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Attitudes éthiques et perceptions des tactiques non éthiques de la négociation commerciale Houda Zarrad * Doctorante en Marketing École Supérieure de Commerce de Tunis Mohsen DEBABI Professeur des Universités École Supérieure de Commerce de Tunis * Adresse : École Supérieure de Commerce de Tunis, Université de la Manouba, 2010 Tunisie E-mail : [email protected] Téléphone : 00 216 97 317 438

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Attitudes éthiques et perceptions des tactiques non éthiques de la

négociation commerciale

Houda Zarrad*

Doctorante en Marketing

École Supérieure de Commerce de Tunis

Mohsen DEBABI

Professeur des Universités

École Supérieure de Commerce de Tunis

*Adresse : École Supérieure de Commerce de Tunis, Université de la Manouba, 2010 Tunisie

E-mail : [email protected]

Téléphone : 00 216 97 317 438

Attitudes éthiques et perceptions des tactiques non éthiques

de la négociation commerciale

Résumé :

Cette recherche met l’accent sur le raisonnement éthique des négociateurs, le rôle de la

confiance dans la négociation et l'utilisation des tactiques de négociation considérées

généralement comme étant trompeuses.

Les résultats de notre étude effectuée auprès des étudiants ayant poursuivi une formation en

négociation commerciale, indiquent que les caractéristiques individuelles de la personne ont

un impact sur ses attitudes éthiques et que le niveau de confiance est un facteur prédictif de la

probabilité d'utiliser les tactiques non éthiques de négociation. Cette étude fournit des

implications pour le développement des stratégies de négociation capables d'augmenter la

compétitivité des négociateurs.

Mots-clés : orientation éthique, attitudes éthiques, tactiques non éthiques de la négociation,

confiance

Ethical attitudes and perceptions of unethical negotiation tactics

Abstract :

This research focuses on the ethical reasoning of the negotiators, the role of trust in

negotiation, and the use of negotiation tactics regarded as misleading.

The results of our study with a sample of students who were trained in business negotiation,

indicate that individual characteristics have an impact on ethical attitudes and that the level of

trust is a predictor of the likelihood of using unethical negotiation tactics. Thus, trust plays an

important role in the choice of negotiating tactics. This study provides implications for the

development of negotiation strategies that can increase the competitiveness of the negotiators.

Key-words: ethical orientation, ethical attitudes, unethical negotiation tactics, trust

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Attitudes éthiques et perceptions des tactiques non éthiques

de la négociation commerciale

Introduction

Les normes éthiques en matière de négociation sont essentielles pour comprendre la nature du

jeu de négociation (Tsay et Bazerman, 2009). Cependant, un certain nombre d'études ont

évalué la validité perçue des tactiques de négociation (Lewicki et Stark, 1996; Menkel-

Meadow et Wheeler, 2004).

Les années 1990 ont vu un débat actif sur l'éthique de la tromperie dans la négociation.

Certains ont fait valoir que la tromperie est à prévoir dans la négociation et elle est

moralement acceptable (Strudler, 1995). En revanche, d'autres ont soutenu l’idée que la

tromperie est toujours inacceptable au niveau de l’éthique (Dees et Cramton, 1991) et ont

réclamés des standards normatifs de comportement de négociation. Plus récemment,

l'attention s'est déplacée vers une meilleure compréhension de l'éthique dans le contexte de la

négociation (Tenbrunsel, 1998; Tenbrunsel et Messick, 2004).

Lors de la négociation, les acteurs peuvent avoir des normes différentes selon qu'ils

s’engagent dans un comportement non éthique où ils sont la victime de ce comportement

(Babcock et Loewenstein, 1997). De plus, les parties développent ces normes différentielles

sans conscience (Banaji, Bazerman, et Chugh, 2003).

L’éthique est fondée sur une disposition individuelle à agir selon les vertus afin de rechercher

la bonne décision dans une situation donnée (Nillès, 2002). Cependant, les négociateurs

éthiques refusent de demander tout ce qu'ils ne veulent pas vraiment ou ne peuvent pas

vraiment justifier. Ils assument la responsabilité d’une part de faire leurs devoirs et d’autre

part de justifier ce qu'ils veulent (Byrnes, 1987).

