BOURDIEU. Domination Masculiner Resume

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Introduction

Dans cet ouvrage, lauteur part du postulat que nous vivons dans un monde social organis par un principe de vision androcentrique (androcentrique nexiste pas directement dans le dictionnaire, mais on comprend, andros, du grec mle, donc on peut traduire: vision organise autour de lhomme). Ce principe de vision androcentrique est incorpor dans les corps biologiques, dans les cerveaux, dans lorganisation de tout le monde social, il est lorigine de la division sexuelle du travail, il structure lespace social, avec des endroits spcifiques aux deux sexes, il dicte les comportements corporels Pour parler dans le langage de Bourdieu, ce principe de vision androcentrique est inscrit dans lhabitus et dans lhexis corporelle et donc se reproduit par dfinition.

Petit rappel: lhabitus est un systme de dispositions acquises, incorpores de manire durable, et tendant reproduire la logique des conditionnements qui sont son origine.

Et les dispositions: tendance agir ou percevoir intriorise la suite dun ensemble dactions, dinculcation dans les situations sociales vcues par lagent, et qui fonctionne comme un principe inconscient daction et de perception.

Avec ces deux dfinitions sur lesquelles lauteur fonde sa thorie de laction sociale, on entre dans la logique de raisonnement de lauteur, cette logique de causalit circulaire: notre perception des choses, qui nous a t inculque, quon a intriorise influence nos penses, nos actions, manires de nous comporter, nos habitudes, et nos actions, habitudes. Ces faits et gestes, ces actions, ce langage renforcent notre vision et perception des choses, qui nous paraissent tout fait naturelles, car incorpores.

Donc tout ce quon fait, ce quon pense, ce quon dit, ce quon ressent, selon lui, est le produit de ce principe de vision androcentrique qui sest enracin en nous comme un programme social. Et justement ce programme social est tellement bien incorpor en nous, quon le peroit comme naturel, alors quil est en fait culturel.

Lincorporation de la domination

Afin quon puisse se rendre compte quon est pris dans un cercle vicieux qui nous fait percevoir des lments tout fait arbitraires et culturels comme naturels, et afin de sortir de ce cercle, lauteur nous propose danalyser de manire ethnographique les structures objectives et formes cognitives de la socit des Berbres de Kabylie, dans les massifs montagneux de lAlgrie. Il justifie le choix de cette population, car selon lui, les paysans montagnards de Kabylie ont sauvegard par-del les conqutes, des structures et une tradition, qui reprsentent une forme paradigmatique de la vision androcentrique qui est commune toutes les socits mditerranennes et qui survivent encore aujourdhui, mais ltat partiel et comme clat, dans nos structures cognitives et nos structures sociales.

Avec lanalyse de cette socit kabyle, il veut nous faire prendre conscience que les catgories mentales avec lesquelles nous pensons, sont le produit de la domination masculine.

Dans le chapitre intitul Une image grossie, lauteur nous donne des exemples puiss dans la ralit des paysans de Kabylie, pour nous dmontrer que les hommes et les femmes sont dtermins dans leurs pratiques par ce principe arbitraire de domination masculine et quils peroivent cette domination comme naturelle. Il essaie donc de dmonter cette relation entre les causes et les effets, pour nous dmontrer que ce que nous croyons tre naturel est culturel. On inverse ainsi le rapport de nature culture.

Cette incorporation du principe de vision androcentrique se peroit aisment dans lhexis corporel et lhabitus des hommes et des femmes.

Le travail dincorporation se fait par la socialisation et les rites, par lesquels les uns et les autres apprennent et incorporent les pratiques et les conduites qui conviennent leur sexe, et inversment, celles quils leur sont impropres.

Il y a plein dactes et de rites qui visent sparer le garon de sa mre. A la naissance, lenfant est dpos la droite de la mre (la droite reprsente le ct masculin), et entre elle et la mre on pose des objets fabriqus par le feu (symbole mle), comme un couteau, un soc, un peigne carder. La premire coupe de cheveux est effectue par le pre, elle symbolise la coupure avec le monde maternel, car la chevelure est un symbole fminin par excellence. Un passage trs important qui marque la rupture du garon avec sa mre, est la 1re entre au march, monde typiquement masculin. Le pre coupe les cheveux son fils, et reoit un poignard, un cadenas et un miroir et sa mre dpose un uf frais dans le capuchon de son burnous. A la porte du march, il brise luf et ouvre le cadenas, actes virils associs la dfloration. Il se regarde dans le miroir, qui est un oprateur de renversement. Son pre le guide dans le march, le prsente aux autres hommes. Au retour, ils achtent une tte de buf, symbole phallique pour ses cornes.

