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Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 329—337 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire Analysis of radioclinical semeiology of hydatid cyst of the lung W. El Khattabi , A. Aichane , A. Riah , H. Jabri , H. Afif, Z. Bouayad Service des maladies respiratoires, hôpital « 20 Août », CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc Disponible sur Internet le 30 octobre 2012 MOTS CLÉS Hydatidose ; Kyste hydatique ; Imagerie ; Sérologie ; Chirurgie Résumé Le kyste hydatique pulmonaire (KHP) est une pathologie encore fréquente dans les pays du pourtour méditerranéen notamment au Maroc. Notre travail est une étude descriptive de 70 cas de KHP colligés de 2007 à 2010. La moyenne d’âge était de 35 ans, il y avait une prédominance masculine (53 %). L’origine rurale était rapportée dans 47 % et un contact direct avec les chiens dans 64 % des cas. Les signes révélateurs étaient dominés par la toux (86 %) et la douleur thoracique (70 %). Le diagnostic était radioclinique, renforcé dans certains cas par une sérologie hydatique positive. Le KHP était le plus souvent unique (84 %) et sain (55 %). La localisation droite était prédominante avec une atteinte majeure du lobe inférieur droit. Le traitement chirurgical a été indiqué chez 96 % des patients. Le kyste hydatique (KH) du foie a été découvert dans 20 % des cas et opérés en un seul temps dans 71 % des cas. L’évolution était favorable dans 73 % des cas et marquée par une récidive dans trois des cas opérés. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Hydatidosis; Hydatid cyst; Imaging; Serology; Surgery Summary The pulmonary hydatid cyst is frequent in Mediterranean countries such as Morocco. Our analytic study concerned 70 cases of lung hydatid cysts collected from 2007 to 2010. Mean age was 35 years and we noted a male predominance (53%). Forty-seven percent of patients belong to rural environment where 64% of them were in contact with dogs. The respiratory symptomatology was made mostly by cough (86%) and chest pain (70%). Diagnosis was based on radioclinical arguments with positive hydatic serology in some cases. The cyst was single in 84% of the cases, safe in 55% of the cases. The location in the right lung was dominant with Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (W. El Khattabi). 0761-8417/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2012.09.001

Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

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Page 1: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 329—337

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Analyse de la sémiologie radioclinique du kystehydatique pulmonaire

Analysis of radioclinical semeiology of hydatid cyst of the lung

W. El Khattabi ∗, A. Aichane, A. Riah, H. Jabri,H. Afif, Z. Bouayad

Service des maladies respiratoires, hôpital « 20 Août », CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

Disponible sur Internet le 30 octobre 2012

MOTS CLÉSHydatidose ;Kyste hydatique ;Imagerie ;Sérologie ;Chirurgie

Résumé Le kyste hydatique pulmonaire (KHP) est une pathologie encore fréquente dans lespays du pourtour méditerranéen notamment au Maroc. Notre travail est une étude descriptivede 70 cas de KHP colligés de 2007 à 2010. La moyenne d’âge était de 35 ans, il y avait uneprédominance masculine (53 %). L’origine rurale était rapportée dans 47 % et un contact directavec les chiens dans 64 % des cas. Les signes révélateurs étaient dominés par la toux (86 %) etla douleur thoracique (70 %). Le diagnostic était radioclinique, renforcé dans certains cas parune sérologie hydatique positive. Le KHP était le plus souvent unique (84 %) et sain (55 %). Lalocalisation droite était prédominante avec une atteinte majeure du lobe inférieur droit. Letraitement chirurgical a été indiqué chez 96 % des patients. Le kyste hydatique (KH) du foie aété découvert dans 20 % des cas et opérés en un seul temps dans 71 % des cas. L’évolution étaitfavorable dans 73 % des cas et marquée par une récidive dans trois des cas opérés.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary The pulmonary hydatid cyst is frequent in Mediterranean countries such as Morocco.

