Après Le Brexit, Juillet 2016

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  • 7/25/2019 Aprs Le Brexit, Juillet 2016

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    Aprs le Brexit, quelle

    rupture en Europe ?

    Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak

    Juillet 2016

    www.atterres.org

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    LEurope se meurt, lEurope est morte... Une nouvelle fois, la tenue dunrfrendum, en loccurrence au Royaume-Uni, montre quel pointlUnion Europenne est devenue impopulaire pour les peuples des paysmembres. Le dpart du Royaume-Uni survient aprs la crise des dettesdes pays du Sud, la crise grecque, lchec des politiques daustrit et de

    rformes structurelles en mme temps que la crise des migrants. De toutevidence, il faut changer lEurope, en repenser en profondeur tant lecadre institutionnel que les politiques menes.

    Selon nous, cela demande en priorit un tournant vers une autre politiquetourne vers le plein emploi, la rduction concerte des dsquilibresentre pays, une mise en cause de la domination de la finance surlconomie, une politique industrielle active organisant la transitioncologique, lharmonisation vers le haut des systmes sociaux nationaux,une harmonisation fiscale mettant fin lvasion fiscale des plus riches etdes firmes multinationales, enfin une dmocratisation des institutionsnationales et europennes redonnant des pouvoirs aux peuples audtriment des technocraties nationales et europennes. Ce nest que dansce cadre que des progrs institutionnels pourront tre raliss et accepts

    par les peuples.

    Pour dautres au contraire, le dpart britannique devrait permettredaccentuer le caractre fdral de la zone euro et daller vers une Union

    politique, cela sans consulter les peuples puisque ceux-ci rpondentmaintenant Non toutes les questions concernant la constructioneuropenne, cela sans changer les politiques suivies. Aussi les peuplesdevront-ils tre vigilants ; lavenir de lEurope dpendra des rapports deforce.

    Un Rexit plutt quun Lexit .

    Le 23 juin, les Britanniques ont dcid que leur pays quittait lUnioneuropenne. Cest un choix dmocratique, quil faut respecter.Cependant, les motivations des votes taient diverses. Le Remain conservateur, tait un Oui une participation britannique limite unmarch unique par les concessions obtenues par le gouvernement deDavid Cameron le 19 fvrier Bruxelles ; le Remain travailliste un

    Oui lespoir dune Europe sociale renforce, qui garantisse les droitssociaux des salaris britanniques. Le Brexit mlangeait le dsir desBritanniques de retrouver leur pleine souverainet et de prserver leuridentit nationale, par le rejet de limmigration, le refus de la solidaritavec les pays europens les plus pauvres, avec des arguments souventdinspiration librale contre la social-bureaucratie impose parBruxelles. Une partie de la gauche du parti travailliste est certes, depuistoujours, contre lintgration dans une Europe librale, mais on ne lagure entendue dans la campagne. Cest finalement un Rexit, une sortieavec des arguments ractionnaires, contre la solidarit entre peuples,

    contre lharmonisation fiscale, sociale, rglementaire, et non un Lexit,

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    une sortie pour mener une politique plus sociale, plus favorable auxtravailleurs, plus solidaire.

    Cette sortie est paradoxale dans la mesure o le Royaume-Uni staitabstrait dune grande partie des contraintes europennes : la monnaie

    unique, le Pacte de stabilit et de croissance, le Trait budgtaire, maisaussi la Charte des droits fondamentaux, et quil avait t le premier ouvrir ses frontires aux travailleurs des nouveaux pays membres. Elleest conforme une vision britannique de lEurope comme une zoneouverte de libre-change, sans transferts financiers, ni harmonisationfiscale ou sociale, sans union politique. Le Brexit est aussi conforme latradition parlementariste britannique qui ne pouvait qutre heurte dufonctionnement autoritaire et anti-dmocratique de lUE.

    La campagne des partisans du maintien dans lUE a reposprincipalement sur la peur de limpact conomique du saut dans

    linconnu . Le Trsor britannique, puis les institutions internationales(OCDE, FMI) avaient publi des scnarios noirs, imaginant une fortecontraction des changes britanniques et une disparition de lattractiv itdu Royaume-Uni pour les entreprises multinationales et les financiers,aboutissant des pertes importantes de niveau de vie des britanniques.Selon le Trsor britannique, les mnages britanniques seraient plus

    pauvres de 4300 livres par an lhorizon2030, soit une perte de 6,2 % dePIB. Mais les Britanniques ny ont gure cru, se souvenant des scnariosalarmistes du dbut des annes 1990, lorsque le Royaume-Uni a fait lechoix de ne pas entrer dans la zone euro. Ceux-ci annonaient alors un

    affaiblissement de lconomie britannique, des pertes dactivit pour laCity... Or, force est de constater que la croissance britannique a tnettement plus forte que celle de la zone euro depuis lintroduction deleuro, et que le rle de la City sest accru.

