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Baudelaire et la COP21 Patrick Suter, professeur de littérature française à l’Université de Berne et écrivain énumère les changements concrets que lui suggèrent les accords de la COP21 La COP21 vient de se terminer à Paris par un accord de la plus haute importance. Plus tard, on dira peut-être qu’il y aura eu un avant et un après COP21. 195 États se sont mis d’accord pour que la température de la Terre n’augmente pas de plus d’1.5 C°. Quelle réponse éclatante de Paris à l’agression qu’elle a subie un mois plus tôt! C’est là un pas fondamental. Ce n’est pourtant bien sûr qu’un début. Car c’est maintenant que tout commence, et la plupart d’entre nous n’ont pas idée de l’étendue des changements nécessaires. À vrai dire, tout ou presque doit changer. L’écologie apparaît désormais comme la clé de voûte du monde. C’est que la Terre est caractérisée par sa biosphère, dont l’extraordinaire biodiversité contribue à la création de l’atmosphère, notre lieu commun. Accepter de nous corriger Le changement impliqué peut être expliqué très simplement: toutes les activités humaines doivent tenir compte de cette clé de voûte. Ce sera pour l’humanité non pas un moins, mais un formidable plus en termes de qualité de vie – tant sur les plans matériel que spirituel. Nous avons l’habitude de tenir la réalité qui nous entoure pour normale. Nous devons au contraire saisir que toute une série d’éléments dans notre culture sont anormaux et inacceptables. Et accepter de les corriger. Avec des milliers de commissions dans tous les secteurs qui vont devoir trouver des solutions, et un très important travail de coordination entre ces groupes de travail. Nous devons manger différemment, cultiver différemment, voyager différemment, habiter différemment, faire du commerce différemment, et ainsi de suite pour tous les secteurs de la vie humaine.

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Baudelaire et la COP21

Patrick Suter, professeur de littérature française à l’Université de Berne et écrivain énumère les changements concrets que lui suggèrent les accords de la COP21

La COP21 vient de se terminer à Paris par un accord de la plus haute importance. Plus tard, on dira peut-être qu’il y aura eu un avant et un après COP21. 195 États se sont mis d’accord pour que la température de la Terre n’augmente pas de plus d’1.5 C°. Quelle réponse éclatante de Paris à l’agression qu’elle a subie un mois plus tôt! C’est là un pas fondamental. Ce n’est pourtant bien sûr qu’un début.

Car c’est maintenant que tout commence, et la plupart d’entre nous n’ont pas idée de l’étendue des changements nécessaires. À vrai dire, tout ou presque doit changer. L’écologie apparaît désormais comme la clé de voûte du monde. C’est que la Terre est caractérisée par sa biosphère, dont l’extraordinaire biodiversité contribue à la création de l’atmosphère, notre lieu commun.

Accepter de nous corrigerLe changement impliqué peut être expliqué très simplement: toutes les activités humaines doivent tenir compte de cette clé de voûte. Ce sera pour l’humanité non pas un moins, mais un formidable plus en termes de qualité de vie – tant sur les plans matériel que spirituel. Nous avons l’habitude de tenir la réalité qui nous entoure pour normale. Nous devons au contraire saisir que toute une série d’éléments dans notre culture sont anormaux et inacceptables. Et accepter de les corriger.

Avec des milliers de commissions dans tous les secteurs qui vont devoir trouver des solutions, et un très important travail de coordination entre ces groupes de travail. Nous devons manger différemment, cultiver différemment, voyager différemment, habiter différemment, faire du commerce différemment, et ainsi de suite pour tous les secteurs de la vie humaine.

Rendre impossible cette schizophrénieEn premier lieu, il faudra une transformation majeure de la presse et des médias, dont le rôle dans le façonnement des sociétés est immense. Aujourd’hui, la moitié des pages des journaux est consacrée à la publicité, très souvent pour des produits contraires à l’écologie. Il faudra rendre impossible cette schizophrénie qui consiste à laisser des industries polluantes promouvoir leurs produits juste avant un journal télévisé dénonçant les méfaits de la pollution. Tout le secteur médiatique est à revoir, ce qui implique de revoir son financement, les lois qui le régissent – en veillant à ce que la liberté d’expression et la qualité du débat soient garanties. Ce n’est là qu’un exemple.

Les lois sur l’économie, sur la finance, sont à redéfinir complètement, pour empêcher des investissements contraires aux intérêts communs, et pour permettre le tournant des énergies renouvelables, mais aussi de la reforestation et de la biodiversité. Les modes de recherche dans les universités doivent évoluer, pour faciliter les coopérations entre les universités plutôt que la concurrence. Tout ou presque doit changer, et un immense travail doit être entrepris pour faire évoluer, très concrètement, tous les secteurs de la société. Nous devons être prêts à

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d’extraordinaires retournements. Nous nous laverons différemment, nous ferons la lessive différemment, la vie sexuelle changera, nous prierons différemment…

La vie écologique est artistiqueMais alors, soyons-en sûrs, notre vie sera plus belle, car le début d’un geste répondra à sa fin, comme dans la danse. Notre vie sera plus consciente, et nous aurons moins de maladies mentales, car nos gestes seront médités. L’écologie changera toute la culture, qui ne se considérera plus comme séparée de la nature. Les conséquences de cette révolution seront immenses. Beaucoup de problèmes qui paraissent aujourd’hui insurmontables – crises des migrations, intégrismes, chômage – pourront être corrigés parce qu’ils seront pensés à l’intérieur d’une pensée écologique générale – et qu’ils apparaîtront comme des conséquences de désordres écologiques.

La vie écologique demande aux sociétés une construction qu’il faut comprendre comme artistique, dans la mesure où elle implique que tous les éléments se répondent, comme dans un poème. L’industrie se fait circulaire et non plus linéaire, comme les couleurs et les sons se répondent dans «Correspondances» de Baudelaire. Des réseaux électriques non centralisés se construisent. L’agriculture renonce aux pesticides pour favoriser les luttes contre les parasites par les interactions entre les êtres vivants. Nous savons comment le faire, il faut le faire. Nous passerons de la concurrence à la symbiose. Plus tard, on dira peut-être: «Ils l’ont fait».

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