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Allotransplantation de tissus composites (ATC). Préface Composite tissues allotransplantation (CTA). Preface « Soigner, cest expérimenter» Vésale « Rien nest aussi dangereux que la certitude davoir raison » François Jacob 2007Cest : 20 ans après la première pensée de Jean-Claude Guim- berteau de réaliser des allotransplants tendineux revas- cularisés en chirurgie de la main ; dix ans après le premier symposium international sur lATC à Louisville (Kentucky, États-Unis) à lissue duquel était dit et écrit : « It is time to just do it »; sept ans après la première allotransplantation bilatérale de main réalisée par Jean-Michel Dubernard et al. à Lyon (janvier 2000) ; deux ans après la première allotransplantation partielle de face réalisée à Amiens par Bernard Devauchelle, Benoît Lengelé (Bruxelles) et Sylvie Testelin les « trois scarabées dor » selon leur propre analyse com- portementale réciproque et mutuelle associés à Jean-Michel Dubernard ; deux ans également après la table ronde organisée par la cellule recherche de la SOF. CPRE (secrétaire : Jean- Claude Guimberteau) sur ce sujet en novembre 2005 ; lannée de la première allotransplantation subtotale de face réalisée à Créteil par Laurent Lantiéri et son équipeCest aussi : lannée dun symposium international sur lATC, peut- être le septième ; lannée du congrès du Groupe pour lavancement de la microchirurgie (GAM) qui sest tenu à Biarritz les 7 et 8 mai derniers, sous la présidence de Jacques Baudet, et où furent largement évoqués non seulement les problè- mes des deux ATC de face françaises mais aussi les lam- beaux chimériques qui représentent une autre alterna- tive microchirurgicale ; lannée de ma présidence de la Société française de chi- rurgie plastique reconstructrice et esthétique (SOF. CPRE). Est-ce le hasard ? Quand, en 2004, je fus pressenti pour cette « charge » présidentielle, honorifique et scientifique, je pensai aux deux rapports de la SOF. CPRE que javais coordonnés et écrits avec Dominique Martin : « Dix ans de lambeaux cutanés » en 1995 sous la présidence de Julien Glicenstein, et « La reconstruction osseuse » en 2000 sous la présidence de Jacques Baudet. Quels choix ou orientations de rapport restaient-ils à un chirurgien plasticien, plus reconstructeur questhéticien, adepte de la microchirurgie reconstructrice ? La reconstruction musculaire, statique (comblement) et dynamique (réanimation) ; les réparation et reconstruction nerveuses ; Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 387392 Texte pensé depuis décembre 2004, écrit à Rocamadour le 2 juin 2007 et à Hébécourt les 7 et 9 juin 2007. 0294-1260/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.anplas.2007.07.001 available at www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla

Allotransplantation de tissus composites (ATC). Préface

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Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 387–392

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journa l homepage: www.e l sev ier.com/locate/annp la

Allotransplantation de tissus composites (ATC).Préface ☆

Composite tissues allotransplantation (CTA).Preface

« Soigner, c’est expérimenter… »Vésale

« Rien n’est aussi dangereux que la certitude d’avoirraison »

François Jacob

2007…

C’est :

● 20 ans après la première pensée de Jean-Claude Guim-berteau de réaliser des allotransplants tendineux revas-cularisés en chirurgie de la main ;

● dix ans après le premier symposium international surl’ATC à Louisville (Kentucky, États-Unis) à l’issue duquelétait dit et écrit : « It is time to just do it » ;

● sept ans après la première allotransplantation bilatéralede main réalisée par Jean-Michel Dubernard et al. à Lyon(janvier 2000) ;

● deux ans après la première allotransplantation partiellede face réalisée à Amiens par Bernard Devauchelle,Benoît Lengelé (Bruxelles) et Sylvie Testelin — les« trois scarabées d’or » selon leur propre analyse com-portementale réciproque et mutuelle — associés àJean-Michel Dubernard ;

● deux ans également après la table ronde organisée par lacellule recherche de la SOF. CPRE (secrétaire : Jean-Claude Guimberteau) sur ce sujet en novembre 2005 ;

☆ Texte pensé depuis décembre 2004, écrit à Rocamadour le 2 juin2007 et à Hébécourt les 7 et 9 juin 2007.

