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Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives T. Walter 1,2 , C. Lombard-Bohas 1 1 Fédération des spécialités digestives, pavillon H, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, F-69437 Lyon cedex 03, France 2 Inserm U865, hôpital Édouard-Herriot, F-69437 Lyon cedex 03, France Correspondance : [email protected] Reçu le 10 mai 2010 ; accepté le 6 septembre 2010 The contribution of antiangiogenic agents and mTOR inhibitors to the treatment of endocrine tumours of the gastro-intestinal tract Abstract: The traditional cytotoxic agents are of limited efficacy in the treatment of well-differentiated endocrine carcinomas (WDEC) of the gastrointestinal tract. WDEC seem to have an extraordinary tumor vascularization with high expression of proangiogenic molecules, such as the vascular endothelial growth factor, along with overexpression of certain tyrosine kinase receptors, such as the epidermal growth factor receptor, the insulin growth factor receptor, and their downstream signaling pathway components (PI3K-AKT-mTOR). Then, mole- cular targeted therapies seem to be attractive in the treatment of WDEC. We present here recent clinical trials with the first two Phase 3 trials (everolimus or sunitinib versus placebo), positive on progression-free survival, in pancreatic WDEC. To cite this journal: Oncologie 12 (2010). Keywords: Neuroendocrine tumors Carcinoid tumor Antiangiogenic mTOR inhibitor Résumé : La prise en charge théra- peutique des carcinomes endo- crines bien différenciés (CEBD) localement avancés ou métasta- tiques est complexe, pouvant faire appel à de nombreuses armes thérapeutiques (chimiothérapie, immunothérapie, embolisation hépatique, radiothérapie méta- bolique, etc.), mais reste malheu- reusement limitée et palliative. Les CEBD présentent la particularité davoir un réseau vasculaire très dense, associé à lhyperexpression de molécules proangiogéniques dont le vascular endothelial growth factor (VEGF). Par ailleurs, linsulin growth factor receptor (IGF1-R) ou la perte dantioncogène (PTEN ou NF1), impliqués dans le développe- ment des CEBD, activent la voie PI3/AKT/mTOR. Lutilisation des thérapies ciblant langiogenèse et la voie mTOR semble donc attrac- tive pour le traitement des CEBD. Cela a été confirmé récemment pour les CEBD pancréatiques avec un doublement de la survie sans progression dans les deux premiè- res études de phase 3 testant leverolimus ou le sunitinib versus placebo. Pour citer cette revue : Oncologie 12 (2010). Mots clés : Carcinome endocrine bien différencié Antiangio- génique Inhibiteur de mTOR Introduction Les tumeurs endocrines digestives (TED) néchappent pas à lessor actuel des thérapies « ciblées » [1,18], avec larrivée des premiers résultats de phase 3 dans cette pathologie rare. Avant de présenter les résultats de ces thérapies ciblant langiogenèse et la voie mTOR (mammalian target for rapamycin) dans le traitement des TED, il est bon de rappeler certaines termino- logies. Le terme de biothérapie est parfois employé pour ces molé- cules, alors quil était initialement utilisé pour linterféron et les analo- gues de la somatostatine. Le terme de thérapie ciblée est généralement consacré à ces molécules innovan- tes. Il faut cependant rappeler que si ces molécules ciblent une voie particulière dactivation impliquée dans un modèle tumoral précis, cette même voie peut être présente dans les cellules normales avec des conséquences multiples et que les inhibiteurs tyrosine-kinase (ITK) ciblent souvent de multiples récep- teurs ce qui explique les toxicités décritesLe terme ciblé est donc défini par rapport aux modalités daction de la molécule et non à la spécificité cellules tumorales ver- sus cellules normales. De plus, de nombreuses molécules antitumo- rales ont un effet antiangiogénique, en inhibant la production du VEGF (vascular endothelial growth factor), cest par exemple le cas de linterféron [17], des analogues de la somatostatine [15], des inhibiteurs du récepteur de lepidermal growth factor (EGFR) ou des inhibiteurs de mTOR [15]. Nous ne détaillerons pas ici toutes ces molécules, en notant tout de même que loctréo- tide pourrait être en quelque sorte la première thérapie ciblée (ciblant ONCOLOGIE Oncologie (2010) 12: 636640 © Springer-Verlag France 2010 DOI 10.1007/s10269-010-1947-y Les cancers digestifs 636

Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

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Page 1: Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