    Selon certains partisans du Brexit, le dpart de lUE permettrait unchoc fabuleux de drglementation qui boosterait la comptitivit

    britannique. Cest peu probable compte tenu de la drglementation djen place au Royaume-Uni, en particulier quant au droit du travail, desengagements internationaux du Royaume-Uni (les accords de la COP21,ceux sur la lutte contre loptimisation fiscale, ceux sur lchange

    international dinformations fiscales et bancaires), et surtout desrticences des Britanniques eux-mmes de nouvelles mises en cause deleur tat-providence : des partisans du Brexit prtendaient dailleursutiliser les conomies sur les transferts europens que le Brexit aurait

    permis selon eux pour mieux financer le systme de sant britannique(NHS).

    Le paradoxe est que les classes populaires britanniques ont vot contreune UE qui ne les a pas protges de la pauprisation induite par ladsindustrialisation, la mondialisation, la baisse des dpenses publiqueset sociales, la prcarisation des emplois, alors mme que la plupart des

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    partisans du Brexit prsentaient un programme libral qui accentueraitcette volution.

    Mais largument le plus fort reposait sur le refus de voir latechnocratie europenne dicter sa loi au Royaume-Uni, sur la volont de

    raffirmer la souverainet politique britannique pour des questionsintrieures qui ne concernent que les Britanniques, de raffirmer aussi lasouverainet britannique en matire de politique trangre (le Royaume-Uni veut continuer jouer un rle spcifique au Conseil de scurit, auFMI, dans les ngociations internationales et refuse dy tre

    progressivement remplac par la Commission europenne comme celle -ci le rclame). Largument reposait sur la nostalgie du rle imprial duRoyaume-Uni, mais aussi sur le refus dune immigration jugeincontrle, non tant pour des raisons conomiques, mais pour desraisons surtout de maintien du mode de vie britannique.

    Certains prconisent que lEurope adopte une attitude dure, visant punir Londres pour faire un exemple et dcourager les futurs candidats la sortie. LEurope imposerait au Royaume-Uni de rengocierlensemble des traits commerciaux en partant des seules rgles delOMC, inciterait les entreprises multinationales relocaliser dans lUEleurs usines et siges sociaux, fermerait laccs du march europen aux

    banques britanniques de faon rapatrier Paris ou Francfort lactivitbancaire et financire de la zone euro. Mais il faudrait que lEurope,favorable la libre circulation des marchandises, des services, des

    personnes, des entreprises, se mette dresser des obstacles contre le

    Royaume-Uni. En sens inverse, Londres pourrait jouer la carte du paradisfiscal et rglementaire, carte quil avait dj commenc jouer enannonant une baisse de 20 % 17% de son taux de lIS. LEurope devraalors choisir entre deux stratgies. Il serait catastrophique de se lancerdans la concurrence avec le Royaume-Uni ; les milieux financiers

    proposent dj de revoir nos rglementations et notre fiscalit pour attireren France les investisseurs internationaux financiers, comme si nousavions effectivement besoin deux, comme si lobjectif tait plus despculation en France.

    Nous sommes au contraire partisans dun tournant profond dans la

    stratgie europenne, pour protger la capacit des pays europens choisir leur modle conomique et social : lutter contre le dumpingsocial, rtablir les barrires ncessaires pour viter les transferts de

    profits dans les pays bas taux dimposition de sorte que les profitsraliss dans un pays y soient bien taxs, limiter laccs aux marchs

    bancaires et financiers europens aux institutions qui respectent lesnormes europennes (qui devraient tre durcies), aller jusquau bout ducombat pour imposer toutes les institutions financires lobligation dedclaration des avoirs des non-rsidents au fisc de leur pays.

    Mais deux questions de fond restent ouvertes. Quelles sont lessouverainets nationales qui doivent tre respectes et quelles sont celles

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    que les peuples doivent volontairement abandonner, par exemple enmatire de lutte contre le changement climatique, de normes cologiquesou sanitaires, dharmonisation fiscale et sociale?

