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1 Phase 2 : Bilan de la filière régionale Version allégée Etat des lieux des installations de méthanisation en Haute-Normandie Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par le groupement : CEDEN, Nov&atech, Biomasse Normandie, la Chambre d’Agriculture de Seine Maritime et la Chambre d’Agriculture de l’Eure sous le pilotage de CEDEN 2013 Coordination technique : Mathilde CONVERT ADEME Haute Normandie

Bilan de la filière régionale méthanisation

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Phase 2 : Bilan de la filière régionale Version allégée

Etat des lieux

des installations de

méthanisation

en Haute-Normandie

Phase 3 : Les perspectives

de développement de la

filière méthanisation

en Haute-Normandie

Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par le groupement : CEDEN, Nov&atech, Biomasse Normandie, la Chambre d’Agriculture de Seine

Maritime et la Chambre d’Agriculture de l’Eure sous le pilotage de CEDEN

2013

Coordination technique : Mathilde CONVERT – ADEME Haute Normandie

Page 2: Bilan de la filière régionale méthanisation

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Sommaire

1 SITUATION DES INSTALLATIONS HAUT-NORMANDES ET CONTEXTE NATIONAL ........................ 3

2 LES FLUX DE DECHETS, EFFLUENTS TRAITES, CO-PRODUITS ET BIOMASSES A VOCATION

ENERGETIQUE ......................................................................................................................... 5

2.1 La nature des flux traités ...................................................................................... 5

2.2 Les quantités annuelles de flux traités ................................................................ 6

3 LA DESCRIPTION DES INSTALLATIONS DE METHANISATION ................................................... 7

3.1 Les étapes de la méthanisation ........................................................................... 7

3.1.1 La préparation et l’introduction des substrats dans le digesteur .........................

3.1.2 Les technologies de digestion ............................................................................

3.1.3 La production et la valorisation du biogaz ...........................................................

3.1.4 Le post-traitement des digestats.........................................................................

3.2 Les indicateurs de la digestion .......................................................................... 13

3.2.1 La charge organique du digesteur ......................................................................

3.2.2 Le temps de séjour .............................................................................................

3.2.3 L'abattement (taux de dégradation) de la matière organique ..............................

3.2.4 La teneur en méthane du biogaz ........................................................................

3.2.5 Les indicateurs de production de méthane .........................................................

3.3 Le retour au sol des digestats ........................................................................... 16

3.4 Les données sur le fonctionnement .................................................................. 16

3.4.1 Les consommations d’énergie ............................................................................

3.4.2 La consommation de réactifs et autres consommables ......................................

3.4.3 Le besoin en personnel ......................................................................................

3.4.4 Les autres charges de fonctionnement ...............................................................

4 LES ASPECTS FINANCIERS ............................................................................................... 17

4.1 Le montant des investissements et subventions ............................................. 18

4.2 L'équilibre financier de la méthanisation des unités à la ferme et des installations collectives ................................................................................................. 19

4.2.1 Les charges d'exploitation ..................................................................................

4.2.2 Les produits d'exploitation ..................................................................................

4.2.3 Bilan d’exploitation .............................................................................................

5 LES PROJETS DE METHANISATION EN HAUTE-NORMANDIE ET PERSPECTIVES ..................... 22

5.1 Les projets en cours de réalisation ou à l'étude ............................................... 22

5.2 Les perspectives de développement ................................................................. 23

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1 Situation des installations haut-normandes et contexte national

Ce document présente l'état des lieux de la méthanisation en Haute-Normandie. Il détaille le fonctionnement des unités actuellement en service, mais ne prend pas en compte les centres d’enfouissement de déchets non dangereux (IKOS notamment).

Figure 1 : Unités de méthanisation en fonctionnement en Haute Normandie

On recense actuellement à l'échelle régionale 11 unités. Elles sont classées en 4 catégories :

- Les unités agricoles (2). Il s’agit d’une exploitation de polyculture-élevage bovin (GAEC de la Licorne-27) et d’une exploitation porcine (SCEA du Mont-aux-Roux-76). Les flux traités sont des fumiers ou des lisiers produits par l’élevage. Le biogaz est transformé simultanément en chaleur et en électricité, dont la vente constitue l'essentiel des recettes de l'installation. Les exploitants souhaitent développer l'activité en intégrant des matières extérieures pour améliorer la rentabilité de ces 2 installations.

- Les unités collectives de traitement (2). Leur vocation est de traiter des effluents et déchets de diverses origines (effluents d'élevages et sous-produits agricoles, boues d’épuration urbaines et industrielles, co-produits industriels, biodéchets des gros producteurs…) et de produire l'énergie, dont la vente contribue également à l’équilibre économique des installations. L'unité mise en place par la SAS AgriENERGIE a été classée dans cette catégorie, alors qu'elle a été montée à l'initiative de la SCEA du

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Roumois ; cette activité s'est développée au travers d'une structure juridique dédiée, qui emploie notamment deux chauffeurs et traite plus de 50% de déchets extérieurs à la société d'exploitation agricole. La seconde installation (CAPIK) résulte d'une synergie entre une société spécialisée dans la collecte et le traitement de déchets (IKOS Environnement) et une coopérative agricole (CAPSEINE).

- Les unités d’assainissement d'effluents industriels (6). Mises en service afin d’abattre la charge polluante, les effluents traités émanent d’activités diverses : production d’ agrocarburants (SAIPOL, BENP Téréos), fabrication de produits pharmaceutiques (ORIL Industrie), fabrication de plats cuisinés/aliments préparés (LUNOR), fabrication d'épaississant/gélifiant (AQUALON) et fabrication de papier et de carton (EUROPAC).

- La station de traitement des eaux usées de l’Agglomération d’Evreux (1). Elle comprend une étape de digestion, ce qui a permis de réduire la capacité des installations de conditionnement (séparation de phase et du sécheur) et de produire de l’électricité vendue à EDF et de la chaleur pour couvrir les besoins de process.

Les informations concernant l’unité de méthanisation de Lunor 1 sont très lacunaires. L'industriel n'ayant pas souhaité fournir d’informations complémentaires, cette installation n'a donc pas été incluse dans le bilan présenté ci-après. Depuis la publication de l’arrêté en 2006 sur le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de biogaz, la méthanisation rencontre un regain d’intérêt en France, après le coup d’arrêt constaté à la fin des années 80. Ce nouvel essor concerne principalement les installations collectives et à la ferme. En Haute-Normandie, six unités ont ainsi obtenu un arrêté préfectoral d’exploitation et/ou sont en construction. Neuf autres projets sont actuellement à l’étude (préfaisabilité ou faisabilité).

