6
Bronchiolite et kine ´sithe ´rapie respiratoire : un dogme e ´branle ´ Acute bronchiolitis and chest physiotherapy: The end of a reign B. Sterling*, E. Bosdure, N. Stremler-Le Bel, B. Chabrol, J.-C. Dubus Service de spe ´cialite ´s pe ´diatriques et unite ´ de pneumope ´diatrie, CHU de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1. Introduction La bronchiolite aigue ¨ du nourrisson (BAN) atteint plus particu- lie `rement les nourrissons de moins de 6 mois avec un sex-ratio de 1,46 [1]. Chaque anne ´e en France, 30 % des nourrissons sont touche ´s (environ 460 000 cas) et en 2009, 29 789 enfants de moins de 1 an ont e ´te ´ hospitalise ´s avec 1 % de de ´ce `s. Le virus respiratoire syncitial (VRS) est le principal agent incrimine ´ (50 a ` 70 % des cas), mais on peut retenir d’autres virus comme le para-influenzae/influenzae, l’ade ´novirus, le me ´tapneumovirus ou le rhinovirus. La confe ´rence de consensus de la Haute Autorite ´ de sante ´ (HAS) (Agence nationale d’accre ´ditation et d’e ´valuation en sante ´a ` l’e ´poque) sur la BAN de septembre 2000 a clairement de ´fini les crite `res d’hospitalisation et en a pre ´cise ´ la prise en charge [2]. Le traitement de la BAN est avant tout symptomatique avec un recours a ` la de ´sobstruction rhi- nopharynge ´e, a ` la position proclive dorsale et au fractionne- ment l’alimentation avec, selon les cas, une oxyge ´nothe ´rapie et une hydratation par voie intraveineuse. La place de la kine ´si- the ´rapie respiratoire (KR) dans la prise en charge de la BAN fait grand de ´bat en France [3], suscitant une vive opposition entre les partisans d’une kine ´sithe ´rapie syste ´matique et ceux qui pro ˆnent une utilisation plus raisonne ´e de celle-ci. Cette Summary Every winter, numerous infants are hospitalized for acute bronchio- litis. The severity criteria and symptomatic treatment are well known, with chest physiotherapy codified in 2000 by the French Health Authority (HAS) consensus conference (with techniques varying from one country to another) and becoming nearly systematic for the treatment of bronchial obstruction in infants. However, is this treatment really effective and legitimate for acute bronchiolitis? The objective of this study was to review the main studies on this subject. Few studies are available and most have a low level of evidence. However, they all tend to agree that chest physiotherapy does not change the natural history of the disease and most parti- cularly the duration of hospitalization. Therefore, it does not seem that the prescription of chest physiotherapy in infant acute bron- chiolitis is recommended. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Re ´sume ´ Chaque hiver, la bronchiolite aigue ¨ du nourrisson est responsable d’un grand nombre d’hospitalisations. Son traitement est avant tout symptomatique et a e ´te ´ codifie ´ lors d’une confe ´ rence de consensus de la Haute Autorite ´ de sante ´ (HAS) en 2000. La kine ´sithe ´rapie respiratoire y avait e ´te ´ mise en avant pour lutter contre l’encom- brement et l’obstruction bronchique. Me ˆme si les techniques diffe `- rent d’un pays a ` l’autre, elle est devenue quasi syste ´matique dans la prise en charge de la bronchiolite aigue ¨ du nourrisson. Mais qu’en est-il re ´ellement de son efficacite ´ ou de sa le ´gitimite ´ ? L’objectif de notre e ´tude e ´tait de faire la revue de la litte ´rature sur ce sujet. Peu d’e ´tudes sont disponibles avec de faibles niveaux de preuve. Elles tendent a ` montrer que la kine ´sithe ´rapie respiratoire n’aurait qu’un faible inte ´re ˆt dans la prise en charge de la bronchiolite aigue ¨ du nourrisson ne modifiant pas l’histoire naturelle de la maladie ou la dure ´e d’hospitalisation. Au total, on ne peut recommander de manie `re syste ´matique la kine ´sithe ´rapie chez les nourrissons hospi- talise ´s pour bronchiolite aigue ¨. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (B. Sterling). Rec ¸u le : 25 de ´cembre 2013 Accepte ´ le : 30 septembre 2014 Mise au point ARCPED-3819 1-6 ARCPED-3819; No of Pages 6 1 http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.09.021 Archives de Pe ´diatrie 2014;xxx:1-6 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s.

Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

  • Upload
    j-c

  • View
    221

  • Download
    4

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

�����������

Mise au point

ARCPED-3819; No of Pages 6

���

��������

Bronchiolite et kinesitherapie respiratoire :un dogme ebranle

Acute bronchiolitis and chest physiotherapy: The endof a reign

B. Sterling*, E. Bosdure, N. Stremler-Le Bel, B. Chabrol, J.-C. DubusDisponible en ligne sur

������������������

Recu le :25 decembre 2013Accepte le :30 septembre 2014

��

Service de specialites pediatriques et unite de pneumopediatrie, CHU de la Timone, 264,rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

SummaryEvery winter, numerous infants are hospitalized for acute bronchio-

litis. The severity criteria and symptomatic treatment are well known,

with chest physiotherapy codified in 2000 by the French Health

Authority (HAS) consensus conference (with techniques varying from

one country to another) and becoming nearly systematic for the

treatment of bronchial obstruction in infants. However, is this

treatment really effective and legitimate for acute bronchiolitis?

The objective of this study was to review the main studies on this

subject. Few studies are available and most have a low level of

evidence. However, they all tend to agree that chest physiotherapy

does not change the natural history of the disease and most parti-

cularly the duration of hospitalization. Therefore, it does not seem

that the prescription of chest physiotherapy in infant acute bron-

chiolitis is recommended.

� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ResumeChaque hiver, la bronchiolite aigue du nourrisson est responsable

d’un grand nombre d’hospitalisations. Son traitement est avant tout

symptomatique et a ete codifie lors d’une conference de consensus de

la Haute Autorite de sante (HAS) en 2000. La kinesitherapie

respiratoire y avait ete mise en avant pour lutter contre l’encom-

brement et l’obstruction bronchique. Meme si les techniques diffe-

rent d’un pays a l’autre, elle est devenue quasi systematique dans la

prise en charge de la bronchiolite aigue du nourrisson. Mais qu’en

est-il reellement de son efficacite ou de sa legitimite ? L’objectif de

notre etude etait de faire la revue de la litterature sur ce sujet. Peu

d’etudes sont disponibles avec de faibles niveaux de preuve. Elles

tendent a montrer que la kinesitherapie respiratoire n’aurait qu’un

faible interet dans la prise en charge de la bronchiolite aigue du

nourrisson ne modifiant pas l’histoire naturelle de la maladie ou la

duree d’hospitalisation. Au total, on ne peut recommander de

maniere systematique la kinesitherapie chez les nourrissons hospi-

talises pour bronchiolite aigue.

� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

1. Introduction

La bronchiolite aigue du nourrisson (BAN) atteint plus particu-lierement les nourrissons de moins de 6 mois avec un sex-ratiode 1,46 [1]. Chaque annee en France, 30 % des nourrissons sonttouches (environ 460 000 cas) et en 2009, 29 789 enfants demoins de 1 an ont ete hospitalises avec 1 % de deces. Le virusrespiratoire syncitial (VRS) est le principal agent incrimine (50 a70 % des cas), mais on peut retenir d’autres virus comme lepara-influenzae/influenzae, l’adenovirus, le metapneumovirus

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (B. Sterling).

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.09.021 Archives de Pediatrie 2014;xxx:1-60929-693X/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

ou le rhinovirus. La conference de consensus de la HauteAutorite de sante (HAS) (Agence nationale d’accreditation etd’evaluation en sante a l’epoque) sur la BAN de septembre2000 a clairement defini les criteres d’hospitalisation et en aprecise la prise en charge [2]. Le traitement de la BAN est avanttout symptomatique avec un recours a la desobstruction rhi-nopharyngee, a la position proclive dorsale et au fractionne-ment l’alimentation avec, selon les cas, une oxygenotherapie etune hydratation par voie intraveineuse. La place de la kinesi-therapie respiratoire (KR) dans la prise en charge de la BAN faitgrand debat en France [3], suscitant une vive opposition entreles partisans d’une kinesitherapie systematique et ceuxqui pronent une utilisation plus raisonnee de celle-ci. Cette

ARCPED-3819 1-6

1

Page 2: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

B. Sterling et al. Archives de Pediatrie 2014;xxx:1-6

ARCPED-3819; No of Pages 6

polemique a largement ete relayee dans les medias audiovi-suels, radios et presse ecrite [4]. Le but de cette revue etaitd’analyser les elements objectifs permettant de discuter de laplace reelle de la KR dans la prise en charge de la BAN.

