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Le sujet de Philosophie sujet 1 : Une œuvre d'art a-t-elle toujours un sens ? Le corrigé de Philosophie sujet 1, Bac S : Quelques pistes (non exhaustives) de réflexion sur ce sujet : Un sens = une signification, une direction. Une œuvre d'art = la création d'un artiste. A-t-elle toujours = est-ce dans son essence de, doit-elle nécessairement avoir en elle-même un « sens » ? En créant son œuvre, l'artiste a-t-il l'intention de transmettre des « signes », un « message » comme le croit souvent l'opinion courante ? L'œuvre serait-elle alors porteuse d'une « signification » précise qu'il conviendrait de déchiffrer ? Par un effort intellectuel, il faudrait que le spectateur accède au message transmis grâce à la connaissance d'un code commun entre l'artiste et le public : il s'agit là d'une conception très étroite et naïve de l'art. On voit donc que dans ce sujet, ce qui est en jeu c'est la définition même de ce qu'est une œuvre d'art, de la liberté de l'artiste et de celle du spectateur/amateur d'art. En effet si l'œuvre doit par essence être porteuse d'un sens, alors elle devient un moyen (au même titre que n'importe quel système de signes) et l'artiste doit avoir pensé ce sens avant de la créer (à l'image d'un artisan). Cette conception est contée notamment par Alain : Le « sens » se crée dans la fabrication même de l'œuvre, ce sens n'est pas prémédité, défini. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'œuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensui te, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son œuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artist e. Il faut que le génie ait la grâce de la nature et s'étonne lui-même. Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau." Alain (Système des Beaux-arts) La signification d'une œuvre d'art renvoie aux intentions de l'artiste (que l'on peut supposer, ou qui peuvent être exprimées par lui après coup dans une tentative d'éclairer l'ensemble de son œuvre). Elle renvoie aussi à la mise en relation entre l'œuvre et son contexte de création (historique, social). Elle peut alors donner lieu à un discours sur l'œuvre. Il y a ce qu'on peut appeler un « espace d'interprétation » possible. Mais les interprétations d'une œuvre n'épuisent pas l'œuvre : vouloir à tout prix qu'une œuvre ait un sens peut alors être réducteur et mettre de côté tout ce qui relève de la sensibilité, de l'émotion, du lien direct du spectateur à l'œuvre. Trouver « un sens » rassure ! Les hommes craignent ce qui n'a « pas de sens » (voir ainsi les réactions face au théâtre de l'absurde au XXe siècle). L'amateur d'art n'est-il pas d'abord celui qui reçoit une œuvre, qui accepte de se laisser entraîner par elle, qui prend le risque de se confronter à l'altérité, et aussi à se retrouver lui-même à travers la création d'un autre ? En ce cas, c'est lui qui projette un sens, ou plutôt « des » sens sur l'œuvre? L'œuvre n'a pas un sens mais est riche de sens possibles. Elle propose des « directions » qu'il revient à chacun d'explorer... (Lire les belles pages de Bergson sur le lien entre l'œuvre et l'amateur d'art.) Le sujet de Philosophie sujet 2 : La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ? Le corrigé de Philosophie sujet 2, Bac S : Sujet TS La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ? La politique : « polis » = la Cité. La politique c'est l'art de bien gouverner, en se référant à un idéal de justice, en se fondant sur la raison, la connaissance (cf. Platon), en visant l'intérêt général (cf. Rousseau). Mais c'est aussi l'art de gouverner en tenant compte des réalités, de manière à conquérir et conserver le pouvoir (cf. Machiavel). La vérité : c'est l'accord du jugement à la réalité. C'est à la fois une exigence intellectuelle (n'affirmer vrai que ce dont je suis absolument certain) et morale (dire la vérité relève de la dignité humaine, le menteur est indigne de la confiance d'autrui). échapper : se soustraire à, faire exception à. Le sujet nous interroge sur ce lien entre politique et vérité.

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Le sujet de Philosophie sujet 1 : Une œuvre d'art a-t-elle toujours un sens ?

