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Communication Allocutions du pre ´ sident sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau pre ´ sident, le Pr Jean-Franc ¸ois Allilaire Speeches of the outgoing president, professor Bernard Lafont, and the new president, professor Jean-Francois Allilaire Bernard Lafont a, *, Jean-Franc ¸ois Allilaire b a 6, rue aux Chats, 91310 Montlhe ´ry, France b LaSalpeˆtrie `re, 47, boulevard de l’Hoˆpital, 75013 Paris, France 1. Allocution de fin de pre ´ sidence, par le Professeur Bernard Lafont Mesdames, Messieurs, chers amis, Il y a un an, vous m’avez confie ´ les cle ´s de la Socie ´te ´ Me ´ dico- Psychologique. Je vous en remercie. Ce fut un honneur de les de ´ tenir comme pre ´ sident, et aussi un ve ´ ritable plaisir de participer a ` ses travaux du quatrie ` me lundi de chaque mois ainsi qu’a ` ceux du bureau et du conseil d’administration. J’exprime ma reconnaissance a ` tous ceux qui m’ont apporte ´ leur soutien et leur amitie ´ pendant cette anne ´ e. Le professeur Allilaire, qui sera effectivement, dans un moment, notre nouveau pre ´ sident, la tre ` s courageuse Docteur Christine Mirabel-Sarron, dont je salue ici la compe ´ tence, et qui je l’espe ` re, restera encore longtemps disponible pour notre Socie ´te ´ , tous les membres du bureau, qui m’ont accueilli tre ` s chaleureusement, et, bien su ˆ r, l’infatigable Jacqueline Parant qui est l’a ˆme de cette Socie ´te ´ . Merci aussi a ` tous ceux qui se sont succe ´de ´a ` cette tribune pour y pre ´ senter leurs communications. Je salue leur travail avec un respect e ´ gal, que celui-ci ait ou non rencontre ´ ma sensibilite ´ ou mes orientations personnelles. Faites de me ˆme, car c’est ainsi, j’y reviendrai, que nous nous inscrivons dans l’esprit de l’œuvre de nos grands devanciers. Je souhaite la bienvenue a ` notre nouvelle vice-pre ´ sidente, Evelyne Pewzner-Apeloig que je suis particulie ` rement heureux de retrouver a ` cette place apre ` s l’avoir connue et appre ´ cie ´ e, il y a bien des anne ´ es, comme collaboratrice du Professeur Faure, alors que je faisais mes premie ` res armes dans l’enseignement. Bienvenue e ´ galement a ` notre nouveau secre ´ taire ge ´ne ´ ral que nous avons tous pu appre ´cier au cours de cette anne ´e dans la fonction nouvelle et difficile de tre ´ sorier adjoint. Bonne chance et bon courage a ` tous. Vous apporterez, j’en suis certain, outre votre compe ´tence, ce qu’il faut de convivialite ´ et d’amicale solidarite ´ pour conserver a ` notre socie ´te ´ ce qui lui a permis de se perpe ´ tuer depuis sa cre ´ ation. Aujourd’hui, je vous rends ses cle ´ s, ou plus exactement, je les confie a ` la nouvelle e ´ quipe, en ce de ´ but d’anne ´ e 2012 qui sera donc celle du cent cinquantenaire de la Socie ´te ´ Me ´ dico-Psychologique. Annales Me ´ dico-Psychologiques 170 (2012) 391–397 INFO ARTICLE Mots cle ´s : Histoire de la psychiatrie Pluridisciplinarite ´ Socie ´te ´ me ´ dicopsychologique Keywords: History of psychiatry Multidisciplinary Socie ´te ´ Me ´ dico-Psychologique RE ´ SUME ´ Les auteurs soulignent l’e ´ clectisme et la pluridisciplinarite ´ de la Socie ´ te ´ Me ´ dico-Psychologique a ` travers sa publication, Les Annales Me ´dico-Psychologiques tout au long de son histoire depuis 1843. Ses implications dans de nombreuses questions d’actualite ´ comme les nouvelles lois ou des aspects scientifiques ou de socie ´ te ´ doivent e ˆtre poursuivies dans le futur comme cela a e ´ te ´ illustre ´ par de re ´ cents de ´ bats. ß 2012 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. ABSTRACT The authors underline the eclecticism and multidisciplinary of the Socie ´ te ´ Me ´ dico-Psychologique through its publications, Les Annales Me ´dico-Psychologiques, all along history of psychiatry since 1843. The implications in diverse questions in actuality like new laws on scientific or societal matters all over time must be continued in the future as illustrated by the recent debates on the recent law in compulsive cares. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS. * Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (B. Lafont), [email protected] (J.-F. Allilaire). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.06.011

Allocutions du président sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau président, le Pr Jean-François Allilaire

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Annales Medico-Psychologiques 170 (2012) 391–397

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication

Allocutions du president sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau president,le Pr Jean-Francois Allilaire

Speeches of the outgoing president, professor Bernard Lafont, and the new president,

professor Jean-Francois Allilaire

Bernard Lafont a,*, Jean-Francois Allilaire b

a 6, rue aux Chats, 91310 Montlhery, Franceb La Salpetriere, 47, boulevard de l’Hopital, 75013 Paris, France

I N F O A R T I C L E

Mots cles :

Histoire de la psychiatrie

Pluridisciplinarite

Societe medicopsychologique

Keywords:

History of psychiatry

Multidisciplinary

Societe Medico-Psychologique

R E S U M E

Les auteurs soulignent l’eclectisme et la pluridisciplinarite de la Societe Medico-Psychologique a travers

sa publication, Les Annales Medico-Psychologiques tout au long de son histoire depuis 1843. Ses

implications dans de nombreuses questions d’actualite comme les nouvelles lois ou des aspects

scientifiques ou de societe doivent etre poursuivies dans le futur comme cela a ete illustre par de recents

debats.