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Les contributions de (Messick, 1995, 1996; Messick et Bazerman, 1996) dans le domaine de

l'éthique des affaires se concentrent sur des modèles psychologiques du comportement non

éthique. Ainsi, Gino, Moore et Bazerman (2008) expliquent le processus psychologique par

lequel les individus évaluent le comportement non éthique. Les personnes qui traitent

l'information de cette manière ont tendance à négliger les actes contraires à l'éthique qui sont

dans leur propre intérêt. Par ailleurs, Lewicki, Saunders et Minton (1999) mettent l’accent sur

l'impact de divers facteurs démographiques sur le comportement éthique.

Perry & al. (2005) ont également trouvé que l’âge et le genre étaient significatifs en

expliquant les attitudes morales dans la négociation.

Notre intérêt dans cette recherche consiste à déterminer comment les négociateurs perçoivent

et distinguent les différentes classes des tactiques non éthiques de la négociation

commerciale. Cependant, nous cherchons à montrer si l’orientation éthique (relativisme

et idéalisme) des négociateurs et la confiance influencent les croyances éthiques générales,

et à savoir dans quelle mesure l’âge et le genre affectent l’éthique dans la négociation

commerciale.

1. Orientation éthique – Idéalisme et Relativisme

Les deux caractéristiques individuelles primaires des négociateurs sont l’idéalisme et le

relativisme (Al-Khatiba, Malshea et AbdulKaderb, 2008). Elles ont été également classées

comme orientation éthique de l’individu (Forsyth, 1980). Selon les théories modernes de

l’éthique des affaires (Ferrell et Gresham, 1985 ; Ferrell, Gresham, et Fraedrich, 1989), il est

généralement supposé que les différents individus, face à des situations de décision ayant le

contenu éthique, appliqueront des directives éthiques ou des règles basées sur différentes

philosophies éthiques.

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Généralement ces philosophies éthiques peuvent être classées en deux grandes catégories :

déontologique et téléologique (Murphy et Laczniak, 1981). Ces deux types de philosophies

éthiques ont été distingués par Hunt et Vitell (1992) comme suit : "les théories déontologiques

se concentrent sur les actions ou les comportements spécifiques d'un individu, tandis que les

théories téléologiques mettent l’accent sur les conséquences des actions ou des

comportements''. Hunt et Vitell (1992) décrivent l'évaluation déontologique comme le

processus où on évalue l'exactitude ou l'inexactitude inhérente d'un ensemble évoqué de

solutions de rechange considérées comme lignes de conduite possibles. Cette évaluation

implique de comparer des comportements possibles à un ensemble de normes déontologiques

prédéterminées ou de directives prédéterminées qui représentent des valeurs ou des règles

personnelles du comportement. Si la morale commande au décideur par le biais de sa

conscience et si la déontologie lui indique le sens de son action, l'éthique lui recommande

d'agir d’une manière ou d'une autre en fonction du cadre d'action auquel il se réfère

(Bergadaà, 2004). Au sens littéral, la déontologie est un ensemble de codes de bonne conduite

propres à une profession (Lavorata, 2007). Ce terme, est défini comme "la morale

professionnelle" par Nillès (2001).

Quant à l'évaluation téléologique, les individus évalueront des comportements possibles en

tenant compte : (1) des conséquences perçues de chaque alternative pour différents groupes

d’intervenants, (2) de la probabilité que chaque conséquence se produise à chaque groupe de

parties prenantes , (3) de la désirabilité ou pas de chaque conséquence, et (4) de l'importance

de chaque groupe de parties'' (Hunt et Vitell, 2006).

Le paradigme déontologique / téléologique est semblable aux deux dimensions éthiques

personnelles de la philosophie du concept - idéalisme/relativisme de Forsyth (1980).

Conformément à Hunt et Vitell (2006), celles-ci peuvent également être caractérisées comme

des caractéristiques individuelles. Forsyth (1980) conceptualise le relativisme comme la

4

mesure dans laquelle une personne rejette des règles universelles morales lors de jugements

éthiques. Les personnes relativistes ''rejettent la possibilité de formuler ou de compter sur des

règles universelles morales lors de l'élaboration des conclusions sur des questions éthiques''. Il

s'agit essentiellement d'une perspective téléologique. L'idéalisme est conceptualisée par

Forsyth (1980) comme étant la mesure dans laquelle les individus supposent que les

conséquences souhaitables peuvent, avec une action juste, toujours être obtenus''. Forsyth

(1980) a affirmé que les individus idéalistes adhérent à des absolus moraux lorsque les

jugements sont éthiques. Il s'agit essentiellement d'un point de vue déontologique.

