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Travail d'analyse de film
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Travail de Validation La Grande Guerre en reprsentations Mise niveau MA Section dhistoire et desthtique du cinma Maral Mohsenin
[email protected] La transformation idologique des innocents
Analyse de film
All Quiet on the Western Front
A lOuest rien de nouveau (1930, Lewis Milestone, MGM) est ladaptation
cinmatographique dun roman homonyme allemand par Erich Maria Remarque, publi pour
la premire fois en 1928-1929. Lauteur, un vtran de larme allemande pendant la
Premire Guerre, recueille dans ce roman ses expriences sur les horreurs de la guerre,
soulignant son absurdit. Ladaptation du roman au cinma se fait Hollywood et reproduit
latrocit de la guerre comme vcue par les allemands. Il sagit dun film pacifiste, fait par les
Amricains, dans lequel la guerre est dnonce. Le film peut donc sinscrire dans deux
courants principaux dtudes sur la Grand Guerre : la mmoire allemande et la reprsentation
amricaine de la guerre. Si nous tudions le film du point de vue de la mmoire allemande, il
est possible de le comparer avec Westfront 1918 (G. W. Pabst, 1930). Laurent Vray dans son
ouvrage La Grande Guerre au cinma analyse la rception des deux films ensemble1. En
effet, les deux films sont adapts des livres crits par danciens soldats allemands sur les
souvenirs amers de la Guerre. De plus, ils sont parmi des premiers films sonores sur
lexprience de guerre. Dautre part, il est aussi possible dtudier le film comme une
production amricaine, cest--dire, une reprsentation de guerre par les Amricains. Dans ce
cas, le film est le premier film amricain qui dnonce ouvertement la guerre2 et donne une
image trs positive des Allemands. Avant cela, les films (par exemple, The Big Parade ou
What Price Glory) ne critiquaient pas explicitement la guerre de manire si pessimiste.
Mme dans A lOuest rien de nouveau, cette approche anti-guerre passe par lexprience
allemande de la Guerre (et pas amricaine).
Dans cette analyse de squence, nous nous intresserons plus particulirement lexprience
de la guerre chez les allemands, mais le message du film dpasse facilement son contexte 1 Laurent Vray, La Grande Guerre au cinma. De la gloire la mmoire., Paris, Editions Ramsay, 2008, p. 123. 2 Michael Isenberg, War on Film, Fairleigh Dickinson University Press, 1981, chapitre 9, Film against war .
gopolitique immdiat et sapplique galement au contexte amricain grce son pacifisme et
sa reprsentation de la vanit de la guerre. La squence montre le professeur dune cole pour
garons qui incite ses tudiants senrler dans larme allemande pour dfendre la patrie
dans cette guerre sacre . Les jeunes, en entendant que leur pays a besoin deux, se
montrent enthousiasms pour partir en bataille. Chacun associe, dans son imagination, la
guerre avec lhrosme. Lenjeu de la squence rside dans sa reprsentation de lidologie
dvastatrice derrire la guerre, qui envoie des jeunes innocents en guerre, en crant lillusion
de lhrosme et du patriotisme. Cela est expos dans la squence grce la mise en scne (la
division de lespace profilmique grce la profondeur du champ), lchelle de plans, le son
(la musique et le dialogue) et le montage (alternant entre la ralit et limaginaire, ainsi
quentre le professeur et les jeunes dtermins).
Il est possible de dcouper la squence en trois parties en fonction de la narration. La
premire partie consiste en la parade des soldats partant en guerre au dbut de la squence.
Ensuite, la camra sloigne de la foule, entrant par la fentre dans un cours dcole o le
professeur est debout devant ses tudiants et sadresse eux. Cette partie englobe le discours
entier du professeur parfois en voix-in, et parfois en voix-over accompagnant les scnes
imagines par les jeunes. Ainsi, la partie peut se diviser en quelques sous-parties
indpendantes qui correspondent chacune limagination dun tudiant. Le cur de la
squence, cette deuxime partie souligne le lavage de cerveau des jeunes par une idologie
pro-guerre. La troisime partie de la squence met en contraste la rticence de certains et
lenthousiasme des autres. Ceux qui ont cru la propagande patriotique finissent par
convaincre les autres. Les tudiants se transforment en un collectif homogne comme la foule
lextrieur, et se rejoignent eux en sortant du cours et chantant des hymnes nationalistes.
