Anti Guide de Bonnes Pratiques

8/14/2019 Anti Guide de Bonnes Pratiques

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Recommandations professionnelles

Petit guide lusage des professionnels de la santsoumis la dmarche qualit, aux guides de bonnes

pratiques et la transformation aveugle de lhpital enentreprise

Il est prconis de diffuser ce guide auprs des professionnels intervenant dans le champde la sant, mais aussi auprs de tous ceux qui refusent daccepter que tout puisse se

marchandiser, se standardiser, se calculer et se manager.

Lamlioration continue de la qualit


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En guise dintroduction :

La dmarche qualit est un outil managrial utilis dans lindustrie depuis unevingtaine dannes. Il relve dune stratgie plus globale que lon nomme lemanagement participatif. Cette stratgie vise donner aux salaris le sentiment dadhrer

librement des objectifs et des contraintes qui ont t fixs par avance. Dans le cadre de lasant, lobjectif est de permettre une standardisation du travail afin de pouvoir comparer etdonc mettre en concurrence tout type dinstitution prive ou publique dans un contexte demarchandisation global. Il sagit en fait de sajuster aux critres dfinis par les normes ISO(Organisation Internationale de Normalisation) .

Cela en passe ncessairement par le gommage de toute singularit et par la traque de touterevendication dautonomisation professionnelle, tout en proclamant une pseudo-autonomiedu professionnel. Les stratgies managriales sappuient galement sur linaccessibilit desfigures du pouvoir et sur le contournement permanent du conflit. Elles visent ce quechacun intriorise des contraintes et des objectifs communs sans que lon puisse avoir uneconscience claire que cela ait t impos. Le conflit nest plus entre soi et la figure du

pouvoir. Le conflit est entre soi et soi avec tout le mal tre quil gnre.

Plusieurs auteurs (J;P Le Goff, C Dejours, Beauvois et Joule) se sont penchs sur cespratiques et y dclent des formes de manipulations du travailleur. Le monde de lentrepriseapplique avec cynisme cette manipulation en amenant par exemple des salaris choisirlibrement de baisser leurs salaires plutt que la dlocalisation de leurs usines. Au travers delaccrditation, renomme aujourdhui certification, le management participatif sapplique grande chelle au monde de la sant.


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3 De ladhsion aux valeurs lacceptation de la mthode (technique du pied dans laporte)

Dans un premier temps, ladhsion est donc suscite en se servant de valeurs auxquelles lesprofessionnels sont rellement attachs.

Derrire ces valeurs, chaque professionnel dfend des approches particulires ou partages,une dontologie, une thique. Le deuxime temps de cette stratgie consiste sparer lesvaleurs de la faon dont les professionnels estiment pouvoir les garantir. Or, cest bien celaqui caractrise normalement la spcificit des diffrents mtiers. Pourtant dans ce deuximetemps, on ne demande plus lavis du salari sur ce quimplique pour lui dadhrer telle outelle valeur. On ne lui demande pas si la mthode dvaluation est pertinente pour laspcificit de son mtier. Cest ce que Beauvois et Joule nomme la technique du pied dans la

porte. Cette technique est utilise assez intuitivement par celui qui va vous demander dans unpremier temps de signer une ptition pour telle ou telle cause (acte peu coteux) pour ensuitevous demander de faire un don. Il y a une plus grande probabilit pour que vous donniez delargent si lon vous a dabord demand de vous engager moralement par la signature dune

ptition (amorage). Or ce ntait peut-tre pas comme cela que vous estimiez pouvoirdfendre la cause pour laquelle vous vous tes engag par votre signature.

4 Ladaptation des pratiques loutil dvaluation

Cette faon particulire et propre chaque mtier de garantir les valeurs est remplace pardes critres et une mthodologie qui sappliquent tout le monde. Les critres ne peuvent trediscuts dans la mesure o ils doivent tre les mmes pour toutes les institutions et o ilsdoivent convenir tous les professionnels qui participent au travail dvaluation. Cela aboutit des critres trs consensuels et axs sur ce qui est fait de manire trs formel etobjectivable. Sinon comment valuer ? La mthodologie apparat neutre alors quelleimplique en fait une simplification des problmatiques rencontres dans lexercice du travailrel. Lobjectif est en effet de se donner des critres valuables par le biais doutilsstatistiques. Plus globalement, la logique de la tarification lacte implique dadapter lesmtiers la mthode dvaluation alors que le bon sens impliquerait le contraire. Il est doncdemand chacun de mettre un peu deau dans son vin, de renoncer la manire spcifiquedu mtier daborder telle ou telle question. Ainsi, en prenant comme cause morale la qualitde la prise en charge, le travail des groupes qualit ou dvaluation des pratiques aboutit la standardisation et mettre en avant les pratiques se prtant le mieux lvaluation. Le relsouci du soignant vis--vis du patient est utilis, manipul pour atteindre un autre objectif savoir la standardisation des pratiques afin de pouvoir les faire rentrer dans le systme de

tarification lacte.

Il y a l quelque chose dquivalent aux tours de passe-passe du magicien. Toute la mise enscne est construite pour que vous focalisiez votre attention ailleurs que l o se joue lamanipulation. Dans la dmarche qualit, tout est fait pour se focaliser sur la qualit et lesvaleurs dfendre alors que cest la mthodologie mise en oeuvre qui va guider la pense.


