1
16 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 Paludisme : un grain d’amidon comme vecteur vaccinal Le paludisme touche de 300 millions à 500 millions de personnes dans le monde, et entraîne plus d’un million de décès annuels, principalement de jeunes enfants. S’y ajoute une résis- tance croissante aux insecticides des moustiques vecteurs de Plasmodium, et du parasite aux traitements. Des équipes travaillent au développement de vaccins, avec pour cibles les protéines permettant au parasite de pénétrer les cellules hôtes. Les voies nasale et orale semblent la stratégie d’administration la mieux adaptée aux pays impaludés. Deux laboratoires lillois (1) ont obtenu une protection vaccinale de souris par ingestion d’amidon d’une algue verte, génétiquement modifié comme vecteur de protéines vaccinantes, résultat encou- rageant vers une vaccination pédiatrique dans les pays à risque. Il a été publié on line sur PloS One (2) . Cette originale stratégie antipaludique, développée par le Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/INSERM/Institut Pasteur de Lille/Universités Lille 1 et 2) et l’Unité de glycobiologie structurale et fonc- tionnelle (CNRS/Université Lille 1), a déjà démontré son efficacité en vaccination clas- sique. Elle résulte de la fusion de plusieurs antigènes de Plasmodium murin et humain aux grains d’amidon de Chlamydomonas reinhardtii. Les grains ont été ingérés par les animaux inoculés avec le parasite. On a pu montrer qu’ils étaient significativement protégés par les grains vecteurs. Cet amidon peut être facilement produit en quantité importante, et reste stable durant des mois, même en cas de varia- tions de température. Son coût de pro- duction est très faible. L’amidon de végétaux comestibles pourrait de même être transformé. Les chercheurs lillois évoquent une algue multicellulaire utilisée en Afrique comme complément alimentaire, le maïs, la pomme de terre. Administrés aux enfants de moins de 3 ans, dont le risque de mortalité est majeur, ces végétaux présenteraient un intérêt alimen- taire et vaccinal, permettant de vacciner sans problème de conservation, l’absence d’aiguilles et de seringues supprimant le risque de transmission du VIH. Cette technologie est désormais brevetée. Il reste à tester l’efficacité de différents antigènes de Plasmodium et la faisabilité chez l’Homme, en vérifiant d’éventuels effets secondaires. J.-M. M. (1) Équipes de Stanislas Tomavo, Centre d’in- fection et d’immunité (CNRS/INSERM/Institut Pasteur de Lille/Universités Lille 1 et 2), et de Steven Ball, Unité de glycobiologie structurale et fonctionnelle (CNRS/Université Lille 1). (2) PloS One, 15/12/2010 http://www.plosone.org/article/ info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal. pone.0015424 fants. En France, l’asthme touche environ 3,5 millions de personnes et entraîne chaque année environ 2 000 décès. La plupart des effets dus aux variants géné- tiques sont plus importants si l’asthme apparaît dès l’enfance et rendent compte d’environ un tiers des asthmes infantiles. Mais le risque de développer un asthme dans l’enfance ne peut être prédit à partir de ces seuls gènes, les facteurs d’environne- ment ont un impact important. Caractériser l’interactivité gènes/environnement est un objectif-clé de GABRIEL, pour définir une prévention ciblée. J.-M. M. (1) À large-scale, consortium-based genomewide association study of asthma, Miriam F. Moffatt et coll., pour le consortium GABRIEL (http://www.cng.fr/gabriel), N Engl J Med 2010;23 septembre. Source : CEA Asthme : au moins 6 gènes impliqués Des équipes françaises membres du consortium européen GABRIEL (23 équipes, 19 pays) ont identifié des variants génétiques sur au moins 6 gènes favorisant l’apparition de l’asthme. Leur étude (1) a identifié des gènes capables de signaler au système immunitaire des altérations de la muqueuse et d’activer l’inflammation bronchique. L’étude a comparé 10 000 asthma- tiques et 16 000 sujets sains euro- péens, canadiens et australiens, dont les prélèvements biologiques ont subi une analyse génétique à la Fondation Jean Dausset-CEPH (Centre d’étude du polymorphisme humain, Paris) et au Centre national de génotypage (CNG) du CEA (Commissariat à l’énergie ato- mique) couvrant la totalité du génome, soit 15 milliards de génotypes, étudiés en méta-analyse. Celle-ci, effectuée par l’U 946 (INSERM- Université Paris Diderot), avec les Universités d’Oxford et de Londres, a iden- tifié les variants sur au moins 6 gènes de prédisposition, répartis sur l’ensemble du génome et codant des voies physiologiques différentes alertant le système immunitaire d’altérations de la muqueuse bronchique et activant l’inflammation in situ. Cette étude illustre l’apport de la génétique à la com- préhension de l’hétérogénéité de l’asthme. Enfin, l’étude des gènes qui régulent le taux d’IgE montre pour la première fois que les gènes impliqués dans l’asthme et ces der- niers ne sont pas les mêmes, l’allergie pré- sente dans certains asthmes semblant plus une conséquence qu’une cause d’asthme. Maladie hétérogène, l’asthme associe ter- rain génétique et exposition à des facteurs d’environnement et de mode de vie. On compterait plus de 300 millions d’asthma- tiques dans le monde, dont 40 % d’en- © Stan Tomavo, CNRS © Stan Tomavo, CNRS © Image en microscopie électronique montrant de l’amidon (manteau blanc) contenant un peptide de Plasmodium (grains d’or noirs) couplé à la GBSS de l’algue verte Chlamydomona.

