)

des repères affines de V et W. On peut alors écrire

f

(O+

n∑j=1

xjej

)= f(O) +

n∑j=1

xjFej = P +

m∑k=1

(ak +

n∑j=1

Fkjxj

)gk,

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A.4. GROUPES AFFINES 89

où les ak sont les composantes du vecteur−−−→Pf(O) ∈ W dans la base (g1, . . . ,gm) et

les Fkj sont les éléments de la matrice de l’application linéaire F relativement auxbase (e1, . . . , en) et (g1, . . . ,gm). L’application affine x 7→ y = ϕ−1

S f ϕR(x) deKn dans Km est donnée par

yk = ak +

n∑j=1

Fkjxj.

A.4 Groupes affines

Définition 20 Un automorphisme de l’espace affine V est un isomorphisme affine deV dans lui-même. L’ensemble des automorphismes de V et un groupe, le groupe affineGA(V).

Fixons un repère affine R = (O, e1, . . . , ed) dans V . Pour tout f ∈ GA(V) on af(O+x) = f(O)+Fx pour tout x ∈ V avec F ∈ GL(V). En appliquant le résultat duparagraphe précédent à l’automorphisme fR = ϕ−1

R f ϕR ∈ GA(Kd) on obtient

fR(x) = a+ FRx,

où a = fR(0) = ϕ−1R f(O) ∈ Kd et FR ∈ GL(d,K) est la matrice de F dans la base

(e1, . . . , ed). On peut écrire cette relation sous une forme matricielle(fR(x)

1

)=

(FR a

0 1

)(x

1

),

qui montre que GA(V) est isomorphe au groupe de Lie

GA(d,K) =

(FR a

0 1

) ∣∣∣∣ a ∈ Kd, FR ∈ GL(d,K)

⊂ GL(d+ 1,K).

Un espace affine orienté V est un espace affine réel dont le groupe de translation V estun espace vectoriel réel orienté. Orienter un espace affine réel, c’est donc fixer uneorientation de son groupe de translation. Il en résulte qu’un automorphisme d’unespace affine réel tel que f(X+ x) = f(X) + Fx preserve l’orientation si et seulementsi F ∈ GL+(V) = F ∈ GL(V) | det F > 0. Comme

det(FR a

0 1

)= det FR = det F,

le sous-groupe GA+(V) ⊂ GA(V) des automorphismes de V préservant l’orienta-tion est isomorphe à

GA+(d, R) =

(FR a

0 1

) ∣∣∣∣ a ∈ Rd, FR ∈ GL+(d, R)

⊂ GA(d, R).

C’est la composante connexe de l’indentité de GA(V).

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90 ANNEXE A. GROUPES AFFINES

A.5 Espaces affines pseudo-euclidiens

Définition 21 Un espace affine (pseudo-) euclidien est un espace affine réel E dont legroupe des translations E est un espace vectoriel (pseudo-) euclidien.

Soit E un espace affine pseudo-euclidien de dimension d et E son groupe de transla-tions muni de la forme bilinéaire symétrique non-dégénérée g. La pseudo-métriquede E est alors donnée par

ρ2(X, Y) = g(−→XY,−→XY).

Un repère affine euclidien de E est un repère affine R = (O, e1, . . . , ed) tels quela base (e1, . . . , ed) de E soit orthonormée, c’est-à-dire que g(ei, ej) = giδij avecgi = ±1. On supposera par la suite que d = p + n et que g1 = · · · = gp = 1,gp+1 = · · · = gp+n = −1. L’application ϕR : Rp+n → E introduite au paragrapheA.3 est un isomorphisme de l’espace affine euclidien Rp+n du paragraphe 1.2.4 dansE.

Une isométrie de E est une application f : E→ E telle que ρ2(f(X), f(Y)) = ρ2(X, Y)

pour tous X, Y ∈ E. En vertu de l’isomorphisme mentionné ci-dessus et des résultatsdu paragraphe 1.2.4, le groupe A(E) des isométrie de E est isomorphe au sous-groupe

A(p,n) =

(FR a

0 1

) ∣∣∣∣ a ∈ Rd, FR ∈ O(p,n)

⊂ GA(p+ n, R).

