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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2010 - N°424 // 41

IMMUNOLOGIE : ACTUALITÉS 2010

Biologie des récepteurs de l’immunité innée : applications cliniques et thérapeutiques

a Laboratoire d’immunologie et d’allergologieCentre hospitalier universitaire d’Angers – Hôpital Larrey4, rue Larrey49033 Angers cedex 09 b Université d'Angers – Inserm U892 – Angers c Université d’Angers – UMR_S 892 – Angers

* [email protected]

article reçu le 21 avril, accepté le 18 mai 2010

© 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

La reconnaissance des microorganismes par le système immunitaire inné implique une famille de récepteurs (pattern recognition receptor ou PRR). Les PRR ont une spécificité génétiquement déterminée et ont pour prin-cipale fonction de discriminer le soi du non-soi via la reconnaissance de motifs moléculaires exprimés sélectivement par les microorganismes. Les PRR sont également capables de discriminer le soi du soi modifié, souli-gnant leur rôle dans la détection des signaux de danger pour le système immunitaire, qu’ils soient d’origine endogène (cellules mortes) ou d’origine exogène (microbes). Les PRRs ont été classés en trois familles constituées par les récepteurs associés aux cellules, impliqués dans la reconnaissance du soi modifié ou du non soi ou dans l’activation des cellules immunes et les récepteurs solubles. Les PRR jouent un rôle crucial dans l’initiation des réponses immunitaires adaptatives, généralement protectrices. Le concept actuel est que le type de PRR recruté par un pathogène donné va conditionner, du moins en partie, la nature de la réponse immunitaire générée qui sera adaptée à la nature du microbe rencontré. À l’excep-tion de certaines molécules, les PRR n’ont pas encore trouvé une place importante dans l’arsenal des marqueurs utilisés dans le suivi clinique des patients, que ce soit au cours des affections aiguës ou chroniques. Ce constat peut résulter du fait que l’étude du système immunitaire inné constitue une « science » encore jeune, dont le corollaire est l’absence de sondes spécifiques validées et calibrées, ainsi qu’à la biologie des récepteurs de l’immunité innée eux-mêmes, leur redondance pouvant masquer des anomalies de certains PRR. De nombreuses études sont donc encore nécessaires pour élucider la biologie des PRR, leurs rôles dans l’initiation des réponses immunitaires adaptatives et leur implication dans des pathologies humaines.

Immunité innée – récepteurs de l’immunité innée – marqueurs diagnostiques – immunothérapie.

SUMMARYBiology of innate immune receptors : clinical and

diagnostic applications

The recognition of microbes by the innate immune system is mediated by a family of receptors called pattern recognition receptor (PRR). The specificity of PRR is genetically determined and their main function is to discriminate self from non self via the recogni-tion of motifs expressed by microbes. PRR can also discriminate self from modified self, underlining the role played by PRR in the detection of endogenous (dying cells) and exogenous (microbes) danger signals. PRRs are classified in three families : cell-associated (involved in the internalization or cell activation) and soluble receptors, also called opsonins. PRR play a pivotal in the initiation of protective adaptive immune responses. The actual concept is that the type of PRR recruited will determine, at least in part, the nature of the immune reponse generated, adapted to the motif encountered. Except some PRR, such as the soluble PRR belonging to the pentraxin family, PRR are not used as markers in clinical and diagnostic studies. This may result from the redundancy of PRR that may mask the absence of inefficacy of one PRR that can be compensated by another one. Additional studies are thus required to understand the biology of the PRR and their potential use as clinical and/or biological markers in human diseases.

Innate immunity – PRR – diagnosis – immunitaire therapy.

Pascale Jeannina,b,c,*, Sébastien Jaillonb,c , Yves Delnestea,b,c

1. Introduction

Le système immunitaire est organisé autour de deux com-posantes : l’immunité innée et l’immunité adaptative. Le système immunitaire inné constitue la première ligne de défense contre les microorganismes. Ce système est très ancien en termes d’évolution et les molécules impliquées sont particulièrement bien conservées entre les espèces. Ainsi, certaines familles de molécules de l’immunité innée telles que les défensines (peptides antimicrobiens) sont retrouvées aussi bien chez les plantes que chez les mam-mifères. Chez les vertébrés, ce système est complété par l’immunité adaptative ou acquise, plus récente en termes d’évolution. L’immunité adaptative, qui découle des méca-

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nismes initiés par le système immunitaire inné, permet la génération des réponses spécifiques d’antigènes, comme par exemple la génération des anticorps. Elle constitue le support de la mémoire immunologique et utilise des récepteurs spécifiques d’une très grande variabilité codés par réarrangements géniques.Les organismes sont en permanence exposés à des microorganismes et doivent ainsi reconnaître les patho-gènes efficacement et rapidement. La reconnaissance des pathogènes par le système immunitaire inné implique une famille de récepteurs communément appelés « pattern reco-gnition receptor » (PRR) [1]. Ces récepteurs reconnaissent des motifs conservés parmi les familles de microorganis-mes, tel que le lipopolysaccharide (LPS) et leur expression, constitutive dans la majorité des cas, n’est pas sujette à des réorganisations géniques. Les cellules impliquées dans la réponse immunitaire innée sont essentiellement les épithéliums (première barrière du système immunitaire inné contre les microorganismes) et les globules blancs (polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et basophiles ; les monocytes ; les macrophages ; les cellules dendritiques et les cellules « natural killer » [NK]), à l’exception notable des lymphocytes T et des lymphocytes B.Le système immunitaire inné a connu un net regain d’inté-rêt ces dernières années grâce à la découverte des bases moléculaires de reconnaissance des microbes, de l’identi-fication de nouvelles fonctions des cellules de l’immunité innée et leur rôle dans l’initiation des réponses immunitaires adaptatives. Dans cette revue, nous nous focaliserons sur les récepteurs de l’immunité innée.La reconnaissance des pathogènes par les cellules immu-nitaires innées fait intervenir les PRRs. Ces récepteurs ont une spécificité génétiquement déterminée, et ont pour prin-cipale fonction de discriminer le soi du non-soi via la recon-naissance de motifs moléculaires exprimés sélectivement par les microorganismes. Ces motifs microbiens, appelés « pathogen-associated molecular pattern » ou PAMPs, sont des structures hautement conservées durant l’évolution et ne sont pas exprimées par les cellules de l’hôte.Il est important de noter que les PRR sont également impli-qués dans la reconnaissance du soi modifié (lipoprotéines de faible densité oxydées (OxLDL), cellules apoptotiques) soulignant le rôle des PRR dans la détection des agents représentant des signaux de danger pour le système immu-nitaire, qu’ils soient d’origine endogène (cellules mortes) ou d’origine exogène (microbes).Les PRRs ont été classés en trois familles constituées par les récepteurs associés aux cellules et les récepteurs solubles.

2. Récepteurs de l’immunité

innée associés aux cellules

Les récepteurs associés aux cellules sont divisés en deux familles sur la base de leurs fonctions : les récepteurs d’endocytose et les récepteurs de signalisation.

