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[1] Esclavage et Traite des Esclaves chez les Arabo-Musulmans Compilation darticles divers

(Bibliothèque Identitaire) L'Esclavage Et Les Arabo-Musulmans (CLAN9 Islam Traite Négriers Arabes Mahomet Esclaves Racisme Anti-Blanc, Coran Hadith)

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    Esclavage et

    Traite des Esclaves

    chez les Arabo-Musulmans

    Compilation darticles divers

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    Les Ngriers en Terre dIslam

    Jacques Heers. Professeur honoraire d'histoire l'Universit Paris IV-Sorbonne.

    Auteur de nombreux ouvrages, dont, notamment, Christophe Colomb, Hachette, Paris, 1981 ; Marco Polo, Fayard, Paris, 1983 ; Machiavel, Fayard, Paris, 1985 ; Gilles de Rais, Perrin, Paris, 1994 ; Jacques Coeur, Perrin, Paris, 1997 ; Les Barbaresques, Perrin, Paris, 2001 ; Les ngriers en terre d'Islam, Perrin, Paris, 2001.

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    Les blancs, captifs et esclaves

    La guerre pourvoyeuse de captifs (VIIe-Xe sicle)

    Les conqutes musulmanes, du VIIe au VIIIe sicle, si brutales et d'une telle ampleur que le monde mditerranen n'avait jamais rien connu de tel, provoqurent un nombre considrable de captures et, aussitt, un trs important trafic d'hommes et de femmes, conduits en troupes sur les marchs des grandes cits.

    L'esclavage devint alors un phnomne de masse affectant tous les rouages sociaux, hors de proportion avec ce qu'il avait t dans l'Empire byzantin.

    Dans les tout premiers temps de l'islam, les es-claves taient, comme dans l'Antiquit romaine ou du temps de Byzance, essentiellement des Blancs, rafls lors des expditions ou exposs sur les marchs par des trafiquants qui allaient les acheter en de lointains pays, trs loin mme des terres d'Islam.

    Les ngriers en terres d'Islam, p. 11

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    En Orient : captifs grecs et perses

    La flotte du calife de Bagdad assige Constantinople en 673. Elle trouve les murailles de la ville renforces par d'impressionnants fortins et les redoutables vaisseaux grecs siphonophores, capables de lancer le terrible feu grgeois, prts au combat. Cette rsis-tance byzantine ruine l'enthousiasme des assaillants qui se replient et ne tentent plus de fortes attaques avant plusieurs dcennies. En 716, ils mnent leurs troupes travers l'Anatolie, passent les Dtroits et pntrent jusqu'en Thrace tandis qu'une flotte de mille vaisseaux cerne de nouveau Constantinople. Mais, attaqus par les Bulgares au nord,

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    dcims sur mer par le feu grgeois, les musulmans abandonnent, cette fois encore, le sige aprs un an de durs combats. Ces premiers lans briss, la guerre ne fut plus ds lors que raids de cavalerie, raids sauvages, inopins, non pour conqurir ou tablir des colonies militaires, centres de garnisons pour d'autres offensives, mais simplement pour le butin et la chasse aux esclaves. Chez les chrtiens, les populations se rfugiaient dans des camps fortifis, Doryle, Smyrne, Milet. Sur ce front mouvant et incertain, har-diment dfendu par les colonies des acrites, soldats et paysans, les chefs guerriers se retranchaient, sentinelles hasardes, dans leurs palais ceints de hautes murailles. Les pomes piques, souvent d'origine populaire, modles peut-tre de nos chansons de geste, content les hauts faits d'armes des hros, capitaines des chteaux dresss sur les rives de l'Euphrate, mais disent aussi, en d'autres accents, les angoisses et les peines des petites gens, paysans, villageois, surpris au travail, incapables de fuir assez tt, emmens captifs pour servir en des terres lointaines d'Arabie ou d'Irak.

    Ibidem, pp. 15-16

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    Les premiers grands marchs d'esclaves (IXe-Xe sicle)

    Esclaves saxons, marchands juifs et chrtiens

    Pendant longtemps, les gographes, les voyageurs et les marchands musulmans te-naient pour Slaves tous les hommes qui vivaient hors de leurs Etats, de l'Espagne aux steppes de la Russie et de l'Asie centrale et, plus loin encore, sur les terres inconnues, contres rputes rebelles de Gog et Magog.

    Les conqurants musulmans n'ont tent que trs rarement des raids aussi loin de leurs bases et les esclaves slaves ne pouvaient tre qu'objets de traite. Ceux de Bohme taient rgulirement conduits Prague, centre de castration pour les hommes, puis Ratisbonne. Ceux des pays plus au nord, avec les Saxons faits prisonniers lors des cam-pagnes de Charlemagne des annes 780, furent expdis vers les gros bourgs fortifis de la route germanique pour finir sur le march de Verdun. De l, on les menait Lyon, autre grand carrefour pour ce ngoce des captifs, puis Arles et Narbonne et, enfin, vers les ports d'Espagne, du Maghreb ou, directement, de l'Orient.

    Ce n'tait ni affaires de peu ni d'un court moment: au xe sicle encore, Liutprand, vque de Crmone (920-972), ne cessait de dnoncer et de condamner les profits normes, proprement scandaleux, que ralisaient les marchands de Verdun. A la mme poque, les recensements des Slaves amens sur le march musulman de Cordoue don-nent un chiffre de plus de dix mille en l'espace de cinquante annes, de 912 961. Ils ont trs vite form, comme les Turcs en Orient, peuple non encore islamis, une part impor-tante des troupes et du corps des officiers au service du calife.

    Au temps de la dcadence de ce califat de Cordoue et de l'parpillement des pouvoirs, dans les annes 1000, plusieurs d'entre eux, notamment dans le Levant ibrique, prirent la tte d'un petit royaume, alors compltement indpendant.

    Les marchands des pays d'islam, eux non plus, ne se risquaient pas volontiers hors du monde mditerranen et rpugnaient se rendre en Gaule o ils ne rencontraient que des populations hostiles. On ne les y voyait pas frquenter les marchs d'esclaves alors que les Juifs taient, eux, communment montrs comme les matres de ce malheureux commerce.

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    Certains n'taient que de petites gens, colporteurs errants, vendeurs de bibelots et de pacotille qui ne prenaient leur suite qu'un ou deux captifs. D'autres, au contraire, bien en place auprs des palais des rois francs, matres d'entreprises implantes dans tout le pays, convoyaient vers les ports de la Mditerrane de nombreuses troupes de prison-niers, embarques vers l'Orient.

    Ils rapportent d'Occident des eunuques, des esclaves des deux sexes, du brocart, des peaux de castor, des pelisses de martre et des autres fourrures et des armes.

    Nos auteurs, musulmans et chrtiens, insistent particulirement sur le rle des Juifs qui, dans l'Espagne musulmane, formaient souvent la majorit de la population dans les grandes villes, notamment Grenade, appele communment, au VIIIe sicle, la ville des Juifs.

    Ngociants en produits de luxe, mtaux, bijoux et soieries, plus rarement prteurs sur gages, ils se groupaient en petites socits de parents et d'amis, les uns tablis dans une des cits proches de la frontire castillane, les autres dans les ports d'Ibrie et d'Afrique du Nord, et prenaient leur compte certainement une bonne part des transactions entre les deux mondes. On assurait aussi que, les musulmans s'y refusant, ces trafiquants isralites veillaient la bonne tenue des centres de castration.

    Cependant, des marchands gaulois et chrtiens, de Verdun surtout, allaient eux aussi rgulirement commercer Saragosse et dans les autres cits musulmanes d'Espagne pour y prsenter et y vendre des captifs.

    L'abb Jean de Gorze, charg de mission par l'empereur germanique Otton 1er auprs du calife de Cordoue, se fit accompagner par un de ces ngociants chrtiens de Verdun qui connaissait bien l'Espagne.

    Les Mozarabes, chrtiens demeurs en Espagne sous la domination musulmane, ne demeuraient pas inactifs; ils passaient les Pyrnes, frquentaient les marchs, Verdun bien sr et jusque dans les cits des rives du Rhin.

    Pour l'Italie, les mmes auteurs parlent beaucoup moins des Juifs mais plus souvent des marchands chrtiens, hommes de vilaines mains, pillards et complices, meneurs de raids au-del des Alpes ou sur l'autre rive de l' Adriatique, tous trafiquants d'esclaves, capables de faire prisonniers et de ramener hommes et femmes sans regarder leurs origines ou leur religion.

    Les hommes d'affaires vnitiens, ceux-ci mieux organiss et plus honorablement con-nus, armant des navires leurs noms, y prenaient part. Soumise alors Byzance, Venise bravait les empereurs de Constantinople qui avaient formellement condamn cette traite et menac les coupables de dures sanctions.

    Pour mettre un terme ces sinistres ngoces ou, du moins, en limiter les profits, Lon V l'Armnien, empereur (813820), interdit tous ses sujets, plus particulirement aux Vnitiens, de commercer dans les ports d'Egypte et de Syrie. L'on vit pourtant d'auda-cieux trafiquants traquer des esclaves dans les Abruzzes et le Latium pour les revendre dans le Maghreb.

    Ibidem, pp. 16-18

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    Les Russes et les Bulgares de la Volga

    Le Livre sur la clairvoyance en matire commerciale, attribu l'crivain al-Djahiz (d. 669), faisait dj mention d'esclaves des deux sexes imports du pays des Khazares sur les rives de la Volga, prs de son embouchure.

    Cependant, les trafics marchands avec les villes de Russie ne prirent un bel essor que plus tard, au temps o la dynastie des Sassanides puis celle des Bouyides, toutes deux originaires de Perse, rgnrent Bagdad.

    Le clbre lettr athTha' alibi imagine une conversation entre deux courtisans du roi bouyide Adud al-Dawla (977-983) et les fait parler de jeunes esclaves turcs, de concu-bines de Boukhara et de servantes de Samarkand.

    Sur les lointains marchs de Kiev et de Bulghar, la capitale des Bulgares, les mar-chands musulmans taient presque tous originaires ou de la Transoxiane ou du Kharas-san, au nord-est de l'Iran.

    Les trafiquants de la ville de Mechhed venaient, chaque saison, au retour de leurs ex-pditions dans le Nord et les pays des steppes, vendre Bagdad diverses sortes de four-rures, les moutons et les bufs, le miel, la cire et les cuirs, les cuirasses et, surtout, les esclaves.

    Pour se procurer ces hommes et ces femmes, de plus en plus nombreux et d'origines de plus en plus lointaines, les musulmans de Perse traitaient avec les Bulgares ou avec les Russes, intermdiaires obligs, convoyeurs de captifs.

    L'anne 921, le calife abbasside de Bagdad, Muqtadir, envoya une ambassade au roi des Bulgares de la Volga. Le secrtaire de l'expdition, Ahmed ibn Fodlan, tenait, au jour le jour, registre des marches de la caravane et des tapes, jusque trs loin dans des pays jusqu'alors inconnus; il s'attarde longuement { dcrire les murs et les usages poli-tiques de ces peuples, si diffrents de ceux de son monde.

    La coutume est que le roi des Khazares ait vingtcinq femmes dont chacune est la fille d'un des rois des pays voisins. Il les prend de gr ou de force. Il a aussi des esclaves con-cubines pour sa couche au nombre de soixante qui sont toutes d'une extrme beaut. Toutes ces femmes, libres ou esclaves, sont dans un chteau isol dans lequel chacune a un pavillon coupole recouvert de bois de teck. Chacune d'elles a un eunuque qui la soustrait aux regards. Et encore : Quand un grand personnage meurt, les gens de sa famille disent ses filles esclaves et ses garons esclaves: " Qui d'entre vous mourra avec lui? " Pour eux, c'est un honneur que de se sacrifier.