Asthme : au moins 6 gènes impliqués

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Asthme : au moins 6 gènes impliqués

16 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430

Paludisme : un grain d’amidoncomme vecteur vaccinal

Le paludisme touche de 300 millions à 500 millions de personnes dans le monde, et entraîne plus d’un million de décès annuels, principalement de jeunes enfants. S’y ajoute une résis-tance croissante aux insecticides des moustiques vecteurs de Plasmodium, et du parasite aux traitements.

Des équipes travaillent au développement de vaccins, avec pour cibles les protéines permettant au parasite de pénétrer les cellules hôtes. Les voies nasale et orale semblent la stratégie d’administration la mieux adaptée aux pays impaludés.

Deux laboratoires lillois (1) ont obtenu une protection vaccinale de souris par ingestion d’amidon d’une algue verte, génétiquement modifié comme vecteur de protéines vaccinantes, résultat encou-rageant vers une vaccination pédiatrique dans les pays à risque. Il a été publié on line sur PloS One (2).Cette originale stratégie antipaludique, développée par le Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/INSERM/Institut Pasteur de Lille/Universités Lille 1 et 2) et l’Unité de glycobiologie structurale et fonc-tionnelle (CNRS/Université Lille 1), a déjà démontré son efficacité en vaccination clas-sique. Elle résulte de la fusion de plusieurs antigènes de Plasmodium murin et humain aux grains d’amidon de Chlamydomonas reinhardtii. Les grains ont été ingérés par les animaux inoculés avec le parasite. On a pu montrer qu’ils étaient significativement protégés par les grains vecteurs. Cet amidon peut être facilement produit en quantité importante, et reste stable durant des mois, même en cas de varia-tions de température. Son coût de pro-duction est très faible.

L’amidon de végétaux comestibles pourrait de même être transformé. Les chercheurs lillois évoquent une algue multicellulaire utilisée en Afrique comme complément alimentaire, le maïs, la pomme de terre. Administrés aux enfants de moins de 3 ans, dont le risque de mortalité est majeur, ces végétaux présenteraient un intérêt alimen-taire et vaccinal, permettant de vacciner sans problème de conservation, l’absence d’aiguilles et de seringues supprimant le risque de transmission du VIH.Cette technologie est désormais brevetée. Il reste à tester l’efficacité de différents antigènes de Plasmodium et la faisabilité chez l’Homme, en vérifiant d’éventuels effets secondaires. ■■

J.-M. M.

(1) Équipes de Stanislas Tomavo, Centre d’in-fection et d’immunité (CNRS/INSERM/Institut Pasteur de Lille/Universités Lille 1 et 2), et de Steven Ball, Unité de glycobiologie structurale et fonctionnelle (CNRS/Université Lille 1). (2) PloS One, 15/12/2010 http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0015424

fants. En France, l’asthme touche environ 3,5 millions de personnes et entraîne chaque année environ 2 000 décès.La plupart des effets dus aux variants géné-tiques sont plus importants si l’asthme apparaît dès l’enfance et rendent compte d’environ un tiers des asthmes infantiles. Mais le risque de développer un asthme dans l’enfance ne peut être prédit à partir de ces seuls gènes, les facteurs d’environne-ment ont un impact important. Caractériser l’interactivité gènes/environnement est un objectif-clé de GABRIEL, pour définir une prévention ciblée. ■■

J.-M. M.

(1) À large-scale, consortium-based genomewide association study of asthma, Miriam F. Moffatt et coll., pour le consortium GABRIEL  (http://www.cng.fr/gabriel), N Engl J Med 2010;23 septembre.Source : CEA

Asthme : au moins 6 gènes impliquésDes équipes françaises membres du consortium européen GABRIEL (23 équipes, 19 pays) ont identifié des variants génétiques sur au moins 6 gènes favorisant l’apparition de l’asthme. Leur étude (1) a identifié des gènes capables de signaler au système immunitaire des altérations de la muqueuse et d’activer l’inflammation bronchique.

L’étude a comparé 10 000 asthma-tiques et 16 000 sujets sains euro-péens, canadiens et australiens, dont les prélèvements biologiques ont subi une analyse génétique à la Fondation Jean Dausset-CEPH (Centre d’étude du polymorphisme humain, Paris) et au Centre national de génotypage (CNG) du CEA (Commissariat à l’énergie ato-mique) couvrant la totalité du génome, soit 15 milliards de génotypes, étudiés en méta-analyse.

Celle-ci, effectuée par l’U 946 (INSERM-Université Paris Diderot), avec les Universités d’Oxford et de Londres, a iden-tifié les variants sur au moins 6 gènes de prédisposition, répartis sur l’ensemble du génome et codant des voies physiologiques différentes alertant le système immunitaire d’altérations de la muqueuse bronchique et activant l’inflammation in situ. Cette étude illustre l’apport de la génétique à la com-préhension de l’hétérogénéité de l’asthme.Enfin, l’étude des gènes qui régulent le taux d’IgE montre pour la première fois que les gènes impliqués dans l’asthme et ces der-niers ne sont pas les mêmes, l’allergie pré-sente dans certains asthmes semblant plus une conséquence qu’une cause d’asthme. Maladie hétérogène, l’asthme associe ter-rain génétique et exposition à des facteurs d’environnement et de mode de vie. On compterait plus de 300 millions d’asthma-tiques dans le monde, dont 40 % d’en-

© S

tan

Tom

avo,

CN

RS

© S

tan

Tom

avo,

CN

RS

©

Image en microscopie électronique montrant de l’amidon (manteau blanc) contenant un peptide de Plasmodium (grains d’or noirs) couplé à la GBSS de

l’algue verte Chlamydomona.