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Oallas. 1 18 Baudelaire. BAUDELAIRE ET L'ANE ESPAGNOLE. Baudelaire n'a jamais 6t6 en Espagne, quoique sa m~re, devenue la femme de l'ambassadeur de France, le g6n6ral Aupick, ait demeur6 18 mois /t Madrid. I1 n'a pas su l'espagnol. II n'a gu~re lu d'auteurs franqais traitant un sujet espagnol, ou en tout cas ces lectures n'ont pas laiss6 de traces dans son oeuvre. Une allusion ~ Cervantes, une autre ~ Dulcin6e de Toboso, voilh tout ce qui y a trait h la litt6rature espagnole. Tout ce qu'il a 6crit par rapport ~ l'Espagne ne remplirait qu'une dizaine de pages. II a connu sans doute les ouvrages des romantiques franqais qui ont cr66 une Espagne de fantaisie, depuis le roman hispano-moresque Le dernier des Abencdrages jusqu'h Mfirim~e, ses Lettres sur l'Espagne et son Thddtre de Clara Gazul, ~ Hernani et Ruy Bias, aux impressions de voyage r6unies dans Tra los Montes et les vers d'EspaFm de Th6ophile Gautier. Ce romantisme, dont il saluerait le d6clin darts un sonnet en 1862, avait fair naitre une Espagne de convention, impr6gn6e d'une couleur locale qui la repr6sentait comme fr6n~tique et macabre, mystique et agit~e des passions de la chair, r6aliste et assoiff~e d'id~al, terre de f~tes et d'horreurs, off routes les femmes portent un poignard dans la jarretiere, off tons les hommes sont pr~ts ~ tuer leurs parents pour 8auver leur honneur, comme le h6ros d'El Verdago de Balzac. Stendhal n'avait-il pas loud ,,l'es- pagnolisme" de sa giand'tante l~lisabeth qui le ravit parce qu'il est la quintessence de l'honneur? Cette Espagne, cette ~me espagnole de fantaisie, Baudelaire doit les avoir connues dans les ann6es off se formait le jeune homme qui, apr~s son voyage manqu6 dans l'Inde, se retrouva ~ Paris au d6but de f6vrier 1842. S'il en a subi peut-~tre le charme, elles Wont pas laiss6 de traces dans son oeuvre car ses pr6f6rences allaient vers un art tout int6rieur. Sons des influences nordiques, celles de Poe et d'Hoffmann avant tout, de Sainte-Beuve d'autre part, son id6al de l'art se pr6cise, se d6veloppe: mesure qu'il p6n~tre plus avant dans les doctrines qui feront de lui un des maitres de la critique esth6tique, il doit s'~tre ~loign6 de cette Espagne cr66e par la litt6- rature ~ la recherche de la couleur locale. I1 avait d6couvert, senti une autre Espagne, surtout une autre ~me espagnole darts la peinture. Louis-Philippe avait fair r6unir en 1835 une collection de 412 tableaux espagnols, qui comprenait entre autres 80 Zurbaran, 22 Alfonso Cano, 17 Velasquez, 8 Greco, 6 Goya, 9 Valdes Lea1. Nous avons le t6moignage de son ami Prarond qui rapporte que Baudelaire aimait ~ entrer au Louvre pour y voir ,,les sombres Espagnols". Et d~s lors il est pris par cet art qui correspond si bien ~ son moi: en 1846 il cite les violentes 6bauches de Goya. I1 le connait encore peu ~ ce moment, mais il le loue l'6gal de Chardin et d'lngres comme de Delacroix. En 1859 il songe h composer une 6tude~sur les Peintres espagnols, ~ laquelle il renonce. Mais pendant sa derni~re maladie, quand il montrait tout ce qu'il aimait, il y avait 1~, ~ c6t6 de Sainte-Beuve et de Poe, ,,un petit livre sur Goya", et sur son lit d'agonisant, il tenait les yeux ardemment fix6s sur des copies de tableaux de ce peintre. Ainsi la peinture espagnole l'avait pr6occup6 d~s ses d6buts jusqu'h sa mort. Si elle n'a pas influ6 sur !a peinture romantique en France, elle n'a pas manqu6 d'attirer les regards des maitres dont il se r~clamera un jour: Delacroix et Gautier. Et e11e renouvellera en partie l'oeuvre de Manet, ,,le dernier homme pour qui il ait eu de l'amiti6-passion", comme F61icien Rops l'a dit h Poulet-Malassis. Telle est l'ambiance artistique off Baudelaire vit avec Delacroix, qui avait copi6 son d6but des dessins de Goya; avec Gautier, qui avait exalt6 des tableaux de Valdes Leal et de Zurbaran; avec Manet, dont il caract6riserait la Lola de Valence, ce ,,bijou rose et noir", darts ses vers. Nous ignorons compl6tement quel r61e leurs entretiens ont jou~ dans son orientation vers l'art et surtout vers l'fime de l'Espagne: nous nous trouvons lh devant des f6condations du moi dont il ne subsiste pas de trace 6crite. Mais le fait est lh: Baudelaire s'est inspir6 d'oeuvres picturales qui se rapportent ~t l'Espagne, aussi bien dans Les Fleurs du Mal que darts ses essais d'esth6tique. Une de ses po6sies A une Matlone est tr~s probablement n6e de La Vierge de ToBde de l'Espa~a de Gautier; son Don Juan aux En]ers est inspir~ sur Le Nau]rage de Don Juan qui a 6t6 contamin6 par Le Dante et Virgile aux En]ers, tons deux de Delacroix; j'ai d6j~ mentionn6 la Lola de Valence de Manet. II y a un Spleen (LXXVll de l'6dition princeps):