De même le groupe SA(E) des isométrie de E préservant son orientation est iso-morphe au sous-groupe

SA(p,n) =

(FR a

0 1

) ∣∣∣∣ a ∈ Rd, FR ∈ SO(p,n)

⊂ GA(p+ n, R).

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Annexe B

Les groupes de Lie des théories de larelativité

Qu’est-ce que l’espace ? Qu’est-ce que le temps ? Des questions que l’on qualifieraitvolontier de philosophiques. Cependant elles sont au coeur de notre compréhensionde l’univers et chaque révolution scientifique nous a forcé à modifier profondémentnos conceptions de l’espace et du temps. L’espace de la mécanique newtonienne estun espace affine euclidien tridimensionnel. Cette conception nous est apportée parl’expérience quotidienne de notre "espace environnant". Les physiciens contempo-rains ont une vision beaucoup plus élaborée de l’espace et du temps : ils peuvent semélanger, devenir courbe, et même, à des échelles infiniment petites, cesser d’exister !A lire à ce sujet :

C. Rovelli : Qu’est-ce que le temps ? Qu’est-ce que l’espace ? Bernard Gilson, Bruxelles,2008.V. Petkov : Relativity and the nature of spacetime. Springer, Berlin, 2009.

B.1 Mouvement relatif

Soit E3 l’espace euclidien tridimensionnel de la mécanique de Newton muni d’uneorientation. Nous noterons E3 l’espace vectoriel euclidien orienté associé. La posi-tion d’un point matériel en mouvement dans cet espace est décrit par une fonction,que nous supposerons deux fois continuement différentiable, t 7→ P(t) ∈ E3. Savitesse est la fonction t 7→ P(t) ∈ E3 et son accélération

t 7→ P(t) =dP(t)

dt∈ E3.

Cette description idéalisée suppose l’existence d’un espace absolu et d’un temps ab-solu. Il en résulte une notion d’immobilité absolue P(t) = 0 et plus généralement de

91

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92 ANNEXE B. LES GROUPES DE LIE DES THÉORIES DE LA RELATIVITÉ

vitesse absolue. Or il s’avère impossible de mesurer une telle vitesse absolue. Nouspouvons mesurer facilement notre vitesse par rapport au sol, au centre de la terre,au centre du soleil, plus théoriquement par rapport au centre de l’étoile ProximaCentauri, au centre de notre galaxie, . . . mais il nous est impossible de mesurer notrevitesse par rapport à l’espace ! (En fait Einstein réalisa que la même chose est vraiepour l’accélération lorsqu’on prend en compte les forces de gravitation, ce qui, entreautre, l’ammena à découvrir la relativité générale, mais nous n’aborderons pas cesujet ici).

Seule est donc accessible à notre expérience la vitesse du point P(t) relativement àun autre point O(t). Autrement dit, nous pouvons observer un point se déplaçantdans l’espace, mais il nous est impossible de quantifier son mouvement relativementà cet espace. C’est pourquoi on introduit la notion de referentiel. Un référentiel estun repère euclidien orienté mobile R = (O(t), e1(t), e2(t), e3(t)) dans E3. Toutefonction vectorielle t 7→ y(t) ∈ E3 s’exprime dans ce repère comme

y(t) =

3∑j=1

yRj (t)ej(t),

et nous noterons par yR(t) ∈ R3 le vecteur de composantes (yR1 (t),yR

2 (t),yR3 (t)).

Pour un observateur utilisant le référentiel R le point O(t) est immobile et les vec-teurs ej(t) sont fixes. Il calcule donc la dérivée temporelle de y(t) comme le vecteurdont les composantes dans son référentiel sont données par yR(t), ce que nous pou-vons écrire comme

DRy(t)

Dt=

3∑j=1

dyRj (t)

dtej(t) =

3∑j=1

(dyRj (t)ej(t)

dt− yR

j (t)dej(t)

dt

). (B.1)

Comme ej(t) · ek(t) = δjk, on a ej(t) · ek(t) + ej(t) · ek(t) = 0 et donc

ΩRjk(t) = ej(t) · ek(t) = −ej(t) · ek(t) = −ek(t) · ej(t) = −ΩR

kj(t).