� 2012 Publie par Elsevier Masson SAS.

A B S T R A C T

The authors underline the eclecticism and multidisciplinary of the Societe Medico-Psychologique

through its publications, Les Annales Medico-Psychologiques, all along history of psychiatry since 1843.

The implications in diverse questions in actuality like new laws on scientific or societal matters all over

time must be continued in the future as illustrated by the recent debates on the recent law in compulsive

cares.

� 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Allocution de fin de presidence, par le Professeur BernardLafont

Mesdames, Messieurs, chers amis,Il y a un an, vous m’avez confie les cles de la Societe Medico-

Psychologique. Je vous en remercie. Ce fut un honneur de lesdetenir comme president, et aussi un veritable plaisir de participera ses travaux du quatrieme lundi de chaque mois ainsi qu’a ceux dubureau et du conseil d’administration.

J’exprime ma reconnaissance a tous ceux qui m’ont apporte leursoutien et leur amitie pendant cette annee. Le professeur Allilaire,qui sera effectivement, dans un moment, notre nouveau president,la tres courageuse Docteur Christine Mirabel-Sarron, dont je salueici la competence, et qui je l’espere, restera encore longtempsdisponible pour notre Societe, tous les membres du bureau, quim’ont accueilli tres chaleureusement, et, bien sur, l’infatigableJacqueline Parant qui est l’ame de cette Societe. Merci aussi a tous

* Auteur correspondant.

Adresses e-mail : [email protected] (B. Lafont), [email protected]

(J.-F. Allilaire).

0003-4487/$ – see front matter � 2012 Publie par Elsevier Masson SAS.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.06.011

ceux qui se sont succede a cette tribune pour y presenter leurscommunications. Je salue leur travail avec un respect egal, quecelui-ci ait ou non rencontre ma sensibilite ou mes orientationspersonnelles. Faites de meme, car c’est ainsi, j’y reviendrai, quenous nous inscrivons dans l’esprit de l’œuvre de nos grandsdevanciers.

Je souhaite la bienvenue a notre nouvelle vice-presidente,Evelyne Pewzner-Apeloig que je suis particulierement heureuxde retrouver a cette place apres l’avoir connue et appreciee, il y abien des annees, comme collaboratrice du Professeur Faure, alorsque je faisais mes premieres armes dans l’enseignement.Bienvenue egalement a notre nouveau secretaire general quenous avons tous pu apprecier au cours de cette annee dans lafonction nouvelle et difficile de tresorier adjoint. Bonne chance etbon courage a tous. Vous apporterez, j’en suis certain, outre votrecompetence, ce qu’il faut de convivialite et d’amicale solidaritepour conserver a notre societe ce qui lui a permis de se perpetuerdepuis sa creation.

Aujourd’hui, je vous rends ses cles, ou plus exactement, je lesconfie a la nouvelle equipe, en ce debut d’annee 2012 qui sera donccelle du cent cinquantenaire de la Societe Medico-Psychologique.

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Il peut exister un debat sur la date de naissance de la SocieteMedico-Psychologique. En effet, si son existence a ete annonceepar le fondateur de la revue des Annales Medico-Psychologiques,Jules Baillarger, des 1847, elle n’a effectivement vu le jour qu’en1852.

En preambule du nouveau reglement qui se substituait a celuide 1847, lequel n’avait jamais ete mis en œuvre, on peut lire ceci :« Les sciences ont essentiellement besoin de repos et de stabilite ;l’agitation et des bouleversements sont leurs plus cruels ennemis. »C’est la revolution de 1848 qui avait en effet empeche laconcretisation de la fondation de la Societe, mais, dans son projet,rien ne faisait apparaıtre, en revanche, que l’on ait souhaite pourelle un deroulement d’existence dans une torpeur paisible.

Redigee sous la plume du Docteur Laurent Cerise, l’introductiondu premier fascicule des Annales Medico-Psychologiques de1843 nous en convainc. On y comprend parfaitement que si lafondation de la revue precede celle de la Societe, c’est le binomequ’elles constitueront qui confere son identite a l’ensemble. Lalecture de cette introduction frappe encore par son etonnanteactualite. Et si j’ai donc choisi de rapporter mon proposd’aujourd’hui a ce texte fondateur, ainsi qu’a quelques autres, cen’est pas pour m’abriter derriere les hautes statures de Baillarger,Cerise et Longet, mais pour me livrer a l’un de mes exercicesfavoris, et, je le pense, utile pour les institutions. Il consiste arechercher l’idee de modernite qui a preside a l’acte de leurfondation, pour la confronter a l’actualite du moment. Pour cela, ilfaut respecter un principe simple dans son enonce, mais qui ne l’estpas tant que cela dans sa mise en œuvre : ne pas croire naıvementque les choses du passe sont necessairement desuetes ni, d’ailleurs,que tout changement est un progres.

Evidemment, l’interpretation de ce que je viens de dire peuts’averer ambigue. On peut y entendre comme une incitation al’immobilisme ou au conservatisme. C’est bien evidemment ducontraire qu’il s’agit. Ce serait faire injure au genie de nosdevanciers que de considerer l’œuvre qu’ils ont accomplie en leurtemps comme nous regardons leurs portraits en pied, avecredingote, lorgnons, moustache et haut-de-forme. Leur œuvren’a d’interet pour nous aujourd’hui que si leurs idees et leur visionsont encore capables d’eclairer notre action comme des referencespertinentes. Reduites a un devoir de memoire, elles en ont, a monsens, beaucoup moins.

Revenons donc a Baillarger et a ses collaborateurs. Replacons leslignes directrices tracees lors de la fondation des Annales puis de laSociete Medico-Psychologique au sein de notre environnementactuel. Nous verrons que si lui a change, la valeur des principesqu’ils ont enonces reste entiere.

