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J PCdiatr Pu6ricuhre 2003 ; 16 : 36-43 0 2003 I?dirians scientifiques et mCdicales Else&r SAS. Ecus droits r&n& allergic aux protbines du lait de v sneret uttin Service de mkfecine interne-immunologic ciinique et dergologie, hc+tpita/ centrd, Nancy, France r&umti La frkquence de I’allergie aux proteines du lait de voche est stable aux environs de 2 % mais peut atteindre 33 % chez les enfants de groupes ~5 risque (antecedents atopiques familiaux), dont la prevalence ne cesse de croitre. ivoquee devant une dermatite atopique, une manifes- tation cutanke immediate, un reflux gostro-aesopha- gien, une diorrhee chronique ou une constipation opi- nibtre, elte est surtout prkoccupante dons le syndrome des allergies alimentaires multiples ob la guerison est plus tardive et moins certaine. Cidentification des allergenes mojeurs et mineurs et la connaissance de certains Cpitopes ont conduit au developpement de formules de substitution qui permettent une meilleure prise en charge therapeutique. Des essais d’induction de tolerance et 6’6tude de ses mecanismes permettent d’esperer une guerison plus precoce. Mais i’interet octuel se Porte sur les possibilitks de prevention, regimes et probiotiques, car m@me l’allaite- ment moternel n’annule pas le risque d’allergie aux proteines du loit de vache. 0 2003 Editions scientifi- ques et mkdicales Elsevier SAS. Tous droits reserves allergic / lait de vache / enfant ailergie aux prottines du lait de vache (APLV) concernerait 0,5 B 1,9 % des enfants [l], voire 7,5 % d’entre eux au Canada [2]. Cette incidence pourrait s’elever B 229 % chez les enfants a haut risque n&s dans des familles d’atopiques [3]. liniques de Le lait de vache est le premier aliment ingert par l’enfant si bien que l’allergie aux proteines du lait de vache est genhalement la premiere B apparaitre. Elk se manifeste prtcocement, dans 96 % des cas avant i’z?ge de 1 an, dont 30 % dans le premier mois et 60 % dans les deux mois suivants [I]. Ce delai reprtsente le temps ntcessaire au dkeloppement de la sensibilisation, ii est gentralement de 2 B 8 semaines. Cependant, les manifestations peuvent survenir au premier biberon [2, 41. s manifestations La forme !a plus couramment observee est ie syndrome d’enttrocolite allergique. Cette association de vomisse- merits et de diarrhees, reprtsente 50 % des manifesta- tions ptdiatriques de 1’APLV [5]. Lorsque les sympto- mes sont sever-es, ils peuvent se compliquer de dtshydratation avec hypotension voire acidose. Rtcemment, l’attention a Cte portte sur l’association frtquente B une kthargie. Les enfants ayant des mani- festations digestives isoltes prtcoces sans IgE sptcifr- ques gutrissent spontanement avant 1’3ge de 2 ans [6]. 36 JOURNAL DE PiDlATRIE ET DE PUiRlCULTURE n’ : 2003

allergie aux protéines du lait de vache chez l'enfant

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J PCdiatr Pu6ricuhre 2003 ; 16 : 36-43 0 2003 I?dirians scientifiques et mCdicales Else&r SAS. Ecus droits r&n&

allergic aux protbines du lait de v

sneret uttin Service de mkfecine interne-immunologic ciinique et dergologie, hc+tpita/ centrd, Nancy, France

r&umti

La frkquence de I’allergie aux proteines du lait de voche est stable aux environs de 2 % mais peut atteindre 33 % chez les enfants de groupes ~5 risque (antecedents atopiques familiaux), dont la prevalence ne cesse de croitre. ivoquee devant une dermatite atopique, une manifes- tation cutanke immediate, un reflux gostro-aesopha- gien, une diorrhee chronique ou une constipation opi- nibtre, elte est surtout prkoccupante dons le syndrome des allergies alimentaires multiples ob la guerison est plus tardive et moins certaine. Cidentification des allergenes mojeurs et mineurs et la connaissance de certains Cpitopes ont conduit au developpement de formules de substitution qui permettent une meilleure prise en charge therapeutique. Des essais d’induction de tolerance et 6’6tude de ses mecanismes permettent d’esperer une guerison plus precoce. Mais i’interet octuel se Porte sur les possibilitks de prevention, regimes et probiotiques, car m@me l’allaite- ment moternel n’annule pas le risque d’allergie aux proteines du loit de vache. 0 2003 Editions scientifi- ques et mkdicales Elsevier SAS. Tous droits reserves