0294-1260/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.anplas.2007.07.001

● l’année de la première allotransplantation subtotale deface réalisée à Créteil par Laurent Lantiéri et sonéquipe…

C’est aussi :

● l’année d’un symposium international sur l’ATC, peut-être le septième ;

● l’année du congrès du Groupe pour l’avancement de lamicrochirurgie (GAM) qui s’est tenu à Biarritz les 7 et 8mai derniers, sous la présidence de Jacques Baudet, etoù furent largement évoqués non seulement les problè-mes des deux ATC de face françaises mais aussi les lam-beaux chimériques qui représentent une autre alterna-tive microchirurgicale ;

● l’année de ma présidence de la Société française de chi-rurgie plastique reconstructrice et esthétique (SOF.CPRE).

Est-ce le hasard ?Quand, en 2004, je fus pressenti pour cette « charge »

présidentielle, honorifique et scientifique, je pensai auxdeux rapports de la SOF. CPRE que j’avais coordonnés etécrits avec Dominique Martin : « Dix ans de lambeauxcutanés » en 1995 sous la présidence de Julien Glicenstein,et « La reconstruction osseuse » en 2000 sous la présidencede Jacques Baudet.

Quels choix ou orientations de rapport restaient-ils à unchirurgien plasticien, plus reconstructeur qu’esthéticien,adepte de la microchirurgie reconstructrice ?

● La reconstruction musculaire, statique (comblement) etdynamique (réanimation) ;

● les réparation et reconstruction nerveuses ;

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● les reconstructions composites « chimériques » etautres ;

● les reconstructions « classiques » versus microchirurgica-les ciblées à telle ou telle partie du corps, par exemple,et ce de haut en bas : la face, le cou, les seins, le mem-bre supérieur, le membre inférieur, les ceintures ;

● sites donneur et receveur en chirurgie plastique…

Il me semblait que tous ces sujets ressemblaient à du« découpage » vis-à-vis de l’être humain reconstruit, à unecertaine stratification horizontale ou verticale, trop à lamode dans l’administration.

J’avais, comme d’autres chirurgiens reconstructeurs, àl’esprit depuis les années 1990 que deux voies d’avenirs’ouvraient et s’ouvrent toujours actuellement à nous.

● La première fait appel aux cultures cellulaires (peau,graisse, aponévrose, muscle, cartilage, os, nerf…) et àl’ingénierie tissulaire visant à créer in vitro puis/ou invivo un homotransplant vascularisé à distance du sitereceveur et qui sera secondairement transplanté, c’est-à-dire transporté et revascularisé en lieu et place dufragment de tissu ou d’organe à reconstruire. Cettevoie, initialement prometteuse, est toujours limitéepar la « lenteur » et le coût des cultures cellulaires quenous ne maîtrisons pas en tant que chirurgiens ;

● la seconde correspond à l’allotransplantation de tissuscomposites (ATC) :○ une « légende » faisant référence à Saint-Côme et

Saint-Damien, qui seront plusieurs fois cités ou réfé-rencés dans ce rapport ;

○ un « vieux » rêve chirurgical depuis Tagliacozzi ;○ une réalité chirurgicale nationale depuis son initia-

tion par Jean-Claude Guimberteau jusqu’aux déve-loppements chirurgicomédiatiques « manuels » lyon-nais et « faciaux » amiénois et parisiens.

L’ATC pose trois ordres de problèmes :chirurgicaux, immunologiques et éthiques, quiseront tous abordés ici

Sur le plan chirurgical

Même si celui-ci nécessite une très bonne connaissance del’anatomie et une maîtrise microchirurgicale, cette dimen-sion est facile à résoudre pour des opérateurs entraînés,chirurgiens reconstructeurs dans l’âme et dans les faits.