Pour les filles, le travail de socialisation ne passe pas par des actes, mais plutt par des limites quon lui impose, limites qui concernent surtout le corps. On lui apprend quels habits elle doit porter en fonction de son ge: petite fille, vierge nubile, pouse, mre de famille, et commencer nouer ses cheveux, et comment se tenir de faon soumise (ne pas carter les jambes, signes de disponibilit sexuelle, se tenir courbe, les mains croiss sur la poitrine en face dun homme respectable, regarder vers le sol, ne jamais affronter le regard dun homme).

Il nous dit quil y a des restes de cette inculcation de socialisation chez les femmes europennes et amricaines dans des impratifs comme: sourire, baisser les yeux, accepter les interruptions. On a envie de dire que la femme occidentale sest affranchie de cette domination, en voir les poses relches quelles tiennent sur les publicits, ou dans la vie quotidienne. Et l, il rpond que cet usage que certaines femmes font de leur corps reste subordonn au point de vue masculin. le corps fminin la fois offert et refus manifeste la disponibilit symbolique () propre faire honneur aux hommes dont elle dpend ou auxquels elle est lie (p.35).

Dans cet ordre des choses, lintuition fminine est aussi un produit de la domination masculine. Etant donn quelles sont perues comme infrieures, inaptes la parole, les femmes dveloppent une intuition; leurs positions dinfrieures les pousse tre plus attentive aux indices non verbaux, comme le ton, et identifient mieux une motion reprsente non verbalement. Ce nest pour Bourdieu donc pas du tout une caractristique naturellement fminine, mais bien un effet culturel.

Violence symbolique

Toute la thorie de la domination masculine sembote donc dans celle du concept de la violence symbolique. Et jai aussi toujours vu dans la domination masculine, et la manire dont elle est impose et subie, lexemple par excellence de cette soumission paradoxale, effet de ce que jappelle la violence symbolique, (), qui sexerce pour lessentiel par les voies purement symboliques de la communication et de la connaissance ou, (), la limite, du sentiment. (Bourdieu, 1998: 11-12). Laffirmation lordre social fonctionne comme une immense machine symbolique tendant ratifier la domination masculine sur laquelle il est fond (Bourdieu, 1998: 22-23) est tautologique laffirmation Cette relation sociale (la violence symbolique) extraordinairement ordinaire offre ainsi une occasion privilgie de saisir la logique de la domination exerce au nom dun principe symbolique connu et reconnu par le dominant comme par le domin, une langue (ou une prononciation), un style de vie (ou une manire de penser, de parler ou dagir) et, plus gnralement, une proprit distinctive, emblme ou stigmate, dont la plus efficiente symboliquement est cette proprit corporelle parfaitement arbitraire et non prdictive quest la couleur de la peau (Bourdieu 1998, p.12) Cette immense machine symbolique avale tout sur son passage: les comportements, la sexualit, les sentiments, les attitudes des uns envers les autres, les signes dmancipation fminine; tout est revu et interprt par ce principe de vision androcentrique. La violence symbolique ne saccomplit qu travers un acte de connaissance et de mconnaissance pratique qui seffectue en dea de la conscience et de la volont et qui confre leur pouvoir hypnotique toutes ces manifestations, injonctions, suggestions, sductions, menaces, reproches, ordres ou rappels lordre (Bourdieu 1998, p.64). Au fil des ans et des critiques, le sociologues a pens tout et a donc trouv une place pour grosso modo tout fait social dans sa machine symbolique. Ainsi, tout procde dune ncessit socio-logique (Bourdieu, 1998: 12). On voit bien quen ces matires il sagit avant tout de restituer la doxa son caractre paradoxal en mme temps que de dmonter les mcanismes qui sont responsables de la transformation de lhistoire en nature, de larbitraire culturel en naturel. Et, pour tre en msure de prendre, sur notre propre univers et notre propre vision du monde, le point de vue de lanthropolgue capable la fois de rendre au principe de vision et de division (nomos) qui fonde la diffrence entre le masculin et le fminin telle que nous la (m)connaissons, son caractre arbitraire, contingent, et aussi, simultanment, sa necessit sociologique.