    Comment dcider des normes du commerce international ? Lvolution

    en cours (des traits bilatraux signs sous la pression des lobbys sansconsulter les peuples) est dangereuse. Comment mettre en place unmultilatralisme ouvert, soucieux de normes sanitaires, sociales etcologiques ?

    Quelle Europe ?

    LUnion europenne, et tout particulirement la zone euro, se porte mal.Les dsquilibres entre pays membres se sont accrus avant la crise de

    2008. Aprs celle-ci, la zone euro na pas t capable de mettre en placeune stratgie coordonne permettant le retour vers un niveau satisfaisantdemploi et la rsorption des dsquilibres entre tats membres. Les

    performances conomiques sont mdiocres pour de nombreux pays de lazone euro et catastrophiques pour les pays du Sud. La stratgie mise enuvre depuis 1999, renforce depuis 2010 discipline

    budgtaire/rformes structurelles a un bilan catastrophique sur les plansconomique et social ; elle dpossde les peuples de tout pouvoirdmocratique. Cest encore plus vrai pour les pays qui ont bnfici de lassistance de la Troka (Grce, Portugal, Irlande) ou de la BCE

    (Italie, Espagne)une mise sous tutelle mortifre en ralit. En 2015, leplan Juncker destin relancer linvestissement, a marqu un certaintournant, mais celui-ci demeure timide et mal assum : il nesaccompagne pas dune rflexion sur la stratgie macroconomique etstructurelle. Par ailleurs lEurope nest pas un pays. Il existe entre lesmembres de lUE des divergences importantes dintrts, de situation, dedynamisme dmographique, dinstitutions, didologies qui rendent tout

    progrs difficile. Comment faire converger vers une Europe sociale ouune Europe fiscale des pays dont les peuples sont attachs des systmesstructurellement diffrents ? Cela dautant plus quaujourdhui, compte

    tenu des rapports de force, la convergence, sous lgide duneCommission et dun Conseil tels quils sont actuellement, se ferait vers lebas. LEurope aurait besoin dune stratgie conomique et sociale forte,mais celle-ci ne peut pas tre aujourdhui dcide collectivement enEurope tant quun rapport de force satisfaisant naura pas t tabli.

    Ce marasme a deux causes fondamentales. La premire concernelensemble des pays dvelopps. La mondialisation creuse un foss

    profond entre ceux qui y gagnent et ceux qui y perdent. Les ingalits derevenus et de statuts saccroissent. La part des emplois prcaires et mal

    pays augmente. Les classes populaires sont les victimes directes de la

    stratgie des entreprises daller produire dans des pays bas salaires (quece soient les pays asiatiques ou les pays dEurope centrale et orientale)

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    ou dutiliser des travailleurs dtachs bas cot. On leur demandedaccepter des baisses de salaires, de prestations sociales, de droits dutravail. Dans cette situation, les lites et les classes dirigeantes peuventtre ouvertes, mondialistes et pro-europennes tandis que le peuple est

    protectionniste et nationaliste. Cest le mme phnomne qui explique lapousse du Front National de lAFD, de lUKIP, et aussi aux tats-Unisde Donald Trump chez les Rpublicains.

    LEurope est actuellement gre par un fdralisme libral ettechnocratique, qui veut imposer aux peuples des politiques ou desrformes que ceux-ci refusent, pour des raisons, parfois discutables,

    parfois contradictoires, mais souvent lgitimes. LEurope, telle quelleest actuellement, affaiblit les solidarits et cohsions nationales, ne

    permet pas aux pays de choisir des stratgies spcifiques, que rendncessaires la disparit des situations des tats membres. Dans une telle

    situation, le retour la souverainet nationale est une tentation logique.Ainsi, tout vote populaire est un vote contre lUnion europenne. Enmme temps, la dstabilisation des classes populaires sous leffet de ladsindustrialisation, de la prcarisation, fait quune alternative conduite

    par les forces progressistes a du mal apparatre en Europe.

    Le dpart du Royaume-Uni, farouche partisan du libralismeconomique, hostile toute augmentation du budget europen, toutaccroissement des pouvoirs des institutions europennes, et lEuropesociale, pourrait modifier la donne dans les dbats europens, maiscertains pays dEurope centrale et orientale, les Pays-Bas et lAllemagne,

    ont toujours eu la mme position que le Royaume-Uni. Certes, le dpartde Jonathan Hill du poste de Commissaire la rgulation financire estune bonne nouvelle. Mais les classes dirigeantes, les milieux daffaires,les institutions financires se sont toujours opposs tout progrs de largulation conomique (que lon pense par exemple aux dbats sur lasparation des banques de dpt et des banques daffaires ou sur lataxation des transactions financires). Le Brexit ne suffira pas, lui seul,sans modification du rapport de force, provoquer un tournant dans les

    politiques europennes. Mais le dbat est ouvert, comment faire voluerlEurope ? Le dbat se pose sur deux plans, le cadre institutionnel et les

    politiques menes.

