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1 15FRSESJA1C BACCALAURÉAT GÉNÉRAL Session 2015 FRANÇAIS – EPREUVE ANTICIPÉE – SÉRIES ES S ÉLÉMENTS D’AIDE À LA CORRECTION Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIème siècle à nos jours. Question sur le corpus : Dans quelle mesure ces personnages monstrueux restent-ils aussi des êtres humains ? On attend : - une réponse synthétique et structurée, - une réponse justifiée par des exemples précis et commentés, - la mise en évidence d’au moins deux qualités distinctes chez ces personnages, celles qui sont proposées ci-dessous sont indicatives. On valorise : - la prise en compte de la focalisation On acceptera : - les copies qui ne s’attachent qu’à la part d’humanité des personnages, sans définir précisément leur monstruosité si celle-ci a au moins été évoquée en introduction, - les copies qui analysent dans une partie de la réponse la monstruosité des personnages. Intérêts du corpus : - des personnages partagés entre humanité et monstruosité, - la variété générique, - une focalisation tantôt externe, tantôt interne avec le monologue intérieur théâtral ou romanesque pour les textes A et D. La réflexion pourra porter sur les points suivants : 1. La capacité à éprouver des sentiments humains universels (douleur de la femme abandonnée, empathie de la Bête et de Quasimodo, pitié de Lantier) ; 2. L’élévation morale de la Bête et de Quasimodo, qui s’exprime à travers la bonté dont ils font preuve. Ces deux personnages manifestent aussi leur humanité par la sensibilité à la pudeur et par le raffinement esthétique ; 3. La capacité de réflexion sur ses actes, voire d’analyse, la capacité à s’interroger qui se traduit par le choix de la focalisation interne ou du monologue intérieur, dans les textes A et D.

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BACCALAURÉAT GÉNÉRAL Session 2015

FRANÇAIS – EPREUVE ANTICIPÉE – SÉRIES ES S

ÉLÉMENTS D’AIDE À LA CORRECTION Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du

XVIème siècle à nos jours.

Question sur le corpus : Dans quelle mesure ces personnages monstrueux restent-ils aussi des êtres humains ?

On attend :

- une réponse synthétique et structurée, - une réponse justifiée par des exemples précis et commentés, - la mise en évidence d’au moins deux qualités distinctes chez ces

personnages, celles qui sont proposées ci-dessous sont indicatives. On valorise :

- la prise en compte de la focalisation

On acceptera :

- les copies qui ne s’attachent qu’à la part d’humanité des personnages, sans définir précisément leur monstruosité si celle-ci a au moins été évoquée en introduction,

- les copies qui analysent dans une partie de la réponse la monstruosité des personnages.

Intérêts du corpus :

- des personnages partagés entre humanité et monstruosité, - la variété générique, - une focalisation tantôt externe, tantôt interne avec le monologue intérieur

théâtral ou romanesque pour les textes A et D. La réflexion pourra porter sur les points suivants :

1. La capacité à éprouver des sentiments humains universels (douleur de la femme abandonnée, empathie de la Bête et de Quasimodo, pitié de Lantier) ;

2. L’élévation morale de la Bête et de Quasimodo, qui s’exprime à travers la bonté dont ils font preuve. Ces deux personnages manifestent aussi leur humanité par la sensibilité à la pudeur et par le raffinement esthétique ;

3. La capacité de réflexion sur ses actes, voire d’analyse, la capacité à s’interroger qui se traduit par le choix de la focalisation interne ou du monologue intérieur, dans les textes A et D.

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Conclusion : dans les quatre textes les personnages restent humains malgré leur monstruosité. Monstrueux au physique ou au moral, par leur crime ou leur laideur qui les met au ban de l’humanité, ils en gardent pourtant leur part.

Commentaire du texte de Mme Leprince de Beaumont On attend :

‐ un devoir structuré avec une introduction, un développement en au moins deux parties et une conclusion,

‐ l’analyse, dans chacune des parties, de deux ou trois idées justifiées et appuyées par des citations.

Les commentaires qui suivraient l’ordre du texte ne seront pas sanctionnés.

Problématiques possibles :

Comment la Bête apprivoise-t-elle la Belle ? Comment la Bête parvient-elle à vaincre ses préjugés ? Comment la Bête parvient-elle faire prendre conscience à la Belle de la

différence entre l'être et le paraître ? I. La Bête semble chercher à faire oublier qui elle est :

Il s’agit de détourner la Belle de sa tristesse et de son désespoir, de faire oublier à la Belle la laideur de la Bête en provoquant son émerveillement.

