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Brochure de saison 2014-15 de l'Ensemble intercontemporain

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Programme de la saison 2014-2015 de l'Ensemble intercontemporain. 2014-15 Ensemble intercontemporain season program

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Dorothée Smith - Traces

La série de photographies proposées pour cette brochure pourrait s'intituler « Traces ». Ces images sont comme l’écho du roman de Stanislas Lem, Solaris, sujet de l’opéra conçu par Dai Fujikura et Saburo Teshigawara(voir p. 62). Elles réa-gissent aux motifs principaux du roman : la matière liquide protoplasmique, les espaces abandonnés dont ne demeurent que des traces résiduelles d’occupation. Et puis il y a ces fantômes qui refusent de se taire et qui viennent hanter les personnages. Les photographies les capturent incidemment, presque sans le vouloir : ces halos, ce sont aussi leur voix.

Le travail de Dorothée Smith s’appréhende comme une observation des construc-tions, déconstructions, délocalisations et mues de l’identité, autour de figures telles que le transgenre ou le spectre. La photographie y côtoie le cinéma, la vidéo, l’art hybride et l’utilisation des biotechnologies. Ses travaux furent présentés sous la forme d’expositions personnelles en France (Rencontres internationales de la photographie à Arles, galerie les Filles du calvaire, Hors-Pistes au Centre Pompidou, Chéries-Chéries au Forum des images, Palais de Tokyo, Grand Palais...) et à l'étranger (Finlande, Danemark, Portugal, Corée du Sud, Chine, Californie...). Sa première monographie vient de paraître aux éditions Filigranes, et une exposition personnelle rétrospective sera présentée au Pavillon Vendôme, Centre d'art contemporain, à Clichy en 2014. Ses premiers longs-métrages, Spectrographies et Phasmes (sur un scénario de Marie NDiaye), sont en cours de développement.www.dorotheesmith.net

Anne-James Chaton - Décade : Portrait d'ensemble

Le monde contemporain est une gigantesque machine d’écriture qui produit du texte en toute occasion. Décade : Portrait d’ensemble est un travail d’itération descriptive de ce monde. Le texte est d’abord composé des écrits que les modèles portent sur eux au moment où je les rencontre. L’ar-chive de ces graphes, témoins souvent éphémères d’actes de la vie quotidienne, reçus de courses, factures d’achats, cartes de fidélité, titres de transport, prospectus, couvertures de livres, lettres et mots personnels, etc, constitue une première strate d’écriture. Vient ensuite une réécriture en prose conti-nue de chacune des informations notées sur ces documents. L’extrême banalité des matières écrites génère, par effet d’accumulation, de multiples narrations ; la densification psalmodique fait glisser cette langue ordinaire jusqu’à tou-cher la fiction.

Anne-James Chaton a publié plusieurs recueils aux éditions Al Dante et a rejoint le label allemand Raster-Noton en 2011 avec Événements 09 puis Décade, publié en 2012. Son écriture poétique s’est développée en collaboration avec d’autres artistes de scènes différentes, du rock à la musique électronique, du théâtre à la danse.Il a travaillé avec le groupe hollandais The Ex et a publié deux albums, Le Journaliste (2008) et Transfer (2013), avec le guitariste anglais de The Ex, Andy Moor. Il a colla-boré aux albums Unitxt (2008) et Univrs (2011) de l’artiste allemand Carsten Nicolaï alias Alva Noto. En janvier 2009, il crée le trio Décade, avec Andy Moor et Alva Noto. Depuis 2013, il développe le projet Icônes avec le chanteur Nosfell. Il prépare pour la rentrée 2015 la pièce HERETICS, écrite avec Andy Moor et Thurston Moore, guitariste et chanteur du groupe américain Sonic Youth.www.annejameschaton.orgVoir texte p. 90

Nous avons proposé à Dorothée Smith, artiste transdisciplinaire, et au poète sonore Anne-James Chaton des contributions originales pour notre brochure de saison 2014-15. Ils présentent leurs réalisations respectives :

Textes, photos, extraits musicaux et vidéos sur www.ensembleinter.comRetrouvez-nous sur / / / et sur www.musiquecontemporaine.fr

SOMMAIRE

Ouvrir les portes08

Voix solitairesDossier

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La saison24

Planète sous un crâneMathieu Larnaudie

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L’œuvre musicale et sa subversionEntretien avec Lydia Goehr

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Décade : Portrait d'ensembleAnne-James Chaton

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L'Ensemble intercontemporain96

Informations pratiques102

Édito04

Calendrier 2014-1506

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ÉDITOPour nous tous, la saison 2013-14 a été enrichissante et inspirante pour les années à venir. Le lancement de nouveaux formats de concerts a rencontré un grand succès, à commencer par nos trois week-ends « Turbulences » auxquels le public parisien a assisté avec enthousiasme et curiosité. Nous voulions sor-tir du cadre traditionnel du concert et ouvrir les champs de la programmation pour vivre une autre expérience musicale. Avec un nombre croissant de spectateurs, leur succès a montré que nous pouvions toucher différemment notre public en lui offrant des propositions inédites associant qualité, diversité et passion. J’éprouve une grande joie face à cet élan partagé. Un élan d’invention et de créativité qui nous emmène plus loin, vers de nouveaux horizons. L’audace et la volonté d’innover, alliées à la pleine conscience de nos missions et de nos racines, sont essentielles pour renouveler le projet artistique et humain au cœur de notre engagement. La saison 2014-15 le manifeste de mille façons. Elle est marquée par deux événements majeurs : l’inauguration de la Philharmonie de Paris et le 90e anniversaire de Pierre Boulez.Notre objectif est de devenir un acteur essen-tiel de ce fantastique instrument culturel qu’est la Philharmonie de Paris en contribuant à sa saison de concerts avec des propositions variées et innovantes, et en adoptant ses objectifs ambitieux d’élargisse-ment des publics grâce à de nouveaux projets de sensibilisation. Nous commencerons à fêter les 90 ans de Pierre Boulez, dans cette nouvelle et magnifique salle,

dès le mois de février avec l’intégrale de Pli selon pli, interprétée par la soprano Marisol Montalvo (de retour après le fabuleux « Grand soir » du deuxième week-end « Turbulences » en février 2014). Ce chef-d’œuvre de Pierre Boulez en rencontrera un autre, le révolutionnaire Amériques d’Edgard Varèse, lors d’un concert exceptionnel qui réunira une fois encore les solistes de l’Ensemble et les élèves du Conservatoire de Paris. Nous vous souhaitons dès à présent et avec un peu d’avance un joyeux anniversaire, cher Pierre ! De nombreux organisateurs en Europe nous invitent pour le célébrer ensemble. Nous sommes heureux et honorés de partager cette musique qui nous est chère avec les publics allemands, anglais, hollandais ou polonais. Autre fil rouge de notre programmation : la voix et le chant. La saison parisienne s’ouvre fin septembre sur un programme qui expose différentes formes de vocalité. Ainsi, la création mondiale d’une nouvelle œuvre pour alto et ensemble de la jeune composi-trice slovène Nina Šenk est encadrée par le sublime Chant de la terre de Gustav Mahler et par une éton-nante performance de la compositrice et vocaliste Maja Ratkje, Concerto for Voice. Le chant continue à nous accompagner avec Georg Nigl dans la reprise, en tournée, du spectacle Le Voyage d’hiver en janvier, ou avec Christine Schaefer, qui nous rejoint pour deux concerts en février. Et nous attendons avec impatience la création de Solaris en mars au Théâtre des Champs-Elysées. Cet opéra transdisciplinaire illustre bien nos am-bitions en matière de projets scéniques. Après les représentations parisiennes, cette production sera donnée aux opéras de Lille et de Lausanne.En décembre, nous vous donnons rendez-vous pour deux nouveaux jours de « Turbulences » pilo-tés par Marko Nikodijevic, un jeune compositeur serbe et performeur de la scène électro. Il propose une expérience musicale troublante entre lumière et ténèbres, se transformant même en DJ lors du « Grand soir » pour remixer des musiques de la Renaissance à aujourd’hui.

En mars, nous poursuivons les festivités autour des 90 ans de Pierre Boulez avec un week-end entier qui multiplie les regards sur son parcours, ses rencontres avec des créateurs d’autres disciplines artistiques (comme Maurice Béjart), son dialogue constant avec les esthétiques musicales d’hier et d’aujourd’hui.Suivant son exemple en matière de transmission des savoirs, nous avons à cœur de développer nos actions pédagogiques vers les jeunes interprètes et compositeurs, dans le cadre d’académies internatio-nales comme celles du Festival de Lucerne et du fes-tival ManiFeste à Paris. Nous renforçons aussi notre collaboration avec le Conservatoire de Paris avec la création de nouveaux ateliers d’accompagnement des élèves des classes de composition et de direction d’orchestre, et bien sûr avec nos amis de l’Ircam avec qui nous partageons des projets de création, notamment dans le cadre de l’académie ManiFeste dont nous serons une nouvelle fois partenaire.Notre mission de diffusion ne se limite pas aux concerts. Captations radiophoniques, audio- visuelles et enregistrements sont aussi des moyens de rayonnement importants, surtout à l’ère des mé-dias numériques. Je suis heureux d’annoncer ici une nouvelle et fructueuse collaboration avec le label discographique Æon. De nombreux albums thé-matiques ou monographiques sont déjà lancés. Ils proposeront dès la fin 2014 une expérience d’écoute enrichie par de nombreux contenus : vidéos, entre-tiens, photos, etc. Vous le constatez, nous sommes en mouvement vers de nouvelles destinations. Elles se dessinent au fur et à mesure de notre parcours et de nombreux défis nous attendent. Nous sommes prêts à les relever. Nous espérons de tout cœur que vous nous rejoin-drez pour aller de l’avant et poursuivre ensemble la formidable aventure de la création musicale.

Matthias Pintscher

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Lundi 19 janvier 20h15 - ROTTERDAMde DoelenLE VOYAGE D'hIVER

Mercredi 21 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCE Conservatoire Darius Milhaud Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc.

Jeudi 22 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCE Grand Théâtre de Provence LE VOYAGE D’hIVER

Samedi 24 janvier 20h30 - GRENOBLE MC2LE VOYAGE D’hIVER

Mardi 3 février

20h30 - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de P. BOULEZ, E. VARÈSE

Mercredi 4 février

19h - PARIS Conservatoire de Paris (CNSMDP)Créations des élèves de la classe de composition du Conservatoire de Paris

Dimanche 8 février 11h - LYON AuditoriumŒuvres de A. SChÖNBERG, B. MANTOVANI

Mercredi 11 février 20h - BORDEAUXAuditorium Œuvres de A. FUENTES, h.W. hENZE, M. PINTSChER, A. REIMANN, A. SChÖNBERG

Vendredi 13 février

20h30 - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de A. FUENTES, h.W. hENZE, M. PINTSChER, A. REIMANN, A. WEBERN

Jeudi 5 mars Samedi 7 mars 19h30 - PARIS Théâtre des Champs-ÉlyséesSOLARIS (opéra)

Samedi 14 mars

15h - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de V-R. CARINOLA, N.A. hUBER, R. MURRAY SChAFER, F. ROSSé, S. REICh, K. STOCKhAUSEN

WEEK-END PIERRE BOULEZ

PhILhARMONIE DE PARIS

Jeudi 19 mars Vendredi 20 mars 20h30 BOULEZ / BéJART Œuvres de B. BARTÓK, P. BOULEZ, F. CERhA, G. GRISEY, A. WEBERN

Samedi 21 mars

15h Conférence et table Ronde BOULEZ ET LE PARTAGE DU SENSIBLE

20h30 LE GRAND SOIR Œuvres de B. ATTAhIR, C. BERTRAND, P. BOULEZ, O. NEUWIRTh, L. NONO, E. POPPE, M. RAVEL, etc.

Mardi 24 mars, 20H Jeudi 26 mars, 20H Samedi 28 mars, 18H LILLE OpéraSOLARIS (opéra)

Dimanche 29 mars 14h - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de L. BERIO, h. BIRTWISTLE, A. CATTANEO, K. MAŘATKA

Vendredi 10 avril 11h - PARIS Philharmonie de ParisConcert éducatif AU FIL DES CUIVRES

Mardi 21 avril 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de A. COPLAND, D. FULMER, S. ShEPhERD

Vendredi 24 avril, 20H Dimanche 26 avril, 15H LAUSANNE OpéraSOLARIS (opéra)

Dimanche 26 avril

15h - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres d’E. CARTER

Mardi 28 avril 19h30 - LONDRES Barbican CentreŒuvres de P. BOULEZ, C. DEBUSSY, M. PINTSChER, Y. ROBIN

Samedi 9 mai 20h - COLOGNE PhilharmonieŒuvres de L. BERIO, Y. ONIShI, M. STROPPA

Samedi 16 mai MARSEILLE - horaire à déterminer La Friche Belle de MaiProgramme à déterminer

Samedi 16 mai 21h - WROCLAW Lieu à déterminerŒuvres de P. BOULEZ, P. LEROUX, M. LINDBERG, P.hUREL, M. STANCZYK

Jeudi 11 juin 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de P. BOULEZ, M. JARRELL, h. LAChENMANN

Dimanche 14 juin AMSTERDAM - horaire à déterminerGashouder Œuvre de P. BOULEZ ; complément de programme à déterminer

Samedi 20 juin ALDEBURGh - horaire à déterminer Lieu à déterminerŒuvre de P. BOULEZ ; complément de programme à déterminer

Du 22 juin au 4 juillet

PARIS 104Académie du festival ManiFeste

Du 4 au 16 juillet PARIS Opéra BastilleL’ANATOMIE DE LA SENSATION (ballet)

Calendrier 2014-15Dimanche 17 août 11h - LUCERNE KKLŒuvres de U.ChIN, J.M. STAUD, M. PINTSChER

Vendredi 12 septembre 20h - PARIS Ircam Œuvres de J. hARVEY, M. PINTSChER, S. SCIARRINO, B. UBALDINI, C. VIVIER, etc.

Mardi 23 septembre 20h - PARIS Cité de la musiqueŒuvres de G. MAhLER, N. ŠENK, M. RATKJE

Dimanche 28 septembre 20h - COLOGNE PhilharmonieŒuvres de G. MAhLER, M. PINTSChER

Jeudi 2 octobre

20h30 - STRASBOURG Auditorium France 3 AlsaceŒuvres de O. ADÁMEK, D. AMMANN, M. PINTSChER

Samedi 4 octobre

20h30 - STRASBOURG Cité de la musique et de la danseTE CRAINDRE EN TON ABSENCE(monodrame)

Jeudi 9 octobre

21h - LES LILAS Le Triton, scène de musiques présentesINTERSESSION # 14

Samedi 11 octobre

20h - VENISE Teatro alle TeseŒuvres de O. ADÁMEK, D. BOULIANE, D. FUJIKURA, G. LIGETI, A. ShPILMAN

Vendredi 17 octobre

20h - PARIS Cité de la musiqueŒuvres de C. IANNOTTA, h. LAChENMANN, L. NONO

Mardi 21 octobre

21h - GUANAJUATO Teatro Juárez Œuvres de A. FUENTES, D. FUJIKURA, G. LIGETI, S. SCIARRINO, E. VARÈSE

Mercredi 22 octobre

10h - GUANAJUATO Master classes dans le cadre de l'Academia Cervantina

Jeudi 23 octobre 20h30 - MEXICO Palacio de Bellas ArtesMême programme que le 21 octobre à Guanajuato

Lundi 3 novembre 20h - MILAN Teatro alla ScalaŒuvres de M. RAVEL, F. ROMITELLI

Vendredi 7 novembre

20h - PARIS Cité de la musiqueŒuvres de M. FELDMAN, S. REICh

Mardi 11 novembre 19h30 - LONDRES Wigmore HallŒuvres de L. DALLAPICCOLA, B. MANTOVANI, A. SChÖNBERG

Mardi 18 novembre

20h - PARIS Opéra BastilleŒuvres de B. MANTOVANI, A. SChÖNBERG

Vendredi 21 novembre

20h - PARIS Maison de la Radio Œuvres de P. EÖTVÖS

Samedi 29 novembre

20h - NICE Opéra Nice Côte d’Azur Œuvres de G. LIGETI, T. MURAIL, Y. ROBIN

TURBULENCES Clair-Obscur avec Marko Nikodijevic

PARIS - CITé DE LA MUSIqUE

Vendredi 5 décembre 20h Œuvres de C. GESUALDO, M. NIKODIJEVIC, G. PESSON, C. VIVIER, G. SPIROPOULOS

Samedi 6 décembre

17h30 Conférence-concert TRANS-MUSIqUES

20h LE GRAND SOIR Œuvres de T. ADÈS, h. LAChENMANN, G. LIGETI, M. NIKODIJEVIC, F. ROMITELLI, F. SChUBERT, I. STRAVINSKY, etc.

Dimanche 7 décembre 11h - PARIS Cité de la musiqueConcert en famille LE qUINTETTE à VENT : DE hAYDN à CAGE

Vendredi 12 décembre 19h30 - VENISE Palazzo GrassiŒuvres de E. CARTER, G. SCELSI, S. SCIARRINO, I. XENAKIS, etc.

Vendredi 16 janvier

20h30 - PARIS Philharmonie de ParisŒuvres de G. LIGETI, M. LINDBERG, Y. MARESZ, E.VARÈSE

PORTES OUVERTES

PhILhARMONIE DE PARIS

Samedi 17 janvier

11h Concert en famille LA PERCUSSION DANS TOUS SES éCLATS !

DE 15h à 17h Concerts de percussion

Dimanche 18 janvier 15h Œuvres de D. FUJIKURA, B. MANTOVANI, T. MURAIL, G. PESSON, Y.ROBIN

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concert comprenant une création mondiale

concert comprenant une création française

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Ouvrir les portesDepuis sa création il y a près de quarante ans, l’Ensemble intercontemporain a placé au cœur de son projet la mission de faire découvrir la musique moderne et contemporaine. Pour chacun des musi-ciens et des membres de l’équipe, il s’agit d’ouvrir toutes les portes possibles afin d’éveiller et de culti-ver le goût du plus grand nombre pour un répertoire musical riche et vivant. Les actions sont nombreuses et variées et touchent tous les publics, jeunes ou adultes : concerts éducatifs commentés ou mis en scène, avant et après-concerts (la plupart animés par Clément Lebrun), ouverture des répétitions au public, interventions dans des bibliothèques, des médiathèques et des établissements scolaires, colla- borations avec des musiciens amateurs, etc.

Afin d’élargir le public, nous développons éga-lement des projets qui associent et font dialoguer diverses disciplines artistiques (vidéo, danse, arts numériques) et différents genres musicaux.

Cette même volonté d’ouverture est à l’œuvre dans nos activités avec les élèves des établissements scolaires parisiens (comme le collège Georges Méliès dans le 19e arrondissement avec lequel nous collaborons depuis 2012) et, dans un avenir proche, de Seine-Saint-Denis. Un véritable compagnon-nage avec ces institutions court tout au long de l’année scolaire et a pour but d’ouvrir les enfants à une pratique artistique qu’ils ne connaissent pas. Ce sont des aventures enrichissantes tant pour eux que pour nous. Nous tenons à les poursuivre et à les développer, en gardant toujours à l’esprit qu’il faut

passer par des territoires inconnus avant d’aboutir à une réalisation, qu’elle prenne une forme musicale ou tout autre.

La pédagogie étant avant tout l’affaire des péda-gogues eux-mêmes, nous avons à cœur de participer à la formation du corps enseignant au moyen de dispositifs permettant de découvrir de l’intérieur les multiples facettes d’un ensemble de solistes tel que l’Ensemble intercontemporain.

Enfin, des actions de transmission en direction de futurs musiciens professionnels ou compositeurs sont menées en partenariat avec les grands conser-vatoires, au premier rang desquels le Conservatoire de Paris, ainsi qu’avec des académies internatio-nales comme celles du festival de Lucerne ou du festival ManiFeste organisé par l’Ircam.

Les actions éducatives et culturelles doivent constamment être remises sur le métier, avec per-sévérance et passion. Sans cesse, il faut explorer de nouvelles voies pour répondre au besoin de transmission : parcours de création avec des com-positeurs, développement de nouvelles formes de concert, renforcement de notre présence dans les académies, partenariats avec d’autres formations musicales comme Les Arts Florissants, utilisation des médias numériques pour faciliter et enrichir l’expérience du public.

L’inauguration de la Philharmonie de Paris en janvier 2015 sera une occasion extraordinaire d’ou-vrir des portes vers de nouveaux horizons. Nous avons hâte de les découvrir avec vous.

Voir l'ensemble des actions éducatives et culturelles p. 96

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DoSSIeR Voix solitaires

L’écriture pour voix seule ne date pas du xxe siècle mais jamais au-paravant la solitude de ces voix n’avait semblé aussi grande et aussi peuplée de souvenirs, de spectres et d’affects. La psyché devenait un monde à explorer, plein de détours et de secrets et la musique une expédition dans les labyrinthes du sentiment. Ces voix solitaires reviennent dans nombre d’œuvres contemporaines dont celles de Johannes Maria Staud, Hèctor Parra, Blaise Ubaldini ou Luciano Berio que l’Ensemble intercontemporain interprétera cette saison. Nous avons choisi de retracer l’histoire de ces voix dans ce dossier, de l’intimité tourmentée des « monodrames » de Schönberg, à l'étrange vocalité du Concerto pour voix de Maja Ratkje.

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Et là, tu m’entends ?par MARTIN KALTeNeCKeR

musicologueLes définitions proposées par les théoriciens du théâtre éclairent-elles le genre du monodrame mis en musique ? Dans une pièce parlée, le monologue initial est un moyen commode pour exposer une situation par la voix d’un personnage qui y est im-pliqué, comme au début de Richard III de William Shakespeare, ou dans les Faust de Christopher Marlowe et Johann Wolfgang von Goethe. Au cours de la pièce, le monologue peut aller vers le soliloque (personne sur scène ne l’entend ou ne l’écoute) ou vers la tirade – c’est là que la situation de communi-cation est mise en péril, et que le spectateur doit ac-cepter la convention d’un personnage qui s’abstrait momentanément de ceux qui l’entourent et choisit l’aparté, qu’il ne saurait infiniment étirer. Plus rare est le monologue final – nous en trouvons un exemple dans celui de Madame Irma dans Le Balcon de Jean Genet, ou la fin de Par les villages de Peter Handke. Ce dernier possède quelque chose de déjà musical, à la manière d’une coda, d’une récapitulation émue, tout comme le monologue de la comtesse à la fin de Capriccio de Richard Strauss, qui dure un bon quart d’heure. Mais une différence apparaît aussitôt : à l’opéra, baroque en particulier, le monologue est englobé par la convention du chant sur scène. L’aria est la chose même, ce que tout le monde attend et accepte, et il ne menace jamais les dialogues (sous forme de récitatifs) que les auditeurs bien souvent négligent. Ainsi, la définition rousseauiste du mono-logue convient parfaitement à l’air d’opéra : « Scène d’opéra où l’acteur est seul et ne parle qu’avec lui-même. C’est dans les monologues que se déploient toutes les forces de la musique ; le musicien pouvant s’y livrer à toute l’ardeur de son génie, sans être gêné dans la longueur de ses morceaux par la présence d’un interlocuteur. 1 » Le monodrame est une aria

très étendue. Celle-ci est alors le lieu où deux figures du sujet peuvent émerger. Les musiciens la repren-dront jusqu’au xxie siècle. D’un côté, c’est le sujet concentré, allant vers l’excès, vers l’incandescence de l’affect ; de l’autre, c’est le sujet qui se dissout, cherche à se ressaisir, à se comprendre lui-même. Cette dernière tendance s’éploie dans le drame lyrique à la fin de xixe siècle. Non pas « poésie mise en dialogue, mais théâtre imaginaire 2 », les « drames statiques » de Maurice Maeterlinck mettent en scène des personnages impuissants qui ne maîtrisent plus leur destin, en attente d’un événement qu’ils ne provoquent jamais et toujours à l’écoute de ce qui peut survenir. Au détriment du dialogue et de l’inte-raction, une autre temporalité s’installe alors, pro-prement musicale, dans laquelle des fragments de parole, comme non triés, traversent la conscience à l’affût. Dans ce théâtre-là, dira Rainer Maria Rilke, une suspicion est jetée sur « la grossièreté naïve du monologue » ; une autre vie, plus profonde, émerge, que la parole vaine ne saisit pas 3. Parallèlement, ce type de théâtre envahit le roman, sous forme de récits constitués entièrement de flux de conscience, de « monologues intérieurs », de tirades illimitées – chez Édouard Dujardin, Arthur Schnitzler, Virginia Woolf, James Joyce, le symboliste russe Nicolai Evreinov (Le Théâtre dans la vie, 1927), versant plus tard dans les bavardages solitaires ou compulsifs des héros de Albert Camus, Samuel Beckett, Louis-wRené des Forêts ou Thomas Bernhard.

En musique, le genre du monodrame s’apparente étroitement au mélodrame, inventé par Rousseau avec Pygmalion (1770) : un récitant parle sur la mu-sique, ou en alternance avec des fragments musi-caux. Pygmalion est un sculpteur qui s’adresse à une statue de femme ; dès l’origine, le mélodrame, c’est

1 Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, article « Monologue », 1768.2 Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, Francfort/Main, Suhrkamp, 1975, p. 59.3 Rainer Maria Rilke, « Der Wert des Monologes », Sämtliche Werke, Band 5, Wiesbaden und Frankfurt/Main, 1955-1966, p. 434-439.

dossier Voix solitaires dossier Voix solitaires

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« l’impossible dialogue 4 » – tout comme le monologue, au théâtre, qui « détourne la fonction fondamentale de communication propre au langage, même s’il s’en inspire pour proposer un simulacre de langage 5 ». Le mélodrame sera très souvent le cadre des excès d’un(e) seul(e) – Ariane à Naxos ou Médée chez Georg Anton Benda (1775), Werther chez Gaetano Pugnani (1790), orphée et eurydice chez Evstignei Fomine (1792), ou encore le Lélio de Hector Berlioz (1831), le Manfred de Robert Schumann (écrit en 1848 et joué en 1852)… « L’emphase sur le monologue fait du mélodrame non pas simplement une forme de tragédie, mais bien plus une tragédie poussée dans ses derniers retranchements. Le personnage mono-loguant du mélodrame n’existe qu’à un moment de crise, comme Médée saisie par la fureur infanticide, Lenore en proie à l’hystérie, ou encore Lélio lors de son délire hypermnésique. 6 »

Le monodrame cherche l’intensité – le parlé y est souvent un mode de communication surchauffé, un chant « surligné » (surtout, ne perdez rien de ce que je dis !), caractéristique d’un personnage qui installe le public en position de jury. Quelques types s’y repèrent que les monodrames récents illustrent toujours : l’attente ou la veille d’un moment ter-rifiant (« Le futur a pour moi cette seule phrase : je serai mise à mort avant la fin du jour », dit la Cassandre de Christa Wolf (1985), mise en mono-drame/mélodrame par Michael Jarrell) ; l’imbro-glio des souvenirs ou le passé qui ne passe pas ; la lettera amorosa après la séparation ou l’abandon ; l’accusation, la négociation, l’entente impossible avec l’Autre muet ou impassible : « Parfait. Tu ne veux pas répondre, comme d’habitude. Ne réponds pas, mon bonhomme. Ce n’est pas moi qui t’inter-rogerai, qui insisterai. Je ne suis pas de ces femmes qui font des interrogatoires et qui marchent sur vos talons jusqu’à ce qu’elles sachent ce qu’elles veulent. Tu n’as rien à craindre », dit la protagoniste du Bel indifférent de Cocteau (1940), prouvant tout le contraire pendant une demi-heure.