    Quelles politiques ?

    En la matire, les choses sont relativement claires. Deux stratgies sontpossibles.

    La premire serait de poursuivre et accentuer la politique actuelle. Celaconsiste imposer aux peuples des politiques daustrit budgtaire, de

    baisse des dpenses publiques et sociales, de baisse aussi des impts surles plus riches et les entreprises ; et en parallle mettre en uvre des

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    politiques de rformes structurelles, cest--dire de libralisation desmarchs des biens et des services, des marchs financiers, des marchsdu travail. Les dettes publiques ne seront pas garanties de sorte que lesmarchs financiers se verront confier la tche de contrler les politiques

    budgtaires. Les pays seront censs lutter pour amliorer leurcomptitivit en faisant pression sur les salaires et les dpenses sociales.Cette stratgie accepte et encourage la croissance des ingalits sociales,les plus riches bnficient de la mondialisation, les plus pauvres ensouffrent ; dautre part, elle induit un dficit permanent de demande quilfaut compenser par des taux dintrt nuls, la hausse de lendettement etles bulles financires, ce qui cre un risque permanan t dinstabilit;enfin, elle nglige la contrainte cologique.

    La seconde consisterait en une rupture franche vers une autre politiquetourne vers le plein emploi et la rduction concerte des dsquilibres

    entre pays. La BCE doit garantir les dettes publiques de tous les paysmembres et maintenir durablement les taux dintrt en dessous du tauxde croissance pour rduire le poids de lendettement public. Elle doitsinscrire dans une politique visant obliger les banques se dtournerdes activits spculatives (en particulier par la taxation des transactionsfinancires) pour financer les activits productives (en particulier la r-industrialisation et la transition cologique). Une nouvelle stratgie decroissance doit sappuyer sur la distribution de salaires et de revenussociaux, sur lharmonisation vers le haut des systmes sociauxnationaux, sur la relance des investissements publics, comme sur une

    politique industrielle active, organisant et finanant le tournant vers uneconomie durable. La lutte contre les ingalits de revenus et de statuts,le tournant cologique, obligent une remise en cause des pouvoirs ausein des entreprises qui ne doivent plus tre gres dans lintrt desactionnaires, mais dans lintrt collectif. La restauration des finances

    publiques passe aussi par la fin de la concurrence fiscale, par la luttecontre les paradis fiscaux et contre lvasion et loptimisation fiscales. Ladmocratisation des institutions nationales et europennes doit redonnerdes pouvoirs aux peuples au dtriment des technocraties nationales eteuropennes.

    La question est donc politique. Comment crer les rapports de force enEurope et dans chaque pays pour engager la rupture ncessaire ? Dbut2016, le Royaume-Uni a mis en question les politiques europennes surdes points quil jugeait cruciaux pour lui et avait obtenu, en grande

    partie, gain de cause. Sa fermet avait pay. Pourquoi la France (etlItalie) nont-elles pas eu une attitude similaire en 2012, par exemple,quand lUnion europenne imposait la signature du Trait budgtaire etla poursuite de la politique daustrit ? Certes, on peut accuser une telleattitude de fragiliser lEurope, mais lEurope serait encore plus fragilise

    par la poursuite des politiques actuelles. Aussi, la France, lItalie,

    lEspagne, le Portugal, la Grce, les forces syndicales doivent refuserclairement la stratgie austrit budgtaire/rformes structurelles et

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    doivent paralyser lEurope tant que la rupture ncessaire naura pas taccomplie. Il faut ouvrir une nouvelle crise en Europe.

    Une Europe deux vitesses ?

    Le dpart du Royaume-Uni, lloignement de fait de certains paysdEurope centrale (Pologne, Hongrie), les rticences du Danemark et dela Sude pourraient pousser passer explicitement une Union deuxvitesses. Beaucoup dintellectuels et de personnalits politiques,nationaux ou europens, pensent que la prsente crise pourrait en treloccasion. LEurope serait explicitement partage en trois cercles. Le

    premier regrouperait les pays de la zone euro qui, tous, accepteraient denouveaux transferts de souverainet et btiraient une union budgtaire,fiscale, sociale et politique pousse. Un deuxime regrouperait les payseuropens qui ne souhaiteraient pas participer cette union. Enfin, ledernier cercle regrouperait les pays lis lEurope par un accord de libre -change (Norvge, Islande, Liechtenstein, Suisse aujourdhui, dautres

    pays et le Royaume-Uni demain).