1.1. Eloge de la pluridisciplinarite qui nourrit le debat. . .

C’est ainsi que nous appelons aujourd’hui ce qu’ils designentpar ceci : « Nous reconnaissons d’ailleurs que la diversite desdoctrines, en variant les aspects d’un probleme et en multipliantles points de vue de l’observation, sert a faire resurgir des veritespartielles qui eussent echappe aux disciples d’une meme ecole. »L’objectif vise n’est pas tant l’expose que le debat. Mais le debatn’est pas une lutte fratricide : « Le sentiment qui doit nous animerles uns et les autres, c’est celui d’une bienveillante fraternite. Ladiversite des points de depart ne doit pas faire oublier l’identite dubut. » Belle formule, a graver en lettres d’or. Le debat est le meilleurmoyen de s’opposer a l’insuffisance, voire, est-il dit, a la nocivitedes visions ideologiques dans cette matiere. Nous n’avons pas aretrancher un mot a cela. On ne peut que constater, au passage,l’extraordinaire perennite des enjeux qui concernent les dis-ciplines relatives a la psychiatrie.

Et c’est pourquoi le reglement de 1852 elargira l’idee primordialede Baillarger en accueillant dans la Societe Medico-Psychologique

des membres d’origines diverses et non medicales. Nous souhaitonsreactualiser ce point a l’occasion de la revision des statuts qui esten cours.

1.2. . . . et de la discussion qui l’approfondit

En parcourant les textes publies dans les Annales Medico-

Psychologiques, en particulier la communication sur l’histoire destravaux de la Societe, par son secretaire general, Antoine Ritti, al’occasion du cinquantenaire de la Societe en 1902, on comprendl’importance considerable donnee a la discussion et a l’echange despoints de vue dans le fonctionnement et les activites de la Societe.C’est l’approfondissement, corollaire indispensable du debat. Il n’yeut pas moins de dix seances consacrees a l’hallucination, quatreconsacrees a la monomanie. La discussion sur la demence occupa13 seances. Ces debats n’apparaissent donc pas comme accessoiresmais, bien au contraire, comme fondamentaux pour la recherched’un aspect de la verite scientifique.

Il me semble que nous avons peut-etre un peu perdu le sens dudebat. Les interventions qui suivent nos communications sontcertes pertinentes et argumentees, savantes parfois, mais ellesconstituent probablement plus souvent des commentaires que les« belles joutes de paroles » que Ritti evoque dans son interventionde 1902. Il est vrai que le debat ne va pas sans ce qui, des lesorigines, fut exige comme un facteur important du devoilement dela connaissance, c’est-a-dire le regard critique. Nos anciensinsistaient beaucoup sur la forme que devaient revetir lesdiscussions. Ce n’est pas tant leur nature meme que la facon dontelles devaient etre conduites qui en faisait le prix. Et ceci n’est pasun detail, car ce que l’on entrevoit a travers les temoignagesemouvants de ces hommes honnetes et engages, c’est le primataccorde a une veritable ethique de l’echange. Il est parfaitementclair que la Societe n’est pas d’abord, en ce temps-la, considereecomme une tribune, mais comme un forum, ou le communicant nefournit que l’opportunite aux autres d’engager un debat danslequel chaque point de vue concourt a faire avancer la questiontraitee.

Je pense que nous devons mener une reflexion sur ce sujet.Notre auditoire est malheureusement parfois clairseme. Il y a peut-etre des formules a trouver, ou retrouver, pour inciter nosmembres, et au-dela de ceux-ci, un plus large public, a se deplacernon pas tant pour assister aux seances, mais plutot pour participeraux echanges qui s’y deroulent.

Les solutions retenues a l’epoque pour s’assurer de l’assiduite etde la participation des membres etaient simples : la presence etaitobligatoire et des jetons de presence etaient distribues. Leur totalrepresentait une somme qui venait ensuite en deduction de lacotisation.

Je ne les preconiserai pas aujourd’hui, d’autant moins que je nepense pas qu’elles furent au premier plan des motivations dessocietaires. J’examinerai, en revanche, un point qui me paraıtinfiniment plus determinant en la matiere.

1.3. De la prise de parole a la prise de position

Une importante partie de l’activite de la Societe a toujours eteconsacree aux communications scientifiques proprement dites. Onveillait, la aussi, a l’observance de la plus grande objectivite et auchoix eclectique des themes. Au besoin, on les replacait dans lecadre general, humaniste et pragmatique, que la Societe s’etaitassigne comme schema directeur pour ses travaux.

A une epoque ou les donnees objectives de la sciencen’encombraient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, le domainede la psychiatrie, il est tres interessant, et pas seulement amusant,de constater que, deja, on percoit dans l’irruption de certainesapproches scientifiques plus qu’un appoint a la connaissance, mais

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la revelation d’une vision des troubles psychiques que la methodeelle-meme oriente, d’une facon, craint-on, possiblement dogma-tique. La meme reserve est d’ailleurs appliquee sans trop demenagements aux tenants de la vision psychologique. Il estparticulierement interessant que cette dialectique se soit deve-loppee bien avant l’avenement de la psychanalyse et, plus encore,de l’approche scientifique du fait psychique telle que nous laconnaissons aujourd’hui. Cela signifie que ce questionnement n’estpas conjoncturel mais qu’il est constitutif de toute etude sur lapathologie mentale. Voici un exemple de commentaire sur cesujet qui laisse supposer le niveau de vigueur des echanges : « Lejoug des localisations ‘‘cerebrales’’ ne doit pas s’appesantir sur ‘‘Lesphenomenes de la vie de relation’’ a ce point que les actes les pluscompliques de la vie morale et intellectuelle soient assimiles auxoperations les plus simples de la vie organique [. . .]. »

Or, dans ce domaine, notre Societe maintient parfaitement laligne definie des son origine. Je pense meme que ses pionniers yverraient l’aboutissement de leurs vœux : une science devenuemoins imperialiste, dont les apports servent la relation humaine, sesituant elle-meme dans des cadres psychologiques devenus moinsdogmatiquement spiritualistes. On a pu constater au cours del’annee, et a plusieurs reprises, la qualite du dialogue qui pouvaits’instaurer entre nous autour de communications portant sur dessujets impliquant des technologies de pointe.