Figure 2 : Comparaison entre le développement de la méthanisation (hors biogaz de décharge) en France2 et en Haute Normandie

France Haute-Normandie Part de la Haute Normandie/France en %

Unités En % Unités En %

Nombre d'installations en fonctionnement

Unités Agricoles

48 24% 2

36% 8% Collectives 2

Industries 80 41% 6 55% 8%

Boues d’épuration 60 30% 1 9% 2%

Biodéchets des ménages

9 5% 0 0% 0%

Total 197 100% 11 100% 6%

Production de biogaz (énergie finale en ktep/an)

Unités Agricoles

18 11% 0,6

42% 18% Collectives 2,6

Industries 35 22% 4,1 54% 12%

Boues d’épuration 78 48% 0,3 4% >1%

Biodéchets des ménages

31 19% 0 0% 0%

Total 162 100% 7,6 100% 5%

Consommation d'énergie finale (en ktep/an)

Habitat et tertiaire 65 348 42% 1 795 30% 3%

Agriculture 3 694 2% 96 2% 3%

Industrie 35 059 23% 2 690 45% 8%

Transport 49 866 32% 1 386 23% 3%

Total 153 967 100% 5 968 100% 4%

1 Les données sur l’unité de Lunor proviennent du Trophée de la méthanisation réalisée en 2011 2 "D'après l'état des lieux établis par l'Atee-Club Biogaz en 2011 (État des lieux de la filière méthanisation en France).

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Alors que la Haute-Normandie comprend seulement 2,8 % de la population nationale, la production énergétique régionale issue du biogaz s'élève, avec 7 600 TEP/an, à près de 5 % de la production nationale. Le biogaz est, en proportion, plus développé en Haute-Normandie. Cet avantage est principalement lié d'un côté au secteur industriel, qui comptabilise 12 % de la production énergétique nationale à partir de biogaz, et de l'autre, aux 2 installations collectives (et agricoles) haut-normandes, qui représentent 18% de la production nationale de cette catégorie d’unités.

Figure 3 : Unités de méthanisation en fonctionnement en Haute-Normandie par catégorie

La méthanisation s’est déployée sur le territoire selon deux axes :

- L’unité de méthanisation est une activité annexe à l’activité principale. La digestion anaérobie s’inscrit dans un process existant, sur une station d’épuration industrielle ou urbaine ou sur une exploitation agricole. C’est le cas :

des stations d’épuration industrielles (prétraitement des effluents industriels préalablement à un traitement aérobie) ;

de la station d’épuration d’Evreux pour le traitement des boues d’épuration ;

des installations agricoles (SCEA de Mont-aux-Roux et GAEC de la Licorne).

- L’unité de méthanisation est une activité à part entière,

source de diversification d’une ou plusieurs entreprises existantes. L’installation CAPIK a ainsi été mise en service par une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets, associée à un partenaire agricole. De la même manière, l’unité de la SAS AgriENERGIE a été clairement créé dans un objectif de traitement de déchets/effluents organiques extérieurs à l'exploitation agricole.

2 Les flux de déchets, effluents traités, co-produits et biomasses à vocation énergétique

2.1 La nature des flux traités

Les matières organiques traitées sur les installations en fonctionnement sont contenues dans des déchets, coproduits et effluents de différente nature :

- Effluents « chargés » issus de process industriels (dont la charge polluante cependant 3 fois supérieure au moins un effluent urbain). Les substrats industriels présentent une composition stable résultant de la valorisation / transformation de biomasses agricoles ou forestières : acide acétique, eaux d’estérification, production d’huile alimentaire et d’agrocarburants), glycolate de sodium, mélange de produits cellulosiques et effluents riches en fécules.

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- Boues de station d’épuration urbaine. Méthanisées sur site ou sur une installation collective, les boues constituent un excellent substrat d’épuration à digérer.

- Effluents d’élevages. Les installations agricoles et collectives traitent des fumiers et lisiers bovins et porcins. Dans le cas des installations agricoles, cette ressource est captive et majoritaire. Les installations collectives traitent également une part d’effluents agricoles pour garantir un approvisionnement continu et une composition stable adaptée à la digestion.

- Coproduits :

Résidus de cultures et issues de céréales (ou poussières).

Déchets agro-industriels. Les chutes techniques de fabrication (sous-produits pâteux) présentent généralement un fort pouvoir méthanogène. une seule unité de méthanisation peut accepter des sous-produits animaux de catégorie 3 (au sens du règlement sanitaire européen, tels que les os, les chutes de viandes et le gras) grâce à son installation d’hygiénisation intégrée à la préparation des substrats.

- Fraction humide des déchets verts collectée en déchèteries et des biodéchets des ménages et assimilés (gros producteurs).

- Cultures dérobées (CIVE3) et cultures énergétiques.

2.2 Les quantités annuelles de flux traités

Les effluents industriels représentent la majeure partie des flux traités par méthanisation en Haute-Normandie. En effet, certaines unités d’assainissement industrielles traitent des quantités d’effluents extrêmement importantes. Au total, 4,5 millions de m3, dont 97% d’effluents industriels, sont traités sur les 11 sites de méthanisation haut-normands.

Figure 4 : Répartition des flux traités en Haute-Normandie par type de substrats organiques

3 CIVE : culture intermédiaire à vocation énergétique

4,5 millions de

m3/an de matière

brute

41 000 t/an de

matière sèche

32 000 t/an de

matière

organique

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Matières brutes Matières sèches Matières organiques

97%

64% 62%

2%

10%9%

1%

5%5%

4%5%

4%5%

1%

11% 13%

1% 1%

Déchets urbains

Déchets agro-industriels

Poussières de céréales

Cultures intermédaires à vocation énergétique

Effluents d'élevage

Boues d'épuration

Effluents industriels

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Les flux de matières organiques méthanisés s’élèvent actuellement à 32 000 tonnes de matière organique par an. L’écrasante majorité de ces flux est traitée dans des installations d’assainissement industrielles ou urbaine (71%). Les co-produits industriels constituent 18% des apports. Les effluents agricoles représentent une très faible part de la ressource méthanisée en Haute-Normandie, alors que les cultures intermédiaires à vocation énergétique pèse autant que ces derniers dans le flux annuel des substrats méthanisés.

3 La description des installations de méthanisation

La méthanisation se déroule dans un digesteur, organe central de l’installation. Diverses étapes sont nécessaires en amont de la digestion pour préparation les substrats, puis en aval pour le conditionnement et le stockage des digestats, du biogaz, des odeurs ou des effluents.

3.1 Les étapes de la méthanisation

Une installation de méthanisation est composée de plusieurs unités fonctionnelles : la préparation des substrats, la digestion, le traitement et la valorisation du biogaz, la gestion des substrats digérés…

3.1.1 La préparation et l’introduction des substrats dans le digesteur

3.1.1.1 Les équipements mis en place

La préparation des substrats est une étape préalable à la digestion. Elle permet d’assurer la régularité du flux introduit dans le digesteur et de faciliter ou d’optimiser la dégradation anaérobie. A ce titre, 3 familles d’équipements coexistent :

- Les moyens de réception/stockage, qui servent également au mélange et à l’homogénéisation des substrats accueillis sur l’installation :

fosse ou bassin de réception et fosse tampon pour les substrats « pompables » (lisier, effluents faiblement chargés, boues d’épuration…) ;

casiers ou silos pour les déchets solides, coproduits ou cultures énergétiques « pelletables ».