Hydatidosis;Hydatid cyst;Imaging;

Our analytic study concerned 70 cases of lung hydatid cysts collected from 2007 to 2010. Meanage was 35 years and we noted a male predominance (53%). Forty-seven percent of patientsbelong to rural environment where 64% of them were in contact with dogs. The respiratory

Serology;Surgery

symptomatology was made mostly by cough (86%) and chest pain (70%). Diagnosis was basedon radioclinical arguments with positive hydatic serology in some cases. The cyst was single in84% of the cases, safe in 55% of the cases. The location in the right lung was dominant with

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (W. El Khattabi).

0761-8417/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2012.09.001

Page 2: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

330 W. El Khattabi et al.

a major affection of the right lower lobe. Conventional surgery was indicated in 67 cases. Theliver hydatid cyst was discovered in 20% of cases and treated at the same time phases in 71% ofcases. The evolution was good in 73% of the cases and marked by a recurrence in three of theoperated cases.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ÉQttcliquidienne intraparenchymateuse avec un contenu écho-gène évoquant des membranes hydatiques flottantes dans15 cas (36 %).

Tableau 1 Répartition des malades selon le nombre dekystes.

Nombre de kystes Nombre de cas Pourcentage (%)

1 59 842 5 73 3 4

ntroduction

e kyste hydatique (KH), hydatidose, échinococcose ouncore maladie hydatique est une parasitose cosmopoliteue au développement chez l’Homme, hôte intermédiaireccidentel, de la forme larvaire de l’Echinococcus granu-osus, petit teania vivant dans l’intestin des carnivoresomestiques. La localisation pulmonaire est la deuxièmear sa fréquence après la localisation hépatique tout âgeonfondu [1,2]. Le kyste hydatique pulmonaire (KHP) est unealadie apparemment bénigne mais en fait grave par ses

omplications mécaniques, infectieuses, ou métastatiques.on diagnostic repose sur l’anamnèse, la clinique, l’imageriet l’immunologie. Le traitement chirurgical est à ce jour leeul traitement efficace. Ses résultats dépendent de nom-reux facteurs, en particulier du stade évolutif du kyste.

atients et méthodes

otre travail est une étude descriptive d’une série de KHPospitalisés dans notre formation sur une période de quatrens (janvier 2007 à décembre 2010).

L’objectif de notre étude est d’analyser la sémiologielinique et radiologique de nos patients et les déductionshérapeutiques qui en découlent.

L’analyse des données a été faite par Excel version 2007.

ésultats

rofil épidémiologique

ette étude a porté sur un effectif de 70 cas de KHP confir-és. Nous avons noté une prédominance masculine (53 %).

a moyenne d’âge était de 35 ans (extrêmes 15 et 75 ans),es patients étaient âgés de moins de 30 ans dans 44 % desas.

Trente-trois de nos patients étaient d’origine rurale47 %), 22 habitaient dans des conditions socioéconomiqueséfavorables (31 %).

Quarante-cinq patients déclaraient avoir un contactirect avec les chiens, de par leur profession (ouvriers agri-oles, bouchers) ou leur mode de vie (64 %). Les femmes auoyer représentaient un tiers des cas (33 %).

ableau clinique

es signes fonctionnels respiratoires étaient dominés par laoux (86 %) et la douleur thoracique (70 %). L’hémoptysietait présente dans 41 % des cas et la dyspnée dans 26 % desas. L’hydatidoptysie a été décrite par 18 patients (26 %). Le

édecin a assisté au rejet des membranes dans trois cas.eulement deux patients étaient asymptomatiques (3 %).ous les patients étaient en bon état général.

L’examen pleuropulmonaire était normal chez6 patients (66 %). Un syndrome d’épanchement liqui-ien a été retrouvé dans 17 cas (24 %), un syndrome’épanchement mixte dans deux cas (3 %) et un syndromee condensation dans cinq cas (7 %). L’examen abdominal abjectivé une hépatomégalie chez deux patients (3 %).

adiographie thoracique

e KHP était unique dans 59 cas (84 %) alors que les 11 autresatients avaient deux kystes ou plus (16 %) (Tableau 1).’aspect d’opacité dense à bords réguliers était le plus fré-uent (43 %), les autres aspects radiologiques sont résumésans le Tableau 2.