Un moment important dans la squence est le moment de transition entre les deux premires
parties. Ici, il y a deux espaces identifiables : lextrieur, les soldats en uniforme partent en
guerre, escorts et encourags par une foule passionne. A lintrieur, les jeunes garons
coutent de manire obissante leur professeur qui sermonne sur la ncessit de la guerre. Les
deux espaces sont mis en contraste par la mise en scne. Dans un plan densemble, le
professeur se trouve debout entre les deux fentres, faisant son discours. Dans la profondeur
du champ expose par les fentres, la foule anime accompagne les soldats. Le surcadrage
produit par les deux fentres dans le plan souligne laspect spectaculaire, irrel de lhrosme
de la guerre. La transition de lextrieur lintrieur se fait par un mouvement de la camra,
sans quil y ait une coupe. La musique, une marche militaire, continue galement de
lextrieur lintrieur jusqu ce quelle sarrte brusquement pour donner lieu au discours
idologique. Cette construction de lespace savre particulirement intressante dans la
prsentation de lenjeu de la squence : derrire les murs, dans lespace clos, se rvle
lidologie qui a pouss les soldats lextrieur de se mobiliser. De plus, cette idologie est
prononce par une figure (le professeur) qui ressemble physiquement Kaiser (grce sa
moustache). Ce moment dans la squence peut ainsi affirmer le regard pacifiste du film : la
reprsentation humaine des jeunes soldats allemands tromps et mobiliss par une figure
autoritaire non fiable.
Comme voqu prcdemment, la deuxime partie montre leffet de ce discours patriotique
sur les jeunes allemands. En mme temps que le professeur parle, nous voyons les plans
rapprochs des visages dtermins des jeunes et les scnettes qui visualisent leur imagination.
Ces plans rapprochs individualisent et humanisent les futurs soldats, avant quils ne
deviennent, comme leurs semblables lextrieur, une foule homogne et organise. Quand le
professeur parle de la rticence des mres de consentir au dpart de leurs enfants en guerre,
nous voyons une petite scne o un des garons imagine la raction de ses parents son
enrlement. Ensuite, un autre tudiant imagine son retour glorieux de la guerre, lui-mme
dans une voiture, entour des filles, accueilli chaleureusement par une foule excite. Dans ces
deux cas, la voix du professeur devient la voix-over qui accompagne ces images imaginaires.
Les scnes commencent et se terminent par le visage des jeunes. Leurs expressions faciales
sont difficiles dterminer, car elles peuvent montrer un mlange paradoxal de rticence et de
motivation. Lindividualisation des jeunes est aussi souligne dans le discours du professeur,
mais lui, il soumet toute ambition personnelle et individuelle une grande ambition
collective, qui est la dfense de la patrie. Dans cette partie, la camra commence par montrant
un plan large des tudiants, et se rapproche ensuite un personnage par un mouvement
rapide. Dautre part, lchelle des plans sur le professeur aussi change progressivement.
Dabord, il est montr en plan densemble. Aprs chaque insertion des plans sur les jeunes, la
camra revient sur le professeur, pour le montrer de plus prs. Cela symbolise leffet de son
discours idologique sur les jeunes. Au final, il est montr en gros plan, et les tudiants sont
compltement transforms : ils ont dcid de rejoindre larme.
La structure de la troisime partie de la squence est prcisment linverse de celle de la
deuxime partie. Au lieu de passer du plan densemble aux plans rapprochs et aux gros
plans, dans cette dernire partie la camra passe des plans individuels de jeunes motivs un
plan densemble qui les montre tous en mme temps, comme un collectif, sortant du champ.
Une succession de plans rapprochs montrent les jeunes qui annoncent passionnment, un
un, leur motivation de senrler. Ensuite, les plans se resserrent sur les visages, montrant des
jeunes hurler. Ce rgime de succession des gros plans se fait remplacer par des plans
densemble avec les tudiants soulevs dans le champ. Dans le dernier plan avant le fondu
noir, la camra sloigne des jeunes, qui se sont mis chanter, afin de donner un aperu
global de la situation. De nouveau, les scnes de lextrieur sont visibles travers les fentres,
mais cette fois les mmes scnes semblent se reproduire aussi lintrieur. Les tudiants dans
le cours sont en harmonie avec la foule de lextrieur. La musique digtique, dont la source
est cette fois lintrieur, recommence et accompagne les images de la motivation des jeunes
jusqu ce quils sortent tous par la porte. Ce qui reste, est des bancs vides de lcole et les
feuilles en dsordre partout par terre. Cette dernire symbolise la nature destructive et sauvage
de la guerre.
Ainsi, le processus de la transformation de jeunes tudiants innocents en soldats de guerre
motivs par lidologie est accompli. La squence part dun collectif, mais continue sur des
individus pour pouvoir analyser la construction idologique de ce collectif.
Source primaire
A louest, rien de nouveau (All Quiet on Western Front), Lewis Milestone, MGM, Etats-Unis,
1930
Filmographie secondaire
Westfront 1918, Georg Wilhem Pabst, Allemagne, 1930
The Big Parade, King Vidor, MGM, Etats-Unis, 1925
Bibliographie secondaire
Laurent Vray, La Grande Guerre au cinma. De la gloire la mmoire, Paris, Editions
Ramsay, 2008
Michael Isenberg, War on Film, Fairleigh Dickinson University Press, 1981