    Ibn Fodlan voit aussi, leur campement au bord du fleuve, des Russes, les plus mal-propres des cratures de Dieu , qui ancrent leurs bateaux sur les berges et construisent de grandes maisons de bois. Dans chacune de ces maisons, sont runies de dix vingt personnes. Avec eux sont de belles jeunes filles esclaves destines aux marchands. Chacun d'entre eux, sous les yeux de son compagnon, a des rapports sexuels avec une esclave. Parfois tout un groupe d'entre eux s'unissent de cette manire, les uns en face des autres. Si un marchand entre ce moment, pour acheter l'un d'eux une jeune fille et le trouve en train de cohabiter avec elle, l'homme ne se dtache pas d'elle avant d'avoir satisfait son besoin.

    Ce fut, au long des temps, un ngoce tout ordinaire, quasi routinier, soumis aux cou-tumes, aux rgles et aux taxes. Quand les Russes ou les gens d'autres races arrivent

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    dans le pays des Bulgares avec des esclaves, le roi a le droit de choisir pour lui un esclave sur dix.

    Les Russes s'aventuraient trs loin et, des rgions les plus loignes du pays des Slaves , ramenaient des captifs, hommes et femmes des deux sexes, et des fourrures prcieuses, peaux de castor et de renard noir.

    Deux cents ans aprs Ibn Fodlan, Abu Hamid de Grenade, lors d'un long et pnible voyage en Europe de l'Est, trouve les Russes partout sur son chemin. Ils lui parlent des Wisu, peuple de la rgion du lac Ladoga o les hommes chassent le castor, et des Arw du pays des grands fleuves qui, eux, chassent 1 'hermine et le petit-gris.

    Au-del des Wisu, prs de la mer Arctique, la mer des tnbres , vit un peuple de nomades, les Yura, qui, contre des pes, livrent aux Russes des peaux de zibeline et des esclaves. Ces deux ngoces, peaux de btes et btail humain, allaient partout de pair.

    L aussi, les Juifs assuraient certainement une part importante des changes, en par-ticulier l'est, pour les produits de la lointaine Asie ou des steppes et dserts des hauts plateaux. L'historien et gographe Ibn Khurdadhbeth consacre un long passage de sa description du monde ces Juifs Radhanites et dcrit, noms de nombreux fleuves, de villes et de peuples l'appui, quatre de leurs grands itinraires : l'un arrivant de l'ouest, par mer, vers Antioche, un autre le long de la cte mridionale de la Perse, un autre en-core par la mer Rouge et la mer d'Oman jusqu'en Inde, et le dernier, le plus important, vers l'Europe centrale et les pays du Nord.

    Ibidem, pp. 18-21

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    La rue des Ottomans (XIIe-XVIe sicle)

    En pays d'islam, principalement en Orient, les esclaves ne fondaient pas de familles et n'avaient pas ou peu d'enfants. Le nombre relativement important d'eunuques, l'inter-diction faite, bien souvent, aux femmes de se marier, les mortalits terriblement leves du fait des conditions de travail sur les grands domaines et dans les mines, des guerres entre souverains, peuples et factions, des maladies et des pidmies, firent que les matres voyaient leur cheptel humain sans cesse s'affaiblir et devaient le renouveler.

    Cependant, ds le IXe sicle, les conqutes se sont essouffles et les peuples dj soumis et convertis n'taient plus territoires de chasse. Pendant plusieurs sicles, les musulmans ont cess de lancer leurs troupes loin de leurs Etats et la traite fournit alors, de trs loin sans doute, le plus grand nombre de captifs.

    Les grandes offensives n'ont repris que quelque trois cents ans aprs celles des pre-miers conqurants lorsque les Turcs ottomans venus d'Asie centrale, convertis l'islam, lancrent de nouvelles attaques contre les chrtiens en Anatolie : sur Erzeroum ds 1048, sur Sbaste l'an suivant. En 1071, Mantzikiert, au nord du lac de Van, ils infligent une retentissante dfaite aux troupes de Byzance, font prisonnier l'empereur Romain Diogne, s'ouvrent la route de Constantinople, installent leur capitale Brousse et un sultanat { Konya, en plein cur du pays.

    Ce fut, de nouveau, le temps des chasses aux esclaves, sur mer et sur terre. Les potes de cour, la solde des mirs ottomans d'Anatolie, chantaient les exploits des pirates de Smyrne et d' Alania qui enlevaient les femmes et les enfants de ces chiens de m-

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    crants . De 1327 1348, Umur Pacha, l'un des cinq fils de l'mir d'Aydin 21, lui-mme mir de Smyrne et pirate tous vents, sema la terreur dans tout l'Orient mditerranen, dans les les de Chio et de Samos, et jusque sur les ctes du Ploponnse. Non pour con-qurir des terres, non mme pour tablir des guerriers et des marchands en quelques comptoirs, mais pour ramener, chaque saison, de merveilleux butins et des centaines de captifs.

    Ses hommes capturrent beaux garons et belles filles sans nombre au cours de cette chasse et les emmenrent. Ils mirent le feu tous les villages ... Au retour, riches et pauvres furent remplis de joie par ses prsents. Tout le pays d'Aydin fut combl de ri-chesses et de biens et la gaiet rgna partout. Filles et garons, agneaux, moutons, oies, canards rtis et le vin taient dbarqus en abondance. A son frre, il donna en cadeau nombre de vierges aux visages de lune, chacune sans pareille entre mille; il lui donna aussi de beaux garons francs pour qu'il dnoue les tresses de leurs cheveux. A ces ca-deaux, il ajouta de l'or, de l'argent et des coupes innombrables .

    Ce n'taient pas simples brigandages, expditions de forbans, de hors-la-loi, mais une guerre encourage par les chefs religieux, aventures bien codifies, menes selon la Loi et les rgles de l'islam, en tous points une guerre sainte : la cinquime part du butin, part de Dieu , allait aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs.

    Les armes ottomanes franchissent les Dtroits vers 1350, s'tablissent Andrinople, dfont les Serbes Kossovo (1389) puis les princes et les chevaliers de la croisade de Sigismond de Hongrie Nicopolis (1396). Pendant plus d'un sicle, elles allrent de plus en plus loin la chasse au butin et aux esclaves. En 1432, Bertrandon de La Broquire, conseiller du duc de Bourgogne et charg de mission en Orient, par ailleurs tout fait capable de s'entendre avec les Turcs au cours de son voyage en Anatolie, croise sur sa route, dans les Balkans, plus d'une troupe misrable de captifs mens par des guerriers au retour d'une razzia chez les chrtiens et prend alors conscience de la manire dont les Turcs traitent leurs prisonniers, tous vous l'esclavage:

    Je vis quinze hommes qui taient attachs ensemble par de grosses chanes par le cou et bien dix femmes, qui avaient t pris peu auparavant dans une course que les Turcs avaient faite dans le royaume de Bosnie et qu'ils conduisaient pour les vendre Andrinople. Ces malheureux demandaient l'aumne aux portes de la ville; c'tait une grande piti que de voir les maux dont ils souffraient.

    Ils prenaient les enfants pour les convertir de force et les initier trs jeunes au mtier des armes, les soumettre un dur entranement pour en faire ces janissaires, corps d'lite de leur arme.

    Partout o passaient leurs troupes ou leurs galres de combat ce n'taient que rafles de prisonniers, butin de guerre. Et pas seulement en pays des chiens de mcrants : en 1517, entrant dans Le Caire, vainqueurs de l'empire mamelouk d'Egypte et de Syrie, empire musulman bien sr, ils enlevrent nombre de jeunes garons imberbes et des esclaves noirs.

    A la mme poque et jusqu' leur retentissante dfaite de Lpante (7 octobre 1571), o plus d'une centaine de leurs galres de combat furent envoyes par le fond ou prises d'assaut, les Turcs ne cessrent de lancer chaque anne vers l'Occident, Espagne et Italie surtout, de fortes escadres charges de nombreuses pices d'artillerie. Les sultans criaient leur dtermination de prendre Rome et d'anantir les Etats chrtiens, ceux du roi d'Espagne en premier.

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    Ils chourent et cet acharnement poursuivre leurs attaques si loin de leurs bases du Bosphore et d'Asie n'eut pour eux d'autres profits que de ramener rgulirement des troupes d 'hommes et de femmes, de jeunes gens surtout, pris lors des siges de villes pourtant puissamment fortifies ou razzis au long des ctes. De telle sorte que cette guerre des sultans ottomans de Constantinople, de Slim 1er et de Soliman le Magni-fique, s'est le plus souvent ramene de misrables et cruelles rafles d'hommes. Dans un des gros bourgs de la Riviera gnoise, en 1531, un homme sur cinq se trouvait alors es-clave chez les Turcs.

    Dans Alger, o l'on ne comptait pas moins de six ou sept bagnes pour les chrtiens prisonniers, plusieurs centaines de captifs, peut-tre un millier, taient entasss dans des conditions pouvantables, dans le plus grand bagne, situ en plein cur du tissu urbain, sur le souk principal qui courait d'une porte l'autre. C'tait un vaste difice de soixante-dix pieds de long et quarante de large, ordonn autour d'une cour et d'une ci-terne.

    Au temps d'Hassan Pacha, dans les annes 1540, deux mille hommes logeaient dans un bagne plus petit et, un peu plus tard, encore quatre cents dans celui dit de la B-tarde . A Tunis, demeure longtemps indpendante sous un roi maure, la conqute de la ville par les Turcs, en 1574, fit que l'on btit en toute hte huit ou neuf bagnes qui suffi-rent peine y entasser les prises de guerre; les hommes s'y pressaient jusqu' dix ou quinze dans des chambres minuscules, votes et sombres.

    Toute conqute s'accompagnait invitablement, sur des territoires de plus en plus tendus, d'une chasse aux esclaves, bien souvent but principal de l'expdition. Les Turcs, voisins des chrtiens, envahissent souvent les terres de ces derniers, non telle-ment par haine de la croix et de la foi, non pour s'emparer de l'or et de l'argent, mais pour faire la chasse aux hommes et les emmener en servitude. Lorsqu'ils envahissent l'improviste des fermes, ils emportent non seulement les adultes mais encore les bbs non encore sevrs qu'ils trouvent abandonns par leurs parents en fuite; ils les empor-tent dans des sacs, et les nourrissent avec grand soin.

    Aux raids des Ottomans en Occident et en Afrique, rpondaient, la mme poque, ceux des sultans musulmans du Deccan qui, pour la cour et les armes comme pour le service domestique, lanaient en Inde razzia sur razzia contre les Infidles. Pendant son sjour Delhi, Ibn Battuta assiste au retour d'une chasse: Il tait arriv des captives indiennes non musulmanes. Le vizir m'en avait donn dix. J'en donnai une celui qui me les avait amenes mais il ne l'accepta pas; mes compagnons en prirent trois jeunes et, quant aux autres, je ne sais ce qu'elles sont devenues.

    Il lui fit aussi prsent de plusieurs villages, dont les revenus s'levaient cinq mille dinars par an. Ces expditions n'taient pas des aventures menes seulement par quelques hommes mais bel et bien de vastes oprations qui mobilisaient de grands moyens que seuls les chefs de guerre, les sultans et les vizirs pouvaient runir: les non-musulmans se retranchaient dans d'paisses forts de bambous qui les protgeaient comme un rempart et d'o l'on ne pouvait les dloger qu'avec des troupes puissantes et des hommes qui peuvent entrer dans ces forts et couper ces bambous avec des outils particuliers .