Le KHP siégeait dans les deux poumons, avec une prédi-ection pour le poumon droit, le lobe inférieur droit étaitlus fréquemment atteint (32 %). Dans les KHP multiples11 cas), l’atteinte était bilatérale dans neuf cas (82 %). Unepacité de type pleural était associée dans huit cas (11 %).

chographie

chographie abdominalelle était systématique, elle a montré un KH du foie dans4 cas (20 %).

chographie thoraciqueuarante-deux patients ont bénéficié d’une échographie

horacique (60 %) qui a montré une masse liquidienneranssonique bien limitée avec renforcement postérieur évo-atrice d’un KHP sain dans 17 cas (40 %) et une collection

6 1 18 1 1> 10 1 1

Page 3: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire 331

Tableau 2 Aspects radiologiques du kyste hydatique (KH).

Aspect radiologique Apport diagnostique Nombre de kystes

Opacité dense à bords réguliers (Fig. 1) Aspect suggestif 40Opacité dense à bords flous (Fig. 2) — 9Image en grelot (Fig. 3) Pathognomonique 5Image de pneumokyste (Fig. 4) Pathognomonique 3Image hydro-aérique avec niveau régulier (Fig. 5) — 28Aspect de membrane flottante (Fig. 6) Pathognomonique 6Cavité vide

Tableau 3 Répartition des cas selon le nombre dekystes à la TDM.

Nombre de kystes Nombre de cas

1 432 53 15 16 1

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La numération sanguine a montré une hyperleucocytose à

> 10 2

ÉchocardiographieElle est réalisée dans les KHP multiples (9 %), elle a montréune image hétérogène en faveur d’un KH de l’infundibulumpulmonaire.

Tomodensitométrie (TDM) thoracique

Seulement 53 patients ont bénéficié d’une TDM thoracique(76 %). À travers l’analyse des dossiers recrutés durant lesdeux premières années, il ressort que la TDM thoraciquen’était pas systématique. L’accès plus facile à cet examendans les années suivantes ont fait de la TDM un examensystématique avant tout geste chirurgical.

Le nombre de kystes est résumé dans le Tableau 3. Dans50 cas (94 %), le nombre de kystes a été identique sur laTDM et la radiographie standard, alors que dans trois cas laTDM montrait plus de kystes par rapport à la radiographie

standard (10 vs 8, 5 vs 3 et 2 vs 1).

Les aspects scannographiques sont résumés dans leTableau 4.

pgm

Tableau 4 Aspects scannographiques du kyste hydatique pulm

Aspects scannographiques

Image ronde ou ovalaire, limites nettes, densité liquidienne (FAspect de croissant (Fig. 8)Aspect de clartés piégées (Fig. 9)Image hydro-aérique à paroi fine, niveau hydrique régulierImage hydro-aérique à paroi fine, niveau hydrique ondulé (aspe

membranes flottantes) (Fig. 10)Image en grelot (Fig. 11)

Cavité vide

Aspect pseudotumoral

— 2

La TDM a permis de mettre en évidence une pleurésiessociée dans 13 cas (24,5 %), un KH du foie dans 14 cas (26 %)t une hypodensité cardiaque.

À noter que la TDM cérébrale réalisée chez les patientsorteurs d’une hydatidose multiple était normale.

magerie par résonance magnétique (IRM)horacique

lle a été réalisée chez un seul patient ayant un aspect’hydatidose multiple avec une hypodensité cardiaque.’IRM a confirmé la présence d’une formation arrondie liqui-ienne multiloculaire à l’origine de l’artère pulmonaire. Leatient a été proposé pour une chirurgie cardiovasculairefin d’éviter la dissémination hématogène.

ronchoscopie

a bronchoscopie a été réalisée chez 46 patients (66 %). Àravers l’analyse des dossiers, il ressort que la bronchoscopie’était pas systématique dans la prise en charge du KHP sain.lle est indiquée en cas de KHP compliqué ou en cas de douteiagnostique. Elle a objectivé des membranes hydatiquesans 12 cas (26 %), des sécrétions bronchiques mucopuru-entes dans 11 cas (24 %) et un saignement dans cinq cas10 %). La recherche de scolex dans le liquide d’aspirationsronchiques était négative chez tous les patients.

iologie

olynucléaires neutrophiles chez 16 patients (29 %) témoi-nant d’une surinfection du KHP et une éosinophilieodérée chez 13 patients (24 %). La sérologie hydatique

onaire (KHP).