Il s’agit donc encore d’evoquer autre chose.Si nous regardons un peu plus attentivement les themes traites

a cette epoque, rayonnante pour la Societe, nous y trouvons, et engrand nombre, ce que j’appellerais des sujets d’actualite. Actualitescientifique certes, interactions avec d’autres disciplines medi-cales, mais aussi une tres large place accordee aux relations que lapathologie mentale entretient avec le corps social, notammentdans le domaine medicolegal.

Je crois souhaitable de faire revenir un peu d’actualite au seindes seances de la Societe Medico-Psychologique.

J’insiste un peu sur ce point que je considere comme primordial.Les prises de position sur les grands debats de notre temps quiconcernent la profession (par exemple, la recente loi surl’hospitalisation sous contrainte) emanent le plus souventd’organisations parfaitement respectables et legitimes, mais dontl’objet principal est la defense d’interets categoriels. On ne peutque regretter l’absence de reactions reposant sur un travaild’analyse plus construit, elabore d’une facon mieux debattue,souscrivant a cette « ethique de l’echange » a laquelle je faisaisallusion.

Par le passe, la Societe Medico-Psychologique a frequemmentpris position, en l’exprimant par le vote d’une motion. Et ce n’etaitpas sur des sujets minces. Parmi maints exemples, on trouve la loisur les alienes dangereux en 1868 ou encore la question de la folieconsideree comme motif de divorce. En janvier 1918, Voivenel asolennellement demande l’appui de la Societe Medico-Psycho-logique, qu’il a obtenu par un vote a l’unanimite, pour defendredevant la justice militaire les soldats qui avaient presente descomportements de peur en relation avec des troubles psychiquesaigus de guerre. On mesure, avec cet exemple, le haut niveau desenjeux des questions qui se traitaient alors a la Societe. La lecturede ces comptes rendus fait aussi apparaıtre autre chose : cetteassemblee, d’ailleurs souvent nommee par Antoine Ritti « notrecompagnie », se saisissait elle-meme de ces questions, sans autrecommission exterieure, au nom de la responsabilite qu’elleentendait exercer au sein de sa discipline, mais egalement, et celaest souvent rappele, dans l’interet de l’aliene, comme on disait al’epoque, c’est-a-dire du malade.

Je pense, tres sincerement, que notre Societe aurait interet arenouer avec cette tradition. Mais, il convient de le rappeler encoreune fois, la voix qui s’elevait alors ne se faisait pas entendre sousl’effet de l’impulsion, de l’ideologie, des a priori dogmatiques, mais

seulement apres un patient travail interne d’echange, approfondiet respectueux de la difference des points de vue.

Je pense que la seance organisee conjointement avec l’EcoleNationale de la Magistrature, a Bordeaux, cette annee, representeun bel exemple du role que pourrait parfaitement jouer a nouveaunotre Societe, et, j’ose le dire, sans concurrence. Elle peut sereplacer facilement a la croisee des chemins, dans ce lieu dont lescoordonnees ne changeront jamais, c’est-a-dire a l’intersection dela pathologie mentale, avec son riche appareil scientifique,psychologique, neurologique, et des lignes de force qui traversenttoutes les composantes du corps social.

Nous sommes au XXIe siecle. Les sources de savoir et les canaux

de communication n’ont plus rien de commun avec ce que nosgrands devanciers ont connu. Les difficultes ne viennent plus del’acces au savoir, a la connaissance ou a l’information, mais de lacapacite a les hierarchiser, a les ordonner, a les relativiser. Cela aete dit bien souvent, a propos du developpement foudroyant desmedias et notamment d’Internet, et c’est vrai.

Dans une psychiatrie qui est aujourd’hui parcellisee, la SocieteMedico-Psychologique demeure l’une des rares, sinon la seuleassemblee a l’echelle nationale composee de psychiatres (et doncprochainement de bien d’autres) qui soient reunis par la seulereconnaissance de leurs competences, independamment de leurmode d’exercice et de leur cadre professionnel. Ce qui se situe tresexactement dans le prolongement de ce que les fondateurs de laSociete et des Annales Medico-Psychologiques avaient souhaite. Lemonde a change et il nous faut donc evoluer. Mais cette evolutionpeut parfaitement se conduire dans le respect de l’esprit de cesfondateurs. Ils ont cree un outil dont le rayonnement a eteexceptionnel. Il a marque l’histoire de la psychiatrie parce qu’ilcorrespondait a un besoin que nos predecesseurs avaient identifieet percu : la mise en commun, l’echange, la recherche decomplexeede la verite scientifique, la formalisation de positions elaborees etsolidairement partagees par les representants eminents de ladiscipline. Encore une fois, tout a change, excepte cette necessite.Elle demeure de notre temps identique a ce qu’elle etait du leur.Plus pressante peut-etre dans une ere qui confond le present avecl’instantane.

Merci d’avoir prete attention a ces quelques reflexions, muriesau cours d’une annee bien vite passee en votre compagnie.

Il est temps pour moi de ceder la parole a notre nouveaupresident, le professeur Allilaire ; je vais le faire avec plaisir, en luiadressant tous mes vœux.