allergic / lait de vache / enfant

ailergie aux prottines du lait de vache (APLV) concernerait 0,5 B 1,9 % des enfants [l], voire 7,5 % d’entre eux au Canada [2]. Cette incidence

pourrait s’elever B 229 % chez les enfants a haut risque n&s dans des familles d’atopiques [3].

liniques de

Le lait de vache est le premier aliment ingert par l’enfant si bien que l’allergie aux proteines du lait de vache est genhalement la premiere B apparaitre. Elk se manifeste prtcocement, dans 96 % des cas avant i’z?ge de 1 an, dont 30 % dans le premier mois et 60 % dans les deux mois suivants [I]. Ce delai reprtsente le temps ntcessaire au dkeloppement de la sensibilisation, ii est gentralement de 2 B 8 semaines. Cependant, les manifestations peuvent survenir au premier biberon [2, 41.

s manifestations

La forme !a plus couramment observee est ie syndrome d’enttrocolite allergique. Cette association de vomisse- merits et de diarrhees, reprtsente 50 % des manifesta- tions ptdiatriques de 1’APLV [5]. Lorsque les sympto- mes sont sever-es, ils peuvent se compliquer de dtshydratation avec hypotension voire acidose. Rtcemment, l’attention a Cte portte sur l’association frtquente B une kthargie. Les enfants ayant des mani- festations digestives isoltes prtcoces sans IgE sptcifr- ques gutrissent spontanement avant 1’3ge de 2 ans [6].

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L’enttropathie par sensibilisation aux proteines de lait de vache se manifeste par une diarrhee d’installa- tion progressive. L&mission de selles phteuses et le mtteorisme abdominal, associes a un ralentissement de la croissance staturo-pond&ale avant 1’4ge de 9 mois, peuvent faire tvoquer une maladie cceliaque. La biop- sie de la muqueuse intestinale rtvtle une atrophie villositaire de grade varie : les modifications morpho- logiques sont g&rtralement mineures (cryptes intgales et allongtes, villosites raccourcies avec lymphocytes intraepithtliaux) avec infiltrat inflammatoire. variable de la muqueuse [7]. II s’y associe frtquemment une intolerance au lactose par deficit secondaire en disac- charidases. L’eviction des proteines du lait de vache entraine une guerison definitive, mais la tolerance au lait de vache n’est gtntralement acquise qu’apres l’age de 18 B 24 mois [5, 61.

Les coliques du nourrisson surviennent chez des nourrissons de moins de 4 mois. Les pleurs, I’agitation post-prandiale, le mtteorisme disparaissent apres tvic- tion du lait de I’alimentation de I’enfant ou de sa mere si celui-ci est allaite [8].

Le reflux gastro-cesophagien serait associt: a une APLV chez 41,8 % des enfants ages de moins de 1 an. Lorsque ce reflux ne repond pas au traitement medical voire chirurgical et qu’il s’associe B une cesophagite avec vomissements, une stagnation pond&ale et un reflux de s’alimenter, la responsabilite de I’APLV doit @tre envisagee [9].

La gastroenttrite B tosinophiles a un tableau clinique pouvant tvoquer ceux prtctdemment decrits. Le diag- nostic repose sur la biopsie de la muqueuse gastrique ou duodenale dont l’ttude histologique rtvtle une infiltration par des tosinophiles. Cependant, une telle infiltration peut tgalement se situer au niveau de l’oesophage et du gr&le [5, 91.

Les formes digestives s&&es sont d’autant plus rares de nos jours que le diagnostic est tvoqut precocement, imposant en cas de doute un regime d’tviction d’tpreuve. Ont et& d&rites des ulcerations etagees, se compliquant de s&rose ou de &rose, des formes htmorragiques avec antmie microcytaire. Le diagnos- tic d’APLV a pu &tre con&me dans des enteropathies exsudatives stvtres avec cedeme, voire ascite et htmor- ragies digestives [5, 11.