    Ibidem, pp. 21-24

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    Les raids des musulmans: l'Egypte, le Maghreb et les oasis

    Les janissaires et autres soldats turcs, en garnison au pays d'Egypte, s'associent en certain temps de l'anne plusieurs ensemble et, prenant des guides et provisions de vivres, s'en vont au dsert de Libye, la chasse de ces ngres. On leur baille au Caire, lorsqu'ils sont mis en vente, une pice de toile qui leur couvre les parties honteuses.

    Au sud de la Nubie et l'ouest de l'Ethiopie, le trafic des esclaves du Darfur, absolu-ment crucial pour l'conomie des sultans musulmans, rsultait soit des ventes par les trafiquants installs sur place, Arabes pour la plupart, qui ne pratiquaient que d'assez pauvres razzias sur les villages des environs, soit des raids directement placs sous l' autorit du sultan du Caire.

    Ces chasses aux hommes se pliaient des rgles parfaitement dfinies, impliquant des accords constants entre le pouvoir, les notables et les marchands. Celui qui prenait la tte d'une razzia, d'un ghazwa, devait d'abord solliciter la salatiya, autorisation du sul-tan. Celui-ci dfinissait trs exactement le territoire de chasse et prenait, en quelque sorte, les chasseurs et les ngociants sous sa protection. Il prtait une escorte arme et interdisait d'autres d'aller courir aux Noirs dans les mmes pays.

    Le chef de raid avait tous pouvoirs, disposait de la mme autorit que le sultan dans ses villes et ses Etats et, effectivement, on le disait bien sultan al-ghazwa, sultan matre du raid. Il runissait ses fidles, plus ou moins nombreux selon sa renomme, en fait selon le succs de ses entreprises les annes prcdentes, et ngociait avec des groupes de marchands qui fournissaient les vivres ncessaires de longs jours de route contre l'engagement de recevoir, en change, un certain nombre de captifs.

    Chaque anne le sultan autorisait plusieurs dizaines de razzias, jusqu' soixante par-fois; les hommes partaient avant les pluies, de juin aot, et suivaient toujours, sans s'en loigner, une route fixe l'avance, tant pour l'aller que pour le retour. Les contrats souscrits par les ngociants stipulaient que ceux qui accompagnaient le raid trs loin dans le Sud et se chargeaient de convoyer les captifs jusque sur les marchs des villes en recevraient deux fois plus que ceux qui attendaient simplement le retour de la razzia dans le Nord.

    Ces raids ne tournaient pas forcment aux affrontements guerriers. On traitait avec des rabatteurs ou avec des chefs de tribus eux-mmes chasseurs d'hommes dans le voi-sinage. Les Noirs surpris n'taient certainement pas en mesure de rsister les armes la main et l'on savait qu'une bonne expdition pouvait ramener de cinq six cents es-claves. Le plus souvent les chasseurs opraient, en toute quitude, dans la rgion mme du Darfur, plus particulirement au sud et au sud-ouest. D'autres se risquaient beaucoup plus loin et l'on parle d 'hommes qui demeurrent six mois en route avant de renoncer, ayant atteint un fleuve qu'ils n'osrent franchir.

    Ibidem, pp. 65-66

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    Portugais, Amricains et Juifs

    Parler de la traite des chrtiens et taire les musulmanes, ou les rduire trop peu, tait dj travestir la vrit. Fallait-il, de plus, pour cette traite atlantique, ne citer que les armateurs de France ou accessoirement d'Angleterre et ne rien dire des autres, no-

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    tamment des Portugais qui furent, et de trs loin, les plus actifs sur place, solidement implants, agents d'un commerce pionnier et maintenu en pleine activit bien plus long-temps ?

    Arrivs les premiers sur les ctes d'Afrique et sur les rives des fleuves, ils furent bien les seuls, avec les Amricains, s'tablir demeure dans les postes de traite l'intrieur du continent, l o les Noirs taient livrs sur le march bien plus nombreux qu'ailleurs.

    Ces hommes n'taient pas seulement capitaines de navires jetant l'ancre pour de courtes escales, le temps d'embarquer les esclaves que d'autres Noirs leur vendaient, mais des rsidents, chefs d'entreprises florissantes, ngriers au sol, propritaires de fac-toreries, d'entrepts et mme de troupes de rabatteurs.

    ------ Peut-on imaginer que les Amricains se soient contents de recevoir des navires d'Europe chargs de Noirs captifs? Ils furent, au contraire, parmi les plus actifs des armateurs et capitaines ngriers. Leurs btiments de Maryland, de Georgie et de Caroline allaient rgulirement en Afrique, plus particulirement sur la cte de Guine qu'ils appelaient tout ordinairement la Cte des esclaves.

    Ils avaient conclu des accords avec les rois de ce littoral et avec ceux du Togo qui en-voyaient leurs guerriers razzier l'intrieur du continent et livraient leurs prisonniers Anecho (actuellement la frontire du Togo et du Dahomey), Porto Novo et Ouidah, sites portuaires fortifis.

    Au temps le plus fort de la traite, au dbut du XVIIIe sicle, l'on comptait plus de cent vingt vaisseaux ngriers, pour le plus grand nombre proprit de ngociants et arma-teurs juifs de Charleston en Caroline du Sud et de Newport dans la baie de Chesapeake en Virginie (Moses Levy, Isaac Levy, Abraham AlI, Aaron Lopez, San Levey), ou de Portugais, juifs aus-si, tablis en Amrique (David Gomez, Felix de Sou-za), qui, eux, avaient des parents au Brsil.

    A Charleston, une vingtaine d'tablissements, nullement clandestins, distillaient un mauvais al-cool, principal produit propos en Afrique pour la traite des Noirs esclaves.

    Certains ngriers amricains, et non des moindres, se sont, la manire des Portugais et par-fois de concert avec, eux, solidement tablis en Afrique, sur la cte et mme l'intrieur, grant alors en toute franche proprit d'importants postes de traite, entrepts et embarcadres pour les loin-tains voyages. Ce que n'ont fait ni les Anglais ni les Franais.

    Ibidem, pp. 255, 258

    http://www.denistouret.net/textes/Heers_Jacques.html

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    L'esclavage musulman A lheure o les tentatives de culpabilisation de lOccident se font dli-

    rantes, Louis Chagnon ouvre le dossier de lesclavage musulman.

    Lhistoire de lesclavage est { lactualit, utilise comme outil pour soutenir des re-vendications communautaristes, elle est falsifie pour introduire la seule critique de lOccident. Ne pouvant pas reprendre toute lhistoire de lesclavage, je rappellerai rapi-dement quelques donnes lmentaires.

    Lesclavage se perd dans la nuit des temps et les noirs nen ont pas t les seules vic-times, comme les Occidentaux nont pas t les seuls esclavagistes. Le mot esclave vient du mot Slave, les Slaves paens ont en effet fourni les contingents les plus nom-breux desclaves pendant le haut Moyen-ge, vendus par les Vnitiens aux arabo-musulmans. Si esclavage et colonisation se sont rejoints aux XVIIe et XVIIIe dans le commerce triangulaire pratiqu par des commerants, et non par des colons, lesclavage nest pas inhrent { la colonisation occidentale, il existait des millnaires avant et exista aprs. Bien au contraire, la colonisation entrana la disparition de lesclavage dans les colonies. Avant mme la colonisation de lAfrique, les Europens avaient agi pour faire supprimer lesclavage en Tunisie: Aprs les trois mois de rgne de son frre Othman, le fils de Mohammed bey, Mahmoud bey (1914-1824), se vit contraint par les puissances europennes { supprimer lesclavage, malgr la perturbation conomique que devait entraner cette brusque mesure (1819). . Lorsque les Franais sont arrivs en Afrique du Nord et en Afrique noire au XIXe sicle, ils ont trouv des esclaves. Lesclavage tait pratiqu par les Arabes et les noirs depuis des sicles. Les ethnies noires se rduisaient en esclavage entre elles et ce sont des chefs noirs qui par des razzias alimentaient les ngriers occidentaux aux XVIIe et XVIIIe sicles, ce quon oublie trop souvent de rappe-ler. On estime que fin XVIIIe et au dbut du XIXe en Afrique noire, un quart des hommes avaient un statut d'esclave ou de travailleur forc. C'taient des prisonniers de guerre ou des prisonniers pour dettes. La guerre et les dettes taient les sources traditionnelles o sapprovisionnaient les marchands desclaves. Mais, si les Occidentaux supprimrent lesclavage, ils laissrent le travail forc.

    Les Arabes rduisirent en esclavage pendant des sicles, non seulement des noirs, mais aussi des chrtiens par des razzias sur les ctes occidentales et la piraterie barba-resque: Plus que des marchandises pilles, les Barbaresques tiraient profit des captifs. Le Chrtien cessait dtre un infidle quon arrachait { son pays pour devenir un objet de ngoce, dont on essayait de se dbarrasser le plus vite et le plus cher possible. . Lglise catholique les racheta pendant des sicles. Cest cette piraterie qui fut un le motif essen-tiel de la colonisation de lAlgrie.

    Pour illustrer ces propos, je vous propose de lire un texte crit par le gnral E. Dau-mas et A. de Chancel, publi en 1856 . Rappelons qu{ cette poque, la France nest pr-sente en Afrique que sur le littoral algrien et qu{ cette date elle avait aboli lesclavage depuis huit ans, en 1848. Le Sahara nest pas encore bien explor et il nexistait { cette date aucune colonie franaise en Afrique noire. Le gnral Daumas dont le but tait de recueillir des informations sur les peuples du sud saharien, stait introduit dans une caravane qui partait de Metlily, en Algrie, pour se diriger vers un royaume musulman du sud saharien, du nom dHaoussa, ayant pour chef le sultan Bellou le Victorieux et

  • [12]

    pour capitale Kachena , leurs habitants appels { lpoque Foullanes taient arabes. Ces caravanes trans-sahariennes furent les pourvoyeuses desclaves pour le bassin mditer-ranen et les Arabes du nord pendant des sicles. Les Foullanes avaient soumis tous les royaumes noirs chelonns sur les fleuves Niger et Sngal. Aujourdhui, ce royaume se situerait sur la frontire entre le Niger et le Nigeria. Dans un passage de son livre, il rela-tait les informations sur les conditions et les prceptes rglementant lesclavage chez les musulmans. Cest ce passage que joffre { votre lecture. Il se place dans lesprit des gens quil accompagne et quil rencontre, il utilise le pronom nous pour reprsenter en fait les algriens de la caravane ou les habitants de la rgion. Je nai pas actualis lorthographe et lai laisse telle que le gnral Daumas lutilisa:

    Au centre de la place tait pos par terre un norme tambour quun vigoureux Ngre battait { tour de bras avec un bton tamponn. () Cest le tambour du sultan; jamais il nest battu que pour convoquer larme. ()

    Voici la volont du serki :

    Au nom du sultan Bellou le Victorieux, que la bndiction de Dieu soit sur lui, vous tous, gens du Moutanin, tes appels vous trouver ici demain au jour levant, en armes et monts, avec des provisions suffisantes pour aller, les uns dans le Zenfa , les autres dans le Zendeur , la chasse des Koholanes idoltres, ennemis du glorieux sultan notre matre. Que Dieu les maudisse !