Quant a ma conclusion, je l’emprunterai au Docteur Brosius,medecin allemand qui, ne pouvant se rendre au cinquantenaire dela Societe, celebre lors de la seance du 26 mai 1902, adressa auprofesseur Motet, president, une lettre qui se terminait ainsi :

Vivat, floreat, crescat, Societas medico-psychologica franco-gallica !

2. Les perspectives pour l’avenir de la Societe Medico-Psychologique par le professeur Jean-Francois Allilaire,nouveau president

Mes remerciements vont a l’assemblee generale qui m’a eluvice-president en 2010 apres 15 ans de bons et loyaux servicescomme secretaire general. Je voudrais tout d’abord souhaiter labienvenue a Evelyne Pewzner, qui m’avait precede au pavillonQuentin la Pitie en 1970 : la boucle se boucle. Merci a BernardLafont pour son amitie, sa diplomatie, son sens de l’organisation etsa jeunesse d’esprit. J’ai une pensee egalement pour les secretairesgeneraux, Pierre Marchais juste avant, Christine Mirabel-Sarronjuste apres moi-meme et Marc Masson maintenant, et, bienentendu, pour Jacqueline Parant, notre secretaire administrative etsecretaire de redaction depuis environ 35 ans, veritable colonnevertebrale de la Societe, avec qui je suis heureux de travailler

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depuis pres de 15 ans maintenant et dont la disponibilite aupres dechacun permet a la Societe Medico-Psychologique d’etre uneveritable famille. C’est sur eux que repose la perennite de notreSociete Medico-Psychologique.

Une pensee egalement a ceux qui m’ont pousse a m’engageractivement dans la Societe Medico-Psychologique : DanielWidlocher, Andre des Lauriers, Cyril Koupernik ; a mes maıtresen psychiatrie : Henri Ey, Pierre Pichot, Pierre Deniker, ThereseLemperiere, Didier Duche, Daniel Widlocher, mais aussi GeorgesDeshaies, Jacques Lacan, car je dois beaucoup a tous pour madouble formation Hopitaux psychiatriques de la Seine et CHU,en psychiatrie d’adultes comme en psychiatrie d’enfants etadolescents.

Avant d’evoquer des perspectives d’avenir, je voudrais d’abordparler brievement des lecons du passe, puis donner des eclairagesimportants sur le present, et enfin, livrer mes reflexions sur lesforces, les faiblesses, les opportunites sur lesquelles je crois que laSociete Medico-Psychologique peut s’appuyer pour guider sonavenir et ne pas se le laisser dicter. En relisant Rene Charpentierlors du centenaire de la Societe Medico-Psychologique, je trouveces deux perles :

� a

ceux qui pourraient trouver notre Societe un peu vieillotte, laremarque a Marie-Antoinette, ferue de mode, faite par samodiste : « Madame, dit-elle, ce qui est nouveau, c’est ce qui aete oublie » ; � e t puis la phrase de Renan (reference intellectuelle et morale) :

« Les vrais hommes de progres sont ceux qui ont pour point dedepart un respect profond pour le passe. Tout ce que nousfaisons, tout ce que nous sommes, est l’aboutissement d’untravail seculaire. »

2.1. Les lecons du passe

Je veux rappeler, comme Henri Ey et Georges Lanteri-Lauranous l’ont enseigne :

� l’

antepsychiatrie, abord emotionnel du pathologique avec descroyances pour cerner le non-visible, le monde spirituel,jusqu’aux phenomenes de possession. Ces aspects restent encorela cle de comprehension de bien des croyances culturelles qui ontsurvecu, ou qui preoccupent nos malades ; � l’ assistance archaıque d’origine religieuse, qu’elle soit chretienne

ou musulmane, et qui reste un modele de bienveillance et derejet de la stigmatisation ;

� le siecle des Lumieres avec Philippe Pinel. C’est l’ere du citoyen

prive de sa raison, beneficiant de la science et de la bienfaisance ;

� le s alienistes qui ont fonde notre societe savante et jete les bases

de l’etude des maladies et des troubles mentaux ;

� la periode de la psychopathologie avec Theodule Ribot, Pierre

Janet, Georges Dumas, qui part du modele pathologique pourcomprendre les mecanismes du normal ;

� l’ eclatement des paradigmes au tournant du XX

e siecle avec lapsychanalyse, la phenomenologie, le comportementalisme, lapsychiatrie biologique ;

� l’ eclatement de la neuropsychiatrie en 1968 et surtout le

developpement des neurosciences et des sciences cognitivesdepuis maintenant 30 ans ;

� p recedes par la revolution therapeutique de 1952 (Laborit, puis

Hamon, Paraire et Velluz, puis Delay et Deniker avec le LargactilRP) ;

� e t depuis les annees 2000, la revolution de la demarche qualite,

c’est-a-dire le retour a l’amelioration des pratiques psychiatri-ques concretes, jugees a leurs resultats et a leur respect descontraintes sociales, culturelles et ethiques, en se referant a destermes comme « bientraitance » et lutte contre la maltraitance.

Ces lecons du passe ont fait la vie de la Societe Medico-Psychologique et se retrouvent dans les Annales Medico-Psycholo-

giques. Peu de lieux et peu de supports peuvent se targuer d’etre detels temoins.

2.2. La situation actuelle

Voyons maintenant, a la lumiere de cet eclairage du passe,quelle est la situation actuelle de notre psychiatrie et de la SocieteMedico-Psychologique et ses Annales Medico-Psychologiques ausein de cette nebuleuse.

Tout d’abord, la psychiatrie est heureusement restee a ce jour,contre vents et marees, une branche de la medecine.

� a

cote de la medecine, de la chirurgie et de l’obstetrique (MCO) ; � a vec son modele bio-psychosocial ; � a ttachee a sa finalite therapeutique et ethique ; � g race aux apports des sciences humaines et des sciences du

vivant ;

� a nimee par la necessite de combiner valeurs scientifiques/

valeurs humanistes.