Ainsi, nous utilisons la perspective de Forsyth (1980) et nous définissons le relativisme

comme une caractéristique individuelle du fait qu’une personne rejette la possibilité de

formuler ou de compter sur des règles universelles morales en faisant n’importe quel

jugement. Nous proposons donc les deux hypothèses suivantes :

H1: Les négociateurs montrant un niveau élevé d'idéalisme ont des attitudes éthiques

H2: Les négociateurs montrant un niveau faible du relativisme ont des attitudes éthiques

2. Les tactiques non éthiques de la négociation

Les négociations supposent que les parties ayant des intérêts opposés se réunissent pour

prendre une décision. Robinson, Lewicki et Donahue (2000) notent que, bien que certains

théoriciens considèrent les négociations comme étant coopératives, d'autres décrivent

constamment les négociations comme un processus concurrentiel dans lequel "les

négociateurs cherchent à obtenir quelques avantages opportunistes".

Dans les situations de négociation, pendant que deux parties essayent de conclure un accord,

chacune veut maximiser ses résultats et cela peut la forcer à employer une des tactiques non

éthiques ou malhonnêtes. D'abord, les parties peuvent s'engager dans la négociation

distributive (concurrentielle), dans ce cas elles peuvent exagérer leurs demandes ou bien elles

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cachent leur résultat inférieur par rapport à l'autre partie. En second lieu, les négociateurs

peuvent s'engager dans une tactique plus malhonnête telle que faire des fausses promesses où

le négociateur peut signaler son intention d'exécuter un certain acte sans réellement avoir

l'intention de le suivre. En troisième lieu, les acteurs peuvent mal représenter l'information (ou

déformer l’information). Ils peuvent fausser leurs points de règlement de sorte qu'ils puissent

convaincre l'adversaire de faire plus de concessions. En quatrième lieu, certaines parties

peuvent recourir à attaquer "le réseau" de l'autre partie pour que les membres de ce réseau

joignent leurs équipes. Enfin, les négociateurs peuvent également s'engager dans la tactique

de la collecte de l'information inappropriée en utilisant des mécanismes tels que faire des

paiements illicites pour rassembler des informations "délicates" sur l'adversaire (Lewicki

et Robinson, 1998). Ainsi, (Lewicki et Robinson, 1998; Lewicki et Stark, 1996; Robinson,

Lewicki et Donahue, 2000) ont développé et validé un système de classification à cinq

facteurs (définis ci-dessus) de tactique de négociation. Ces facteurs incluent cinq catégories

ou classes de tactiques non éthiques. Ces catégories de tactiques sont les suivantes : la

négociation compétitive traditionnelle, les fausses promesses, les fausses déclarations de

position/mensonge, l’attaque du réseau adversaire, et la collecte des informations

inappropriées. Ces chercheurs (Lewicki et Robinson, 1998; Lewicki et Stark, 1996;

Robinson, Lewicki et Donahue, 2000) ont aussi évalué l'aspect éthique des différentes

tactiques de la négociation.

Plusieurs recherches suggèrent que les parties acceptent généralement plus les tactiques

traditionnelles de négociation compétitive et acceptent moins les autres catégories de tactiques

(Lewicki et Robinson, 1998; Robinson, Lewicki, et Donahue, 2000).

La recherche indique également que la perception de l'acceptabilité des tactiques non éthiques

varie selon des variables démographiques notamment le genre et l’âge. Bien qu’aucune

différence n’ait été trouvée entre les femmes et les hommes en terme de leur perception de la

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pertinence de la tactique de négociation concurrentielle traditionnelle (la tactique de

négociation la plus acceptable), les chercheurs ont trouvé des différences significatives entre

les femmes et les hommes pour les quatre autres catégories des tactiques non éthiques

(Lewicki et Robinson, 1998). Les hommes acceptent davantage la tactique non éthique de

négociation que les femmes car ces dernières ont tendance à se comporter de manière plus

éthique que les hommes (Perry et al., 2005).