- Le réchauffage des substrats jusqu'à une température de consigne pour permettre une méthanisation mésophile. Notons que le réchauffage se produit souvent à l'occasion de la recirculation/homogénéisation du substrat en cours de digestion ; il permet également le maintien température du digesteur.

- Les moyens de traitement spécifiques, telles que :

L’hygiénisation. Ce matériel de traitement équipe les installations collectives ayant pour vocation à accueillir des sous-produits animaux de catégories 3 autorisant un traitement thermique à 70°C durant 1 heure.

La floculation / neutralisation / complémentation. Dans certains cas, la floculation, associée à des phases de coagulation et de flottation, permet d'extraire des boues ou des graisses qui demandent à être traitées dans une autre installation. Cette étape de préparation est spécifiquement réservée aux effluents industriels, qui présentent souvent une composition physico-chimique déséquilibrée. Pour réunir les conditions d'un développement harmonieux des bactéries anaérobies, il est essentiel d'adapter le rapport entre le carbone (ou la DCO pour les effluents industriels), l'azote et le phosphore. À cet effet, la préparation du substrat peut consister en une neutralisation du pH (à l'aide de soude ou de chaux…), l'apport de nutriments (azote, phosphore), voire d'oligo-éléments (magnésie…) pour compenser certaines

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déficiences du substrat. Sans une complémentation préalable, le processus biologique ne pourrait se dérouler correctement : elle conduit également à optimiser l’efficacité de la digestion en améliorant les performances de l'installation.

Par ailleurs, on a constaté que le mélange de matières premières d'origine et de nature différente (sur les unités collectives) constituait un facteur d'optimisation des performances de la digestion.

Les équipements de réception et de préparation des substrats sont donc fonction de la nature et de la quantité des matières traitées sur l'installation de méthanisation.

3.1.1.2 L’introduction des substrats dans le digesteur

Les substrats liquides sont directement introduits par pompage dans le digesteur sur l’ensemble des installations. Les 4 installations agricoles et collectives possèdent en outre une trémie d'introduction des matières solides dans le digesteur. Les trémies sont en générale chargées une fois par jour.

3.1.2 Les technologies de digestion

Les installations de méthanisation actuellement en fonctionnement sont équipées de des technologies de digestion par voie liquide, avec des taux de matière sèche des substrats de 22% au maximum. L’alimentation des digesteurs est systématiquement continue et la température de digestion, située entre 28°C et 40°C, ce qui permet le développement de micro-organismes mésophiles. Différentes technologies ont été mises en place selon le type de déchets à traiter :

- La digestion sur cultures libres, au travers de 2 familles technologiques :

Les procédés « infiniment mélangés », qui sont réservés aux substrats comprenant une charge polluante élevée (5 à 20 % de taux de matière sèche) et concernent les unités agricoles, collectives et le traitement des boues d’épuration.

Les procédés « contact anaérobie », qui concernent exclusivement les effluents industriels comprenant une charge polluante d’au moins 70 à 100 g de matières en suspension par litre (AQUALON, ORIL Industrie).

La vitesse de développement des microorganismes méthanogènes est lente ; les réacteurs sont donc conçus pour conserver la flore bactérienne plutôt que de l'évacuer directement avec les substrats méthanisés, ce qui se traduit par un temps de séjour élevé (« infiniment mélangé ») ou par une récupération par décantation de la biomasse digérée, laquelle est réintroduite en tête de digestion de façon à maintenir une concentration en microorganismes élevée dans le réacteur (« contact aérobie »).

Figure 5 : Schéma de la digestion par « contact anaérobie »

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- La digestion sur cultures fixes. Les micro-organismes anaérobies sont fixés sur un support (filtre anaérobie) ou sur des agrégats de biomasse âgée, constituant des flocs maintenus en suspension dans le réacteur (UASB-Uplow anaéobic sludge blanket, lit fluidisé…). De nombreuses technologies ont été développées par les spécialistes du traitement de l'eau. Dans les unités visitées, deux technologies ont été mises en place par les industriels normands : méthanisation selon le principe UASB (LUNOR, SAIPOL) ou par « lit fluidisé circulant » (EUROPAC, BENP-Téréos).

Figure 6 : Schéma de la digestion suivant une technologie selon le principe UASB

Figure 7 : Schéma de la digestion suivant une technologie par « Lit fluidisé circulant »

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8

3.1.3 La production et la valorisation du biogaz

3.1.2.1 La production régional de biogaz (hors centres de stockage)

La production de biogaz est liée :

- à la composition et à la complémentarité des matières introduites dans le digesteur ;

- aux éventuels facteurs d’inhibition (teneur excessive en ammoniac…) ;

- à des conditions de méthanisation (température, rapport Carbone / Azote / Phosphore…) ;

- à la quantité de matières introduites ;

- à l’efficacité de la réaction et de la récupération du biogaz (temps de rétention hydraulique, qualité du brassage…).

Les 11 unités de méthanisation en fonctionnement produisent actuellement près de 88 000 MWhPCi chaque année, soit 7 600 tep (tonnes équivalent pétrole) par an.

Figure 8 : Production annuelle de biogaz par installation (énergie finale exprimée en MWh PCi)

Le secteur de l’assainissement industriel représente 53 % de l’énergie produite. Environ 34 % du biogaz est produit par les 2 unités collectives, alors que les unités agricoles ne produisent que 8 % des flux régional de gaz renouvelable et la station d'épuration d'Évreux, 5 %. La production énergétique des installations à la ferme est en général modeste compte tenu du faible potentiel méthanogène des effluents agricoles. La variabilité de production énergétique est très marquée. Les modes de valorisation du biogaz Après un traitement plus ou moins poussé, le biogaz produit est utilisé selon les modes suivants :

- Valorisation exclusivement thermique en vue de couvrir une partie des besoins industriels de chaleur. 2 méthodes sont employées :

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Electricité22 200 MWh

25%

Chaleur valorisée 34 400 MWh

39%

Chaleur utilisée pour la digestion

6 500 MWh

7%

Pertes25 200 MWh

29%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

15%

34%38% 35%

51% 16%

33%

2%

4%

14%

7%

48%

30%36%

22%15%

Pertes

Chaleur utilisée pour le digesteur

Chaleur valorisée

Electricité

une utilisation en mélange au gaz naturel : cas des installations industrielles de LUNOR, AQUALON, EUROPAC et BENP-Téréos ;

une utilisation dans une chaudière dédiée permettant de couvrir uniquement les besoins du digesteur (ORIL Industrie).