2.1. Les récepteurs d’endocytoseCes récepteurs membranaires sont spécialisés dans la reconnaissance et l’internalisation des microorganismes.

Ce groupe est composé principalement des récepteurs d’épuration et des récepteurs lectiniques de type-C.

2.1.1. Les récepteurs d’épurationLes récepteurs d’épuration ou « scavenger receptors » (SR) sont des glycoprotéines de surface exprimées principale-ment par les cellules endothéliales, les macrophages et les cellules dendritiques. Leur fonction principale est de fixer et d’internaliser les Ox-LDL mais pas les LDL natives [2]. Exprimés par les macrophages, ils sont impliqués dans la formation de cellules riches en lipides (« foam cells »), constituants majeurs de la plaque d’athérome. Comme la majorité des PRR, les SRs reconnaissent également d’autres ligands du soi-modifié, tels que les cellules apoptotiques et des composants de la matrice extracellulaire (ex : col-lagène) ainsi qu’une grande diversité de microorganismes. La reconnaissance d’un ligand est suivie de son internali-sation et/ou de sa destruction. Sur la base de leur structure moléculaire, les SRs sont classés en huit classes (classe A à H), brièvement décrites ci-dessous (revue [2, 3]).

2.2.1.1. Classe A

Les « scavenger receptors » de classe A comprennent cinq membres : MARCO (récepteur des macrophages avec un domaine collagène), SRCL (« scavenger receptor » avec un domaine lectininique de type-C), class A scavenger receptor (SR-AI), SR-AII et SR-AIII. SR-AI, SR-AII et SR-AIII sont générées suite à l’épissage alternatif d’un même ARN messager (ARNm). À l’exception de SR-AIII qui reste séquestré dans le réticulum endoplasmique, SR-AI et SR-AII fixent les Ox-LDL, le LPS et les bactéries Gram positif (Streptococcus agalactiae, Staphylococcus aureus) et Gram négatif (Escherichia coli) [4]. MARCO présente une structure proche de SR-A avec un domaine collagène plus important et se trouve exprimée par les macrophages et les cellules dendritiques. Ce récepteur fixe les Ox-LDL et les bactéries Gram positif (e.g. Staphylococcus aureus) et Gram négatif (e.g. Neisseria meningitidis). SRCL est exprimée dans un large panel de tissus (e.g. poumons, cœur, côlon) et fixe les Ox-LDL modifiées et les bactéries Gram positif (e.g. Staphylococcus aureus) et Gram négatif (e.g. Escherichia coli) [4].

2.2.2.2. Classe B

Cette classe contient les gènes codant CD36 et SR-B. Le gène SR-B subit un épissage alternatif pour donner les protéines SR-BI (CLA-1) et SR-BII. Les SRs de classe B sont des glycoprotéines de type III (plusieurs domaines transmembranaires) avec une topologie caractéristique en « épingle à cheveux » où les extrémités carboxy- et amino-terminales sont localisées dans la cellule. CD36 est exprimée par les monocytes, les macrophages, les cellules endothéliales et les plaquettes. SR-B est exprimée par les macrophages, les cellules dendritiques, les adipocytes et les hépatocytes. Les SR de classe B peuvent reconnaître les Ox-LDL, le collagène et les cellules apoptotiques [5]. De plus, CD36 reconnaît les érythrocytes infectés par Plas-modium falciparum (pathogène responsable du paludisme) [6] et SR-BI reconnaît le virus de l’hépatite C associé à des lipoprotéines.

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IMMUNOLOGIE : ACTUALITÉS 2010

2.2.2.3. Classe C

La classe C contient uniquement un gène (dSR-CI) exprimé chez la mouche Drosophila melanogaster, sans équivalent connu chez les autres eucaryotes.

2.2.2.4. Classe D

La classe D contient les molécules CD68 (appelée micro-sialine chez la souris) et les glycoprotéines de membrane lysosomale (LAMP pour « lysosome-associated membrane protein ») 1, 2 et 3. CD68 est exprimée par les macropha-ges, les cellules dendritiques, les cellules de Langerhans et les ostéoclastes [7]. LAMP-1 et LAMP-2 sont exprimées par un grand nombre de cellules alors que LAMP-3 est exprimée uniquement par les cellules dendritiques matures. CD68 fixe les Ox-LDL et les ligands des molécules LAMP restent à déterminer.

2.2.2.5. Classe E

Un seul gène représente cette classe dont le produit se nomme « lectin-like oxidized LDL receptor-1 » (LOX-1) [8]. Ce récepteur fait également partie de la famille des lectines de type-C et se trouve localisé dans un cluster de gènes contenant d’autres membres de cette famille (e.g. Dectin-1, CLEC-1). LOX-1 est exprimée par les cel-lules endothéliales, les monocytes, les macrophages, les cellules dendritiques et les cellules des muscles lisses. LOX-1 fixe les Ox-LDL, les bactéries Gram positif (e.g. Staphylococcus aureus) et négatif (e.g. Escherichia coli) et les cellules apoptotiques [8].

2.2.2.6. Classe F

Cette classe contient deux gènes codant pour les récep-teurs appelés « scavenger receptor expressed by endo-thelial cells » (SREC)-I et SREC-II. La molécule SREC-I est exprimée par les cellules endothéliales, les monocytes et les macrophages et présente une distribution tissulaire similaire à SREC-II (e.g. cœur, placenta, poumons, reins, rate) [9]. Seule SREC-I reconnaît les Ox-LDL. De plus, SREC-I et SREC-II contiennent, au niveau de leur domaine cytoplasmique, plusieurs sites de phosphorylation poten-tiels qui pourraient être impliqués dans une signalisation cellulaire après fixation d’un ligand [9].

2.2.2.7. Classe G

Cette classe contient un seul membre appelé « scaven-ger receptor that binds phosphatidylserine and oxidized lipoprotein » (SR-PSOX). SR-PSOX fixe les Ox-LDL et les bactéries Gram positif et négatif. SR-PSOX est exprimée par les macrophages, les cellules dendritiques, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses [10].

2.2.2.8. Classe H

La classe H contient deux membres identiques à 39 se nommant « fasciclin, epithelial growth factor (EGF)-like, lami-nin-type EGF-like and Link domain-containing scavenger receptor-1 » (FEEL-1) et FEEL-2. Ce sont des glycoprotéines qui fixent les bactéries Gram positif et négatif. De plus, FEEL-1 et FEEL-2 reconnaissent les protéines glycosylées nommées « advanced glycation end-products » (AGE) qui s’accumulent dans les vaisseaux. FEEL-1 et FEEL-2 sont exprimées dans plusieurs tissus (e.g. rate, moelle osseuse)

mais seul FEEL-1 est exprimée par les monocytes, les macrophages et les cellules endothéliales.L’expression des SR peut-être régulée par différents fac-teurs environnementaux, essentiellement des cytokines et des composants microbiens.