Apport diagnostique Nombre de kystes

ig. 7) Aspect suggestif 28Pathognomonique 1Aspect suggestif 1— 24

ct de Pathognomonique 16

Aspect suggestif 10— 3— 5

Page 4: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

332 W. El Khattabi et al.

Tableau 5 Technique chirurgicale utilisée en fonction de l’état du kyste.

État du kyste Technique

Énucléation Ponction-aspiration Périkystectomie

Sain 7 11 7Fissuré 0 2 2

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ratiquée chez 52 patients (74 %) par deux méthodesuantitatives (Enzyme Linked Sorbent Assay [Elisa] et hém-aglutination indirecte [HAI]) était positive dans 32 cas

61,5 %).

raitement

u terme du bilan radiologique, 67 patients (96 %) ont étépérés. Le traitement était conservateur dans 48 cas (72 %)ans les KHP uniques. Le Tableau 5 résume la techniquetilisée en fonction de l’état du kyste.

Un traitement chirurgical radical a été nécessaire dans1 cas (segmentectomie dans trois cas [4,5 %], polysegmen-ectomie dans cinq cas [7,5 %] et lobectomie dans trois cas4,5 %]).

Les deux cas de KHP multiple unilatéral ont été extraitsn un seul temps opératoire par ponction—aspiration. LesHP multiples bilatéraux (six cas) ont été opérés en deuxemps avec un intervalle moyen de six semaines. Le trai-ement était conservateur dans quatre cas, utilisant laonction—aspiration dans deux cas et la périkystectomieans deux cas. Une polysegmentectomie a été nécessaireans les deux autres cas. Le KH du foie (14 cas) a été opérén deux temps dans dix cas, et en un seul temps avec recours

la phrénotomie dans les KHP de la base droite (quatreas).

Le KH de l’infundibulum pulmonaire a été opéré sousirculation extracorporelle avec ponction puis ablation duyste et résection du dôme saillant.

L’hydatidose pulmonaire multiple relevait d’un traite-ent médical à base d’albendazole.

volution

ous les patients ont été sensibilisés sur les risques deeur maladie et l’importance de la surveillance. Seulement3 patients ont été suivis régulièrement (47 %) et ce, mal-ré plusieurs relances par téléphone et par courrier écrit.a moyenne de suivi était de 18 mois.

L’évolution était favorable. Elle a été marquée para persistance d’une cavité séquellaire dans trois cast une récidive dans le même poumon dans cinqas.

iscussion

fin de comprendre les manifestations cliniques et lesspects radiologiques que génère le KHP, nous avons estiméntéressant de rappeler certaines spécificités.

dtclde

8 11

istoire naturelle du kyste hydatique

es embryons hexacanthes du parasite Echinococcus granu-osus qui arrivent au niveau des poumons sont rapidementirconscrits par un granulome inflammatoire. Ils peuventtre détruits ou bien poursuivre leur évolution en se trans-ormant en forme kystique [3,4].

Le KH se présente comme une structure univésiculairee petite taille et sous tension. Il est bordé d’une paroie 1,5 mm d’épaisseur identifiable par l’imagerie, faite deeux membranes intimement accolées : la membrane pro-igère et la cuticule. Le KH s’accroît d’abord rapidementuis d’une facon capricieuse pendant des années, voire desizaines d’années. Il peut atteindre un diamètre de plus de0 cm et avoir un contenu de plus de 3 L fait d’un liquide eaue roche correspondant à un transsudat de sérum, d’abordcéphalocyste puis se chargeant rapidement de protoscolex4,5].

Le KH s’épanouit dans le sens de la moindre résis-ance, il est d’abord sphérique et peut prendre des aspectsariés lorsqu’il rencontre un obstacle. Il induit, au sein duarenchyme pulmonaire, la formation d’une coque scléro-nflammatoire (adventice ou périkyste).