- Production simultanée de chaleur et d'électricité en dirigeant le biogaz produit vers une unité de cogénération : cas des unités collectives et agricoles et de la station d’épuration d’Evreux. À noter que CAPIK revend le biogaz à une société spécialisée dans la cogénération (VERDESIS, filiale d'EDF), qui cède gratuitement la chaleur nécessaire aux process (réchauffage des substrats, maintien température des digesteurs, séchage des digestats).

- Absence totale de valorisation, l'intégralité du gaz étant dirigée vers la torchère (SAIPOL).

Figure 9 : Répartition de la valorisation du biogaz

L’énergie produite par méthanisation est globalement bien valorisée, avec seulement 27% de pertes. La chaleur constitue le principal débouché, avec 39% de l’énergie primaire valorisés sous forme thermique. En revanche, la quantité d’énergie finale transformée en électricité (25 % de la production de biogaz) est actuellement modeste. Au final, le parc d’installations de méthanisation en Haute-Normandie se distingue par une efficacité énergétique de 67 %, qui masque cependant une forte disparité en fonction du type d'installations. Pour les 2 unités collectives, le biogaz est correctement de valorisé à l'aide de moteurs cogénération. À noter que la chaleur produite par l'unité de cogénération de la station d'épuration d'Évreux est valorisée pour le réchauffage des boues et le maintien température des digesteurs, d'une part, et pour le séchage thermique des boues d'épuration en aval de la digestion, d'autre part.

En milieu industriel, le biogaz n'est pas systématiquement valorisé. Enfin, les unités à la ferme éprouvent des difficultés à valoriser la chaleur résultant de la cogénération du biogaz (absence d'usage thermique à la hauteur de la production de chaleur). Pour la vente d’électricité, deux arrêtés tarifaires s’appliquent : celui de 2006 pour les installations mises en service avant 2011 et celui de 2011 pour les autres. Dans les deux cas, une bonification est accordée en fonction de l'efficacité énergétique des installations. Dans le dernier arrêté en vigueur, les besoins thermiques de la préparation des

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substrats et de la digestion ne sont plus pris en compte dans le calcul de l'efficacité énergétique des installations ; le tarif 2011 incite désormais les exploitants et maîtres d'ouvrage à limiter au maximum l'autoconsommation liée aux process.

3.1.3 Le post-traitement des digestats

3.1.3.1 Les flux annuels de substrats digérés

Le flux brut de matières digérées est sensiblement comparable au flux des matières introduites en digestion. En conséquence, près de 4,5 millions de m3 d'effluents et des substrats digérés sont produits chaque année en Haute-Normandie. Il convient de rappeler qu’EUROPAC contribue pour plus de la moitié à ce flux.

3.1.3.2 Les modes de gestion des digestats

Une fois extraits des réacteurs, les digestats subissent, selon les technologies et les stratégies, des conditionnements plus ou moins poussés.

Le traitement des effluents industriels digérés

La méthanisation d'effluents industriels constitue un premier étage de l'épuration. Elle permet d'abattre la charge polluante de 45 à 90 %, ce qui demeure en règle générale insuffisant pour autoriser un rejet direct dans le milieu naturel. Notons cependant qu'AQUALON dispose d'un arrêté d'exploitation autorisant le rejet dans la Seine du flux traité par méthanisation, l'industriel ayant néanmoins mis en place un étage de traitement aérobie supplémentaire en 2011. Par rapport à un traitement aérobie, la méthanisation aura permis de réduire d'un facteur :

- 10 le volume des réacteurs,

- 5 à 7 le volume des boues produites,

- 3 à 12 les besoins en énergie électrique.

Parallèlement, cette technologie aura également permis de produire un gaz biologique riche en méthane, qui n'est cependant pas systématiquement valorisé sur les sites industriels enquêtés. Les boues résultant de la méthanisation sont en règle générale mélangée avec les boues issues du traitement aérobie et font l'objet d'un conditionnement spécifique.

Le conditionnement des substrats digérés

Hormis les effluents industriels, les substrats digérés produits sur les installations haut-normandes sont systématiquement valorisés en agriculture. Si l'on excepte les effluents méthanisés (qui bénéficient d'un traitement complémentaire en station d'épuration aérobie avant rejet dans le milieu naturel), on constate que les installations agricoles épandent à l'état brut les digestat (29 000 tonnes/an). Dans les autres cas, les digestats (47 000 tonnes/an) subissent au préalable une transformation mécanique et/ou chimique et/ou thermique et/ou biologique :

- Séparation de phases (transformation mécanique). La séparation de la phase liquide (éluat) et de la phase solide (gâteau) est généralement réalisée à l’aide d’une presse ou d’une centrifugeuse. Cette opération permet de concentrer les matières dans la phase solide, ce qui facilite le stockage du digestat, puis sa gestion ultérieure. La phase liquide est en général renvoyée en tête de la chaîne de traitement ; certains industriels procèdent cependant à un épandage direct de l'éluat.

- Chaulage (transformation chimique). En milieu industriel, les boues résultant de la méthanisation, en général mélangées avec les boues d'épuration de la station d'épuration aérobie, sont dans certains cas stabilisées par chaulage, suite à une séparation de phases (3 000 tonnes de boues sont chaulées).

Page 13: Bilan de la filière régionale méthanisation

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- Séchage thermique (transformation thermique). Le séchage du digestat a été mis en place sur plusieurs sites, et valorise la chaleur excédentaire issue de la cogénération. Le séchage contribue à simplifier la valorisation du digestat, dont le volume est fortement réduit et qui se présente sous la forme de granulés, dont la siccité n'excède pas 85%. Le digestat séché ne génère en outre pas d’odeurs et peut être aisément stocké et transporté sur des distances plus importantes.

- Compostage (transformation biologique). Dans l'attente d'une homologation du digestat granulé, CAPIK fabrique un amendement organique normalisé sur la plate-forme de compostage de végétaux d’IKOS Environnement. Cette pratique est cependant provisoire. Notons que le compostage peut constituer une solution intéressante, notamment pour les digestat issus de la méthanisation des biodéchets des ménages et assimilés.

Stockage du digestat

L'épandage doit respecter des périodes définies par la réglementation, ce qui nécessite un stockage de 6 mois au minimum. Ce stockage a lieu dans des fosses si le digestat est liquide. Aucune installation industrielle ne dispose de stockage, excepté pour une durée minimum entre deux évacuations par un prestataire. Concernant les digestats séchés, les contraintes de stockage sont très allégées puisqu’ils sont solides, « pelletables » et stables : le stockage au champ toute l’année est donc autorisé.

3.2 Les indicateurs de la digestion

Plusieurs indicateurs permettent de caractériser la digestion : charge organique (quantité de matière organique introduite par m3 de cuverie et par jour), temps de séjour (heures ou jours), taux de dégradation (% de la matière organique introduite), productivité volumique (quantité de biogaz par m3 de cuverie et par jour)… Ces indicateurs peuvent également être utilisés pour le dimensionnement des installations.