    Tout ce quordonne le sultan est bon, rpondirent les soldats; quil soit fait selon la volont de notre seigneur et matre!

    Le lendemain, en effet, les Mekhazenia , exacts au rendez-vous, se partagrent en deux goums , dont lun prit { lEst et lautre au sud-ouest, avec mission de tomber sur les points sans dfense, den enlever les habitants, et de saisir tous les paysans occups { la culture de leurs champs; en mme temps, des ordres taient donns pour traquer lintrieur les Koholanes idoltres. ()

    En attendant le retour des goums quOmar avait envoys { la chasse aux ngres, nous nous rendions tous les jours au march des esclaves, Barka, o nous achetmes aux prix suivants:

    Un ngre avec sa barbe .10 ou 15,000 Oudas

    On ne les estime point comme marchandise, parce quon a peu de chance pour les empcher de schapper.

    Une ngresse faite, mme prix

    pour les mmes raisons ...10 ou 15,000

    Un Ngre adolescent..30,000

    Une jeune Ngresse, le prix varie selon quelle est plus ou moins belle. 50 60,000

    Un ngrillon....45,000

    Une ngrillonne....35 { 40,000

    Le vendeur donne { lacheteur les plus grandes facilits pour examiner les esclaves, et lon a trois jours pour constater les cas rdhibitoires. On peut rendre avant ce temps ex-pir:

  • [13]

    Celui qui se coupe avec ses chevilles en marchant;

    Celui dont le cordon ombilical est trop exubrant;

    Celui qui a les yeux ou les dents en mauvais tat;

    Celui qui se salit comme un enfant en dormant;

    La ngresse qui a le mme dfaut ou qui ronfle;

    Celle ou celui qui a les cheveux courts ou entortills (la plique).

    Il en est dailleurs que nous nachetons jamais, ceux, par exemple qui sont attaqus dune maladie singulire que lon appelle seghemmou.

    ().

    On nachte pas non plus ceux qui, tant gs, ne sont pas circoncis;

    Ni ceux qui viennent dun pays situ au sud de Noufi: ils nont jamais mang de sel, et ils rsistent difficilement au changement oblig de rgime;

    Ni ceux dune espce particulire qui viennent du sud de Kanou: ils sont anthropo-phages. On les reconnat { leurs dents quils aiguisent et qui sont pointues comme celles des chiens. Nous craindrions pour nos enfants.- ils mangent dailleurs, sans rpugnance les animaux morts de mort naturelle (djifa, charognes). On dit quils nous traitent de paens, parce que nous ne voulons que les animaux saigns par la loi ; car disent-ils, vous mangez ce que vous tuez, et vous refusez de manger ce que Dieu a tu.

    Nous nachetons pas non plus ceux appels Kabine el Aakoul. Ils passent pour avoir la puissance dabsorber la sant dun homme en le regardant, et de le faire mourir de con-somption. On les reconnat leurs cheveux tresss en deux longues nattes de chaque ct de la tte.

    Lachat des Foullanes, des Ngresses enceintes et des Ngres juifs est svrement prohib par ordre du sultan. Lachat des Foullanes, parce quils se vantent dtre blancs; des Ngresses enceintes, parce que lenfant qui natra delles sera proprit du sultan, sil est idoltre, et libre sil est musulman; des Ngres juifs, parce que tous sont bijou-tiers, tailleurs, artisans utiles ou courtiers indispensables pour les transactions commer-ciales; car sous la peau noire ou sous la peau blanche dans le Soudan , dans le Sahara, dans les villes du littoral, partout les juifs ont les mmes instincts et le double gnie des langues et du commerce.

    Pour viter la fraude, une caravane ne sort point Haoussa sans que les esclaves quelle emmne aient t attentivement examins; et il en est de mme encore { Taous-sa, Damergou et Aguedeuz, chez les Touareug, o Bellou a des oukils chargs des mmes soins. Le marchand qui contreviendrait { ces ordres sexposerait { voir toutes ses marchandises confisques.

    En un mot, les esclaves proviennent des ghazias [razzias] faites sur les Etats ngres voisins avec lesquels Haoussa est en guerre, et dans les montagnes du pays, o se sont retirs les Koholanes qui nont pas voulu reconnatre la religion musulmane; des enl-vements de ceux qui, observant la religion nouvelle, paraissent regretter lancienne, et sont hostiles au pouvoir ou commettent quelques fautes.

    ()

  • [14]

    De lesclavage chez les musulmans.

    La loi permet la vente des esclaves, parce quen gnral ils sont infidles.

    Dieu a dit: Faites la guerre ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour du juge-ment. Le Koran, chap. IX, verset 29.

    Dites aux prisonniers qui sont entre vos mains; Si Dieu voit la droiture dans vos curs, il vous pardonnera, car il est clment et misricordieux. Le Koran, chap.VIII, ver-set 70,

    Les docteurs ont toutefois diversement interprt cette parole du Koran. Les uns veu-lent que le matre dun infidle ne loblige point { embrasser lislamisme et le laisse agir selon sa propre impulsion.

    Dautres au contraire ont dit: Il importe quun matre enseigne son esclave les prin-cipes de la religion et les devoirs dicts par Dieu aux hommes; il doit lobliger au jene et la prire, et tendre par tous les moyens le rendre incapable de nuire aux musulmans, dt-il, pour atteindre ce but, employer la rigueur.

    Dautres enfin, entre ces deux opinions, en ont mis une troisime:

    Tant quun esclave infidle est jeune, disent-ils, son matre est tenu de chercher le convertir; plus tard, il peut le laisser libre de faire son propre gr.

    Il rsulte de ces avis divers quun musulman doit agir avec son esclave selon que sa conscience a parl; mais il est meilleur quil essaye den faire un serviteur de Dieu.

    Sur quoi tous les docteurs sont daccord, cest que lesclave musulman, mle ou fe-melle, soit trait avec mnagement et mme avec bont.

    Vtissez vos esclaves de votre habillement et nourrissez-les de vos aliments, a dit le Prophte.

    Et nous lisons dans les hadites [hadiths] (conversations de Sidna-Mohammed), que lon doit fournir consciencieusement { lentretien et { la nourriture de lesclave, de mme quil ne faut pas lui imposer une tche au-dessus de ses forces.

    Sidi Khelil a crit:

    Si vous ne pouvez pas entretenir vos esclaves, vendez-les.

    Le chef du pays est charg de veiller cette rgle, et de faire procder la vente des esclaves si leur matre ne pourvoit pas { leurs besoins de premire ncessit ou sil les fait travailler plus quil ne le devrait.

    Malek, interrog sur cette question, savoir: si lon peut forcer un esclave { moudre pendant la nuit a rpondu: Sil travaille le jour, quil se repose pendant la nuit, { moins que loccupation prescrite soit de peu dimportance et dabsolue ncessit.

    Ainsi un serviteur ne peut travailler la nuit entire auprs de son matre; on admet seulement quil lui donne des vtements ncessaires pour le couvrir, de leau pour boire, quil lui rende enfin de ces services qui, se ritrant peu souvent, permettent le repos; et sil est reconnu quun esclave ait souffert de la faim ou de lexcs de travail, il est vendu mme malgr son matre.

    Abou Messaoul a laiss ces paroles :

    Jai frapp mon esclave et jai entendu une voix crier aussitt: Dieu est plus puis-sant vis--vis de toi que tu ne les vis--vis de ton serviteur! Je me suis retourn, jai re-

  • [15]

    connu le Prophte et je me suis cri: Mon esclave est ds prsent affranchi pour lamour de Dieu.

    Et Mohammed ma rpondu: Si tu navais pas agi ainsi, le feu taurait dvor.

    Selon Ibn Omar, un homme vint un jour auprs du Prophte en lui disant: Combien de fois nai-je pas pardonn mon esclave!. Mais Mohammed ne lui rpondit point. Et deux fois encore cet homme rpta la mme plainte sans obtenir un mot de blme ou de conseil. [ la quatrime fois enfin, lenvoy de Dieu scria: Pardonne { ton esclave soixante-dix fois par jour, si tu veux mriter la bont divine.

    En souvenir de ces enseignements, les docteurs musulmans se sont appliqus rgir par des lois quitables tout ce qui concerne les esclaves et leur assurer une constante protection.

    La mchancet, lavarice, la dbauche et la pauvret mme de leurs matres ne peu-vent rien contre eux.

    Les formes de vente et dachat sont dfinies.

    Un bien-tre au moins suffisant leur est assur.

    Leurs mariages et leurs divorces sont rglements.

    Les modes daffranchissement nombreux, les promesses daffranchissement sacres, et laffranchi, se fond dans la population franche sans que son origine soit jamais pour lui un sujet dhumiliation.

    La ngresse, que son matre a fait mre, prend le titre doum el-ouled (la mre de lenfant) et jouit de tous les gards dus aux femmes lgitimes. Son fils nest point btard, mais lgal de ses demi-frres; il hrite comme eux, comme eux appartient la tente: aussi ne voit-on pas de multres esclaves.

    On raconte quun jour un musulman ayant dit devant Abou Bekr et Abdallah Ibn Omar: Je compare { des mulets les enfants dune ngresse et dun homme de race: leur mre est une jument et leur pre un ne; nayez point confiance en eux.

    -Nous sommes certains, car nous lavons vu, lui rpondirent ses auditeurs, que ces gens-l sont au combat aussi courageux sur leurs chevaux que les enfants de race pure. Ne dites donc jamais: un tel est un fils dune Ngresse, et celui-l{ dune femme de race; le champ de bataille, voil ce qui doit les faire juger.

    Enfin, chez tous les hommes craignant Dieu, les esclaves font certains gards partie de la famille; et lon en voit souvent qui refusent dtre affranchis, comme le fit celui de notre seigneur Mohammed.

    Ctait un jeune Ngre qui avait t donn Khedija, la femme du Prophte, et dont elle avait fait prsent { son mari. Il se nommait Zed Ibn Haret. Son pre, largent { la main, vint un jour pour le racheter. Si ton fils veut te suivre, jy consens, dit Mohammed, emmne-le. Mais lenfant, consult, rpondit: Mon pre, lesclavage avec le Prophte vaut mieux que la libert avec vous.. Cette rponse mut lenvoy de Dieu, qui, ne vou-lant pas rester en gnrosit au-dessous dun esclave, laffranchit et le maria.

    Votre religion, vous chrtiens, vous dfend davoir des esclaves, je lai entendu dire { Alger, et, en effet, je ne vous en vois pas. [ Kachena, on mavait assur cependant que les rois ngres du sud du Niger et des bords de la grande mer, { lOuest, vous en vendaient de pleins vaisseaux. On ajoutait, il est vrai, que le commerce avait peu prs cess de-

  • [16]

    puis quelques annes, et que le sort des Ngres enlevs dans les guerres en tait devenu beaucoup plus rigoureux. Lorsquils pouvaient vendre leurs prisonniers, les rois les en-graissaient, en prenaient soin et les faisaient peu travailler; { prsent, nen sachant que faire, ils les gorgent par milliers pour ne pas les nourrir, ou les parquent prs de leurs cases, enchans, sans vtements, sans un grain de mas, en attendant leur jour. Sils les font travailler, cest { coups de bton, car les malheureux sont trop faibles, ne vivant que de racines, dherbes ou de feuilles darbres, pour faire un bon service. Il en sera sans doute ainsi jusqu{ ce que tout le pays se soit fait musulman. Que Dieu allonge assez mon existence pour que jen sois tmoin!