La multivésiculisation endogène et exogène sont rare-ent observées dans les KHP en raison de la souplesse duarenchyme pulmonaire qui explique aussi que l’épaisseuru périkyste soit souvent moins importante que celle du KHu foie.

Les calcifications du KHP sont rares en raison de la faibleeneur du parenchyme pulmonaire en gaz carbonique ete, malgré la présence du phosphore en quantité suffisantelibéré par la nécrose tissulaire) pour la précipitation cal-ique [5,6].

En augmentant progressivement de taille, le KHP pro-oque une nécrose ischémique et une érosion de la paroironchique suivie d’une fistulisation broncho-kystique quionstitue un tournant décisif dans l’évolution du KH et unrélude aux complications.

ableau clinique

our la plupart des auteurs [7,8], la prédominance mas-uline semble classique du fait des professions exposées,’adulte jeune de moins de 30 ans, est atteint dans 70 %es cas [7,9]. Cela est souligné dans notre étude. L’absenceotale des signes cliniques, retrouvée dans seulement deux

as dans notre série, n’est pas une éventualité rare car, nous’avons vu plus haut, le kyste rencontre peu de résistanceans sa croissance intrapulmonaire. La découverte fortuitest variable selon les auteurs (Tableau 6).
Page 5: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire 333

Tableau 6 Fréquence de la découverte fortuite selon les auteurs.

Auteurs Nombre total de cas Découverte fortuite

Nombre de cas Pourcentage (%)

Darwich [9] 206 38 18Salih [7] 405 65 16Rifki-Jai [8] 184 10 5,4Notre série 70 2 2,9

Lorsqu’il est symptomatique, le KHP peut être révélé pardes signes fonctionnels respiratoires non spécifiques à typede douleur thoracique, dyspnée, toux, hémoptysie et/ouhydatidoptysie qui est le symptôme le plus évocateur. Celui-ci est défini par le rejet lors d’un effort de toux d’un liquideeau de roche contenant des membranes de couleur blanc-nacré. Des signes infectieux peuvent être associés en cas desurinfection du kyste. Les manifestations allergiques sontexceptionnelles. Le Tableau 7 résume les signes cliniques.

L’examen clinique est pauvre, les gros kystes peuventdéterminer un syndrome d’épanchement liquidien, retrouvédans notre série dans 24 % des cas. Il faut rechercherd’autres localisations associées.

Radiographie thoracique

L’expression radiologique du KHP est très variée. Le KHPsain se traduit par une opacité de tonalité hydrique, homo-gène, dense, unique ou multiple, à contours nets, arrondieou ovalaire, en « boulet de canon » ou en « ballon de rugby »très suggestive du diagnostic (Fig. 1). Parfois les limitesde l’opacité sont floues, réalisant « l’image à bords huilésd’Escuerdo » (Fig. 2), témoin d’une réaction du parenchymepulmonaire [3]. L’aspect de KHP sain a été retrouvé chezplus de la moitié de nos malades (53 %).

Figure 1. Opacité arrondie dense et homogène, à bords régulierset nets en rapport avec un kyste hydatique pulmonaire (KHP) sain.

Le KHP fissuré réalise l’aspect d’un croissant gazeux oude ménisque dit « image en grelot » (Fig. 3) ou pneumo-kyste, se traduisant par une clarté située au pôle supérieurde l’opacité entre la paroi externe du kyste et la paroiinterne du périkyste, cet aspect est pathognomonique duKHP (Fig. 4). La rupture kystique intrabronchique se traduitpar une image hydro-aérique avec niveau régulier, corres-pondant soit à l’évacuation des membranes hydatiques, soità leur immersion totale dans le liquide hydatique (Fig. 5) oupar une image hydro-aérique à niveau irrégulier mamelonnédue aux membranes flottantes réalisant le signe de Nénu-phar (Fig. 6). Enfin, une image en pont ou « signe de doublearc d’Ivassinevitch » est due au détachement partiel desmembranes du kyste formant un pont au dessus du niveauliquidien. Ces deux derniers aspects sont pathognomoniquesdu KHP rompu [3].