2.1.2. Les récepteurs aux lectines de type-CLes récepteurs aux lectines de type-C (C-type lectin recep-tors ou CLR) constituent une famille de protéines exclusi-vement retrouvées chez les métazoaires. Le terme lectines de type-C désigne toute protéine qui reconnaît des carbo-hydrates de manière dépendante du calcium. Cependant, cette définition est mal adaptée puisque certains membres de cette famille, dont l’appartenance est basée sur des homologies de structure, fixent leurs ligands indépendam-ment du calcium (ex : Dectin-1). En plus de leur capacité d’endocytose, ces PRRs possèdent des propriétés de signalisation. Les CLR sont représentées par des protéi-nes associées aux cellules, participant à l’endocytose des microorganismes et à la signalisation intracellulaire, et par des protéines solubles (ex : les collectines) impliquées dans l’opsonisation des microorganismes [11]. Cette section présente les principaux CLRs associés aux cellules.

2.1.2.1. DC-SIGN/CD209

Le récepteur DC-SIGN/CD209 (dendritic cell-specific ICAM-3-grabbing nonintegrin) est exprimé par les cellules dendri-tiques et les macrophages alvéolaires et placentaires. Ce récepteur reconnaît un grand nombre de pathogènes tels que Mycobacterium tuberculosis, Helicobacter pylori, Leish-mania mexicana, Schistosoma mansoni, Candida albicans, Klebsiella pneumoniae et le virus de l’immunodéficience humaine (HIV) [12]. Le rôle de DC-SIGN dans la défense contre certaines infections virales reste controversé. En effet, lors d’une infection par HIV ou par le virus de l’hépa-tite C, DC-SIGN serait une voie de protection du virus et d’infection « en trans » des cellules voisines (e.g lympho-cytes T, hépatocytes). Cependant, des travaux récents montrent que DC-SIGN induit une internalisation de HIV permettant la destruction de la majeure partie des virions et la présentation de peptides viraux associés au CMH-I. Il est ainsi probable que l’ensemble des virions n’est pas détruit et qu’une petite partie induit une trans-infection des lymphocytes T. L’interaction du virus HIV avec DC-SIGN induit la production de chimiokines attirant les lymphocytes T CD4+ qui sont les principales cibles du virus mais HIV inhibe la capacité des cellules dendritiques à induire l’ac-tivation des lymphocytes T. La reconnaissance de HIV par DC-SIGN génèrerait un environnement favorable au virus en inhibant la maturation de la cellule dendritique et en permettant la propagation du virus dans les lymphocytes T. DC-SIGN interagit avec Mycobacterium tuberculosis par la reconnaissance de lipoarabinomannane mannosylé (ManLAM), constituant majeur de la paroi du pathogène. Le ManLAM est également sécrété par les macrophages infectés par Mycobacterium tuberculosis et induit une importante sécrétion de la cytokine immunosuppressive interleukine 10 (IL-10). Comme observé avec HIV, M. tuber-culosis empreinte la voie DC-SIGN pour inhiber le système immunitaire et permettre sa prolifération.

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2.1.2.2. Récepteur au mannose

Le récepteur au mannose est exprimé par les macro-phages, les cellules dendritiques et les cellules endothéliales hépatiques et lymphatiques [13]. Ce récepteur reconnaît plusieurs pathogènes tels que HIV, Candida albicans, Pneumocystis carinii et Mycabacterium tuberculosis. Les données concernant le rôle de cette molécule dans la présentation des antigènes par les molécules du CMH-II sont contradictoires. En effet, la capacité du récepteur au mannose à induire l’endocytose du ManLAM, qui sera ensuite présenté aux lymphocytes T en association avec la molécule CD1b pour induire une immunité protectrice, est contrebalancée par la capacité du ManLAM à bloquer la formation du phagolysosome, permettant ainsi la survie de M. tuberculosis dans le macrophage. Le rôle in vivo du récepteur au mannose dans la défense contre les patho-gènes est controversé. En effet, de manière surprenante, les souris déficientes pour le gène codant le récepteur au mannose ne sont pas plus sensibles que les souris sau-vages à une infection par Candida albicans ou Pneumocystis carinii. En revanche, ces souris ont un taux plasmatique élevé d’hydrolases lysosomales, confirmant le rôle de ce récepteur dans l’élimination d’antigènes du non-soi.

2.1.2.3. Dectin-1

Dectin-1, glycoprotéine exprimée par les macrophages, les cellules dendritiques et les neutrophiles, reconnaît les glucanes présents dans la paroi des champignons et des levures [14]. Dectin-1 interagit avec Aspergillus fumiga-tus, Candida albicans et Pneumocystis carinii. Les souris déficientes pour le gène codant Dectin-1 présentent une sensibilité accrue aux infections fongiques, comparative-ment aux souris sauvages. Dectin-1 induit la sécrétion du tumor necrosis factor α (TNFα par les macrophages en réponse à des stimulations fongiques. Dectin-1 est éga-lement impliquée dans la génération des lymphocytes T

pro-inflammatoires (Th17) via l’induction de cytokines pro-inflammatoires interleukine (IL) 6, TNFα�et IL-23.

2.2. Les récepteurs de signalisation2.2.1. Les molécules « toll-like receptors »Les molécules « toll-like receptors » (TLR) [15] sont des récepteurs très conservés durant l’évolution, des homolo-gues étant retrouvés chez les insectes et les vertébrés. Le premier membre de la famille, nommé toll, a été identifié chez Drosophila melanogaster et intervient dans la mise en place de l’axe dorso-ventral durant le développement embryonnaire et dans la protection antimicrobienne. À ce jour, 13 molécules TLRs sont retrouvées chez les mam-mifères : 10 chez l’homme (TLR1-10) et 12 chez la souris (TLR1-9 et TLR11-13). Les molécules TLRs sont des pro-téines transmembranaires caractérisées par un domaine riche en leucine (« leucine-rich region » ou LRR) couplé à un domaine proche de celui du récepteur à l’IL-1, nommé TIR (« toll/IL-1 receptor »). Le domaine LRR est impliqué dans la reconnaissance des PAMPs (bactéries, parasites, champignons, virus). À ce jour, un ligand a été identifié pour la plupart des TLRs humains (tableau I).Les molécules TLRs sont exprimées par de nombreux types cellulaires. Leur distribution subcellulaire est associée à la nature des ligands qu’elles reconnaissent. Les molé-cules TLR1, 2, 4, 5 et 6, qui reconnaissent des composés microbiens, sont exprimées à la surface des cellules alors que les molécules TLR3, 7, 8 et 9, qui reconnaissent des acides nucléiques, sont localisées dans les endosomes/lysosomes. Après la reconnaissance d’un ligand, deux molécules TLR s’homodimérisent ou s’hétérodimérisent afin d’initier une cascade de signalisation aboutissant à l’induction d’une réponse pro-inflammatoire. Deux voies de signalisation sont initiées par les TLRs. La première aboutit à l’activation du facteur de transcription NF-κB impliqué dans la production des cytokines pro-inflammatoires et la deuxième conduit à la sécrétion des interférons de type I impliqués dans la protection antivirale.Les molécules TLR sont impliquées dans de nombreux processus d’activation des cellules du système immuni-taire inné tels que (i) l’activation des cellules dendritiques (augmentation de l’expression des molécules de costi-mulation, production de cytokines pro-inflammatoires), (ii) l’activation des cellules NK, notamment par TLR2 et TLR5 (production de défensines et de cytokines pro-inflammatoires (IL-6) et immunostimulatrices (interféron γ ou IFNγ)), (iii) l’activation des polynucléaires. Les molécules TLRs sont également exprimées par les cellules épithé-liales et leur activation induit la production de cytokines pro-inflammatoires. Cependant, les cellules épithéliales seraient hyporéactives aux stimulations par les ligands des TLRs afin de maintenir l’homéostasie tissulaire dans les épithéliums en contact permanent avec des microbes (tractus digestif, génital ou respiratoire).