Depuis longtemps, les psychiatres sont conscients de l’impor-tance de l’environnement et de l’influence du milieu et les ontintegrees dans leurs modeles. C’est vrai pour les aspects sociaux etpsychologiques, mais c’est vrai aussi au niveau des interactionsgene/environnement.

Depuis le XXe siecle, l’apparition de nouvelles possibilites

therapeutiques a permis de sortir de ce qui etait le role devoluaux alienistes devenus psychiatres, a savoir proteger la societecontre les alienes, enfermer les malades dangereux et garantir leurinnocuite pour la societe. Cette question est a nouveau a l’ordre dujour, comme on le verra.

Apres la Seconde Guerre mondiale, les psychiatres ont remis enquestion la theorie des soins par l’isolement et ont mis en valeurl’importance des soins ambulatoires, la sectorisation, le devel-oppement d’une pedopsychiatrie et d’une psychiatrie liberales.

La encore, la revolution therapeutique, dont on n’a pas encorefini de mesurer l’impact et la portee, a permis un soin sur mesure etun developpement des psychotherapies.

Elle a aussi relance le dialogue psychiatrie/societe autour desaddictions mais avec toutes ces peurs collectives sur la dangerositeet le respect de la liberte.

Enfin, le tournant du siecle semble marque par l’acutisation etla cristallisation des differentes formes de la souffranceindividuelle et collective, avec la difficulte des reponses aapporter dans nos societes obnubilees par le « principe deprecaution », conduisant parfois a des derives ideologiquesau sein meme de la gouvernance sanitaire (derives de toutenature : genetique, sociogenique, et meme parfois a nouveauantipsychiatriques !).

Quelques points encore pour mieux decrire la situation de lapsychiatrie.

La societe actuelle se caracterise par le dynamisme associatif,celui des familles, des patients (usagers). La loi du 4 mars 2002 aremodele le canevas juridique de la relation medecin/malade etlance en France le mouvement des usagers. Le malade mentaln’est plus un « objet de soin » mais un « sujet de droit » (Pinel enavait fait des citoyens, donnant de l’avance a la psychiatrie sur lasociete).

Elle developpe une dynamique pour « fabriquer du lien social ».L’evolution du corps social a genere de tres nombreuses structuresassociatives qui sont des intermediaires entre corps social etpsychiatrie, permettant reinsertion, rehabilitation et destigmati-sation.

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3. Allocution de debut de presidence, par le Professeur Jean-Francois Allilaire

Les nouveaux partenariats entre travailleurs en sante mentale/travailleurs sociaux/soignants/patients/ex-patients marquent notreepoque par plusieurs traits :

� l

’offre de soins s’est elargie : psychiatrie communautaire,approche globale du patient, decloisonnement : coordinationdes acteurs du sanitaire et du medicosocial ; � l ’interet est croissant pour la sante mentale avec l’apparition

dans nos societes d’une sorte de revendication au « droit aubonheur » ;

� l es nouvelles contraintes economiques nees en raison de la crise

financiere puis economique montrent la necessite de mieuxcibler l’offre ;

� l e risque de dilution des problemes psychopathologiques dans

les problemes sociaux expose nos societes au retour d’unenouvelle antipsychiatrie ;

� l a necessite de proteger la confidentialite renforce la necessite

d’un ancrage dans la base hippocratique de notre exercice.

3.1. Les droits des malades (depuis 1999 et surtout 2004)

La loi du 9 juin 1999 garantit le droit d’acces aux soins. La loi du4 mars, quant a elle, garantit le droit aux soins, au libre choix, al’information, a la liberte (loi du 20 juin 1938/loi du 27 juin 1990),droit de ne pas souffrir, droit a la securite et a la qualite des soins,droit a un choix de vie different et a la difference. Risque dejudiciarisation.

3.2. L’inflation des nouvelles demandes : quelles reponses de la

psychiatrie pour les nouvelles demandes emanant de la societe ?

L’accroissement de 3 a 5 % par an de l’ensemble des demandes :urgences, exclus, victimes, detenus, personnes agees et autresgroupes sociaux, accroissement en contexte de crise et d’urgence :

� p

erte de la prise en compte de la duree et culte de la rapidite ; � e volutions de l’image du psychiatre – ambivalence du public –

tout-puissant mais irresponsable, qui laisse en liberte les sujetsdangereux. . .

On releve la persistance de deux images :

� p

ositive : le psychiatre veut soulager le mal-etre ; � n egative : le psychiatre interne, drogue, transforme en zombie.

Il faut discuter de la place de l’individu dans nos societes post-modernes en crise.

En conclusion, la societe demande : judiciarisation, ethique,transparence, lutte contre la maltraitance. La competence dupsychiatre, c’est le developpement professionnel continu (DPC)depuis le 30 decembre 2011.

Et parallelement, la science et les connaissances evoluent tresvite, et un nouvel enjeu est apparu dans le champ de la psychiatrie,venant des patients et de la societe qui exigent des resultats ; c’estl’enjeu en medecine d’une nouvelle culture de l’evaluation et dudeveloppement de la qualite des soins en psychiatrie.

Encore quelques mots de l’histoire de notre discipline poureclairer les enjeux actuels de la demarche qualite des soins :

� d

epuis la conception pinelienne associant science et bienfaisance ;� evolution drastique des protocoles de soins depuis le centre

hospitalier specialise (CHS), la sectorisation, la pharmacothe-rapie,

� l’offre de soins est restee tres psychiatre-dependante jusqu’aaujourd’hui,� l’obligation de moyens a change la donne,� d’ou la prise de conscience de l’emergence de ce nouveau

paradigme de l’evaluation ;

� ju squ’ici, l’idee allait de soi. Maintenant, les tiers-payants

reclament des comptes : quel resultat pour le malade ?(prevention de la judiciarisation de la psychiatrie).