3.2.1 La charge organique du digesteur

La charge organique (exprimée en kg MO/m3) correspond à la quantité de matière organique traitée par mètre cube de cuverie (volume utile du digesteur elle doit être mise en relation avec les technologies de méthanisation déployées et le temps de séjour les substrats.

Figure 10 : Charge organique par installation

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Les installations de méthanisation en « infiniment mélangé » présente une charge organique proche du seuil de fonctionnement optimal de 2 kg de MO par jour et par m3 de cuverie.

3.2.2 Le temps de séjour

Le temps de séjour des substrats en digestion est calculé en divisant le volume utile du réacteur par le volume quotidien moyen de substrats introduits.

Figure 11 : Temps de séjour des flux traités par installation

Dans les installations de méthanisation en « infiniment mélangé », les substrats séjournent entre 44 et 60 jours. Cette durée de rétention hydraulique s'avère très supérieure au chiffre avancé dans la littérature technique et scientifique (de 20 à 30 jours). En Haute-Normandie, le dimensionnement des installations semble tenir compte des besoins de stockage en aval de la digestion ; les bassins sont couverts, parfois chauffés, et le biogaz, récupéré. Par souci d'optimisation technico-financière, il conviendrait de dimensionner les installations au plus juste, mais en prévoyant l'hypothèse d'une augmentation ultérieure de la capacité de traitement. À technologie équivalente, cette durée s'élève à titre d'exemple à 36 jours seulement pour la station d'épuration d'Évreux, alors que celle-ci fonctionne actuellement à 60 % seulement de sa charge nominale (123 000 équivalents-habitants). Le temps de séjour moyen des effluents industriels chargés fluctue de quelques heures à plusieurs dizaines d'heures selon la qualité des effluents et la technologie mise en œuvre. L'abattement (taux de dégradation) de la matière organique Le taux de dégradation de la matière organique traduit l’efficacité du traitement biologique. Il est directement corrélé à la production de biogaz. Les installations industrielles mesurent la charge polluante à l'entrée et à la sortie du réacteur, laquelle est exprimée en DCO (demande chimique en oxygène). Le taux d'abattement de la pollution organique (rendement épuratoire) varie de 45 à 85 %. Sur la station d'épuration d'Évreux, le taux de dégradation de la matière organique a été estimé à près de 60 %. Pour les autres installations, les données fournies par les exploitants ne sont pas suffisantes pour estimer la performance de la méthanisation.

3.2.3 La teneur en méthane du biogaz

La teneur en méthane du biogaz est direc-tement lié à la qualité des substrats métha-nisés. Si les caractéristiques physico-chimiques des substrats avant et après digestion sont rarement appréhen-dées, les exploitants analysent systémati-quement la teneur en méthane

du biogaz produit.

Figure 12 : Teneur du biogaz en méthane

Page 15: Bilan de la filière régionale méthanisation

13

La teneur en méthane s'élève en moyenne à 60% du biogaz et peut atteindre 85% de la composition du gaz en milieu industriel.

3.2.4 Les indicateurs de production de méthane

3.2.4.1 La productivité en biogaz (par tonne de matière organique introduite)

Lorsque l’on ramène le pouvoir méthanogène d'un substrat à son contenu en matière organique (et non plus à la matière brute), l'intérêt des produits est davantage comparable même si certaines matières organiques (lipides) restent 2 fois plus intéressantes que d’autres (glucose) : le potentiel méthanogène d’une matière dépend donc étroitement de sa composition moléculaire. Certains substrats (issues de céréales, fécule de pomme de terre, graisses …) sont ainsi très méthanogènes, alors que d’autres (lisiers, eaux blanches…) Apparaissent moins intéressant en raison principalement de leur faible teneur en matière sèche. La productivité biologique des substrats organiques est comprise entre 220 m3 et 379 m3 de CH4/tonne de matière organique introduite. Le potentiel méthanogène du mélange des matières traitées sur certaines installations apparaît élevé, ce qui s’explique par la nature par la complémentarité des déchets accueillis.

3.2.4.2 La productivité volumique (par m3 de cuverie et par jour)

La productivité volumique, c’est-à-dire la production moyenne de méthane par m3 de cuverie (volume utile du digesteur), se situe :

- en moyenne à 250 Nm3 4 de méthane par m3 de cuverie et par jour pour les installations en infiniment mélangées ;

- de 63 m3 à 1 132 m3 CH4/m3 de cuverie et par jour pour les installations industrielles,

qui présente en revanche d’importants écarts en fonction de la technologie et de la nature des effluents traités.

Figure 13 : Production de biogaz par installation par m3 de cuverie

4 Nm3 (normo-mètre cube) : unité de mesure de la quantité de gaz, qui correspond au contenu d'un mètre cube se trouvant dans les conditions normales de température et de pression (à 15 °C et à 1 atmosphère, soit 101 325 Pa).

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14

3.3 Le retour au sol des digestats

Le digestat est systématiquement valorisé en agriculture. L'opération d'épandage est réalisée par les agriculteurs ou des entreprises spécialisées à l’aide :

- d’une tonne à lisier si le digestat est liquide,

- d’un épandeur à fumier s’il est solide.

Selon la catégorie d'installations, la valorisation des digestats est toutefois appréhendée différemment :

- Pour les unités industrielles et la station d’épuration d'Évreux, le digestat est en effet assimilé à un sous-produit, dont le coût d'évacuation peut, en dépit de son intérêt agronomique, parfois apparaître élevé.

- Les unités à la ferme et les unités collectives impliquent en revanche directement le monde agricole, qui garantit un approvisionnement régulier à partir d’effluents d’élevages et autorise le retour au sol du digestat par la mise à disposition de terrains d'épandage. Pour les unités collectives, des négociations peuvent s'avérer complexes pour déterminer les conditions de cession et de retour au sol des digestats.

Il résulte des entretiens réalisés au cours de l'étude que le digestat constitue en effet une ressource en nutriments pour la plante, qui permet le remplacement d'engrais commerciaux. Plus homogènes que les effluents d’élevages non méthanisés et à la composition variable, les digestats constituent pour l'agriculteur un engrais organique systématiquement caractérisé et plus facile à utiliser.

3.4 Les données sur le fonctionnement

Les données de fonctionnement concernent principalement :

- les consommations d’énergie, de consommables et de réactifs,

- le personnel nécessaire au bon fonctionnement de l’installation.

3.4.1 Les consommations d’énergie

3.4.1.1 Electricité

Le fonctionnement de l’installation de méthanisation entraine des consommations électriques, notamment sur les postes suivants : réception, introduction dans le digesteur, brassage, recirculation, équipement de déshydratation, séchage… Les données fournies indiquent une consommation d’électricité de 3 à 9 kWh/t de substrats pour deux des installations collectives et agricoles. Dans le secteur industriel, les consommations avancées par les exploitants s’élèvent à de 1 à 17 kWh/t d'effluents ; il semble cependant que ces consommations ne concernent pas uniquement la seule installation de méthanisation (traitement aérobie, centrifugation des boues d'épuration…).