    Il vous rpugne davoir des esclaves? Mais que nos serviteurs soient notre proprit et que les vtres soient libres, entre eux le nom seul est chang. Quun domestique chr-tien ait le droit de changer de matre si bon lui semble, il nen sera pas moins pour toute sa vie domestique, et par consquent, esclave, moins le nom. Quand nos Ngres sont vieux, nous les affranchissons; ils sont encore de nous, de notre tente; quand lge a pris vos serviteurs, quen faites-vous? Je nen vois pas un seul { barbe blanche.

    Chez vous, la femme du mariage a mpris pour la femme servante qui son matre a donn un enfant. Pour vivre, il faut quelle ne dise jamais non. Chez nous, elle est oum el-ouled; elle a son logement; son fils est honor; tous les deux sont de la famille.

    Vous tes trop orgueilleux, et vous ntes pas assez dignes.

    Pour tous les vrais musulmans, Bou Houira a pos cette sentence:

    Ne dites jamais: mon esclave, car nous sommes tous les esclaves de Dieu, dites: mon serviteur ou ma servante. (fin de citation).

    Cette longue citation claire les principes qui rgissent et justifient lesclavage chez les musulmans. Ceux-ci sont toujours actuels puisquils proviennent du Coran et des Ha-diths, cest--dire que lesclavage rsulte de la volont de Dieu: Que ceux qui ont t favoriss ne reversent pas ce qui leur a t accord leurs esclaves, au point que ceux-ci deviennent leurs gaux. Nieront-ils les bienfaits de Dieu? sourate XVI, verset 71 ; Ne forcez pas vos femmes esclaves se prostituer pour vous procurer les biens de la vie de ce monde, alors quelles voudraient rester honntes. Mais si quelquun les y contrai-gnait Quand elles ont t contraintes, Dieu est celui qui pardonne, il est misricor-dieux. sourate XXIV, verset 33.

    Lislam est donc une idologie politico-religieuse esclavagiste. Dailleurs les relations sexuelles entre le matre et ses femmes esclaves sont les seules relations sexuelles hors mariage acceptes par le Coran: [ lexception des hommes chastes qui nont de rap-ports quavec leurs pouses et avec leurs captives de guerre; -ils ne sont donc pas bl-mables, tandis que ceux qui en convoitent dautres sont transgresseurs, sourate LXX, verset 29-31.

    Grce aux pressions internationales, les pays arabo-musulmans connatre encore lesclavage durent labandonner, ainsi lArabie Saoudite, trs en avance sur les droits de lhomme, comme chacun sait, abolit lesclavage en 1962! Qui pense { le lui reprocher?

    Puisquil est demand { la France de se repentir, il serait normal que ce soit rci-proque et largi tous les acteurs esclavagistes. Je propose donc que la France demande { lAlgrie de se repentir pour tous les Chrtiens que ses barbaresques ont rduits en esclavage. Que Fahd Bin Abdulaziz Al Saoud, roi dArabie Saoudite se repente officielle-ment parce que son royaume na aboli lesclavage quen 1962.

  • [17]

    Mais il y a pire et le silence sur cette situation est assourdissant! Aujourd'hui, 12.3 millions de personnes sont victimes du travail forc dans les pays en voie de dvelop-pement. C'est l'estimation faite par le Bureau International du Travail (B.I.T.) dans un rapport publi au mois de mai 2005. Il y a encore pire: aprs la dcolonisation, lesclavage revint dans certains pays africains. La Rpublique Islamique de Mauritanie sillustre dans cette catgorie. Sous les pressions internationales, ce pays a aboli lesclavage en.1981! Mais les dcrets dapplication ne furent jamais promulgus! Au-jourdhui, lesclavage existe donc toujours dans ce pays! Quel intellectuel ou homme po-litique franais ose demander des comptes { M. Maaouya Ould SidAhmed Taya, prsi-dent de la Rpublique Islamique de Mauritanie? Personne! Est-ce que Madame Taubira demande { ce quil soit traduit devant une cours de justice internationale pour crime contre lhumanit? Pas du tout! Sa loi en ne condamnant que le seul esclavage pratiqu par les Occidentaux alors quil nexiste plus depuis plus de 150 ans, lgitime implicite-ment lesclavage arabo-musulman qui existe toujours en Afrique, la loi Taubira de 2001 est, par consquent, une loi anti-humanitariste et parfaitement scandaleuse.

    Tout ceci dmontre que les campagnes de falsifications historiques sur lesclavage, lances par certains communautaristes nont pas pour objectif la lutte contre lesclavagisme, mais dasseoir leurs revendications communautaires, brisant un peu plus la citoyennet franaise. Lobjectif reste en dfinitive toujours le mme: salir la civilisa-tion occidentale pour mieux la soumettre.

    Louis Chagnon pour Libertyvox.

    Notes:

    1 Charles-Andr Julien, Histoire de lAfrique du Nord, de la conqute arabe { 1830, Paris, Payot, 1978, t. II p. 301.

    2 Charles-Andr Julien, Histoire de lAfrique du Nord, de la conqute arabe { 1830, Paris, Payot, 1978, t. II p. 279.

    3 Le gnral E. Daumas et A. de Chancel, Le grand dsert du Sahara au pays des Ngres, Paris, Michel Lvy, libraires-diteurs, 1856.

    4 Aujourdhui orthographie Katsina.

    5 De Kachena.

    6 Mohammed Omar, calife responsable de la rgion vis-vis du sultan.

    7 Aujourdhui, la rgion situe entre Gusau et Kano au Nigeria.

    8 Aujourdhui, la rgion de Zinder au Niger.

    9 Membres des tribus Makhzen traditionnellement chargs de la police et de prlever les impts.

    10 Un goum est une troupe de cavaliers.

    11 Ethnie noire animiste.

    12 Il faut prendre cette expression comme une simple figure de style afin dintroduire le tarif des diffrents types desclaves.

    13 Coquillages du Niger servant de monnaie.

    14 Maladie tropicale.

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    15 La viande hallal.

    16 A cette poque on appelait Soudan tout le sud du Sahara.

    17 Hadith.

    18 Les citations du Coran sont tires de la traduction de Denise Masson publie dans la Pliade.

    http://www.libertyvox.com/article.php?id=149

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    Esclaves en terre d'islam

    Frdric Valloire, le 21-03-2008

    Ils furent deux fois plus nombreux que les esclaves des traites atlantiques. Ils venaient surtout dEurope et dAfrique. Lmancipation de lesclavage aura pris un sicle et demi. Elle nest pas acheve.

    Etonnant retour des choses : lesclavage, la traite ngrire ne concernaient jusqualors que lOccident et ses repentances. On avait nglig, sciemment ou pas, lesclavage en terre dIslam. Cest aujourdhui un phnomne de librairie. Non pour disculper les activi-ts europennes, mais pour explorer un champ historique sous-estim. Il y a quinze ans, le grand islamologue Bernard Lewis notait quen terre dislam, lesclavage reste un sujet la fois obscur et hypersensible .Des pionniers lavaient dfrich : Jacques Heers, dans les Ngriers en terres dislam,Olivier Ptr- Grenouilleau avec Traites ngrires,qui envi-sageait pour la premire fois le phnomne dans sa globalit, Robert C.Davies, avec Es-claves chrtiens,Matres musulmans, qui tudiait le trafic desclaves blancs en Mditerra-ne : 1,25 millions dEuropens de lOuest asservis du Maroc la Libye de 1530 1780 ! La nouveaut vient dsormais des auteurs et de larticulation entre religion et esclavage.

    Les auteurs ? Ils sont marocains comme Mohamed Ennaji, professeur { luniversit Mohamed-V de Rabat, dorigine sngalaise comme Tidiane NDiaye,anthropologue et cadre { lInsee, ou n { Skikda comme Malek Chebel anthropologue franco-algrien. Larticulation entre religion et esclavage ? Cest ce quexaminent Guillaume Hervieux et Malek Chebel. Cette articulation constitue un fait nouveau. Avant le christianisme et lislam, la sparation entre le matre et lesclave se fonde sur un critre juridique : le premier est libre, le second (quelle que soit son origine) est priv de libert, didentit, de famille, de cit et appartient un individu ou une collectivit.Personne ne songe supprimer lesclavage, y compris les esclaves rvolts tel le fameux Spartacus.Mais que se passe-t-il si celui qui est rduit en esclavage est de la mme religion que son matre ?

    La Bible ne le condamne pas ; le judasme antique ne labolit pas { lexception de cer-taines sectes, celle des thrapeutes, celle des essniens, considres comme des com-munauts exotiques, en marge de la socit normale. Cependant, la Bible formule une distinction thorique entre lesclave hbreu, qui ne peut tre vendu { un peuple tran-ger,qui ne peut demeurer plus de six annes esclave (sauf sil le demande et dans ce cas on lui perce loreille) et que lon ne peut ni sparer des siens ni brutaliser, et lesclave non juif, provenant des peuples qui entourent Isral, esclave vie, soumis la loi mo-saque (il ne peut tre tu ou estropi) et qui bnficie du repos du septime jour.

    Deux originalits dans le monde antique : lesclave fugitif nest pas livr { son matre, mais habite chez celui qui le recueille ; largent public, mme destin { la construction dune synagogue, peut tre utilis pour racheter des captifs juifs. Des rachats qui sintensifient aux Xe et XIe sicles { la suite de la piraterie mauresque en Mditerrane orientale. Au point de devenir un devoir religieux majeur au XIIe sicle. Cest que, paral-llement { lesclavage qui existe { cette poque dans les pays europens chrtiens, mal-gr le Nouveau Testament o Paul abolit implicitement la sparation entre hommes libres et esclaves, une nouvelle forme desclavage { grande chelle est apparue, celle que pratiquent les pays convertis par les cavaliers de lislam.

    Lunivers dans lequel le texte coranique est labor entre le VIIe et le Xe sicle est un monde o lesclavage parat un tat normal,hritier direct des civilisations antiques :

  • [20]

    Mahomet luimme a des esclaves.Que le Coran prennise cet usage traditionnel ne peut surprendre. Comme cela existait dans la tradition stocienne, puis chrtienne, il associe mtaphoriquement lesclavage { la situation de lhomme vis--vis de son Crateur ou sa dpendance physique et morale aux plaisirs. Mais le Coran dfinit galement dans 29 versets un statut juridique et social de lesclave. Comme il sinscrit dans lordre du monde tel que la voulu Dieu, cette distinction entre les tres humains ne peut tre ni condamne, ni critique.

    Un musulman libre ne peut tre rduit en esclavage, aurait dict le deuxime calife, Omar, sous son califat (634-644). Cela encourage trs vite les musulmans sapprovisionner en esclaves : la traite des esclaves noirs connat son premier grand d-veloppement avec la conqute arabe de la Mditerrane. Ds le VIIe sicle, on signale une rvolte des Zanjs, des esclaves noirs capturs sur les ctes de lAfrique de lEst qui travaillent dans de vastes domaines du sud de lIrak. Au XVIe sicle, les corsaires barba-resques enlvent plus de chrtiens en un seul raid sur les ctes de Sicile, des Balares ou de Valence quil ny avait dAfricains dports chaque anne dans la traite transatlan-tique, relative- ment peu importante il est vrai. Et jusquau XIXe sicle, lesclavage reste lune des bases essentielles du pouvoir de lEmpire ottoman : les esclaves du sultan for-ment larmature de ladministration et de larme.