Se pose, comme toujours en chirurgie, le problème del’indication : abstention thérapeutique et/ou chirurgicale,chirurgie et laquelle ? L’indication doit être raisonnable etraisonnée dans l’intérêt du patient en réfléchissant avec luisur le paradoxe bénéfice(s)–risque(s).

Ce rapport fait ainsi le point sur :

● l’anatomie chirurgicale revisitée de la main et de laface ;

● les techniques de prélèvements variés possibles auniveau de ces deux organes ;

● les résultats morphologiques (« l’apparence ») et fonc-tionnels (« la fonction ») des allogreffes uni- et bilatéra-les de main et de face ;

● les indications potentielles passées, présentes et àvenir ;

● les autres sites receveurs possibles, dont certains déjà« à l’affiche » dans d’autres pays : la langue, le larynx,la trachée, la paroi abdominale, l’utérus, le pénis…

● des voies de recherche (peut-être l’avenir de demain oud’après-demain), en particulier la cryoconservation oupréservation qui a peut-être de surcroît un rôle immuno-dépresseur.

Sur le plan immunologique

Se pose toujours actuellement le problème bénéfice–risquespour le(a) patient(e) vu les effets secondaires généraux desdifférents médicaments immunosuppressifs, détaillés ci-après par François Petit.

Si celui-ci se pose peu pour des organes vitaux (cœur,rein, poumon, cœur–poumon, foie), il se pose déjà pour lepancréas et encore plus pour la(es) main(s), la face etd’autres organes « accessoires » non vitaux pour la vie.

Trois voies d’avenir, déjà « en route », se profilent àl’horizon :

● la découverte de médicaments simplement immunodé-presseurs (« primum non nocere ») ;

● le chimérisme induit qui sera développé par Jean-MichelDubernard ;

● l’appariement génétique, le plus évident intellectuelle-ment parlant, mais le plus complexe et rigoureux en pra-tique.

Sur le plan éthique

Essence et/ou conséquence des comportements sociocultu-rels, donc philosophiques et religieux, nous pourrions écrireun volumineux prologue et plusieurs épilogues hypothéti-ques sur ce sujet.

Doit-on revenir à :

● Aristote qui, dans « Éthique à Nicomaque » [1], œuvrede sa maturité, définit l’architecture d’une sagesse à« hauteur d’homme » ? Dissociant la pensée platoni-cienne, il définit d’une part un bien pratique, accessibleà l’homme par ses actions et d’autre part, « l’Idée duBien » (confère Platon et sa dialectique) qui n’est pasune science exacte mais une simple morale dont l’ensei-gnement vise à rendre les hommes meilleurs en les édu-quant à rechercher ou fuir « les choses ». C’est unemorale humaine…Pour lui, « l’essence du bonheur est la suffisance à soi »,d’où liberté, responsabilité et créativité… ;

● Saint-Augustin [2]« … C’est en cela que reposent toutes nosespérances »… ;

● Voltaire [3] et Diderot [4]« … Il ne faut pourtant pas les brûler »… (confère lecontexte de l’époque) ;

● Descartes« Il n’y a point d’expériences qui ne se trouvassent uti-les à quelque chose, si on pouvait examiner toute lanature ».

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Figure 1 A, B : exemples d’orthèses de main. Historial de laGrande Guerre, Péronne.

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« Toute la philosophie est comme un arbre, dont lesracines sont la métaphysique, le tronc est la physiqueet les branches qui sortent de ce tronc sont toutes lesautres sciences ».Descartes, avant même que parût le Discours en 1637,écrivait à son ami le R.P. Mersenne : « Le bien faire nepeut s’entendre en termes de théologie, où il est parléde grâce, mais seulement de philosophie morale etnaturelle, où cette grâce n’est point considérée » [5].On revient à la pensée d’Aristote !

● Kant [6] qui introduit la « philosophie de l’histoire » etparle de « la religion dans les limites de la simpleraison ».