2.2.2. Les récepteurs intracellulaires hors TLRsLe système TLR n’étant pas utilisé pour la détection de pathogènes ayant envahi le cytosol, d’autres familles de récepteurs, tels que les molécules « NOD-like receptor » (NLR) et « RNA helicase » (RLR) permettent une reconnais-sance cytosolique des composés bactériens et viraux,

Tableau I – Agonistes des molécules TLR humaines.

TLR PAMPs

TLR1/TLR2 Triacyl lipopeptides (bactéries, mycobactéries)

TLR2

Lipoprotéines

Acide lipotéichoïque (bactéries Gram positif)

Lipoarabinomannan (mycobactérie)

OmpA (bactéries Gram négatif)

Porine (bactéries Gram négatif)

TLR3 ARN double brin (virus)

TLR4

LPS (bactéries Gram négatif)

Protéines virales (virus respiratoire syncytial)

phosphatidylinositol mannosides (mycobactéries)

TLR5 Flagelline (bactéries à flagelle)

TLR6/TLR2 Diacyl lipopeptides (mycoplasme)

TLR7 ARN simple brin (virus)

TLR8 ARN simple brin (virus)

TLR9 ADN hypométhylé (bactéries)

TLR10 Ligand non-connu

Abréviations : OmpA, outer membrane protein A ; LPS, lipopolysaccharide.

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respectivement [16]. Les protéines de la famille des NLRs, représentée par les molécules NOD1 et NOD2, sont syn-thétisées sous une forme inactive et la fixation d’un ligand induit l’oligomérisation du récepteur et donc la signalisa-tion. NOD1 et NOD2 reconnaissent respectivement l’acide γ-D-glutamyl-meso-diaminopimelique (DAP) et le muramyl dipeptide, constituants du peptidoglycane bactérien. La reconnaissance d’un ligand par NOD1 et NOD2 induit l’activation de NF-κB et donc la production de cytokines pro-inflammatoires ainsi que l’expression de peptides antibactériens, tel que la cryptidine.La détection des virus indépendante des molécules TLR est médiée par les RLR qui reconnaissent les ARNs viraux synthétisés dans le cytoplasme des cellules infectées. Les protéines « retinoic acid-inducible gene I » (RIG-I) et « melanoma-differentiation-associated gene-5 » (MDA5) sont des molécules cytosoliques. Les souris déficientes pour les gènes RIG-I et MDA5 présentent une importante sensibilité aux infections virales. La signalisation via RIG-I et MDA5 aboutit à l’activation des facteurs de transcription impliqués dans la production des interférons de type I et des cytokines pro-inflammatoires.

3. Récepteurs solubles

de l’immunité innée

Aux récepteurs associés aux cellules s’ajoutent les com-posants de l’immunité humorale ou PRRs solubles, tels que les collectines, les ficolines et les pentraxines. Cette famille est constituée de molécules hétérogènes, pré-sentées comme étant les ancêtres des anticorps. Ces molécules participent à l’opsonisation des microorganis-mes, à l’activation du complément, à la reconnaissance et l’élimination des cellules apoptotiques, et modulent la réponse inflammatoire.

3.1. Les collectines et les ficolinesLes collectines appartiennent à la famille des lectines de type-C et sont constituées de neuf membres : « mannose binding lectin » (MBL), conglutinine, « surfactant protein » (SP)-A, SP-D, les collectines (CL) CL-P1, CL-L1 et CL-K1. Les collectines CL-43 et CL-46 ne sont exprimées que chez les bovidés [17].MBL est une protéine sérique produite par le foie et l’in-testin grêle. SP-A et SP-D sont principalement produites par les épithéliums pulmonaires et sont donc retrouvées au niveau des alvéoles pulmonaires. SP-A est également produite par la muqueuse intestinale, le thymus ou encore la prostate et se retrouve dans le liquide séminal et les muqueuses. CL-L1 et CL-K1 ont une expression ubiquitaire, à l’exception des muscles squelettiques. CL-P1 est une collectine particulière car elle est exprimée à la membrane des cellules endothéliales ; elle a également été qualifiée de SR puisqu’elle reconnaît les Ox-LDL.La famille des ficolines est composée de trois membres : la H-ficoline (également connue sous le nom d’antigène Hakata), la L-ficoline et la M-ficoline. À l’exception de la M-ficoline qui n’est pas retrouvée dans le sérum, H-ficoline et L-ficoline sont des protéines sériques (3 à 4 μg/mL). Cependant, le fait que la M-ficoline soit détectée dans les

granules de sécrétion des neutrophiles suggère que cette protéine pourrait également être sécrétée. H-ficoline est produite par le foie et les épithéliums bronchiques, L-fico-line est produite par le foie et la M-ficoline est produite par l’utérus, les monocytes, les neutrophiles et les cellules épithéliales alvéolaires.Les collectines et les ficolines possèdent une structure de base particulière constituée de sous-unités composées par trois chaînes polypeptidiques identiques (homotrimère). Chaque polypeptide de collectines contient notamment une région similaire au collagène et le domaine de recon-naissance des carbohydrates est localisé à l’extrémité apicale. Le polypeptide des ficolines possède une organi-sation similaire à l’exception d’un domaine fibrinogène à la place du domaine carbohydrate. Le nombre de sous-uni-tés trimériques diffère entre les collectines (SP-D contient 4 trimères alors que SP-A et MBL contiennent 6 trimères) et les ficolines (L-ficoline contient 4 trimères alors que la H-ficoline contient 3 trimères). Ces molécules recon-naissent différents sucres, tels que mannose, glucose, L-fucose, N-acetyl-mannosamine et N-acétyl-glucosa-mine. Le calcium est indispensable à la reconnaissance des carbohydrates par les collectines alors qu’il n’est pas nécessaire pour les ficolines. Les collectines et les ficolines reconnaissent un grand nombre de pathogènes (e.g. virus, bactéries, champignons). MBL et SP-A reconnaissent par exemple Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumo-niae, Escherichia coli, Aspergillus fumigatus alors que la L-ficoline reconnaît Salmonella typhimurium.