    Si un esclave se trouve tre musulman, il lest soit parce quil sest converti { lislam, soit parce quil est n esclave. Avantage : lesclave musulman est suprieur { lesclave non musulman. Il peut en effet tre associ la prire collective et mme la diriger, se marier des musulmans de condition libre ou servile. De plus, il est interdit de le vendre des non-musulmans. Dans tous les cas, le Coran recommande au matre de bien le trai-ter et de pourvoir son entretien.

    Lesclave ne possde aucun bien, sauf un pcule et son matre exerce une tutelle sur toutes ses activits. Sur le plan pnal, lesclave est trait comme un individu de rang in-frieur dont le tmoignage na aucune valeur face { celui dun homme libre. Et un mu-sulman ne peut tre condamn { mort sil a tu un esclave. Autrement dit, le prix du sang nest pas le mme. Enfin, un enfant issu dune esclave, concubine lgale dun musulman, nat libre. En thorie, ces dispositions sont relativement favorables { lesclave, surtout si ce dernier est musulman. Mais jamais le Coran nmet une condamnation de lesclavage. Au contraire, des hadiths, le fikh (le droit musulman) et la charia (la loi de dieu) compl-tent et affinent ces dispositions.

    Les conditions de vie de lesclave sont des plus contrastes. Selon sa couleur, sa beau-t, son ge, sa condition sociale, ses capacits, sa religion, lpoque, le pays et le lieu o il sert, son sort varie du tout au tout. Rcupr aux marges de lEmpire, il est vendu aux enchres. Cest entre les mains et sous le fouet des chasseurs et des marchands desclaves que ces pauvres gens souffraient le plus. Les femmes (les Circassiennes sont trs apprcies pour leur beaut) et les enfants servent comme domestiques ou concu-bines dans les cours de Cordoue, de Constantinople ou de Bagdad. Les hommes devien-nent soldats, artisans, galriens, fonctionnaires, chambellans ou sont parqus dans des bagnes abominables si leurs ravisseurs pensent quils en obtiendront une ranon. Seule civilisation avoir systmatiquement prlev des enfants pour en faire des mercenaires, les janissaires, lEmpire turc confie des armes et des provinces { des esclaves militaires, les mamelouks, qui restent nanmoins une exception.

    La traite islamique aura dur treize sicles

  • [21]

    Entre le VIIe sicle et les annes 1920, plus de 21 millions de personnes auraient t victimes de la traite desclaves en pays dislam. Les Turcs prlevrent environ 4 millions desclaves en Europe, tandis que la seule Afrique noire se vit ponctionne de prs de 17 millions dhabitants, soit beaucoup plus que lensemble des traites atlantiques (11 mil-lions). Si la traite commena au VIIe sicle dans sa partie orientale, elle connut son apo-ge au XIXe sicle, avec pour lAfrique noire continentale des estimations comprises entre 4,5 et 6,2 millions de personnes. Cette importance prise par lAfrique noire rsulte en partie de la conqute par la Russie de la Crime et du Caucase, qui ferme au monde musulman de vastes rgions o depuis des sicles il se procurait des captifs.

    Sajoutent { cela lamlioration des moyens de transport, la dsertification du Sahara qui poussent les nomades intervenir dans les affaires des paysans noirs, la demande des Indes et lessor du coton en gypte. Ce qui est remarquable, malgr les diffrences rgionales, cest la rgularit des prlvements. En outre, alors quau Brsil, aux tats-Unis ou dans les Antilles, vivent des descendants desclaves, dans les pays musulmans, ces descendants sont rares, en particulier pour ceux dont les anctres avaient la peau noire, remarque Tidiane NDiaye. Castrs, eunuques, ils ne pouvaient procrer.Un gno-cide, donc.

    Mais, et cest ce que montre Mohamed Ennaji, lesclavage nest pas que lhritier dun monde antrieur. Il imprgne toute la mentalit de ltat musulman, la conception dun pouvoir prsent comme une image de la relation entre le matre et lesclave. Lhistoire du monde arabe, crit-il, est prisonnire du discours religieux et de ses reprsentations. Est-ce la raison fondamentale qui expliquerait la lenteur de lmancipation ? Amorce en 1846 avec la Tunisie, elle sachve en 1981 lorsque la Mauritanie promulgue labolition officielle de lesclavage : un sicle et demi plus tard ! Et Malek Chebel affirme que trois millions desclaves vivraient encore en terre islamique

    lire

    L'Esclavage en terre d'islam, de Malek Chebel, Fayard, 506 pages, 24 Euros.

    http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=2127

  • [22]

    Lesclavage en terre dIslam :

    un musulman libral secoue le tabou Louis-Bernard Robitaille

    jeudi 22 novembre 2007.

    Ctait en 2004 : luniversitaire Olivier Ptr-Grenouilleau, dans un gros livre savant, expliquait que lesclavage navait pas t une exclusivit oc-cidentale.

    Et quon retrouvait des traites ngrires comparables ou mme plus importantes dans lhistoire de lAfrique ou du monde arabe.

    Quelques jours aprs la sortie du livre, le dis-cret universitaire avait reu des menaces de mort - prises au srieux par la police - et prfr ne plus paratre en public.

    Cest donc sur un terrain min que lessayiste franco-algrien Malek Chebel saventure ces jours-ci avec un ouvrage sur lesclavage en terre dIslam .

    Un dossier dlicat, admet-il avec un fatalisme tranquille lorsque je le rencontre dans le quartier de la Bastille. Cest pourquoi jattends un peu avant de donner des conf-rences Paris. Mais la diffrence de Ptr-Grenouilleau ou dautres, cest de lintrieur que je critique les drives de lislam, les extrmismes et les sectarismes.

    Auteur prolifique depuis 25 ans, Malek Chebel se veut la fois un musulman irrpro-chable, fin connaisseur du Coran, et un libral sans concession, partisan de la lacit et hostile au porte du voile. Un adversaire rsolu de lIslam politique et de ses prten-tions rgenter la socit .

    Avec cette nuance : Contrairement { dautres, jai le souci dtre audible et donc dviter les provocations inutiles : je prends donc soin de ninsulter personne. Dans laffaire des caricatures de Mahomet, il a surtout essay de calmer le jeu .

    Mais cette fois, cest le sujet lui-mme qui est tabou. Et Malek Chebel, aprs avoir pendant trois ans fouill dans les textes et enqut dans une quinzaine de pays, dresse un constat svre.

    Lesclavage dans le monde musulman, trois fois plus tal dans le temps quen Occi-dent, a aussi touch deux fois plus dindividus, mme si les formes de la servitude taient parfois plus humaines .

    Cet esclavage a touch plus de 20 millions de personnes sur 10 sicles, explique Chebel. Il a dur officiellement jusque dans les premires dcennies du XXe sicle, une soixantaine dannes aprs son abolition en Occident. Jamais aucun responsable reli-gieux musulman ne sest prononc pour son abolition.

    Un esclavage discret et { peine attnu se perptue aujourdhui, en Arabie Saoudite, par exemple. Au Niger ou au Mali, vous pouvez acheter - lunit - un enfant de 10 ans dont vous ferez ce que vous voudrez.

  • [23]

    Alors que les autorits religieuses en Occident ont fini par basculer dans le camp des abolitionnistes au XIXe sicle et aujourdhui encore battent leur coulpe pour les crimes passs, je nentends aucun prdicateur dAl-Jazira condamner ces pratiques.

    Au hasard de ses dambulations et recherches, lauteur dcouvre des choses ton-nantes : une loi sur laffranchissement des esclaves en Mauritanie datant de 2003 ! Des zones de non-droit absolu en Arabie Saoudite et dans certains pays du Golfe. Trois codes de lesclavage en pays musulmans datant du XIXe sicle. Mais aussi, dans lhistoire de la Turquie et de lgypte, dtonnantes pratiques permettant { des esclaves affranchis doccuper de hautes fonctions dans ltat (en Turquie), ou de former une nouvelle caste privilgie, tels les Mamelouks en gypte).

    Ce qui me rvolte au-del{ de tout, dit Malek Chebel, cest que, plus ou moins explici-tement, on invoque lislam pour justifier lasservissement, lingalit foncire entre hu-mains, les rapports de matre { serviteur. Ce que jappelle la politique du baisemain.

    Or, sur les seuls 25 versets du Coran qui voquent le sujet, presque tous penchent du ct de laffranchissement. Strictement rien dans les textes ne justifie le systme escla-vagiste. Mais cest ainsi : sous diverses formes, une coterie religieuse vnale, aux ordres des dictatures, conserve une emprise totale sur lislam et son interprtation. Il y a 30 ou 40 ans encore, lIslam des Lumires auquel je me rfre tait en plein progrs, en gypte notamment, et la dmocratie tait en vue.

    Aujourdhui, on est en pleine rgression : si lon faisait aujourdhui des lections libres dans le monde arabo-musulman, les islamistes lemporteraient presque partout. Cela dit, je ne crois pas que ce soit irrversible : lgypte pourrait redevenir une terre des Lu-mires. Et il y a des frissonnements dmocratiques au Maghreb ou ailleurs.

    Pour certains esprits critiques, Malek Chebel, auteur mdiatique et parfois un peu trop habile, est moins contestataire quil ne le prtend. Reste que le seul fait de soulever une question aussi taboue et de dnoncer la collusion entre le haut clerg musulman et les rgimes dictatoriaux demande un certain courage.

    La France est aujourdhui de loin le premier pays islamique dEurope, avec cinq mil-lions de musulmans. Avec des organisations intgristes extrmement puissantes et structures.

    Si jamais on lanait une fatwa contre moi, je mempresserais daller { la tl et de leur dire : vous mavez condamn { mort, mais vous ntes que des voyous, des criminels passibles du tribunal de La Haye. Vous ntes pas des musulmans mais des assassins, vous pouvez menvoyer 10 commandos de tueurs si vous voulez, mais je ne me cacherai pas !

    Et Malek Chebel ajoute : Ces gens ont peut-tre des tueurs leur service, mais moi je crois quen utilisant les armes de la communication, on peut les faire reculer.

    Lesclavage en terre dIslam, 498 pages, Ed. Fayard

    Malek Chebel a crit une vingtaine douvrages, dont Le Dictionnaire amoureux de lIslam et Manifeste pour un Islam des Lumires en 2004.

  • [24]

    ISLAM ET ESCLAVAGE

    mercredi 7 mai 2008 08:00 ::

    L'affranchissement est recommand au croyant dont il favorise l'accs au Paradis. Le pro-

    phte Mohammed n'avait-il pas donn l'exemple en la matire ?

    Le Coran n'tant pas contraignant, l'abolition relve de la seule initiative personnelle du

    matre. Cette ambigut est constitutive de l'approche coranique : encourager ceux qui font le

    bien, mais ne pas alourdir la peine de ceux qui ne font rien, crit Malek Chebel. Plusieurs

    versets entrinent au demeurant l'infriorit de l'esclave par rapport son matre.

    JEUNE Afrique DU 18 AU 24 NOVEMBRE 2007 N2445

    DOMINIQUE MATAILLET

    TABOU, Au terme d'une longue enqute qui l'a men de Nouakchott Brunei, Malek CHE-

    BEL dresse un constat accablant : l'esclavage a t et reste un fait musulman

    Le mot le plus courant, en arabe, pour dsigner l'esclave est 'abd, duquel drivent des

    termes comme 'ubudiyya ( esclavage ).D'autres vocables sont encore utiliss, tels que raqq

    ( mis en servitude ), jriya ( esclave femme ), ghulm ( esclave homme ).Et ce n'est pas

    tout. Au Proche-Orient, zandj (probablement de Zanzibar) et aswad dsignent l'esclave noir,

    alors que mamlk (littralement possd ) s'applique une catgorie particulire, la caste

    militaire servile.

