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la securite des voyageurs, les transports aPriens avaient &P soumis B une obligation de moyens par la loi de 1929 qui s’est transformee en une obliga- tion de resultats en 1955. On peut retenir de la discussion qui a suivi, I’idPe que la notion de preuve scientifique, frCquemment invoquee par les decideurs ou les juristes, n’a pas de statut epistemologique (R. MacCilchrist), et I’hypothtSe que, face aux menaces pesant sur la Sante des popula- tions ou la conservation de I’environnement, on pour- rait un jour invoquer, dans la perspective d’un droit B la production d’information, une responsabilite cles decideurs qui orientent les programmes de recherche (P. Legrand). Prkiser les problemes Anne Bernard a expose toutes les difficult& que lui paraissaient soulever I’institution de I’expertise dalns les processus de decision face aux risques qui mena- cent I’environnement. Elle a particulierement souligne les probkmes Ii& a la perception de risques caract& rises par I’&endue dans le temps et sur des espaces discontinus de phPnom@nes interdependants dent I’analyse scientifique implique un temps long, peu compatible avec I’urgence des decisions. En matiilre d’environnement, on ne trouve d’ailleurs pas d’expert au sens classique, mais un processus d’expertise elargi par I’implication de divers acteurs * non-institutionnel- lement-autorises * dont la * participation politique n devrait etre un facteur de legitimation. Olivier Godard a souligne sa conviction que le prln- cipe de precaution n’etait pas une solution a I’incelti- tude et aux controverses mais constituait un moy?n de les faire vivre dans le sock%@, de les instituer. IJn premier constat est que le dommage zero, impliquant un dtiournement de ressource, n’est pas generalisable et suppose done une justification specifique ; un autre, que la demarche dite du * scenario du pire * est kminemment contingente de I’imagination des experts. Le veritable impact du principe de prkaution est apparemment d’inverser la charge de la preuve ce qui, si I’on veut sortir de I’illusion positiviste d’une science r&olvant toutes les questions, implique en fait de maintenir une egale distance envers les fWments de preuve qui interviennent k~charge et a decharge. Cela implique deux enjeux : le premier est sans doute de laisser des cornit& scientifiques rechercher des consensus inform& acceptables de faGon relativement abritee du dPbat public et de I’interpellation ; le second d’eviter la capture de ces instances collectives d’expertise par les diffkrents lobbies. L’analyse de Renaud Maccllchrist a principalement port@ sur le statut de la science dans les processus de decision en univers incertain ou controversk II a souligne les enjeux d’une meilleure comprehension de la methode scientifique par les dCcideurs et le public et des interactions qui peuvent exister entre le rationnel et I’irrationnel. Une meilleure legitimation sociale du doute, notamment par un meilleur ensei- gnement de I’histoire et la sociologic des sciences, pourrait ainsi contribuer a diminuer le cotit de I’igno- rance : le monde scientifique doit pouvoir parler de ses doutes sans craindre une perte de cr@dibilit& L’heure tardive n’a permis qu’une seule question sur ce que pourrait donner I’application du principe de prkaution I la probkmatique du changement clima- tique : legitimer les strategies sans regret et les processus de dkision sPquentielle. Atelier 16 - Scenarios nationaux ou kgionaux de d&eloppement durable & I’horizon 20 1 O-2030 President : Raymond van Ermen - Animateur : Arnaud Comolet L’atelier 16 de la Conference internationale de Fontevrault a et@ I’occasion de faire le point sur la situation de la prospective du dPveloppement durable en Europe et en France, grace a la participation dl?s principales Pquipes europeennes et nationales travaillant sur la question. Quels en ont & les princi- paux enseignements ? * En premier lieu, quoique encore peu nombreux, les travaux sur la prospective du d&eloppement durable se caracterisent par leur grande diversite, pour ne pas dire leur h&Srogeneit& Les approches suivies different entre elles selon les objectifs poursuivis, Ies mPthodes et les outils appliqk, les contextes institu- tionnels dans lesquels elles s’inscrivent, les niveaLlx dPcisionnels auxquels elles s’appliquent, les marges cle mano?uvre exploitees dans la conception des scena- rios, les resultats obtenus et leur utilisation finale. De sorte que, m@me si tous ces travaux partagent un objectif commun, I’exploration des futurs possibles du d&eloppement durable, ils n’en demeurent pas moins difficilement comparable% Entre a) les scenarios a forte domlnante m&o ou macrokonomique, s’inscri- vant dans le droit fil de la tradition pr&isionniste (DRI, Institutefor Environmental Studies, BIPE), aux hypotheses plut8t u raisonnables n (scenario * tendanciel *, scenario du x double dividende a, scenario a d’integra- tion *), ax& sur les instruments de pilotage &ono- miques (fiscalit@, internalisation dans le systeme de prix...) et I’innovation technologique, et b) les sdnarios de conception beaucoup plus normative (definition des besoins acceptables du point de vue de la durabi- lit& fixation de niveaux de sur consommation, notion 0 d’espace environnemental a...), d’inspiration &olo- giste, fond& sur de fortes hypotheses relatives au changement de comportement (de consommation et de production notamment) et la recherche d’une plus NSS, 19911. vol 6, n' 3. 57-72