Apport des antiangiogéniqueset des inhibiteurs de mTOR dans le traitementdes tumeurs endocrines digestives

T. Walter1,2, C. Lombard-Bohas1

1Fédération des spécialités digestives, pavillon H, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon,

F-69437 Lyon cedex 03, France2Inserm U865, hôpital Édouard-Herriot, F-69437 Lyon cedex 03, France

Correspondance : [email protected]

Reçu le 10 mai 2010 ; accepté le 6 septembre 2010

The contribution of

antiangiogenic agents and

mTOR inhibitors to the

treatment of endocrine tumours

of the gastro-intestinal tract

Abstract: The traditional cytotoxic

agents are of limited efficacy in the

treatment of well-differentiated

endocrine carcinomas (WDEC) of

the gastrointestinal tract. WDEC

seem to have an extraordinary

tumor vascularization with high

expression of proangiogenic

molecules, such as the vascular

endothelial growth factor, along

with overexpression of certain

tyrosine kinase receptors, such as

the epidermal growth factor

receptor, the insulin growth factor

receptor, and their downstream

signaling pathway components

(PI3K-AKT-mTOR). Then, mole-

cular targeted therapies seem to

be attractive in the treatment of

WDEC. We present here recent

clinical trials with the first two

Phase 3 trials (everolimus or

sunitinib versus placebo), positive

on progression-free survival, in

pancreatic WDEC. To cite thisjournal: Oncologie 12 (2010).

Keywords: Neuroendocrine

tumors – Carcinoid tumor –

Antiangiogenic – mTOR inhibitor

Résumé : La prise en charge théra-

peutique des carcinomes endo-

crines bien différenciés (CEBD)

localement avancés ou métasta-

tiques est complexe, pouvant faire

appel à de nombreuses armes

thérapeutiques (chimiothérapie,

immunothérapie, embolisation

hépatique, radiothérapie méta-

bolique, etc.), mais reste malheu-

reusement limitée et palliative. Les

CEBD présentent la particularité

d’avoir un réseau vasculaire très

dense, associé à l’hyperexpression

de molécules proangiogéniques

dont le vascular endothelial growth

factor (VEGF). Par ailleurs, l’insulin

growth factor receptor (IGF1-R) ou

la perte d’antioncogène (PTEN ou

NF1), impliqués dans le développe-

ment des CEBD, activent la voie

PI3/AKT/mTOR. L’utilisation des

thérapies ciblant l’angiogenèse et

la voie mTOR semble donc attrac-

tive pour le traitement des CEBD.

Cela a été confirmé récemment

pour les CEBD pancréatiques avec

un doublement de la survie sans

progression dans les deux premiè-

res études de phase 3 testant

l’everolimus ou le sunitinib versus

placebo. Pour citer cette revue :Oncologie 12 (2010).

Mots clés : Carcinome endocrine

bien différencié – Antiangio-

génique – Inhibiteur de mTOR

Introduction

Les tumeurs endocrines digestives

(TED) n’échappent pas à l’essor

actuel des thérapies « ciblées »

[1,18], avec l’arrivée des premiers

résultats de phase 3 dans cette

pathologie rare. Avant de présenter

les résultats de ces thérapies ciblant

l’angiogenèse et la voie mTOR

(mammalian target for rapamycin)

dans le traitement des TED, il est

bon de rappeler certaines termino-

logies. Le terme de biothérapie est

parfois employé pour ces molé-

cules, alors qu’il était initialement

utilisé pour l’interféron et les analo-

gues de la somatostatine. Le terme

de thérapie ciblée est généralement

consacré à ces molécules innovan-

tes. Il faut cependant rappeler que si

ces molécules ciblent une voie

particulière d’activation impliquée

dans un modèle tumoral précis,

cette même voie peut être présente

dans les cellules normales avec des

conséquences multiples et que les

inhibiteurs tyrosine-kinase (ITK)

ciblent souvent de multiples récep-

teurs ce qui explique les toxicités

décrites… Le terme ciblé est donc

défini par rapport aux modalités

d’action de la molécule et non à la

spécificité cellules tumorales ver-

sus cellules normales. De plus, de

nombreuses molécules antitumo-

rales ont un effet antiangiogénique,

en inhibant la production du VEGF

(vascular endothelial growth

factor), c’est par exemple le cas de

l’interféron [17], des analoguesde la

somatostatine [15], des inhibiteurs

du récepteur de l’epidermal growth

factor (EGFR) ou des inhibiteurs de

mTOR [15]. Nous ne détaillerons

pas ici toutes ces molécules, en

notant tout de même que l’octréo-

tide pourrait être en quelque sorte

la première thérapie ciblée (ciblant

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Oncologie (2010) 12: 636–640© Springer-Verlag France 2010DOI 10.1007/s10269-010-1947-y