Plus près de nous, nous pouvons faire référence :

● à Eric Weil [7], philosophe systématique et ouvert, quinous oblige à repérer la logique du parcours, à la foislinéaire et circulaire, de la liberté.Peut-être que la philosophie, voulant tout comprendre,ne cherche-t-elle qu’à se comprendre elle-même ? Maiselle sait aussi avoir affaire aux diverses figures concrètesde la liberté dans son rapport à la raison.« La liberté humaine est-elle capable de concevoir et deréaliser un monde sensé ? »Il nous appartient d’y répondre. La philosophie serait-elle l’esprit de la contradiction, du Mal ?

● Au collectif dirigé par Claude Sahel : « La tolérance.Pour un humanisme hérétique » [8].Selon le dictionnaire Robert, la tolérance « admet chezautrui une manière de penser ou d’agir différente decelle qu’on adopte soi-même », elle « respecte la libertéd’autrui en matière de religion, d’opinions philosophi-ques, politiques ». Elle est donc Bien.Qui est en position de tolérer, sinon celui qui a le pouvoird’écraser, et ne le fait pourtant pas ?La tolérance n’est pas un aveu d’indifférentisme, c’estun « humanisme hérétique », l’on pourrait dire unemorale ou une éthique humaine laïque, accessible àtous, ne serait-ce que par l’enseignement, pour s’arra-cher aux dogmes des différentes orthodoxies et à lapesanteur de l’homogène ;

● aux philosophes et sages contemporains, tel Elie Wiesel[9].

En fait, l’éthique n’est peut-être que le résultat d’unepratique et l’élément d’une théorie, selon Didier Noël [10].

Pour lui, au XXIe siècle, la médecine sera rationnelle(éthique inévitable des techniques), individuelle, efficace,prédictive et préventive… Cela justifie l’indispensableenseignement de la bioéthique, « élément essentiel de res-ponsabilisation des médecins » selon Christian Hervé.

« Plus d’une fois nous nous demandons où elle s’estenfuie, notre vie morale, en quoi elle consiste, et simême elle consiste en quelque chose ! Or, c’est précisé-ment dans ces instants, où elle est sur le point des’échapper, où nous désespérons de l’attraper, qu’elleest le plus authentique : il faut alors saisir au vol l’occa-sion dans sa vive flagrance ! »

Vladimir Jankelevitch. Le Paradoxe de la morale.

… Laissons-là les « leçons d’Évangile » - et il y en ad’autres : Job, ch 7, v.1 ; Saint-Jean, ch 3, v.45 ; Saint-Luc, ch 7, v.1-17… -, la classique thèse/antithèse des scien-tifiques et des philosophes, les aphorismes ainsi quel’évidente « dérision » médiatique, et revenons à nos pro-pos chirurgicaux et humains.

Si l’on revient dans le passé, qu’ont pensé leurscontemporains :

● de la description du corps humain par Vésale dans« Humani corporis fabrica (1543) ?

● des dissections cadavériques et des premières rhino-poïèses de Tagliacozzi [11] ?

● de la première injection intraveineuse chez l’homme,conçue et réalisée par Johann Sigismun Elsholz(« Clysmatica nova », 1667) ?

● des « mutilés de guerre » et des « gueules cassées »,hérités des deux grandes guerres (1914–1918 et 1939–1945), auxquels on proposait soit des solutions prothéti-ques ou des orthèses fonctionnelles (Fig. 1), soit desautotransplants pédiculés en plusieurs temps opératoires ?

Qu’auraient-ils pensé si on les avait laissés « errer » àvisage découvert (Fig. 2) ?

À ces époques, n’existaient ni biologie moderne àl’origine de l’immunosuppression (« Serait-ce le parfum dusavoir défendu ? » [12]), ni éthique médicale, ni bioéthique.

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Figure 2 Exemple de « gueule cassée » en cours de recons-truction, dessiné par Otto Dix. Historial de la Grande Guerre,Péronne.

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La chirurgie, quant à elle, existait, et ce depuis au moinsles Égyptiens !