Les contresens les plus grossiers qui sont lies avec la violence symbolique ont tous pour principe une interprtation plus ou moins rductrice de ladjectif symbolique, employ chez Bourdieu comme un sens quil croit rigoureux et dont il expose les fondaments thoriques dans un article dj ancien. Bourdieu prend le mot symbolique dans un sens plus gnral. Lorsquon met laccent sur la violence symbolique, cest aprs lui: minimiser le rle de la violence physique et (faire) oublier quil y a des femmes battues, violes ou exploites. Le mot symbolique par opposition au rel est vu comme une violence purement spirituelle dans la violence symbolique et ainsi sans effets rels.

En affirmant que les structures de la domination sont anhistoriques, Bourdieu essaie dtablir quelles sont le produit dun travail incessant (donc historique) de reproduction auquel contribuent des agents singuleirs (dont les hommes, avec des armes comme la violence physique et la violence symbolique) et des institutions, familles, glise, cole, tat. (Bourdieu, 1998:40, 41)

La violence symbolique sinstitue par lintermdiaire de ladhsion que le domin ne peut pas ne pas accorder au dominant (donc la domination) (...). Les schmas que le domin met en oeuvre pour se percevoir et sapprecier, ou pour apercevoir et apprcier les dominants (lvs/bas, masculin/fminin, blanc/noir,etc. sont le produit de lincorporation des classements, ainsi naturaliss, dont son tre social est le produit. (Bourdieu, 1998, p.41) propos de cet exemple o Bourdieu parle des situations concrtes o sexerce la violence douce et souvent invisible, Virginia Woolf constate quune majorit des femmes franaises, souhaitent avoir un conjoint plus g et plus grand quelles.

Aprs Michel Bazon, si la femme se voit et pense quelle domine dans le couple, elle se sentira diminue avec un homme diminu. Cest ainsi que la femme accepte la situation et prend en compte, dans la situation quelle se fait de leur relation avec lhomme auquel leur identit sociale est attache, la reprsentation que lensemble des hommes et des femmes de lui en lui appliquant les schmas de perception et dapprciation universellement partages. Comme limage dun couple apparait extrieurement et qui doit tre reconnu, lhomme doit se voir comme le domin pour se sentir homme. Cest sa dignit qui est en jeu. Cest ainsi que la femme ne doit pas dpasser lhomme.

Les facteurs: ge et taille, sont justifis comme des indices de maturit et des garanties de scurit. Se sont les signes les plus indiscutables et les plus clairement reconnus de tous.

Leffet de la domination symbolique sexerce travers les schmas de perception, dapprciation et daction qui sont constitutifs des habitus et qui fondent, en dea des dcisions de la conscience et des contrles de la volont, une relation de connaissance profondment obscure delle-mme".

La force symbolique sexerce sur les corps et comme par magie, en dehors de toute contrainte physique. Le pouvoir symbolique, comme par exemple blmer la vistime, ne peut sexercer sans la contribution de ceux qui le subissent et qui ne le subissent que parce quils le construisent comme tel. (Bourdieu, 1998, p.46) Cest ainsi important comme il signale Bourdieu: il faut prendre acte et rendre compte de la construction sociale des structures cognitives qui organisent les actes de construction du monde et de ses pouvoirs. Il faut sapercevoir que cette construction partique est en faite fait dun pouvoir qui se trouve dans le corps des domins. Cest ainsi que la reconnaissance de la domination demande toujours un acte de connaissance.

Les femmes dans lconomie des biens symboliques

Le principe de linfriorit et de lexclusion de la femme correspond la dissymtrie fondamentale du sujet et de lobjet, de largent et de linstrument, qui est prsent entre lhomme et la femme sur le terrain des changes symboliques, des rapports de production et de reproduction du capital symbolique (qui est au fondement de tout ordre social). Les femmes y a figurent quautant objet et dont la fonction est de contribuer la perptuation ou laugmentation du capital symbolique dtenu par les hommes.

La famille kabyle qui na pas de garon, va prendre pour fille le gendre qui vient rsider la maison et qui circule comme une femme. Sa masculinit se trouve alors mise en question, mais il doit respecter lhonneur de sa famille daccueil.