Par ailleurs, plusieurs études ont montré que l’âge peut avoir un impact sur les perceptions des

négociateurs de savoir si le comportement de négociation de la partie en face est éthique. Il a

été démontré, en effet que l’âge mène à différentes perceptions de la tromperie dans la

négociation et affecte ainsi le raisonnement éthique de la personne (Anton, 1990).

Par conséquent, nous proposons les hypothèses suivantes :

H3: Les femmes acceptent moins que les hommes les tactiques non éthiques de la négociation

H4: L’âge de l’individu a une influence sur son attitude éthique : plus l’âge augmente, plus

l’individu montre des attitudes éthiques dans la négociation

3. Importance de la confiance et de l’éthique dans les négociations

L’importance de la confiance dans les négociations a été examinée dans un grand nombre

d'études. Butler (1995) a constaté qu’un niveau élevé de confiance mène à un partage accru

d'informations entre les parties impliquées dans une négociation. Dans une étude postérieure

Butler (1999) a confirmé cette relation et a constaté que le partage de l'information conduit à

la négociation coopérative. Il a également constaté que la confiance entre les parties de la

négociation peut aboutir à des résultats moins complexes et plus efficaces.

La confiance a été également liée aux types de tactiques de négociation utilisées au cours des

négociations (Kimmel & al., 1980). Lorsque les négociateurs anticipent de bons résultats, la

confiance était positivement liée à l'échange d'informations (Kimmel & al., 1980) . C'est à

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dire, des niveaux plus élevés de confiance développent la communication entre les parties

impliquées dans les négociations. (Kimmel & al., 1980) ont constaté que lorsque les hommes

négocient avec un partenaire plus confiant, il y a moins recours à des tactiques visant à faire

pression sur l'autre partie (à savoir : l'utilisation de menaces, l’exigence des engagements

lourds ou l’introduction des questions non pertinentes dans les négociations) pour faire des

concessions.

Friedman (1993) a noté l’évidence que les parties soutiennent les gains mutuels lors des

négociations et place ainsi la confiance en première position dans leur négociation. Ross

et LaCroix (1996) appuient cette idée. (Perry & al., 2005) montrent que le niveau de la

confiance entre les parties impliquées dans la négociation constitue un composant important

dans la mesure où cette confiance influence l'acceptabilité de la tactique de négociation.

Par ailleurs, plusieurs chercheurs tels que (Gewirth, 1982 ; Hosmer, 1995) suggèrent que

l'éthique et la confiance sont étroitement liées lors des négociations commerciales.

L'accent mis sur le rôle de la confiance dans les bonnes relations de travail implique la

nécessité de réfléchir sur le comportement éthique: toute chose étant égale par ailleurs, un

comportement éthique va promouvoir la confiance alors que le comportement non éthique

l’empêchera (Provis, 2000).

Par conséquent, nous supposons que la confiance sera en corrélation positive avec les

croyances éthiques générales et en corrélation négative avec les cinq catégories de tactiques

non éthiques de négociation et nous proposons les hypothèses suivantes:

H5: Les négociateurs ayant un niveau élevé de confiance montrent des attitudes éthiques

favorables

H6: La confiance est liée négativement à l'utilisation des tactiques non éthiques de la

négociation

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5. Méthodologie de recherche

5. 1. Échantillon et collecte de données

Afin de vérifier nos hypothèses de recherche, nous avons mené une étude empirique auprès de

d’un échantillon d’étudiants (N=158) inscrits à l’École Supérieure de Commerce de Tunis.

Les répondants ont été invités à supposer qu'ils sont sur le point d'entrer en négociation pour

une affaire importante. En outre, ils ont été demandés de supposer que l'adversaire est du

même genre que le répondant, que l'adversaire est inconnu pour le répondant, et qu'ils

négocient une affaire commerciale les uns avec les autres. Aucune information sur le contexte

de la négociation qui pourrait influencer les réponses (tels que les propres motivations du

négociateur, les issues spécifiques au cours de la négociation, etc.) n’a été fournie. Les

principales caractéristiques de notre échantillon retenu sont présentées dans le tableau suivant:

Caractéristiques Proportion en % (N=158)

Sexe

Homme

Femme

36,7

63,3

Âge

<20 ans

[20-22]