Les cancers digestifs636

Page 2: Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

les récepteurs de la somatostatine)

ayant une activité antitumorale,

récemment démontrée dans une

phase 3 versus placebo, dans

les carcinomes endocrines bien

différenciés (CEBD) de l’intestin

moyen avec une faible masse

tumorale [12].

Thérapies ciblant

l’angiogenèse

Les TED sont des tumeurs hyper-

vascularisées. Il est donc logique

de suspecter l’existence d’un pro-

cessus angiogénique actif associé.

Cependant, les mécanismes de ce

processus et ses spécificités sont

encore très mal connus. Deux

processus d’angiogenèse semblent

coexister :

• un processus spécifique repro-

duisant les propriétés angiogé-

niques des cellules endocrines

normales, actif dans les tumeurs

bien différenciées ;

• un processus non spécifique,

comparable à celui existant dans

d’autres modèles tumoraux,

secondaire à l’hypoxie ou aux

altérations génétiques, principale-

ment actif dans les tumeurs les

moins différenciées, directement

impliqué dans la progression

tumorale.

Les molécules ciblant l’angioge-

nèse pourraient permettre de lutter

contre la néovascularisation anar-

chique des tumeurs en évolution

et restaurer l’hypervascularisation

constitutionnelle des TED bien dif-

férenciées. Il existe actuellement

de nombreuses molécules en

cours d’évaluation clinique. Elles

peuvent être divisées en trois

groupes :

• les substances ciblant le VEGF,

comme les anticorpsmonoclonaux

anti-VEGF (bevacizumab) ou plus

récemment, les VEGF-trap ;

• les petites molécules inhibant

des domaines tyrosine-kinase

(ITK) intracellulaires des récep-

teurs de facteur de croissance de

l’angiogenèse, comme le sunitinib,

le sorafenib, le pazopanib ;

• d’autres molécules inhibant

différentes voies de signalisation

intracellulaires interagissant avec

l’angiogenèse, comme les récep-

teurs EGFR, les récepteurs de

l’insulin-like growth factor 1

(IGF1-R), la phosphoinositides-

3-kinase (Pi3-kinase), RAC-alpha

sérine/thréonine-protéine kinase

(AKT) et mTOR.

Nous développerons les deux

molécules les plus avancées dans

leur développement du traitement

des CEBD : le bevacizumab et le

sunitinib.

Bevacizumab

L’hypervascularisation constitu-

tionnelle deces tumeurs a d’emblée

fait porter les espoirs des cliniciens

sur les antiangiogéniques purs, de

type bevacizumab. Les principales

études testant le bevacizumab

sont résumées dans le Tableau 1.

Une première phase 2 présentée

par Yao et al. a comparé, chez

44 patients atteints de tumeurs

carcinoïdes métastatiques ou non

résécables, un traitement par

bevacizumab en monothérapie

(15 mg/kg par trois semaines) à de

l’interféron pégylé (0,5 μg/kg par

semaine) [20]. Le taux de survie

sans progression après 18 semai-

nes de traitement était de 95 %

dans le groupe de patients recevant

le bevacizumab contre 67% dans le

bras interféron pégylé. Dans cette

étude, une évaluation fonctionnelle

de l’activité antiangiogénique par

tomodensitométrie de perfusion

montrait une réduction rapide, dès

le deuxième jour, du flux (–49 %) et

du volume sanguin (–44 %) dans le

bras bevacizumab uniquement.

Cette diminution était corrélée à la

survie sans progression [20]. Sur

ces résultats encourageants, un

essai de phase 3 a débuté sur le

continent nord-américain, rando-

misant l’octréotide + bevacizumab

versus interféron chez des patients

ayant unCEBDdu tubedigestif avec

la survie sans progression comme

critère principal (www.clinicaltrials.

gov).

