Apollinaire-Le Bestiaire Ou Cortege d Orphee

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  • Le Bestiaire, ou Cortge dOrphe

    Guillaume Apollinaire

    Publication: 1911Source : Livres & Ebooks

  • : lmir Bourges

    Orphe

    Admirez le pouvoir insigneEt la noblesse de la ligne :Elle est la voix que la lumire fit entendreEt dont parle Herms Trismgiste en son Pimandre.

    La tortue

    Du Thrace magique, dlire !Mes doigts srs font sonner la lyre.Les animaux passent aux sonsDe ma tortue, de mes chansons.

    Le cheval

    Mes durs rves formels sauront te chevaucher,Mon destin au char dor sera ton beau cocherQui pour rnes tiendra tendus frnsie,Mes vers, les parangons de toute posie.

    La chvre du Thibet

    Les poils de cette chvre et mmeCeux dor pour qui prit tant de peineJason, ne valent rien au prixDes cheveux dont je suis pris.

    Le serpent

    Tu tacharnes sur la beaut.Et quelles femmes ont tVictimes de ta cruaut !ve, Euridice, Cloptre ;Jen connais encor trois ou quatre.

    Le chat

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  • Je souhaite dans ma maison :Une femme ayant sa raison,Un chat passant parmi les livres,Des amis en toute saisonSans lesquels je ne peux pas vivre.

    Le lion

    lion, malheureuse imageDes rois chus lamentablement,Tu ne nais maintenant quen cage Hambourg, chez les Allemands.

    Le livre

    Ne soit pas lascif et peureuxComme le livre et lamoureux.Mais que toujours ton cerveau soitLa hase pleine qui conoit.

    Le lapin

    Je connais un autre conninQue tout vivant je voudrais prendre.Sa garenne est parmi le thymDes vallons du pays de Tendre.

    Le dromadaire

    Avec ses quatre dromadairesDon Pedro dAlfaroubeiraCourut le monde et ladmira.Il fit ce que je voudrais faireSi javais quatre dromadaires.

    La souris

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  • Belles journes, souris du temps,Vous rongez peu peu ma vie.Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,Et mal vcus, mon envie.

    Llphant

    Comme un lphant son ivoire,Jai en bouche un bien prcieux.Pourpre mort !.. Jachte ma gloireAu prix des mots mlodieux.

    Orphe

    Regardez cette troupe infecteAux mille pattes, au cent yeux :Rotifres, cirons, insectesEt microbes plus merveilleuxQue les sept merveilles du mondeEt le palais de Rosemonde !

    La chenille

    Le travail mne la richesse.Pauvres potes, travaillons !La chenille en peinant sans cesseDevient le riche papillon.

    Lamouche

    Nos mouches savent des chansonsQue leur apprirent en NorvgeLes mouches ganiques qui sontLes divinits de la neige.

    La puce

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  • Puces, amis, amantes mme,Quils sont cruels ceux qui nous aiment !Tout notre sang coule pour eux.Les bien-aims sont malheureux.

    La sauterelle

    Voici la fine sauterelle,La nourriture de saint Jean.Puissent mes vers tre comme elle,Le rgal des meilleures gens.

    Orphe

    Que ton cur soit lappt et le ciel, la piscine !Car, pcheur, quel poisson deau douce ou bien marinegale-t-il, et par la forme et la saveur,Ce beau poisson divin quest JSUS, Mon Sauveur ?

    Le dauphin

    Dauphins, vous jouez dans la mer,Mais le flot est toujours amer.Parfois, ma joie clate-t-elle ?La vie est encore cruelle.

    Le poulpe

    Jetant son encre vers les cieux,Suant le sang de ce quil aimeEt le trouvant dlicieux,Ce monstre inhumain, cest moi-mme.

    Lamduse

    Mduses, malheureuses ttesAux chevelures violettesVous vous plaisez dans les temptes,Et je my plais comme vous faites.

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  • Lcrevisse

    Incertitude, mes dlicesVous et moi nous nous en allonsComme sen vont les crevisses, reculons, reculons.

    La carpe

    Dans vos viviers, dans vos tangs,Carpes, que vous vivez longtemps !Est-ce que la mort vous oublie,Poissons de la mlancolie.

    Orphe

    La femelle de lalcyon,LAmour, les volantes Sirnes,Savent de mortelles chansonsDangereuses et inhumaines.Noyez pas ces oiseaux maudits,Mais les Anges du paradis.

    Les sirnes

    Sach-je do provient, Sirnes, votre ennuiQuand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?Mer, je suis comme toi, plein de voix machinesEt mes vaisseaux chantants se nomment les annes.

    La colombe

    Colombe, lamour et lespritQui engendrtes Jsus-Christ,Comme vous jaime une Marie.Quavec elle je me marie.

    Le paon

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  • En faisant la roue, cet oiseau,Dont le pennage trane terre,Apparat encore plus beau,Mais se dcouvre le derrire.

    Le hibou

    Mon pauvre cur est un hibouQuon cloue, quon dcloue, quon recloue.De sang, dardeur, il est bout.Tous ceux qui maiment, je les loue.

    Ibis

    Oui, jirai dans lombre terreuse mort certaine, ainsi soit-il !Latin mortel, parole affreuse,Ibis, oiseau des bords du Nil.

    Le buf

    Ce chrubin dit la louangeDu paradis, o, prs des anges,Nous revivrons, mes chers amis,Quand le bon Dieu laura permis.

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