Le syndrome de Heiner se caracterise par un retard de croissance avec diarrhte, antmie ferriprive et htmo- sidtrose pulmonaire. II est historique.. .

La constipation opinihtre est un tableau clinique rtcemment dtcrit de 1’APLV qui pourrait &tre tvoqute dans 68 % des constipations rtsistantes au traitement medical, en particulier en cas de fistule anale. Contrai-

rement aux autres manifestations digestives, la detec- tion d’IgE sptcifiques du lait de vache est frequente [lo]. Chez ces patients, un accroissement du temps de transit et une retention rectofecale de selles a ttC mise en evidence, ainsi que le role central des mastocytes dans la modulation de la contraction intestinale.

La rectite peut se manifester precocement par des rectorragies. L’examen montre des erosions, des ulcCra- tions aphtoi’des, des fistules. L’eviction du lait entraine une guerison rapide des lesions, dont I’analyse histolo- gique ne revtle qu’une inflammation non sptcifique et parfois des microabds [lo, 111.

les manifestations cutankes

La dermatite atopique est la manifestation principale de l’allergie alimentaire chez I’enfant, d’autant plus frtquente que l’enfant est jeune [12] @gwe I). L’aller- gie au lait de vache se manifeste prtferentiellement par une dermatite atopique [13] B laquelle s’associent souvent des troubles digestifs et des signes respiratoires [14]. Elle reprtsente 16 % des allergies alimentaires de I’enfant de moins dun an, apres I’allergie B l’ceuf (87,7 ?‘) 1 q 11 11 0 a a ue e e e est souvent associte [ 121.

L’urticaire et l’angio-cedeme sent des manifestations typiques de l’allergie immediate IgE-dtpendante ; le diagnostic est facilement tvoque. Cependant, il s’agit rarement d’urticaire chronique malgrt une consom- mation plurijournalitre de l’aliment, mais plutot

Figure 1. Dermatite atopique.

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d’urticaire aigue et d’angio-cedtme des ltvres, des paupieres ou du larynx rtcidivants. Ces manifestations pourraient rep&enter 15 % des formes cliniques de I’APLV [5, 141. La presence d’IgE sptcifiques et la positivite des prick-tests sont courantes.

‘asthme

Las&me par allergie au lait de vache est de diagnostic difficile. Son existence a ttt demontree dans des formes d’asthme severe et lors de tests de provocation orale alimentaire oh des patients presentent des symp- tomes bronchiques. L’asthme est rarement isole, il s’associe gentralement B une dermatite atopique, a de l’urticaire ou a des signes gastro-intestinaux [ 14, 151. L’existence dun asthme associe a l’allergie alimentaire apparait comme un facteur de risque d’anaphylaxie grave.

bovine (0,4 g/L), des immunoglobulines, du lysozyme, de la lactoferrine, etc.

Les allergenes majeurs sent les castines, la betalacto- globuline et la serumalbumine bovine, Un patient prtsente souvent une rtponse a plusieurs prottines [16]. Les IgE reconnaissent des Cpitopes conforma- tionnels mais aussi sequentiels, Cpitopes souvent inac- cessibles dans la forme native de la prottinc et demas- quts dans les formes denaturtes par la digestion.

es manifestations ~mmunQiog~

L’allergie alimentaire repose sur une reaction immuno- logique de types varies a des antigenes prottiques alimentaires. 11 s’agit prtferentiellement d’IgE specifi- ques traduisant la polarisation Th2. Une hypersensibi- lice retard&e est certainement B prendre en compte dans certaines manifestations comme les alterations de

oc anaphylactique la muqueuse digestive [7] ou da dermatite atopique [171.

Manifestation gtneraliste severe, mettant en jeu le pronostic vital, est rare chez l’enfant en particulier avant trois ans : il pourrait rep&enter 9 % des APLV

es Cacteurs g&&i

pour certains auteurs [14]. Rarement inaugural et a l’origine du diagnostic, il surviendrait essentiellement au tours des reintroductions diagnostiques ou acciden- telles. Les signes habituels cutanes, respiratoires asso- tits au coliapsus cardiocirculatoire sont parfois absents, et le diagnostic doit etre tvoque devant des troubles digestifs aigus suivis dune hypotonie ou d’une somnolence.

