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Fondements philosophiques
La théorie de l'autonomie de la volonté trouve sa justification dans l'existence de droits
naturels de l'Homme, selon lesquels l'Homme à l'état de nature est libre. L'idée de liberté
primordiale a été avancée par divers auteurs, au premier rang desquels on trouve Grotijus
gentium), us (notion de Locke (notion de loi naturelle) et finalement Rousseau qui l'a
popularisée. Selon ce courant de pensée, les hommes naissent libres et ne sont, à l'origine,
soumis à aucun d'entre eux. Raisonnables, ils tombent en accord pour constituer une société
qui leur profitera à tous.
Les idées de liberté et de constitution de la Société par un accord librement donné de ses
membres trouvent un écho dans la théorie de l'autonomie de la volonté : chaque contractant
est libre de contracter, comme de ne pas contracter (donc de conserver sa liberté) et ne
s'oblige que par son consentement éclairé aux termes de la convention. En revanche, une
convention passée valablement devra être exécutée, conformément à la maxime pacta sunt
servanda, la volonté des contractants devant être d'autant plus respectée qu'elle a été donnée
librement.
En France
Influence supposée de la théorie
La théorie de l'autonomie de la volonté a, selon une opinion majoritaire, largement influencé
les rédacteurs du Code civil. Ainsi, de nombreuses dispositions du droit des
obligations français témoigneraient de ce que cette doctrine en a été un postulat. Est
notamment à citer l'article 1134 du Code civil selon lequel « les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Une opinion minoritaire fait néanmoins valoir que les rédacteurs du Code civil, ne se sont
inspirés de cette théorie qu'à la marge. En général méfiants à l'égard de la philosophie, ils
préféraient adapter les coutumes d'Ancien Régime aux principes nouveaux posés par le
régime. Selon cette hypothèse, l'article 1134 ne doit pas être interprété comme une ratification
de l'autonomie de la volonté. Il doit l'être, d'abord, comme un moyen de consacrer les
principes de droit romain appliqués dans le sud de la France ; il doit l'être, surtout, comme un
moyen de renforcer la laïcité de la société (en donnant force légale à la volonté des parties, les
obligations trouvent leur source dans la loi et dans le consentement des parties et non dans
l'autorité divine).
Les traductions de la théorie de l'autonomie de la volonté sur le régime du contrat en
droit civil français
Quant à sa formation
Le principe de l'autonomie de la volonté induit le principe de liberté contractuelle. Le contenu
du contrat est librement déterminé par les parties, sous réserve du respect de l'ordre
public (article 6 du Code civil) et des lois dîtes « impératives » qui s'imposent directement aux
contractants. Par ailleurs, l'importance de l'accord de volonté des parties justifie que des
conventions soient formées par son seul effet. On est alors dans un esprit de consensualisme,
principe en droit français. Enfin, les dispositions du Code civil qui visent à protéger l'intégrité
du consentement contre l'erreur, le dol ou la violence peuvent être justifiées : on ne saurait
opposer à un contractant une convention qu'il n'a pas réellement voulue.
Quant à ses effets
Le libre consentement des parties au contrat justifie que celui-ci ait une force obligatoire à
leur égard (art. 1134 du Code civil). Cette force obligatoire est quasi-absolue et justifie que le
juge ne puisse pas modifier l'économie du contrat (refus de l'imprévision). En revanche, les
tiers n'ayant pas donné leur consentement au contrat ne peuvent se le voir opposer,
conformément au principe d'effet relatif des conventions (art. 1165 du Code civil) ;
traditionnellement, ils ne peuvent non plus profiter de la convention, bien que la jurisprudence
récente incite à nuancer cette affirmation
Quant à son interprétation
Lorsque le juge, lors d'un conflit entre des contractants, va interpréter un contrat, il va
s'attacher à la volonté réelle des parties.
C'est pourquoi il ne doit pas s'arrêter à la lettre du contrat mais rechercher quelle a été
l'intention profonde des parties. L'article 1156 du Code civil dispose ainsi :
« On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties
contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.»
Quant aux conflits de loi
En principe, une loi nouvelle n'a pas d'effet rétroactif sur un contrat antérieur à sa
promulgation. Ainsi en témoigne l'article 2 du Code civil qui énonce ceci : « la loi ne dispose
que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. »
Une remise en cause de la théorie ?
Remise en cause de l'autonomisme et émergence du solidarisme contractuel
Le principe de l'autonomie de la volonté est critiqué pour deux raisons :
En voulant faire de la volonté une chose supérieure à la loi, on méconnaît le principe de
la hiérarchie des normes.
D'autre part, ce principe peut porter atteinte au principe de l'équité (une partie forte peut
imposer ses conditions à une partie plus faible, comme le professionnel au particulier).
Ainsi, l'autonomie la volonté permettrait « au renard de flâner dans le poulailler en toute
liberté contractuelle ». Fonder le contrat sur la seule volonté des parties retire aux juges
toute latitude pour corriger ces inégalités, sauf à opérer un « forçage » de la volonté des
parties en découvrant une obligation qui n'avait en réalité pas été envisagée (obligation de
sécurité).