Nous ne disposons à ce jour que

de peu de données dans les CEBD

pancréatiques. L’expérience de

l’utilisation du bevacizumab dans

les autres tumeurs solides montre

que l’association d’une chimiothé-

rapie au bevacizumab augmente

significativement son efficacité,

alors que cette molécule a peu

d’activité en monothérapie. L’asso-

ciation témozolomide et bevaci-

zumab a permis dans une phase

2 d’obtenir respectivement 24 et

0 % de réponses objectives pour

les patients ayant unCEBDpancréa-

tique (n = 17) ou du tube digestif

(n = 12) [7]. Des résultats très préli-

minaires de deux études de phases

1–2 évaluant des associations de

fluoropyrimidine, d’oxaliplatine et

de bevacizumab ont été présentés

sous forme d’abstract à l’ASCO, en

2008 [8,14]. Il est cependant difficile

dans ces études de faibles effectifs

de savoir quel est l’apport réel du

bevacizumab par rapport à la chi-

miothérapie. En France, une étude

de phase 2 a étudié l’association

capécitabine–bevacizumab pour les

CEBD du tube digestif et l’associa-

tion streptozotocine–fluoro-uracile–

bevacizumab pour les CEBD pan-

créatiques. L’analyse préliminaire

de la toxicité montre un profil habi-

tuel et les résultats d’efficacité sont

en attente [9]. Il est donc encore

beaucoup trop prématuré d’affir-

mer l’impact réel du bevacizumab

dans l’histoire naturelle de ces

tumeurs et de le proposer hors

essais thérapeutiques.

Inhibiteurs multikinases

Trois ITK ciblant VEGFR, mais

également d’autres cibles, ont été

proposés dans le traitement des

TED (Tableau 1). Le premier essai

de phase 2 rapporté a testé l’effica-

cité du sorafenib (inhibiteur VEGFR-

1, -2, -3, PDGFR, c-Kit et BRAF) à la

dosede400mg×2/j chez93patientsayant une TED (43 tumeurs pan-

créatiques et 50 « carcinoïdes »).

Le taux de réponse partielle était

de 9 %, au prix d’une toxicité rédhi-

bitoire (43 % de toxicité de grade

3/4) [4] conduisant à l’interruption

du développement du sorafenib

dans cette indication.

Le sunitinib, deuxième inhibi-

teur multicible testé (VEGFR-1, -2,

-3, PDGFR, c-Kit, RET et Flt-3), avait

permis en phase 1 d’obtenir deux

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Page 3: Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

réponses objectives dans les TED

[3]. Une phase 2 a évalué la molé-

cule chez 107 patients ayant un

CEBD [6]. Les taux de réponses

objectives étaient plus élevés pour

les tumeurs pancréatiques. Le sta-

tut progressif à l’inclusion des

patients n’était pas connu. Le déve-

loppement du produit s’est pour-

suivi par une étude de phase

3 randomisant le sunitinib (dose ini-

tiale à 37,5 mg/j en continu) versus

placebo chez des patients porteurs

de CEBD du pancréas progressifs

dans les 12 mois précédant l’inclu-

sion, non accessibles à un traite-

ment curatif [10]. L’étude a été

interrompue au terme de l’analyse

intermédiaire. Trente pour cent des

patients étaient en première ligne

thérapeutique. La survie sans

progression était doublée dans le

bras sunitinib (11,1 versus

5,5 mois ; HR = 0,34 ; IC = 0,24–

0,65 ; p < 0,001). La survie globale

était également significativement

différente avec 92,6 versus 85,2 %

de patients en vie à six mois

(p = 0,02). À noter un taux de

60 % de stabilisation dans le bras

placebo dans cette étude dans

laquelle tous les patients étaient

pourtant progressifs à l’inclusion.

L’effet bénéfique du sunitinib était

observé dans tous les sous-

groupes de l’étude (patients naïfs

de chimiothérapie ou non, sous

analogue de la somatostatine ou

non, tumeurs fonctionnelles ou

non). La toxicité de sunitinib était

habituelle, non négligeable, mais

gérable (Tableau 2). La qualité de

vie n’était pas altérée (ni améliorée)

par le sunitinib [16].