Au xxe siècle, deux monodrames emblématiques symbolisent les deux pôles de la dissolution et de l’excès. erwartung (1909) d’Arnold Schönberg est un flux de conscience mis en musique. Une femme cherche son amant dans la forêt, et finit par tom-ber sur son cadavre, ne sachant pas si c’est elle qui l’a tué. La musique, sismographie dessinant des figures évanescentes, traduit l’éparpillement des sensations : « Il est impossible pour une personne de n’avoir qu’une émotion à la fois. On en a des milliers en même temps. Et ces milliers d’émo-tions ne se laissent pas plus facilement additionner qu’une pomme avec une poire. Elles se dispersent. Et cette diversité, cette multiplicité, cet illogisme que montrent nos sens, cet illogisme dont font preuve les associations, que le moindre afflux de sang, la moindre réaction nerveuse ou celle des sens présentent, c’est cela que j’aimerais avoir dans ma musique. 7 » Cinquante ans plus tard, La Voix hu-maine de Francis Poulenc (1958) représente l’autre incontournable du pathos : cette « tragédie lyrique en un acte », monologue d’une femme téléphonant à l’amant présent/absent qui la quittera, théma-tise tout du long la situation de la communication elle-même (« Je n’ai pas la voix d’une personne qui cache quelque chose ! », « Moi, méchante ? », « Et là, tu m’entends ? »), mais aussi la crainte panique qu’elle ne se rompe définitivement, le cordon du téléphone devenant le cordon ombilical impossible à couper.

Contre la pente du « dérapage pathologique 8 » in-hérent au monologue, contre ce que Jacques Lacan nommait la « jactance » du sujet carapacé dans le symptôme et ne voulant rien savoir, certains com-positeurs d’après-guerre ont opté pour la mise en musique du monologue intérieur. Sequenza III (1966) de Luciano Berio est un air d’opéra « bruité » écrit pour Cathy Berberian, envahi par les rires, les cris, les borborygmes ; omaggio a Joyce (1958), du même compositeur, est un travail sur l’enregistre-ment mental des bruits urbains. D’autres vont vers

4 Jacqueline Waeber, en musique dans le texte. Le mélodrame de Rousseau à Schönberg, Paris, Van Dieren, 2005, p. 50. 5 Françoise Dubor, in Le Monologue contre le drame, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 38.6 Jacqueline Waeber, Ibid., p. 95.7 Arnold Schönberg, in Schönberg–Busoni, Schönberg–Kandinsky. Correspondances, Contrechamps, Genève, 1995, p. 35s. 8 Manfred Pfister, cité dans Le Monologue au théâtre (1950-2000), Éditions universitaires de Dijon, 2006, p. 126.

un théâtre de la soustraction : le Lohengrin (1984) de Salvatore Sciarrino, « action invisible », est à l’ori-gine une pièce radiophonique, genre très souvent monologique. Décousu, entrecoupé de rires, de sou-pirs, le monologue d’Elsa (qui « fait » également les répliques de Lohengrin) suggère une scène imagi-naire, où les interlocuteurs sont un amant peut-être fantasmé et des cailles dont la chanteuse imite les sons gutturaux. Butterfly le nom (1995) de Gérard Pesson revient au topos de la femme abandonnée, avec un orchestre et un chœur d’hommes faisant office de témoin, d’interlocuteur distant, de com-mentateur. Et Beat Furrer filtrera dans le « théâtre d’écoute » qu’est Fama (2005) le monologue de Mademoiselle else d’Arthur Schnitzler en plongeant l’auditeur dans le flux accéléré d’une hystérie fémi-nine tremblée, vibrée, vibrionnante.

Les compositeurs semblent s’interdire l’excès comique dans le monologue, comme s’il versait aussitôt dans le sketch ; mais pourrait-on produire l’équivalent lyrique de Loretta Strong de Copi ? De même, ce que Hans Thies Lehmann nommait les « monologies » du théâtre post-dramatique (qui jouent avec la situation acteur/spectateur) ne pa-raissent pas avoir été explorées en musique 9. Le pa-thos est encore la voie empruntée le plus volontiers : ce sera par exemple l’intensité néo-classique de l’« opéra parlé » Cassandre de Michael Jarrell (1994) ou l’hémorragie post-expressionniste de Wolfgang Rihm dans Das Gehege (2005), sur un texte de Botho Strauss, qui met en scène une figure d’hystérique qui entreprend de séduire un aigle, symbole du machisme, nuitamment dans un zoo.

Et les hommes, alors ? Frederic Rzewski a écrit un mélodrame pour pianiste-récitant à partir du De Profundis d’Oscar Wilde en 1994, et le jeune compo-siteur israélien Nimrod Sahar a repris tout récem-ment Je suis le vent (2012) de Jon Fosse dans un monodrame pour contreténor et violon qui s’achève sur le halètement d’une seule note pendant de lon-gues minutes intenses – arrachée, chantée, parlée,

bégayée par la peur et la panique. Avec Der Riß durch den Tag, Johannes Maria Staud enveloppe d’une musique elle-même très gestuelle la récitation – coulée dans les dactyles néo-goethéens du poète Durs Grünbein – d’un(e) Cassandre masculin(e), un voyant qui, sous le remugle petit-bourgeois d’une ville de province, flaire les égouts, les cadavres, la haine refoulée.

Si la topique du monodrame se confirme avec Te craindre en ton absence d’Hèctor Parra sur un texte de Marie NDiaye – l’histoire « qui ne passe pas » d’une femme narrant l’enterrement en terre étrangère de sa sœur suicidée ; la figure qui s’avance n’est pas simplement la surface de projection d’un homme. Et avec Concerto for Voice (moods IIIb) de Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, c’est une femme qui prend les rênes du monodrame. Le genre est revisité avec une magnifique énergie qui en suspend les conventions. Le langage, né selon Rousseau du cri et de l’affect, n’arrive à la parole que par bribes – on songe à la virtuosité de Berberian, mais vitaminée ici par l’art de la performance improvisée. Le sens reste ouvert, et pourtant, la machine à écrire – « old fashioned typewriter » – « jouée » par un percussion-niste, et qui entre en dialogue avec la protagoniste, peut aussi évoquer l’ancienne lettera amorosa, de même que les glissés de la harpe à la fin ironise-raient sur une féminité codée. Et il suffirait d’un coup de projecteur sur le « lion’s roar » (tambour à corde) qui rugit régulièrement pour déconstruire ce grand Autre contre lequel le sujet mélodramatique s’est si souvent fracassé en beauté.

9 Cité dans Françoise Dubor, Le Monologue contre le drame, Ibid., p. 167.

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Vous êtes à la fois compositrice et per-formeuse vocale. Comment la voix est-elle devenue votre instrument principal ?

J’ai d’abord joué du violon et du piano, et d’autres instruments, et ce n’est que dans un second temps que je me suis concen-trée sur la voix. Quand j’ai commencé mes études de composition, j’ai choisi le jazz vocal comme instrument principal mais j’ai très vite arrêté de chanter des chan-sons et des mélodies et j’ai commencé à utiliser ma voix comme un instrument, pratiquant l’improvisation libre. Je n’ima-ginais pas à quel point la performance vo-cale deviendrait centrale dans ma carrière professionnelle. Pendant mes premières années en tant que vocaliste, le quatuor SPUNK, qui comprenait quatre perfor-meuses, fut un environnement musical très important dans ma recherche d’une expression artistique personnelle.

Dans votre Concerto for Voice, vous combinez écriture instrumentale et im-provisation vocale. Vous recommandez fortement aux auditeurs d’en faire l’ex-périence en concert. Pourquoi cet aspect est-il si important ?

Je pense que la situation de concert est de loin le meilleur cadre possible pour l’expé-rience musicale. Elle existe alors comme un phénomène partagé, interpersonnel. Lors d’une représentation, quand l’enjeu est important et qu’un grand nombre de

personnes est impliqué, le public devient également responsable du résultat. Nous percevons tous la musique différemment, nous l’appréhendons chacun à notre ma-nière, individuellement, mais l’expérience que nous en faisons est partagée. Dans Concerto for Voice, je m’intéresse notam-ment à la manière dont le son et l’espace sont perçus dans une situation tradition-nelle de concert. En amplifiant la voix et d’autres sources acoustiques, je peux mettre en valeur les sons les plus infimes et les placer sur le même plan que ceux, plus forts, de l’ensemble. Ainsi, je parviens à déjouer les attentes du public à propos du rôle des solistes et de l’orchestre et nous interroge sur la manière dont nous éprouvons la distance entre nos sens et les sources acoustiques des sons perçus.

Dans votre album Voice, paru en 2002, tout le matériau musical provient de votre voix. En quoi votre connaissance de la voix influe-t-elle sur votre musique instrumentale ?

La voix est pour moi un instrument très immédiat et très flexible, qui me per-met non seulement d’expérimenter des idées en temps réel mais également d’en éprouver leurs limites. Ce que j’ai appris en improvisant a plus de valeur pour mes compositions que ma connaissance des possibilités techniques de la voix. La flexi-bilité de la voix m’amène à penser que n’importe quel instrument peut atteindre

un même degré d’expressivité et de per-sonnalisation.

Votre connaissance des techniques com-positionnelles et de la musique électro-nique a-t-elle influencé la manière dont vous jouez et improvisez en concert ?

Peut-être ai-je tendance à improviser comme un compositeur et à composer comme une interprète. Je veux que ma musique soit vivante et jouable, mais non sans frictions. Quand j’improvise, je cherche à produire des formes et des tex-tures intéressantes. La musique s’inscrit dans le temps, mais elle doit aussi pouvoir faire un pas hors du temps : est-il pos-sible de créer des couches simultanées qui soient en mesure de troubler une linéarité prévisible et ennuyeuse ?

À quoi moods IIIb, le sous-titre de Concerto for Voice, fait-il référence ?

Il fait référence à une série d’œuvres que j’ai commencées en 1997 avec des pièces de musique électronique. Avant cette série, j’avais fait l’analyse digitale du spectre harmonique d’une note de saxo-phone que j’avais trouvée intéressante. Mon intention était d’écrire une musique pour saxophone et électronique. Avant de composer le Concerto for Voice, j’avais déjà fait quelques esquisses dans les-quelles je tentais de transcrire ma propre musique électronique en une partition

Composer l’immédiatentretien avec MAJA RATKJe

compositrice et performeuse vocale

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pour instruments d’orchestre. Je voulais voir si c’était possible et cela m’amu-sait d’observer quels sons j’allais devoir demander aux instruments acoustiques. Le Concerto for Voice contient de longues sections issues de cet exercice. Mais écrire un concerto demande un matériau beau-coup plus important. J’ai donc continué à travailler sur la manière dont le son de l’ensemble pouvait rencontrer le son de ma voix, et sur la manière dont la voix pouvait être absorbée par le son orchestré de la musique électronique.

Dans votre travail, l’identité vocale est polyphonique, non monodique. La voix se multiplie, se divise et se dissout dans l’ensemble. Un concerto est néanmoins une sorte de drame. Comment avez-vous construit la forme musicale du Concerto for Voice ?

La forme du concerto est très présente dans cette œuvre, notamment par la cadence. La coda qui suit reprend les éléments harmoniques et les accords construits à partir du spectre de saxo-phone, et suit un mouvement graduel qui va du plus haut au plus bas. Les premières sections présentent ma voix et l’ensemble à deux reprises, avant d’offrir une varia-tion introduisant des éléments très diffé-rents, comme un duo de bruits de scie et de respirations.

Le Concerto for Voice utilise des tech-niques issues à la fois de la musique concrète et de la musique spectrale.

L’idée de musique concrète est effective-ment très importante dans mon travail : elle a profondément affecté ma manière d’écouter les sons. J’essaye de les écouter comme ils sont, non de manière associa-tive. La recherche des sons et ma capa-cité à identifier la fréquence et la texture de chacun d’entre eux me donnent des idées quand j’écris pour les instruments et quand je performe avec ma voix et l’élec-tronique. Pour moi, les éléments méta-phoriques ajoutent un artifice amusant aux autres dimensions, plus absolues, de la musique, un artifice parfois inattendu mais souvent bienvenu dans la mesure où il ajoute à l’ensemble une couche de sens imprévisible.

Ce qu’on appelle musique contemporaine est un champ qui ne cesse de s’étendre. Dans le Concerto for Voice, les pratiques de la performance et de l’improvisation ont joué un grand rôle dans l’écriture. En dehors de l’improvisation libre, quelles pratiques orales ont influencé votre mu-sique ?

L’usage de la voix comme instrument est courant dans la poésie sonore et dans le jazz d’avant-garde. Je me sens proche de

ces deux domaines, ayant collaboré avec le poète sonore Jaap Blonk ainsi qu’avec des musiciens de jazz moderne. J’ai aussi conservé une pratique active en collabo-rant avec le trio norvégien POING (saxo-phone, accordéon, contrebasse) : nous interprétons des chants révolutionnaires de toutes époques et de tous pays. Notre projet, intitulé Wach auf ! (Réveillez-vous !) [un cd est paru en 2011 sur le label Øra Fonogram], a commencé comme une célébration annuelle de la fête internatio-nale du travail, le 1er mai.

Dans ma jeunesse, j’avais l’habitude de chanter dans des chœurs, des comédies musicales et même d’obscurs groupes de country. Toutes ces expériences vocales et musicales ont fait de moi la musicienne et la compositrice que je suis aujourd’hui.

Propos recueillis par Hild Borchgrevink, musicologue et critique musicale

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Concerto for Voice sera joué le 23 septembre à Paris. Voir p. 26

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Der Riß durch den Tag (La Fissure du Jour, 2011) est votre deuxième mono-drame après Die Ebene (La Plaine, 1997) sur un texte de Hans Arp. Vous en avez ensuite composé un troisième, Le Voyage d’après Baudelaire, en 2012. Quel sens donnez-vous au terme « monodrame » ?

Le terme de monodrame est pour moi un « outil de sécurité »… Je l’utilise, faute de pouvoir trouver un terme plus adapté à la forme que je recherche. Arnold Schönberg a brillamment expérimenté la combinai-son entre un chanteur-comédien et un ensemble instrumental avec Pierrot lu-naire, erwartung et Die glückliche Hand. Le Voyage et Die ebene n’étaient pas intitu-lés explicitement « monodrames ». J’avais déjà largement exploré les potentialités de cette relation entre la voix parlée et la musique dans mon tout premier opéra, Berenice (2003-2004), sur un livret de Durs Grünbein d’après Edgar Allan Poe.

Quels sont les avantages et les inconvé-nients de cette forme intermédiaire ?

Le texte de Durs Grünbein que j’ai uti-lisé pour Der Riß durch den Tag est très poétique, pas du tout théâtral ou drama-tique – ce qui est également le cas pour les textes de Hans Arp et Charles Baudelaire. Seule la présence de l’acteur apporte ici une touche de théâtralité et donne pro-bablement au texte une dimension plus profonde et plus intense…

Il y a dans ces trois pièces des parties accompagnées, des passages instrumen-taux ou bien uniquement de la musique vocale. Pour un comédien, la musique doit fonctionner avec des signes très simples. Marcel Bozonnet dans Le Voyage, et Bruno Ganz dans Der Riß durch den Tag, se sen-taient un peu perturbés pendant les répé-titions par le fait de devoir interpréter le texte en interaction avec les musiciens. En définitive, cet environnement sonore leur a permis de repousser leurs limites. On a fixé ensemble des gestes indicateurs pour

marquer les entrées, accélérer ou ralentir le débit… Le récitant doit être attentif à bien placer ses phrases dans des inter-valles très précis mais garde la possibilité d’interpréter librement le texte – plus li-brement en tout cas qu’un chanteur. C’est en quelque sorte un raconteur…

N’y a-t-il pas justement un paradoxe à choisir des textes qui ne « racontent » rien ?

Der Riß durch den Tag est un poème extrait du recueil Nach den Satiren (D’après les satyres). C’est le monologue d’un angry old man (vieil homme acariâtre), avec un message au contenu très radical… Nous avons, comme chez Baudelaire, une voix dure, un peu méchante, qui dit des choses désagréables d’une manière tout à fait poétique et surprenante. Je n’ai pas voulu atténuer cette radicalité du texte, ni en dégager une forme de narration qui d’ail-leurs ne s’y trouvait pas. Durs Grünbein m’a laissé carte blanche pour effectuer des coupes et des inversions, à l’exception de quelques passages qu’il jugeait trop importants pour les supprimer.

Comment avez-vous rencontré Durs Grünbein ?

Je connaissais ses textes depuis long-temps. Le directeur artistique du Berliner Festspiele a eu l’idée de nous réunir autour de notre opéra Berenice. Nous collaborons maintenant depuis 2002 et sommes deve-nus amis. Nous avons beaucoup d’affi-nités et nous travaillons en commun à l’écriture d’un nouvel opéra qui sera créé à l’automne 2014 au festival de Lucerne : Die Antilope (L’Antilope).

Quelles ont été vos autres sources d’ins-piration pour Der Riß durch den Tag ?

J’ai été très marqué par ein Überlebender aus Warschau (Un Survivant de Varsovie) de Schönberg, mais également Cassandra

de mon ancien professeur Michael Jarrell. La dimension politique est très importante pour moi. Très loin de la naïveté du pre-mier monodrame (Le Pygmalion moderne de Jean-Jacques Rousseau), quelqu’un comme Bernd Aloïs Zimmermann a pous-sé très loin les potentialités esthétiques et politiques du genre, dans son Action ecclé-siastique « Ich wandte mich und sah an alles Unrecht, das geschah unter der Sonne » (Je me retournais, et considérais toute l’injus-tice qui est sous le soleil).

Comment s’exprime la dimension poli-tique dans votre pièce ?

La personnalité de Bruno Ganz m’a beau-coup inspiré pendant la composition de ma pièce. C’est un acteur très connu, no-tamment pour son interprétation d’Hitler dans La Chute. Der Riß durch den Tag a été commandé par la Staatskapelle de Dresde. C’était en quelque sorte ma façon person-nelle de répondre au concert de Wagner qu’avait dirigé Christian Thielemann, directeur musical de la Staatskapelle, le jour de la commémoration du bombarde-ment de Dresde. J’ai vu personnellement dans ce concert un symbole morbide et ambigu. La création de mon monodrame dans l’usine Volkswagen de Dresde par Asher Fisch a servi en quelque sorte de contrepoids à cet événement. Le point de vue politique est très important dans le texte de Grünbein, lui-même originaire de Dresde. Dans la troisième partie parlée et sans accompagnement, le récitant évoque l’Holocauste et ses répercussions dans la vie d’aujourd’hui. C’est une poésie très forte et émouvante.

Mettre en musique un monologue inté-rieur, n’est-ce pas contradictoire avec la solitude du texte ?

Contrairement au Voyage, je ne me suis pas contenté ici de mettre en musique le texte original. On pourrait bien entendu se contenter de lire le texte de Grünbein

La Fissure du Jour entretien avec

JoHANNeS MARIA STAUD, compositeur

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mais j’ai voulu que la musique l’illustre, le contredise et lui apporte une dimen-sion psychologique. C’est un peu comme pénétrer dans une entité musicale et tex-tuelle indivisible. Le texte est très allusif, très imagé, et possède une qualité de lan-gage d’une grande précision. L’utilisation d’effets sonores pour en faire une illustra-tion littérale ne m’intéressait pas. Comme l’a écrit Schönberg, le compositeur doit veiller à toujours faire quelque chose de très personnel avec le texte qu’il met en musique, sans l’envisager sous un angle naturaliste. D’un autre côté, on ne peut pas contredire en permanence le texte. Je suis un compositeur inspiré par le mot et par la poésie. Je n’écrirais sans doute pas de la même manière si je n’étais pas poussé par un texte.

Quels sont vos auteurs de prédilection ?

Des écritures très diverses mais toujours très complexes… La complexité de la langue de Bruno Schulz m’a inspiré deux pièces orchestrales (on Comparative Meteorology et on Comparative Meteo-rology II : Contrebande). Quand j’ai com-posé Der Riß durch den Tag, je lisais La Place de l’Étoile de Patrick Modiano. Cette porosité politique entre artistes et pouvoir politique m’a beaucoup intéressé et j’ai retrouvé cette idée dans le texte très fort et très puissant de Durs Grünbein.

Propos recueillis par David Verdier

Der Riß durch den Tag sera joué le 17 août à Lucerne. Voir p. 25

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SaisonDimanche 17 août11h - LUCERNE

KKL, Luzerner Saal LUCERNE FESTIVAL

Unsuk ChINDoppelkonzertpour piano, percussion et ensembleJohannes Maria STAUD Der Riß durch den TagMonodrame pour récitant et ensembleMatthias PINTSChER bereshitpour grand ensemble

Robert Hunger-Bühler, récitantDimitri Vassilakis, piano préparéSamuel Favre, percussions Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction

Renseignements et réservations : www.lucernefestival.ch

20h - PARIS Ircam, espace de projection

Matthias PINTSChERnemetonpour percussion Salvatore SCIARRINO Melencolia I. Estrapolazione del nucleo iniziale di Vanitaspour violoncelle et pianoJonathan hARVEY Dialogue & Songpour violoncelle et pianoBlaise UBALDINI Bérénicepour comédienne, trio à vent, percussion et électroniqueCréation mondiale, Cursus 2Carlo GESUALDO Canzon francese del Principepour quatre instrumentsClaude VIVIER Et je reverrai cette ville étrangepour ensemble de chambre

Caroline Imhof, comédienneSolistes de l'Ensemble intercontemporain Blaise Ubaldini, réalisation informatique musicale Ircam Jean Lochard, encadrement pédagogique Ircam

Coproduction Ensemble intercontemporain, Ircam / Les Spectacles vivants-Centre PompidouAvec le soutien de la Sacem (bourses d’étude aux jeunes compositeurs du Cursus 2)

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 78 12 40

Tarifs : 14€ / 10€ / 5€Réservations : - Ircam : 01 44 78 12 40 / www.ircam.fr- Centre Pompidou : aux caisses du Centre Pompidou / en ligne (plein tarif uniquement) : www.centrepompidou.fr/billetterie

Vendredi 12 septembre

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Mardi 23 septembre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concerts

Nina ŠENKIrispour alto et ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Maja Solveig Kjelstrup RATKJE Concerto for Voice (moods IIIb)pour petit orchestre et performeuseGustav MAhLER Das Lied von der Erdepour ténor, alto et orchestre de chambre (transcription Glen CORTESE)

Odile Auboin, altoMaja Solveig Kjelstrup Ratkje, voixLilli Paasikivi, mezzo-soprano Steve Davislim, ténor Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction Nicolas Berteloot, amplification

Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Pour ouvrir la saison parisienne de l’Ensemble intercontemporain, j’ai voulu mettre l’accent sur le chant, ses différents modes d’expression et ses évolutions. On entendra donc ici deux approches radicalement différentes du chant et de la voix. Ainsi l’œuvre de Mahler exige-t-elle un chant bien particulier. Non seulement son écriture vocale et les techniques vocales en jeu sont uniques dans tout le répertoire, mais l’allure de ces Lieder est singulière : à la fois très autrichienne, à la manière de Schubert, très légère, voire heureuse en surface, et extrêmement grave et tra-gique au fond. À l’autre bout du spectre, se trouve Maja Solveig Kjelstrup Ratkje : c’est une star en Scandinavie, mais elle reste méconnue en France. Il est grand temps que le public parisien la découvre. Maja est une musicienne très complète : vocaliste et compositrice – et si on abuse parfois du terme d’avant-gardiste, il est ici amplement mérité. Issue du jazz et de l’improvisation vocale, elle ne chante pas réellement, mais utilise sa voix d’une manière que je n’ai jamais entendue chez personne d’autre : elle peut produire des sons inouïs, qui semblent parfois ne pas être humains – tout en l’étant essentiellement – en posant un micro sur sa gorge ou sur ses joues. Toutes ses compositions découlent de ce qu’elle peut faire voca-lement : elle est sa propre soliste et utilise des machines à écrire, que les musiciens utilisent pour imiter les sons qu’elle produit avec sa voix. En outre, sa musique est très riche, en même tant que pleine d’esprit. Quant à Nina Šenk, c’est une de mes anciennes élèves. Pour cette commande, elle voulait initialement écrire pour la voix mais je l’ai encouragée à trouver des qualités propres au chant sans faire appel à la voix humaine : elle a aussitôt pensé à l’alto.

• Matthias Pintscher

Nina Šenk, quelles sont les sources de votre parcours de compositrice ?

Mon premier souvenir musical, c’est cette impression de puissance de la musique jouée en concert, cette manière qu’a la musique de vous prendre, physiquement, et de vous marquer jusqu’au plus profond de vous – une impression que je conti-nue à éprouver, d’ailleurs : j’accorde une grande attention à ce qui peut toucher, de manière physique, l’auditeur, à ces gestes musicaux qui vous saisissent et vous donnent envie d’écouter davantage. C’est ainsi que je privilégie toujours, au moins localement, un caractère puissant dans ma musique.

Ensuite, ce fut le jazz : ses lignes mélo-diques qui se déploient au cours de l’im-provisation, et ses structures rythmiques sur lesquelles s’élabore le discours – et, là encore, des gestes, parfois très agressifs, qui vous saisissent inévitablement. J’aime les flux rythmiques qui, au contraire de tous ces rythmes flottants si courants dans la musique contemporaine, restent ancrés dans une carrure – et retombent ainsi, un moment ou un autre, sur leurs pattes. Et puis la virtuosité instrumentale et la formidable diversité des possibles à partir d’une ligne unique, interprétée par un musicien seul en articulation avec l’ensemble. Si on écoute ma musique, et notamment mon traitement de la trom-pette, on entend beaucoup du Kind of Blue de Miles Davis – certains musiciens me taquinent d’ailleurs à ce sujet.

Avec le temps, toutes ces inspirations se sont fondues dans un tout plus vaste :

je souhaite toujours toucher mon public, mais plus subtilement. Je désire le guider plus que le surprendre, sans abandon-ner l’idée d’un phénomène musical qui les emporte. Je veux toujours « raconter une histoire ».

« Raconter une histoire » : y aurait-il un élément narratif dans votre écriture ?

Oui, mais qui n’apparaît pas de manière aussi évidente. La forme de mes pièces et les diverses étapes de leur développe-ment suivent souvent une intrigue. J’ai ainsi composé une série de pièces pour orchestre d’après des textes surréalistes de Michael Ende. J’ai également écrit un concerto pour accordéon et cordes d’après un conte pour adultes d’Hermann Hesse. Mais je n’annonce pas ces sources d’ins-piration à mon public et ne précise pas qu’il s’agit d’une « illustration musicale » du texte : il me sert de point de départ, m’aide à élaborer la forme et à aller d’un point à un autre.

Diriez-vous que votre pays d’origine, la Slovénie, transparaît dans votre mu-sique ?

Quand une de mes œuvres est jouée en Allemagne, c’est une remarque qu’on me fait souvent : on me dit entendre les Balkans dans ma musique ! C’est sans doute vrai. Surtout à mes débuts. Quand on voyage loin de chez soi, on a probable-ment besoin de garder un lien avec ses racines, et c’est peut-être de cette manière que je l’ai préservé. Ce n’est que lorsque

l’on s’établit enfin quelque part qu’on peut développer un langage vraiment personnel.

Votre catalogue témoigne d’un intérêt pour les formes concertantes…

C’est l’interaction de l’individu et de la société qui m’intéresse, jusque dans les journées les plus dures, quand nous devons véritablement nous forcer pour aller nous confronter à l’autre et au réel – une expérience courante dans la vie de compositeur. Dans chacune de ces pièces plus ou moins concertantes, la ligne direc-trice impulsée par le soliste affecte soit la masse de l’orchestre et la manière dont il évolue, soit, à l’inverse, est influencée par les gestes de l’orchestre.