Le corrigé de Philosophie sujet 1, Bac S : Quelques pistes (non exhaustives) de réflexion sur ce sujet : Un sens = une signification, une direction. Une œuvre d'art = la création d'un artiste. A-t-elle toujours = est-ce dans son essence de, doit-elle nécessairement avoir en elle-même un « sens » ?

En créant son œuvre, l'artiste a-t-il l'intention de transmettre des « signes », un « message » comme le croit souvent l'opinion courante ? L'œuvre serait-elle alors porteuse d'une « signification » précise qu'il conviendrait de déchiffrer ? Par un effort intellectuel, il faudrait que le spectateur accède au message transmis grâce à la connaissance d'un code commun entre l'artiste et le public : il s'agit là d'une conception très étroite et naïve de l'art.

On voit donc que dans ce sujet, ce qui est en jeu c'est la définition même de ce qu'est une œuvre d'art, de la liberté de l'artiste et de celle du spectateur/amateur d'art.

En effet si l'œuvre doit par essence être porteuse d'un sens, alors elle devient un moyen (au même titre que n'importe quel système de signes) et l'artiste doit avoir pensé ce sens avant de la créer (à l'image d'un artisan). Cette conception est contée notamment par Alain : Le « sens » se crée dans la fabrication même de l'œuvre, ce sens n'est pas prémédité, défini. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'œuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son œuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artiste. Il faut que le génie ait la grâce de la nature et s'étonne lui-même. Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau." Alain (Système des Beaux-arts)

La signification d'une œuvre d'art renvoie aux intentions de l'artiste (que l'on peut supposer, ou qui peuvent être exprimées par lui après coup dans une tentative d'éclairer l'ensemble de son œuvre). Elle renvoie aussi à la mise en relation entre l'œuvre et son contexte de création (historique, social).

Elle peut alors donner lieu à un discours sur l'œuvre. Il y a ce qu'on peut appeler un « espace d'interprétation » possible. Mais les interprétations d'une œuvre n'épuisent pas l'œuvre : vouloir à tout prix qu'une œuvre ait un sens peut alors être réducteur et mettre de côté tout ce qui relève de la sensibilité, de l'émotion, du lien direct du spectateur à l'œuvre. Trouver « un sens » rassure ! Les hommes craignent ce qui n'a « pas de sens » (voir ainsi les réactions face au théâtre de l'absurde au XXe siècle).

L'amateur d'art n'est-il pas d'abord celui qui reçoit une œuvre, qui accepte de se laisser entraîner par elle, qui prend le risque de se confronter à l'altérité, et aussi à se retrouver lui-même à travers la création d'un autre ?

En ce cas, c'est lui qui projette un sens, ou plutôt « des » sens sur l'œuvre? L'œuvre n'a pas un sens mais est riche de sens possibles. Elle propose des « directions » qu'il revient à chacun d'explorer...

(Lire les belles pages de Bergson sur le lien entre l'œuvre et l'amateur d'art.)

Le sujet de Philosophie sujet 2 : La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?

Le corrigé de Philosophie sujet 2, Bac S : Sujet TS La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?

La politique : « polis » = la Cité. La politique c'est l'art de bien gouverner, en se référant à un idéal de justice, en se fondant sur la raison, la connaissance (cf. Platon), en visant l'intérêt général (cf. Rousseau). Mais c'est aussi l'art de gouverner en tenant compte des réalités, de manière à conquérir et conserver le pouvoir (cf. Machiavel).

La vérité : c'est l'accord du jugement à la réalité. C'est à la fois une exigence intellectuelle (n'affirmer vrai que ce dont je suis absolument certain) et morale (dire la vérité relève de la dignité humaine, le menteur est indigne de la confiance d'autrui).

échapper : se soustraire à, faire exception à.

Le sujet nous interroge sur ce lien entre politique et vérité.

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Que sous-entend-il ?

L'exigence de réussite d'une politique autoriserait-elle les gouvernants à se soustraire au devoir de vérité qui incombe moralement à tout être humain ?