Atelier 16 - Scénarios nationaux ou régionaux de développement durable à l'horizon 2010–2030: Président : Raymond van Ermen - Animateur : Arnaud Comolet

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Page 1: Atelier 16 - Scénarios nationaux ou régionaux de développement durable à l'horizon 2010–2030: Président : Raymond van Ermen - Animateur : Arnaud Comolet

la securite des voyageurs, les transports aPriens avaient &P soumis B une obligation de moyens par la loi de 1929 qui s’est transformee en une obliga- tion de resultats en 1955.

On peut retenir de la discussion qui a suivi, I’idPe que la notion de preuve scientifique, frCquemment invoquee par les decideurs ou les juristes, n’a pas de statut epistemologique (R. MacCilchrist), et I’hypothtSe que, face aux menaces pesant sur la Sante des popula- tions ou la conservation de I’environnement, on pour- rait un jour invoquer, dans la perspective d’un droit B la production d’information, une responsabilite cles decideurs qui orientent les programmes de recherche (P. Legrand).

Prkiser les problemes

Anne Bernard a expose toutes les difficult& que lui paraissaient soulever I’institution de I’expertise dalns les processus de decision face aux risques qui mena- cent I’environnement. Elle a particulierement souligne les probkmes Ii& a la perception de risques caract& rises par I’&endue dans le temps et sur des espaces discontinus de phPnom@nes interdependants dent I’analyse scientifique implique un temps long, peu compatible avec I’urgence des decisions. En matiilre d’environnement, on ne trouve d’ailleurs pas d’expert au sens classique, mais un processus d’expertise elargi par I’implication de divers acteurs * non-institutionnel- lement-autorises * dont la * participation politique n devrait etre un facteur de legitimation.

Olivier Godard a souligne sa conviction que le prln- cipe de precaution n’etait pas une solution a I’incelti- tude et aux controverses mais constituait un moy?n de les faire vivre dans le sock%@, de les instituer. IJn

premier constat est que le dommage zero, impliquant un dtiournement de ressource, n’est pas generalisable et suppose done une justification specifique ; un autre, que la demarche dite du * scenario du pire * est kminemment contingente de I’imagination des experts. Le veritable impact du principe de prkaution est apparemment d’inverser la charge de la preuve ce qui, si I’on veut sortir de I’illusion positiviste d’une science r&olvant toutes les questions, implique en fait de maintenir une egale distance envers les fWments de preuve qui interviennent k~ charge et a decharge. Cela implique deux enjeux : le premier est sans doute de laisser des cornit& scientifiques rechercher des consensus inform& acceptables de faGon relativement abritee du dPbat public et de I’interpellation ; le second d’eviter la capture de ces instances collectives d’expertise par les diffkrents lobbies.