Baudelaire et l'ame espagnole

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Page 1: Baudelaire et l'ame espagnole

Oallas. 1 18 Baudelaire.

BAUDELAIRE ET L'ANE ESPAGNOLE.

Baudelaire n'a jamais 6t6 en Espagne, quoique sa m~re, devenue la femme de l'ambassadeur de France, le g6n6ral Aupick, ait demeur6 18 mois /t Madrid. I1 n'a pas su l'espagnol. II n'a gu~re lu d'auteurs franqais traitant un sujet espagnol, ou en tout cas ces lectures n'ont pas laiss6 de traces dans son oeuvre. Une allusion ~ Cervantes, une autre ~ Dulcin6e de Toboso, voilh tout ce qui y a trait h la litt6rature espagnole. Tout ce qu'il a 6crit par rapport ~ l'Espagne ne remplirait qu'une dizaine de pages. II a connu sans doute les ouvrages des romantiques franqais qui ont cr66 une Espagne de fantaisie, depuis le roman hispano-moresque Le dernier des Abencdrages jusqu'h Mfirim~e, ses Lettres sur l'Espagne et son Thddtre de Clara Gazul, ~ Hernani et Ruy Bias, aux impressions de voyage r6unies dans Tra los Montes et les vers d'EspaFm de Th6ophile Gautier.

Ce romantisme, dont il saluerait le d6clin darts un sonnet en 1862, avait fair naitre une Espagne de convention, impr6gn6e d'une couleur locale qui la repr6sentait comme fr6n~tique et macabre, mystique et agit~e des passions de la chair, r6aliste et assoiff~e d'id~al, terre de f~tes et d'horreurs, off routes les femmes portent un poignard dans la jarretiere, off tons les hommes sont pr~ts ~ tuer leurs parents pour 8auver leur honneur, comme le h6ros d'El Verdago de Balzac. Stendhal n'avait-il pas loud ,,l'es- pagnolisme" de sa giand' tante l~lisabeth qui le ravit parce qu'il est la quintessence de l 'honneur? Cette Espagne, cette ~me espagnole de fantaisie, Baudelaire doit les avoir connues dans les ann6es off se formait le jeune homme qui, apr~s son voyage manqu6 dans l'Inde, se retrouva ~ Paris au d6but de f6vrier 1842. S'il en a subi peut-~tre le charme, elles Wont pas laiss6 de traces dans son oeuvre car ses pr6f6rences allaient vers un art tout int6rieur. Sons des influences nordiques, celles de Poe et d'Hoffmann avant tout, de Sainte-Beuve d'autre part, son id6al de l'art se pr6cise, se d6veloppe:

mesure qu'il p6n~tre plus avant dans les doctrines qui feront de lui un des maitres de la critique esth6tique, il doit s'~tre ~loign6 de cette Espagne cr66e par la litt6- rature ~ la recherche de la couleur locale.