Cest dans la logique de lconomie des changes symboliques que rside lexplication du primat accord la masculinit dans les taxinomies culturelles. Les femmes sont nies en tant que sujets dchange et de lalliance qui sinstaurent travers elles. Elles sont rduites ltat dobjets ou dinstruments symboliques de la politique masculine. Elles ne sont que des instruments de production ou de reproduction du capital symbolique et social. Le corps fminin devient un objet valuable et interchangeable, qui circule entre les hommes au mme titre quune monnaie. Cette conomie transforme diffrents matriaux bruts, dont la femme, mais aussi tous les objets susceptibles dtre changs dans les formes, en dons (signes de communication qui sont indissociablement des instruments de domination. Cette thorie prend en compte la structure spcifique de lchange, mais aussi le travail social quil exige de ceux qui laccomplissent et surtout celui qui est ncessaire pour en produire et en reproduire et les agents et la logique. (Re)produire les agents, cest (re)produire les catgories qui organisent le monde social, cest (re)produire les conditions de laccs la reproduction social.

La dissymtrie est donc radicale entre lhomme, sujet, et la femme, objet de lchange, entre lhomme, responsable et matre de la production et de la reproduction, et la femme, produit transform de ce travail.

En Kabylie, lacquisition du capital symbolique et du capital social constitue peu prs la seule forme daccumulation possible. Donc les femmes sont des valeurs quil faut conserver labri de loffense et du soupon et qui, investies dans les changes, peuvent produire des alliances (donc du capital social) et des allis prestigieux (du capital symbolique).

Le poids dterminant de lconomie des biens symboliques qui organise toute la perception du monde social, simpose aussi lconomie de la reproduction biologique.

Cest pour a quen Kabylie, loeuvre fminine de gestation et denfantement se trouve annule au profit de la fcondation, luvre masculine.

La division sexuelle est inscrite dans la division des activits productives et dans la division du travail dentretiens du capital social et du capital symbolique. Elle est aussi inscrite dans la disposition (les habitus) des acteurs de lconomie des biens symboliques.

Linvestissement primordial de lhomme dans les jeux sociaux est le principe indiscut de tous les devoirs envers soi-mme. Cest dans la relation entre un habitus construit selon la division fondamentale du droit et du courbe et un espace social organis aussi selon cette division que sengendrent les investissements agonistiques des hommes et les vertus des femmes. Le sens du jeu est le principe du systme des stratgies de reproduction par lesquelles les hommes visent assurer la conservation ou laugmentation du capital symbolique. La ncessit de lordre symbolique est le produit de lincorporation de la tendance de lhonneur se perptuer travers les actions des agents. Les femmes sont exclues de tous les lieux publics, o se jouent les jeux ordinairement considrs comme les plus srieux de lexistence humaine, tels les jeux de lhonneur.

Virilit

Bourdieu comprend la virilit chez lhomme comme une capacit reproductive, sexuelle et sociale. (Bourdieu 1998, p.57) Cette virilit peut tre utilise avec de la violence. On peut considrer cela comme une vengeance envers les domins. Lhomme doit se sentir lhauteur de pouvoir montrer ce quil vaut et cest le devoir de la femme de lui faire ressentir ce sentiment Aprs lui elle doit lhonorer pour quil puisse lui-mme shonorer. Cest comme a que dans sa prsentation en publique peut lui considrer avec respect et lui glorifier. Grce une telle force de croyance de soi-mme, lhomme peut combattre et prouver les qualits dites viriles. Comme il mentionne Bourdieu: la virilt doit tre valide par les autres hommes, dans sa vrit de violence actuelle et potentielle, et certifie par la reconnaissance de lappartenance au groupe des vrais hommes. (Bourdieu 1998, p.58) Comme la virilit est lie avec la force, cest ainsi que la violence peut y trouver sa place. Lhomme en situaton de preuve peut devenir violent pour montrer sa force lextrieur. Bourdieu montre une utilisation de violence en forme de courage lors des viols collectifs des bandes dadolescents, par exemple. travers un tel courage de viol, lhomme reoit tout estime et admiration de son groupe. Lhomme est toujours confronter cette peur de perdre ces qualits. Plus lhomme est dr et violent, plus il est admir et respecter par son entourage.

La virilit est une notion minemment relationnelle, construite devant et pour les autres hommes et contre la fminit, dans une sorte de peur du fminin, et dabord en soi-mme. (Bourdieu 1998, p.59)

Questions de dbat

1)Afin de compte nest lhomme pas dpendant de la femme comme de son entourage? Nest-il pas lui le faible?