Exceptionnellement, l’allergie aux proteines de lait de vache pourrait se manifester par une mort subite du nourrisson ou un syndrome dit de (( rescapt de mort subite )).

physiopathologie de

es allerg&

Le lait de vache conrient 30 a 35 grammes de proteines par litre, &parties en 80 % de castines et 20 % de prottines du lactoserum. Plusieurs castines sont syn- thttisees par la glande mammaire : alpha S 1, alpha S2, b&a ou kappa.

Les prottines du lactoserum comprennent de la b&talactoglobuline (3,2 g/L), absente du lait humain, de l’alphalactalbumine (1,2 g/L), de la strumalbumine

L’existence d’anteddents familiaux d’atopie (dermatite atopique, asthme, rhinite allergique, allergic alimen- taire infantile) majore le risque d’allergie alimentaire. Ce risque s’tleve B 33 % si un des enfants de la fratrie est atteint d’APLV [2].

Des 16 B 20 semaines, le fcetus est apte a induire une reponse immunitaire specifique d’antigene. La sensibi- lisation aux prottines du lait de vache est caracterisee par une activation des lymphocytes Th2. Celle-ci est favoriste par le dtsequilibre Thl/Th2 physiologique de la grossesse. Ce microenvironnement Th2 permet d’tviter le rejet de greffe des alloantigenes HLA pater- nels port& par le placenta ; les cytokines Th2 inhibent les lymphocytes Thl maternels mais aussi fGetaux [ 181.

Dans le sang du cordon, on observe une reponse lympho-proliferative B l’alphalactalbumine, la bktalac- toglobuline, la strumalbumine bovine et la caseine. Cette rtponse est courante chez tous les nourrissons lnais alors que l’tquilibre revient en faveur dune rtponse Thl chez les nourrissons non atopiques, la population Th2 se maintient et s’amplifie chez les atopiques [19]. Un facteur genetique expliquerait une regulation aberrante de la production d’IL-4 par les !ymphocytes T nayfs.

Outre les reactions d’hypersensibilitt, on incrimine une alteration des mecanismes de tolerance. Les adul- tes sains tlaborent des IgA sptcifiques intestinales

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apr&s stimulation par un aliment, alors que ces IgA sont basses ou absentes chez les sujets allergiques [2O].

Les mecanismes de tolerance pour de fortes doses d’antig&nes seraient une anergie lymphocytaire T alors que la tolCrance pour des petites doses requiert l’acti- vation dans les plaques de Peyer de lymphocytes regulateurs de TH3 producteurs de tran.Eforming growth factor (TGF) b&a et TRl producteurs d’IL-10 [211.

- associations de plusieurs tableaux cliniques rencon- trts dans I’APLV ou leur succession dans le temps ; - autre allergie alimentaire associte cliniquement evidente ;

rtponse aux traitements mtdicaux ou aux rtgimes d&j& entrepris.

D’autres diagnostics doivent &tre exclus, notamment lorsque les symptames ne touchent que la sphtre digestive, intoltrance au lactose, reflux gastro-cesopha- gien, maladie cceliaque.

les facteurs environnementaux le bilan allergologique

Des facteurs acquis modulent la rtponse atopique. 11s interviennent prtcocement in uteyo : - le tabagisme maternel in zltero augmente le risque d’allergie alimentaire &Jut B 3 ans [22] ; - des rCactions d&s 1.e premier biberon de lait confir- ment la sensibilisation in utero [23] ; - des biberons de lait dans les premiers jours de vie pourraient suffire B entrainer une sensibilisation. Une ttude conduite chez 6 209 nouveau-n& finlandais met en evidence une augmentation de 1’APLV chez les enfants qui ont resu un complement de lait de vache B la maternitt par rapport B ceux qui n’ont resu que du lait maternel ou un hydrolysat pousst de prottines 041 ;