I1 avait d6couvert, senti une autre Espagne, surtout une autre ~me espagnole darts la peinture. Louis-Philippe avait fair r6unir en 1835 une collection de 412 tableaux espagnols, qui comprenait entre autres 80 Zurbaran, 22 Alfonso Cano, 17 Velasquez, 8 Greco, 6 Goya, 9 Valdes Lea1. Nous avons le t6moignage de son ami Prarond qui rapporte que Baudelaire aimait ~ entrer au Louvre pour y voir ,,les sombres Espagnols". Et d~s lors il est pris par cet art qui correspond si bien ~ son moi: en 1846 il cite les violentes 6bauches de Goya. I1 le connait encore peu ~ ce moment, mais il le loue l'6gal de Chardin et d'lngres comme de Delacroix. En 1859 il songe h composer une 6tude~sur les Peintres espagnols, ~ laquelle il renonce. Mais pendant sa derni~re maladie, quand il montrait tout ce qu'il aimait, il y avait 1~, ~ c6t6 de Sainte-Beuve et de Poe, ,,un petit livre sur Goya", et sur son lit d'agonisant, il tenait les yeux ardemment fix6s sur des copies de tableaux de ce peintre. Ainsi la peinture espagnole l'avait pr6occup6 d~s ses d6buts jusqu'h sa mort. Si elle n'a pas influ6 sur !a peinture romantique en France, elle n'a pas manqu6 d'attirer les regards des maitres dont il se r~clamera un jour: Delacroix et Gautier. Et e11e renouvellera en partie l'oeuvre de Manet, ,,le dernier homme pour qui il ait eu de l'amiti6-passion", comme F61icien Rops l'a dit h Poulet-Malassis.

Telle est l'ambiance artistique off Baudelaire vit avec Delacroix, qui avait copi6 son d6but des dessins de Goya; avec Gautier, qui avait exalt6 des tableaux de Valdes

Leal et de Zurbaran; avec Manet, dont il caract6riserait la Lola de Valence, ce , ,bi jou rose et noir", darts ses vers. Nous ignorons compl6tement quel r61e leurs entretiens ont jou~ dans son orientation vers l 'art et surtout vers l'fime de l 'Espagne: nous nous trouvons lh devant des f6condations du moi dont il ne subsiste pas de trace 6crite.

Mais le fait est lh: Baudelaire s'est inspir6 d'oeuvres picturales qui se rapportent ~t l'Espagne, aussi bien dans Les Fleurs du Mal que darts ses essais d'esth6tique. Une de ses po6sies A une Matlone est tr~s probablement n6e de La Vierge de ToBde de l 'Espa~a de Gautier; son Don Juan aux En]ers est inspir~ sur Le Nau]rage de Don Juan qui a 6t6 contamin6 par Le Dante et Virgile aux En]ers, tons deux de Delacroix; j 'ai d6j~ mentionn6 la Lola de Valence de Manet. II y a un Spleen (LXXVll de l'6dition princeps):

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(]alias. 119 Baudelaire.

Je suis comme le roi d 'un pays pluvieux

qui, pour l'atmosph~re, fait songer au Roi Philippe IV en costume de chasse de Velasquez.

C'est surtout Goya qu'il caract6rise dans un des quatrains des Phares comme un des peintres qui font monter jusqu'/t Dieu ,,cet 6ternel sanglot" de la douleur, de la souf- france qui sont le t6moignage le plus 61ev6 de la valeur humaine. Ici il y a inspiration directe sur un tableau du .Mus~e de Lille off une ,,vieille au miroir" demande ~. deux femmes clans l '6panouissement de leur beaut6, laquelle sera comme elle une sorte de squelette. Ici encore il y a des allusions tr~s nettes h des Caprichos (les num~ros 55, 5, 17, 15, 16, 19, et 44). Dans son 6tude sur les Caricaruristes dtrangers il parle de (ioya, ayant sous les yeux les Caprichos (num6ros 62, 59, 13, 58, 79, 80) et la Tauromaquia (num6ros 33, 26). A-t-il, en composant Les Bijoux, song6 h la Maja desnuda de Goya? Je ne saurais l 'affirmer; il y a 1/~ des ressemblances - - et aussi des dissemblances qui ne permettent pas de conclure ~t une inspiration 6videmment directe.

Ce sont 1/~ des faits qui montrent que Baudelaire avait chercb6 l'r de l 'Espagne en fouillant clans le moi de personnages dont il se sentait proche parce qu'il retrouvait son moi ~ lui en eux et en l'~me de l'Espagne, non pas de cette Espagne de s6r6nades, de ma]os et de ma]as, de fandangos et de clinquant des romantiques, mais de celle que nous conn~aissons A travers les ~euvres de Havelock Ellis, de bladariaga, de Vossler ou de Job. Brouwer. A-t-il connu le pittoresque du climat moral et historique en le retrouvant en son moi, ou inversement? Quoi qu'il en soit, la ressemblance est Ig.