Divertissement et réjouissance des sens :

- émerveillement esthétique devant le cadre. Description hyperbolique du château de la Bête : utilisation d'un vocabulaire mélioratif « beau », « beauté », « magnificence »... Omniprésence de verbes de vision « admirer », « fut éblouie », « ce qui frappa le plus sa vue », « vit »...

- satisfaction d’autres sens : le goût « dîner », l'ouïe « excellent concert »...

- évasion offerte par des moyens artistiques ou un objet magique. Musique « clavecin », lecture « bibliothèque », « miroir » qui permet d'abolir les distances et de gommer les séparations « voir sa maison où son père arrivait »...

Un univers courtois :

‐ un lieu métamorphosé en royaume de la Belle : inscriptions en italique dans le texte de ce qui apparaît sur la porte « appartement de la Belle » et dans le livre en lettres d'or « souhaitez, commandez : vous êtes ici la reine et la maîtresse », formules qui confèrent à la Belle les pleins pouvoirs : elle possède et ordonne.

‐ la Bête, un chevalier servant : selon les codes courtois, la Bête fait de la Belle sa maîtresse, il accède à ses désirs les plus profonds. Le miroir projette l'image de son père sans qu'elle ait besoin de formuler son vœu à haute voix : «elle avait dit cela en elle-même ».

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Mais en cherchant à faire oublier son apparence monstrueuse, il révèle qui il est vraiment à travers la description du château et le dialogue.

II. L’être au-delà du paraître :

Un être à l'image de son château :

‐ les paroles de la Bête ne font que confirmer qu'il est un être courtois et raffiné : restriction « il n'y a ici de maîtresse que vous », « tout ceci est à vous »...

‐ la Belle souligne en effet : l'absence de bêtise « on n'est pas bête, quand on croit n'avoir point d'esprit », la « bonté », la beauté intérieure celle du « cœur ».

La laideur du paraître opposée à la beauté de l'être :

‐ opposition entre l'apparence physique de la Bête telle qu'elle est soulignée dans le dialogue : par lui-même (trois emplois du verbe d'état : « je suis laid », « je suis un monstre », dont un emploi avec une restriction très dévalorisante « je ne suis qu'une Bête »),

‐ mais si la laideur apparente de la Bête est confirmée par la Belle « cela est vrai », sa bestialité et son absence d'esprit sont en revanche remises en question.

III. Une prise de conscience dont la Belle tire en enseignement :

de la conviction à la déstabilisation et à la réflexion :

‐ états d’esprit contradictoires : désespoir (attitude, pleurs, préjugés « elle croyait fermement que la Bête la mangerait »), mais également courage (lexique de la détermination dans le début du texte : « résolut » (employé deux fois),

‐ révélation : le spectacle auquel elle assiste dans le château la surprend, la déstabilise et l'amène à penser. A l'expression de la conviction succède l'expression de la surprise, et à l'expression de la surprise celle de la pensée,

de l’image fantasmée du monstre à la réalité :

‐ modification du point de vue : « Quand j'y pense, vous ne me paraissez plus si laid » ;

‐ dimension symbolique du fait d' « ouvrir » : en ouvrant les portes et les livres, elle ouvre aussi son esprit ;

‐ dimension morale de ses propos : forme sentencieuse « on n'est pas bête quand on croit n'avoir point d'esprit » recours au pronom personnel indéfini « on », et au présent de vérité générale pour énoncer cette vérité. Autre exemple : « il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, et je vous aime mieux avec cette figure que ceux qui avec la figure d'homme, cachent un cœur faux, corrompu et ingrat ».

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Conclusion :

La Bête, qui a su apprivoiser la Belle, la conduire au-delà des apparences. A la différence de la femme de Barbe Bleue, ce que découvre la Belle, c'est la bonté du cœur du Monstre.

Dissertation :

Le personnage monstrueux, dans les œuvres littéraires et artistiques, est-il seulement un repoussoir, un objet de répulsion pour le lecteur ?

On attend :

‐ une introduction qui reprenne les enjeux de la question et qui propose une démarche pertinente pour y répondre,

‐ un développement composé en deux parties au moins (plan antithétique imposé par le sujet),

‐ des arguments illustrés par des exemples variés dans les domaines littéraires et artistiques,

‐ une conclusion synthétisant les points essentiels et proposant éventuellement un élargissement pertinent de la réflexion.

On valorise :

‐ un plan dialectique (avec une troisième partie qui dépasse l’opposition), ‐ la variété, la pertinence et la richesse des exemples (œuvres littéraires,

picturales, cinématographiques, etc.).