3.2. Les pentraxinesLes pentraxines forment une famille de protéines très conservées durant l’évolution et sont ainsi retrouvées chez les mammifères, les arthropodes, les amphibiens, les oiseaux et les vertébrés inférieurs. Sur la base de leur structure primaire, les pentraxines ont été divisées en pen-traxines courtes et en pentraxines longues. Les protéines de la phase aiguë de l’inflammation « C-reactive protein » (CRP) et « serum amyloid P » (SAP) constituent les pen-traxines courtes alors que la pentraxine 3 (PTX3) fait partie des pentraxines longues. CRP a été, durant les années 30, le premier membre de la famille des PRRs découvert dans le sérum de patient en réponse à une infection [18]. Les pentraxines fixent de nombreux ligands du soi et du non soi (tableau II).

3.2.1. Les pentraxines courtesLes pentraxines courtes CRP (PTX1) et SAP (PTX2) pos-sèdent 51 % d’identité de séquence en acides aminés et proviennent de la duplication d’un gène ancestral. Au niveau structural, CRP est composée de cinq monomères formant ainsi un pentamère qui a donné le nom de pentraxine à cette famille. CRP est produit par les hépatocytes en réponse à l’IL-6 et son expression est potentialisée par l’IL-1β.CRP a été mise en évidence et caractérisée sous la forme d’une fraction protéique capable de se lier à la phosphoryl-choline, composant majeur de la fraction C de la capsule du pneumocoque, d’où sa dénomination de C-reactive protein. CRP et SAP se fixent à de nombreux ligands (tableau II). CRP engage des liaisons dépendantes du calcium avec les groupements phosphocholines des mem-

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branes bactériennes. La phosphocholine a également été rapportée sur les bactéries Gram positif (e.g. Clostridium spp, Lactococcus spp, et Bacillus spp) et Gram négatif (Haemophilus influenza, Neisseria meningitides et Neisse-ria gonorrhoeae). CRP reconnaît également Haemophilus influenzae via le motif phosphocholine du LPS et permet l’élimination du pathogène dans le sérum par l’activation du complément. CRP fixe également des champignons (e.g. Aspergillus fumigatus) et des levures. SAP reconnaît plusieurs microorganismes Gram négatif tels que Neisseria meningitidis, Klebsiella rhinoscleromatis ou Gram positif tels que Streptococcus pyogens mais ne reconnaît pas Sta-phylococcus aureus ou Escherichia coli. Le virus influenza et le LPS sont également des ligands de SAP. SAP inhibe ainsi la fixation du LPS aux monocytes et l’activation des neutrophiles par le LPS.

CRP et SAP sont impliquées dans l’opsonisation des microbes avec pour conséquences une augmentation de leur phagocytose, une destruction par l’activation du complément et la potentialisation de l’activation des leu-cocytes (augmentation de la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires). Leur rôle protecteur contre les pathogènes a été largement démontré dans différents modèles murins. Par exemple, un traitement par CRP, mais pas par SAP, augmente la survie des souris infectées par Streptococcus pneumoniae et les souris sur-exprimant CRP sont résis-tantes à une infection par Salmonella enterica.Comme la plupart des PRR, CRP et SAP reconnaissent également des motifs du soi modifié, tels que les cellules apoptotiques, les histones et certaines protéines de la matrice extracellulaire (e.g. fibronectine, laminine).

3.2.2. Pentraxine 3PTX3 est exprimée par un grand nombre de types cellu-laires (e.g. fibroblastes, cellules endothéliales, monocytes, macrophages, cellules dendritiques myéloïdes, cellules musculaires lisses, cellules épithéliales rénales et alvéolai-res, neutrophiles), à l’exception notable des hépatocytes [19]. PTX3 est induite par à un stimulus pro-inflammatoire (microorganismes et composants microbiens, cytokines), mais pas par l’IL-6. Plusieurs travaux ont montré l’interac-tion de PTX3 avec des pathogènes : bactéries, champi-gnons ou virus. PTX3 reconnaît des bactéries Gram positif (e.g. Streptococcus pneumoniae) et des bactéries Gram négatif (e.g. Pseudomonas aeruginosa, Salmonella typhi-murium, Klebsiellia pneumoniae, Neisseria meningitidis) [20]. De plus, PTX3 reconnaît le champignon Paracocci-dioides brasilisensis et les spores d’Aspergillus fumigatus. À l’inverse, PTX3 ne reconnaît pas Candida albicans et Burkholderia cepacia. La reconnaissance des conidies par PTX3 est inhibée par le galactomannan (constituant de la paroi de spores), suggérant une interaction directe entre PTX3 et le galactomannan qui n’a cependant jamais était directement démontrée. Cette molécule possède des propriétés d’opsonisation de microorganismes tels que Aspergillus fumigatus ou Pseudomonas aeruginosa. Les souris surexprimant PTX3 ou déficientes pour le gène codant ce PRR ont permis de démontrer le rôle primordial que joue PTX3 dans la défense contre ces pathogènes et dans la régulation de l’inflammation. Une étude récente a montré la fixation de PTX3 aux cytomégalovirus murin et humain ainsi qu’au virus influenza H3N2 mais pas à H1N1, ce qui permet de limiter l’internalisation du virus et la réplication virale.PTX3, comme CRP et SAP, reconnaît C1q et permet l’ac-tivation de la voie classique du complément.PTX3 reconnaît également les cellules en apoptose tar-dive ; cependant, à la différence des pentraxines courtes SAP et CRP, PTX3 inhibe leur reconnaissance par les phagocytes.Les PRR solubles, encore appelés opsonines, permettent donc une agrégation de pathogènes, augmentent leur pha-gocytose de manière directe ou indirecte (via l’activation du complément), modulent la réponse inflammatoire et interviennent dans l’élimination des cellules apoptotiques en facilitant leur élimination et en permettant ainsi la réso-lution de l’inflammation.

Tableau II – Principaux ligands décrits

des pentraxines.

CRP SAP PTX3

Composants du complément

C1q + + +

Facteur H + +

«C4b-binding protein» + -

Matrice extracellulaire

TSG-6 +

«Inter-α-trypsin inhibitor» - +

Hyluronane -

Laminine + + -

Collagène IV + -

Fibronectine + + -

Facteurs de croissance

FGF2 +/- +

FGF1 -

FGF4 -

MolPProtéines membranaires

Phosphocholine + - -

Phosphoethanolamine - + -

LPS - + -

Pathogènes

Aspergillus fumigatus + +

Pseudomonas aeruginosa

Salmonella typhimurium + + +

Paracoccidioides brasiliensis +

Virus - + +

Autres ligands

Cellules apoptotiques + + +

Histones + + +

Héparine - + -

Abréviations : TSG, TNF-stimulated gene, FGF, fibroblast growth factors; LPS, lipopolysaccharide.