>22 ans

34,7

49,7

15,6

Spécialités (Études)

Vente et Négociation Commerciale

Distribution et Négociation Commerciale

67,6

32,4

Tableau 1. Principales caractéristiques des sujets participant à l’étude

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5. 2. Mesures des variables

Afin d'obtenir des informations fiables auprès des répondants, des échelles précédemment

établies et validées ont été choisies pour la collecte de données. Mis à part "la rubrique de

variables signalétiques", tous les items ont été mesurés par l’échelle de Likert à 5 points de

"tout à fait d'accord" à "pas du tout d'accord". L'enquête par questionnaire se compose de cinq

sections principales comme suit :

1- Attitudes éthiques (croyances éthiques générales) : Lewicki, Saunders et Minton

(1999) ont identifié quatre théories importantes dans la philosophie pour expliquer le

comportement éthiques démontrées dans des situations de négociation.

Ces théories sont : (1) l'utilitarisme d’acte (ou l'éthique de résultat final), (2) l'utilitarisme de

règle (ou l'éthique de règle), (3) l’éthique de contrat social, et (4) l'éthique personnalisé.

Dans l'enquête, nous demandons aux étudiants d’exprimer leur réaction aux propositions

suivantes relatives aux attitudes éthiques: "Si je crois qu'un but particulier est bon et me rend

heureux, il est acceptable de faire tout ce qui est nécessaire pour atteindre ce but", "Je guide

ma vie par un ensemble de principes moraux et les règles que je pense avoir raison et je tiens

à ces principes indépendamment des conséquences", "Je crois que le bien-fondé de toutes mes

actions est déterminé par les coutumes et les normes de ma communauté", "J'emploie ma

conscience en tant que mon guide primaire pour déterminer si quelque chose est bonne ou

mauvaise". Ces énoncés résument les quatre philosophies éthiques énumérées ci-dessus. Les

réponses des étudiants à ces questions indiquent le degré auquel elles comprennent une ou

plusieurs de ces philosophies.

2- Le questionnaire de la position éthique (EPQ1): Cette échelle a été utilisée pour

mesurer deux caractéristiques de l’individu : l’idéalisme et le relativisme. Elle a été

développée par Forsyth (1980). Elle contient deux échelles, chacune comportant 10 items.

1EQP: Ethical Position Questionnaire

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L'une d'eux est conçue pour mesurer l'idéalisme : l'acceptation des absolus moraux. La

seconde échelle est conçue pour mesurer le relativisme : le rejet des principes moraux

universels.

3 - Tactiques non éthiques de la négociation : L’échelle de mesure de stratégies

inappropriées de négociation (SINS2) a été développée par Robinson, Lewicki et Donahue

(2000) et validée dans plusieurs études antérieures (par exemple Al-Khatib, Malshea,

AbdulKaderb, 2008). Elle permet d'examiner la perception des négociateurs des "stratégies

inappropriées de négociation". L’échelle SINS comporte 16 items.

Robinson, Lewicki et Donahue (2000) ont séparé ces 16 questions en cinq facteurs ou cinq

catégories de la tactique non éthique : (1) négociation concurrentielle traditionnelle, (2)

fausses promesses, (3) fausse déclaration/mensonge, (4) attaque du réseau de l’adversaire, (5)

abus d'information inappropriée

Les répondants ont été invités à indiquer le degré de convenance (pertinence) à chaque item.

4- Le concept de la confiance: C'est la version traduite de l'échelle de Yamagushi

(1986) qu’on a utilisé pour mesurer la prédisposition des négociateurs à faire confiance ou

non à l’autrui. Cette échelle comporte 5 items (dont un est inversé). Ces items sont : "Les

gens n'hésitent pas à mentir si cela peut leur être profitable", "Les personnes dévouées aux

causes des autres sont souvent exploitées", "Il arrive souvent que des projets intéressants ne

soient pas réalisés et ce par la faute des gens qui refusent de coopérer et qui cherchent

seulement à réaliser leurs propres objectifs à court terme", "Les gens sont fondamentalement

honnêtes, "Il y aura certainement plus de gens qui vont arrêter de travailler et profiter du

système d'aide sociale si ce dernier va être amélioré".