En interprétant les quantités ΩRjk(t) comme les éléments de matrice, dans la base

(e1(t), e2(t), e3(t)), d’un endomorphisme ΩR(t) de E3 on obtient

ek(t) =

3∑j=1

ej(t) · ek(t) ej(t) =

3∑j=1

ΩRjk(t)ej(t) = ΩR(t)ek(t).

Notons que la matriceΩR(t) est anti-symétrique, c’est donc un élément de l’algèbrede Lie du groupe SO(E3). Nous pouvons reformuler (B.1) comme

DRy(t)

Dt=dy(t)

dt−ΩR(t)y(t).

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B.1. MOUVEMENT RELATIF 93

En particulier, la position du point P(t) mesurée dans le référentiel R est décrite levecteur x(t) =

−−−−−−→O(t)P(t),

P(t) = O(t) + x(t).

Sa vitesse et son accélération dans ce référentiel sont données par

v(t) =DRx(t)

Dt=dx(t)

dt−ΩR(t)x(t), (B.2)

a(t) =DRv(t)

Dt=dv(t)

dt−ΩR(t)v(t). (B.3)

Oe1

e1

e3

e3

e2

e2

Px

xc

O

Fig. B.1 – Changement de repère dans l’espace affine E3.

Dans un second référentiel R = (O(t), e1(t), e2(t), e3(t)) on a de même

P(t) = O(t) + x(t) = O(t) +−−−−−−→O(t)O(t) + x(t) = O(t) + c(t) + x(t),

et donc x(t) = c(t) + x(t) avec c(t) =−−−−−−→O(t)O(t) (voir figure B.1). La vitesse et

l’accélération du point P(t) dans le référentiel R sont

v(t) =DRx(t)

Dt=dx(t)

dt−ΩR(t)x(t), (B.4)

a(t) =DRv(t)

Dt=dv(t)

dt−ΩR(t)v(t), (B.5)

alors que la vitesse et l’accélération du point O(t) dans le référentiel R sont

vc(t) =DRc(t)

Dt=dc(t)

dt−ΩR(t)c(t), (B.6)

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94 ANNEXE B. LES GROUPES DE LIE DES THÉORIES DE LA RELATIVITÉ

ac(t) =DRvc(t)

Dt=dvc(t)

dt−ΩR(t)vc(t). (B.7)

Pour obtenir la relation entre les vitesses v(t) et v(t) dans les deux référentiels il fautéliminer les vitesses absolues dans les trois relations (B.2), (B.4), (B.6) en utilisant laquatrième relation x(t) = c(t) + x(t). On obtient ainsi

v(t) =dx(t)

dt−ΩR(t)x(t)

=d

dt

(c(t) + x(t)

)−ΩR(t)(c(t) + x(t))

= vc(t) +dx(t)

dt−ΩR(t)x(t) +

(ΩR(t) −ΩR(t)

)x(t)

= vc(t) + v(t) +Ω(t)x(t),

où Ω(t) = ΩR(t) − ΩR(t). En écrivant la matrice de cet endomorphisme anti-symétrique dans la base (e1(t), e2(t), e3(t)) comme

Ω(t) =

0 −ω3(t) ω2(t)

ω3(t) 0 −ω1(t)

−ω2(t) ω1(t) 0

,

on obtientv(t) = vc(t) +ω(t) ∧ x(t) + v(t).

Le vecteur

ω(t) =

3∑j=1

ωj(t)ej(t),

est la vitesse angulaire du repère R relativement au repère R.

On calcule de manière analogue l’accélération

a(t) =dv(t)

dt−ΩR(t)v(t)

=d

dt

(vc(t) +ω(t) ∧ x(t) + v(t)

)−ΩR(t)

(vc(t) +ω(t) ∧ x(t) + v(t)

)= ac(t) +

DR

Dt

(ω(t) ∧ x(t)

)+dv(t)

dt−ΩR(t)v(t) +Ω(t)v(t)

= ac(t) +DRω(t)

Dt∧ x(t) +ω(t) ∧

DRx(t)

Dt+ a(t) +ω(t) ∧ v(t),

et avec

DRx(t)

Dt=dx(t)

dt−ΩR(t)x(t) =

dx(t)

dt−ΩR(t)x(t) +Ω(t)x(t)

=DRx(t)

Dt+Ω(t)x(t) = v(t) +ω(t) ∧ x(t)

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B.2. RELATIVITÉ GALILÉENNE 95

on conclut

a(t) = ac(t) +ω(t) ∧(ω(t) ∧ x(t)

)+DRω(t)

Dt∧ x(t) + 2ω(t) ∧ v(t) + a(t).