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IMMUNOLOGIE : ACTUALITÉS 2010

4. Rôles des PRR dans l’immunité

4.1. Rôle des PRR dans la production de médiateurs immunologiques par les cellules immunocompétentesLe recrutement des PRR de signalisation par un ligand microbien (PAMP) induit l’activation de nombreux types cellulaires, tels que les cellules épithéliales, les cellules endothéliales, les fibroblastes, etc. Les cellules immuni-taires, telles que les monocytes, macrophages, cellules dendritiques, polynucléaires, sont également très sensi-bles à une activation par les PAMPs. L’activation se traduit par la production de médiateurs bactéricides (dérivés de l’oxygène, peptides antimicrobiens) et de cytokines pro-inflammatoires impliquées dans le recrutement et l’activation des cellules circulantes. L’activation efficace des cellules immunitaires représente une étape clef de la réponse de l’organisme contre une infection.Les cellules de l’immunité adaptative (lymphocytes T et B) expriment également les PRR de signalisation. Cepen-dant, alors que les cellules de l’immunité innée peuvent être directement activées par les PAMPs, l’activation des cellules de l’immunité adaptative, qui n’expriment pas de PRR d’endocytose, nécessite un co-signal d’activation [21]. La nécessité d’un co-signal d’activation est également requise dans le cas des cellules NK pour leur conférer la capacité à être activées par les PAMPs. Les mécanismes responsables restent cependant mal connus.

4.2. Rôle des PRR solubles dans l’activation du complémentLes PRR solubles peuvent activer la cascade du complé-ment par la voie des lectines et ainsi participer à l’élimination des microorganismes. MBL et ficolines s’associent à trois protéases à sérine nommées « MBL-associated serine pro-tease » (MASP) [17, 22] capables d’activer le complément. Au contraire, les molécules SP-A et SP-D ne s’associent pas aux MASPs et n’activent donc pas le complément. PTX3 interagit avec le facteur H et favorise donc l’activa-tion de la voie alterne du complément [20].

4.3. Rôle des PRR dans l’initiation des réponses immunitaires adaptativesLes PRR jouent un rôle crucial dans l’initiation des répon-ses immunitaires adaptatives, généralement protectrices. Le concept actuel est que le type de PRR recruté par un pathogène donné va conditionner, du moins en partie, la nature de la réponse immunitaire générée et qui sera adaptée à la nature du microbe rencontré.À l’interface de l’immunité innée et de l’immunité adapta-tive, les cellules présentatrices d’antigène (CPA), principa-lement les cellules dendritiques et les macrophages, sont impliquées dans le transfert de l’information de la réponse innée vers une réponse immunitaire adaptative. Parmi les CPA, les cellules dendritiques jouent un rôle pivot car ce sont les seules CPA capables d’initier une réponse immu-nitaire vis-à-vis d’un antigène rencontré pour la première fois [23]. Les cellules dendritiques immatures, localisées dans les tissus périphériques, sont spécialisées dans la capture des antigènes et expriment donc un large panel de

PRR d’endocytose. Après avoir reçu un signal de matura-tion via les PRR de signalisation, les cellules dendritiques perdent leur capacité à être activées par les PAMPs et migrent vers les organes lymphoïdes secondaires pour initier une réponse immunitaire spécifique par l’activation de lymphocytes T naïfs.En plus de les activer, les cellules dendritiques sont capables de polariser les lymphocytes T naïfs en cellules T effec-trices. La nature de la réponse lymphocytaire T dépend non seulement du type de cellules activées (CD4+ versus CD8+) mais également de la nature des PRR recrutés par les microbes et de l’environnement en cytokines produits par la cellule dendritique. Ainsi, un allergène favorisera une réponse de type Th2 alors qu’un virus favorisera la pro-duction d’interférons de type I, nécessaires pour générer une réponse antivirale.La nature des PRR d’endocytose et de signalisation recrutés par un microbe/PAMP conditionne, du moins en partie, la nature de la réponse immunitaire générée, qui est adaptée au type de microbe rencontré (figure 1).

4.4. Rôle des PRR dans le contrôle de la réponse immunitaire vis-à-vis du soi modifiéComme précisé précédemment, les PRR ont la capacité de reconnaitre le soi-modifié, et en particulier les cellules apoptotiques. Ces cellules mortes, capturées et détruites par les phagocytes, représentent une source d’antigènes du soi. Cependant, l’initiation d’une réponse immunitaire dirigée contre des antigènes du soi peut être à l’origine d’une réponse auto-immune avec des conséquences poten-tiellement délétères. Au contraire d’une réponse imunitaire protectrice qui doit être initiée en réponse aux microbes, la reconnaissance des cellules mortes doit maintenir un état de tolérance vis-à-vis des antigènes du soi. Les PRR

Figure 1 – Les récepteurs de l’immunité innée participent

à l’initiation de la réponse de l’immunité innée.

Les récepteurs de l’immunité innée discriminent le soi du non soi et du soi modifié. La fixation des récepteurs solubles permet la réticulation des agents reconnus et favorise leur reconnaissance par les récepteurs membranaires. Le recrutement des récepteurs de signalisation par les motifs microbiens (non soi) permet l’activation des cellules présentatrices d’antigène, ce qui conduit à l’initiation d’une réponse immunitaire généralement protectrice. Au contraire, la reconnaissance du soi modifié n’induit pas d’activation les récepteurs de signalisation, permettant de maintenir un état de tolérance vis-à-vis des motifs du soi.

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doivent donc adapter très finement la nature de la réponse immunitaire aux motifs qu’elle reconnaît.Ainsi, alors que l’internalisation des microbes induit une réponse inflammatoire, la capture des cellules apoptoti-ques induit une réponse anti-inflammatoire, caractérisée par la production de cytokines immunosuppressives, tel-les que l’IL-10 et le transforming gowth factor β (TGFβ). Ce programme anti-inflammatoire est impliqué dans le maintien de la tolérance vis-à-vis des antigènes du soi [24]. Cependant, la capture de cellules apoptotiques dans un contexte inflammatoire pourrait conduire à l’initiation d’une réponse immunitaire dirigée contre des antigè-nes du soi. Ce processus de capture de cellules mortes dans un contexte inflammatoire est proposé comme un des mécanismes à l’origine de la rupture de tolérance qui peut, ultimement, aboutir à l’initiation d’une maladie auto-immune.