2. Techniques de kinesitherapierespiratoire et prescription

Le recours a la KR dans le traitement de la BAN est ancien maisa ete enterine en 2000 par la conference de consensus (avisd’experts de grade C), puis repris par les recommandations del’Institut national de prevention et d’education a la sante(INPES) de 2003. En France, l’engouement medical et parentalpour cette pratique est fort et, en l’absence de traitementcuratif, les prescriptions se sont multipliees, voire systemati-sees. L’interet de la KR dans la prise en charge de la BANrepose sur un postulat simple : elle permettrait une desobs-truction bronchique efficace et lutterait contre les complica-tions (atelectasies, surinfections, hypoxemie. . .), comme celaa ete montre dans la mucoviscidose [5]. En effet, dans la BAN,on observe une reaction inflammatoire bronchiolaire respon-sable d’un œdeme bronchique diminuant le diametre intra-luminal, une hypersecretion de mucus et une desquamationdes cellules epitheliales necrosees, responsables parfois d’ate-lectasies partielles ou completes.Plusieurs techniques de KR existent. La plus utilisee en Franceest l’augmentation du flux expiratoire, amelioree recemmenten la couplant a une expiration lente prolongee (ELP) [6]. Sonprincipe repose sur l’acceleration des particules composant lemucus par passage d’un flux turbulent decrochant et frac-tionnant ainsi les secretions. Elle comprend 3 phasessuccessives : une partie lente en debut d’expiration drainantl’arbre bronchique distal, puis une acceleration du gestedrainant l’arbre bronchique proximal et enfin une expirationlente prolongee. Le drainage tracheal repose sur la touxprovoquee en fin d’inspiration par compliance des anneauxtracheaux par pression sur la trachee entre le cartilage thy-roıde et la fourchette sternale. Dans les pays anglo-saxons, latechnique la plus utilisee est la percussion ou clapping quipermet un decollement des secretions et l’augmentation desbattements ciliaires, puis la vibration qui diminue la viscositedu mucus et amplifie l’amplitude vibratoire des cils.Si les recommandations francaises mettaient en avant le rolede la KR dans la prise en charge de la BAN, elles insistaient sur

Tableau IHospitalisation et mortalite dues a la bronchiolite aigue du nourrissPays Age des patients Tau

d’hFrance 2009 [1] Moins de 1 an 35,8Angleterre 2002/2003[38] Moins de 2 ans 30,8Etats-Unis 2007 [39]2009 [37]

Moins de 1 an 23,5

2

la necessite d’une base scientifique solide et d’etudes plusapprofondies [7]. Elles se heurtent aujourd’hui aux avisd’experts d’autres pays qui remettent clairement en causeson utilite et ne la recommandent pas. Ainsi, la prescription deKR dans la BAN n’est pas homogene dans le monde : elle estlargement utilisee en France avec pres de 95 % de prescrip-tions et 76 % en Belgique alors qu’elle n’est que de 13 % auCanada [8]. Dans les pays anglo-saxons ou la KR est peuprescrite, on observe un nombre d’hospitalisations identique,ainsi qu’une duree d’hospitalisation et une mortalite compa-rables (tableau I). De plus, aucune etude bien construite n’apermis de demontrer l’interet de la KR, quelle que soit latechnique utilisee.

3. Disparition de l’utilisation de latechnique de percussion/vibration

Les premieres etudes critiquant l’efficacite de la kinesithera-pie, selon la methode de percussion/vibration, dans la BANsont apparues assez tot. Des 1985, l’etude de Webb et al., surun petit echantillon d’une centaine de patients atteints deBAN, avait compare deux groupes dont un avait beneficie dela kinesitherapie par percussion/vibration et l’autre non [9].Cette etude n’avait montre de difference ni dans l’evolutionnaturelle de la maladie, ni dans la duree, ni dans l’ameliora-tion clinique. D’autres etudes ont etaye l’inefficacite de cettetechnique, qui ont conduit a son abandon et a de nouvellesrecommandations [10–17]. Ainsi, a-t-on assiste a une nettediminution de l’utilisation de la kinesitherapie aux Etats-Unisdepuis l’avis defavorable de l’American Academy of PediatricsSubcommittee en 2006 [18]. L’etude de Raltson et al., realiseede 2007 a 2010 au decours de ces recommandations au Texasdans 17 centres et ayant porte sur 11 568 enfants atteints deBAN, a montre une diminution du recours a la KR (de 14 a 4 %),sans allongement de la duree de sejour (2,4 a 2,7 jours) niaugmentation des readmissions dans les suites de l’episode(1,2 a 1,7 %) [19].