Comment progresser ?

� la

demarche par une formation participative ; � l’ evaluation ne doit pas etre une sanction ; � il faut passer du normatif (fonde sur l’evidence based medicine

[EBM]) au formatif (apprentissage des pratiques profession-nelles), c’est-a-dire mieux prendre en compte certaines erreursou les problemes recurrents, en particulier en institution ;

� le s outils (ceux de la Haute Autorite de la sante [HAS] surtout

developpes a l’hopital) : indicateurs suivis, aide-memoire,revues de pertinence, RMM, staff EPP [evaluation des pratiquesprofessionnelles], groupe de pairs avec etude de cas, revuede concertations pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle(RCP).

Comment les promouvoir ?

� v

aloriser l’existant et le savoir lie a l’experience ; � d evelopper des methodes integrees a l’exercice professionnel ; � d evelopper les demarches de cooperations (medecin generaliste/

psychiatre) ;

� d evelopper pour le patient les mesures d’impact et les benefices

therapeutiques des nouvelles therapies (efficacite/efficience) ;

� a mplifier la participation personnelle aux debats pluriprofes-

sionnels et pluridisciplinaires.

3.3. La demarche qualite

La demarche qualite vise a developper le meilleur soin possiblesur le plan humain et technique, au meilleur cout et pour lemeilleur resultat therapeutique, dans un environnement sanitaire,scientifique, culturel et socioeconomique donne.

Il apparaıt de plus en plus que, dans notre contexte sanitairefrancais et europeen, on s’achemine a grands pas vers unmanagement participatif pluriprofessionnel et pluridisciplinairede l’exercice medical, associe a une evaluation formative despraticiens.

Depuis la methode des EPP, de nombreuses innovationsmethodologiques sont en cours d’elaboration entre les profes-sionnels et la HAS, pour la mise en place du DPC maintenant al’ordre du jour. En effet, le DPC a ete inscrit dans l’article 59 de la loiHPST portant reforme de l’hopital et relative aux patients, a la santeet aux territoires.

Il apparaıt que la perennisation et la transmission des acquisseront de plus en plus dans la dependance de l’environnementprofessionnel pluridisciplinaire et pluriprofessionnel des psychia-tres, de meme que leurs competences individuelles nourries etenrichies par leur frequentation des societes savantes, la lecturedes revues telles les Annales Medico-Psychologiques et la formationinformelle offerte et apportee par Internet, veritable revolution denotre temps.

Depuis le 30 novembre 2011, la sortie des decrets sur le DPCchange maintenant la donne.

Tel est donc le bilan du present et les lignes de forces au seindesquelles notre Societe Medico-Psychologique se trouve placee ala croisee des chemins.

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La Formation medicale continue (FMC), qui etait depuis undemi-siecle le fond de la Societe Medico-Psychologique, s’estconstituee dans les annees 1970 pour tenter de mieux repondre ala necessite d’actualisation des connaissances des praticiens, alorsque de nouvelles donnees de la recherche clinique se multipliaientet exigeaient des adaptations considerables, parfois medicales, dela plupart des demarches diagnostiques et therapeutiques, sansparler de la crise des modeles.

Cette FMC s’est donc developpee autour des associationsde medecins et des congres, et a un moindre degre dessocietes savantes. Elle a genere par ailleurs une pressemedicale et scientifique quotidienne et periodique, generalisteet specialisee, souvent fortement soutenue par l’industriepharmaceutique. Notons que cela n’a jamais ete le cas desAnnales Medico-Psychologiques qui sont toujours restees inde-pendantes.

Depuis les annees 1990, la FMC s’est trouve renforcee par unedemande d’amelioration de la qualite des pratiques de la part desgestionnaires, autorites sanitaires et financeurs de la sante, visantavant tout a reduire l’incroyable variabilite des pratiques enpsychiatrie.

Les recommandations de Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) ontpendant un temps permis de faire evoluer cette variabiliteexcessive des pratiques dans tous les pays developpes et enFrance (ou l’on garde toutefois des particularites – la celebreexception francaise). Cependant, un constat d’echec a du etre faitconcernant la FMC, dans la mesure ou, malgre leur caracterenormatif (c’est-a-dire opposable), ces BPC ne permettaient pas desusciter des modifications tangibles et en particulier pour lespouvoirs publics et les caisses, qui sont mesurables en termeseconomiques, dans le comportement clinique et professionnel desmedecins.

C’est autant de raisons pour lesquelles le legislateur a fini pardecider de tenir compte des limites de la strategie de la FMC jugeeincapable de modifier le comportement des medecins et deprendre en compte dans la loi le fait que la perennisation desacquis d’une formation depend au moins autant des competencesindividuelles des praticiens que de l’environnement dans lequel ilsexercent.

Et c’est pourquoi de nouvelles formes de reorganisation de lapratique clinique sont appelees a se developper sous l’appellationacronymique ingrate de DPC, sous la forme prioritaire d’un travailde formation plus constructif en commun incitant les praticiens ase former et a s’organiser en equipe, autrement dit remplacer letraditionnel exercice isole du psychiatre et du clinicien par unepriorite accordee au travail en equipe eventuellement pluri-professionnelle (c’est-a-dire incluant le medecin generaliste, lepsychologue, le travailleur social).

Il s’agit donc de remplacer la formation continue, telle que laSociete Medico-Psychologique l’apporte a ces membres, dans unprojet d’exercice professionnel visant a l’amelioration du servicerendu au patient.

3.4. Quels sont les atouts et les faiblesses de la Societe Medico-

Psychologique pour l’avenir ?