3.4.1.2 Fioul domestique / carburant vert

La consommation de fioul domestique concerne plusieurs postes :

- Le chauffage du digesteur lors du démarrage (pour les installations récentes et après chaque arrêt du digesteur).

- La manutention (carburant vert) lors de la réception des déchets, du compostage et de la reprise avant évacuation.

- La co-combustion dans le moteur de cogénération en mélange au biogaz

- Les postes de transport et d’épandage ne sont pris en compte ; ils sont en effet très difficilement quantifiables et constituent le « bonus » pour l'agriculteur.

Page 17: Bilan de la filière régionale méthanisation

15

3.4.2 La consommation de réactifs et autres consommables

À différentes étapes du processus, des réactifs et des consommables sont utilisés :

- pour la préparation des substrats, principalement sur certaines installations industrielles : lait de chaux, soude, nutriments, oligo-éléments, ammoniac, acide phosphorique…

- dans le digesteur : introduction de chlorure de fer pour précipiter le soufre et éviter la formation d'hydrogène sulfuré recueilli dans le biogaz

- au niveau de la séparation de phases : polymères…

- au niveau du traitement de l’air : tourbe, javel, acide sulfurique, charbon…

- le traitement du digestat : chaux

3.4.3 Le besoin en personnel

Le personnel est chargé de la conduite de l’installation ; certaines interventions sont réalisées par un prestataire extérieur. Les principales tâches sont les suivantes : réception des déchets et gestion (stockage, mélange, introduction dans le digesteur), surveillance générale des intrants et de la digestion, analyses (digestat notamment), gestion des digestats (séparation de phases, séchage, compostage, chaulage), gestion du stockage et de l'épandage du digestat, gestion des stocks de réactifs de consommables et de fioul, maintenance, notamment du poste cogénération (souvent réalisée en prestation), entretien du site, gestion administrative, recherche de déchets extérieurs (et d'une façon générale, toutes démarches commerciales)… Les installations de méthanisation sont généralement intégrées dans un site industriel ou agricole ; il est souvent difficile d’estimer avec précision le temps consacré par le personnel à l'exploitation du site de méthanisation. L’intensité en personnel a été exprimée en tonnes de matière brute par équivalent temps plein (flux annuels de matières brutes/ETP) :

- L'intensité en personnel est très contrastée sur les unités agricoles

- Elle atteint 10 000 t matières brutes/ETP pour les 2 installations collectives.

- Les flux traités par employé sur les unités industrielles d'assainissement sont très importants, avec toutefois de fortes disparités allant de 13 000 t matières brutes/ETP à 1 277 000 t matières brutes/ETP.

3.4.4 Les autres charges de fonctionnement

La liste exhaustive des différentes charges de fonctionnement (hors personnel, consommables, réactifs et énergie) constatées sur les installations en service est dressée ci-après : gros entretien et renouvèlement (travaux lourds sur le digesteur, changement d’un moteur, d’une pompe, ou des bandes d’un sécheur…) ; leasing poste électrique ; accès réseau électricité (consommation et vente d’électricité) ; prestations maintenance (cogénération, digesteurs, matériel de manutention…) ; location d’équipements ; abonnements ; coûts production cultures (achat intrants) ; analyses ; frais administratifs et de gestion, frais de structure ; assurances ; taxes et frais divers

4 Les aspects financiers

Les données recueillies lors des audits sont trop insuffisantes pour être exploitées pour les installations d’assainissement industriel et de traitement des boues d’épuration (les données sont trop anciennes ou « noyées » dans l’activité principale). L’approche économique sera abordée uniquement pour les installations collectives et à la ferme.

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4.1 Le montant des investissements et subventions

Le tableau suivant détaille les montants des investissements pour les installations agricoles et collectives.

Les investissements

Le coût d’investissement par tonne traitée/an est plus élevé pour les installations collectives (156 €/t de substrats), que pour les installations à la ferme (131 €/t de substrats). Cette différence s’explique notamment par :

- une rusticité plus importante à la ferme (absence de confinement, traitement de l’air, post traitement du digestat…) ;

- une charge organique plus faible (déchets moins méthanogènes) à la ferme, et par voie de conséquence, des équipements (digestion, séparation de phase) de plus faible capacité à la tonne brute traitée ;

- des déchets plus complexes à traiter pour les installations collectives et la nécessité de les prétraiter : hygiénisation, séparation des indésirables… ;

- un foncier moins cher pour les installations à la ferme.

En revanche, le coût d’investissement ramené à la « puissance de la digestion » est plus faible pour les installations collectives (2 900 €/kW PCi, contre2 700 pour les installations agricoles), ce qui confirme que le pouvoir méthanogène des intrants des unités collectives est plus élevé que celui des effluents agricoles et qu'il existe bien un effet d'échelle intéressant pour des unités industrielles pourtant mieux équipées que les installations à la ferme.

Figure 14 : Ratios d’investissement par catégorie d’installations

Installations agricoles

Installations collectives

Installations en fonctionnement 2 2

Capacité moyenne (en tonnes de matière brute/an) 15 000 27 500

Investissement

Hors subvention

€HT/t réceptionnée

131 156

Avec subvention

€HT/t réceptionnée

92 98

Hors subvention

€HT/kW PCI5 2 918 2 733

Avec subvention

€HT/kW PCI 2 021 1 688

Part de la subvention (en %) 31 38

Les subventions

L’ensemble des installations en service ont bénéficié de subventions, et notamment de la part de la Région Haute-Normandie (Appel à projet Énergie), de l’ADEME ou de l'Agence de l’eau Seine Normandie (installations industrielles, station d’épuration d'Évreux). Pour les installations collectives et à la ferme, le niveau de subventions globaux est de l’ordre de 35 % de l’investissement (entre 29 et 41 % constatés), alors qu'il s'élève de 40 à 50 % dans le domaine de l'assainissement industriel.

5 Puissance biogaz total (PCi)

Page 19: Bilan de la filière régionale méthanisation

17

4.2 L'équilibre financier de la méthanisation des unités à la ferme et des installations collectives

4.2.1 Les charges d'exploitation

Les charges sont constituées d'annuités d’amortissement et de dépenses de fonctionnement.

4.2.1.1 Les annuités d'amortissement

Les conditions d'amortissement des unités à la ferme et unité collectives émanent de données communiquées par les exploitants, d'une part, et contenues dans les études préalables, d'autre part. La durée d’amortissement moyenne se situe entre 12 et 20 ans, certains maîtres d'ouvrage amortissant l’équipement sur 7 ans et les taux d’intérêt varient entre 4 et 6 %.

4.2.1.2 Les dépenses de fonctionnement

Les charges de fonctionnement comprennent des frais fixes (charge en personnels, abonnements, assurances, taxes, frais de structure et de gestion) et des frais variables (maintenance, énergie, consommables…). Notons que la subvention attribuée à chaque installation n'a aucune incidence sur les frais de fonctionnement.