4.5. Coopération entre les PRRL’ensemble des PRRs associés aux cellules participe acti-vement à la reconnaissance des pathogènes, à leur endo-cytose et fournissent aux cellules les signaux nécessaires à l’initiation d’une réponse adaptée aux pathogènes. Ce profil de récepteurs n’est pas figé mais interagit dans le but d’apporter une réponse optimale. De nombreuses études soulignent le rôle des coopérations entre les différents types de PRR dans la reconnaissance et l’activation des microbes par les cellules immuno-compétentes [25, 26]. Il a ainsi été montré que plusieurs SR ou CLR interagissent avec les TLRs. Par exemple, Dectin-1, PRR d’endocytose de la famille des CLR, collabore avec le récepteur de signalisation TLR2 dans la réponse inflammatoire induite par les champignons, cette réponse étant potentialisée par le PRR soluble PTX3.Les PRR solubles jouent également un rôle important dans la reconnaissance et l’élimination des microbes et l’initiation de réponses immunitaires protectrices. À titre d’exemple, SP-A se fixe aux macrophages via le récepteur SP-R210 et l’inhibition de ce récepteur diminue la phagocytose de Mycobacterium bovis opsonisé par SP-A. De la même manière, CR1, qui se trouve exprimé à la membrane des neutrophiles activés, est un récepteur pour MBL et permet la phagocytose de Salmonella montevideo opsonisé par MBL. Ce phénomène de coopération est également reporté entre PTX3 et le bras cellulaire de la réponse immunitaire en réponse à la molécule « outer membrane protein A » (OmpA), constituant majeur de la paroi de Klebsiella pneu-moniae. OmpA est reconnu par les scavenger receptors LOX-1 et SREC-1 et induit une activation cellulaire par la coopération de ces scavenger receptors avec TLR2 [27]. OmpA induit PTX3 par les cellules dendritiques et les monocytes qui, en retour, se fixe à ce composé microbien. Même si la présence de PTX3 n’influence pas la recon-naissance de OmpA par les cellules ni la production de cytokines pro-inflammatoires, l’absence de PTX3 ou de TLR2 altère l’amplitude de la réaction inflammatoire locale induite par OmpA.Collectivement, ces études soulignent le rôle crucial de la coopération entre les différents types de PRR dans l’ini-tiation d’une réponse immunitaire efficace en réponse à des constituants du non-soi.

L’ensemble de ces données souligne le rôle crucial des PRR dans la discrimination du soi, du non-soi et du soi modifié, et de leur implication, à l’interface de l’immunité innée et de l’immunité adaptative, dans le contrôle de la réponse immunitaire générée qui sera adaptée à la nature des motifs reconnus.

5. PRR : applications cliniques

et thérapeutiques

5.1. Applications cliniques5.1.1. PRR et maladies inflammatoiresDepuis la découverte des molécules TLR, de nombreux déficits immunologiques sont expliqués par des bases génétiques touchant soit les molécules TLR, soit les molé-cules de signalisation, situées en aval des molécules TLR. Ainsi, une déficience de la molécule interleukin-1 receptor associated kinase 4 (IRAK4) abolit toute activation via les molécules TLR, à l’exception notable de TLR3. Les patients présentant ces déficiences souffrent principalement d’infections récurrentes causées par les bactéries Gram positif, essentiellement S. pneumoniae et S. aureus [28]. Paradoxalement, ces patients sont résistants aux infections virales, résultant probablement de leur capacité à répon-dre à des ligands de TLR3. De manière surprenante, les patients déficients en IRAK4 deviennent moins susceptibles aux infections avec l’âge. Bien que les raisons de cette amélioration ne soient pas connues, il est suspecté que ce soit le système immunitaire adaptatif qui compense-rait, avec l’âge, les déficits du système inné. Les patients déficients en IRAK4 sont rarement détectés puisqu’ils ne présentent pas d’anomalie de leur bilan et que l’efficacité de leur système immunitaire s’améliore relativement tôt (dès leur entrée à l’école). La fonction des molécules peut être modulée par la présence de mutations ponctuelles (affectant un nucléotide) dans le génome (single nucleotide polymorphisms ou SNP). Ces mutations ponctuelles peu-vent être mutagènes (modification de l’acide aminé codé par le codon) et peuvent entraîner, quoique rarement, une modification de la fonction de la protéine. Ainsi, des muta-tions au niveau de certaines molécules TLR ont pu être associées à une sensibilité à certaines infections. À titre d’exemple, nous pouvons citer les mutations Asp299Gly (remplacement de l’acide aminé Asp par Gly en position 299) et Thr399Ile de la molécule TLR4 associées à un risque accru d’infection par des bactéries Gram négatif. De plus, les enfants présentant un polymorphisme de TLR4 présentent un risque accru de bronchiolite au virus « respiratory syncitial virus » (RSV). De la même manière, la mutation Arg753Gln dans la molécule TLR2 est asso-ciée à une sensibilité accrue à la tuberculose ainsi que la mutation 392STOP de TLR5 est associée à une sensibilité accrue à la maladie du légionnaire, induite par la bactérie flagellé Legionella pneumophila.Au contraire des PRR de signalisation, il n’y a pas, à notre connaissance, de données cliniques concernant les PRR d’endocytose. La capacité des PAMPs à se fixer à diffé-rents PRR (redondance de reconnaissance) explique que la non fonctionnalité d’un PRR d’endocytose peut être totalement compensée par un autre PRR.

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IMMUNOLOGIE : ACTUALITÉS 2010

Une augmentation de la concentration en PRR solubles dans les fluides biologiques est un excellent marqueur d’infection et de maladie inflammatoire chronique. Les protéines de la phase aiguë de l’inflammation, et en particulier CRP, ont longtemps représenté des marqueurs fiables d’infection. Chez un sujet sain, la concentration plasmatique médiane de CRP est de 0,8 mg/L (toujours inférieure à 5 mg/mL) et peut augmenter rapidement de 1 000 à 10 000 fois au cours des lésions tissulaires, qu’elles soient de nature inflam-matoire, infectieuse ou traumatique [29]. Son élévation est modérée dans de nombreuses maladies auto-immunes et est importante, voire massive, dans les infections (prin-cipalement bactériennes), les nécroses tissulaires et de nombreuses maladies inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante, les vascularites et la maladie de Horton.La concentration de PTX3 dans le sang chez un sujet sain est relativement faible (de l’ordre de 2 ng/mL) mais augmente fortement (jusqu’à 1 000 ng/mL) et très rapide-ment (pic détecté entre 5 et 8 heures) lors de conditions inflammatoires (e.g. septicémie, choc septique, infarctus du myocarde) [20]. L’augmentation du niveau de PTX3 observée au cours des infections (e.g. choc septique, tuberculose) corrèle avec la sévérité de la maladie. De plus, une étude récente montre qu’un polymorphisme de PTX3 est associé avec une susceptibilité accrue à une infection par Mycobacterium tuberculosis.Comme décrit précédemment pour les PRR associés aux cellules, des mutations génétiques ont également été décrites pour le récepteur soluble de l’immunité innée MBL. Un déficit en MBL, résultant de mutations ou de polymorphismes, est retrouvé relativement fréquemment dans la population générale (5 à 10 %). Comme pour les mutations décrites pour les PRR associés aux cellules, les déficits en MBL sont associés à une augmentation de la sensibilité et de la sévérité à certaines infections. Cependant, l’impact de ce déficit s’estompe quand le sujet atteint vieillit, résultant probablement d’un relais par le système immunitaire adaptatif.L’expression du SR LOX-1 est augmentée dans le cadre de l’athérosclérose. Une forme soluble de LOX-1 (sLOX-1) peut être générée par clivage de la forme membranaire. Une augmentation de la concentration de sLOX-1 circulante est retrouvée chez les patients souffrant de pathologies inflammatoires chroniques ou d’athérosclérose [30]. Les taux de sLOX-1 sont également augmentés chez les patients présentant des pathologies cardiaques sévères.