5- Genre et Âge : Perry & al. (2005) ont trouvé que le genre et l’âge étaient

significatifs en expliquant les attitudes éthiques.

2SINS: Self-reported Inappropriate Negotiation Strategies Scale

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6. Analyse et interprétation des résultats

Étant donné que nous vérifions des relations de causalité entre des variables dépendantes

et indépendantes, le choix de la méthode statistique de régression linéaire pour les variables

quantitatives et la méthode d’ANOVA pour les variables à caractère nominale s’avère

approprié.

Les différentes dimensions ont été conçues à partir d’échelles préexistantes. Leur fiabilité a été

testée par des Apha de Cronbach (Tableau 2) et leur dimensionnalité vérifiée par des analyses

factorielles réalisées avec le logiciel SPSS 11.0.

Construit Alpha de Cronbach

Attitudes éthiques 0,8663

Orientation éthique

Idéalisme

Relativisme

0,8023

0,8122

Tactiques non éthiques de négociation

négociation concurrentielle traditionnelle

fausses promesses

fausse déclaration/mensonge

attaque du réseau de l’adversaire

abus d'information inappropriée

0,8109

0,7494

0,7098

0,7105

0,7434

Confiance 0,8771

Tableau 2. Cohérence interne des facteurs

Pour tester H1, H2, et H5 une régression linéaire multiple a été faite. Ainsi, on constate, que le

modèle global est significatif (p=0.000).

La relation entre les variables indépendantes et la variable dépendante se présente come suit :

12

- L’idéalisme Attitudes éthiques (Bêta= 0.225 ; t=3.988), d’où H1 est confirmée

- Le relativisme Attitudes éthiques (Bêta= -0.161 ; t=-0.929), d’où H2 est confirmée

- La confiance Attitudes éthiques (Bêta= 0.146 ; t=2.513), d’où H5 est confirmée

Par conséquent, les variables : idéalisme, relativisme et confiance influencent les attitudes

éthiques. Le tableau 3 récapitule les résultats de l’analyse de régression multiple qui a été

effectuée afin de tester H1, H2, et H5.

Modèle

Coefficients

non standardisés

B Erreur Std.

Coefficients

standardisés

Bêta

T

Sig.

1 (constant) 0.318 0.558 0.827 0.503

Idéalisme 0.190 0.036 0.225 3.988 0.000

Relativisme -0.159 0.059 -0.161 -2.929 0.010

Confiance 0.297 0.057 0.146 2.513 0.000

Tableau 3. Résultats de la régression des attitudes éthiques3

L’équation de régression multiple est formulée comme suit:

Attitudes éthiques = 0,318+0,190 (Idéalisme) + 0,159 (Relativisme) + 0,297 (Confiance)

Les valeurs du coefficient Bêta non standardisé relatives aux variables indépendantes

montrent que "la confiance" est la variable la plus importante qui affecte les attitudes

éthiques.

En outre, la variable "attitudes éthiques" est expliquée par la combinaison de trois variables

indépendantes (R-deux=0,402) : Idéalisme, relativisme et confiance.

Pour tester H6, une régression linéaire a été effectuée. Les résultats de la régression montrent

3Notes : Variable dépendante: Attitudes étiques ; Variables indépendantes: Idéalisme, relativisme

et confiance ; R = 0.636; R-deux = 0.402; R-deux ajusté= 0.362; F = 42.950; P = 0.000 (p<0.05)

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l’existence d’une relation significative négative entre la confiance et deux catégories de

tactiques non éthiques (négociation concurrentielle traditionnelle et fausses promesses). Pour

la relation entre la confiance et les autres catégories de tactiques (fausse

déclaration/mensonge, attaque du réseau de l’adversaire et abus d'information inappropriée),

elle est n’est pas significative. D’où H6 est partiellement confirmée. Le tableau 4 récapitule

les résultats de l’analyse de régression des tactiques non éthiques de négociation.

Paramètres

Variables

R2 β La valeur F Sig.