Le sujet cache à peine le paradoxe que constitue le pouvoir de fascination inhérent à la monstruosité née de l'imaginaire. Plus encore, il invite le candidat à se pencher sur les réflexions humanistes liées au rejet de la différence et à l'intolérance. Le questionnement, d’abord esthétique, devient moral.

On peut, à partir de là, envisager les pistes de réflexion suivantes pour répondre au sujet :

1°- Le personnage monstrueux : repoussoir, objet de répulsion

le monstre a pour fonction d'effrayer par des caractéristiques physiques hors du commun, il incarne les dangers qui guettent l'homme : démesure, chaos, folie... : Méduse, Minotaure, Cyclope, ogres, ... Figures imaginaires liées à l’univers fantastique (personnage de la goule, Clarimonde dans La Morte amoureuse de Théophile Gautier),

le monstre moral est effroyable car il incarne les défauts humains : Médée, Les Thénardier…

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incarne l'absence d'humanité, les pulsions primaires, l'animalité : M. Hyde, le monstre de Frankenstein : monstrueux car sans père, sans pareille ; Lantier dans La Bête humaine…

2°- Le personnage monstrueux peut aussi susciter d’autres sentiments :

suscite la pitié : o par le fait qu'il est lui-même victime (des dieux pour le personnage

tragique, de son créateur pour le monstre de Frankenstein) ce qui amène la notion de catharsis,

o par la dissociation entre aspect physique et beauté/grandeur morale : Quasimodo, Gwynplaine, Elephant man.

suscite la fascination, la sidération par une forme de beauté étrange ou de raffinement dans le mal, possède un véritable pouvoir de séduction : Merteuil; le sphynx dans La Machine infernale, Dracula, Jean-Baptiste Grenouille dans Le Parfum...

3°- Le personnage monstrueux peut surtout susciter une réflexion sur la condition humaine

suscite la réflexion sur l'altérité, le regard porté sur les êtres différents, le monstre est en effet monstrueux ou non selon le regard que l'on porte sur lui : la Belle et la Bête, Elephant man, Grégoire Samsa dans La Métamorphose,

peut même incarner un idéal vers lequel l'homme doit tendre : géants de Rabelais qui sont avant tout des monstres de savoir et d'amour de la vie.

Invention :

Blessé par le regard épouvanté d’Esmeralda à la fin du texte,

Quasimodo, qui s’était senti transporté et héroïque, est brusquement ramené à sa seule monstruosité physique.

Ecrivez un monologue intérieur dans lequel, plein d’amertume, il se remémore cette scène et essaie de comprendre pourquoi, quoi qu’il fasse, il ne sera jamais qu’un monstre.

On attend :

‐ une réécriture de la scène avec changement de point de vue et monologue intérieur,

‐ une réflexion du personnage sur la prépondérance du paraître sur l’être dans sa relation avec Esméralda et, au-delà, dans son rapport à autrui,

‐ un système temporel cohérent pour traduire le récit et le discours, ‐ des procédés rhétoriques exprimant d'une part l'enthousiasme premier,

d'autre part le désespoir.

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On peut envisager différentes organisations de ce monologue, par exemple :

Quasimodo raconte la scène en évoquant tous les efforts déployés pour rassurer la jeune fille, et laisse ensuite exploser son désarroi. Il analyse la cause de son échec avec Esméralda, et en tire des conclusions générales sur la suprématie des apparences dans les rapports humains.

Quasimodo mêle le récit et l’analyse : l’évocation de la scène s’associe à ses réflexions amères sur le regard d’Esméralda, et plus largement celui d’autrui. Il se remémore les occasions qui l'ont mené au rêve et à l'espoir au travers d’une amertume nouvelle.

Pistes possibles : le candidat pourra :

restituer des éléments factuels de la scène (l’enlèvement, l’arrivée dans le refuge, les présents, les échanges…) ;

combler les vides narratifs comme celui de l'ellipse qui suit la question d'Esméralda : « Pourquoi m'avez-vous sauvée ? » ;

reprendre des éléments du portrait de Quasimodo. Les détails physiques peuvent être retenus dans le regard lucide que le personnage pose sur lui-même. Par exemple, le texte de Victor Hugo revient à plusieurs reprises sur les mains de Quasimodo. Elles participent de la monstruosité du personnage et pourtant expriment douceur et respect. Elles traduisent l'opposition entre les sentiments et le physique effrayant. Elles amènent le personnage à la lucidité dans leur présence presque encombrante ;

exprimer les pensées de Quasimodo, partagé entre suppositions et résignation au moment des faits. Désormais convaincu de son impuissance, il en analyse les causes et en dégage une vision pessimiste des rapports humains.