Quoi qu’il en soit, plus un domaine scientifique toucheaux affaires humaines, plus il risque de se trouver en conflitou en contradiction avec les traditions et les croyances.

L’égalité se veut d’exister, et pourtant les êtres humainsne sont pas identiques. Notre conscience en serait-elletroublée devant le « poids immense de nos iniquités et/ouinégalités » ?

« Fabriquer un poumon avec un morceau d’œsophage,cela ressemble beaucoup à faire une jupe avec un rideaude grand-mère ».

François Jacob [12] interprétant « L’origine desEspèces » de Charles Darwin.

De l’éthique à l’allotransplantation

Jean Bernard

● Médecin, ayant pratiqué les premiers essais de greffe demoelle avec Georges Mathé et de nombreux travaux surle HLA avec Eliane Glukman, HLA qui avait été découvertà l’hôpital Saint-Louis (centre Georges-Hayem) par JeanDausset ;

● écrivain médical et littéraire, « poète mineur » selon sapropre définition ;disait et écrivait : « Toute médecine est recherche ».

Replaçant toujours la médecine dans son contexte socialet culturel, il incarnait l’éthique médicale avant même dedevenir le premier président du comité national consultatifd’éthique.

Joseph Murray

Chirurgien plasticien américain, il fut en fait le pionnier despremières allotransplantations cardiaques et rénales, ce quilui valut le prix Nobel de médecine.

Jean-Michel Dubernard

Chirurgien urologue lyonnais, il fut le concepteur et le pion-nier des allotransplantations de main. Il reste passionné parl’évolution des traitements immunosuppresseurs, en parti-culier du chimérisme induit.

N’oublions pas l’intégration corticale de l’organe allo-transplanté. C’est encore un chirurgien reconstructeur,orthopédiste de formation, Giorgio Brunelli (Brescia, Italie),qui a prouvé la plasticité des « cartes fonctionnelles » ducortex cérébral et le passage des plaques motrices neuro-musculaires du mode cholinergique au mode glutaminergique(BANM, 2005, no 6, 189).

Rentrons à présentdans la « Cité Mystérieuse » des ATC

De quelle histoire « légendaire » a-t-elle été fécondée ?Nous la lisons sous la plume de Patrick Duhamel et al. etde Julien Glicenstein.

Qui furent-ils et qui sont-ils ces « amoureux dubistouri », aiguillonnés par tes charmes arides et qui jurè-rent ta conquête ? Jean-Claude Guimberteau, MichelSchoofs, Jean-Michel Dubernard et al., dont Aram Gazarian,Joseph Bakhach, Vincent Casoli et al. : pour les membres ;Bernard Devauchelle, Benoît Lengelé, Sylvie Testelin, Lau-rent Lantiéri, Jean-Paul Méningaud et leurs assistants : pourla face ; Charles Guédon : pour le larynx…

Épris d’une patience exemplaire vis-à-vis de « barrières »diverses et variées, ils parvinrent, année après année depuis1987, à faire sourdre de ta robustesse comme un ruisselle-ment de bonheur, un « village sacré » :

● bonheur du geste enfin réalisé pour les chirurgiens, bon-heur du renouveau, de la renaissance du corps pour lespatient(e)s allotransplanté(e)s ;

● village de « maisons de mains », de « tours faciales », de« fragments cervicaux », de « mas abdominaux », de« hameaux » épars, tous se prolongeant en elle toutentière…

Serait-elle « la Maison » pour les hommes, dont les chi-rurgiens et les êtres humains mutilés ?

Ceux qui viennent jusqu’à elle sont en route ou enchemin :

● les uns, les chirurgiens, en route vers l’une des recons-tructions de l’avenir ;

● les autres, les patient(e)s, en chemin vers leur reconstruc-tion personnelle morphologique (« l’apparence »), fonc-tionnelle (« l’idéal perdu »), psychologique et sociale.

Serait-ce une chimère (Fig. 3) ?

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Figure 3 Un exemple de chimère. Musée de Picardie, Amiens.