Thérapies ciblant mTOR

Deux inhibiteurs de mTOR ont fait

l’objet d’essais cliniques dans les

TED (Tableau 1). La première

phase 2 testant un inhibiteur de

mTOR a été publiée par Durán

et al. en 2006 avec le temsirolimus

(25 mg par semaine en intravei-

neux) [2]. Le développement de

l’everolimus est plus abouti avec

des résultats à la fois en termes de

contrôle tumoral et de contrôle

antisécrétoire (insulinomes [5])

justifiant la poursuite de son déve-

loppement en phase 3. Dans une

première étude pivotale de phase 2,

Yaoetal.ont rapporté l’utilisationde

l’everolimus associé à l’octréotide

retard, chez 60 patients atteints

de CEBD dont 39 en progression à

l’inclusion, avec deux paliers de

dose successifs [21] : la réponse

objective était de 30 % chez les

30 patients traités à la dose de

10mg versus 13% pour les patients

traités à 5 mg. Les taux de stabilisa-

tionétaientimportantsdanslesdeux

groupes avec une survie sans pro-

gression médiane de 63 semaines

pour les tumeurs carcinoïdes et de

50 semaines pour les tumeurs

pancréatiques. Cette étude a permis

de définir la dose d’everolimus pour

les études RADIANT I, II et III.

Tableau 1. Résultats des principales études de phases 2 et 3 sur les molécules ciblant l’angiogenèse et mTOR

Molécules/phase Typede CEBD, n

Réponseobjective (%)

Maladiestable (%)

Survie sansprogression (mois)

Référence

BevacizumabBevacizumab versusInterféron pégylé, 2

44 TED NP 185

7768

À 4,1 mois : 95 %67 %

[20]

Témozolomide–bevacizumab, 2 17 TEP12 TED NP

240

NDND

ND [7]

Folfox–bevacizumab, 1–2 6 TEP6 TED NP

6020

8040

NDND

[8]

Inhibiteur tyrosine-kinaseSunitinib, 2 66 TEP

41 TED NP172

6883

7,710,2

[6]

Sorafenib, 2 43 TEP50 TED NP

117

NDND

À six mois : 60 %40 %

[4]

Pazopanib, 2 30 TEP20 TED NP

190

6970

11,712,7

[11]

Sunitinib versusplacebo, 3a

86 TEP85 TEP

90

6360

11,15,5

[10]

Inhibiteurs de m-TORTemsirolimus, 2a 15 TEP

21 TED NP75

6057

10,66,0

[2]

Everolimus, 2 30 TEP30 TED NP

2717

2370

11,514,5

[21]

Everolimus, 2a

Everolimus + octéotide115 TEP45 TEP

84

6978

9,312,9

[19]

Everolimus versusPlacebo, 3a

207 TEP203 TEP

NDND

NDND

11,04,6

[22]

CEBD : carcinome endocrine bien différencié ; n : nombre de patients ; ND : non disponible ; TED NP : tumeur endocrine du tubedigestive non pancréatique appelé souvent « carcinoïde » (comprend ici également des tumeurs du poumons et du thymus) ;TEP : tumeur endocrine pancréatique ; béva : bevacizumab.a Études où l’ensemble des patients avait une maladie progressive à l’inclusion.

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Page 4: Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

L’étude RADIANT I était un essai de

phase 2 internationale multicen-

trique étudiant l’effet de l’evero-

limus (10 mg/j) chez des patients

porteurs d’un CEBD pancréatique

métastatique en progression après

chimiothérapie [19]. Cet essai com-

prenait deux bras : avec ou sans

octréotide LP30 mg/28j, permettant

d’inclure les patients qui étaient

antérieurement sous analogue de

la somatostatine retard. Quarante-

cinq patients ont été traités par

l’association everolimus–octréotide

et 115 patients ont reçu l’everolimus

enmonothérapie : 77%des patients

du groupe everolimus monothé-

rapie et 82%des patients du groupe

everolimus–octréotide ont béné-

ficié d’un contrôle tumoral ; la

survie sans progression était dans

ces deux groupes, respectivement,

de 9,3 et 12,9 mois, et la survie

globalede24,9moisdans legroupe

everolimus et encore non atteinte

au moment de la publication dans

le groupe everolimus–octréotide.

Dans cette étude, la réponsebiochi-

mique (définie commeune diminu-

tionde chromogranineAdeplusde

30 %) évaluée à quatre semaines

était significativement associée à

une meilleure survie sans progres-

sion.Récemment,ontété rapportés

les premiers résultats concernant

l’étude de phase 3 (RADIANT III)

[22]. Elle randomisait l’evero-

limus (10 mg/j) au placebo chez

410 patients porteurs de CEBD du

pancréasavancésoumétastatiques

et documentés progressifs dans

les 12 mois précédant l’inclusion.