Peut-être cela vient-il, en partie du moins, de mon goût pour le jazz, dans le-quel l’attention est occupée tour à tour par chaque instrument. Dans l’improvisation, le soliste a toujours le loisir de dévelop-per de nouvelles idées – et l’ensemble se doit de réagir à ces nouvelles propositions. L’esthétique de ma musique a évolué de-puis, mais j’ai toujours aimé la dynamique du « un contre tous ».

C’est votre première collaboration avec l’Ensemble intercontemporain : quelles sont vos impressions ?

Quand on est jeune, on entend parler de ces ensembles, on les écoute, on les admire, on rêve de travailler avec eux un jour. Et quand ça arrive enfin, c’est tou-jours un peu intimidant !

entretien avec NINA ŠeNK, compositrice

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Pour cette commande, vous avez choisi l’effectif d’alto et ensemble. Pourquoi cela ?

J’ai choisi l’alto, car j’ai déjà écrit trois concertos pour violon ! L’alto est pour moi un instrument fascinant auquel j’ai déjà donné un rôle plus ou moins soliste au sein de l’orchestre ou de l’Ensemble, sans jamais le mettre en avant. C’est un instru-ment assez doux, qu’il faut savoir faire sonner autrement que le violon. C’est aussi ce que j’aime dans mon travail : me donner des défis à relever. Je me refuse à rester confortablement dans un univers que je connais déjà.

Vous écrivez pour Odile Auboin, altiste de l’Ensemble : comment travaillez-vous avec elle ?

Je n’ai eu que quatorze jours pour pré-parer ma première rencontre avec elle. J’ai imaginé quelques idées musicales que j’aimerais tester – d’abord pour moi-même. Ce que j’aime, c’est arriver à réel-lement connaître le soliste pour lequel j’écris – Odile, en l’occurrence –, pas seu-lement pour savoir ce qu’on peut expéri-menter ensemble, mais pour le connaître au point de savoir ce qui lui convient, ce qui sonne le mieux sous ses doigts. C’est toujours un long processus, une étroite collaboration. Je n’écris pas pour un ins-trument, mais pour celle ou celui qui va créer la pièce. Ainsi, l’œuvre est-elle véri-tablement cousue sur mesure pour cette personne.

Avez-vous un texte dont vous voudriez partir, comme vous en avez l’habitude ?

Je suis encore en train de chercher. J’espère en trouver un qui convienne. La partition se situera sans doute dans la continuité d’une série de pièces concer-tantes écrites ces dernières années avec mon troisième concerto pour violon, Into

20h - COLOGNEPhilharmonie

Matthias PINTSChER sonic eclipse I : celestial object Ipour trompette et ensemble sonic eclipse II : celestial object IIpour cor et ensemble sonic eclipse III : occultationpour cor, trompette et ensembleGustav MAhLER Das Lied von der Erdepour ténor, alto et orchestre de chambre (transcription Glen CORTESE)

Clément Saunier, trompetteJean-Christophe Vervoitte, cor Lilli Paasikivi, mezzo-sopranoSteve Davislim, ténor Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction

Renseignements et réservations : www.koelner-philharmonie.de

Jeudi 2 octobre 20h30 - STRASBOURG Auditorium France 3 Alsace FESTIVAL MUSICA

Dieter AMMANN Nouvelle œuvrepour ensemble Création mondiale / commandeEnsemble intercontemporain, Musica, festival international des musiques d'aujourd'hui de Strasbourg, avec le soutien de Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture

Ondřej ADÁMEKNôisepour orchestre Matthias PINTSChER bereshitpour grand ensemble

Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction

Renseignements et réservations : www.festivalmusica.org

Nina Šenk

Dimanche 28 septembrethe Shades, ou mon œuvre pour trompette et cordes, Dialogues and Circles.

Ces pièces sont toutes le résultat des pensées qui m’habitent. Ainsi, pour Schnitt [« coupe » en allemand] pour saxophone et ensemble, je suis partie de l’idée de la coupure et du sang qui s’en écoule – non pas une hémorragie, mais comme la réaction du sang à la coupure. J’affine de plus en plus ce concept auquel je tiens particulièrement. Un peu comme un peintre qui explore inlassablement le même sujet jusqu’à atteindre son cœur,

avant de passer à autre chose. C’est un processus d’approfondissement jusqu’à parvenir à la perfection du geste : sans être une même pièce qu’on réécrirait sans cesse, c’est toujours la même question que je me pose en composant..

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

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Samedi 4 octobre 20h30 - STRASBOURG Cité de la musique et de la danse FESTIVAL MUSICA

TE CRAINDRE EN TON ABSENCE

hèctor PARRA, musiqueMarie NDIAYE, texteGeorges LAVAUDANT, mise en scène et lumièresJean-Pierre VERGIER, scénographie et costumes

Astrid Bas, récitanteEnsemble intercontemporainJulien Leroy, directionThomas Goepfer, réalisation informatique musicale Ircam

Production C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du NordCoproduction LG Théâtre / Ensemble intercontemporain / Ircam-Centre Pompidou / Opéra Théâtre de Saint- ÉtienneAvec le soutien amical de la Ernst von Siemens Musikstiftung et le soutien de l’association Beaumarchais-SACD

Renseignements et réservations : www.festivalmusica.org

Jeudi 9 octobre 21h - LES LILAS Le Triton, scène de musiques présentes

INTERSESSION # 14

Jérôme Comte, clarinette Eric-Maria Couturier, violoncelle Nicolas Crosse, contrebassePaul Lay, piano

Tarifs : 17,50€ / 14,50€ / 12€Réservations : 01 49 72 83 13 www.letriton.com

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Je n’ai parfois pas le temps de trouver un titre, et j’ai besoin de prendre conseil au-près de gens en lesquels j’ai confiance et dont je me sens intellectuellement proche. Ce peut être un écrivain, un universi-taire spécialiste des textes sacrés juifs, un rabbin, un scientifique, un poète ou un dramaturge. J’aime travailler avec des personnes qui évoluent hors du monde musical. Elles m’apportent une vision plus vaste, un point de vue différent, et parfois, leur érudition aidant, plus précis.

L’œuvre que quelques solistes de l’En-semble intercontemporain et Matthias Pintscher ont créée en avril 2013 à Heidelberg dans le cadre de l’Académie des jeunes compositeurs s’intitule Hedef (mot hébreux désignant l’onde de choc). C’est la seule pièce dont le titre me soit venu immédiatement en commençant à composer. En raison de mes expériences passées, j’ai pu immédiatement appré-hender tout ce que ce mot pouvait appor-ter en termes de perception du temps et de réalité physique et émotionnelle. L’œuvre m’est alors apparue dans sa globalité, et le titre a été un moteur du processus com-positionnel.

Votre pays d’origine, Israël, sa culture, ainsi que la ville de New York où vous vivez actuellement transparaissent-ils dans votre musique ?

Laissez-moi vous raconter une anecdote : en août 2013, j’étais à Brooklyn avec un vieil ami lorsque j’ai entendu le raffut d’un métro approchant dans le lointain. Nous étions assis sous la structure mas-sive du pont de Manhattan, ce colosse d’acier vieux d’un siècle qui supporte sur un peu plus de deux kilomètres un intense trafic automobile ainsi que quatre lignes de métro, une piste cyclable et un espace

piétonnier. Mon ami n’avait jamais vu de structure aussi imposante, jamais vu autant de métal et d’acier réuni en un seul endroit. Il n’y a en effet rien de compa-rable en Israël.

À mesure que le métro approchait, j’ai tout d’abord entendu le fracas des par-ties métalliques se heurtant les unes aux autres, tel un épais brouillard de bruits. Puis de nouveaux sons se sont ajoutés à cette image : des sons stridents, des cli-quetis, des chocs, des vrombissements. Des partielles harmoniques apparais-saient et se démultipliaient, envahissant tout le spectre sonore. Le volume est monté jusqu’à atteindre des sommets, et toutes ces notes se sont fondues dans un geste puissant. Le pont tremblait, le tumulte était si grand que nous avons dû nous boucher les oreilles. À son plus fort niveau, le son avait quasiment la même puissance qu’un grand orchestre symphonique poussé au maximum de sa puissance. Où cela s’arrêterait-il ? Le pont imploserait-il ? Non. Le chaos laissa place à l’accalmie, jusqu’à ce qu’un nouveau train arrive dans le lointain.

Ma musique se nourrit du conflit, de la friction, de la résistance. Je suis très ému par la capacité qu’ont ces forces puis-santes à créer un mouvement, un geste, une forme. Je suis intrigué par l’idée d’une coexistence des extrêmes ou d’éléments contradictoires.

Une grande partie de mes recherches sonores consiste à rapprocher deux élé-ments apparemment en conflit et à les diviser en briques élémentaires pour voir ce dont ils sont faits, ce qui les lie, ce qui me permettrait de les fondre dans une méta-dimension qui dépasse le matériau d’origine et serait plus riche en saveurs…

Cette aspiration à « résoudre » les conflits est peut-être une conséquence

de ma jeunesse en Israël et de la réalité que cela suppose. Je constate toutefois que le conflit fait aujourd’hui partie de notre quotidien – une réflexion que je me suis faite en grande partie à New York. Vivant dans cette ville depuis sept ans, j’ai été très influencé par son urbanisme unique, où coexistent une forme de chaos organisé, l’intuition et l’improvisation, et la planification systématique.

Il m’arrive fréquemment d’essayer d’imaginer l’agitation frénétique de New York telle qu’elle serait vue par un oiseau la survolant. D’un côté, on a le mouve-ment intuitif, impulsif, presque instinc-tif des voitures, des trains, des piétons, changeant constamment de direction – à mon sens, c’est un très bel exemple d’un système excessivement complexe, en dé-séquilibre et asymétrie totale, dans toutes les dimensions, du point de vue du temps comme de l’espace. De l’autre côté, si on scrute le moindre détail, on peut remar-quer une certaine régularité dans le chaos, la temporalité des feux de circulation est automatisée, la circulation des trains suit un horaire précis (mais qui change sou-vent sans prévenir), les heures de pointe arrivent chaque jour au même moment. Lorsque l’on observe avec attention, on découvre ainsi l’ordre et l’imperturbable dans le chaos. Malgré les mouvements apparemment intuitifs, naturels, rapides aux motivations complexes et désorgani-sées, une structure limpide se dégage, une hiérarchie, une permanence, une unité. Je suis fasciné par ce qui rapproche le mouvement systématique du mouvement intuitif. J’aspire aux formes et aux struc-tures multidimensionnelles.

J’ai été tout autant touché par l’expres-sionnisme abstrait de Jackson Pollock quand je l’ai vu pour la première fois : cette multitude de dimensions, autant

Samedi 11 octobre20h - VENISE

Teatro alle Tese FESTIVAL INTERNAZIONALE DI MUSICA CONTEMPORANEA DE LA BIENNALE DI VENEZIA

Amir ShPILMANNouvelle œuvrepour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain, Biennale di VeneziaOndřej ADÁMEKChamber Nôisepour violoncelle et contrebasseDenys BOULIANE Rythmes et échos des rivages anticostienspour quinze instrumentistesDai FUJIKURA Fifth Stationpour ensembleGyörgy LIGETI Concerto de chambrepour treize instrumentistes

Ensemble intercontemporainJean-Michaël Lavoie, direction

Renseignements et réservations :www.labiennale.org/it/musica

J’ai rencontré Amir Shpilman à New York, lors d’une répétition de l’Interna-tional Contemporary Ensemble à laquelle il assistait. Nous avons parlé, et j’ai aussitôt été frappé par cette grande complicité entre nous. On aurait presque dit deux frères… J’ai ensuite lu sa musique, et j’ai découvert un compositeur qui a un extraordinaire besoin d’exprimer, mais qui, à l’époque (c’était il y a quelques années), n’avait pas encore les outils pour le faire, pour fabriquer le matériau musical nécessaire. Aujourd’hui, si je compare son travail aux centaines de partitions que je lis chaque année – souvent si élégantes et intelligentes, mais vides de sentiments –, je constate qu’il ne se contente pas de générer des notes. Bien au contraire, écrire chaque note exige de lui des efforts considérables, mais il est mu par une véritable urgence de s’exprimer. Sa musique vient du plus profond de lui. Quand je dirige ses œuvres, il n’est pas rare que des gens dans le public fondent en larmes, sans savoir vraiment pourquoi, tant sa musique est forte. C’est une voix unique sur la scène contem-poraine. En outre, si l’on connaît déjà Chaya Czernowin, je pense que nous nous devons de présenter des compositeurs israéliens. Nous devons ouvrir nos portes à des compositeurs de multiples nationalités.

• Matthias Pintscher

entretien avec AMIR SHPILMAN compositeurAmir Shpilman, lorsqu’on parcourt le catalogue de vos œuvres, on découvre des titres d’essence poétique (As if These Clouds, The Space Between), d’autres en hébreux (Hedef, Sheketak, Kol Nidrei) et certains de nature quasi scientifique (Asymptote 1 et 2). Traduisent-ils des sources d’inspirations extra-musicales pour vos créations ?

Pour être honnête, j’ai longtemps détesté les titres. Même si celui-ci fait partie de la composition, et qu’il représente le pre-mier contact que le public aura avec une œuvre, j’ai l’impression que le titre limite l’œuvre, lui tenant lieu de packaging – ce que je déteste par-dessus tout dans notre monde moderne. Pour moi, seul le conte-nu est important, pas le contenant.

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dans le détail que dans une plus large perspective, que notre œil peut appréhen-der en un regard, comme un flash rapide, et qui fait apparaître de nombreux phé-nomènes. On perçoit un univers entier en une fraction de seconde. Depuis, j’aspire à produire une expérience similaire avec ma musique.

Matthias Pintscher m’a dit un jour que, malgré mon expérience, je suis comme un gamin qui aborde chaque nouvelle pièce comme si je voyais le monde pour la première fois – plutôt que de me fixer un cheminement compositionnel.

Est-ce le cas pour cette commande de l’Ensemble intercontemporain qui sera créée à Venise, dans le cadre de la Biennale ?

J’ai grandi sur la côte méditerranéenne, dans les environs de Tel Aviv, où transite une intense activité maritime, et j’ai éga-lement servi dans la marine israélienne. La mer est un thème récurrent dans ma musique, et particulièrement important pour moi. Les vagues représentent à mes yeux une formidable impulsion qui char-rie de nombreuses informations et détails. En dépit de sa croissance inlassable et de son infatigable mouvement en avant, la vague peut être perçue comme une entité stable, immobile, alors qu’elle s’avance vers nous, sans aucune retenue possible. J’essaie ici de donner le sentiment d’une vague éternelle, qui serait en même temps statique et mouvante.

Pour écrire cette pièce, j’ai pris conseil auprès du compositeur Franz Martin Olbrisch qui a une grande maîtrise de l’informatique musicale mais aussi des

musiques électroacoustiques et instru-mentales.

Au moyen de processus algorithmiques – l’ordinateur est ici un outil –, il m’a aidé à traduire mes idées en architecture vi-suelle, ce qui me permet ensuite de les transcrire en valeurs musicales précises, qui ont trait au nombre de vaguelettes mi-crotonales de tailles variées qui agitent la partition. J’aspire ici à l’unité du matériau. Chaque détail représente la forme globale de la pièce, et la forme globale de la pièce est présente dans chaque détail.

Je suis très honoré que l’Ensemble intercontemporain me donne l’occasion de tenter de recréer cette grande vague avec quatorze musiciens. J’ai hâte de voir comment elle déferlera sur Venise lors de la Biennale en octobre.

Quel regard portez-vous sur la forma-tion de compositeur ?

J’ai le sentiment d’avoir fait mes études dans un milieu très privilégié, qui me lais-sait une grande liberté tout en m’encou-rageant à découvrir ma voix intérieure. Ma formation correspond à ce que j’avais l’intention de faire. Lorsque j’ai pu avoir l’impression de ne pas avoir accès à ce dont j’avais besoin, je l’ai trouvé par moi-même. Je me souviens que, à l’université, j’avais l’habitude d’aller écouter les ré-pétitions des meilleurs ensembles de la ville, tels ICE, Wet Ink, Either/Or, Talea… Je suivais la partition, j’observais la ma-nière dont les musiciens se préparaient aux divers défis de l’interprétation. Ce fut une merveilleuse école.

Mes professeurs de composition – parmi lesquels Jason Eckardt ou, plus

récemment, Mark Andre – ont été très im-portants pour le développement de ma ré-flexion et pour l’apprentissage des divers processus compositionnels. Mes leçons ont toujours été des moments très intimes. Les professeurs sont souvent les seules personnes au monde auxquelles on révèle ses plus grands secrets et aspirations. Des secrets que seule la musique peut dire. Et ils sont suffisamment intelligents pour distinguer, par-delà la partition, la direc-tion à prendre.

Enfin, j’ai fondé à New York, en 2012, l’ensemble Moto Perpetuo, grâce auquel j’ai eu le privilège de travailler avec maints interprètes extraordinaires et ouverts d’esprit. J’ai parfois l’impression que ces musiciens ont été mes meilleurs professeurs.

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cet ensemble ?

Je souhaitais créer un collectif qui serait un moteur dans l’exploration de nouvelles idées. Depuis le temps que j’habite New York, j’ai aussi ressenti le besoin d’une « famille » artistique. J’ai souhaité qu’elle soit composée d’interprètes engagés, créatifs et polyvalents. Un groupe qui prenne le temps d’approfondir les lan-gages des musiques d’avant-garde et de développer de grandes qualités d’inter-prétation.

En plus des concerts, au sens conven-tionnel du terme, l’ensemble se spécialise dans la collaboration artistique comme moyen d’innovation, et travaille fré-quemment avec des personnalités issues d’autres disciplines : architectes, choré-graphes, artistes visuels, dessinateurs de

mode. Ce goût pour l’expérimentation et la rencontre entre les arts et les artistes est d’ailleurs quelque chose que j’ai en commun avec Matthias Pintscher.

Comment l’avez vous rencontré ?

Je l’ai rencontré à New York au cours d’une répétition de l’International Contemporary Ensemble, qu’il dirigeait. Il est comme un frère pour moi en même temps qu’un modèle et un mentor. Notre amitié artistique m’est très chère, et a, jusqu’à présent, joué un grand rôle dans mon cheminement en tant que musicien.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Amir Shpilman

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Vendredi 17 octobre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concertsFESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS

Clara IANNOTTAIntent on Resurrection — Spring or Some Such Thingpour dix-sept musiciens Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain, festival d'Automne à Paris Luigi NONO Omaggio a György Kurtágpour contralto, flûte, clarinette, tuba et électronique en temps réel helmut LAChENMANN Concertini pour ensemble

Lucile Richardot, contralto Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction SWR Experimentalstudio, dispositif électronique André Richard, projection du son

Coproduction Ensemble intercontemporain, Festival d'Automne à Paris, Cité de la musique

Avec le soutien de Mécénat Musical Société Générale et de la Fondation Ernst von Siemens pour la musique

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Dans le cadre du «Portrait Luigi Nono» proposé par le Festival d'Automne à Paris

Tarif : 18€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Quand je n’étais encore qu’un jeune compositeur en de-venir, Helmut Lachenmann – avec Hans Werner Henze, auquel il s’opposa pourtant si fortement – fut certainement l’un des phares les plus déterminants dans mon chemine-ment esthétique. C’est un musicien incroyablement sincère et généreux. Et c’est aussi un formidable professeur, même si je n’ai jamais été son élève à proprement parler. Il m’a fait tout remettre en question. À chaque rencontre, nous avons eu de riches conversations amicales : nous parlions d’esthé-tique, mais aussi de la vie en général. C’est un mentor, non seulement par sa pensée musicale, mais aussi par sa clair-voyance et sa sagesse, et par l’affection que nous éprouvons l’un pour l’autre. Pour un jeune compositeur, le chemin est solitaire et semé d’embûches, mais de le savoir là, non pas à guider mes pas, mais à veiller sur eux, était très rassurant.Quant à Luigi Nono, c’était sans doute l’une des personnes les plus proches et les plus chères au cœur de Lachenmann – et vice versa. On a publié récemment leur correspondance : ils s’écrivaient presque tous les jours. C’est l’un des plus extraordinaires partenariats artistiques du xxe siècle, à l’instar de Stravinsky/Diaghilev, ou de Rimbaud/Verlaine, ou de Van Gogh/Gauguin. Esthétiquement, ils sont le pen-dant l’un de l’autre.

• Matthias Pintscher

Nous vivons une époque où l’accès aux partitions et la circulation des œuvres est facile. J’imagine que quand vous avez commencé à étudier la composition, en 1954, la situation était encore très dif-férente, par exemple quant à la connais-sance de l’École de Vienne.

J’ai réussi, à l’époque, à me procurer par toutes sortes de biais les grandes partitions d’orchestre. J’avais connu Anton Webern surtout parce que Wolfgang Fortner, qui enseignait la composition à Fribourg et avait là-bas un ensemble d’étudiants, avait dirigé (tant bien que mal) le Concerto op. 24 et la Symphonie op. 22. Mon propre professeur, Johann Nepomuk David, avait fait presser un disque à partir de cet enre-gistrement que j’écoutais en boucle. En 1957, lorsque je suis venu pour la pre-mière fois à Darmstadt, il y a eu une ana-lyse très détaillée de la cantate Augenlicht de Webern par Hermann Scherchen, et c’est lui au fond qui m’a fait connaître son travail. Je me souviens aussi qu’il n’exis-tait pas encore à l’époque de partition publiée de Wozzeck et j’ai dû emprun-ter la grande partition du chef. J’ai aussi recopié le Concerto de chambre de Berg, qui appartenait à la radio de Stuttgart, et j’ai fait de même pour Webern. Le premier mouvement de sa symphonie est un double canon ; je l’ai donc déplié et noté sur quatre portées, comme dans une particelle. J’usais beaucoup de papier à l’époque pour ce type de travaux. J’ai également reproduit Kontra-Punkte de Stockhausen, déjà publié par Universal mais que j’apprenais ainsi vraiment à connaître en prenant chaque son dans la main. Nous n’avions pas non plus accès en Allemagne au Trio à cordes de Schönberg, publié par un éditeur américain ; là aussi je recopiais. Et puis finalement,

la raison pour laquelle Nono a accepté de me prendre comme élève (au lieu de se consacrer à sa femme et à sa composition, dans cet ordre, comme il me le disait dans une lettre… 1), c’est que je lui avais envoyé ses Varianti entièrement recopiés par moi. C’était un peu comme pour la Torah chez les Juifs : j’avais conçu une sorte de copie verticale, en rouleau, qui faisait apparaître les variations progressives.

Est-ce que les expériences d’écoute ont ensuite confirmé (ou infirmé) ce qu’on pouvait imaginer à partir de la partition ?

Disons que pour ce qui est de l’École de Vienne, comme je jouais aussi les Variations op. 27 de Webern, je saisissais bien l’esprit de cette musique. Nono, c’est différent – j’aurais pu contempler tout aussi bien une constellation. J’y voyais une sorte de paysage, encore que la partition était relativement suggestive à cause des indications dynamiques, des crescendos sur une seule note ; il y avait des gestes rhé-toriques que l’on repérait. C’est une chose d’ailleurs d’imaginer par avance l’appa-rence sonore d’une musique, et une autre de prévoir son apparence expressive. Et quant à Nono, je crois bien qu’il « n’enten-dait » pas vraiment ce qu’il composait – je dis là une chose horrible à imaginer pour un musicien français ! Mais il n’y avait alors à Venise aucune musique contem-poraine à écouter, rien, contrairement à Berio, qui pouvait travailler avec des en-sembles comme Stockhausen ou Boulez. Nono était dans son appartement sur la Giudecca et il a du coup choisi des effectifs très homogènes : des voix, quelques per-cussions sélectionnées, comme dans Cori di Didone, un monde sonore qu’il pouvait imaginer parfaitement et auquel il appli-quait un travail de combinatoire. Souvent,

il était le premier surpris par le résultat, voire choqué ! Mais pour moi, cet élément de surprise est très important ; comme je le dis souvent, un compositeur qui sait ce qu’il veut ne veut que ce qu’il sait.

Avez-vous expérimenté ce genre de chocs quand vous avez entendu des exécutions de votre propre musique ?

À partir du moment où j’avais conçu la « musique concrète instrumentale », qui formalise la production immédiate du son, c’est-à-dire l’énergie, la force ou la dou-ceur qu’il faut mobiliser, j’avais une image relativement claire des sons qui allaient résulter de tous ces nouveaux modes de jeu. Mais malgré tout, ce type de pièces – Mouvement par exemple –, et même celles d’aujourd’hui, acquièrent souvent dans l’interprétation une expressivité que je n’ai pas intégrée par avance. Elles deviennent « symphoniques » pour ainsi dire. Je veux toujours créer des paysages de sons, des situations sonores qui se transforment, et voilà qu’elles ont soudain ce caractère « parlant ».

Vous avez dû affronter au début beau-coup de réactions hostiles de la part de musiciens d’orchestre. Est-ce que cela a changé avec le temps ?

Il subsiste toujours des réfractaires em-busqués – comme ces guerriers japonais qui attendent encore sur je ne sais quelle île la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a toujours quelque part des premiers pupitres de contrebasse qui disent : « Non, Lachenmann, ça ne fait pas partie du ré-pertoire, nous ne sommes pas disposés à jouer cela. » Pour beaucoup d’entre eux, les limites s’arrêtent à ce que Richard Strauss a prévu pour leur instrument. Mais il y a,

entretien avec HeLMUT LACHeNMANN, compositeur

1 Lettre du 29 octobre 1957, Alla ricerca della chiarezza. L’epistolario Helmut Lachenmann-Luigi Nono (1957-1990), Leo S. Olschki, Florence, 2012, p. 10.

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heureusement, d’autres réactions ; après tout, le Philharmonique de Berlin s’y est maintenant mis, et il y a également le rôle positif des musiciens qui jouent dans les ensembles, ce qui a produit une synergie, du moins un changement des mentalités. Et il y a beaucoup plus de curiosité parmi les jeunes.

Reste la question du planning des ré-pétitions. De façon générale, tout le monde pense que pendant une répétition, on joue, on n’apprend pas. Et je répète sou-vent dans les conservatoires, qu’au fond, la qualité professionnelle d’un musicien se repère aussi dans cette capacité hu-maine et technique qui fait qu’il acceptera d’être malhabile durant une répétition, et donc d’apprendre encore. Pour jouer des œuvres de Wolfgang Rihm, cela n’est bien sûr pas nécessaire, mais pour rendre par exemple toute la brillance de la musique de Salvatore Sciarrino, il faut que les ré-flexes corporels y soient. Ne parlons pas des États-Unis, où les orchestres répètent beaucoup moins encore. Des répétitions partielles, par groupes, comme je les ré-clame depuis toujours, sont impossibles ; je crois qu’au Philharmonique de Berlin, c’est arrivé pour la première fois quand ils ont répété mon Tableau.

Est-ce que le CD-Rom qui est dédié à vos modes de jeu 2 est lié à ces problèmes ?

Il s’agit de transmettre rapidement aux musiciens qui désirent jouer ma musique la notation, le geste à exécuter et le résul-tat sonore. Malgré tout, il reste la ques-tion des réflexes des musiciens. Quand les cordes jouent le début du Don Juan de Strauss, on jette l’archet sur la corde au dernier moment et l’élan est lancé. Alors quand ils voient une succession trémolo, pizzicato-Bartók, harmonique, il leur faut

trouver un autre réflexe corporel ; si la chorégraphie de ces gestes n’est pas fami-lière au musicien, tous ces changements resteront très peu assurés. Sur ce CD-Rom, on isole les sons et on décompose le geste ; comment, par exemple, pour un son pressé, l’archet doit venir vers le torse et non, comme d’habitude, s’en éloigner. Et quand on joue un col legno saltando tout léger, de manière à ne percevoir que le bois frappant le crin, il ne faut absolu-ment pas que l’archet bouge horizontale-ment, en poussé ou en levé ; et là, même des professionnels absolus comme Irvine Arditti doivent se surveiller pour ne pas retomber dans ce geste de l’archet qui quitte l’instrument vers l’arrière, comme c’est indiqué dans la méthode de violon de Ševčik. Bref, c’est tout un travail contre les déformations professionnelles (en français dans le texte) dont il faut simplement se rendre compte.