r la sensibilisation par le lait maternel est Ctablie par

a survenue apres 1 ?i 3 mois d’allaitement saris mani- festation clinique, d’une dermatite atopique disparais- sant apr& &iction du lait de vache du regime maternel [25]. L b^ 1 a eta acto o u ine bovine peut atteindre 150 gl b 1 microgrammes dans Ye lait maternel ; - une diversification alimentaire trop prCcoce aug- mente le risque d’allergie alimentaire [26] ; - les modifications de la flore intestinale qui ne jouerait plus son r61e immunomodulateur sont tvo- q&es [27]. Les probiotiques, lactobacilli et bifidobac- ttries diminuent la rtponse allergique chez l’atopique grhce B l’hyperproduction d’interleukine 10 et de TGF b&a et rtduisent la prCvalence de la dermatite atopi- que.

le diagnostic de I’APLV

La dtmarche diagnostique comporte une premitre phase clinique importante B la recherche d’un faisceau d’arguments tvocateurs d’une APLV : - ant&dents funiliaux d’atopie, d’allergie alimen- taire de l’enfant ; - ige de survenue des symptBmes et le d&lai par rapport aux introductions alimentaires ;

11 dCpend des mtcanismes Pvoquts. Dans les mani- festations atopiques, choc anaphylactique, urticaire, angio-cedkme, asthme, dermatite, un mCcanisme IgE-dkpendant est totalement ou partiellement res- ponsable des manifestations. Une sensibilisation est recherchbe. l Prick-test : poncture kpidermique au travers d’une goutte de lait est couramment praticable d&s 1’9ge de trois mois et possible dans 66 % des cas avant cet $ge [28] @gwe 2). l La ditection biologique des IgE spPciflques du lait de vache ou des allergknes majeurs (castine, b&talacto- globuline, alphalactalbumine) semble moins sensible que le prick-test. Selon Sampson, un taux d’IgE sptci- fique au lait de vache suptrieur B 32 KUI/L (Cap Rast) est prCdictif Q 95 % d’une allergie, malheureuse- ment dans notre expkrience, ce taux est rarement atteint dans les APLS? l Dans la dermatite oh l’hypersensibilite retard&e prtdo- mine, des patchs tests sont proposts, mais leurs modali- tts de r&lisation ne sont pas encore standardisbes [ 131.

Figure 2. Prick-test aux proteines du lait de vache.

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0 Dans les formes digestives, en particulier isoltes, ie bilan allergologique est gtntralement propose aprts divers changements de laits (Cpaissis, saris lactose, ~hypoallergtnique, soja) et elimination dun autre diag- nostic. Dans ces cas courants, les tests cutanes et serologiques sont souvent ntgatifs. I1 faut cependant les realiser lorsque d’autres manifestations leur sont associees et parce que ces reponses ont CtC d&rites, m&me lors des constipations opiniatres [lo].

Lhyperpermtabilitt intestinale, consequence de la reaction immunologique locale, peut $tre document&e par un test au mannitol lactulose.

La recherche d’activation lymphocytaire et le dosage des cytokines ne sont pas disponibles en routine.

vocation ode

11 authentifie l’ailergie aux proteines du lait de vache et est envisage lorsqu’il y a doute diagnostique. Les formes cliniques immediates bCn&cient de tests de provocation orale standardises. Ces tests sont idealement effect& en double aveugle, mais le simple aveugle est generalement propose chez le nourrisson. Le placebo utilist est une formule d’acides amints [29].

Ce test doit &tre rCalisC en milieu hospitalier, en raison du risque d’anaphylaxie, m&me lorsque le m&a- nisme IgE-d&pendant n’est pas prouvt, en particulier chez le jeune nourrisson.

Dans les formes cliniques non IgE-dependantes, comme les formes digestives, il peut &tre necessaire de maintenir plusieurs jours de suite l’alimentation lactee B des doses usuelles pour mettre en evidence les symptomes [29].

Les dosages de tryptase serique et de mtthylhista- mine urinaire lors des tests ont un inter&t limit&. L’elevation de I’ECP strique serait plus fiable. Le test de provocation peut &re couple a une etude de permeabilite digestive.