4.2.2 Les produits d'exploitation

Sur les installations de méthanisation, des recettes potentielles sont envisageables et possibles à différents niveaux : on peut les regrouper de la manière suivante :

- les recettes directes :

valorisation de l’énergie biogaz : vente électricité, chaleur…

redevances pour le traitement de déchets.

vente de fertilisants : digestat, compost et éventuellement solution de sulfate d’ammonium.

- les recettes indirectes liées à des dépenses d’énergie évitées :

réduction des consommations de fioul, de gaz, d’électricité grâce à la valorisation de la chaleur pour chauffer des bâtiments d’élevages, des locaux d'habitation et professionnels…

réduction des consommations d’engrais plus ou moins importantes pour l’exploitant dans le cas des installations à la ferme.

Page 20: Bilan de la filière régionale méthanisation

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Figure 15 : Recettes potentielles sur les installations de méthanisation

Postes recette

Catégories d’installations

A la ferme Collectives Traitement des boues d’épuration

Assainissement industriel

Recettes directes

Recettes électriques

Oui Oui, si valorisation par cogénération

Recettes chaleur

Difficiles. Plutôt utilisation interne

Possibles et recherchées

Plutôt utilisation interne

Plutôt utilisation interne

Traitement déchets Oui

Déchets captifs de la collectivité ou de l’industriel. Coût fatal du traitement des déchets

Vente sulfate d'ammonium

Possible Recherchée Possible Possible

Vente digestat/compost…

Recherchée Recherchée Difficile Difficile

Recettes indirectes

Economies engrais Oui Pas pour l’exploitant

Economies fioul, gaz ou autre in situ

Oui : locaux, bâtiments d’élevage, serres…

Difficile hors besoins process

Economie de gaz naturel pour sécher les boues

Substitution à du gaz naturel

Il est important de noter que les recettes indirectes ne sont pas toujours évaluées ou prises en compte par les exploitants dans leurs comptes d’exploitation : leur importance est donc minorée.

Les installations à la ferme

Figure 16 : Répartition des recettes sur les installations à la ferme

Sur les installations à la ferme, les redevances pour le traitement de déchets extérieurs sont très faibles (4 % des recettes), l’agriculteur méthanisant principalement des ressources dont il a la maîtrise (effluents d’élevages, résidus de cultures, cultures à vocation énergétique…). L'équilibre économique d'une unité de méthanisation à la ferme repose sur la vente quasi exclusive de l'électricité produite (90 % des produits d'exploitation). La chaleur, principalement utilisée in situ, est très rarement vendue, mais sa valorisation constitue un double intérêt : obtention d'un tarif optimisé de vente de l'électricité produite et substitution de combustible fossile (à usage domestique ou professionnel). Le traitement de déchets extérieurs à l'exploitation agricole constitue également une ressource supplémentaire en nutriments pour les plantes et les sols, ce qui procure en moyenne une économie d'engrais commerciaux estimée à 4 % des produits d'exploitation.

Page 21: Bilan de la filière régionale méthanisation

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En moyenne, les recettes, qui incluent les économies induites, s’élèvent à 14 €/t de substrats sur les unités de méthanisation à la ferme.

Les installations collectives

Figure 17 : Répartition des recettes sur les installations collectives

Pour les installations collectives, les redevances pour le traitement des déchets occupent une place prépondérante (56 % des recettes). La vente d’électricité représente seulement 35 % des produits d'exploitation (soit 7,7 €/tonne) ; cette proportion est plus faible que sur les unités agricoles en raison d'un prix d'achat de l'électricité réduit (ancien arrêté tarifaire, taille de l'installation) et à la vente du biogaz à une société gérant l'installation de cogénération. Notons que le compost/digestat est commercialisé, au même titre qu'un engrais organique (9 % des recettes). L'ensemble des produits d'exploitation s'élève à environ 22 €/t de substrats.

4.2.3 Bilan d’exploitation

Le bilan d’exploitation inclut :

- les charges d'exploitation, y compris les annuités d'amortissement (correspondant à un emprunt sur 15 ans à un taux de 4,5 % du montant de l'investissement, après déduction des subventions) ;

- les produits d'exploitation pour les installations à la ferme et collectives.

Cette approche résultats d'une synthèse de documents d’origine diverse (données issues des enquêtes, données issues des études de faisabilité, données provenant des bureaux d'études ayant rédigé le présent document).

Figure 18 : Compte d’exploitation simplifié pour les installations agricoles et collectives

Le coût d’exploitation d’une unité de

méthanisation à la ferme est de 18 €/t traitée, contre 27 €/t traitée sur une installation collective. Les redevances émanant du traitement des déchets et une meilleure valorisation de l’énergie permettent cependant aux installations collectives de dégager un résultat légèrement positif (de l'ordre de 2 €/tonne méthanisée, soit de 5 à 10 % du chiffre d'affaires annuel). La valorisation du biogaz par cogénération présente une efficacité énergétique de 67% sur les installations collectives, contre 48,5% sur les installations agricoles. Dans le nouvel arrêté tarifaire relatif à l'achat d'électricité produite à partir de biogaz, les installations agricoles seront pénalisées lorsque la chaleur n'est pas valorisée en dehors du process.

Page 22: Bilan de la filière régionale méthanisation

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Notons que la rentabilité d'une opération est étroitement liée aux économies indirectes réalisées sur les unités agricoles, que les porteurs de projets tendent en règle générale à minorer. Dans le cadre d'une analyse plus fine, il conviendrait :

- de prendre en compte plus précisément les économies évitées chez certains exploitants agricoles (engrais, fioul domestique…) ;

- d'ajuster le dimensionnement des installations techniques (et en particulier de la digestion), ce qui conduirait à des investissements mieux maîtrisés, et par ailleurs, à diminuer le montant des aides publiques.

Enfin, les graphiques précédents mettent néanmoins en évidence le caractère indispensable des aides publiques pour équilibrer le compte d'exploitation d'une unité à la ferme ou d'une installation collective. Dans le contexte actuel, les subventions accordées au développement des projets de méthanisation représentent de 4 à 5 €/tonne de substrats, soit 20 à 22 % des charges d’exploitation.

5 Les projets de méthanisation en Haute-Normandie et perspectives

5.1 Les projets en cours de réalisation ou à l'étude

En Haute-Normandie, on dénombre actuellement 16 unités de méthanisation en construction, ou ayant fait l'objet d'une étude approfondie. Les installations en projet font appel pour 60 % à un procédé par voie liquide en infiniment mélangé, et pour 40 %, à un procédé par voie sèche. Il convient de distinguer :

- Les unités en phase de construction (2 installations), qui représente 18 500 MWh PCi/an :

- Les projets qui ont obtenu une autorisation de subventions ou du dépôt d'un dossier de demande de subvention auprès de l'ADEME et/ou de la Région Haute-Normandie (8 unités). Ces projets représentent l'équivalent de 71 000 MWh PCi/an, soit la méthanisation de 140 000 tonnes/an de substrats organiques supplémentaires :

4 unités à la ferme :

3 installations collectives :

1 installation industrielle.