Est-ce que vous reliez toujours la notion de « musique concrète instrumentale » à vos œuvres récentes ?

J’ai en fait retrouvé le son « philharmo-nique », je l’ai intégré dans mon arsenal, et cela dès Allegro sostenuto. Dans Concertini ou le troisième Quatuor, on trouve même des figures presque virtuoses, enlevées. Mais l’idée de départ demeure : c’est une musique qui part de l’interrogation du geste et de l’énergie. Un trémolo est lui aussi une situation énergétique, ou bien le vibrato, ou le glissando. J’ai donc inter-rogé ces modèles ou figures très tradition-nelles sous le rapport de l’énergie ; quand huit cors tiennent un long accord dans un adagio de Bruckner, l’auditeur reçoit aussi l’impression d’un immense pou-mon… Un des premiers résultats aura été Allegro sostenuto, dont certaines sections

abordent par exemple sur ce qui arrive à la musique quand on l’accélère, quand on la déchaîne. Il ne s’agit donc pas de déna-turer mais de défamiliariser en créant des contextes nouveaux ; non pas de collec-tionner des sons étranges, mais d’inscrire tout un arsenal dans cette « philosophie » du concret.

Vous avez parfois fait une distinction entre une « musique comme texte » et une « musique comme situation ». Est-ce que cela décrit une évolution de la musique au xxe siècle, ou une sorte de polarité dans chaque œuvre ?

La musique comme texte, je l’associerais à une musique dont l’élaboration s’appuie sur l’écriture, comme certaines œuvres de Boulez ou Ferneyhough – ce que disent d’ailleurs certains de leurs titres : « glose », « commentaire », « parenthèse », « supers-criptio », « lemme », etc. Une situation, c’est surtout quelque chose qui se transforme ; quand je suis en montagne et que je re-garde la vallée, le crépuscule vient, ou bien je commence à avoir faim, etc. Il y a donc toujours un processus en cours. Le danger de la situation, c’est de verser dans l’idylle – le confort d’une situation d’écoute où rien n’évolue, une écoute « bourgeoise » qui ne vise pas l’anatomie d’une musique, mais qui s’en enveloppe, qui se berce.

Cependant, il y a là une sorte de dia-lectique : tout texte est aussi une situation, ou bien peut être écouté comme tel, de même qu’en écoutant un discours, je peux viser le sens de ce qui est dit ou viser la manière dont il est proféré. Par exemple, une fugue de Bach est un texte, mais que je peux vivre comme une situation qui évo-lue. Le début de la Quatrième de Bruckner est une situation, ou le début de L’or du Rhin : ce n’est pas encore un texte, c’est

une situation presque magique, inter-rompue ensuite par les filles du Rhin qui commencent à chanter sur la sous-domi-nante, et alors quelque chose comme un discours musical s’enclenche. Chez moi, le pôle de la situation prédomine parfois. C’est le cas dans Concertini où il y a toute une série de situations « concertantes », mais qui impliquent aussitôt des proces-sus, des transformations : par exemple quand telle technique propre à la harpe ou à la guitare gagne l’ensemble entier, ce qui donne de petits « concertos grattés », ou bien des « solos » qui sont des mouve-ments d’un son dans l’espace.

Cela se rapproche un peu de la notion d’arpège, que vous prenez toujours dans un sens plus large.

Dans mon idée, un arpège, ce n’est pas seulement des hauteurs qui forment un ensemble. On peut imaginer des arpèges faits d’actions, d’objets, de sonorités qui, sous une certaine perspective, ont un rapport, un élément commun, une paren-té. Un arpège est alors une unité musicale qui abrite et rassemble des actions qui paraissent d’abord très différentes et dont on découvre la parenté. On m’a souvent demandé : quelle est votre conception de la forme ? Elle est identique chez moi avec ce trajet qui découvre et fait apparaître des parentés. Je ne produis pas une suc-cession, un « l’un après l’autre », mais une transformation, une interaction nouvelle, un « l’un vers l’autre ».

Propos recueillis par Martin Kaltenecker

2 Matthias Hermann, Maciej Walecek, erweiterte Spieltechniken in der Musik von Helmut Lachenmann, CD-Rom, Breitkopf & Härtel, Wiesbaden, 2013.

Helmut Lachenmann

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Lundi 3 novembre 20h - MILAN Teatro alla ScalaFESTIVAL DI MILANO MUSICA

Maurice RAVELIntroduction et allegropour harpe, flûte, clarinette et quatuor à cordes Fausto ROMITELLIMediterraneo, partie I : « Les idoles du soleil »pour ensembleMediterraneo, partie II : « L’azur des déserts »pour mezzo-soprano et quatorze instrumentistesMaurice RAVELTrois Poèmes de Stéphane Mallarmépour voix et ensemble Fausto ROMITELLICupio dissolvipour quatorze instrumentistes

Monica Bacelli, mezzo-sopranoEnsemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction Nicolas Berteloot, régie son

Renseignements et réservations : www.milanomusica.org

Maurice Ravel va avec tout… Un peu comme le fameux fauteuil de Charles Eames : c’est un classique du mobilier, qui ne déparera jamais un intérieur. La musique de Ravel est tellement abou-tie qu’on peut l’associer à n’importe quelle autre musique, même à celle de Beethoven.Rapprocher dans ce même concert à la Scala, ses si belles et délicates mélodies et l’œuvre de Fausto Romitelli – qui est encore à mon sens un compositeur mé-sestimé – n’a ainsi rien de choquant. C’est une musique puissante, avec des aspects grotesques : j’aime beaucoup la jouer car elle se recrée inlassablement, elle renaît à chaque instant et vous nourrit de nombreux éléments expres-sifs qu’il vous faut façonner sur le vif. Elle vous emmène à chaque nouvelle audition vers des territoires inexplorés qui déterminent l’interprétation.

• Matthias Pintscher

Mardi 21 octobre 21h - GUANAJUATOTeatro JuárezFESTIVAL INTERNACIONAL CERVANTINO

Edgard VARÈSE Octandrepour huit instrumentsSalvatore SCIARRINO Introduzione all'oscuropour ensembleArturo FUENTES Rincontripour six musiciensDai FUJIKURAFifth Stationpour ensembleGyörgy LIGETI Concerto de chambre pour treize instrumentistes

Ensemble intercontemporainJulien Leroy, direction

Renseignements et réservations : www.festivalcervantino.gob.mx

Mercredi 22 octobre 10h - GUANAJUATO ACADEMIA CERVANTINA

Master classes instrumentales animées par les solistes de l’Ensemble intercontemporain dans le cadre du Festival Internacional Cervantino.

Jeudi 23 octobre20h30 - MEXICO

Palacio de Bellas ArtesFESTIVAL INTERNACIONAL CERVANTINO

Même programme que le 21 octobre à Guanajuato

Renseignements et réservations : www.festivalcervantino.gob.mx

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Mardi 11 novembre19h30 - LONDRES

Wigmore Hall

Luigi DALLAPICCOLADue Studipour violon et piano Bruno MANTOVANICarnavalpour violon, clarinette et piano Création mondiale / commande du Wigmore Hall — avec le soutien de André Hoffman, président de la Fondation Hoffmann, une fondation suisse de mécénat — de l'Ensemble intercontemporain, de l'Opéra national de Paris.

Arnold SChÖNBERGPierrot lunaire, op. 21

Salomé Haller, mezzo-soprano Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Renseignements et réservations : www.wigmore-hall.org.uk

Mardi 18 novembre 20h - PARIS Opéra national de Paris Amphithéâtre Bastille

SChÖNBERG / MANTOVANI

Arnold SChÖNBERG Symphonie de chambre, op. 9 pour cinq instruments (transcription Anton WEBERN) Bruno MANTOVANICarnavalpour violon, clarinette et pianoCréation française / commande du Wigmore Hall — avec le soutien de André Hoffman, président de la Fondation Hoffmann, une fondation suisse de mécénat — de l'Ensemble intercontemporain, de l'Opéra national de Paris.

Arnold SChÖNBERGPierrot lunaire, op. 21

Salomé Haller, mezzo-sopranoSolistes de l'Ensemble intercontemporain

Concert présenté par Bruno Mantovani

Tarifs : 25€ (plein) / 16€ (groupe) / 10€ (-28 ans) Réservations :- 08 92 89 90 90 (0,34 € TTC/min hors coût éventuel selon opérateur) ou au + 33 1 71 25 24 23 depuis l'étranger, du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu'à 13h- Aux guichets du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille- www.operadeparis.fr

Vendredi 7 novembre 20h - PARIS Cité de la musique, amphithéâtre

Steve REIChMusic for Pieces of Woodpour cinq joueurs de claves Violin phasepour alto et bande magnétiqueWTC 9/11pour quatuor à cordes et bandeMorton FELDMAN Why patterns?pour flûte, glockenspiel et piano

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, régie son

Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 32€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

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Vendredi 21 novembre 20h - PARIS Maison de la Radio, Grand Auditorium

CARTE BLANChE à PETER EÖTVÖS

Peter EÖTVÖSSteinepour ensembleLe Balconopéra en dix tableaux (extraits)Octet pluspour soprano et ensembleSonata per seipour deux pianos, trois percussions et synthétiseur

Rebecca Nelsen, sopranoMaria Riccarda Wesseling, altoEnsemble intercontemporain Peter Eötvös, direction

Tarif : 15€Réservations : 01 56 40 15 16, du lundi au samedi de 10h à 18hPar email : [email protected] en précisant la date et le lieu du concert choisi, la catégorie et le nombre de place(s) souhaitée(s).

Samedi 29 novembre 20h - NICE Opéra Nice Côte d’Azur FESTIVAL MANCA

György LIGETIConcerto de chambrepour treize instrumentistes Yann ROBINSymétriadespour contrebasse et électronique Yann ROBINAsymétriadespour contrebasse et ensembleCréation mondiale / commande du CIRM, Centre national de création musicaleTristan MURAILUn sognopour ensemble Création française / commande du Klangforum Wien et du CIRM, Centre national de création musicale avec le soutien de l'État

Nicolas Crosse, contrebasseBruno Mantovani, direction CIRM / Nice, Monica Gil Giraldo, Robin Meier, réalisation informatique musicale

Renseignements et réservations : www.cirm-manca.org

Les solistes de l’Ensemble intercon-temporain aiment beaucoup Peter Eötvös. Il en fut le directeur musical pendant de nombreuses années. Et je tiens à l’inviter souvent à diriger nos musiciens pour poursuivre cette his-toire. Pour ce concert-portrait à l’occa-sion de son 70e anniversaire, il nous a choisis parmi tous les ensembles et orchestres parisiens, et j’en suis très heureux.Peter n’est pas seulement un compo-siteur et un chef d’orchestre, c’est un mensch, un être humain exceptionnel. Il représente pour moi le modèle du musicien complet : quelle importance, au fond, d’être considéré avant tout comme un compositeur, ou comme un interprète ? Ce qui compte, c’est ce que l’on veut partager. Peter Eötvös a joué un rôle clef dans ma compréhension de la musique, et je peux officiellement me déclarer son élève ! Depuis, nous sommes devenus amis : nous avons de longues conver-sations au cours desquelles nous abor-dons tous les sujets, et pas seulement de musique, pas seulement du sforzato à la mesure 47 : nous parlons de littérature, d’art, et de ce que signifie ce sforzato, à plus grande échelle. Comprendre la musique dans un contexte plus vaste qu’elle-même est essentiel pour deve-nir un musicien complet, et je lui dois beaucoup en ce sens.

• Matthias Pintscher

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Le jeune compositeur serbe Marko Nikodijevic représente une nouvelle génération de créateurs aux multiples expressions et influences. Son travail mixe et synthétise les expériences, les styles et les époques : de la techno (qu’il pratique en clubbing) à la musique de la Renaissance. Pour ce nouveau rendez-vous « Turbulences » intitulé « clair-obscur », il nous surprendra avec un programme entre lumière et obscurité, entre clarté apollinienne et extase dionysiaque. Pendant les entractes, il se transformera même en DJ (l’une de ses nombreuses activités) pour remixer des œuvres de Carlo Gesualdo (1566-1613) qui dialogueront avec des improvisations des solistes de l’Ensemble intercontemporain ! Ces deux jours d’expériences musicales inédites nous mèneront vers des paysages sonores inouïs et crépusculaires.

Vendredi 5 décembre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concerts

Carlo GESUALDOTenebrae factae suntJerusalem, surgePlange quasi virgoO vos omnesGeorgia SPIROPOULOSEphemerals & Dronespour harpe, contrebasse et percussionClaude VIVIERBouchara (Chanson d’amour) pour soprano et ensembleGérard PESSONMesse noire - Transcription de la Neuvième Sonate pour piano d’Alexandre Scriabinepour quatuor à cordesMarko NIKODIJEVICchambres de ténèbres / tombeau de claude vivierpour ensemble

Hélène Fauchère, sopranoEnsemble Solistes XXI*Ensemble intercontemporainPaul Fitzsimon, directionRachid Safir, chef de chœur*

Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique

Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Samedi 6 décembre17h30 - PARIS

Cité de la musique, amphithéâtre

CONFÉRENCE-CONCERT

Trans-musiques : la création musicale à la croisée des genresClément Lebrun, présentation

Œuvre jouée : Fausto ROMITELLI Domeniche alla periferia dell’imperoSolistes de l’Ensemble intercontemporain

Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Samedi 6 décembre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concerts

LE GRAND SOIR

PREMIÈRE PARTIE

Igor STRAVINSKYQuatre Chantspour soprano, flûte, guitare et harpeWolfgang Amadeus MOZARTAdagio et Rondo K. 617pour flûte, hautbois, alto, violoncelle et harpeGyörgy LIGETISix Bagatellespour quintette à vent Marko NIKODIJEVICmusic box / selbstportrait mit ligeti und strawinsky (und messiaen ist auch dabei)pour ensemble

-------entracte----------

DEUXIÈME PARTIE

helmut LAChENMANNGueropour piano Richard AYRESNo 35 (Overture)pour deux pianos, euphonium et timbalesThomas ADÈSDarknesse Visiblepour piano Jay SChWARTZ Music for Chamber EnsembleFranz SChUBERTOctuor D. 803 : II. Adagio -------entracte----------

TROISIÈME PARTIE

Fausto ROMITELLI Cupio dissolvipour quatorze instrumentisteshenry PURCELL Fantasia VII (arrangement George BENJAMIN)pour clarinette, violon, violoncelle et célestaMarko NIKODIJEVICK-hole/schwarzer horizont. Drone with song pour ensemble et électroniquecréation mondiale / commande de l’Ensemble intercontemporain

Hélène Fauchère, sopranoDimitri Vassilakis, pianoSébastien Vichard, pianoEnsemble intercontemporainPaul Fitzsimon, directionTechnique Ensemble intercontemporain

Animations et performances dans la Rue musicale avant et après le concert et pendant les entractes.

Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique

Tarifs : 25€ / 20€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

TURBULENCESClair-Obscur avec MARKo NIKoDIJeVIC

Voir aussi l'entretien avec Marko Nicodijevic p. 48

En tant que directeur musical, on met tant d’énergie à la planification d’un événement comme celui-ci, sans jamais savoir ce qui en sortira effective-ment. Les week-ends « Turbulences » de la saison 2013-14 ont eu un grand succès, attirant même un public qui n’est traditionnellement pas le nôtre, un public souvent bien plus jeune qu’à l’accoutumée. J’ai adoré l’énergie qui s’en dégageait, l’engagement des musiciens, les rencontres entre les musiciens et le public, aficionados et néophytes réunis. J’en suis très heureux, car c’est exactement ce à quoi j’aspire : trouver de nouveaux formats pour nos concerts. Et je suis convaincu que ces manifestations hors-normes demeureront un rendez-vous incontournable des prochaines saisons.

Marko Nikodijevic est l’une des figures les plus fascinantes et les plus com-plexes de la scène contemporaine. Je voulais l’inviter à Paris, d’abord parce qu’il n’y a jamais été joué, mais aussi parce qu’il sort, a priori, du cadre des activités de l’Ensemble. Je considère qu’il est de ma responsabilité de remettre en question la manière dont on choisit les compositeurs que nous jouons, ainsi que celle dont ils peuvent s’inscrire dans notre répertoire.De nationalité serbe, Marko vit aujourd’hui à Stuttgart. Il a été fortement im-pressionné par les musiques électroniques – ce qu’on appelle la techno. C’est un microcosme sur lequel règnent de nombreux « gourous », et Marko en est un acteur essentiel. À la manière d’un Rimbaud, il a pris la décision consciente d’explorer la manière dont sa créativité, et les potentielles images qu’il crée, peuvent être élargies par des expériences sur sa propre perception. C’est un des jeunes compositeurs les plus généreux que je connaisse. Son œuvre est obsessionnelle, assez sombre, très expressive, mais ses goûts le portent vers des musiques qui semblent très éloignées de la sienne. Ainsi le week-end qui lui est consacré est-il comme un clair-obscur, qui va du lumineux le plus éclatant à la noirceur la plus complète.

• Matthias Pintscher

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entretien avec MARKo NIKoDIJeVICcompositeur et DJ

fortement émotionnelle, harmonique-ment très riche comme peut d’ailleurs l’être celle de Vivier. Jay Schwartz est un compositeur de la contrainte et du forma-lisme géométrique, d’une simplicité trom-peuse, inhabituelle et expressive.

J’ai également programmé des œuvres de Thomas Adès et George Benjamin qui sont des transcriptions de musiques de John Dowland et Henry Purcell. La relec-ture qu’un compositeur peut faire d’un autre m’a toujours beaucoup intéressé.

Vous avez également prévu de réaliser une performance de musique électro-nique improvisée pendant le week-end. En quoi les techniques et l’appareillage que vous utiliserez afin de remixer Gesualdo se rapprochent-ils (ou dif-fèrent-ils) des méthodes de transcrip-tion et de recréation que vous donnez à entendre dans vos œuvres de concert ?

Mes œuvres de concert sont structu-rellement fermées, les transcriptions obéissant à un principe formel ou à une procédure simple exécutée avec la sévé-rité d’un algorithme. Au contraire, l’élec-tronique possède souvent un certain degré d’instabilité formelle. La plupart des parties électroniques de mes com-positions ont été expérimentées dans le contexte de mes performances improvi-sées. Certains types de matériau samplé ou faisant l’objet d’un traitement spécial passent librement d’un monde à l’autre.

Pouvez-vous brièvement introduire les genres musicaux dans lesquels vous im-proviserez : lounge/ambient et techno ?

J’ai prévu deux sets différents. L’un hard et minimal, géométrique, squelettique, qui sera une rencontre avec la techno minimale du début des années 1990 ; c’est cette musique qui m’a influencé pendant mes années d’apprentissage et celle qui a probablement laissé la trace la plus pro-fonde. L’autre sera une lente exploration

Le premier concert que vous avez pro-grammé pour « Turbulences » com-prend de la musique sacrée avec Carlo Gesualdo et une chanson d’amour pro-fane de Claude Vivier, deux compositeurs auxquels vous vous référez souvent dans votre propre musique. Qu’est-ce que ces compositeurs signifient pour vous ?

Ils sont des compagnons dont la musique me nourrit et me conforte. Ils peuvent apparaître dans mes œuvres, quelque fois même sans y être invités.

J’ai une prédilection pour la musique et les compositeurs excentriques. En ce qui concerne Vivier et Gesualdo, certains aspects de leurs personnalités compo-sitionnelles font qu’ils demeurent des figures éminemment solitaires. La radi-calité de leur langage est parfois proche de la bizarrerie : la polyphonie est chez Gesualdo encore plus bizarre que ses pro-gressions d’accords à la tonalité flottante ou son mélange fiévreux de chromatisme et de diatonisme). C’est une musique qui n’est pas seulement définie par ce qu’il y a à entendre, mais aussi par tout ce qu’elle laisse de côté. Elle produit une immense puissance expressive, concentrée dans des gestes massifs. Tous deux utilisent des madrigalismes, ces peintures musi-cales du mot. Et leurs œuvres sont étran-gement sans âge.

En général, il semble que votre musique s’intéresse à la fois au passé loin-tain (Gesualdo) et au présent le plus contemporain (l’électronique, Vivier, les compositeurs du xxe siècle dont vous évoquez les styles dans l’œuvre

music box/selbstportrait mit ligeti und strawinsky). Qu’est-ce qui a motivé votre décision d’inclure des œuvres classiques de Mozart et de Schubert dans le concert « Grand soir » ?

La notion d’archive est essentielle à ma pensée musicale. Dans les vastes éten-dues de l’histoire de la musique, il y a toujours des singularités irréductibles et surprenantes. La grande forme par exemple, dont Schubert est un maître ab-solu, m’influence beaucoup : cette capa-cité à réaliser une musique d’une unique et grande envergure avec un matériau très réduit. Sans être un sujet de citation ou d’imitation, c’est quelque chose qui ne cesse de m’inspirer et d’enrichir mon tra-vail de compositeur.

Qu’est-ce qui vous attire dans la mu-sique des autres compositeurs que vous avez programmés : Richard Ayres, Jay Schwartz, Fausto Romitelli ?

Il s’agit de mondes très différents. Je confronte le monde sonore enfiévré, divertissant et superlatif de Richard Ayres avec les musiques beaucoup plus méditatives de Romitelli et de Schwartz. L’attitude d’Ayres est souvent prise comme étant ironique, mais j’y vois un enthousiasme authentique pour l’excès d’information sonore, pour des mondes musicaux qui sont en eux-mêmes exces-sifs et délirants. Fausto Romitelli est un compositeur dont les combinaisons sont courageuses et inhabituelles : kitsch, spectralisme, rock, électronique, psyché-délie sont articulés dans une musique Marko Nikodijevic

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TURBULENCESClair-Obscur

du matériau de Gesualdo : des fragments de progressions d’accords mis en boucle auxquels je ferai subir un grand nombre de traitements.

Que voulez-vous suggérer quand vous utilisez le mot « drone » dans le titre de votre nouvelle œuvre, K-hole/schwar-zer horizont. Drone with song (que l’on retrouve dans Ephemeral & Drones de Georgia Spiropoulos) ? Entendrons-nous dans ces œuvres les deux mondes de la musique de concert et de l’électronique articulés l’un à l’autre ?

Je ne sais pas si je peux réellement sé-parer les mondes musicaux. Mon œuvre réunit certaines de mes préoccupations : les drones, la musique ethnique, la psy-chédélie, l’intonation juste et les explora-tions spectrales, certains procédés du dub, mais aussi ce concept de temps gonflé ou étiré comme dans une expérience psy-chédélique.

Le drone est un style de musique mini-maliste qui repose sur des notes tenues. J’ai utilisé pour l’œuvre K-hole un objet sonore trouvé – l’enregistrement d’un jeune chanteur mongol (du chant har-monique) accompagné au morin khuur (un instrument à cordes mongol) dans le désert. Gary Berger a réalisé l’enregis-trement pour moi. Toute l’œuvre, qui re-pose sur cet échantillon de deux minutes, explore les procédés de l’ambient dub comme l’étirement du temps et le trai-tement sonore, avec des circonvolutions de reverb et de delays ; des drones tenus de matériaux étirés et une transcription de la chanson originale à différentes vitesses. Ces possibilités techniques me permettent de créer des œuvres originales qui, en même temps, ramènent la musique vers ses origines rituelles.

Propos recueillis par John Fallas

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Dimanche 7 décembre11h - PARIS

Cité de la musique, salle des concerts

Concert en famille LE qUINTETTE à VENT : DE hAYDN à CAGE

Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Clément Lebrun, présentation

Durée : 1 heureNiveaux conseillés : du CM1 à la 5e

Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique

Tarif : 8€

Prélude en famille à 9h15 Tarifs avec le concert : enfant 10€ (enfant) / 12€ (adulte)

Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Vendredi 12 décembre 19h30 - VENISEPalazzo Grassi, Teatrino

James TENNEY Cellogrampour violoncelleGiacinto SCELSIKo-Lhopour flûte et clarinetteSalvatore SCIARRINOOmaggio a Burripour trois instrumentsMarc SABATClaudius Ptolemypour violon et violoncelleClaude VIVIERPiècepour violon et clarinette Elliott CARTERCon leggerezza pensosa (Omaggio a Italo Calvino)pour clarinette, violon et violoncelleIannis XENAKISCharisma. Hommage à Jean-Pierre Guézecpour clarinette et violoncelleFausto ROMITELLIDomeniche alla periferia dell'impero : prima domenicaDomeniche alla periferia dell'impero : seconda domenica

Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Renseignements et réservations : www.palazzograssi.it

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L’Ensemble intercontemporain à

La PhiLhaRmONiE dE PaRiSImmense forme métallique en bordure du parc de la Villette, la Philharmonie de Paris domine un site musical exceptionnel par ses dimensions, regrou-pant plusieurs salles publiques dont notre actuelle salle des concerts, des lieux de répétitions et d’ate-liers, le Conservatoire de Paris, le Zénith.

Par son architecture accueillante et par la di-versité de ses salles et de ses espaces, elle est une « maison de musique », habitée par un public de toutes origines et de tous âges, et par des ensembles et orchestres qui s’investissent dans des projets artistiques complémentaires, couvrant l’ensemble du répertoire et une très large étendue de genres musicaux.

Fondé il y a près de quarante ans pour inventer de nouvelles formes de rencontres entre la création musicale et les publics, et fondamentalement voué à cet objectif de partage, l’Ensemble intercontem-porain prendra naturellement une part importante à ce projet ambitieux.

Avec ses solistes et son directeur musical, Matthias Pintscher, il est à la fois un laboratoire et une famille à laquelle sont rattachés des compositeurs, mais aussi des chorégraphes, poètes, créateurs d’images, acteurs, cinéastes, dramaturges…

Car de plus en plus de ses projets associent la création musicale à d’autres formes d’expres-sion artistique, ou mettent en regard la musique

d’aujourd’hui avec des œuvres plus anciennes ou de cultures éloignées. Et chacune de ses propositions artistiques porte en elle le souci de faire vivre à tous une expérience unique.

Grâce à sa configuration et à son équipement, mais aussi à la présence d’autres orchestres et en-sembles résidents, la Philharmonie de Paris est le lieu idéal où peuvent se déployer ces projets tout en donnant au public l’accès aux étapes de leur préparation, directement ou par le biais de nos sites internet.

Luciano Berio disait « la musique est ce que l’on écoute avec l’intention d’écouter de la musique ». Cette belle définition implique qu’un acte volon-taire, l’écoute, conditionne l’existence même de la musique.

Quel meilleur objet que la musique des créateurs d’aujourd’hui pour sonder en nous l’intention, le désir d’écouter, et partager avec les artistes l’ivresse de la découverte d’horizons infinis.

Quels meilleurs passeurs que les membres de l’Ensemble intercontemporain qui ont parcouru tant de partitions et participé à tant d’authentiques moments de création, pour guider le public de la Philharmonie de Paris vers l’écoute qui transforme les sons en musique.

Hervé Boutry

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Vendredi 16 janvier 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

Edgard VARÈSEIntégralespour onze instruments à vent et percussionYan MARESZMetallicspour trompette et électronique**György LIGETIConcerto pour piano et orchestreYan MARESZMetal Extensionspour trompette et ensemble*Magnus LINDBERG Related Rockspour deux pianos, deux percussions et dispositif électronique

Jean-Jacques Gaudon, trompette *Clément Saunier, trompette **Dimitri Vassilakis, piano Ensemble intercontemporainTito Ceccherini, direction

Manuel Poletti (Ircam), Serge Lemouton (Ircam) et Juhani Liimatainen (studio expérimental de la Radio Finlandaise), réalisation informatique musicale Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris En partenariat avec l'Ircam-Centre Pompidou

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h30 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Samedi 17 janvier 11h - PARIS Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

Concert en famille LA PERCUSSION DANS TOUS SES éCLATS !

Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc.

Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna, percussions et présentation

Durée : 1h à partir de 8 ans

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

ENTRéE LIBRE

Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr

Samedi 17 janvier 15h à 17h - PARIS Philharmonie de Paris

Concerts de percussion : œuvres et extraits d’œuvres du programme du concert « La percussion dans tous ses éclats ! »

ENTRéE LIBRE

Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr

Dimanche 18 janvier 15h - PARIS Philharmonie de ParisSalle de répétition - Philharmonie 1

VUES AéRIENNES

Bruno MANTOVANID'une seule voixpour violon et violoncelleGérard PESSON Nocturnes en quatuorpour clarinette, violon, violoncelle et pianoDai FUJIKURA Sakanapour clarinetteYann ROBIN Phigurespour clarinette, violon, violoncelle et pianoTristan MURAIL Vues aériennespour cor, violon, violoncelle et piano

Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

ENTRéE LIBRE

Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr

Quel manifeste pour la musique en ce début du xxie siècle ! Et quel succès pour Pierre Boulez, sans lequel ce projet de Philharmonie ne se serait jamais concrétisé ! Pierre sera du reste présent au cours des célébrations d’ouverture, qui coïncident avec son 90e anniversaire. La Philharmonie de Paris, c’est son intelligence à l’œuvre, et je suis très excité à l’idée que l’Ensemble devienne un acteur éminent de cette nouvelle institution, en étant présent chaque saison. C’est une opportunité pour nous de redéfinir aujourd’hui le rôle de la musique en tant que medium. Je trouve fantastique que, malgré la pénurie financière, cette décision ait été prise, et assumée jusqu’à sa réalisation.

• Matthias Pintscher

PORTES OUvERTES

Philharmonie de Paris

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Lundi 19 janvier 20h15 - ROTTERDAM de Doelen

LE VOYAGE D'hIVER

Franz SChUBERTWinterreise pour voix et pianoMark ANDREAZ pour ensemble

Johan SIMONS, mise en scèneMichaël BORREMANS, décorsJan VANDENhOUWE, dramaturgieMarcelo BUSCAINO, collaboration à la mise en scène

Georg Nigl, barytonAndreas Staier, pianoEnsemble intercontemporainJulien Leroy, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Musiektheater Transparant, Ruhrtriennale

Renseignements et réservations : www.dedoelen.nl

Mercredi 21 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCEConservatoire Darius Milhaud

Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc.

Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna, percussions

Renseignements et réservations : www.aixenprovence.fr/Conservatoire-D-Milhaud

Jeudi 22 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCEGrand Théâtre de Provence

LE VOYAGE D'hIVER

Franz SChUBERTWinterreise pour voix et pianoMark ANDREAZ pour ensemble

Johan SIMONS, mise en scèneMichaël BORREMANS, décorsJan VANDENhOUWE, dramaturgieMarcelo BUSCAINO, collaboration à la mise en scène

Georg Nigl, barytonAndreas Staier, pianoEnsemble intercontemporainJulien Leroy, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Musiektheater Transparant, Ruhrtriennale

Renseignements et réservations : www.lestheatres.net

Samedi 24 janvier 20h30 - GRENOBLEMC2, auditorium

LE VOYAGE D'hIVER

Même programme que le 22 janvier à Aix-en-Provence

Renseignements et réservations : www.mc2grenoble.fr

Le Voyage d'hiver est un projet auquel j’aurais aimé m’associer en tant que compositeur. Lorsque je me suis trouvé dans l’impossibilité de le mener à bien, un seul nom s’est imposé, sans hésitation : Mark Andre, dont la modestie, la simplicité et la spiritualité me paraissaient tout indiquées pour donner un nouvel éclairage à la musique de Schubert. J’ai eu le même sentiment avec le travail de Michaël Borremans : je connaissais son œuvre depuis longtemps, et j’y suis allé au culot. Prenant mon courage à deux mains, je lui ai envoyé un mail pour lui proposer le projet. Il m’a répondu en dix minutes, me disant que le Winterreise l’accompagnait depuis des années.Inventer une musique qui dialogue avec un tel chef-d’œuvre est un défi. Le travail de l’équipe a été des plus sincères en même temps qu’intelligent. Je pense que la grande qualité de ce travail est sa simplicité : en recherchant la simplicité, on a bien plus de chance d’aboutir au « beau ». Georg Nigl, Andreas Staier, Julien Leroy et les solistes de l’Ensemble portent ce spectacle poétique d’un bout à l’autre.

• Matthias Pintscher

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entretien avec MARISoL MoNTALVosoprano

Mardi 3 février 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisGrande salle - Philharmonie 1

BOULEZ / VARÈSE

Pierre BOULEZPli selon pli (Portrait de Mallarmé)Edgard VARÈSEAmériques pour orchestre

Marisol Montalvo, soprano Ensemble intercontemporain Orchestre du Conservatoire de Paris Matthias Pintscher, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris et Conservatoire de Paris

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h45 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarifs : 20€ / 10€ / 5€Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

répétitrice pour la prononciation. J’ai toujours ressenti beaucoup de sensualité dans la poésie de Mallarmé. La combinai-son avec le matériau musical produit une sensation très érotique, un mélange fasci-nant de vie et de mort, de douleur, de joie et d’exaspération. J’ai voulu transmettre ces impressions au public pour lui trans-mettre la force du texte. J’adore voir sur le visage des auditeurs l’effet que produit la musique que je chante.

Quelles sont les difficultés principales pour vous ? L’intelligibilité et le sens du poème ou les spécificités techniques de la voix ?

La fragmentation du texte me donne, en tant qu’interprète, une certaine liberté d’action. Je me laisse porter par les cou-leurs que la musique infuse à l’intérieur des mots ; c’est une approche très pic-turale. Vocalement, l’interprétation est d’une difficulté phénoménale, surtout dans les changements de registres. Dans certaines parties, je dois chanter durant trente-cinq minutes en continu, avec des longues tenues dans l’aigu et des mé-lismes qu’il faut sans cesse assouplir, tout en conservant le sens des paroles.

Le public parisien vous a découvert en 2003 dans le rôle de Lulu à l’Opéra Bastille. Pensez-vous que votre expé-rience du chant lyrique joue un rôle dans votre interprétation de Pli selon pli ?

Oui, absolument… J’ai tout de suite senti une forme de drame sous-jacent dans Pli selon pli. Comme avec Lulu, j’ai su que je pouvais apporter un éclairage différent dans cette interprétation. Je connaissais déjà la musique de Pierre Boulez pour avoir chanté Le Soleil des eaux mais là, on atteint vraiment un sommet inégalé. Je suis consciente de marcher dans les pas de toutes les grandes interprètes de Pli selon pli qui m’ont précédée et je suis à la fois très fière et très humble de pouvoir le chanter à mon tour.

Selon vous, existe-t-il une voix spécifique pour interpréter cette pièce ?

C’est difficile à dire. Dans la partie « Improvisation III » par exemple, vous devez avoir une voix très flexible et mal-léable pour pouvoir monter dans l’aigu

et ensuite descendre très bas. Il faut être capable de chanter piano, souligner les aspects dramatiques, laisser flotter les notes, faire résonner les aigus… Cela né-cessite une voix hybride entre colorature et soprano lyrique. Ce genre de difficulté se retrouve dans des rôles comme celui de Marie dans Les Soldats de Bernd Aloïs Zimmermann où il est nécessaire de tenir dans l’aigu et d’avoir beaucoup de profon-deur dans les notes graves. C’est un rôle que j’aimerais vraiment aborder au moins une fois dans ma carrière.

Comment affrontez-vous ce mélange de contrainte et de liberté qu’exige Boulez dans Pli selon pli ?

Ce n’est pas l’aspect le plus difficile de cette musique. Dans la musique contem-poraine, les interprètes alternent souvent entre contrainte et liberté. J’apprécie de me sentir libre, mais comme dans la vie, il faut négocier ! À certains moments, le chef attend que je finisse une phrase pour pouvoir continuer ; parfois c’est moi qui dois le suivre très strictement.

Matthias Pintscher vous accorde-t-il beaucoup de liberté ?

Après maintes discussions, oui ! Je suis très fière du résultat que nous avons ob-tenu à Glasgow dans Pli selon pli. C’est un partenaire formidable, un ami très proche et un compositeur de très grande quali-té que j’apprécie beaucoup. Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans, lorsque j’ai interprété son Hérodiade-Fragmente. J’ai travaillé cette pièce en quelques mois et je me souviens qu’il avait été bluffé en me voyant la chanter sans partition. J’ai un besoin vital d’intérioriser la musique que je chante et j’adore ressentir sur scène une certaine mise en danger, voire une vulnérabilité… Je ne peux rien exprimer face à un public, si je dois garder les yeux rivés sur les notes. À Glasgow, j’avais mé-morisé la quasi-totalité de Pli selon pli, mais pour ne pas prendre de risques, j’ai gardé la partition à portée de vue. Quand je me présenterai devant le public de la Philharmonie de Paris, je n’aurai pas de partition et seulement l’envie de donner le meilleur de moi-même.

Propos recueillis par David Verdier

Lors du week-end « Turbulences » de février 2014, les musiciens et le public ont réservé un accueil chaleureux à Marisol et son interprétation des Lieder de Webern : je ne connais pas d’autres chanteurs qui aspire ainsi sans cesse à rechercher l’émo-tion de cette musique. Peu de chanteurs ou de chanteuses ont à cœur de défendre la musique contemporaine avec la même exigence que le répertoire classique. Elle ne se contente pas d’interpréter à la perfection, elle va jusqu’au fond de sa musi-calité, pour la faire respirer et prendre le temps de dire l’histoire qu’elle raconte.Je l’ai rencontrée il y a plus de dix ans, à Paris. Elle préparait mon Hérodiade-Fragments avec l’Orchestre de Paris, et elle a tout chanté… par cœur ! Pour une simple audition ! C’est une musicienne engagée, quel que soit le répertoire. Son Webern a été à mon sens une expérience merveilleuse, l’un des sommets de notre saison 2013-14.

• Matthias Pintscher

Vous abordez un répertoire extrême-ment varié qui va de Gluck à Marco Stroppa, en passant par la bossa nova. Pour vous, est-ce un challenge ou une nécessité ?

Je dirais plutôt un challenge, même si la musique contemporaine reste au cœur de mes préoccupations. Dans un opéra baroque comme Armide de Gluck ou Re orso de Stroppa, il est toujours question de précision, de justesse… Quand j’ai une opportunité, je me dis : « Essayons… Pourquoi pas ? » Pour la bossa nova, c’est différent. J’ai grandi à New York, au car-refour de plusieurs influences qui sont ve-nues enrichir mes racines portoricaines. Dans ma jeunesse, je n’ai pas bénéficié d’un enseignement musical classique au sens où on l’entend en Europe. On écoutait toutes sortes de musique : pop, world music, comédies musicales… J’ai commencé à sérieusement étudier la musique qu’à l’âge adulte. Quand j’étais jeune, je rêvais de devenir chanteuse pop, comme Janet Jackson ou Britney Spears. Je n’aurais jamais pensé devenir un jour chanteuse d’opéra !

Comment vous est venu le désir de chan-ter Pli selon pli de Pierre Boulez ?

Cette œuvre est un chef-d’œuvre et un monument de difficulté pour l’interpré-tation. Je connaissais l’enregistrement de Christine Schaeffer et je brûlais d’envie de me confronter à mon tour à cette partition. Mais je ne voyais pas encore comment je pouvais réaliser ce projet et, comme je l’avais expérimenté avec le rôle de Lulu, j’étais bien consciente qu’il fallait que cela mûrisse. Dès 2008, j’ai discuté avec Matthias Pintscher de Pli selon pli. Quand j’ai rencontré Pierre Boulez deux ans plus tard, j’ai beaucoup insisté auprès de lui en lui disant combien j’étais pas-sionnée par cette musique.

Vous connaissiez la poésie de Mallarmé ?

Je l’ai découverte en interprétant Hérodiade-Fragmente de Matthias Pintscher. J’ai fait l’effort de le lire en français, ce texte étant quasiment impos-sible à traduire… J’ai travaillé mot à mot, en essayant de saisir le sens de chacun et les impressions associées, avec une Marisol Montalvo

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Mercredi 4 février 19h - PARIS Conservatoire de Paris (CNSMDP) Salle Maurice Fleuret

Créations des élèves de la classe de composition du Conservatoire de Paris

Joan MAGRANé FIGUERANouvelle œuvre Florent CARON-DARRASNouvelle œuvre Mikel URqUIZANouvelle œuvre Guillaume hERMEN Nouvelle œuvre Dahae BOONouvelle œuvre Denis RAMOS Nouvelle œuvre

Solistes de l’Ensemble intercontemporain

Coproduction Ensemble intercontemporain, Conservatoire de Paris

Entrée libre dans la limite des places disponibles sur réservation : [email protected]

Dimanche 8 février 11h - LYON Auditorium

Arnold SChÖNBERG Pierrot lunaire, op. 21 Bruno MANTOVANI Carnavalpour violon, clarinette et piano

Salomé Haller, mezzo-soprano Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Renseignements et réservations : www.auditorium-lyon.com

Mercredi 11 février 20h - BORDEAUX Auditorium, salle Dutilleux

Matthias PINTSChERa twilight's songpour soprano et sept instrumentsArnold SChÖNBERGCinq Pièces, op. 16 pour orchestreArturo FUENTESSnowstormpour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Aribert REIMANNNacht-Räumepour piano à quatre mains et sopranohans Werner hENZE Being Beauteouspour soprano colorature, harpe et quatre violoncelles

Christine Schäfer, soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction

Renseignements et réservations : www.opera-bordeaux.com

Vendredi 13 février 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

Matthias PINTSChERa twilight's songpour soprano et sept instrumentsAnton WEBERN Six Pièces, op. 6pour orchestre de chambreArturo FUENTESSnowstormpour ensemble Aribert REIMANNNacht-Räumepour piano à quatre mains et sopranohans Werner hENZE Being Beauteouspour soprano colorature, harpe et quatre violoncelles

Christine Schäfer, soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h30 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

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Jeudi 5 marsSamedi 7 mars 19h30 - PARIS Théâtre des Champs-Elysées

SOLARISOpéra en quatre actesCréation mondiale

Dai FUJIKURA, musique Saburo TEShIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumièresUlf LANGhEINRICh, conception images 3D et collaboration lumières

Commande Théâtre des Champs-Elysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ensemble intercontemporain, Ircam-Centre Pompidou

Sarah Tynan : HariLeigh Melrose : Kris KelvinTom Randle : SnautCallum Thorpe : GibarianMarcus Farnsworth : KelvinSaburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseursAvec la participation de Nicolas Le RicheEnsemble intercontemporainErik Nielsen, directionGilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou

Spectacle en anglais, surtitré en français

Tarifs : de 5€ (cat6) à 110€ (cat1) Réservations : 01 49 52 50 50 www.theatrechampselysees.fr

Mercredi 4 mars à 18h30 : présentation de Solaris par l’équipe artistique Inscription : [email protected]

La commande de la musique de ce nou-vel opéra à Dai Fujikura date d’avant ma nomination à la direction musicale de l’Ensemble mais j’en suis très heu-reux car c’est un compositeur passion-nant avec lequel je souhaite continuer à travailler à l’avenir. J’ai joué sa mu-sique à de nombreuses reprises et je l’ai même enregistrée. Cet opéra inspiré par l’étrange roman de science fiction de Stanislas Lem, illustre bien le type de projets scé-niques multidisciplinaires d’envergure auxquels j’aspire avec l’Ensemble. Le travail de Saburo Teshigawara est en outre ce que je recherche avec ardeur dans le domaine chorégraphique.

• Matthias Pintscher

SOLARIS

Voir aussi l'entretien avec Dai Fujikura et le texte Planète sous un crâne de Mathieu Larnaudie p. 64 à p. 69

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Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le roman de Stanislas Lem, Solaris1 ?

Cela fait un certain temps que ce livre m’inspire. En 2005, j’ai composé Vast ocean, une œuvre pour trombone, or-chestre et électronique en temps réel qui explore la planète océan de Lem. Puis, quelques années plus tard, j’ai écrit K’s ocean, qui forme avec la première une sorte de diptyque.

Une des choses qui m’a le plus intrigué dans le roman de Lem est ce sentiment d’inquiétante étrangeté que ressentent les occupants de la station orbitale gra-vitant dans l’atmosphère de Solaris. Leur immersion dans ce mystère rend sensible des affects et des dimensions de leur psy-ché qui n’auraient jamais pu apparaître sur Terre.

Ce que je préfère dans le livre est évi-demment Solaris, cette planète océan qui met en abyme chaque personnage, qui projette devant eux leurs amours dispa-rues. Le trouble est immense. Kris Kelvin voit par exemple sa femme morte ressus-citer leur vie domestique à bord de la sta-tion ; tout en elle semble réel, exactement comme dans ses souvenirs, et l’on ne peut nier qu’il se prend au jeu, au moins pen-dant un temps. Le drame ne se joue donc pas seulement entre les personnages, mais aussi à l’intérieur d’eux-mêmes, comme s’ils étaient chacun habités par

plusieurs personnes. Je pense que seule la musique peut exprimer pleinement ces conflits.

J’aime aussi beaucoup la manière dont Stanislas Lem décrit la planète. Mon pas-sage favori est une des toutes dernières parties du livre, quand la surface de Solaris joue avec Kelvin, avec sa main, dans un échange troublant. Cela me fait penser à la relation que nous entretenons nous-mêmes avec notre planète, faite de désirs et de déconsidérations.

L’adaptation de Solaris sur laquelle vous avez travaillé associe plusieurs disciplines artistiques. Elle résulte d’une collaboration entre trois artistes : Saburo Teshigawara (chorégraphe), Ulf Langheinrich (plasticien et vidéaste) et vous-même. Comment s’est déroulée plus particulièrement la collaboration avec Saburo Teshigawara ?

Teshigawara est l’auteur du livret de l’opéra, qu’il a écrit en japonais. Je l’ai traduit en anglais avec l’aide du poète anglais Harry Ross. La scénographie est très présente dans le livret, parfois jusque dans les moindres détails. J’ai pu ainsi visualiser les différentes scènes et déter-miner quelle forme la musique devait prendre. Et dans la mesure où c’est moi qui aie traduit le livret, je peux choisir les mots qui conviendront le mieux à la ligne

musicale sans modifier le sens du texte de Teshigawara.

Pourriez-vous décrire certains des pro-cédés que vous avez utilisés pour compo-ser la musique ?

Il y a un certain nombre de mots dans le livret que j’ai identifiés comme des mots-clés. À chaque fois que ces termes apparaissent, par exemple « Solaris » ou « Visitor », les chanteurs chantent le même motif transposé. Certains des per-sonnages sont également liés à un son spécifique, comme l’Océan ou Snaut, et la musique se transforme quand les person-nages changent d’humeur, par exemple quand Snaut est sincère, ce qui lui arrive rarement, ou quand Kelvin n’est pas honnête avec Hari, sa femme morte qui revient le hanter.

J’ai par ailleurs dédoublé Kelvin. Un chanteur situé en dehors de la scène ex-prime ses pensées, permettant ainsi au public d’entendre la différence entre ce qu’il dit et ce qu’il pense. L’identité sonore du Kelvin hors du plateau est traitée par l’électronique, reprise et spatialisée dans la salle de manière à ce que l’auditoire soit en quelque sorte plongé dans sa tête.

Hari, de son côté, chante plus lente-ment, dans un mètre régulier, ce qui lui donne une innocence bizarre, inquié-tante. Sa part hystérique s’exprime

1 Roman de science-fiction écrit en 1961 par l’auteur polonais Stanislas Lem.

Solaris, la planète océanentretien avec DAI FUJIKURA

compositeur

essentiellement dans la musique qui vient épouser ses mouvements d’humeur, dans un rythme que j’ai souhaité à la fois agréable et cassé. Sa voix sera également légèrement traitée par l’électronique, en ajoutant comme des traînes à ses mélo-dies, mais aussi un peu de reverb, appli-qué de manière fragmentaire, et qui lui donnera une touche d’étrangeté. Elle est à la fois ici, parmi nous, et en même temps très loin.

L’Ircam est partenaire du projet. Les parties électroniques seront composées

dans leurs studios. Quel rôle joueront-elles dans l’opéra ?

L’électronique sera l’extension de l’en-semble instrumental. Un des principaux sujets de l’opéra est cette impression qu’ont les personnages d’évoluer dans un environnement radicalement étran-ger. Je voudrais que l’univers sonore de l’ensemble permette aux auditeurs de re-connaître quels instruments sont en train de jouer tout en ressentant qu’il y a dans chacun d’eux quelque chose de bizarre et de légèrement déplacé.

L’électronique sera jouée au cours de chaque représentation, en interac-tion avec le chef d’orchestre, les instru-ments, les voix, les danseurs, la vidéo et les lumières et chaque interprétation sonnera donc différemment des autres. L’électronique contribuera grandement à la constitution d’un son global, notam-ment en rapprochant les sons vocaux des sons instrumentaux. L’opéra aura le timbre d’un unique et vaste océan.

Propos recueillis par Bastien Gallet

Dai Fujikura

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Planète sous un crânepar MATHIeU LARNAUDIe, écrivain

Mais déjà les marques de brûlure se résorbent et disparaissent, la peau se reconstitue, les chairs ron-gées par l’acide se referment, le sang se rétracte, reflue et rentre dans sa plaie, comme absorbé, rap-pelé par le corps qui ressuscite à vue d’œil ; et, un instant plus tard, là où s’étirait une cicatrice béante – une crevasse érodée, un canyon dans la viande –, l’épiderme a retrouvé l’éclat diaphane dont Kelvin connaît la douceur, soie ou satin que ses lèvres ont mille fois effleuré, que ses dents ont mordu, et dont le grain immaculé attire maintenant irrépressible-ment sa main, le force à toucher cette peau laiteuse et parfaite, à poser le doigt non sur la blessure mais sur son absence, à s’assurer qu’il peut croire ce qu’il voit et que le prodige (ou le sortilège) a bien eu lieu. Sa femme – ou quelle que soit la créature qui en a revêtu l’apparence – revient à elle et le regarde, regarde aussi le cylindre de verre fracassé au sol dans lequel se trouvait l’oxygène liquide qu’elle a bu et qui lui a dévoré le visage, la gorge, l’œsophage, les entrailles avant que le processus ne s’inverse et que la mort qu’elle espérait ne se retire de son corps, laissant celui-ci épouvantablement sain, intègre, indemne, vivant.

Une lueur de désespoir passe dans les yeux de la suicidée contrariée, de retour d’entre les morts

parmi lesquels elle n’a pas même eu le temps d’éta-blir son séjour, et qui s’offre désormais à l’incompré-hension de l’homme qu’elle a tenté de fuir, son époux d’outre-monde, éploré coupable dont elle sent sur sa nuque ramper la paume chaude, presque moite, qui contraste avec la dalle métallique glacée contre laquelle sa joue repose. Elle est donc déjà morte trois fois, pense Kelvin en caressant les cheveux de sa femme, une première fois sur la Terre (son sui-cide réussi, son empoisonnement primitif comme on parle de scène primitive), une autre fois dans l’espace où il l’a fourbement expédiée à bord d’une capsule orpheline après son apparition initiale, son irruption soudaine dans la station, lorsqu’effrayé par ce spectre resurgi des zones les plus à vif de sa mémoire (la mémoire étant ce lieu paradoxal où le plus à vif est également le plus enfoui), il avait alors cru pouvoir (et préférer) s’en débarrasser, puis une dernière fois tout à l’heure, sans qu’il sache encore pourquoi ni même s’il y a le moindre pourquoi qui tienne, si elle s’est tuée pour répéter ce qu’elle avait fait sur Terre ou bien si c’est lui, Kelvin, qui la voue de la sorte, inéluctablement, puisqu’elle n’est après tout qu’un fantôme issu de sa mémoire et matérialisé au contact de la planète Solaris, à un suicide répété et sans fin, lui, Kelvin, qui voit en elle – qui réclame

En contrepoint de la création de Solaris au Théâtre des Champs-Elysées, nous avons proposé à l’écrivain Mathieu Larnaudie d’écrire une libre variation sur le roman de Stanislas Lem. Adoptant le point de vue de son personnage principal, il raconte avec une rare intensité la solitude sans fin à laquelle la planète océan renvoie l’humanité.

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pour ainsi dire – la suicidée qu’elle fut, ou encore si le geste de se donner la mort a été guidé comme on dit par la lassitude d’être là, d’être au monde dans ce monde qui n’en est pas un, pense Kelvin, ce monde qui n’est qu’un ersatz de monde, c’est-à-dire, en vérité, rien d’autre que ce que les hommes, en construisant cette station sur Solaris, sont venus chercher, autrement dit leur propre monde sous les aspects d’un autre, car les hommes, finalement, ne recherchent que l’homme, ils n’explorent que pour annexer, ils ne parcourent que pour s’approprier, ils n’appareillent, ne traversent et n’accostent que pour étendre leur propre monde, pour établir dans les ailleurs les plus lointains des résidences secon-daires, pour soumettre les altérités les plus inap-privoisables à leur raison et pour les convertir, pour en faire leurs prochains, pour rencontrer leur sem-blable ou le similaire à ce qu’ils connaissent déjà, aux lois qu’ils identifient ; car les hommes sont des chevaliers et des missionnaires qui veulent réduire tous les mondes au leur.

Nous n’avons pas besoin d’autres mondes, nous avons besoin de miroirs, pense Kelvin en regardant son épouse suicidée, nous ne savons que faire d’autres mondes, se dit Kelvin en regardant sa femme morte par trois fois, un seul monde, notre monde, nous suf-fit, mais nous ne l’encaissons pas tel qu’il est, pense Kelvin en caressant la joue de son amour ressuscité, nous recherchons une image idéale de notre propre monde : nous partons en quête d’une planète, d’une civilisation supérieure à la nôtre, mais développée sur la base du prototype de notre passé primitif.

Nous inventons et nous nous figurons d’autres mondes qui ne sont jamais que les prolongements, les déformations de notre monde et qui ne servent jamais qu’à mieux saisir et corriger et propager celui-ci. Nous écrivons des fables, nous transplan-tons nos questionnements dans d’autres sphères,

dans d’autres contextes magnétiques, sous d’autres ordres physiques, logiques, génériques, nous compi-lons les savoirs les plus précis et les plus exhaustifs possibles sur les objets les plus divers et mystérieux, nous exerçons notre entendement, nous croyons tenter de réduire l’irréductible et pourtant nous ne cherchons et ne trouvons jamais (pour ce que l’on croit trouver) que nous-mêmes, éventuellement nous-mêmes en un peu plus calmes ou effrayants.

Quelles que soient les mécaniques que nous fabriquons, pense Kelvin, des fusées pour abolir les distances, des machines à explorer le temps, des théories en pagaille pour interpréter et tenter d’y plier l’ordre du chaos qui nous entoure et nous pénètre, des romans pour sonder nos âmes et brico-ler d’autres mondes potentiels, pour transporter nos âmes dans d’autres mondes potentiels, des capsules pour y envoyer tour à tour nos fantômes, nos souve-nirs encombrants, mais encore les signes de notre mémoire collective, les traces de notre présence, les témoignages de notre science, les séquelles de notre civilisation, c’est-à-dire censément le meil-leur de nous-mêmes, nous sommes incapables de nous échapper, nous sommes incapables de faire fi de nos règles, nous sommes incapables de sortir de nos crânes.