La fin (le bien commun, l'intérêt supérieur de la nation, la raison d'état) justifierait-elle que les gouvernants prennent des libertés avec la vérité, voire qu'ils la trahissent en toute conscience ?

Ne pas dire la vérité, cultiver le secret, serrait-il alors un mode de gouvernement non seulement acceptable mais nécessaire ?

Platon écrit dans La République (Livre III) : « C'est alors aux dirigeants de la Cité, plus qu'à quiconque, qu'il revient de dire le faux, à l'intention des ennemis ou des citoyens, dans l'intérêt de la Cité. »

Ceci sous-entend que les gouvernants sont seuls dépositaires d'un savoir qui les rend aptes à exercer le pouvoir (conception aristocratique) et que les simples citoyens ne seraient pas en mesure de comprendre les ressorts de l'action politique. Aussi vaudrait-il mieux le leur cacher.

Une telle conception est-elle compatible avec la démocratie ? C'est la question qui peut se poser. L'actualité nous interroge parfois sur le secret dont sont entourés certains événements, suscitant craintes et fantasmes. L'ignorance du peuple accroît sa dépendance.

Doit-on alors affirmer que le citoyen a « le droit » de connaître la vérité ? Si le citoyen est apte à penser par lui-même (« majeur » selon la formule de Kant) alors les gouvernants ont l'obligation (morale et politique) de porter la vérité à la connaissance du peuple.

Le peuple « souverain » doit connaître la vérité, les représentants auxquels il a délégué son pouvoir de gouverner ne sont que des « ministres » (écrit Rousseau) « non des arbitres ». Ils sont au service du peuple, et du bien commun. S'ils s'arrogeaient un droit sur la vérité, alors ils outrepasseraient la fonction qui leur a été confiée. Cela remettrait en cause les fondements mêmes d'un état démocratique.

Mais on peut objecter que la révélation de la vérité peut avoir des conséquences néfastes quant à la réussite d'une action. Peut-on alors accepter des exceptions au nom du réalisme politique ?

Problème : Cela ne risque-t-il pas de devenir une « excuse », un prétexte pour cacher la vérité lorsque des intérêts particuliers sont en jeu ? Ou lorsque la vérité révélée produirait un scandale ayant de graves conséquences politiques ou économiques (ex : l'affaire du sang contaminé) ?

On peut aussi se demander si la politique n'est pas « rattrapée » par l'exigence de vérité grâce à l'intervention des citoyens eux-mêmes : Lorsque les citoyens (ex : lanceurs d'alerte) contraignent les gouvernants à admettre la vérité, ils rappellent à l'ordre ceux auxquels ils ont délégué leur pouvoir. Ainsi que l'écrivait Condorcet pendant la Révolution Française : « Plus la vérité se répand, moins les gouvernants peuvent espérer tromper le peuple », et plus les hommes seront éclairés, moins les gouvernants pourront abuser de leur autorité.

Le sujet de Philosophie sujet 3 : Expliquez le texte suivant : omment peut-on prévoir un événement dépourvu de toute cause ou de tout indice qui explique qu'il se produira ? Les éclipses du soleil et de la lune sont annoncées avec beaucoup d'années d'anticipation par ceux qui étudient à l'aide de calculs les mouvements des astres. e fait, ils annoncent ce que la loi naturelle réalisera. Du mouvement invariable de la lune, ils déduisent à quel moment la lune, à l'opposé du soleil, entre dans l'ombre de la terre, qui est un cône de ténèbres, de telle sorte qu'elle s'obscurcit nécessairement. Ils savent aussi quand la même lune en passant sous le soleil et en s'intercalant entre lui et la terre, cache la lumière du soleil à nos yeux, et dans quel signe chaque planète se trouvera à tout moment, quels seront le lever ou le coucher journaliers des différentes constellations. Tu vois quels sont les raisonnements effectués par ceux qui prédisent ces événements. eux qui prédisent la découverte d'un trésor ou l'arrivée d'un héritage, sur quel indice se fondent-ils ? Ou bien, dans quelle loi naturelle se trouve-t-il que cela arrivera ? Et si ces faits et ceux du même genre sont soumis à pareille nécessité, quel est l'événement dont il faudra admettre qu'il arrive par accident ou par pur hasard ? En effet, rien n'est à ce point contraire à la