Une partie de la doctrine a ainsi fondé l'école du solidarisme contractuel, basée sur des
postulats radicalement différents de ceux de l'autonomie de la volonté. Selon ces auteurs, les
hommes ne sont à l'état de nature pas libres ; ils s'organisent spontanément en société et sont
« débiteurs de la société humaine ». D'autre part ils ne sont pas égaux. Partant, les relations
contractuelles sont déséquilibrées, ce qu'on observe particulièrement en pratique en matière de
« contrats-organisation » (contrats à exécution successive qui fixent les relations ultérieures,
comme le contrat de travail ou le contrat de franchise) et de contrats indispensables à la vie
courante (bail d'habitation). Aussi, il conviendrait de faire en sorte que les intérêts de la partie
faible soient pris en considération, soit directement en interdisant certaines pratiques (ordre
public de protection, prohibition des clauses abusives, refus de contracter non justifié), soit
indirectement en mettant la protection de certains intérêts de la partie faible à la charge de la
partie forte (obligation de conseil, de mise en garde).
Influence marginale du solidarisme contractuel
La jurisprudence semble s'être inspirée du solidarisme contractuel.
Quant à la formation du contrat, on constate ainsi un affaiblissement de la liberté
contractuelle. Aussi, la loi impose parfois la passation de certains contrats (assurance
obligatoire des véhicules terrestres à moteur en France) ou le cocontractant (droit de
préemption au profit du locataire du bien). Par ailleurs, le consensualisme a été remis en cause
pour certains contrats en vue de protéger la partie faible : en droit de la consommation
certains contrats doivent être passés dans une forme particulière à peine de nullité (la caution
notamment), de même qu'en droit du travail un contrat précaire doit être passé sous forme
écrite sous peine d'être requalifié en contrat à durée indéterminée. Enfin, la jurisprudence s'est
attachée à protéger le consentement de la partie faible contre sa propre inattention en
assimilant au dol les silences gardés à la partie forte (réticence dolosive). Dans cette matière,
certains auteurs considèrent que la Cour de cassation a reconnu une obligation générale de
loyauté des parties au stade pré-contractuel, ce qui semble participer de la transposition du
principe de solidarisme contractuel en droit des obligations ; cette opinion est toutefois
minoritaire.
Quant au contenu du contrat, la volonté des parties a été bornée par un nouvel ordre public, dit
de protection ou de direction, qui ne peut être invoquée que par la partie faible. Par ailleurs,
concernant les contrats d'adhésion, il est fait une traque aux clauses abusives, auquel
participent une commission créée à cet effet, dont les recommandations peuvent inspirer les
juges et les associations de consommateurs qui ont été autorisées à faire modifier
préventivement les contrats en question.
Quant à la force obligatoire du contrat, on a tout d'abord renforcé le pouvoir modérateur du
juge en l'autorisant à modifier certaines clauses rendant le contrat déséquilibré (révision de
la clause pénale) ou à octroyer des délais de paiement. Par ailleurs, la jurisprudence a
considéré que clauses limitatives ou exclusives de responsabilité portant sur une obligation
essentielle du contrat devaient être considérées comme non-écrites en ce qu'elles retireraient,
sinon, sa cause au contrat. Enfin, la Cour de cassation a utilisé la notion de bonne foi présente
à l'article 1134 du Code civil pour condamner les abus des parties quant à la fixation du prix
(sous certaines conditions), et les obliger à renégocier lorsque leur comportement a rendu
l'exécution du contrat fortement préjudiciable à l'autre partie ou en cas de bouleversement de
l'équilibre économique du contrat.
Quant à la rupture du contrat, enfin, seule l'obligation de compenser financièrement la clause
de non-concurrence d'un salarié sur le départ est à mentionner ; nulle obligation d'aide à la
reconversion ne semble autrement être reconnue.
On aurait donc tendance à souligner l'apport du solidarisme. Pour autant, certains auteurs font
valoir que son influence n'a été que marginale, la plupart des solutions adoptées pouvant tout
aussi bien s'expliquer sur le fondement de l'autonomie de la volonté. Ainsi, en matière de
formation du contrat, la condamnation de la réticence dolosive participe de la protection
du consentement, institution tout aussi importante dans les deux théories ; de même,
l'exigence de solennité pour certains contrats viserait à faire prendre à la partie faible toute la
mesure de son engagement. Relativement au contenu du contrat, la question des clauses
abusives peut aussi être traitée à l'aune du consentement : généralement obscures ou cachées,
elles ne se révèlent au consommateur dans leur véritable substance que trop tard pour s'en
défaire. Par ailleurs, les solutions considérées comme portant atteinte à la force obligatoire du
contrat ne seraient, en fait, qu'une conséquence de cette même force obligatoire : la
suppression de certaines clauses limitatives de responsabilité permet d'éviter à une partie de se
soustraire à une obligation essentielle, de même que l'obligation de renégocier et le pouvoir
modérateur du juge, sous couvert de modifier certaines dispositions du contrat, ont pour
objectif ultime son exécution. Enfin, la contrepartie financière imposée à une clause de non-
concurrence peut se fonder sur l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre du salarié. Le bilan
réel du solidarisme serait donc maigre