    Ce n'est donc pas le vocabulaire qui manque en terre d'Islam pour parler de l'esclavage.

    Cette richesse smantique tranche toutefois avec le mutisme qui entoure le phnomne. Un

    mutisme d'autant plus choquant, aux yeux de Malek CHEBEL, que l'esclavage a pris des di-

    mensions considrables tout au long de l'histoire de cette rgion du monde et qu'il reste bien

    des gards trs prsent dans le quotidien de centaines de millions de gens.

    C'est pour briser ce silence assourdissant que l'anthropologue algrien, bien connu des lec-

    teurs de Jeune Afrique pour ses nombreux ouvrages autour de l'islam, s'est livr une longue

    enqute. Fruit d'innombrables lectures, son pav de 500 pages est aussi et surtout le compte

    rendu d'un voyage de plusieurs mois qui l'a conduit des rives de l'Atlantique au fin fond du

    Sud-Est asiatique en passant par les pays du Golfe, l'Asie mineure, l'Afrique saharienne.

    Le constat final est accablant : Brunei, au Ymen, dans les pays du Sahel, chez les

    Touaregs, en Libye, dans le Sahel tunisien, en gypte, en Arabie, en Msopotamie, au Soudan

    ou Djibouti, il n'est pas un lieu gagn par l'islam o ne se soit jamais pratiqu le commerce

    d'esclaves

    Encore convient-il d'tablir des distinctions entre pays et de relever les caractristiques

    propres des diffrentes contres concernes. La Libye et l'Algrie, par exemple, dbouchs

    naturel des routes commerciales transsahariennes, ont surtout servi de voies de transit. Des

    pays tels q l'gypte ou l'Arabie saoudite actuelles taient, eux, de gros consommateurs, osera-

    t-on dire. Idem pour la Turquie. Les Europens ont fantasm sur les odalisques des harems

    d'Istanbul, sujet de prdilection pour les peintres orientalistes, et se sont extasis sur les ex-

  • [25]

    ploits militaires des janissaires de l'Empire ottoman. Faut il rappeler que les premires comme

    les seconds taient des captifs?

    En Afrique, on le sait, c'est la lisire du monde

    noir que lesclavage prit les plus grandes proportions. Au Maroc o la composante ngrode de la population

    saute aux yeux du voyageur les traces sont manifestes.

    Que sont les musiciens gnaouas sinon les descendants

    des Noirs imports de la zone soudanienne au temps

    o le Maroc tait une grande puissance rgionale? Et

    puis, il y a le cas de la Mauritanie, o, malgr les d-

    mentis, l'esclavage reste une ralit manifeste. La

    preuve en est que le Parlement a vot plusieurs re-

    prises des textes l'interdisant. Malek Chebel rappelle

    un indice qui ne trompe pas: de nombreuses associa-

    tions d'affranchis tentent de se constituer en force poli-

    tique. En attendant, commente l'auteur, chaque foyer

    de Beidane ("Blancs") entretient des harratine noirs,

    fils d'anciens esclaves auxquels il donne le nom de

    "serviteurs", un peu comme on faisait nagure la

    Barbade, o l'on gratifiait pudiquement du nom d'apprentis" les esclaves frachement librs

    de leurs chanes.

    Ainsi donc, une bonne part de la main-d'oeuvre servile utilise dans le monde arabe venait

    d'Afrique subsaharienne - en Tunisie, le mme mot, abd, dsigne indistinctement l'esclave et

    le Noir... - et tout particulirement du Sahel, de l'thiopie ainsi que de la cte orientale du

    continent. Mais les Balkans et les steppes de l'Asie centrale furent galement d'importants

    bassins pourvoyeurs.

    Combien furent-ils? Dans le cas de la traite occidentale, les lments de chiffrage existent:

    les ngriers tenaient des journaux de bord dans lesquels tait report le dtail de leur com-

    merce honteux. Rien de tel avec la traite orientale. Confrontant les diverses sources, Malek

    Chebel estime plus de 20 millions le volume total de l'esclavage en terres arabes et mu-

    sulmanes . Ce nombre englobe aussi bien les captifs de guerre slaves, les concubines et les

    domestiques circassiennes, que les domestiques noirs achets des ngriers ou razzis dans

    les villages du Sahel, les marins chrtiens capturs par les corsaires barbaresques en Mditer-

    rane. Les ngriers arabes auraient donc fait mieux que leurs homologues europens. Les

    uns ont, il est vrai, svi pendant quatorze sicles, contre moins de quatre pour les autres.

    Faut-il chercher dans le Coran la cause du mal? Le Livre, certes, accepte que la condition

    de sujtion des esclaves par rapport aux matres soit maintenue en l'tat. Car l'islam est n

    dans une rgion du monde o l'esclavage tait quasiment un mode de production. Mais il tente

    d'en limiter les abus;'tout comme il apporte un progrs incontestable la situation des femmes

    (notamment en limitant quatre le nombre des pouses autoris).

    Par ailleurs, l'affranchissement est recommand au croyant dont il favorise l'accs au Para-

    dis. Le prophte Mohammed n'avait-il pas donn l'exemple en la matire?

    Vivement encourag en thorie, l'affranchissement n'a, hlas, gure t suivi en pratique.

    De sicle en sicle, l'esclavage est devenu un fait musulman, s'inscrivant profondment dans

    les habitudes. Pourtant, c'est un sujet dont on ne parle pas. En dehors de l'gyptien Mohamed

    Abdou, du Syrien Rachid Ridha, de l'Iranien Mirza Ah Mohamed, fondateur, au XIXe sicle,

    du bbisme, qui a fermement condamn cette pratique, la plupart des rformateurs sont rests

    tonnamment discrets sur la question.

  • [26]

    Et que dire des islamologues ! Louis MASSIGNON, Vincent MONTEIL ou Jacques

    BERQUE disposaient des informations qui leur auraient permis, en plein XXe sicle, de tirer

    la sonnette d'alarme. Peut-tre ont-ils prfr, crit Malek CHEBEL, la hauteur mystique

    des grands penseurs, des philosophes et des thosophes de l'islam aux ralits scabreuses des

    marchands de chair humaine . Ils savaient, mais leur empathie pour l'islam les inclinait

    trouver cette religion et aux hommes qui s'en rclament des excuses qui ne sont en rien justi-

    fies.

    Quand bien mme la ralit de l'esclavage arabe est reconnue, c'est souvent pour en att-

    nuer la rudesse : il n'aurait pas abouti la dpersonnalisation de l'esclave, comme cela a t le

    cas avec le commerce triangulaire Afrique-Amrique-Europe, affirme-t-on. Comme s'il pou-

    vait y avoir une graduation dans l'infamie...

    Mais le pire est peut-tre dans l'impact que l'esclavage a eu sur les murs politiques du monde arabe. Dans un livre tout rcent*, l'universitaire marocain Mohammed ENNAJI ex-

    plique en quoi il a fond le rapport au pouvoir et donc l'absolutisme qui est encore souvent la

    rgle dans cette partie du monde.

    Une fois le livre de Malek CHEBEL - dont, curieusement, les mdias ont peu parl - fer-

    m, on ne voit plus la civilisation islamique de la mme faon. Comme l'auteur lui-mme, qui,

    pour, cette tude a d parcourir au moins 120000 kilomtres pour en arriver cette terrible

    conclusion: L'islam dit l'inverse de ce que les musulmans pratiquent, et c'est une nigme en

    soi. La duplicit humaine qui consiste transformer un message d'mancipation en goulag

    humain fait partie intgrante de ce paradoxe.

    Le Sujet et le Mamelouk. Esclavage, pouvoir et religion dans le monde arabe, d. Mille et une nuits, 368 pages, 16 euros.

    Malek Chebel : j'ai voulu briser le silence Propos recueillis par Dominique MATAIL-

    LET

    JEUNE AFRIQUE : Pourquoi ce livre, et pourquoi maintenant?

    MALEK CHEBEL : C'est une question qui me tenait cur depuis longtemps. Pour crire mes livres, je constitue des dossiers richement documents. La prise de conscience,

    tardive, hlas, du phnomne de l'esclavage dans le monde islamique m'a laiss penser que

    l'opinion tait assez bien prpare. Compte tenu de la surface que j'ai acquise dans le domaine

    des tudes sur l'islam, je me suis dit: c'est un discours qui peut passer maintenant.

    Est-ce que ce discours passe effectivement? Il semble qu'il cre beaucoup de gne.

  • [27]

    S'il drange, c'est que je touche quelque chose de fondamental et de vrai. C'est qu'il y a en-

    core des esclaves. Tant mieux donc si mon livre gne, car j'ai voulu briser l'opacit qui en-

    toure cette question de l'esclavage.

    Avez-vous eu vent de ractions hostiles?

    Il y a eu un mouvement dans les chancelleries arabes, qui a t vite teint. Ils ont compris

    que, mdiatiquement parlant, cela aurait t trs mauvais pour eux d'enclencher une offensive.

    Les mdias vous suivent-ils ?

    Je constate une gne, une retenue de leur part, ici, en France. Les journalistes sont circons-

    pects. Ils ne savent pas comment prendre l'information.

    Au Maghreb, mis part un papier, en aot, donc avant la sortie du livre, dans Le Quotidien

    d'Oran, c'est motus et bouche cousue. Mme au Maroc, d'habitude plus ouvert, aucun cho

    dans les mdias non plus. En clair, il y a un blocage maghrbin.

    Dans quels pays l'esclavage a-t-il gard le plus de ralit ?

    L'esclavage est encore sensible en Mauritanie. Mais l'tat fait des efforts assez importants

    pour se dbarrasser de cet hritage scandaleux. Le phnomne des petites bonnes au Maroc

    est aussi prendre en considration. Un secrtariat d'tat a d'ailleurs t cr pour recenser les

    jeunes filles et leur donner un statut. Il y a videmment tout un esclavage invisible dans les

    monarchies et les sultanats du Golfe. quoi s'ajoute, dans les mmes pays, un nouvel escla-

    vage conomique. Dans l'Afrique moyenne, au Mali, au Tchad et ailleurs, subsistent de mul-

    tiples formes d'esclavage, lies cette fois la pauvret. On ,m,',a parl de vente d'enfants ici

    ou l. Il faut mentionner galement les intouchables en Inde.

    Vous dcrivez la socit touargue comme l'une des pires socits esclavagistes...

    Les rapports esclavagistes ont t peu prs maintenus. Il y a, bien sr, eu une attnuation

    avec l'apparition des tats-nations dans les ` cinq pays africains o vivent les Touaregs.

    'L'existence d'une police nationale, d'une justice relativement distincte des ethnies et des oli-

    garchies est un progrs incontestable. Mais, sous cape, les aristocrates touaregs sont toujours

    des aristocrates et les esclaves, les harratine, sont toujours leurs serviteurs.

    Pourquoi les mentalits voluent-elles si lentement?

    Parce que tout le monde, commencer par les lites religieuses, se tait. Quand on pose la

    question, on dit qu'il y a bien d'autres problmes tels que la pauvret, les maladies. Moi, je

    dis: sur le plan moral, ce n'est pas acceptable en 2007 qu'il y ait encore des esclaves.

  • [28]

    Comment expliquer ce silence dans le monde arabo-musulman?

    Pour beaucoup de gens, l'esclavage, a n'existe pas. Mme quand tu dis un esclavagiste:

    Tu as des esclaves. Il te rpond: Mais non, ce sont mes enfants adoptifs. Je les aime

    comme mes fils.