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5 La proclamation de lautonomie et de la co-responsabilit

La libert dans les changes est proclame, mais cette libert de rflexion est guide par lecadre mthodologique. Cette libert proclame vient galement masquer la rigidit de ce

cadre. On constate dailleurs que les groupes de travail autour de la qualit sont souventanims par quelquun qui a t form cela. Par ailleurs, les membres du groupes doivent prendre connaissance de guides (souvent assez pais) leur expliquant comment doit seformaliser le produit de leurs rflexions. Ainsi lautovaluation est guide dans un cadreextrmement contraint mais toute la communication autour de la dmarche qualit portera surlautonomie et le libre choix du professionnel.

Le discours managrial prne lautonomie des salaris mais aussi leur responsabilit aumme titre que le directeur quant lavenir de linstitution. Au nom de cette co-responsabilit, le salari doit faire preuve dun certain ralisme et mettre de ct sonappartenance professionnelle ou syndicale. Le voil, lors de groupes de travail, faire des

choix qui vont lencontre de ses valeurs professionnels et de ce quil dfendait jusque l.Cela lamne lintriorisation de contraintes et dobjectifs qui, apparemment, ne lui ont past imposs de lextrieur. Il devient donc impossible de sopposer quoi que ce soit ou demettre en scne (institutionnellement) le conflit et la ngociation.Lautovaluation est base sur le mme principe que le contrat dobjectif. Ces deux outilsmanagriaux visent lintriorisation de contraintes sans que celles-ci semblent imposes dudehors. Vous choisissez librement de vous mettre la pression !

6 La roue de la qualit ou lamlioration continue de la qualit : ne jamais permettre

une prise de recul

Lorsque vous arrivez au bout de ce travail dvaluation et damlioration, vous avez lasurprise de dcouvrir quil va falloir tout recommencer. On vous explique quil va falloirvaluer les critres dvaluation toujours dans cet objectif damlioration continue. A partirde l, il faudra bien repartir pour un tour dautovaluation, de rajustement et de tout ce quevous voulez. Les managers appellent cela la roue de la qualit (ou roue de Deming) et voustes invit entrer dedans et la faire tourner comme un hamster !

Ce que redoutent le plus les tenants du discours managriale, cest que cette roue cesse de

tourner. Cest pour cette raison que les institutions se voient dotes de qualiticiensou demessieurs qualitet de cellules qualit afin de dynamiser en permanence la politiquedamlioration continue de la qualit. Une prise de recul amne en effet sapercevoir quelinstitution ne fonctionne pas mieux, que les valeurs mises en avant ne le sont que pour faireconsensus et que lobjectif ntait pas damliorer les choses mais bien de normer et contrlerlorganisation du travail. Une prise de recul amne galement sapercevoir que la qualitrelve essentiellement dune stratgie de communication indpendamment du travailrellement effectu. Cela na rien dtonnant puisque la certification / accrditation se calquesur la norme ISO dont lobjectif est clairement de favoriser le jeu de la marchandisation. Parconsquent, si la qualit relve en interne dune stratgie managriale, elle relve lorsquellesadresse au grand public, dune stratgie marketing.


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La dmarche qualit se base sur les principes de la norme ISO

9000:2000 (systmes de management de la qualit)

LAFNOR-AFAQ est un organisme certificateur pour la norme ISO et qui vend du conseil enmanagement. La Haute Autorit en Sant (anciennement ANAES) et lAFAQ ont sign unaccord de coopration en avril 2004. Il n y a donc rien dtonnant ce que le discours de laHaute Autorit en Sant rejoigne celui de lISO.

Quest ce que lISO ?

L'ISO (International Organisation for Standardization) est un rseau d'instituts nationaux denormalisation de 156 pays, selon le principe d'un membre par pays, dont le Secrtariat

central, situ Genve, Suisse, assure la coordination d'ensemble.

Axes sur le marchL'ISO n'labore que des normes rpondant un impratif du march. Les travaux sonteffectus par des experts du secteur (industriel, technique ou conomique) qui a demand lesnormes en question et qui les mettra en pratique. Ces experts peuvent tre rejoints par d'autresayant les comptences requises notamment, des experts des gouvernements, des autoritsrglementaires, des organismes d'essais, du monde universitaire, des associations deconsommateurs ou d'autres organisations concernes.


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Petite bibliographie

Christophe Dejours L'valuation du travail l'preuve du rel, Critique des fondements del'valuation, Dijon : INRA ditions, 2003.

Jean-Pierre Le Goff, LE MYTHE DE L'ENTREPRISE Critique de l'idologie managriale,Edition La Dcouverte,1996.

Jean Pierre Le Goff, La barbarie douce, Editions La Dcouverte, 1999.

Robert-Vincent Joule, Jean-Lon Beauvois, Petit trait de manipulation l'usage des

honntes gens,2002, Broch.

Robert-Vincent Joule, Jean-Lon Beauvois, La soumission librement consentie : Comment

amener les gens faire librement ce qu'ils doivent faire ? , Broch.

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