B.2 Relativité galiléenne

Les lois de la mécanique de Newton sont valables lorsque les positions des corpsdont elle régit le mouvement sont mesurées relativement à un repère inertiel. Au-jourd’hui, cette formulation du principe de relativité galiléenne est généralementcomprise comme une définition opérationelle de la notion de repère inertiel. Ellesous entend implicitement le fait qu’en mécanique newtonienne la notion de tempsest absolue et ne dépend pas de l’état de mouvement de l’horloge. Sous cette hypo-thèse on peut donc formuler la définition suivante

Définition 22 Un repère est inertiel si le centre de masse de tout corps ne subissantaucune force y est en mouvement rectiligne uniforme.

Supposons le repère (O, e1, e2, e3) inertiel. Le mouvement d’un point matériel P nesubissant aucune force est y est donc décrit par la fonction

X(t) = B+ tV ,

où V est sa vitesse constante et B sa position au temps t = 0.

Supposons que le repère (O ′, e ′1, e′2e′3) soit en mouvement relativement au repère

inertiel (O, e1, e2, e3).

V = A(t) + R(t)X ′(t) + R(t)X ′(t)

Remarque. Pour Newton, un repère inertiel s’il est en mouvement rectiligne uni-forme par rapport à un espace absolu. Cette notion d’espace absolu

Ces derniers sont caractérisés par les fait

B.3 Le groupe de galilée

C’est le groupe de symétrie de la mécanique newtonienne. Les éléments de ce groupesont les transformation de l’espace-temps correspondant aux changements de repèreinertiel.

x ′ = Mx+ vt+ a, t ′ = t+ b,

T =

M v a

0 1 b

0 0 1

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96 ANNEXE B. LES GROUPES DE LIE DES THÉORIES DE LA RELATIVITÉ

B.4 L’espace de Minkowski

L’histoire de l’univers est écrite dans cet espace : un point de M est un événement, dé-terminé par sa position spatiale et l’instant de son occurence. Une courbe γ dans M

est une histoire ou ligne d’univers. Une telle courbe représente la succession d’événe-ments constituant l’histoire d’un point matériel. Un observateur peut, quelque soitson état de mouvement, définir un repère affine dans M à l’aide d’une règle et d’unehorloge. Il choisit un événement O ∈M comme origine du temps t et de l’espace x.Il forme ensuite une base orthonormée e1, e2, e3 de l’espace au temps t = 0. Aprèsun temps t = 1 l’origine de l’espace constitue un nouvel événement O ′. e4 =

−−→OO ′

est le quatrième vecteur d’une base affine de M. Tout événement M ∈M s’écrit demanière unique comme

M = O+

4∑i=1

xiei,

où (x1, x2, x3, x4) sont les coordonnées de x dans le repère (O, e1, e2, e3, e4).

e1

e2

O

O′

e4x4 = t = 1

x4 = t = 0

Fig. B.2 – Construction d’un repère affine dans l’espace de Minkowski.

Si R = (P, e1, e2, e3, e4) et R ′ = (Q, f1, f2, f3, f4) sont deux repères affines de M,les coordonnées x = (x1, x2, x3, x4) et y = (y1,y2,y3,y4) d’un pointM relativementà ces deux repères sont reliées par la formule de changement de repère

y = a+ Tx,

où a = (a1,a2,a3,a4) sont le coordonnées de P dans R ′ et T est la matrice dechangement de base déterminée par ej =

∑i Tijfi.