    On dit aussi que l'esclavage dans le monde arabe n'a rien voir avec l'esclavage occiden-

    tal...

    C'est vrai que la traite ngrire occidentale tait strictement conomique, puisqu'elle con-

    sistait transporter des Africains dans les plantations en Amrique, alors que l'esclavage

    oriental tait plus diversifi. Les captifs taient utiliss dans l'agriculture, mais aussi comme

    soldats ou pour servir dans les palais.

    Si la traite occidentale a dur moins de quatre sicles, la traite orientale s'est tale sur qua-

    torze sicles, puisque j'en situe les dbuts avec la naissance de l'islam. Le fait que le phno-

    mne soit dilu dans le temps et qu'il n'y ait pas eu de bateau ngrier donne le sentiment que

    c'est diffrent. Le volume total de l'esclavage dans le monde arabo-islamique atteint pourtant,

    selon les estimations les plus srieuses, les 20 millions, soit plus que le nombre d'Africains

    dports dans les Amriques. Alors, pour moi, aujourd'hui, c'est pareil.

    http://blog.francetv.fr/Faawru/index.php/2008/05/07/71997-islam-et-esclavage

  • [29]

    Esclaves noirs en Mditerrane

    Jean-Michel Deveau

    Plan

    I - Qui sont ces esclaves ?

    II - Zones de capture et itinraires de traite

    III - Fluctuations du systme et incertitude des nombres

    Conclusion

    1 Dans le cadre dune rencontre consacre { ltude de lesclavage en Mditerrane, il tait difficile de laisser sous silence une des pages les plus mconnues, mais peut aussi lune des plus importantes qui a affect les relations entre les rives de cette mer et lAfrique sahlienne. On reste sur les retranchements dun tabou pour une histoire qui dbute avec la conqute arabe et ne sachve officiellement que dans un tardif XIXe sicle.

    2 Il nest pas question dans ce bref article dinnover sur la base de nouvelles re-cherches en archives, mais simplement de dresser un bilan historiographique. Limpulsion donne depuis une dizaine danne par lUNESCO aux recherches sur lesclavage sest heurte { une fin de non recevoir pour ce qui concernait ce sujet. Aussi nen trouve-t-on que des bribes parses dans une somme de publications dont cette communication tente de reprendre lessentiel.

    3 La prsence desclaves noirs est atteste ds la plus haute antiquit sur les rives de la Mditerrane, et lorsque sachve lpoque moderne ils sont encore lgions sur lensemble des rivages du monde musulman. Or cette constante de lhistoire mditerra-nenne na laiss que des traces aussi tnues quparses dans les sources, do la diffi-cult de cerner avec prcision son ampleur et les mcanismes de son fonctionnement.

    4 Paradoxalement les sources mdivales sont beaucoup plus abondantes, surtout grce aux chroniques des empires du Mali, difis sur le bassin du Niger partir de la pntration musulmane au sud du Sahara. Le Tarikh el-Fettach et le Tarikh el-Soudan, en particulier, renseignent abondamment sur les captures, sur les ventes et sur la traite transsaharienne partir de Djenn ou de Tombouctou1. Cependant lhistoriographie semble encore balbutier dans une enfance trs ignorante de larabe et du turc, car, semble-t-il, de nombreux manuscrits dorment encore dans les archives des pays qui ont relev de la mouvance de lancien empire turc.

    5 Il semble galement quun certain tabou relatif { ce sujet nencourage pas particu-lirement les recherches. Cependant quelques auteurs commencent { sy aventurer certes avec prudence, mais aussi avec une libert desprit qui ne peut quencourager les nouvelles gnrations dhistoriens2. En revanche si les sources occidentales ont t beaucoup plus sollicites, les chercheurs ont plutt centr leur problmatique gnrale de lesclavage dans le monde mditerranen, ne travaillant que par incidence sur la sp-cificit sub-saharienne.

    6 Pendant longtemps on a vacu le problme en considrant qu{ partir du XVIe sicle, la traite atlantique avait tari le flux mdival transsaharien. Cette thse, pr-sente comme un axiome, arrangeait lcole historique de tendance tiers-mondiste qui la rptait { longueur douvrages sans se poser plus de problme sur cette vision des

  • [30]

    choses rige en dogme. Il est donc intressant de sinterroger sur la ralit de la pr-sence de ces Noirs qui sinscrit en continu sur les rivages mditerranens depuis la fin du XVe sicle, alors que les caravelles dHenri le navigateur dbarqurent leurs pre-mires victimes sur les marchs du Portugal, jusquau XIXe sicle marqu par labolition de la traite en 1815.

    7 L encore, sans preuve scientifique, on a longtemps admis que cette abolition avait ractiv les courants caravaniers de la traite transsaharienne. Mais cest entrer dans une nouvelle problmatique qui dpasse les limites chronologiques de cette tude centre sur la priode moderne.

    I - Qui sont ces esclaves ? 8 Limage dEpinal traditionnelle a popularis lesclave domestique jusqu{ faire de

    lodalisque un archtype de la peinture orientaliste des XVIIIe et XIXe sicles. Elle donne au tableau la tache sombre qui rehausse le chatoiement lumineux o se prlassent des Blanches aux lignes opulentes. Deux sicles plus tt ctaient des hommes qui jouaient ce rle. Les traits franchement ngrodes du visage surmontaient la livre princire de leur matre quils servaient { table ou aidaient dans une scne diplomatique ou militaire.

    9 Ces visions un peu rductrices par la seule reprsentation domestique nen figu-raient pas moins une ralit largement rpandue. En Mditerrane musulmane, lesclave est dabord un domestique, sans que lon puisse actuellement avancer aucune statistique sur son importance relative. Domesticit semble-t-il nombreuse dans les familles riches puisquil est de coutume doffrir une esclave noire en cadeau de noces { Fs au XVe sicle.

    10 Selon Hado deux sicles plus tard, Alger :

    les principales dames qui sortent, mnent avec elles autant de ngresses (elles en ont plusieurs qui valent de 25 30 cus chacune) que de blanches chrtiennes dont elles ont aussi beaucoup(). Il y en a qui ont une escorte de quatre, de six et mme de dix es-claves3 .

    11 Selon la tradition, toutes ces esclaves auraient t traites avec la plus grande bon-t, tant parfois mme considres comme membres de la famille, sortes de parents pauvres accabls par le destin. Dans les villes, on leur enseignait larabe, et en gnral on essayait de convertir les Noires { lIslam. Conversions superficielles, impossibles { cata-loguer dans le cadre dune acculturation russie.

    12 A la premire occasion le vernis islamique craquait, laissant place un retour aux coutumes sub-sahariennes, comme on pouvait le constater, par exemple { loccasion des mariages. En effet, avec le consentement de leur matre ces femmes pouvaient pouser un esclave.

    13 Plus au sud, dans le dsert presque toutes les tribus nomades ont leur service de nombreuses femmes noires, toujours aussi bien traites, dit-on. Certaines, aprs une priode de bons et loyaux services, retrouvaient la libert au sein de la tribu avec les mmes droits que les autres membres.

    14 Ce discours, repris dans la seule analyse hermneutique des textes sacrs, deman-derait une tude de cas vcus, encore impossible faire faute de sources en langue arabe, si toutefois elles existent, car, pour linstant, aucune na encore t mise { jour. En revanche, les tudes de cas relates par Claude Meillassous pour lpoque contempo-

  • [31]

    raine, sur la base denqutes orales laissent entrevoir une ralit beaucoup plus sordide dans le monde des Touareg. Alors peut-on extrapoler dans le temps et dans lespace ?4

    15 Beaucoup de Noires furent enfermes comme concubines dans les maisonnes. Elles avaient auprs des Arabes une rputation de beaut et de performances physiques qui les faisaient rechercher quel quen ft le prix. Leur nombre reste tout aussi myst-rieux que le secret des harems, mais on peut lestimer suffisamment important puis-quelles ont russi { mtisser une bonne partie de la population sur un espace qui joint la zone des oasis la latitude de Warghla aux centres de redistribution comme Sidjil-massa ou Fs.

    16 Au chapitre de la domesticit, les eunuques noirs ont troubl limaginaire occiden-tal, mais lapproche statistique reste aussi impressionniste que la prcdente. Les Noirs nont pas t les seuls mais ils semblent de loin les plus nombreux. En revanche, la rali-t sociologique a pris un relief, certes potique, mais probablement trs voisine du vcu avec la traduction des Mille et une Nuits par Galland { laube du XVIIIe sicle5.

    17 Sans gard pour la misre de ces malheureux, on distinguait ceux qui avaient subi lablation des seuls testicules et ceux dont on avait coup la totalit des organes sexuels. Lopration tait pratique aprs la traverse du Sahara, trs souvent en Egypte o les moines coptes sen taient fait une spcialit. Seuls ceux de la deuxime catgorie taient commis la garde des harems, car les autres conservaient une capacit drection, qui selon la rumeur publique, les rendait encore plus dsirables. La fidlit des uns et des autres valait toutes les gardes prtoriennes. Sachant que le reste de la socit les rejetait sans appel, ils ne trouvaient de compensation affective que dans la reconnaissance de leur matre. Un vritable transfert au sens freudien soprait qui na pas encore t tudi par les psychanalystes.

    18 Quoi quil en soit, leunuque tait symbole de richesse puisquil valait plus du double de lesclave ordinaire. A partir du IXe sicle leur nombre se multiplie dans les pa-lais princiers. Le calife Al-Muqtadir (908-932) en aurait possd 11000 dont 7000 Noirs, rapport numrique qui se passe de commentaire sur lcrasante majorit des Africains. La cour ottomane allait les chercher en Egypte. Certains ont rempli de trs hautes fonc-tions, et, partir de 1582, les Noirs supplantent dfinitivement les eunuques blancs dans la fonction publique. En Arabie, on en trouvait beaucoup employs sur les lieux saints o certains ont ralis dnormes fortunes.

    19 Pour tre complet il faudrait ajouter ceux qui assuraient un simple service domes-tique, ou ceux qui avaient des fonctions dans lconomie, ou dans larme comme nous allons le voir.

    20 Les gardes noires apparaissent ds le dbut de la conqute islamique en Tunisie et en Egypte.

    21 Dans ce dernier pays, elle comptera jusqu{ 40 000 hommes { la fin du IXe sicle et autant au dbut du XII, et finira par jouer un rle si important quon lestimera dange-reuse. A plusieurs reprises le pouvoir encouragea la foule les massacrer. En 1169, lors dune dernire tentative de soulvement, 5O OOO Noirs furent mis hors de combat, mais lalerte avait t si chaude que la garde fut dfinitivement supprime, ce qui nempcha pas de continuer enrler des Africains dans les autres corps de troupe.

    22 Au Maroc, ce corps dlite dura beaucoup plus longtemps. Mulay Ismail (1672-1727) organisa mme non plus un corps de garde, mais une vritable arme noire. A partir de 1672, les expditions se multiplient vers le sud pour razzier les Noirs ou en

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    acheter sur les grands marchs du Soudan, Djenn ou Tombouctou. Trs vite cette arme devient si nombreuse que le sultan btit une ville pour la loger. Les soldats sont encourags se marier et leurs enfants deviennent leur tour soldats-esclaves. A 16 ans ils achvent leur formation et pousent une jeune ngresse afin que leurs enfants les remplacent un jour. Le systme fonctionna si bien quun sicle plus tard ce corps tait devenu