3.4.1. Les atouts

Ce sont :

� s

on passe, son patrimoine intellectuel ; � la participation des familles d’exercice et des apparentes : Public,

Prive, Militaire, Universitaire, Mixte, Pedopsychiatrie et Psychia-trie d’Adultes (qui peuvent y dialoguer) ; et aussi lespsychologues cliniciens, les psychotherapeutes habitues delongue date a discuter, dialoguer, echanger, et garder la tracede ces debats ;

� s

on champ generaliste fonde sur la clinique et la rechercheactuelle d’un modele eclectique (contrairement a l’epoque desanathemes).

3.4.2. Les faiblesses

Ce sont :

� la

multiplication des societes savantes qui a vide la SocieteMedico-Psychologique des praticiens depuis 20 ans ; � l’ eclatement de la psychiatrie en chapelles, groupuscules qui

n’ont pas fait encore le choix de se regrouper/rassembler pouraffronter les enjeux de l’avenir en debattant entre eux (malgredes tentatives telles que la Federation francaise de psychiatrie[FFP] et plus recemment le College National pour la Qualite desSoins en Psychiatrie [CNQSP]) ;

� l’ isolement actuel des praticiens surcharges d’activite, confrontes

aux demandes croissantes des patients, aux contraintes profes-sionnelles grandissantes et au developpement exponentiel dessavoirs ;

� l’ absence reelle de FMC independante depuis 30 ans, ce qui est en

voie d’etre reforme par les decrets du DPC.

Le DPC est l’opportunite que nous attendons depuis dix ans. Ilconstitue un cadre malheureusement contraignant, il remplaceune partie du chapitre III du code de la sante publique.

Il comporte (Article R 41.33.1) :

� l’

analyse par les medecins de leurs pratiques professionnelles ; � l’ acquisition ou l’approfondissement de leurs connaissances et de

leurs competences.

Il constitue « une obligation individuelle qui s’inscrit dans unedemarche permanente » :

� a

rticle R 41.33.2 : le medecin satisfait a son obligation annuellede DPC des lors qu’il participe au cours de l’annee civile a unprogramme de DPC collectif annuel ou pluriannuel.

Ce programme doit :

� e

tre conforme a une orientation nationale ou a une orientationregionale, arretee au vu d’une proposition de la Commissionscientifique independante (CSI) des medecins ou prenant encompte les orientations fixees par les conventions conclues avecles organismes d’assurance maladie ; � c omporter une des methodes et des modalites validees par la

HAS apres avis de la CSI. Les methodes precisent les conditionsqui permettent d’approuver la participation effective ;

� e tre mis en œuvre par un organisme enregistre.

Les quelques passages du decret nous montrent que noussommes veritablement arrives en 2012 a la croisee des chemins dela vie et de l’existence meme des societes savantes telles que notreSociete Medico-Psychologique.

3.5. Plusieurs scenarios sont possibles

Les scenarios sont :

� s

oit nous decidons d’ignorer purement et simplement cettenouvelle donne et de poursuivre notre activite comme par lepasse, considerant que la dimension pratico-pratique releved’autres structures que la notre ou chacun pourra s’adresser a unformateur, en fonction de son lieu d’exercice par exemple ; jecrains que ce soit l’arret de mort de la Societe Medico-
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Psychologique par apoptose, car les jeunes psychiatres ne nousrejoindront pas ;

� s oit nous nous plions strictement a la logique de la formation

medicale qui nous met dans la meme situation que le MCO, doncla neurologie nous amene a sacrifier petit a petit les specificitesde la psychiatrie, a nous rapprocher puis nous confondre avec lesautres pratiques medicales, au mepris des apports necessairesdes sciences humaines ; ce serait un suicide, non pas une mortprogrammee mais une mort volontaire ;

� o u alors nous decidons de participer a notre maniere au

mouvement general de redefinition et d’amelioration desparticularites du metier de psychiatre (et autres praticiens etmedecins cliniciens) et de reposer de facon pragmatiquel’originalite et l’autonomie de notre discipline a cote du MCOet non pas comme simple specialite medicale, dans sesmethodes, sa temporalite longue et sa position carrefourmedicopsychologique et medicosociale. Alors l’arrivee du DPCest une veritable opportunite et si la Societe Medico-Psycho-logique, dont on a vu qu’elle est porteuse de tous les ingredientsd’une formation continue de haute qualite, decide de s’adapteraux formats exiges par le DPC, alors de nouvelles perspectivess’ouvrent.

Je rappelle ces formats :

� s

oit (article R 41.33.2) devenir organisme agree (enregistre)dans la liste des organismes agrees de la HAS sur avis de laCSI des medecins et avec le concours des conseils nationaux

professionnels de specialite d’exercice qui regroupent lessocietes et les organismes professionnels ; pour cela, la SocieteMedico-Psychologique devra elaborer un dossier montrant queson programme de formations est adapte au cahier des chargesdu DPC :� se mettre en conformite avec les orientations nationales et

regionales decidees par les Organisme Gestionnaire duDeveloppement Professionnel Continu (OGDPC),� comporter des methodes et modalites validees par la HAS apres

avis de la CSI, permettant d’apprecier la participation effectivede chacun a un programme de DCP ;

� s

oit (article R 41.33.5) se faire accrediter par un organismede DCP dument enregistre aupres de l’OGDCP dans lesconditions prevues par l’article 4021-13 (c’est le cas de la FFPet du CNQSP), ce qui suppose de reflechir avec eux auxadaptations necessaires.

3.6. Conclusion

Les choix sont un enjeu majeur de la presidence que j’ail’honneur d’assumer en 2012 apres avoir servi presque 15 anscomme secretaire general.

Je pense que nous les realiserons ensemble avec l’aide de tous,des anciens comme des plus jeunes et si l’on y parvient, nousaurons reussi a apporter a la Societe Medico-Psychologique ce sangneuf qui redonnera de l’avenir a ce qui est la ligne eclectiqueimprimee a la Societe Medico-Psychologique par ses createurs, il ya plus de 150 ans.