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Anagramme 2007 et ATC

A comme :

● alchimie, et citons la quatrième des 12 clés de l’alchi-miste Basile Valentin ayant trait à la confection duverre : « … Pour l’ignorant, c’est un art éminemmentmystérieux, mais pas pour le sage, car pour le savoir etles expériences répétées cela devient un artisanat… » ;

● artisanat, dans les sens propre et noble du terme ;● art, et la chirurgie plastique en est un, et également

un artisanat et une alchimie.

L comme :

● lésions du corps, congénitales ou acquises, tumorales,post-traumatiques, iatrogènes postchirurgicales ouautres, que nous avons mission de reconstruire aumieux ;

● légitime, le désir de tout patient de trouver ouretrouver apparence et fonction ;

● légal, législatif, médicolégal ou autre.

L comme :

● lumière, qui nous éclaire tous ;● lunettes binoculaires, ou microscope opératoire, qui

ne sont qu’un instrument de meilleure vision pournous, chirurgiens reconstructeurs, horlogers, prothé-sistes ou autres ;

● lorgnette, peut-être à double tranchant, celle dusavoir-faire et celle du faire-savoir.

O comme :

● ordre dans le sens de la planification évoquant leconsentement éclairé du patient avec ses causes etconséquences médicolégales ;

● ordre de la pensée préopératoire du chirurgien ;● ordre dans la gestion de l’acte opératoire lui-même

et des éventuelles complications postopératoires.

T comme :

● transfert ;● transplantation ;● voire transmutation…

À ces trois noms pouvant s’adjoindre le préfixe auto-,homo- ou hétéro- (ou allo- ou xéno-).

R comme :

● recherche, expérimentale et clinique, quotidienne-ment humaine et nécessaire pour le bien présent etfutur de l’humanité ;

● renaissance, non des Arts et des Lettres, mais del’être humain transplanté, quel que soit le préfixe ;

● roman de l’expérience clinique et humaine de tousles transplantés et de tous les « transplanteurs ».

A comme :

● autonomie, du patient et du chirurgien, vis-à-vis descontraintes administratives et des « pressions »médiatiques ;

● allotransplantation (ATC) ;● le roi Arthur, choisi (« élu »), éduqué, initié et

conseillé par Merlin l’Enchanteur.

N comme :

● naissance de toute personne, de toute idée, de toutconcept, de toute réalisation, de toute conclusion ;

● néo-organe, néotissu, néofragment de conception etréalisation virtuelle in vitro ou réelle in vivo ;

● néologisme, littéraire ou autre.

S comme :

● sagesse, c’est-à-dire ouverture permanente au sensprésent dans le monde ;

● serpent ou scorpion ;● le « serpent de la sagesse » ;● symboles.

P comme :

● profession de foi, quelle qu’elle soit ;● Perceval, dit « le Gallois » ;● le phénix, mystique ou mythique, qui renaît de ses

cendres.

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L comme :

● Saint-Luc, patron des médecins et donc deschirurgiens ;

● Lancelot du Lac ;● la « Sainte-Lance », un autre symbole de la quête du

Graal.

A comme :

● animal, et l’expérimentation animale a beaucoupapporté aux ATC ;

● âme, celle de tous les hommes ;● animus, anima… le soleil, la lune…

N comme :

● noirceur de certains tableaux et tombeaux ;● nullité d’une personne, d’un concept, d’une réalisation ;● nuit de songe, de pensée, d’action.

T comme les Titans qui, d’après la légende grecque,bouillirent, embrochèrent et rôtirent le corps de Diony-sos (dieu grec, non seulement du vin mais aussi del’esprit) enfant avant de le dévorer. Ils furent ensuitedétruits par un éclair venu des cieux et « l’humanité sur-git de leurs cendres ».

A comme :

● anthropophagie (confère l’avant-propos de Jean-Claude Guimberteau) ;

● anthropomorphe (confère la peinture originale del’auteur en CV1) ;

● anthropologie (confère l’article qui y est consacré).