La survie sans progression était de

11,0 mois dans le bras everolimus

versus 4,6 mois dans le bras pla-

cebo (HR = 0,35 ; IC = 0,27–0,45 ;

p < 0,001). La survie globale était

superposable dans les deux

groupes (HR = 1,05 ; IC = 0,71–1,55).

La deuxième étude de phase 3

(RADIANTII),quirandomisel’evero-

limus(10mg/j)auplacebo,associéà

de l’octréotideLP30mg/28j chez390

patients atteints de CEBD du tube

digestif (« carcinoïdes ») avancés

ou métastatiques sera présentée

avant la finde l’année2010.D’autres

études dephases 1–2 avec l’everoli-

mus sont en cours, notamment en

association avec le témozolomide

pour les CEBD pancréatiques ou le

pasiréotide pour les CEBD du tube

digestif (www.clinicaltrials.gov). Le

profil de tolérance de l’everolimus

est tout à fait acceptable et est

rapporté dans le Tableau 2 pour

l’étude RADIANT I [19].

Conclusion

Au total, l’utilisation des thérapies

moléculaires ciblées en mono-

thérapie ou associées à une chimio-

thérapiepour le bevacizumabest en

plein essor dans les CEBD-GEP. Les

premiers résultats positifs concer-

nant le sunitinib et l’everolimus

conduisent à commencer à propo-

ser l’utilisation de ces molécules

dans un cadre très strict :

• pour les CEBD pancréatiques,

groupe 2 de l’OMS [13] ;

• pour une maladie localement

avancée ou métastatique sans

recours possible à un autre traite-

ment potentiellement efficace ;

• en cas demaladie progressive ou

plus rarement de syndrome fonc-

tionnel non contrôlable (exemple

de l’everolimus pour contrôler un

insulinome) ;

Tableau 2. Effets indésirables de l’everolimus en monothérapie dans l’étude de phase 2, RADIANT I [19] et du sunitinibdans l’étude de phase 3 [10] chez des patients ayant un CEBD du pancréas

Everolimus, n = 115 Sunitinib, n = 83

Tous grades Grade 3/4 Tous grades Grade 3/4

Stomatite (%) 45 4 22 NDRash cutané (%) 40 1 19 NDAphte (%) 17 0 ND NDPrurit (%) 12 0 ND NDSyndrome mains–pied (%) ND ND 23 NDDépigmentation des cheveux (%) ND ND 29 6Fatigue (%) 31 4 33 5Amaigrissement (%) 15 0 17 NDAnorexie (%) 13 1 22 NDNausée (%) 30 1 45 NDVomissement (%) 17 0 39 0Diarrhée (%) 39 4 59 5Céphalée (%) 22 0 16 NDHypertension artérielle (%) ND ND 27 10Œdèmes périphériques (%) 15 0 ND NDDyspnée (%) 7 2 ND NDNeutropénie (%) 7 4 29 12Anémie (%) 13 4 ND NDThrombopénie (%) 8 3 19 5Hyperglycémie (%) 13 4 ND NDHypoglycémie (%) ND ND ND 5

ND : non disponible.

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Page 5: Apport des antiangiogéniques et des inhibiteurs de mTOR dans le traitement des tumeurs endocrines digestives

• et validée dans le cadre de

concertations pluridisciplinaires

intégrées dans le réseau de prise

en charge de ces tumeurs.

L’everolimus et le sunitinib

pourraient être les deux premières

molécules à bénéficier d’une AMM.

D’autres études prospectives de

phase 3 sont maintenant nécessai-

res pour préciser leur place dans la

stratégie thérapeutique par rapport

aux traitements disponibles

(notamment la chimiothérapie

pour les CEBD du pancréas). Le

challenge sera également de trou-

ver rapidement non seulement des

facteurs d’évaluation précoces de

réponses (biologiques ou morpho-

logiques), mais surtout des facteurs

prédictifs de réponse à ces nou-

velles molécules. Cela passera par

une meilleure compréhension des

mécanismes moléculaires et des

voies de signalisations impliquées

dans la genèse des CEBD-GEP. Il

faut souligner enfin l’intérêt majeur

d’inclure ces patients porteurs de

pathologie rare, avec des profils

évolutifs très variés, dans des

essais thérapeutiques prospectifs

testant ces nouvelles molécules et

les stratégies de traitement.

Déclaration de conflit d’intérêt :

les auteurs déclarent ne pas avoir

de conflit d’intérêt.

Références

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