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régularité rationnelle que le hasard, au point que même un dieu ne possède pas à mes yeux le privilège de savoir ce qui se produira par hasard ou par accident. ar s'il le sait, l'événement arrivera certainement ; mais s'il se produit certainement, il n'y a plus de hasard ; or le hasard existe : par conséquent, il n'y a pas de prévision d'événements fortuits. icéron, e la divination, er siècle avant .-C. La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, .

Le corrigé de Philosophie sujet 3, Bac S : TEXTE DE CICERON SUR LA DIVINATION

Voici quelques pistes générales (non exhaustives) pour l'analyse de ce texte.

Dans ce texte Cicéron s'interroge sur la connaissance rationnelle opposée à la superstition.

L'homme est inquiet face à son avenir, il souhaiterait pouvoir l'anticiper afin de se rassurer. Pour cela il est tenté de croire à des « prédictions ».

Cicéron procède à leur analyse critique.

Problème posé : Comment prédire quelque chose (un effet) dont la cause nous est inconnue ? Normalement, on ne peut anticiper avec certitude que si l'on connait la cause, l'événement déclenchant. Plus cette cause sera connue de manière rationnelle, plus on aura la certitude que l'effet va bien se produire.

Comment ceux qui pratiquent la « divination », c'est-à-dire les « devins », peuvent-ils prétendre prédire des événements alors qu'ils mettent en relation des événements a priorisans rapport les uns avec les autres (telle carte du jeu de tarot serait « signe » de chance ou de malchance, ou on pourrait lire dans les entrailles des animaux qui sera le vainqueur d'une bataille) ?

L'extrait proposé est construit sur la distinction entre :

- Des domaines où la prédiction est possible. Pourquoi est elle possible ? Parce qu'il existe des relations de causes à effets nécessaires entre les phénomènes. Cicéron prend l'exemple de l'astronomie : les connaissances sur l'état actuel de la position des planètes permet de prédire leur état futur avec un haut degré de certitude : Cela suppose qu'il y ait un rapport constant entre les phénomènes, (« mouvement invariable », « nécessairement », lignes 5-7). Il s'agit ici de ce que l'on nomme « principe de causalité » (cf. le déterminisme). On peut penser à d'autres exemples comme la médecine : le médecin peut prédire la rémission ou l'aggravation d'une maladie à partir de l'observation de l'évolution des symptômes de son patient. Ici la connaissance est à la fois théorique (fruit d’un « raisonnement », l. 11, et pratique (fruit de l'expérience, de l'observation, cf. Hippocrate). De ce cas, il ressort que la connaissance de la cause permet d'anticiper l'effet (ex : prévision des éclipses, l.2).

- Des domaines où la prédiction est impossible ou absurde. Il s'agit des domaines de la vie quotidienne, des événements personnels qui relèvent de « l'accidentel » (tel la découverte d'un trésor, ou l'annonce d'un héritage). Ces événements sont fortuits ou dépendent d'autres personnes (par ex, que quelqu'un me désigne comme son héritier). Ce sont ces événements que les hommes aimeraient connaître à l'avance.

Réponse de Cicéron : Si les événements de la vie sont dus au hasard, alors ils sont imprévisibles par nature, et la divination est tout à fait inutile. On peut comprendre ceci comme une mise en garde adressée à tous les crédules ou superstitieux, « prêts à tout » pour « connaître » leur avenir. Si au contraire le hasard n'existe pas, si les événements de la vie humaine « doivent » arriver, alors à quoi bon les connaître ? Cela ne changera rien ! Il s'agit donc là pour Cicéron d'une recherche absurde.

Les candidats pouvaient penser à tous les philosophes ayant traité des relations entre croyance et connaissance rationnelle (Descartes, Spinoza, Kant etc.) afin d'appuyer et élargir leur réflexion.

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