Nous débarquons sur Solaris pour étudier le fonctionnement d’une planète qui tourne en orbite autour de deux soleils, l’un rouge et l’autre bleu, une planète dont l’ellipse dessine des jours et des nuits tantôt rouges, tantôt bleus, des jours que nous n’avons pas l’heur de connaître et que nous croyons désirer connaître, et Solaris ne nous accueille que pour nous réfléchir, nous tendre ce miroir que nous traquons partout et nous donner à penser ce que nous sommes déjà ; ainsi, Solaris nous reste inac-cessible, se cache et se détourne de nous, suscite et s’offre à toutes les théories avec la même souveraine

indifférence, nous renvoie un écran de fumée qui est l’écran fumeux de nos propres projections, et ne nous renvoie donc finalement qu’à la Terre, à notre arche malade et vieillissante, à notre connaissance et à ses limites, à notre passé, à notre mémoire dont Solaris convoque les figures qui la peuplent et qui reviennent s’agiter sous nos yeux, nous offrir leur peau à toucher, leur voix pour aiguillonner nos nerfs et perturber nos têtes malades et vieillissantes, leurs larmes à boire, leurs présences à porter en fardeaux.

Nous ne trouvons rien sur Solaris qui ne se tienne pas déjà replié dans notre âme. Ici se dressent les fantômes qui nous hantent, qui prennent chair et demeurent auprès de nous ; ici les êtres que nous aimons ne sont que les représentations qui éclosent sous nos crânes malades et vieillissants, ne sont que les créatures d’os et de sang formées par les an-goisses qui nous étreignent, ne sont que les figures objectivées de nos pensées morbides et coupables. Ici, en réalité, les êtres que nous aimons sont donc strictement la même chose que sur la Terre, et c’est précisément en cela que Solaris est le miroir dont nous avons besoin ; c’est précisément cela, l’ensei-gnement que la planète dispense à ses visiteurs humains, ces chevaliers, ces missionnaires, ces scientifiques prétendus qui viennent étendre leur domaine à ses confins, et faire flotter leur médiocre savoir sur l’océan qui la recouvre. C’est bien cela que nous apprend Solaris, pense Kelvin tandis que sa femme se retourne et tremble, glisse sa main dans la sienne et se calme, se redresse, se relève peu à peu, engourdie et atterrée puis, bientôt, pai-sible et rassurée, et que son visage se hisse vers lui, que ses lèvres cherchent ses lèvres, que ses lèvres se posent sur les siennes. Ses lèvres sont chaudes et douces, ses épaules que Kelvin attrape, ses seins sont chauds, doux. Kelvin reconnaît cette chaleur et cette douceur.

Il existe une planète où le suicide et la douceur d’une peau sont sans fin. Kelvin sent le désir monter en lui en même temps que, d’un mouvement à la fois familier et renouvelé, il s’est laissé repousser par sa femme et basculer en arrière. Leurs lèvres restent attachées, leurs langues mêlées, leurs corps intri-qués. Ainsi étendu, il sent sous son crâne, à travers sa chevelure comme irradiée par la glace, cristalli-sée, la dalle métallique du sol de la station.

Ils se murmurent de ces obscénités stupides et ordinaires qui n’appartiennent qu’aux amants. Ses mains à elle enserrent les poignets de Kelvin comme il aime qu’elles le fassent et comme elles ont eu tellement l’habitude de le faire ; ses ongles s’ac-crochent dans la chair, y marquent leur empreinte. On ne s’habitue jamais aux résurrections.

Mathieu Larnaudie est co-directeur de la revue et des éditions Inculte. Il est l'auteur de plusieurs livres dont Strangulations (Gallimard, 2008), La Constituante piratesque (Busozoïque, 2009) et Acharnement (Actes Sud, 2012).

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Samedi 14 mars 15h - PARIS Philharmonie de ParisAmphithéâtre - Philharmonie 2

MUSIqUE DU GESTE

Nicolaus A. hUBERClash Musicsolo pour une paire de cymbalesVincent-Raphaël CARINOLAToucherpour thereminvox, ordinateur et dispositif de diffusion six canauxRaymond MURRAY SChAFERThe Crown of Ariadne : Danse des insectes de nuitpour harpeKarlheinz STOCKhAUSENLe Petit Arlequinpour clarinetteRaymond Murray SChAFERThe Crown of Ariadne : Danse du Labyrinthepour harpeSteve REIChNagoya Marimbaspour deux marimbasFrançois ROSSéSeven Shows for a Reptily Eightpour flûte, clarinette, harpe et percussion

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, régie son

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Présentation du concert par Clément Lebrun à 14h15 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 25€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

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Week-end PiERRE BOULEzÀ l’occasion des 90 ans de leur fondateur, l’Ensemble intercon-temporain et l’Ircam contribuent à l’hommage qui lui est rendu par la Philharmonie de Paris, avec des propositions artistiques inattendues durant le « week-end Pierre Boulez ». Compositeur, chef d’orchestre, essayiste, Pierre Boulez a puisé son inspiration dans la poésie, les musiques extra-européennes, le théâtre et n’a cessé de dialoguer avec des créateurs d’univers apparemment éloignés du sien.

Entamée en 1973 avec la version dansée du Marteau sans maître, la rencontre avec Maurice Béjart illustre à merveille la résonance extramusicale de son œuvre. Dans ce premier programme partagé avec le Béjart Ballet Lausanne, le Dialogue de l’ombre double créé en 1998 est dansé avec deux autres œuvres de compositeurs chers à Boulez : Sonate à trois, sur des extraits de la Sonate pour deux pianos et percussion de Béla Bartók et Webern opus 5 à partir de l’œuvre éponyme du compositeur autrichien. En alternance avec ces pièces dansées, deux œuvres de Friedrich Cerha et Accords Perdus pour deux cors de Gérard Grisey forment une sorte d’écrin sonore à ces joyaux de la danse moderne.

Avec la fanfare microtonale Zug d’Enno Poppe, ou le concerto pour basson torsion : transparent variation d’Olga Neuwirth, dédié à Pierre Boulez pour ses 75 ans, les œuvres programmées au cours du « Grand soir » explorent des régions esthétiques plus vastes et témoignent de la curiosité toujours vive de Pierre Boulez pour le travail des jeunes compositeurs. L’amitié qui le liait à Luigi Nono, l’une des principales figures de l’avant-garde musicale de l’après-guerre trouve également sa place dans ce concert avec A Pierre. Dell’azzuro silenzio, inquietum. Enfin, l’Académie de Lucerne, que Pierre Boulez dirige depuis 2004, est aussi représentée avec une création de Benjamin Attahir, jeune compositeur français dont une œuvre pour orchestre a été créée lors du festival 2013 et Scales du regretté Christophe Bertrand. La participation d’un ensemble de musiciens de free jazz donne toute la mesure du non-conformisme de ce parcours musical proposé par Matthias Pintscher et les solistes de l’Ensemble, que conclut …explosante fixe…, pour flûtes et ensemble, où le dispositif électronique dif-fracte la partie du soliste.

Une conférence du musicologue Robert Piencikowski intitulée Pierre Boulez, ou l’émergence d’une personnalité musicale (1945-1970) suivie d’une table ronde, et des concerts donnés par les élèves du Conservatoire de Paris complètent le programme de ce week-end.

Que dire à propos de Boulez qui n’a pas encore été dit ! On en arrive à un point où les mots ne suffisent plus. J’éprouve tant de gratitude et de sympathie pour le personnage, mais aussi pour tout ce qu’il nous a légué : sa musique, sa pen-sée, sa pédagogie, l’Ircam, l'Académie du festival de Lucerne, sans oublier cet outil formidable qu’est l’Ensemble intercontemporain. C’est non seule-ment un honneur immense, mais une joie véritable que de partager cela. Je n’aurais jamais songé être ainsi investi dans le projet de l’Ensemble, mais cela s’est fait grâce notamment à mon ami-tié pour Pierre. Aujourd’hui, je constate qu’il n’y avait rien de plus naturel.Je nourris pour Pierre Boulez une grande admiration en même temps qu’une véritable affection, pour tout ce qu’il fait et pour ce qu’il est, pour la ma-nière dont il voit et défend la musique. Je n’oublierai jamais le temps qu’il a pris pour se plonger avec moi dans des partitions de Debussy ou de Ravel. Quel autre musicien de cette envergure et de cette génération est disposé à partager ainsi, si volontiers, son savoir ? Cela peut paraître ridicule, mais je trouve cela extraordinaire. Et je suis très honoré de fêter son 90e anniversaire, avec l’Ensemble, à la Philharmonie de Paris, notamment avec son opus mega maximum, Répons – véritable manifeste d’une décennie de musique –, mais aussi avec Pli selon pli, d’une richesse et d’une complexité uniques. Étudier l’œuvre de Pierre, et l’interpréter, est toujours un plaisir pour moi. Je ne se-rais sans doute pas devenu composi-teur et chef sans cette figure tutélaire.

• Matthias Pintscher

Jeudi 19 marsVendredi 20 mars20h30 - PARIS

Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

BOULEZ / BéJART

Béla BARTÓKSonate pour deux pianos et percussion : 1er et 2e mouvements*Friedrich CERhANeuf Bagatelles, pour trio à cordesAnton WEBERNCinq Mouvements, op. 5*pour quatuor à cordesGérard GRISEYAccords perduspour deux cors : I, II et IIIPierre BOULEZDialogue de l'ombre double*pour clarinette, clarinette enregistrée et piano résonnant

Maurice Béjart, chorégraphie*Béjart Ballet Lausanne* Solistes de l'Ensemble intercontemporain Andrew Gerzso, réalisation informatique musicale Nicolas Berteloot, régie son

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Tarifs : 32€ / 26€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Et aussi :Dimanche 22 mars14h30 à 17h30 - PARISPhilharmonie de ParisMusée de la Musique Concert-promenade

Des élèves du Conservatoire de Paris interprètent des œuvres de Pierre Boulez et d’autres compositeurs qui l’ont inspiré.

Tarif : 7€

dimanche 22 mars15h - PaRiSPhilharmonie de ParisAmphithéâtre - Philharmonie 2

Pierre BOULEZMessagesquissepour violoncelle solo et six violoncelles

Marc Coppey, violoncelleÉlèves du Conservatoire de Paris

Tarif : 25€

Samedi 21 mars 15h - PARIS Philharmonie de ParisAmphithéâtre - Philharmonie 2

Conférence et table ronde BOULEZ ET LE PARTAGE DU SENSIBLE

15h : Conférence Pierre Boulez ou l’émergence d’une personnalité musicalePar Robert Piencikowski, musicologue

16h : Table ronde

Entrée libre sur réservation

20h30 - PARIS

Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

LE GRAND SOIR - à PIERRE

PREMIÈRE PARTIE

Maurice RAVEL Frontispice (orchestration Pierre BOULEZ)pour ensemble Olga NEUWIRTh torsion : transparent variationpour basson et ensemble*Benjamin ATTAhIRNouvelle œuvre Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Christophe BERTRAND Scalespour ensemble

-------entracte----------

DEUXIÈME PARTIE

Luigi NONO à Pierre. Dell'azzurro silenzio, inquietumpour flûte contrebasse, clarinette contrebasse et électronique en temps réelDie hOChSTAPLERSession de Free Jazz ***Enno POPPE Zugpour sept cuivres -------entracte----------

TROISIÈME PARTIE

Pierre BOULEZ…explosante-fixe…pour flûte MIDI solo, deux flûtes, ensemble et électronique**

Pascal Gallois, basson* Emmanuelle Ophèle, flûte midi ** Sophie Cherrier, Marion Ralincourt, flûtes** Die Hochstapler Jazz Quartet ***Matthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, réalisation informatique musicale IrcamEric Daubresse, réalisation informatique musicale Nicolas Berteloot, régie son

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, en partenariat avec l’Ircam-Centre Pompidou

Tarifs : 25€ / 20€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

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Mardi 24 mars 20h - LILLE Jeudi 26 mars 20h - LILLE Samedi 28 mars 18h - LILLE Opéra

SOLARISOpéra en quatre actes

Dai FUJIKURA, musique Saburo TEShIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumièresUlf LANGhEINRICh, conception images 3D et collaboration lumières

Sarah Tynan : HariLeigh Melrose : Kris KelvinTom Randle : SnautCallum Thorpe : GibarianMarcus Farnsworth : KelvinSaburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseursAvec la participation de Nicolas Le RicheEnsemble intercontemporainErik Nielsen, directionGilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou

Spectacle en anglais, surtitré en français

Renseignements et réservations : www.opera-lille.fr

Vendredi 10 avril 11h - PARIS Philharmonie de ParisAmphithéâtre - Philharmonie 2

Concert éducatif AU FIL DES CUIVRES

Solistes de l’Ensemble intercontemporain Clément Lebrun, présentation

Durée : 1 heureNiveaux conseillés : du CM1 à la 5e

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Tarif : 8€

Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Dimanche 29 mars 14h - PARIS Philharmonie de ParisSalle de répétition - Philharmonie 1

CORTÈGE

Luciano BERIORicorrenzepour quintette à ventKryštof MAŘATKAExaltum pour trio à cordes et pianoAureliano CATTANEO Concertinopour trombone et ensemble amplifié harrison BIRTWISTLE Cortege. A ceremony for fourteen musicians, in memory of Michael Vyner

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, amplification

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Dans le cadre d’Orchestres en fête

Tarifs : 12€ (adulte) / enfant 8€ (enfant)Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Mardi 21 avril 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisSalle des concerts - Philharmonie 2

NEW-YORK

David FULMERConcertopour cor et ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Aaron COPLANDAppalachian spring (Ballet for Martha)suite pour treize instrumentsSean ShEPhERDConcerto pour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain

Avec le soutien du French-American Fund for Contemporary Music (un programme de FACE avec le soutien des Services Culturels de l'Ambassade de France, de la Sacem, de l'Institut français, de la Florence Gould Foundation et de la Andrew W. Mellon Foundation)

Jens McManama, cor Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Concert précédé de la conférencePour une philosophie politique de la musique avec Lydia Goehr, philosophe18h30, Amphithéâtre - Philharmonie 2Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Je suis installé depuis quelques années aux États-Unis, et Aaron Copland fait là-bas partie du panthéon musical. Je le connaissais un peu quand j’étais plus jeune, mais je ne m’y étais jamais réellement intéressé. Non pas que je n’aime pas cette musique, mais je crois que j’avais une attitude un brin condescendante à son endroit : c’est une musique si simple, si américaine. Je ne savais qu’en faire.J’ai toutefois commencé à en jouer : les symphonies, le Concerto pour clari-nette, et Appalachian Spring. Et – qui l’eût cru ? – je suis tombé amoureux de cette musique. Appalachian Spring traduit l’esprit de ce que l’Amérique peut offrir de meilleur. Quand on voyage dans le Midwest, dans les Rocheuses ou en Californie, on peut contempler ces paysages grandioses… La nature ici est d’une telle beauté, et cette beauté puissante et fantastique se retrouve dans la musique de Copland. Non seulement dans ses passages les plus dansants, mais aussi dans ses moments plus intimes.Appalachian Spring a tout à fait sa place au sein de ce concert consacré à deux très jeunes talents de la scène américaine, David Fulmer et Sean Shepherd : il témoigne des racines de cette musique. Au reste, quand on songe à la musique américaine, on pense bien sûr à Carter, Cage, Reich, Adams, Glass, mais on devrait aussi penser à Nancarrow, à Antheil, à Varèse, ou même à Barber… et à Copland, évidemment ! Bien sûr, j’aurais pu mettre du Carter à la place – Carter qui fait bien plus partie de l’univers de l’Ensemble –, mais j’ai voulu là encore mettre l’accent sur notre héritage, sur ce grand répertoire duquel naît la musique d’aujourd’hui, de la même manière qu’on a pu jouer la saison dernière du Mozart, du Schumann ou du Mahler.Appalachian Spring est une œuvre que j’adore, et je pense que, si je crois en une œuvre, j’ai la légitimité de la faire écouter à Paris pour laisser le public juger : c’est mon rôle.

• Matthias Pintscher

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Dimanche 26 avril 15h - PARIS Philharmonie de ParisAmphithéâtre - Philharmonie 2

hOMMAGE à ELLIOTT CARTER

Elliott CARTERScrivo in ventopour flûteEnchanted preludespour flûte et violoncelleSonatepour flûte, hautbois, violoncelle et clavecinFigment IVpour altoTre Duettipour violon et violoncelleOboe Quartetpour hautbois, violon, alto et violoncelle

Solistes de l’Ensemble intercontemporain

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Présentation du concert par Clément Lebrun à 14h15 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarif : 25€Formules d'abonnements de 15 à 30% de réductionRéservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Vendredi 24 avril 20h - LAUSANNE

Dimanche 26 avril 15h - LAUSANNE Opéra

SOLARISOpéra en quatre actes

Dai FUJIKURA, musique Saburo TEShIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumièresUlf LANGhEINRICh, conception images 3D et collaboration lumières

Sarah Tynan : HariLeigh Melrose : Kris KelvinTom Randle : SnautCallum Thorpe : GibarianMarcus Farnsworth : KelvinSaburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseursAvec la participation de Nicolas Le RicheEnsemble intercontemporainErik Nielsen, directionGilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou

Spectacle en anglais, surtitré en français

Renseignements et réservations : www.opera-lausanne.ch

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Mardi 28 avril 19h30 - LONDRES Barbican Centre

Claude DEBUSSYSyrinxpour flûtePierre BOULEZMémorialepour flûte et huit instrumentsMatthias PINTSChER Choc (Monumento IV) pour grand ensembleYann ROBINAsymétriadespour contrebasse et ensemblePierre BOULEZsur Incisespour trois pianos, trois harpes et trois percussions-claviers

Sophie Cherrier, flûte Nicolas Crosse, contrebasse Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction

Renseignements et réservations : www.barbican.org.uk

Samedi 9 mai 20h - COLOGNE PhilharmonieACHT BRÜCKEN

Yoshiaki ONIShITramespace IIpour grand ensembleCréation mondiale / Commande Ensemble intercontemporainMarco STROPPAélet...fogytiglanpour ensemble Création mondiale de la version complétée Commande Acht Brücken / Musik für Köln Luciano BERIOPassaggio. Messa in scena pour soprano, deux chœurs et instruments

Julia Henning, sopranoKölner Vokalsolisten Ensemble intercontemporain Pablo heras-Casado, direction

Renseignements et réservations : www.achtbruecken.de

Samedi 16 mai MARSEILLE - horaire à déterminer La Friche Belle de Mai

FESTIVAL LES MUSIQUESProgramme à déterminer

Renseignements et réservations : www.lafriche.org

Samedi 16 mai 21h - WROCLAW Lieu à déterminer MUSICA ELECTRONICA NOVA FESTIVAL

Pierre BOULEZIncisespour pianoMarcin STANCZYK Aftersoundspour deux percussionnistes et électroniqueMagnus LINDBERG Related Rockspour deux pianos, deux percussions et dispositif électroacoustiquePhilippe LEROUXMpour deux pianos, deux percussions et dispositif électroniquePhilippe hURELTombeaupour percussion et piano

Solistes de l’Ensemble intercontemporainSerge Lemouton (Ircam) et Juhani Liimatainen (studio expérimental de la Radio Finlandaise), Cort Lippe, Marcin Stanczyk, réalisation informatique musicale Miller Puckette, conseiller scientifique Ircam

Renseignements et réservations : www.musicaelectronicanova.pl

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Dimanche 14 juin AMSTERDAM - horaire à déterminerGashouder HOLLAND FESTIVAL

Pierre BOULEZRéponspour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel

Complément de programme à déterminer

Gilles Durot, xylophone Frédérique Cambreling, harpe Samuel Favre, vibraphoneHidéki Nagano, piano Dimitri Vassilakis, piano Mihai Trestian, cymbalum Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Renseignements et réservations : www.hollandfestival.nl

Samedi 20 juin ALDEBURGh - horaire à déterminerLieu à déterminerALDEBURGH FESTIVAL

Pierre BOULEZRéponspour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel

Complément de programme à déterminer

Gilles Durot, xylophone Frédérique Cambreling, harpe Samuel Favre, vibraphoneHidéki Nagano, piano Dimitri Vassilakis, piano Mihai Trestian, cymbalum Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Renseignements et réservations : www.aldeburgh.co.uk

Du 22 juin au 4 juillet PARIS Le 104MANIFESTE 2015 - Académie

Depuis sa création en 2012, l’Ensemble intercontemporain est associé aux ateliers de composition de l’académie du festival ManiFeste organisé par l’Ircam. Cette année encore les solistes accompagneront de jeunes compositeurs dans leur travail de création qui aboutira à un ou plusieurs concerts dirigés et de musique de chambre.

Informations à partir d’avril 2015 sur www.ensembleinter.com

Jeudi 11 juin 20h30 - PARIS Philharmonie de ParisGrande salle - Philharmonie 1

Michael JARRELLAssonance VIIpour percussion*helmut LAChENMANN Mouvement (-vor der Erstarrung)pour ensemblePierre BOULEZRéponspour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel**

Victor Hanna, percussion* Gilles Durot, xylophone** Frédérique Cambreling, harpe** Samuel Favre, vibraphone**Hidéki Nagano, piano** Dimitri Vassilakis, piano** Mihai Trestian, cymbalum** Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, Ircam-Centre Pompidou Dans le cadre du festival ManiFeste-2015 de l'Ircam

Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h45 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

Tarifs : 20€ / 10€ / 5€Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

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Du 4 au 16 juillet PARIS Opéra Bastille

L'ANATOMIE DE LA SENSATION pour Francis BaconBallet

Mark-Anthony TURNAGE, musique(Blood on the Floor)Wayne McGREGOR, chorégraphieJohn PAWSON, scénographieMoritz JUNGE, costumesLucy CARTER, lumières

Peter Erskine, batterieMartin Robertson, saxophoneJohn Parricelli, guitare électriqueMichel Benita, guitare basseLes Étoiles, les Premiers danseurs et le Corps de ballet de l’OpéraEnsemble intercontemporainPeter Rundel, directionWilli Bopp, régie son

Tarifs : de 5€ à 60€ selon la catégorie Représentation du 14 juillet gratuite ; entrée libre dans la limite des places disponibles

Réservations :- 08 92 89 90 90 (0,34 € TTC/min hors coût éventuel selon opérateur) ou au +33 1 71 25 24 23 depuis l'étranger, du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu'à 13h- Aux guichets du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille- www.operadeparis.fr

Samedi 4 juillet, 19h30 Dimanche 5 juillet, 14h30 Mardi 7 juillet, 19h30 Mercredi 8 juillet, 19h30 Vendredi 10 juillet, 19h30 Samedi 11 juillet, 19h30 Mardi 14 juillet, 14h30 Jeudi 16 juillet, 19h30

improvisées dans la trame même de la musique. Est-ce quelque chose qui appa-raît dans la chorégraphie ?

Blood on the Floor comprend un nombre important de passages improvisés. C’est particulièrement vrai pour le batteur et pour le trio de solistes (saxophone, guitare électrique, batterie) dans l’avant-dernier mouvement, « Crackdown », où la danse doit être libre. Cela a été particulièrement intéressant de voir Wayne concevoir la chorégraphie de ce mouvement ; le carac-tère improvisé de la musique de cette partie signifie que la durée peut varier de trois à sept minutes : la danse doit donc être à la hauteur de cela et les danseurs doivent également improviser.

En général, danse et musique sont assez précisément construites malgré la liberté des parties solistes. En composant Blood on the Floor, j’ai découvert que le défi était d’inventer des procédés qui permettraient aux solistes venant du jazz contemporain de s’associer naturellement avec le lan-gage de mon écriture pour ensemble. Par exemple, je m’intéresse beaucoup aux accords de voix, à la manière dont les notes sont espacées verticalement dans un accord – quelque chose qui remonte à Stravinsky – et j’ai découvert que le pre-mier guitariste à avoir joué l’œuvre, John Scofield, travaillait de manière similaire. Cela nous donnait un point de contact. J’ai été heureux de découvrir, pendant les répétitions des premiers concerts à Paris en 2011, que les interprètes impliqués étaient également sensibles au langage compositionnel, capables d’écouter et de répondre au contexte musical dans lequel je les avais placés.

Le principe de construction de la ma-jeure partie de l’œuvre consiste à donner aux solistes des fragments mélodiques sur lesquels ils vont construire des improvisa-tions : ils jouent pendant dix ou douze me-sures, puis l’ensemble prend le relai sur du matériau écrit, avec des articulations et des dynamiques détaillées – et toutes les

choses que les compositeurs de la tradi-tion à laquelle j’appartiens ont l’habitude de noter scrupuleusement –, puis il y a une autre intervention soliste, et l’ensemble à nouveau… Mon travail de compositeur a consisté à laisser des espaces pour ces interventions et à en contrôler précisé-ment les alternances… Ainsi, le matériau improvisé ou libre existe dans un contexte qui est déterminé par le matériau écrit, et se développe à partir de ce contexte. J’ai été heureux d’offrir à Wayne la possibi-lité d’inventer des structures comparables dans sa chorégraphie.

Le travail de Francis Bacon a toujours connu une vraie reconnaissance à Paris, notamment grâce à l’exposition mono-graphique au Grand Palais en 1971 qui conforta sa réputation internationale. Vous avez initialement composé Blood on the Floor pour un ensemble allemand et l’œuvre est maintenant interprétée par l’Ensemble intercontemporain en tant que ballet. Est-ce que le caractère inter-national de votre musique est quelque chose dont vous avez conscience en écri-vant ?

Mon œuvre n’a pas souvent été jouée en France et je suis très heureux qu’elle le soit à nouveau. Ma musique peut troubler les gens dans la mesure où elle n’est ja-mais ni entièrement tonale ni entièrement atonale. Par ailleurs, mes influences jazz ont parfois tendance à diviser le public. Si je me souciais de la réception de ma musique, je n’écrirais pas une seule note. Je me contente de composer, c’est une obsession. Une fois que c’est écrit, ça ne m’appartient plus.

Propos recueillis par John Fallas

entretien avec MARK-ANTHoNy TURNAGecompositeur La chorégraphie sur Blood on the Floor a été créée alors que vous étiez en train de travailler avec le même choré-graphe, Wayne McGregor, sur un autre ballet, Undance, pour Sadler’s Wells, à Londres. Pourriez-vous nous parler des différences et des similarités entre ces deux œuvres ?

Parce que Wayne McGregor est un choré-graphe très original, il y a dans ses ballets des mouvements distinctifs qui rendent son travail unique et immédiatement reconnaissable. Je n’étais pas présent pendant les premières étapes de travail sur le ballet, la chorégraphie fut donc une réponse autonome à ma musique – ce fut pour moi quelque chose de fas-cinant. De mon point de vue, la grande différence entre les deux créations est que Blood on the Floor existait déjà, alors que la musique d’Undance a été compo-sée spécialement à partir d’un scénario détaillé que Wayne, Mark Wallinger et moi-même avions écrit. Avec Undance, j’ai travaillé sur des miniatures de deux à trois minutes. Blood on the Floor est une œuvre de quatre-vingts minutes et les mouvements dont elle est composée sont bien plus longs. La différence de format entre les deux canevas n’est pas sans effet sur la manière dont la danse est conçue.

Parlant de canevas, Blood on the Floor a été influencé par les œuvres de Francis Bacon, et doit son titre à l’un de ses der-

niers tableaux. Wayne McGregor a appe-lé son ballet L’Anatomie de la sensation, un titre plus abstrait mais qui évoque également le travail de Bacon…

Je pense que la manière dont Bacon traite la figure humaine a influencé la choré-graphie de Wayne. Mais ma musique fut sans doute inspirée par la couleur et la violence de Blood on the Floor, un tableau que j’ai découvert dans les années 1980 alors que je rendais visite à Bacon dans sa galerie – c’était un de ses tableaux les plus récents. Il possède une qualité viscérale qui me suggéra immédiatement de la musique.