Modèle 1

Confiance

Négociation concurrentielle traditionnelle

0.331

-0.197

-0.180

41.30 0.000

Modèle 1

Confiance

Fausses promesses

0.290

-0.298

-0.178

39.56 0.010

Modèle 1

Confiance

Fausse déclaration

0.100

0.122

-0.134

14.54 0.061

Modèle 1

Confiance

Attaque du réseau de l’adversaire

0.200

0.107

0.012

18.23 0.060

Modèle 1

Confiance

Abus d’information inappropriée

0.100

0.110

-0.020

18.02 0.700

Tableau 4. Résultats de la régression des tactiques non éthiques de négociation

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Pour tester H3 et H4 nous avons fait appel à l’analyse de la variance (ANOVA) permettant de

voir si les variables : genre et âge ont un impact sur l’éthique dans la négociation.

Il en ressort que: la relation entre le genre et les tactiques non éthiques de la négociation est

significative pour 3 catégories de tactiques non éthiques (négociation concurrentielle

traditionnelle : p=0,00 ; fausses promesses : p=0,038 ; fausse déclaration/mensonge :

p=0,040). En comparent les moyennes relatives à ces catégories de tactiques on trouve que les

femmes acceptent moins que les hommes ces tactiques de négociation. Par ailleurs, il n’existe

pas de différences significatives entre le genre et les deux autres catégories (attaque du réseau

de l’adversaire et abus d'information inappropriée) des tactiques non éthiques de la

négociation commerciale. Donc H3, est partiellement confirmée.

Par rapport à l'âge, l'analyse de la variance ne montre pas l'existence de différences

significatives au niveau des attitudes éthiques (p=0.070>p=0.05). Donc, l'âge n’a pas un effet

significatif sur les attitudes morales. Ainsi, H4 est rejetée.

7. Conclusion, limites et voies futures de recherche

À la lumière de la nature concurrentielle des négociations et la possibilité d’un comportement

malhonnête ou opportuniste dans le processus, un certain nombre de chercheurs s’est intéressé

à l’importance du comportement éthique dans la négociation. Ainsi, plusieurs chercheurs

(Kimmel & al., 1980 ; Lewicki et Robinson, 1998 ; Robinson, Lewicki et Donahue, 2000 ) ont

classé les comportements de négociation et ont évalué les perceptions des négociateurs de la

pertinence et de la probabilité de l'utilisation des tactiques non éthiques.

Les résultats de notre étude empirique montrent que les caractéristiques individuelles

(idéalisme-relativisme) de la personne ont un impact sur les attitudes éthiques de cette personne

et qu’une relation positive existe entre ces attitudes éthiques et la confiance. En outre, notre

étude suggère que la confiance comme un facteur prédictif de la probabilité d'utiliser les

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tactiques non éthiques de négociation. Par ailleurs, la variable "genre" montre un effet

significatif sur la probabilité d’utilisation des tactiques non éthiques de la négociation (les

femmes acceptent moins que les hommes ces tactiques de négociation). Toutefois, nos résultats

n’appuient pas l'idée conclue dans les travaux antérieurs qui prouve que les individus

deviennent plus éthiques avec l'âge.

Ces conclusions ont certaines limites et ouvrent de nouvelles voies pour la recherche future.

Une première limite est que l'étude mesure les perceptions et les intentions des négociateurs de

l’utilisation des tactiques non éthiques plutôt que le comportement réel. Les efforts futurs

devront être orientés vers la compréhension du rôle de la confiance dans le comportement de

négociation réelle. Deuxièmement, nous avons noté que les jugements de la pertinence de la

tactique ont été faits en dehors d'un contexte spécifique de négociation. Les répondants ont été

invités à se placer dans une situation non définie au préalable ce qui leur a conféré beaucoup de

latitude dans la définition de la situation (leurs objectifs, la nature de l'autre personne, les

enjeux, etc.). Les futures recherches devraient explorer certaines variables situationnelles qui

sont susceptibles de favoriser ou de réduire la pertinence perçue des tactiques et la probabilité

de leur utilisation. Cela peut inclure les différences au niveau du pouvoir, les attentes du

négociateur et du contexte. Troisièmement, les données collectées pour cette étude étaient

auprès d'une population estudiantine en Tunisie. Nous ne voyons pas cela comme inappropriée,

puisque ces étudiants ont poursuivi une formation en négociation commerciale. Pourtant, nous

ne pouvons pas nier que des résultats différents peuvent être obtenus à partir d'échantillons

représentant des groupes professionnels, et la recherche future peut poursuivre ces repères avec

d'autres populations.

Bibliographie :

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