11 est realist aprts un regime d’tpreuve d’tviction (voir plus loin) dont les rtsultars cliniques sont deja un argument pour le diagnostic d’APLV.

charge thbrapeutique

Be r6gime “h4stion ch loit de VQC

Le regime d’tviccion doit @tre soigneusement expliqut pour tviter l’ingestion de traces de lait qui entretien- draient la reaction clinique. Ce risque est d’autant plus &eve que l’enfant est grand, et son alimentation variee, car des derives de lait sont alors presents dans les

additifs agents de texture (Caseinate). Les regles d’eti- quetage seront comment&es. Des fiches conseils telle celle publite par le CICBAA sont un rappel interessant pour les parents. Ce controle s’ttend egalement aux cosmetiques et aux mtdicaments [30].

a substitution

Plus l’enfant est jeune, plus il est necessaire d’utiliser pendant ce regime un substitut du lait de vache.

L’utilisation du lait de soja est controverste, m&me si le risque d’allergie croiste ou concomitante au soja est moins important qu’il ne l’avait ttC dit initialement. Ii sembl e particulierement important s’il existe une atteinte digestive avec atrophie villositaire. Le lait de soja n’est pas recommandt pour le regime d’epreuve.

L’hydrolyse des laits hypoallergeniques est insuffi- Sante. Des traces de bktalactoglobuline et des peptides d’environ 6 000 daltons conservent des Cpitopes rCac- togenes. Cette rtactivitt a CtC constatee in vitro, par tests cutants et lors de tests de provocation orale. Ces laits ne sont pas applicables au traitement.

La substitution est assume par un hydrolysat pousse de proteines, oh au moins 85 % des peptides ont un poids mokculaire inferieur B I 500 daltons, qui ne contiennent pas de lactose. Ceux-ci sont de plusieurs types :

- hydrolysat de proteines de lactodrum : Alfar@, Peptijunior@ ; - hydrolysat de caseine : Galliagene Progress@, Nutra- migen@, PrCgestimil@ ; - hydrolysat d’isolat de soja et collagene de port : PrCgomine@.

Une formule B base d’acides amints, NPocate@, commercialisee en France depuis 1998, peut &tre proposee avec stcuritt en cas d’allergie aux hydrolysats poussts [15]. En effet, des reactions attx peptides et traces de b&alactoglobulines contenus dans ces laits sont d&rites (tableau 1). Initialement consider&e comme exceptionnelle, cette allergie pourrait concer- ner 10 % des APLV, et doit &re CvoquPe devant des troubles digestifs persistants, un refits alimentaire ou une stagnation de croissance ponder-ale [3 11. Elle serait prtconiste en premiere intention dans les formes s&&es avec retard de croissance ou dans le syndrome des allergies alimentaires multiples [32].

Les quantitts dtpendront des possibilites de diversi- fication alimentaire, et une supplementation calcique est generalement necessaire apres lo-12 mois. L’inges- tion de lait de chevre, de brebis ou de jument est formellement deconseillte en raison des risques impor- tants de reaction croiste [ 161.

40 JOURNAL DE PtDIATRiE ET DE PUERICULTURE no 1 2003

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Tableau I. Pourcentage de prot6ines de poids molCculaire inferieur b 1 500 kDa et teneur en b&alactoglobuline du lait de vache, moternel et diffbrentes formules de substitution.

Lait de vache

Lait maternel

Alfar@

Peptijunior

Nutramigenm

Prtgestimil@

Prtgomine@

NPocatea

% deprothaes Teneur en depoids mohdaire bttalactoglobuline

inf+iew 2 1500 kDa G‘&d

- 117 000

- 0,05-1,50

88 0,12

85 0,006’1

95 0,014

97 -

- 0,065

- 0,0016

les mbdicaments

Les antihistaminiques H, peuvent &tre proposes pour

leurs actions pharmacologiques associees dtmontrtes in vitro : stabilisation mastocytaire (ketotifene), inhibi- tion de l’activation des tosinophiles (cttirizine), inhi- bition de l’expression des molecules d’adhesion (lora- tadine). Ladministration de bacttries probiotiques favorise la reponse locale en IgA et peut participer B l’exclusion antigtnique [32].