- Les projets (6), qui ont fait l'objet d'une étude de faisabilité.

Les 2 premières catégories ont fait l'objet d'une analyse plus ou moins approfondie, à l'occasion d'une rencontre avec les porteurs de projets.

Page 23: Bilan de la filière régionale méthanisation

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5.2 Les perspectives de développement

L’audit des unités haut-normandes en fonctionnement et en projet a permis de tirer un certain nombre d’enseignements, qui demande cependant à être relativisé compte tenu la taille de l'échantillon des installations visitées.

L’assainissement industriel

Dans ce secteur, les digesteurs constituent une étape du traitement des effluents, dont la charge polluante s'avère plutôt élevée. La digestion, au même titre que les traitements aérobies ou physico-chimiques, a pour objectif d’ « abattre » la pollution carbonée. Cette technologie présente un spectre d'avantages par rapport aux moyens plus classiques de traitement aérobie des effluents (moins investissement, maîtrise des coûts d'exploitation, réduction des flux de boues…) L’évolution des tarifs d’achat bonifié de l’électricité produite par cogénération à partir de biogaz devraient inciter les industriels à considérer la méthanisation, non plus exclusivement comme un procédé de traitement l’eau, mais comme un moyen de production d'une énergie renouvelable. Notons que Danone (à Ferrières-76) envisage de digérer le lactosérum, sous-produit actuellement valorisé en alimentation animale. Ainsi, la méthanisation poursuivra 2 objectifs bien distincts dans le secteur industriel : le traitement des effluents et la digestion de sous-produits (dans une hypothèse de gestion optimisée de l'énergie et des déchets/effluents).

Les boues de traitement des eaux urbaines

Le potentiel de développement de la méthanisation est important dans le secteur de l’épuration des eaux urbaines, puisque qu’il n’existe qu’une seule installation de digestion de boues en Haute-Normandie. La réévaluation récente du tarif d’achat de l’électricité à partir de biogaz et la probable autorisation d’injection attendue des biogaz produits à partir de boues d'épuration devraient à court terme inciter les exploitants à s'interroger sur l'intérêt du traitement anaérobie des boues. On peut donc envisager un déploiement de cette filière sur des stations de taille importante (à partir de 80 000-100 000 équivalents habitants), soit en amont de l'incinération, soit lors de réhabilitation d'usines existantes ou de nouvelles constructions. Le territoire compte cependant une majorité de petites stations, dont la capacité est trop faible pour envisager la mise en place d’une digestion « in situ ». Les boues des stations plus modestes peuvent en revanche être traitées sur des installations de méthanisation en service (c’est le cas par exemple de CAPIK ou du projet de Biogaz de Gaillon).

Le traitement des biodéchets des ménages et assimilés

Une unité de traitement de la fraction fermentescible des ordures ménagères (E’CAUX POLE) est en cours de construction sur le territoire du SMITVAD (Syndicat Mixte de Traitement et de Valorisation des Déchets du Pays de Caux) à Brametot. Dans l'hypothèse d'une réduction des flux d'ordures ménagères, l'installation du SMITVAD et en capacité de recueillir jusqu'à 9 000 t/an de biodéchets des gros producteurs produits sur son territoire ou à proximité immédiate. Au-delà de cette initiative, la méthanisation devrait relativement peu concernée ce secteur d'activité dans un avenir proche, excepté peut-être dans l'ouest du département de l'Eure (SDOMODE). En revanche, cette technologie pourrait s'inscrire dans un schéma « multi-filières », en complément de l'incinération, lorsque les usines existantes dans l'Eure et en Seine-Maritime seront amorties.

Page 24: Bilan de la filière régionale méthanisation

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Les installations « collectives »

Depuis la revalorisation en 2011 du tarif d’achat de l’électricité produite à partir de biogaz et l’autorisation d’injecter du biométhane dans le réseau de GrDF, le nombre de projets d’unités de méthanisation collectives a fortement augmenté en France et en Haute-Normandie. Ces installations pâtissent, contrairement aux installations agricoles, de l’absence de gisements captifs, mais elles peuvent bénéficier d’une implantation avantageuse, à proximité des débouchés pour l’énergie (chaleur ou biogaz) et de gros producteurs de déchets organiques (boues d’épuration par exemple). La réussite des projets collectifs sont étroitement liées à l'implication :

- du monde agricole, qui détient des substrats à méthaniser en quantité abondante et un débouché pour les digestats ;

- d'un gros consommateur de chaleur, telle qu'une collectivité au travers d'un réseau de chaleur (également susceptible d'apporter des déchets), qu'une une industrie …

La première installation collective de la région (CAPIK) résulte d'une association entre un professionnel du déchet (IKOS) et une coopérative (CAPSEINE), qui garantit la fourniture de déchets agro-industriels et le retour au sol du digestat.

Les unités à la ferme

Sur la base du modèle économique actuel on imagine mal le développement d’unités de méthanisation purement agricoles en Haute-Normandie : les 2 installations en fonctionnement et celles en projet souhaitent développer un service de traitement de déchets extérieurs. On constate cependant que les exploitants ont certaines difficultés à obtenir les recettes escomptées sur ce poste. La « pression » sur les déchets extérieurs est présente à l'échelle régionale, alors que 4 installations seulement les convoitent. Le durcissement attendu de la réglementation sur les gros producteurs de biodéchets (jusqu’en 2016) entraînera probablement l'augmentation des flux mobilisés. Certains exploitants compensent la « rareté » des ressources extérieures par la digestion de cultures intermédiaires (CIVE6). Dans l’urgence, ces cultures permettent de garantir une production minimal de biogaz, et donc d’électricité. Par ailleurs, cette source, actuellement intégrée à certains plans d’approvisionnement, est de nature à rassurer les financeurs puisqu'elle est produite sur l'exploitation agricole. Les exploitants agricoles éprouvent néanmoins une difficulté à valoriser efficacement la chaleur : il convient donc d'examiner avec attention l'opportunité de développer des installations de méthanisation dans les élevages porcins, qui absorbent une forte quantité d'énergie calorifique dans les ateliers naisseurs / engraisseurs.

6 CIVE : culture intermédiaire à vocation énergétique

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ADEME

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établissement public sous la triple tutelle du

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durable, des Transports et du Logement, du

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des Finances et de l'Industrie. Elle participe

à la mise en œuvre des politiques publiques

dans les domaines de l'environnement, de

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Afin de leur permettre de progresser dans

leur démarche environnementale, l'agence

met à disposition des entreprises, des

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de conseil. Elle aide en outre au

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suivants : la gestion des déchets, la

préservation des sols, l'efficacité

énergétique et les énergies renouvelables,

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