T comme « Les Trois Mousquetaires » d’AlexandreDumas, qui étaient en fait quatre et se sont retrouvés« Vingt ans après »… On reparlera probablement de cerapport dans 20 ans.

I comme :

● images éternelles, mais de dénomination différenteen fonction des civilisations. C’est ainsi que Mithra,le Dieu du soleil oriental, est Râ pour les Égyptiens,Hélios pour les Grecs et Sol Invictus pour les Latins ;

● imagination, futile ou fertile, de tous les penseurs,chercheurs et autres ;

● illusion de l’apparence, des apparences, du« pouvoir », de la Vie, de la Mort…

O comme Osiris, divinité égyptienne revenue du« Royaume des Morts », dont la renaissance exemplaireconférait aux humains l’assurance de leur propre immor-talité et qui est à l’origine de la conservation des corpspar momification.

N comme…

Laissez libre cours à votre imagination !

S comme :

● Simon le Magicien, alchimiste et personnage insolitedes tout premiers temps de la chrétienté, qui s’estbrisé les deux jambes à Rome alors qu’il y jouaitl’Antéchrist…

● le Siècle des Lumières ;● source…

L’eau des sources, des ruisseaux, des rivières, des fleu-ves, des mers, des océans est un symbole universel danstoutes les religions ou « philosophies » de vie. Elle a tou-jours animé l’homme dans les royaumes antiques de Méso-potamie ou de Chine, la théocratie égyptienne, les civilisa-tions grecque et romaine, les royautés puis démocraties dela « Vieille Europe », la « jeune » confédération américaine.

Cela dans le sens horaire ou antihoraire (vu le déca-lage…) de la migration historique et naturellement consta-table d’est en ouest des différentes « civilisations » mar-quantes et remarquées. Quant aux civilisations premières(celtes, « barbares », saxonnes, orientales, africaines,nord-et sud-américaines…), elles ont aussi eu le culte del’eau, de la pierre (« Terra »), de l’air, du feu et du métal…

Il est vrai que tout être vivant est composé de tous ceséléments, même si l’eau y prédomine.

À présent, vous allez faire un voyage chirurgical dans letemps présent, un passé proche et un avenir limité àdemain, en empruntant un vaisseau, une nef (« ce n’estpas une galère ») qui possède deux voiles : Foi et Témoi-gnage. Pour conduire à bon port les « chercheurs devérité », le vent doit gonfler l’une et l’autre.

Références

[1] Aristote. Éthique à Nicomaque. Paris: Le Livre de Poche; 1992(447 p.).

[2] Saint-Augustin. Manuel et soliloques. Paris, ImprimerieRoyale, MD CCLIX (276 p.).

[3] Voltaire (de) FM. Traité sur la tolérance à l’occasion de lamort de Jean Calas. Paris: Flammarion; 1989.

[4] Diderot. Traité de la tolérance. Paris: Garnier, Œuvres philo-sophiques; 1964.

[5] De Sacy SS. Descartes par lui-même. Paris: Écrivains de tou-jours, Ed. du Seuil; 1956 (192 p.).

[6] Kant. Qu’est-ce que les lumières ? La philosophie de l’his-toire. Paris: Ed. Autier-Montaigne; 1941.

[7] Kirscher G. La philosophie d’Eric Weil. Paris: Philosophied’aujourd’hui, Ed. PUF; 1989 (413 p.).

[8] Sahel C, et al. La tolérance. Pour un humanisme hérétique.Paris: Éditions Autrement; 1991 (247 p.).

[9] Wiesel E. Rencontre à propos d’éthique médicale, rédigée parAlain Le Pors. Ed. Laboratoire L. Lafon; 2000.

[10] Noël D. L’évolution de la pensée en éthique médicale. Paris:Ed. Connaissances et Savoirs; 2005 (451 p.).

[11] Levergeois B. Giordano Bruno. Paris: Ed. Fayard; 1995 (569 p.).[12] Jacob F. Le jeu des possibles. Paris: Le Livre de Poche, Biblio

essais; 1986 (125 p.).

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