Avant Blood on the Floor, d’autres tableaux de Bacon m’avaient également beaucoup inspiré, en particulier la série des « Papes » d’après Velázquez, dans les-quels j’entenwdais toutes sortes de mu-siques – moins des choses religieuses que des choses en rapport avec la musique es-pagnole par exemple. Et cette image d’une personne en train de crier, de sa bouche… qui en soi est déjà de la musique.

Votre musique avait déjà été fortement influencée par le jazz et vous avez, au début de votre carrière, collaboré lon-guement avec Martin Robertson (le saxo-phoniste originel de Blood on the Floor, qui jouera aussi dans les concerts qui seront donnés en 2015). Mais Blood on the Floor fut la première œuvre dans laquelle vous avez incorporé des parties

L'aNaTOmiE dE La SENSaTiON

Mark-Anthony Turnage

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Dans The Imaginary Museum of Musical Works, vous soutenez – c’est la grande thèse du livre – que l’œuvre mu-sicale n’est pas un concept ontologique (dont la fonction serait de définir ce que sont ces objets qu’on nomme les œuvres musicales), mais un concept historique et régulateur dont l’émergence remonte à l’extrême fin du xviiie siècle. Autrement dit, le concept d’œuvre musicale ne se contente pas de désigner une classe d’objets, il façonne et régule la pratique de la musique depuis 1800. Parce qu’il est apparu, nous pourrions penser qu’il disparaîtra un jour. Il semble pourtant qu’il soit toujours là, malgré la diversité de plus en plus grande des pratiques. Comment expliquez-vous cette longé-vité ?

Plus le concept d’œuvre s’élargit, ce qui se passe quand on l’utilise pour penser des pratiques musicales qui n’ont que des liens très lâches avec la tradition occiden-tale, plus il perd de son contenu. Il tend à devenir un pur signifiant, une catégo-rie régulatrice vide. Cet usage débridé le neutralise. Ce phénomène n’est pas ontologique, comme certains philosophes tendent à le penser, il est social et poli-tique. Un concept comme celui d’œuvre peut très bien prendre possession d’une pratique artistique et la réguler tout en étant par ailleurs complètement vide. Le problème est que ce concept, dans la mesure où il s’applique à tout, n’accom-plit plus aucun travail substantiel. Il ne

permet même plus de distinguer une œuvre de son contraire.

On pourrait considérer cela comme une démocratisation du concept, désor-mais accessible à tous, et donc comme un accomplissement. Mais on pourrait aussi considérer que cette égalisation lui ôte toute signification. Et si l’œuvre ne fonc-tionne plus comme catégorie régulatrice, il est peut-être temps de lui substituer un autre concept, par exemple celui d’expé-rimentation ou d’improvisation. Ils pour-raient légitimement jouer un rôle plus important, voire être une alternative au concept d’œuvre, qui tend à devenir de plus en plus mortifère. Un certain nombre de musiciens utilisent ces concepts pour décrire et donner un contenu à des pra-tiques qui sont encore régulées par l’idée d’œuvre. C’est un phénomène dialectique, une manière de circonscrire les effets né-fastes d’un concept toujours actif.

Cette situation se manifeste clairement dans l’interprétation de la musique clas-sique. Il ne suffit pas de jouer correctement toutes les notes de la partition pour l’inter-préter. Et pourtant, c’est précisément ce que le concept d’œuvre requiert : l’exacti-tude. L’interprétation est tout autre chose. Elle ne peut s’accomplir qu’en dépassant l’œuvre, ce qui revient dialectiquement à la nier. Quand le pianiste Peter Serkin joue une œuvre du répertoire, il l’interprète « à rebrousse-poil » pour reprendre une ex-pression de Walter Benjamin. Le rythme, par exemple, devient légèrement – à peine – non familier, comme si la musique

était sans cesse sur le point de trébucher. On reconnaît l’œuvre, bien sûr, mais sans cette familiarité qui accompagne en gé-néral notre écoute. Bach se met à sonner comme Schönberg et Schönberg comme Beethoven car Serkin joue en quelque sorte contre la partition. Une légère alté-ration des hauteurs va lui permettre de rendre la musique d’Alban Berg harmo-nieuse malgré son atonalité. Il ne cesse de déjouer les attentes de l’auditeur. On pourrait comparer ses interprétations à la lecture critique des textes du passé, qui fait apparaître des contenus et des signi-fications que la tradition a perdus.

Dans Elective Affinities, votre dernier ouvrage, vous consacrez un long chapitre à la question de l’expérimentation mais c’est un thème qui traverse en fait tout le livre. La musique expérimentale n’a cessé de remettre en cause le concept d’œuvre et parfois avec une très grande radica-lité. Étrangement, vous considérez que 4’33’’ de John Cage fut une expérience moins subversive que Times Square de Max Neuhaus, une installation sonore qui date de 1977. Parler d’expérimenta-tion a-t-il encore un sens ? Quel rôle une musique expérimentale peut-elle espérer jouer aujourd’hui ?

Avec 4’33’’, John Cage a clairement cherché à contester le concept d’œuvre, en rendant manifeste l’ensemble des contraintes sur lesquelles elle repose. Il n’en demeure pas moins que les bruits que

L’œuvre musicale et sa subversionentretien avec LyDIA GoeHR

philosophe

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même d’opéra. L’enjeu de ce concours est de remplacer celui-ci par le concept wagnérien de « drame musical ».

Une autre sorte de compétition est celle qui relève de l’idée d’ekphrasis, qui désigne les descriptions que les arts font les uns des autres, par exemple quand un poème décrit un tableau ou quand un tableau représente une architecture. Mais cela pourrait aussi s’appliquer aux œuvres qui citent ou reprennent des œuvres du passé et ce faisant se mesurent à elles. Cette tendance est aussi liée à l’idée nos-talgique selon laquelle il serait impossible de faire mieux que Beethoven, Mozart ou Wagner. Alors, indéfiniment, on recom-pose leurs œuvres.

Le dernier chapitre d’Elective Affinities est consacré à l’opéra américain, sous le titre énigmatique « Amerikamüde / Europamüde », que l’on pourrait traduire par « Fatigué de l’Amérique / Fatigué de l’Europe », comme si l’on était voué à passer d’une fatigue à l’autre. Vous mon-trez néanmoins qu’elles ne sont pas de la même nature : la seconde est inséparable d’un rêve d’Amérique, alors que la pre-mière est en partie l’effet de la tension produite par le rêve européen.

Je dois commencer par dire que je suis moi-même entre ces deux mondes. Je suis née en Angleterre, je vis et travaille aux États-Unis et j’écris sur des penseurs et des musiciens allemands. Mais mon

intérêt pour l’exil tient à ce qu’il a à voir avec la transmission de la pensée en tant que celle-ci ne peut fonctionner que de manière dialectique. Rien ne se transmet simplement ou immédiatement, et parti-culièrement de l’Europe vers l’Amérique.

Dans elective Affinities, je me suis in-téressée à un discours de la philosophie de l’histoire qui, surtout en Allemagne, présentait l’Amérique comme un idéal à venir, quelque chose qui ne faisait pas en-core partie de l’Histoire. Dans ce discours, l’Amérique était toujours le continent du futur, du pas encore, un espace utopique où l’on pouvait, et devait, projeter toutes sortes de rêves. L’écart entre cet idéal eu-ropéen et l’histoire réelle, empirique, du continent a été aux États-Unis la source d’une grande tension ; qui fut encore compliquée par le fait que l’Amérique est peuplée de personnes qui viennent du monde entier, dont un grand nombre d’Européens. Ces questions ont donc lit-téralement hanté la conscience améri-caine : Y a-t-il une musique américaine ? Un opéra américain ? Et si c’est le cas, que sont-ils ? Comment les définir ?

Ce qui m’intéresse ici, ce sont moins les questions elles-mêmes, dont les ré-ponses sont finalement assez évidentes, que l’urgence qu’il y a à les poser, urgence qui a un rapport direct avec l’inquiétude que le concept de nation transporte avec lui. Encore une fois, le problème n’est pas artistique mais politique. Il ne s’agit pas au fond de savoir ce qu’est une

musique ou un compositeur américain mais ce que cela veut dire qu’être amé-ricain. L’inquiétude vient de là et je crois qu’elle n’a jamais été aussi grande.

Propos recueillis par Bastien Gallet

Philosophe, professeur à la Columbia University de New York, Lydia Goehr est née en Angleterre dans une fa-mille de musiciens et d’artistes. Son père, le compositeur Alexander Goehr, a fait une grande partie de sa carrière en Angleterre. Il fut, en 1955 et 1956, l’élève d’Olivier Messiaen à Paris et se lia d’amitié avec Pierre Boulez. Son grand-père, le chef d’orchestre et compositeur Walter Goehr, étudia avec Arnold Schönberg à l’Aca-démie des arts de Berlin et dirigea la première anglaise de la Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen en 1953. Sa grand-mère, Laelia Goehr, originaire de Kiev, étu-dia le piano avec Leonid Kreutzer à Berlin. Également photographe, elle est devenue célèbre pour ses portraits de musiciens. Lydia Goehr a fait ses études à Cambridge où elle a soutenu une thèse sous la direction du philosophe Bernard Williams. Elle est l’auteur de trois ouvrages de philosophie de la musique et d’histoire de la théorie esthétique (elle a notamment proposé une fascinante généalogie historique des concepts d’œuvre, d’auto-nomie et d’expérimentation) : The Imaginary Museum of Musical Works: An essay in the Philosophy of Music (Clarendon Press, Oxford, 1992), The Quest for Voice: on Music, Politics, and the Limits of Philosophy (Clarendon Press, Oxford, 2002) et elective Affinities: Musical essays on the History of Aesthetic Theory (Columbia University Press, 2008). The Quest for Voice paraîtra aux Éditions de la Philharmonie de Paris dans une traduction de Lambert Dousson et Élise Marrou (printemps 2015).

l’auditeur est amené à entendre pendant 4’33’’ sont cadrés par le temps et l’espace de l’institution musicale. Max Neuhaus revendique le statut d’œuvre pour Times Square alors même qu’elle ne peut exister indépendamment de son site et qu’elle est inaudible à ceux qui ignorent sa présence. Utiliser le nom d’œuvre pour une installa-tion comme celle-ci est plus subversif que de composer une œuvre dont la finalité est de subvertir son concept. En ce sens, Times Square est une œuvre authentique-ment expérimentale.

Historiquement, le concept d’expéri-mentation a pris deux voies extrêmement divergentes, voire contradictoires : l’une en direction d’un contrôle et de conditions de plus en plus strictes, l’autre vers une liberté toujours plus grande. La liberté de l’expérimentalisme artistique d’un côté, les contraintes de l’expérimenta-tion scientifique de l’autre. Je distingue clairement les deux termes. D’une cer-taine manière, l’interprétation musicale est passée, au cours de son histoire, d’un pôle à l’autre, de la stricte observance de la lettre de l’œuvre à la reproduc-tion de plus en plus libre de son esprit. Une interprétation n’est expérimentale qu’à partir du moment où elle remet en cause l’œuvre interprétée, se confronte, voire s’oppose à elle. Il lui faut subvertir l’œuvre, questionner son autorité comme dans la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave. Mais ce faisant, l’œuvre est préservée, car il faut bien se battre

contre quelque chose. C’est l’argument de Theodor Adorno, qu’on retrouve d’ail-leurs chez les post-structuralistes. Une liberté absolue est vide. On ne peut être autonome qu’en relation à quelque chose qui nous détermine.

Pour ceux qui soutiennent la thèse de la fin ou de la mort de l’art, selon qu’on se réfère à Arthur Danto ou à Theodor Adorno, la revendication que l’artiste fait de son autonomie n’a plus aucun sens au-jourd’hui car rien ne vient la contraindre. Toutes les productions musicales sont possibles et permises. Pourquoi reven-diquerait-on une liberté que l’on possède déjà ? D’un autre côté, cette liberté n’a plus aucune valeur, car elle n’a plus rien à combattre, rien contre quoi exister et s’affirmer. S’interroger sur la musique expérimentale aujourd’hui, se demander si elle a toujours un rôle à jouer, n’est-ce pas poser à nouveau ces questions ?

Le seul moyen de sortir de cette contra-diction, c’est de se demander pourquoi il y a encore tant d’urgence à se poser ces questions. C’est ce que j’ai appris d’Adorno. Quelles sont les conditions sociales et politiques qui font que ces re-vendications sont si importantes ? Car je ne crois pas qu’il s’agisse là de questions artistiques ; ce sont des questions sociales et politiques.

S’il est un concept qu’Adorno maintient malgré tous les changements qu’il lui fait subir, c’est celui d’œuvre. Comme si

l’œuvre était le dernier lieu possible de la critique et de la contestation. Il existe pourtant un certain nombre de pratiques artistiques engagées, par exemple parti-cipatives, qui ne font pas œuvre.

Le livre que je suis en train d’écrire a pour sujet la compétition [contest] entre les arts, ce que les Grecs appelaient l’agôn. Ce combat est plus ancien que le concept d’œuvre. Il a trait à la manière dont les arts ont lutté, luttent toujours, les uns contres les autres. On l’observe déjà chez Platon et on n’a cessé de poser ces questions de-puis lors : la peinture est-elle supérieure à la poésie et la poésie à la musique, la musique à l’architecture, l’architecture à la sculpture, etc. ? Faire l’histoire de ces combats ouvre des perspectives nouvelles et fascinantes. On écrit beaucoup sur le caractère agonistique de la démocratie et sur la question de la résistance, de la contestation, comme s’il s’agissait d’un même problème. Tout le monde nous dit de résister, mais qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Je fais de ce point de vue une distinction très nette entre compé-tition [contest] et contestation [contesta-tion]. J’écris sur les luttes qui ont traversé l’histoire des arts et qui n’ont pas toutes donné lieu à de réelles contestations.

Il en est une, célèbre, que j’analyse dans The Quest for Voice : le concours que Richard Wagner met en scène dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg et qui remet en cause, conteste le concept

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Il lit Ray Bradbury. Il lit Chroniques martiennes. Il est dans l’Union Européenne. Il est en République Française. Il fume. Il fume du tabac. Il fume des pueblo. Il nuit à sa santé. Il nuit à son entourage. Il prend un kleenex. Il se mouche. Il mange un bonbon. Il est frais. Il a des sensations. Il est à Rouen. Il est rue Guillaume-le-Conquérant. Il est au 7. Il est libre. Il est fraternel. Il est en République Française. Il a des droits. Il a des de-voirs. Il vote. Il est en 2013. Il est le

11 septembre. Il est à Rouen. Il est rive gauche. Il est avenue de Caen. Il est au 31. Il est chez snoa. Il est client. Il est avec Catherine. Il est avec Marvin. Il est serviable. Il est rapide. Il est agréé. Il est avec le réception-naire. Il a une voiture. Il a une Opel. Il fait des réparations. Il remplace des pièces. Il remplace :

- le silencieux arrière- le joint- le tuyau central échappement- le silent bloc echappt

Il mange un bonbon. Il mâche du gingembre. Il a des douleurs. Il a de la fièvre. Il prend du paracétamol. Il prend un comprimé. Il voyage. Il prend le train. Il est en 2013. Il est le 11 novembre. Il est 13h40. Il est à Paris. Il est en zone urbaine. Il monte

dans un taxi. Il est avec Samuel. Il est à l’IRCAM. Il est adhérent. Il est à la SPEDIDAM. Il est adhérent. Il a des congés spectacle. Il est assuré. Il est à la maif. Il a un code. Il consulte son compte. Il est en République Française. Il est avec Samuel. Il est avec Amedé. Il est avec Gaspard. Il est à Paris. Il est en 2013. Il va bien. Il est en groupe. Il déjeune. Il paie par chèque. Il est en Europe. Il est en République Française. Il a un permis. Il conduit. Il est malade. Il a la grippe. Il prend un médicament. Il prend une dose. Il a le nez bouché. Il a le rhume. Il a une sinusite. Il est adulte. Il inhale de l’eau de mer. Il a une ouïe sensible. Il se protège les tympans. Il porte une protection auditive. Il utilise de la cire naturelle. Il perd 27 dB. Il se douche. Il met du déodorant. Il est le 31 décembre. Il est en 2013. Il est à la banque. Il est à la bnp paribas. Il est à Paris. Il est rue Raynal. Il est au 20. Il est à l’agence. Il est à l’agence Daumesnil. Il est avec Nicolas. Il a un compte. Il est au guichet. Il dépose un chèque. Il remplit le bordereau. Il est à Nice. Il est sur la Côte d’Azur.

Il est libre. Il voyage. Il monte dans un bus. Il est avec Ying. Il est avec un compositeur. Il est à leroy mer-lin. Il est client. Il a une carte. Il a des envies. Il prend vie. Il fait des achats. Il est assuré. Il est adhérent. Il a le tiers payant. Il est à Monaco. Il est le 2 janvier. Il est en 2014. Il est 20h02. Il est Galerie du Métropole. Il est au 113. Il est au restaurant. Il est chez Pizza et Pasta. Il mange une pizza 4 saisons. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Monte-Carlo. Il est aux Ballets de Monte-Carlo. Il est au Grimaldi Forum. Il est salle des Princes. Il est le 2 janvier. Il est en 2014. Il est 20h30. Il est avec Jenny. Il va voir un spec-tacle. Il est assis au parterre 2. Il est place 39. Il assiste à Casse-noisette. Il est à Paris. Il est rue Daguerre. Il est au 6. Il est samedi 4 janvier. Il est en 2014. Il est 21h09. Il est Maison Peret. Il est au restaurant. Il est table 46. Il appelle le serveur. Il commande du Côtes-du-rhône. Il mange une assiette de jambon à l’os. Il mange des pommes de terre. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Nice. Il est rue Centrale. Il est au 2. Il est le 22

janvier. Il est en 2014. Il est à la librai-rie Jean Jaurès. Il achète un livre. Il achète Les Bébés de la consigne auto-matique. Il est à la caisse. Il est avec la caissière. Il paie. Il dit merci. Il est rue Barberis. Il est au 5. Il est à Nice. Il est chez le fleuriste. Il achète des fleurs. Il paie. Il va à l’espace spor-tif. Il a un pass. Il fait du sport. Il est chez Carine. Il est avec Alex. Il est rue Gioffredo. Il est au 5. Il est à Nice. Il est au Bel-œil. Il est dans un café. Il est rue Emmanuel-Philibert. Il est au 12. Il est à Nice. Il est chez jean louis david. Il se fait coiffer. Il a une offre. Il est privilégié. Il est à l’Atelier. Il est avec Franck. Il visite une galerie. Il aime l’art. Il est contemporain. Il est à Nice. Il est rue des Congrès. Il est au 2. Il visite une galerie. Il est avec Guillaume. Il est avec le directeur. Il aime l’art. Il est à Nice. Il est avenue Saint-Jean-Baptiste. Il est 15h38. Il est dans une librairie. Il achète une bande dessinée. Il achète Terres mau-dites. Il est à la caisse. Il a un article. Il paie. Il a mal à la tête. Il prend de l’aspirine. Il prend un cachet. Il lit Kurt Schwitters. Il lit l’Ursonate :

Il lit.

décade : Portrait d'ensemblepar ANNe-JAMeS CHAToN, poète sonore

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Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Paris. Il est rue de l’Échelle. Il est au 4. Il est à l’Ensemble intercontem-porain. Il joue de la contrebasse. Il lit une partition. Il joue un concer-to de chambre. Il joue du Ligeti. Il est à la bibliothèque. Il emprunte une partition. Il emprunte Aus dem Nachlass de Kagel. Il lit. Il lit elégies à Mytilène. Il lit le chapitre lxxxix. Il lit La Solitude. Il écrit. Il écrit un poème. Il écrit Altération Anatomique. Il travaille. Il étudie. Il déchiffre une partition :

lentopochisseco (ancora più piano)pocoin rilievo la corda liberacresc. pochissimopocopocoin rilievopoco rinforzandopocosim

Il joue. Il joue de la musique. Il joue Louis Andriessen. Il joue Workers Union. Il est avec Nina. Elle est à Paris. Elle est avenue Jean-Jaurès. Elle est au 188. Elle est au Bœuf Couronné. Elle

est table n°1. Elle est un samedi. Elle est le 2 février. Elle déjeune. Elle est servie par Karim. Elle mange un pavé de rumsteck. Elle boit du vin. Elle boit du Gamay. Elle prend un verre de Touraine. Elle paie. Elle dit merci. Elle est à l’Ensemble intercontem-porain. Elle prend un mouchoir. Elle se mouche. Elle met une crème. Elle est pure. Elle est à la camomille. Elle voyage. V Sloveniji je. V Ljubljani je. Piše ministru za kulturo. Na pošti je. Pošilja pošto. Priporočeno. Spravi po-trdilo. V Ljubljani je. Na Poljanski ulici je. Na številki 17 je. V neki agenciji je. Išče koncerte. Pogovarja se z Moniko. Na Slovenski cesti je. Na številki 30 je. Pri Digitalnem Fotocentru je. Razvija fotografije. V Ljubljani je. Na Tomšičevi ulici je. Pripravlja turnejo. Igra v Avstriji. Igra v Bolgariji. Igra na Hrvaškem. Igra v Republiki Češki. Igra na Madžarskem. Igra v Moldaviji. Igra na Poljskem. Igra v Romuniji. Igra v Srbiji. Igra v Sloveniji. Igra v Turčiji. Igra v Ukrajini. V Ljubljani je. Na uni-verzi je. Študira. Študira glasbo. Slabo vidi. Nosi očala. Nakupuje. V H&M je. Posluša radio. Gleda televizijo. V mes-tu je. Gre na avtobus. V neki knjigarni je. Kupi knjige. V Republiki Sloveniji je. V Ljubljani je. Telefonira. V Music Boxu je. Na Levstikovi ulici je. Na 4a je. Najame en film. Je 3. februar. V hotelu je. V Grand Hotelu je. V Rogaški je. V Grand Hotelu Rogaška je. V Rogaški

je. V toplicah je. Kopa se. Sie ist auf Reisen. Sie ist in Frankfurt/Main. Sie ist in der Schwedlerstraße 2-4. Sie ist im Ensemble Modern. Sie spricht mit Sava. Sie spielt Trompete. Sie hat Kopfschmerzen. Sie nimmt ein Aspirin. Sie nimmt 500 mg. Sie ist bei ikea. Sie hat eine Prepaid-Karte. Sie kauft Möbel. She is travelling. She’s in Hungary. She’s in Budapest. She’s on Cseppkö Street. She’s at number 18. She’s at the Slovenian embassy. She’s seen by the first secretary. She’s tal-king to Matej. She is travelling. She’s in Washington. She’s on 21st Street, NW. She’s at number 1600. She’s at the Phillips Collection. She’s talking to the musical director. She’s talking to Caroline. She’s in Washington DC. She’s on 22nd St., NW. She’s at number 801. She’s at the George Washington University. She’s at the Columbian College of Arts & Sciences. She’s at the department of music. She’s tal-king to a professor. She’s talking to Douglas. She’s with Matthias. He’s in New York. He’s got a car. He’s driving. He’s on Riverside Boulevard. It’s win-ter. It’s February. He’s in the street. He chews a chewing gum. He takes the subway. He’s carrying a suitcase. He’s in 2014. He’s at Hook Up. He’s having lunch. He goes to see a show. He’s at the New York Philharmonic. He’s at a concert. It’s conducted by Alan Gilbert. He’s with Ethan.

Dedesnn nn rrrrr, desnn nn rrrrr nn nn rrrrr nn rrrrr Iiiii Eeeee m mpe mpff mpiffte mpiff tilll mpiff tillff mpiff tillff toooo, Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll,Jüü-Kaa?llll,Jüü-Kaa? (cantado) Fümms bö wö tää zää Uu, pögiff, kwii Ee. Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll, Jüü-Kaa? Rinnzekete bee bee nnz krr müüüü, ziiuu ennze ziiuu rinnzkrrmüüüü, Rakete bee bee. Zikete bee bee (F) Rinnzekete bee bee Rakete bee bee Zikete bee bee ennze Rinnzekete bee bee ennze Rakete bee bee ennze Zikete bee bee nnz krr Rinnzekete bee bee nnz krr Rakete bee bee nnz krr Zikete bee bee nnz krr müüüü Rinnzekete bee bee nnz krr müüüü Rakete bee bee nnz krr müüüü

Il voyage. Il est sur air france. Il a une carte Flying blue. Il est à Strasbourg. Il est place Dauphine. Il est au 1. Il est à Musica. Il est à un festival. Il écoute de la musique. Il est avec Bénédicte. Il est avec la déléguée de production. Il est à Paris. Il est rue de la Tombe-Issoire. Il est au 60. Il est au Jugurtha. Il est au restaurant. Il est le 26 janvier. Il est en 2014. Il est 21h09. Il dîne. Il boit du vin. Il boit avec modération. Il paie. Il est à la banque. Il est à la bnp paribas. Il est 11h48. Il est le 27 janvier. Il est en 2014. Il est à l’agence. Il a un compte. Il dépose un chèque. Il conserve le reçu. Il est avec Nicolas. Il est à la poste. Il est le 27 janvier. Il est en 2014. Il est 12h15. Il parle au facteur. Il réceptionne un colis. Il est à la ratp. Il est à la station Alésia. Il est le 29 janvier. Il est en 2014. Il est 11h58. Il est à l’appareil. Il charge son pass. Il achète un forfait. Il prend une semaine. Il prend les zones 1 à 2. Il paie. Il est à Paris. Il est avenue du Général-Leclerc. Il est au 107 bis. Il est le 29 janvier. Il est en 2014. Il est 19h49. Il fait des courses. Il est à elan nature. Il achète :

du pain, de la fleur de brebis, de la tomme de chèvre, du tarama blanc, de l’huile d’arachides, des abricots entiers

Il est à la caisse n°2. Il est avec Benoît. Il paie. Il conserve le ticket.

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Il est à Paris. Il est rue des Envierges. Il est au 1. Il est le 6 février. Il est en 2014. Il est 23h16. Il est à L’O’Paris. Il dîne. Il boit du Côtes-du-rhône. Il mange un gravlax de saumon. Il com-mande un risotto d’orge perlé. Il paie. Il est à Paris. Il est à Bastille. Il est rue Saint-Sabin. Il est au 4 bis. Il est à casa bagno. Il est le 7 février. Il est en 2014. Il est avec le conseiller. Il a un projet. Il fait des choix. Il choisit des pro-duits. Il prend du sur mesure. Il prend de la qualité. Il est libre. Il est frater-nel. Il est en République Française. Il a des droits. Il a des devoirs. Il est en République Française. Il est en Europe. Il a un permis. Il conduit. Il est à nicobat. Il est rue des Rigoles. Il est au 26. Il est à Paris. Il est à Nation. Il est à castorama. Il est client. Il fait des achats. Il est avec le directeur. Il est avec Nicolas. Il présente un ex-trait Kbis. Il a une carte artisan. Il a une offre. Il a 15% de remise. Il est rue Saint-Opportune. Il est au 3. Il est à Paris. Il est au Vestibule. Il est à la SPEDIDAM. Il est artiste. Il est inter-prète. Il joue de la musique. Il danse. Il est adhérent. Il est rue Oberkampf. Il est au 154. Il est à Paris. Il est à l’Atelier 154. Il est avec Stéphane. Il parle au directeur. Il est à cinebank. Il loue une vidéo. Il a une carte. Il a des avantages. Il est au Conservatoire. Il est à Gennevilliers. Il est rue de la

Paix. Il est au 1. Il téléphone. Il est avec Nicolas. Il est à l’IRCAM. Il est à la fnac. Il est adhérent. Il est pas-sionné. Il est avec Nicolas. Il est à Paris. Il est dans une agence immo-bilière. Il est rue du Jourdain. Il est au 2 bis. Il est dans l’agence. Il parle avec le directeur. Il est avec Alexandre. Il a des valeurs. Il a de la force. Il est chez corep. Il a une carte. Il fait des copies. Il imprime en couleur. Il est en France. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 145. Il est à Paris. Il développe des photos. Il est pro. Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 14 février. Il est en 2014. Il est 23h22. Il est dans une brasserie. Il est au Biclowne. Il dîne. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il prend la note. Il dit merci.