I’Qvaluation clinique

L’tchec apparent du regime d’kiction, avant la rtcusa- tion du diagnostic doit faire envisager phtsieurs hypotheses : 1. des erreurs de regime, une contamination des ali- ments, 2. une allergie croiste avec la viande de bceuf, lors de la sensibilisation a la strumalbumine bovine [33], 3. un syndrome des allergies alimentaires multiples [29] rencontre de plus en plus frtquemment et qui pourrait atteindre 50 % des cas dans les allergies IgE- dtpendantes. Dans l’experience de notre service, seules 23,2 % des APLV sont isoltes. Ceci just&e de recher- cher des le bilan initial d’autres allergies ahmentaires assocites, 4. une allergie aux hydrolysats pousses de prottines : nous proposons Ntocate@ apres echec dun hyclrolysat extensif de prottines de lait puis de prottines non lacttes (voir tubleuu 1).

les tests de rkintroduction, protocole de tolhnce

La majoritt des APLV gutrissent naturellement avant 3 ans : 60 B 77 % de guerison B deux ans, plus de 84 % a trois ans. Celle-ci est plus precoce dans les formes digestives isolees, que chez les enfants atopiques ou l’holution est moins favorable, d’autant plus que 1’APLV s’inscrit dans un syndrome des allergies ali- mentaires multiples [21]. Dans ces formes, le taux de guerison ne serait que de 22 % B deux ans [4]. Certains enfants prtsentant une allergie durable aux prottines du lait de vache reconnaissent avec predilection des epitopes particuliers de la caseine alpha S 1 [34].

Des reintroductions orales sont propostes apres six mois de regime d’eviction B la recherche de l’instaura- tion dune tolerance. En cas d’echec, elles sont renou- veltes tous les six mois jusqu’a trois ans, tous les ans ensuite.

Dans des cas document& par un test de provocation orale positif determinant une dose reactogene, le depassement de cette dose grace B l’ingestion journa- l&e de doses de lait t&s progressivement croissantes pendant un B trois mois, permet d’assurer qu’on a instaure une tolerance digestive, alors qu’il persiste des IgE specifiques et une hyperactivite cutanee [35].

Aprts confirmation dune dose minimale non rtac- tog&e en milieu hospitalier, une reintroduction trts progressive, a dose croissante, entre 12 et 18 mois est souvent bien tolerte, mais on ignore encore si cela traduit une efficacite rtelle du protocole de rtintroduc- tion ou si la gutrison naturelle Ctait deja install&e.

prbvention

La prevention primaire n’est justifite que si l’enfant a naPtre prtsente un risque important d’APLV : enfant de lignte atopique avec antecedent familial d’APLV [2]. Celle-ci peut debuter dts le deuxitme trimestre de grossesse par un regime maternel sans lait, qui sera poursuivi pendant la durte de l’allaitement [ 181. Les complements necessaires sont assures par des hydroly- sats poussts de prottines. En pratique, devant la difficult& de suivre ce regime durant la grossesse, nous preferons conseiller des apports mod&es de laitage, le regime d’eviction strict n’ttant propose que lorsqu’il existe des antecedents d’allergie grave aux prottines de lait. En revanche, le syndrome des polyallergies ali- mentaires representant un facteur de gravitt, une eviction associte de l’ceuf et des arachides est gtntrale- ment prescrite.

JOURNAL DE PiDlATRlE ET DE PIJtRICULTURE n” I 2003 41

Page 7: allergie aux protéines du lait de vache chez l'enfant

La prevention secondaire concerne I’enfant atteint d’APLV et cherche B eviter l’acquisition de nouvelles allergies alimentaires, en retardant la diversification. La majoritt de ces enfants developpant des allergies respi- ratoires, des mesures environnementales sont expli- qutes pour essayer de reduire le taux des allergies respiratoires.

La prevalence de 1’APLV est stable amour de 2 % mais L’atopie &ant en expansion actuellement, le nombre d’enfants B risque d’APLV augmente dans ce groupe oh la prevalence pourrait atteindre 6 B 8 %.

L’intCr&t se Porte sur la prevention possible, m&me l’allaitement n’annule pas le risque d’APLV C’est pourquoi les etudes portent maintenant sur les prebio- tiques ou probiotiques qui pourraient favoriser la tolerance aux prottines alimentaires.

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