Un repère affine de M est dit inertiel si un point matériel ne subissant l’action d’au-cune force y suit un mouvement rectiligne non-accéléré, c’est-à-dire si sa ligne d’uni-vers est de la forme x(t) = x(0) + tu où u = (v, 1) est un vecteur constant. Lepostulat fondamental de la théorie de la relativité restreinte (Einstein, Poincaré 1905)est que la vitesse de la lumière est une constante absolue c ne dépendant ni de l’état

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B.4. L’ESPACE DE MINKOWSKI 97

de mouvement de la source de lumière, ni de celui de l’observateur. Dans un re-père inertiel, la ligne d’univers d’un rayon de lumière est donc toujours de la formex(t) = x(0) + tu où u = (v, 1) satisfait |v|2 − c2 = 0 c’est-à-dire g[u] = 0 pour laforme quadratique

g[u] ≡ (u21 + u2

2 + u23) − c2u2

4.

x4u

x(t)x

γ

t

Fig. B.3 – Une ligne d’univers γ vue dans un système de coordonnées (x, x4).

La pseudo-métrique correspondante

ρ2(x,y) = |x− y|2 − c2(x4 − y4)2,

est appelée métrique de Minkowski et munit l’espace M d’une structure d’espacepseudo-euclidien.

Pour chaque x ∈M, l’espace de Minkowski se partitionne en 3 parties.

i. L’ensemble des y tels que ρ2(x,y) = 0 : deux événements x 6= y ont une distancede Minkowski nulle si et seulement si ils peuvent être reliés par un faisceaulumineux. En effet ρ2(x,y) = 0 et x 6= y si et seulement si

|x− y| = c|x4 − y4|

c’est-à-dire si un mobile peut parcourir, à la vitesse constante c, l’espace séparantx de y en un temps |x4 − y4|. Dans ce cas on dit que l’intervalle entre x et y estde type lumière, où que le vecteur −→xy est de type lumière. L’ensemble Cx ≡ y ∈M | ρ2(x,y) = 0 est un cône de sommet x. On l’appelle cône de lumière de x.

ii. L’ensemble des y tels que ρ2(x,y) < 0 : Ailleurs. Si ρ2(x,y) < 0, les événementsx et y peuvent être relié par un mobile se déplaçant à une vitesse inférieure àcelle de la lumière. On dit alors que l’intervalle entre x et y, ou que le vecteur

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98 ANNEXE B. LES GROUPES DE LIE DES THÉORIES DE LA RELATIVITÉ

−→xy, est de type espace. L’ensemble des points y tels que ρ2(x,y) < 0 est l’ensembledes événements pouvant influencer l’événement x où sur lesquels x peut avoirune influence. C’est le domaine causal de x. Il se décompose en deux partiesdisjointes, le passé Px = y ∈ M | ρ(x,y) < 0, y4 < x4 et le futur Fx = y ∈M | ρ(x,y) < 0, y4 > x4.

iii. L’ensemble des y tels que ρ2(x,y) > 0 : Nulle part. Si ρ2(x,y) > 0, les évé-nements x et y ne peuvent être relié par un mobile se déplaçant à une vitesseinférieure ou égale à celle de la lumière. On dit alors que l’intervalle entre x et y,ou que le vecteur −→xy, est de type temps. La relativité restreinte postule qu’aucuncorps ou signal ne peut se déplacer à une vitesse supérieure à celle de la lumière.Deux événements séparés par un intervalle de type temps ne peuvent donc pass’influencer mutuellement. L’ensemble des points y tels que ρ2(x,y) > 0 estl’ensemble des événements causalement disjoints de l’événement x.

B.5 Le groupe de Poincaré

En conséquence de la constance de la vitesse de la lumière, la matrice de change-ment de base T entre deux repères inertiels doit satisfaire la condition suivante :

g[u] = 0 ⇐⇒ g[Tu] = 0.

On montre aisément qu’une telle transformation doit être de la forme

T = θS, θ ∈ R,S ∈ O(3, 1).

Le facteur θ représentant un simple changement d’échelle, on peut choisir θ = 1.On en déduit qu’un changement de repère inertiel est décrit par un élément dugroupe orthogonal O(3, 1). L’interprétation physique de ce groupe lui vaut lenom de groupe de Lorentz. Ses éléments sont des transformations de Lorentz.