L'Espagnol est anti-bourgeois. Baudelaire halt le bourgeois de l'6poque de Louis- Philippe et du Second Empire, parent de Franklin, ,,un coquin". Comme l'Espagnol, il m~prise l'utilit~ mat~rielle. II veut ~tre un dandy et il a la pudeur de ses sentiments, qu'il cache soigneusement comme l'Espagnol. Comme lui il a une politesse de mani6res et une gravit6 noble, un souci de l '6tiquette qui contrastent avec le bongarqonnisme e t l 'at t i tude de bousingot de certains amis romantiques. Cet antibourgeois, anti- protestant et antir~volutionnaire - - ces trois faces de son moi sont darts un ~troit rapport - - a l e gofit du pass6, de la tradition, comme l'Espagnol, mais comme lui il est prgt /~ se r6volter contre l'ordre 6tabli, ce qui fair qu'il se jette foUement clans l 'aventure r6volutionnaire de 1848. Comme l'Espagnol il a un sentiment tr~s 61ev6 du point d 'honneur; il lui inspire son att i tude A l'6gard de Jeanne Dural apr~s leur rupture, malgr6 tout ce qui les sgpare.

II est hautain, de cette hauteur qui frappe dans les figures de Velasquez ou de Goya, mais qu'on retrouve aussi bien dans Greco ou Zuloaga. II a cette fiert6, ce regard scrutateur, cette bouche serr6e qui semble renfermer des secrets clans le plus profond du moi; comme l'Espagnol il hair la sensiblerie et il va h des violences exasp6r6es, des cruaut6s, /~ des ~lans de pathgtique. Quelquefois il a cette morgue espagnole qui fair que l'gtre humain, s'il n 'est artiste, n'existe pas /t ses yeux. Le gofit du sang, du macabre, de la mort, de la d6composition, nous les retrouvons chez lui, aussi bien que l 'exaltation des sentiments dans la jalousie du male, clans la sensualit6, dans le fanatisme de la religion. C'est darts sa religion surtout que nous trouvons des 616- ments de son moi qui font songer ~t l 'Espagne. I1 parle de ,,notre religion profon- d6ment triste, religion de la douleur universelle" et relive l'616ment de ,,fgrocitg naturelle que ce pays met dans la religion comme darts l 'amour". Les ~16ments de d6votion romanesque que le catholicisme espagnol a conservgs depuis le moyen hgel la magnificence des cgr6monies, les pompes de la liturgie, le mysticisme fondamental du pays , le plaisir de voir souffrir physiquement les saints et le Christ mgme, c'est une face du catholicisme qu'on retrouve chez lui. D'autre part il a c e gofit de la vie indolente, cette lenteur /t vivre - - ,,mort ~me voyage si lentement" - - , ce besoin de poursuivre uniquement la Beaut6 darts ,,les beaux nuages qui passent", cette nostalgie de l ' inconnu que contient l'fime espagnole. Elle veut oublier la vie, se d6payser darts le r~ve, s 'gvader dans la vie int6rieure, tendances que nous d6couvrons darts l 'ar t de Goya, le sourd. Comme ceiui-ci, Baudelaire poss~de le sens du comique qui va au cruel; il constate que chez les Espagnols ,,leurs fantaisies les plus grotesques contiennent souvent quelque chose de sombre", caractgristique qu'on peut appliquer aussi ~ lui et h son ceuvre et h ses projets de thg~ttre.

Ce sont l~t des rapprochements entre Baudelaire et l'fime espagnole qui font voir

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( i a l l a s . 120 B a u d e l a i r e .

qu'il y avait en lui des c6t6s qui expliquent l 'attrait que l'Espagne n'a jamais cess6 d'avoir pour lui, quoiqu'il n'ait pas visit6 ce pays et qu'il n'ait pas su sa langue.