He’s sick. He’s healing himself. He’s insured. He’s got health insurance. He’s at the bank. He’s at the Chase Bank. He’s got a credit card. He withdraws money. He goes into a store. He looks at the collection. He buys an Armani. Il voyage. Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 4 février. Il est en 2014. Il est 14h05. Il est dans une bras-serie. Il est au Biclowne. Il déjeune. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est le 4 février. Il travaille. Il a un emploi du temps :

• 10h - 13h partielle SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 chanteur + mise en scène + pianiste Georg NIGL / Andreas STAIER• 14h - 17h partielle WEBERN : op. 13 et op. 15. / SZYMANOWSKI op 46b Chef + soliste + pianiste MP / M. Montalvo / pianiste• 14h - 16h30 Répétition SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 tutti 3 + solistes Georg NIGL / Andreas STAIER / JL mise en scène• 16h30 - 18h Répétition ANDRIESSEN : Workers Union, symphonic movement for any loud... EO/JCJMC/GS/EMC/NC• 16h30 - 18h technique démontage scèno Winterreise / montage instruments• 18h - 21h Répétition WEBERN : Quatre Lieder, op. 13, pour soprano et ens. tutti + soliste WEBERN : Cinq Lieder spirituels, op. 15, pour sop. et ens. tutti + soliste RAVEL : Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, tutti + soliste SZYMANOWSKI : Slopiewnie, cinq mélodies op. 46b tutti + soliste Matthias PINTSCHER / Marisol MONTALVO / Diana AxENTII• 22h - 22h30 technique démontage instruments / mise en scène Winterreise

Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 4 février. Il est en 2014. Il est 23h16. Il est dans une bras-serie. Il est au Biclowne. Il dîne. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il prend la note. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à l’Horloge. Il est à Paris. Il est le 6 février. Il est 13h47. Il est table numéro 5. Il déjeune. Il prend un repas complet. Il est à la caisse. Il est avec le serveur. Il paie. Il remercie l’équipe. Il est le 6 février. Il travaille. Il a un emploi du temps :

• 9h - 10h technique remise en place du décor • 10h - 12h30 Répétition Captation vidéo SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 tutti 4 + solistes Georg NIGL / Andreas STAIER / JL + mise en scène• 14h - 17h générale Captation vidéo SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 comme ci-dessous• 17h - 18h30 technique démontage scéno Winterreise / montage percus Rihm• 18h30 - 21h30 Répétition RIHM : Tutuguri VI (Kreuze), Music after Antonin Artaud, for six... tutti MC + Étudiants CNSMDP• 21h30 - 23h30 technique démontage percus Rihm / mise en scène pour générale « longue nuit »

Il dit àbientôt.

Voir aussi la présentation de ce texte par Anne-James Chaton dans le sommaire de cette brochure.

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L’ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN Créé par Pierre Boulez en 1976 avec l’appui de Michel Guy (alors secrétaire d’État à la Culture) et la collaboration de Nicholas Snowman, l’Ensemble intercontemporain réunit 31 solistes partageant une même passion pour la musique du XXe siècle à aujourd’hui.Constitués en groupe permanent, ils participent aux missions de dif-fusion, de transmission et de création fixées dans les statuts de l’En-semble. Placés sous la direction musicale du compositeur et chef d’orchestre Matthias Pintscher, ils collaborent, au côté des compositeurs, à l’explo-ration des techniques instrumentales ainsi qu’à des projets associant musique, danse, théâtre, cinéma, vidéo, arts plastiques, etc. Chaque année, l’Ensemble commande et joue de nouvelles œuvres, qui viennent enrichir son répertoire.En collaboration avec l’Institut de Recherche et Coordination Acous-tique/Musique (Ircam), l’Ensemble intercontemporain participe à des projets incluant de nouvelles technologies de production sonore.

Les spectacles musicaux pour le jeune public, les activités de formation des jeunes instrumentistes, chefs d’orchestre et compositeurs ainsi que les nombreuses actions de sensibilisation des publics, traduisent un engagement profond et internationalement reconnu au service de la transmission et de l’éducation musicale.Depuis 2004, les solistes de l’Ensemble participent en tant que tuteurs à l' Academie du festival de Lucerne, session annuelle de formation de plusieurs semaines pour des jeunes instrumentistes, chefs d’orchestre et compositeurs du monde entier.En résidence à la Cité de la musique (Paris) depuis 1995, et à partir de janvier 2015 à la Philharmonie de Paris, l’Ensemble se produit et enre-gistre en France et à l’étranger où il est invité par de grands festivals internationaux.Financé par le ministère de la Culture et de la Communication, l’Ensemble reçoit également le soutien de la Ville de Paris.

Les actions éducatives et culturelles TOUT PUBLIC

AUTOUR DES CONCERTS Les concerts donnés à Paris sont, pour la plu-part, précédés d’une présentation des œuvres au programme. Elles offrent à chacun l’occa-sion d’être accompagné dans son expérience de la musique du XXe siècle à aujourd’hui. Certains concerts sont également suivis d’une rencontre avec les musiciens, ouverte aux questions du public sur les œuvres et leur interprétation.

RÉPÉTITIONS PUBLIQUES Certaines répétitions à Paris et en région sont ouvertes au public. Une autre façon de découvrir les œuvres (parfois au tout début de leur processus de création) ainsi que le tra-vail des compositeurs et des interprètes. Ces répétitions sont pour la plupart commentées par un médiateur en collaboration avec les musiciens.

SOLISTES EN BIBLIOTHÈQUES (en partenariat avec Paris Bibliothèques) Ces rencontres musicales dans les biblio-thèques et les médiathèques parisiennes sont conçues et animées par les solistes de l’Ensemble. Elles ont pour but de faire dé-couvrir l’univers de la musique du XXe siècle à aujourd’hui à un large public. La variété des interventions reflète la diversité des

personnalités des solistes. Elles peuvent être axées sur un thème, une période de l’histoire de la musique, un instrument et son réper-toire, un compositeur, etc. Le rapport de proxi-mité entre le public et les solistes renforce la dimension d’échange et de partage d’expé-rience.

JEUNE PUBLIC

Faire découvrir la musique du XXe siècle à aujourd’hui aux plus jeunes, c’est former le public de demain. Un enjeu décisif porté par des activités spécialement conçues pour le jeune public.

CONCERTS ÉDUCATIFS Imaginés par les solistes de l’Ensemble avec la collaboration d’auteurs et de metteurs en scène, ces concerts présentent au jeune

public, sous une forme ludique et originale, des œuvres du XXe siècle à aujourd’hui. Ils sont réalisés en partenariat avec le service pédago-gique de la Cité de la musique. Concerts éducatifs de la saison 2014-15 p. 51 et p. 74

PARCOURS SCOLAIRES Pendant l’année scolaire 2014-15, les élèves d’une classe du collège Georges-Méliès vien-dront découvrir le monde musical de l’En-semble intercontemporain. Ce parcours propose aux collégiens de se familiariser avec les lieux de concerts, les œuvres et les métiers de la musique, grâce à la rencontre avec les musiciens, les composi-teurs, les chefs d’orchestre, les techniciens....

SÉANCES JEUNESSE EN BIBLIOTHÈQUES (en partenariat avec Paris Bibliothèques ) La relation directe avec un musicien, son ins-trument et bien sûr avec la musique, est tou-jours une source d’émerveillement pour les enfants. Les solistes de l’Ensemble les plus sensibles à la transmission au jeune public proposent des séances musicales pédago-giques et ludiques qui stimulent la curiosité et encouragent l’échange. Autant d’opportunités pour les enfants (et leurs parents) de décou-vrir des mondes musicaux qui nourrissent l’imagination et la créativité.

ENSEIGNANTS

STAgE « LA FACE CACHÉE DE L’ORCHESTRE » Ce stage organisé par l’académie de Créteil s’adresse à des enseignants de toutes disci-plines. En trois jours de formation ils décou-vrent les activités de trois orchestres : Les Talens Lyriques, l’Orchestre national d’Île-de-France et l’Ensemble intercontemporain.

Les spécificités artistiques, pédagogiques et institutionnelles de chacune de ces trois for-mations sont présentées aux enseignants. Ils rencontrent les musiciens et les responsables des services pédagogiques. Ils découvrent les différents métiers de l’orchestre et parti-cipent à des ateliers pratiques, des répétitions publiques, etc.

MASTER CLASSES ET ATELIERS EN CONSERVATOIRES

Accompagnés par les solistes de l’Ensemble, les étudiants des conservatoires nationaux, régionaux et parfois internationaux, futurs professionnels (ou amateurs), découvrent les techniques et les modes de jeu propres au répertoire contemporain. Ils se familiarisent ainsi avec des écritures musicales actuelles et les projets des compositeurs d’aujourd’hui.Au Conservatoire national de musique et de danse de Paris, des ateliers pédagogiques de haut niveau, conçus à partir d’œuvres au pro-gramme d’un concert de la saison, permettent à de jeunes musiciens en voie de profession-nalisation de se perfectionner au contact de leurs aînés expérimentés de l’Ensemble. Ce travail approfondi réalisé sur une période de plusieurs semaines aboutit à un concert réunissant l’Ensemble intercontemporain et l’orchestre du Conservatoire. En 2014-15, il aura lieu le 3 février 2015 à la Philharmonie de Paris. Un lieu exceptionnel pour un pro-gramme qui le sera tout autant puisqu’il don-nera à entendre le cycle intégral Pli selon pli de Pierre Boulez et Amériques d’Edgard Varèse (voir p. 58 de cette brochure) La collaboration avec le Conservatoire de Paris se renforcera cette saison avec de nouveaux

projets d’accompagnement des étudiants des classes de composition et de direction d’orchestre.

ACADéMIE DU FESTIVAL DE LUCERNE

Depuis sa création en 2004, les solistes de l’Ensemble intercontemporain participent aux sessions de l’académie du festival de Lucerne, sous la direction artistique de Pierre Boulez. Internationalement réputés pour leur expérience pédagogique, ils contribuent au perfectionnement de la formation de jeunes musiciens de haut niveau venus du monde entier. Ce travail en profondeur se déploie sur plusieurs semaines et donne lieu à plusieurs concerts donnés dans le cadre du festival de Lucerne. www.academy.lucernefestival.ch [email protected]

ACADéMIE DU FESTIVAL MANIFESTE

L’Ensemble intercontemporain est associé à l’académie du festival ManiFeste organisé par l’Ircam, depuis sa création en 2012. Pour cette nouvelle édition du 22 juin au 4 juillet 2015, l’Ensemble interviendra principalement dans les ateliers dédiés aux jeunes compositeurs, tant en créations dirigées que non dirigées. Ils aboutiront à un ou plusieurs concerts publics. www.ircam.fr/academie.html

Informations complémentaires et calendrier des activités sur www.ensembleinter.com

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LES SOLISTES DE L’ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN

Flûtes Sophie Cherrier, Emmanuelle Ophèlehautbois Philippe grauvogel, Didier Pateau Clarinettes Jérôme Comte, Alain DamiensClarinette basse Alain BillardBassons Pascal gallois, Paul RiveauxCorsJens McManama, Jean-Christophe VervoitteTrompettes Jean-Jacques gaudon, Clément Saunier Trombones Jérôme Naulais, Benny SluchinTuba - nnPercussions gilles Durot, Samuel Favre, Victor HannaPianos/claviers Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis, Sébastien Vichardharpe Frédérique Cambrelingviolons Jeanne-Marie Conquer, Hae-Sun Kang, Diégo Tosialtos Odile Auboin, grégoire Simonvioloncelles Éric-Maria Couturier, Pierre StrauchContrebasseNicolas Crosse

éqUIPE ADMINISTRATIVE ET TEChNIqUE

directeur général Hervé Boutrydirectrice administrative et financière Sophie QuéréCoordinatrice artistique Alix SabatierResponsable production et diffusion Marine gaudryResponsable comptable geneviève Weiss Régisseur général Jean RadelRégisseur son/plateau Nicolas Berteloot Régisseurs plateau Samuel Ferrand, Benjamin MoreauBibliothécaire Damien Degraeve adjointe régie/bibliothèque Caroline BarillonChargée des actions éducatives Sylvie CohenResponsable communication Luc HossepiedChargée de communication et mécénat Émilie Roffi

CONSEIL DE L’ENSEMBLE

Président d’honneurPierre BoulezPrésidenthenri Loyrette, conseiller d'Étatmembre d'honneurJack Ralite

mEmBRES dE dROiT aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, représentée par Michel Orier, Directeur général de la création artistiqueanne hidalgo, Maire de Paris représentée par Bruno Juillard, Premier adjoint au Maire, chargé de la culture Pascale henrot, Directrice de l'Office National de Diffusion ArtistiqueXavier darcos, Président de l’Institut FrançaisJean-Pierre Tronche, Inspecteur de la création et des ensembles français artistiques, désigné par le Ministre de la Culture et de la Communication

PERSONNaLiTéS qUaLiFiéES Nicholas Snowman, vice-présidentJean-Philippe Billarant, trésorier Pascal dusapin, secrétaire Karine Gloanec maurin Brigitte LefèvreSuzanne Pagé

Composition et direction d’orchestre : dans l’esprit de Matthias Pintscher, ces deux domaines d’activité sont totalement complé-mentaires. « Ma réflexion de chef d’orchestre est enrichie par mon propre processus d’écri-ture, et vice versa », explique-t-il. Créateur d’œuvres majeures pour des orchestres de premier plan, sa sensibilité de compositeur lui apporte une compréhension de la parti-tion « de l’intérieur » qu’il partage avec les musiciens. Matthias Pintscher entretient ainsi d’étroites collaborations avec de grands inter-prètes (gil Shaham, Julia Fischer, Frank Peter Zimmermann, Truls Mørk, Emmanuel Pahud, Tabea Zimmermann, Antoine Tamestit, Jean-Yves Thibaudet, etc.) et des chefs du monde entier tels que Simon Rattle, Pierre Boulez, Claudio Abbado, Valery gergiev, Christoph von Dohnányi, Kent Nagano, Christoph Eschen-bach, Franz Welser-Möst ou Daniel Harding.Artiste associé du BBC Scottish Symphony Or-chestra depuis la saison 2010-11, il est aussi artiste en résidence de l’Orchestre de la Radio danoise depuis mai 2014. Il dirige aujourd’hui régulièrement en Europe, aux États-Unis et

en Australie de grandes formations interna-tionales parmi lesquelles l’orchestre philhar-monique de New York (depuis mai 2014), les orchestres symphoniques de Milwaukee et de l’Utah, ceux de la BBC, de la RAI, de Sydney et de Melbourne, les orchestres du Théâtre Ma-riinsky, de l’Opéra de Paris, de la Staatskapelle de Berlin, de la NDR d’Hambourg et du MDR de Leipzig, de la Tonhalle de Zürich, mais aussi le Mahler Chamber Orchestra, la Philharmonia de Londres, etc. En 2014-2015, il dirigera pour la première fois l’orchestre philharmonique de Los Angeles, l’Orchestre symphonique national de Washing-ton DC, l’orchestre du Bayerischer Rundfunk et le National Arts Centre Orchestra d’Ottawa. Très engagé dans la diffusion du répertoire contemporain, Matthias Pintscher est nommé directeur musical de l’Ensemble intercontem-porain en juin 2012. Il prend ses fonctions en septembre 2013. Il collabore avec de nombreux ensembles tels que l’Ensemble Modern, le Klangforum Wien, l’Ensemble Contrechamps, l’Ensemble Avanti ! (Helsinki), le Remix Ensemble (Porto)

et le Scharoun Ensemble du Philharmonique de Berlin.Matthias Pintscher est également directeur artistique de l’académie du festival de Prin-temps de Heidelberg, dédiée aux jeunes com-positeurs. Sa passion pour la pédagogie trou-vera un nouveau développement à la Juilliard School de New York où il a été nommé profes-seur de composition ; un poste qu’il occupera à partir de septembre 2014.En 2012, il est sélectionné par la Commission Roche pour sa création Chute d’Étoiles dont la première a lieu au festival de Lucerne en août de cette même année, avec l’orchestre de Cleveland sous la direction de Franz Welser-Möst. L’œuvre est ensuite reprise au Seve-rance Hall de Cleveland et au Carnegie Hall en novembre 2012.Matthias Pintscher suit une formation musi-cale dès son plus jeune âge (piano, violon, percussion). À 15 ans, il dirige l’orchestre symphonique des jeunes de la ville de Marl en Allemagne. Il commence à composer quelques années plus tard, parallèlement à sa formation en direction d’orchestre, qu’il suit

notamment à Vienne auprès de Peter Eötvös, en 1994. Depuis, il partage ses activités entre la composition et la direction d’orchestre.Ses créations se distinguent par la délicatesse de leur univers sonore, le raffinement de leur construction et leur précision d’expres-sion. Elles sont interprétées par des grands orchestres philharmoniques et symphoniques (parmi lesquels ceux de Berlin, New York, Cleveland, Chicago, Londres et Paris) et des ensembles spécialisés cités pus haut. Matthias Pintscher est l’auteur de deux

opéras (dont L’Espace dernier, créé à l’Opéra national de Paris, Bastille en 2004), de nom-breuses œuvres orchestrales, de concer-tos (dont Mar’eh, concerto pour violon créé en 2011 par Julia Fischer, le cycle en trois parties Sonic Eclipse, ou Bereshit créé en 2013), et d’œuvres de musique de chambre (dont Uriel pour violoncelle et piano, créé en 2013), toutes publiées aux éditions Bären-reiter.En début de saison 2014-15, l’orchestre de Cleveland dirigé par Franz Welser-Möst créera

idyl, une nouvelle composition pour orchestre. Matthias Pintscher a enregistré plus de vingt disques pour de nombreux labels : Kairos, EMI, ECM, Teldec, Wergo, Winter & Winter, etc. Il réside aujourd’hui à New York après avoir vécu à Paris, deux villes, deux cultures qu’il a choisies pour leur caractère complémentaire.

Matthias Pintscher DIRECTEUR MUSICAL

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L’ART POUR GRANDIR Pendant une année scolaire, de septembre 2014 à juin 2015, les élèves d’une classe de 5e du collège parisien georges-Méliès viendront découvrir le monde musical de l’Ensemble intercontemporain. Ce par-cours propose aux collégiens de se familiariser avec les métiers de la musique, grâce à la rencontre avec les musiciens, les compositeurs, les chefs d’orchestre, les techniciens… Une douzaine de rendez-vous auront lieu avec les solistes ainsi qu’avec d’autres professionnels (un écrivain et une graphiste), permettant aux élèves de s’exprimer diffé-remment sur les œuvres musicales (photos, écrits, dessins).

Le professeur de musique sera notre principal partenaire pour la mise en place de ce parcours. Les professeurs de lettres, d’histoire, d’arts plastiques et de technologie seront également impliqués dans cette démarche de transmission.En fin d’année scolaire, les élèves seront invités à réaliser un ouvrage collectif rassemblant les différentes étapes de leurs découvertes. Grâce à votre soutien, ce projet pourra s’ouvrir à une deuxième classe de 5e et ainsi élargir l’expérience à d’autres enfants.

PROJET « TURBULENCES » AVEC MARKO NIKODIJEVIC Le jeune compositeur serbe Marko Nikodijevic est le représentant d’une nouvelle génération de créateurs aux multiples expressions et influences. Son travail mixe et synthétise les expériences, les tech-niques, les styles et les époques : de la techno à la musique de la Renaissance. Pour ce nouveau projet Turbulences, « clair-obscur », il nous propose un programme entre lumière et obscurité, entre

clarté appollinienne et extase dionysiaque. Pendant les entractes, il se transformera même en DJ pour remixer des œuvres de Carlo gesualdo (1566-1613) qui dialogueront avec des improvisations des solistes de l’Ensemble. Grâce à votre soutien, l’Ensemble pourra réaliser un album discogra-phique original autour des œuvres de ce week-end avec le label Æon.

COMMANDES DE NOUVELLES ŒUVRES L’Ensemble intercontemporain mène une politique très active dans le domaine de la création. Chaque saison, il commande de nouvelles œuvres à des compositeurs reconnus ou émergents : Matthias Pintscher, Mark Andre, Hèctor Parra, Philippe Leroux, ou encore Enno Poppe. Ces œuvres sont créées par l’Ensemble et intégrées à son répertoire.

Pour la saison 2014-15, l’Ensemble a notamment passé commande à des compositeurs d’horizons différentes comme Felipe Lara, Nina Šenk, Jukka Tiensu, David Fulmer, Olga Neuwirth et David Hudry.En finançant tout ou partie de ces commandes, vous contribuez directement à enrichir le répertoire d’aujourd’hui !

LES PROJETS à SOUTENIR EN 2014-15

don par chèque uniquement libellé à l’ordre de L’EiCÀ envoyer à : Ensemble intercontemporain - Service Mécénat 223 av. Jean-Jaurès 75019 Paris

Tout don en faveur de l’Ensemble intercontemporain ouvre droit à une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 66% du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Pour plus d’informationsContact : Emilie Roffi, Chargée de communication et mécénat

+33(0)1 44 84 44 [email protected]

PARTICIPEZ à L’AVENTURE MUSICALE DE L’ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN

FAITES UN DON !

Aller au-delà de ce qui a été fait, continuer à surprendre et à faire en-tendre « l’inouï », tels sont les défis que se lance l’Ensemble intercon-temporain à travers ses trois missions : créer, diffuser, et transmettre.Reconnu dans le monde entier comme instrument unique au service de la création, l’Ensemble propose chaque année de nouvelles œuvres qui viennent enrichir le répertoire contemporain. Saison après saison, les solistes participent, aux côtés des compositeurs, à l’exploration de nouveaux territoires musicaux. Ce cheminement se nourrit d’innova-tions et de rencontres avec d’autres arts, pour proposer au public des projets toujours plus créatifs.

Avec plus de 60 concerts par an en France et à l’étranger, l’Ensemble joue un rôle majeur dans la diffusion de la musique moderne et contemporaine. En donnant à entendre et voir la création contem-poraine sans oublier les chefs-d’œuvre du répertoire musical du

vingtième siècle, l’Ensemble offre un espace de découverte et de par-tage à un large public.

Cette volonté de transmettre une expérience, des savoirs et savoir-faire se manifeste également dans les nombreuses actions conçues avec les solistes pour toucher un public varié : concerts éducatifs, ateliers scolaires et instrumentaux, coaching d’étudiants, cycles de perfectionnement et académies internationales etc. La variété des activités proposées témoigne de l’engagement profond de l’Ensemble dans sa mission de sensibilisation.

Si vous aussi souhaitez participer à cette aventure et permettre aux projets de l’Ensemble de voir le jour, soutenez-nous ! Quel qu’en soit le montant, votre don contribue à assurer la pérennité de ce projet unique, libre et créatif.

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Informations pratiques RéSERVATIONS

Toutes les réservations et les souscriptions aux différentes formules d’abonnement se font directement auprès des salles accueillant l’Ensemble intercontemporain.Coordonnées des salles et organisateurs parisiens ci-dessous.Pour les coordonnées en régions et à l’étranger voir directement les pages de ces concerts sur : www.ensembleinter.com

MAISON DE LA RADIO

grand Auditorium116 avenue du Président-Kennedy 75016 ParisTél : 01 56 40 15 16www.radiofrance.fr/concerts [email protected]

CITé DE LA MUSIqUE

221 avenue Jean-Jaurès75019 ParisTél : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

CONSERVATOIRE NATIONAL SUPéRIEUR DE MUSIqUE ET DE DANSE DE PARIS

209 avenue Jean-Jaurès75019 ParisTél : 01 40 40 45 45www.conservatoiredeparis.fr

IRCAM

1 place Igor-Stravinsky75004 ParisTél : 01 44 78 12 40www.ircam.fr

LE 104

5 Rue Curial75019 ParisTél : 01 53 35 50 00www.104.fr

LE TRITON

11 bis rue du Coq Français93260 Les LilasTél : 01 49 72 83 13www.letriton.com

OPéRA NATIONAL DE PARIS

Opéra et Amphitéâtre Bastille Place de la Bastille75012 ParisRéservations :- En ligne sur www.operadeparis.fr- Par téléphone au 08 92 89 90 90 (0,34€ la minute) ou au +33 1 71 25 24 23 depuis l’étranger du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu’à 13h.- Aux guichets du Palais garnier (à l’angle des rues Scribe et Auber) et de l’Opéra Bastille (130, rue de Lyon) du lundi au samedi. Les caisses spectacles sont ouvertes de 11h30 à 18h30, au Palais garnier et de 14h30 à 18h30 à l’Opéra Bastille.

PhILhARMONIE DE PARIS

221 avenue Jean-Jaurès75019 ParisTél : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

ThéâTRE DES ChAMPS-ELYSéES

15 Avenue Montaigne75008 ParisTél : 01 49 52 50 50www.theatrechampselysees.fr

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN

Association loi 1901Licence d’entrepreneur de spectaclesN° 2-1063215

Président d’honneur, Pierre BoulezPrésident, Henri LoyretteHervé Boutry, directeur généralMatthias Pintscher, directeur musicalSophie Quéré, directrice administrative et financière

NOUS CONTACTER

Ensemble intercontemporain223 avenue Jean-Jaurès75019 Paris

Tél : 01 44 84 44 50Fax : 01 44 84 44 [email protected]

RELATIONS PRESSE

Image Musique – Valérie WeillTél : 01 47 63 26 [email protected]

Artwork is fake.frFabrication : FabrikantImprimé dans l’UE

Programmes et informations donnés sous réserve de modifications.Exemplaire gratuit Ne pas jeter sur la voie publique

© Ensemble intercontemporain

CRédiTS PhOTOS p. 08 photo du dessus (violonistes) © Stefano Corso ;

photo du dessous © Luc hossepied pour l’Ensemble intercontemporain

p. 28 Nina Šenk : portrait du dessus : © Jenny Sieboldt ; portrait du dessous © Franck Ferville

p. 35 Amir Shpilman : portrait du dessus DR ; photo du dessous © Luc hossepied pour l’Ensemble intercontemporain

p. 39 Helmut Lachenmann © Philippe Gontier

p. 49 Marko Nikodijevic © Manu Theobald

p. 52 Philharmonie de Paris : vue sur toiture © Philharmonie de Paris / Didier Ghislain

p. 54 Philharmonie de Paris : intérieur salle 1 © Philharmonie de Paris / Arte Factory

p. 59 Marisol Montalvo © Jean Radel

p. 65 Portrait Daï Fujikura © Jin Ohashi ; photo du dessous © Dorothée Smith

p. 83 Mark-Anthony Turnage : portrait du dessus © Philip Gatward / Boosey and hawkes Collection / ArenaPAL ; portrait du dessous : © hanya Chlala / ArenaPAL

p. 96 © Luc hossepied pour l’Ensemble intercontemporainp. 97 © Luc hossepied pour l’Ensemble intercontemporainp. 98 photo du dessus © Luc hossepied pour l’Ensemble

intercontemporain ; portrait du dessous © Franck Fervillep. 100 © Luc hossepied pour l’Ensemble intercontemporain

Autres photos © Dorothée Smith

CONTENUS RédaCTiONNELS Ont participé à la réalisation des contenus rédactionnels de cette brochure : Hild Borchgrevink, Hervé Boutry, Anne-James Chaton, John Fallas, Bastien gallet, Martin Kaltenecker, Mathieu Larnaudie, Matthias Pintscher, Jérémie Szpirglas, David Verdier.La reproduction même partielle d’un article de cette brochure est soumise à l’autorisa-tion du comité éditorial : Hervé Boutry, Bastien gallet, Luc Hossepied

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