Il arrive que la totalité du liquide hydatique soit éva-cuée et seule persiste la membrane mère incarcéréedans la cavité résiduelle, c’est la phase de rétentionde membrane réalisant une opacité ronde à limitesfloues, entourée d’une fine clarté en anneau, image « encocarde ».

Le KHP complètement vidé de son contenu réaliseune image grossièrement arrondie, limitée par une bandeopaque plus ou moins fine [12].

Figure 2. Opacité arrondie à bords flous.

Page 6: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

334 W. El Khattabi et al.

Tableau 7 Tableau comparatif des signes cliniques selon les auteurs.

Signes cliniques Racil [10] Khalil [11] Notre série

Nombre % Nombre % Nombre %

Toux 41 79 38 47,5 60 86Douleur thoracique 28 54 52 65 49 70Hémoptysie 37 71 31 39 29 41Dyspnée 09 17 14 17,5 18 26Hydatidoptysie 22 42 15 19 18 26

Figure 3. Image en grelot.

Figure 4. Image de pneumokyste.

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igure 5. Image hydro-aérique avec niveau régulier.

La rupture du KHP dans la plèvre est relativement rare,ais dramatique par son tableau de détresse respiratoire

t de choc anaphylactique. Radiologiquement, elle se mani-este par un pneumothorax, un hydropneumothorax ou uneleurésie.

Dans notre série, nous avons constaté que la localisa-ion droite était prédominante. Les KHP multiples sont dus

une infestation primitive itérative ou à une hydatidoseecondaire à la rupture d’un KHP préexistant, d’un KH duyocarde dans le cœur droit ou d’un KHF dans la veine

ave inférieure [10]. L’hydatidose pulmonaire secondaire estxceptionnelle. Les KHP sont souvent bilatéraux. Quand ilsont unilatéraux, on note une prédominance droite. Dansotre série, la localisation bilatérale représentait 13 % desas.

chographie

’échographie thoracique reste d’emploi limité. En effet unyste de petite taille ou profond est difficile à visualiser.’enveloppe ostéoarticulaire du thorax et l’air alvéolaireonstituent des limites à cet examen.

Page 7: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire 335

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SdItdéfini par la présence de petites bulles aériques au sein ducontenu liquidien (Fig. 9). Quand les bulles sont nombreuses,elles réalisent l’aspect « en nid d’abeilles ».

Figure 6. Aspect de membrane flottante.

L’échographie permet d’affirmer la nature kystique, pré-cise la topographie d’une opacité basithoracique par rapportau diaphragme et élimine la présence de vaisseau aberrantsystémique en faveur d’une séquestration [13].

L’échographie thoracique permet de distinguer plusieurstypes de lésions :• les kystes simples anéchogènes, retrouvés dans 24 % des

cas dans notre série ;• les kystes rompus hétérogènes avec des cônes d’ombre

acoustiques postérieurs traduisant la présence d’air ;• enfin, les kystes avec une membrane proligère visible, se

traduisant par une formation échogène linéaire et ondu-lée, retrouvés dans 36 % de nos échographies.

L’échographie abdominale doit être systématique à larecherche de localisations abdominales, en particulier hépa-tiques [1].

La découverte d’une hydatidose pulmonaire multipledoit toujours faire rechercher une localisation cardiaqueprimitive, d’où l’intérêt majeur d’une échocardiographiesystématique transthoracique ± transœsophagienne. Dansnotre série, l’échocardiographie a objectivé un KH infun-dibulaire dans un cas.

Tomodensitométrie thoracique

Elle permet une étude précise du kyste et du parenchymepérikystique, confirme la nature liquidienne et permetd’éliminer d’autres étiologies. Elle permet de détecter deskystes de petite taille, de déterminer leur stade évolutif,et surtout de faire un bilan complet d’autres localisationsthoracique possibles qui peuvent passer inapercues à la

radiographie standard [10,13]. Dans notre série, la TDM amontré plus de KHP par rapport à la radiographie standarddans trois cas. F

igure 7. Image ronde ou ovalaire, limites nettes, densité liqui-ienne.