Cette similitude ou, si l'on veut, ce parall61isme, se retrouve dans son ~euvre et l 'art espagnol. C'est un art subjectif, qui a une certaine pudeur, un d6sir du d6pouill6, correspondant /t ce qu'il trouve darts l'art de Poe. La nature, le paysage en sont g6ndralement absents ou torment un fond qui ne s'impose pas. Ce c8t6 de l 'art dolt plaire ~ un auteur qui a d~clar6 qu'il est ,,incapable de s'attendrir sur des v6g6taux". Pour lui le paysage est beatj par l'id6e ou le sentiment qu'il y attache. Plus tard la nature sera pour lui le r6servoir des correspondances qui expliquent les secrets des symboles cach6s dans l'Univers. 11 lui pr6fbre les villes et les lamentations humaines qui en proviennent, cet ,,6ternel sanglot" qui monte vainement au tr0ne de Dieu. La m6me pr6occupation de l'6tre humain se manifeste clans l'art espagnol clans le portrait comme darts la caricature: Velasquez et Goya excellent t~ r6v61er les coins les plus cach6s des souffrances de l'homme dans un geste ou une attitude .du corps, darts des l~vres serr6es ou des yeux dont le regard implacable nous suit. Cette peinture correspond aux figures que Baudelaire 6voque darts ses po~mes, que ce soit la Jeanne Dural de Sea non satiata ou la Marie Daubrun de l'Irrdparable.

L'art espagnol est avant tout un art de coloristes. Baudelaire ~ toujours admir6 les peintres qui pr6f6raient la couleur au dessin: Delacroix reste le maitre pr6f6r6. Cela explique aussi son admiration pour Goya. Cet art n'a g6n6ralement rien de mi~vre, de recherch6 et doit lui platte parce qu'il a ,,l 'amour incorrigible du grand". Quelque- fois cet art v a h des exub6rances dans les ornements et les sculptures, et /~ une pro- fusion de splendeurs comme celle qu'il 6voque darts A une Madone, piece qui r6v~le jusqu'/t quel point il excelle h m~ler le surnaturel et le recherch6 dans l'6vocation de cette figure hi6ratique.

En Espagne I'art est profond6ment religieux et offre des aspects qui se retrouvent clans l'art de Baudelaire, mystique et r6aliste b, la tots. Lh encore le catholicisme se manifeste clans une majest6 pompeuse qui frappe le voyageur plus fortement que darts d'autres pays. On peut 6tre certain que Baudelaire sentait cette correspondance entre son mot et la religion de ce pays quand il louait h propos d'une vue sur Rome ,,l'impression glorieuse et m61ancolique du soir descendant sur la cit6 sainte, un soir solennel, travers6 de bandes pourprdes, pompeux et ardent comme la religion ro- maine". N'y a-t-il pas lh un 6cho de son id6al de l'art ,,ardent et triste", tel qu'il l 'a formul6 dans Fusdes? Les horreurs de la mort, que tant de chefs-d'~euvre de l 'art espagnol font voir, sont un des grands th~mes du porte, solvant dans les vers qui d6truiront son corps des philosophes viveurs, impuissants h trouver encore une torture

Pour ce vieux corps sans ~me et mort parmi les morts! #

Correspondances entre son mot et l'fime de l'Espagne, entre son art et cette ~me, voil/a ce que je crois avoir rapidement indiqu6 darts ces quelques pages.

Amsterdam. K. l~. GALLA$.

OVER DE TAAL VAN METZ IN DE XlVe EN XVe EEUW.

Drie jaar geleden vestigde ik, in de Feestbundel die aan Prof. de Vooys werd opge- dragen, de aandaeht op een Frans rechtsboek uit de veertiende eeuw dat Prof. Metiers en ik voornemens zijn uit te geven. Her handschrift (Nancy, 142) bevat samen- vattingen van vonnissen uitgesproken door de maitres-6chevins van Metz gedurende de XIVe en XVe eeuw en is van bet hoogste belang voor de kennis van her gewoonte- recht in Noord-Frankrijk, maar tevens heeft bet waarde voor de beoefenaars der Oudfranse dialecten. Dit artikel, het tweede dat ik aan het juridisch document wijd - - tans eveneens in een Feestbundel aangeboden aan een scheidende collega - - bedoelt de nadruk te leggen op de taalvormen der Jugements de Metz.

Onze, door de omstandigheden lang opgehouden uitgave ervan zal een tegenhanger vormen van twee andere rechtsteksten die wij in het licht hebben gegeven, namelijk een verzameling van ,,coutumes" van Saint-Amand (in N.W. Frankrijk, bij Valen- ciennes) en het rechtsboek van Verdun. Dit drietal biedt, ook voor de taal, interessante