L’analyse de Renaud Maccllchrist a principalement port@ sur le statut de la science dans les processus de decision en univers incertain ou controversk II a souligne les enjeux d’une meilleure comprehension de la methode scientifique par les dCcideurs et le public et des interactions qui peuvent exister entre le rationnel et I’irrationnel. Une meilleure legitimation sociale du doute, notamment par un meilleur ensei- gnement de I’histoire et la sociologic des sciences, pourrait ainsi contribuer a diminuer le cotit de I’igno- rance : le monde scientifique doit pouvoir parler de ses doutes sans craindre une perte de cr@dibilit&

L’heure tardive n’a permis qu’une seule question sur ce que pourrait donner I’application du principe de prkaution I la probkmatique du changement clima- tique : legitimer les strategies sans regret et les processus de dkision sPquentielle.

Atelier 16 - Scenarios nationaux ou kgionaux de d&eloppement durable & I’horizon 20 1 O-2030 President : Raymond van Ermen - Animateur : Arnaud Comolet

L’atelier 16 de la Conference internationale de Fontevrault a et@ I’occasion de faire le point sur la situation de la prospective du dPveloppement durable en Europe et en France, grace a la participation dl?s principales Pquipes europeennes et nationales travaillant sur la question. Quels en ont & les princi- paux enseignements ?

* En premier lieu, quoique encore peu nombreux, les travaux sur la prospective du d&eloppement durable se caracterisent par leur grande diversite, pour ne pas dire leur h&Srogeneit& Les approches suivies different entre elles selon les objectifs poursuivis, Ies mPthodes et les outils appliqk, les contextes institu- tionnels dans lesquels elles s’inscrivent, les niveaLlx dPcisionnels auxquels elles s’appliquent, les marges cle mano?uvre exploitees dans la conception des scena- rios, les resultats obtenus et leur utilisation finale. De sorte que, m@me si tous ces travaux partagent un

objectif commun, I’exploration des futurs possibles du d&eloppement durable, ils n’en demeurent pas moins difficilement comparable% Entre a) les scenarios a forte domlnante m&o ou macrokonomique, s’inscri- vant dans le droit fil de la tradition pr&isionniste (DRI, Institutefor Environmental Studies, BIPE), aux hypotheses plut8t u raisonnables n (scenario * tendanciel *, scenario du x double dividende a, scenario a d’integra- tion *), ax& sur les instruments de pilotage &ono- miques (fiscalit@, internalisation dans le systeme de prix...) et I’innovation technologique, et b) les sdnarios de conception beaucoup plus normative (definition des besoins acceptables du point de vue de la durabi- lit& fixation de niveaux de sur consommation, notion 0 d’espace environnemental a...), d’inspiration &olo- giste, fond& sur de fortes hypotheses relatives au changement de comportement (de consommation et de production notamment) et la recherche d’une plus

NSS, 19911. vol 6, n' 3. 57-72

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grande equite et justice sociales (Wuppertaf institute et

Amis de la Terre), ou encore c) les travaux purement methodologiques ou de modelisation (University of

Kassel), le fosse est grand. * Deuxieme constat : le principal point faible de ces

travaux est leur faible incidence sur les processus de choix politique au niveau le plus eleve. Cela tient sans

doute en partie au manque de receptivite des deci- deurs a I’egard d’un instrument generalement percu

par eux comme davantage au service des chercheurs ou des ~1 conjecturistes * que des politiques, car n’of- frant pas encore suffisamment de garanties de serieux

ni de fiabilite. Cela est particulierement vrai dans un pays comme la France, 00 nos elites n’ont en regle

generale qu’une faible culture prospective. Cette tendance semble se renforcer b une Ppoque ou malheureusement, I’aggravation de la crise aidant, la

gestion des affaires courantes mobilise I’essentiel des efforts actuellement fournis. Mais a trop reduire son horizon temporel au traitement de I’urgence on en

oublie de preparer I’avenir. Si la prospective est bien I’instrument par excellence de la reflexion sur le devenir des societes humaines, il semble assure

qu’elle restera cantonnee a un role de gadget aussi longtemps qu’elle n’arrivera pas a traduire ses outils et resultats (strategies et objectifs concrets) dans un

langage lisible par ceux auxquels elle est en principe destinee. Sur ce point, I’effort de reflexion devrait a

I’avenir porter sur les instruments de I’interface entre prospectivistes et decideurs.