Le KH sain se traduit par une masse liquidienne limitéear une paroi fine et régulière (Fig. 7). Le KHP passe par sixtades évolutifs [14].

tade I : aspect en « bague à châton »

l résulte de l’entrée d’une quantité minime d’air entre’endokyste et le périkyste, cet aspect est pathognomoniqueu KHP.

tade II : aspect de « croissant » et « croissantnversé »

l est dû à l’introduction d’air entre l’endokyste et le péri-yste avec décollement partiel de l’endokyste (Fig. 8).

tade III : aspect de « clartés piégées » et de « nid’abeille »

l est dû au décollement total de l’endokyste sans évacua-ion du contenu liquidien. L’aspect de « clartés piégées » est

igure 8. Aspect de croissant.

Page 8: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

336 W. El Khattabi et al.

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igure 9. Aspect de clartés piégées.

tade IV : images hydro-aériqueslles sont dues au décollement de l’endokyste avec éva-uation partielle du contenu liquidien, réalisant l’aspect en

double arc » où l’endokyste est partiellement collabé, denénuphar » où l’endokyste totalement collabé flotte sur le

iquide (Fig. 10). S’il reste complètement immergé, il réalisen aspect « serpigineux ». Ces trois aspects sont pathogno-oniques de KHP.

tade V : aspect de rétention sèchel est le résultat d’une évacuation complète du liquide hyda-ique et de la rétraction de l’endokyste réalisant un aspecte « pelote de laine » ou en « grelot » (Fig. 11) ou encore unspect pseudotumoral.

tade VI : aspects séquellairesl est le résultat d’une élimination complète du contenu duHP laissant une cavité aérique à paroi fine ou épaisse oune image dense linéaire non septale.

magerie par résonance magnétique

on intérêt essentiel est anatomique. Elle permet danses cas difficiles d’établir l’origine exacte des lésions par

igure 10. Image hydro-aérique à paroi fine, niveau hydriquendulé (aspect de membranes flottantes).

tdelcdedtrbdbdtct

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igure 11. Image en grelot.

’exploration multiplanaire notamment des éléments duédiastin et leur nature liquidienne.

éductions thérapeutiques

e traitement a été déduit à partir des résultats de’imagerie thoracique. Ainsi, les KHP uniques ou multiplesnilatéraux relevaient d’un traitement chirurgical qui étaite plus conservateur possible. La TDM a permis de détecteres KHP infraradiologiques qui pouvaient échapper à la chi-urgie. Elle a également permis de choisir le côté à opérern premier en fonction du stade évolutif des kystes. Enfin,a TDM, l’échographie et l’IRM ont permis de détecter desésions extrapulmonaires associées.

Les trois cas de récidives sont probablement dues àes KHP infraradiologiques ou à une technique chirurgicaleéfaillante ayant omis le traitement de la cavité résiduelle.

onclusion

travers notre série, nous soulignons que le KHP se mani-este par des signes peu spécifiques. La toux et la douleurhoracique sont les signes qui poussent le malade à consul-er. Seul l’hydatidoptysie vue par un médecin confirme leiagnostic, ce signe est rare. La radiographie thoraciquest souvent suggestive du diagnostic de KHP. Cependant,a TDM thoracique doit être systématique avant tout actehirurgical afin de ne pas méconnaître les KHP infrara-iologiques. L’échographie abdominale, plus sensible pourxplorer le foie, doit être systématique vu la fréquencee la double localisation foie—poumon. Dans les KHP mul-iples, l’échocardiographie doit être systématique afin deechercher une localisation cardiovasculaire. La TDM céré-rale vise à chercher une localisation encéphalique en case dissémination hématogène mais sa place n’est pas éta-lie. L’IRM thoracique n’est pas systématique, elle permet leiagnostic topographique dans certaines localisations fron-ières notamment dans les KHP à proximité de la masseardiaque. Les résultats de l’imagerie vont guider la décisionhérapeutique.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

Page 9: Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire

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Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique p

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