5.1.2. PRR et auto-immunitéDifférentes études ont montré que les PRR solubles pou-vaient être la cible d’auto-anticorps. Ainsi, des réponses auto-immunes dirigées contre la protéine CRP ont été décrites chez 30-40 % de patients présentant un lupus érythémateux systémique (LES), 23 % de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde et 54 % de patients présentant un syndrome des anti-phospholipides. Des auto-anti-corps anti-SAP ont également été rapportés chez 44 % de patients présentant un LES et les taux d’auto-anticorps étaient corrélés à l’indice clinique (SLEDAI). Dans une étude récente, nous avons montré l’existence d’auto-anticorps anti-PTX3 chez environ 50 % des patients souffrant de

LES ; ces anticorps anti-PTX3 n’étaient pas détectés chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et chez les sujets sains. Les molécules CRP, SAP et PTX3 présentent une forte homologie dans leur domaine carboxy terminal (Ct). Nous avons montré que les patients atteints de LES ont des auto-anticorps dirigés contre le domaine amino terminal (Nt) de PTX3, absent des protéines CRP et SAP, démontrant que la détection des anticorps anti-PTX3 ne résulte pas d’une réaction croisée des anticorps anti-CRP/anti-SAP avec la molécule PTX3. De plus, la mise en évidence d’anticorps anti-PTX3 en l’absence d’anticorps anti-CRP et anti-SAP conforte l’hypothèse d’une réponse spécifique dirigée contre l’antigène PTX3. Cette observation est en accord avec la mise en évidence de l’expression constitutive de PTX3 par les neutrophiles dont les antigè-nes sont souvent la cible d’auti-anticorps [31].

5.2. Applications thérapeutiquesLes récepteurs de l’immunité innée étant impliqués dans de nombreux processus immunologiques et immunopa-thologiques, ils représentent de nouvelles cibles théra-peutiques potentielles. Dans un souci de synthèse, nous nous limiterons à deux exemples qui illustrent les axes de recherche actuels.La molécule TLR4 joue un rôle essentiel dans l’activa-tion des cellules inflammatoires par le LPS, composant majeur de la paroi des bactéries Gram négatif, et qui est impliqué dans l’initiation du choc septique. Les souris déficientes en TLR4 sont résistantes à un choc septique induit par injection de LPS. Différentes équipes ont donc généré des anticorps anti-TLR4 et les ont sélectionnés sur leur capacité à neutraliser l’interaction du LPS avec la molécule TLR4 membranaire. L’anticorps anti-TLR4 s’est révélé efficace dans des modèles précliniques [32]. Malheureusement, les essais cliniques se sont révélés décevants chez l’homme.Les PRR d’endocytose représentent des portes d’entrée pour la présentation des antigènes aux cellules T et donc pour initier des réponses immunitaires spécifiques d’anti-gène. De plus, l’internalisation des antigènes par certains PRR permet d’induire des réponses cytotoxiques spéci-fiques des antigènes vaccinaux. Ces données ont ouvert de nouvelles perspectives en vaccinologie anti-tumorale et antivirale. Ainsi, le ciblage d’un antigène vaccinal vers certains PRR d’endocytose, tels que les molécules LOX-1 ou DEC-205, induit, en présence d’un adjuvant, l’initiation de réponses cytotoxiques protectrices capables de détruire les cellules tumorales exprimant l’antigène vaccinal couplé à l’anticorps [33]. Au contraire, l’injection du complexe antigène-anticorps anti-PRR en l’absence d’adjuvant et donc de signal de danger pour le système immunitaire, induit une tolérance spécifique d’antigène. Ce processus, encore mal maîtrisé, pourrait, à terme, permettre de pro-poser des stratégies d’induction de tolérance chez des patients receveurs de greffes d’organes.

6. Conclusion

Le système immunitaire inné, qui repose sur des cellules aux fonctions hautement spécialisées, joue un rôle essentiel de sentinelle impliquée dans la détection et la destruction

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des pathogènes et dans le transfert de l’information immu-nologique vers le système immunitaire adaptatif.Si l’immunité adaptative s’appuie sur une mémoire immu-nologique et repose sur une grande variabilité de récepteurs issus de réarrangements géniques, l’immunité innée ne possède pas cette spécificité de mémoire et de diversité de récepteurs. La reconnaissance d’un nombre très élevé et diversifié de motifs moléculaires par un nombre restreint de PRR souligne la redondance des PRR, capables de reconnaître des motifs moléculaires hautement conservés et largement exprimés. Cette plasticité du système de reconnaissance peut expliquer, du moins en partie, les déficits ou les anomalies de fonction des PRR qui n’ont pas de conséquences délétères, à l’exception d’une sen-sibilité accrue vis-à-vis de certains pathogènes durant les premières années de la vie.Une propriété remarquable des PRR est leur capacité à reconnaître des motifs microbiens et du soi modifié, comme les cellules mortes, sans fixer les composants du soi. Cette propriété est d’autant plus surprenante que la reconnaissance de ces motifs doit conduire, dans les deux cas, à l’initiation de réponses immunitaires à l’op-posé l’une de l’autre. Alors que la reconnaissance des microbes doit initier une réponse immunitaire protectrice, la reconnaissance du soi modifié doit maintenir un état de tolérance spécifique pour éviter la génération d’une réponse auto-immune. Des travaux complémentaires sont

nécessaires pour identifier les mécanismes moléculaires impliqués dans la régulation de la réponse immunitaire et dans l’homéostasie du système immunitaire.Les données de la littérature montrent que, à l’exception de certaines molécules, les PRR n’ont pas encore trouvé une place importante dans l’arsenal des marqueurs utilisés dans le suivi clinique des patients, que ce soit au cours des affections aiguës ou chroniques. Ce constat peut résulter du fait que l’étude du système immunitaire inné constitue une « science » encore jeune, dont le corollaire est l’ab-sence de sondes spécifiques validées et calibrées, et du fait de la biologie des récepteurs de l’immunité innée eux-mêmes. En effet, la redondance de fonction des PRR, qui peut masquer des anomalies de certains PRR, ne permet pas d’associer un PRR à une pathologie. De nombreuses études sont donc nécessaires pour élucider la biologie des PRR, leurs rôles dans l’initiation des réponses immunitaires adaptatives et dans les pathologies humaines sévères.En termes d’applications thérapeutiques, des avancées majeures sur le rôle des PRR dans la présentation antigé-nique permettent aujourd’hui de développer des stratégies vaccinales pour le traitement de maladies sévères, telles que les cancers et les infections virales, par ciblage sélectif in vivo des antigènes vaccinaux vers les PRR.

Conflit d’intérêt : aucun

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2010 - N°424 // 51

IMMUNOLOGIE : ACTUALITÉS 2010

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