    Ce projet pose cependant de nombreux problmes. Les institutionseuropennes devraient tre ddoubles entre des institutions zone eurofonctionnant sur le mode fdral et des institutions de lUE continuant fonctionner sur le mode Union des tats membres. Beaucoup de paysactuellement en dehors de la zone euro sont hostiles cette volution qui,

    selon eux, les marginaliserait en membres de seconde zone. Ellecompliquerait encore le fonctionnement de lEurope sil y a un Parlementeuropen et un Parlement de la zone euro, des commissaires zone euro,des transferts financiers zone euro et des transferts UE, etc. Denombreuses questions devraient tre tranches deux ou trois fois (unefois au niveau de la zone euro, une fois au niveau de lUE, une fois auniveau de la zone de libre-change).

    Selon la question, le pays membre pourrait choisir son cercle, on irait vitevers une union la carte. Cela est difficilement compatible avec unedmocratisation de lEurope puisquil faudrait vite un Parlement par

    question.Les membres du troisime cercle seraient eux dans une situation encore

    plus difficile, obligs de se plier des rglementations sur lesquelles ilsnauraient aucun pouvoir.

    Surtout, il ny a pas daccord des peuples europens, mme au sein de lazone euro, pour aller vers une Europe fdrale, avec toutes lesconvergences que cela supposerait. Dans la priode rcente, les cinq

    prsidents et la Commission ont propos de nouveaux pas vers lefdralisme europen : cration dun Comit budgtaire europen,cration de Conseils indpendants de comptitivit, conditionnement deloctroi des fonds structurels au respect de la discipline budgtaire et la

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    ralisation des rformes structurelles, cration dun Trsor europen etdun ministre des finances de la zone euro, volution vers une Unionfinancire, unification partielle des systmes dassurance chmage. Cettevolution renforcerait le pouvoir dorganismes technocratiques audtriment des gouvernements dmocratiquement lus. Il seraitinacceptable quelle soit mise en uvre, comme cest dj le cas en

    partie, sans que les peuples soient consults.

    Certains proposent une union politique o les dcisions seraient prisesdmocratiquement par un gouvernement et un parlement de la zone euro.Mais peut-on imaginer un pouvoir fdral, mme dmocratique, capablede prendre en compte les spcificits nationales dans une Europecompose de pays htrognes ? Peut-on imaginer les dcisionsconcernant le systme de retraite franais prises par un Parlementeuropen ? Ou un ministre des finances de la zone imposant des baisses

    de dpenses sociales aux pays membres (comme la Troka le fait pour laGrce) ? Ou des normes automatiques de dficit public ? Selon nous,compte tenu des disparits actuelles en Europe, les politiquesconomiques doivent tre coordonnes entre pays et non dcides parune autorit centrale.

    Dans les pays les plus avancs, la France en particulier, lobjectif desclasses dirigeantes est clair : utiliser largument de la convergence pouraffaiblir le rle redistributif de la fiscalit (supprimer lISF, diminuer lataxation des revenus du capital), pour rduire les dpenses publiques etsociales, pour affaiblir de droit du travail.

    Il faut combattre la stratgie actuelle de la technocratie europenne et desforces librales : utiliser la crise actuelle pour progresser sans rupturefranche vers une union toujours plus troite . LUE doit vivre avecune contradiction : les souverainets nationales auxquelles les peuplessont attachs doivent tre respectes tant que faire se peut ; lUE doitmettre en uvre une stratgie macroconomique et sociale, forte etcohrente. LUE na pas de sens en elle-mme, elle nen a que si elle meten uvre un projet, afin de dfendre un modle spcifique de socit, lemodle social europen, le faire voluer pour intgrer la transitioncologique mais aussi pour donner plus de pouvoir aux salaris,

    radiquer le chmage de masse, rsoudre les dsquilibres europens defaon concerte et solidaire. Mais il ny a pas daccord en Europe sur lastratgie mener pour atteindre ces objectifs. LUE, incapable de sortirglobalement les pays membres de la rcession, de mettre en uvre unestratgie cohrente face la mondialisation, est devenue impopulaire. Cenest quaprs un changement russi de politiques, quelle pourraretrouver lappui des peuples et que des progrs institutionnels pourronttre mis en uvre.