Que dire d’ailleurs de son influence aupres du grand

public 7 Alors que dans la plupart des cas les travaux

de prospective se veulent un instrument participatif au service du dialogue social, force est de constater que

ce dernier y est encore bien trop peu sensibilise. Si la prospective du developpement durable veut cesser un

jour de n’etre qu’un outil de laboratoire, ou de salon, elle se doit d’inventer les instruments de son ouver- ture, de sa democratisation. Mais la ne reside pas le seul probleme.

Plus fondamentalement encore, la prospective du developpement durable ne pourra * perter *, afin d’as-

surer pleinement son role d’appui et d’eclairage de la decision que lorsque seront trees les lieux du debat prospectif (autrement dit un cadre institutionnel

approprie) ainsi que des procedures adaptees pour organiser la participation. Con sait dans quel &at d’abandon se trouve aujourd’hui la planification en

France. C’est pourtant a cette condition que la pros- pective sortira de son cadre purement academique dans lequel elle reste encore trop souvent confinee et

assurera le role qui devrait etre le sien : un outil au service de la decision. De fait, certains outils commen- cent a poindre, ici et la, qui preparent cette ouverture.

* Derniere observation : la question pourtant cruciale des effets redistributifs des scenarios proposes est le plus souvent eludee. On conceit aisement que la ques-

tion soit techniquement difficile a traiter et surtout, tres sensible politiquement : il n’est jamais facile de designer

les perdants d’un scenario. Mais une prospective du developpement durable qui esquiverait la question sociale, en se limitant aux seules spheres economiques

et ecologiques, toumerait indubitablement le dos a une dimension essentielle de la durabilite.

Atelier 17 - Uenvironnement g&&rera-t-il, demain, de nouvelles formes d’activitbs ekonomiques et de nouveaux emplois ? President : R6mi Barre - Animateur : Olivier Lagadec

Une meilleure prise en compte de I’environnement creera-t-elle ou detruira-t-elle des emplois ? Cette

question a ete centrale jusqu’au debut des an&es

1990. Aujourd’hui encore, certains industriels et collec-

tivites locales r&lament une pose dans les mesures

environnementales en arguant que les entreprises et les menages ne peuvent pas faire plus pour I’environ-

nement au risque de destabiliser une situation de

I’emploi deja catastrophique. Pourtant s I’environne-

ment n, sans etre I’eldorado tant promis est reconnu

etre I’un des rares secteurs createurs net de I’emploi.

Les questions qui se posent sont done moins

a combien * d’emplois que * comment * faire emerger de nouvelles activites et des emplois environnement

et de * quels n types d’emplois parle-t-on ?

Catelier s’est articule autour de trois thematiques. Le

premier champs de reflexion s’est attache a montrer les liens entre le developpement durable et I’emploi.

Un deuxieme axe de discussion a porte sur les marges

de manceuvre disponibles pour enrichir en emplois la

croissance des activites environnement. Est-ce

possible ? Est-ce souhaitable ? Un troisieme theme de

discussion a porte sur le theme de la cohesion sociale

et de I’environnement : la prise en compte de I’envi-

ronnement peut-elle etre un facteur de lien social

recree ? De nouvelles formes d’entreprises peuvent- elles emerger ? A quelles conditions ?

Developpement durable et emploi

II y a peu encore, la preoccupation emploi etait relative-

ment peu presente dans les debats theoriques sur le

developpement durable. Plus exactement, I’emploi et la cohesion sociale etaient une des nombreuses compo-

santes du developpement durable sans etre un des