4. Critique de la technique d’accelerationdu flux

La seule etude multicentrique, bien conduite, qui ait tente derepondre a la question de l’interet de cette technique dans le

on.xospitalisation

Dureed’hospitalisation

Mortaliterespiratoire

/1000 4,3 jours 2,6/100 000/1000 2,7 jours 2,4/100 000

0/1000 2,4 jours 2,4/100 000

Page 3: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

Bronchiolite et kinesitherapie

ARCPED-3819; No of Pages 6

traitement de la BAN est celle publiee en 2010 par Gajdos et al.[20]. Elle portait sur 496 nourrissons ages de 15 jours a 24 mois,hospitalises pour BAN de 2004 a 2008 dans differents centresparisiens. Les criteres d’hospitalisation suivaient les recom-mandations francaises. L’etude a consiste a comparer deuxgroupes : l’un beneficiant d’une kinesitherapie convention-nelle selon la technique d’acceleration du flux et l’autreseulement d’un « calin » dans les bras du kinesitherapeute.Le critere principal de jugement reposait sur le delai deguerison (absence d’oxygene pendant 8 h, score cliniquevalide [21] [frequence respiratoire, saturation en oxygene,signes de lutte, wheezing], et reprise de plus de 2/3 desapports alimentaires). Il n’a pas ete observe dans cette etudede difference significative sur le delai de guerison entre les2 groupes.La kinesitherapie par acceleration du flux avec expirationlente a ete evaluee en 2012 par 2 essais randomises etcontroles. L’etude prospective de Rochat et al. portait surune centaine de nourrissons de moins de 1 an, hospitalises aGeneve sur une periode de 2 ans [22]. Cinquante nourrissonsavaient beneficie de la kinesitherapie respiratoire par acce-leration passive du flux expiratoire, 49 n’avaient pas eu dekinesitherapie. Aucune difference n’a ete observee concer-nant la duree d’obtention d’une stabilite clinique qui avaitete respectivement de 2,9 � 2,1 et 3,2 � 2,8 jours (p = 0,45).Dans l’etude prospective de Sanchez-Bayle et al. qui avaitinclu 236 nourrissons de moins de 7 mois sur 2 periodesepidemiques de 2007 a 2009, le nombre de jours d’hospita-lisation etait identique (4,56 � 2,07 vs 4,54 � 1,72 j) entre legroupe avec kinesitherapie et celui sans kinesitherapie etl’utilisation d’oxygene n’etait pas non plus modifiee(49,98 % � 37,10 vs 53,53 % � 38,87) [23]. On peut cependantcritiquer cette etude sur un biais de prise en chargedes patients (antibiotiques, aerosoltherapie de ventoline,corticoıdes. . .)

5. Comparaison des techniques dekinesitherapie respiratoire

Dernierement, une meta-analyse de la Cochrane Collabora-tion [24], critiquee par G. Postiaux [25], a repris 5 essaiscliniques (n = 246 patients) ayant utilise la technique depercussion/vibration et 4 essais (n = 645 patients), la tech-nique d’acceleration du flux, dont 1 ayant couple accelera-tion du flux et ELP. Les criteres d’evaluation etaient lesparametres respiratoires, l’oxygeno-dependance, la dureed’hospitalisation et les effets indesirables. Aucun de cescriteres n’avait ete ameliore par l’une ou l’autre de cestechniques et il n’avait pas ete rapporte d’effets indesira-bles notables en dehors de vomissements et de difficultesrespiratoires pendant et apres la seance de kinesitherapierespiratoire rapportes dans un essai ayant porte sur496 patients.

L’etude de Pupin et al., non incluse dans la meta-analyseprecedente, a essaye de comparer les 2 types de techniquesavec un placebo et n’a pas montre de difference significativeentre ces 2 techniques [26]. Cette etude comportait cependantde nombreux biais puisqu’elle etait monocentrique, qu’elleregroupait un faible nombre de patients (n = 81) et que lescriteres de jugement etaient des parametres cliniques (fre-quence respiratoire, cardiaque et saturation).L’etude de Gomes et al. avait compare la technique d’acce-leration du flux expiratoire avec ELP a la percussion/vibrationet a l’aspiration nasopharyngee [27]. Elle portait sur 30 nour-rissons atteints de BAN, admis dans 2 hopitaux a Sao Polo(Bresil) et repartis en 3 groupes de 10. Seul le groupe avec latechnique d’ELP avait eu une amelioration significative duscore clinique de Wang et de l’oxygeno-dependance sans quel’on constate de modification de la duree d’hospitalisation.L’une des critiques principale a apporter a cette etude est lefaible effectif ne permettant pas d’extrapoler ces resultats a lapratique quotidienne.

6. Serum sale hypertonique etkinesitherapie respiratoire

Ces dernieres annees, un nouveau traitement a ete propose dansla prise en charge de la BAN : le serum sale hypertonique (SSH).Des etudes randomisees en double insu ont montre la diminu-tion de 20 % du score de gravite de Wang a 48 h et la diminutionde la duree d’hospitalisation de 24 h [28,29]. La prescription deSSH est classiquement couplee a celle de kinesitherapie respi-ratoire en France sans qu’aucune etude n’ait prouve leur actionsynergique. La seule etude disponible sur le sujet est celle dePostiaux et al. qui a evalue l’ELP associee a ces nebulisations [30].Cette etude a ete realisee de 2004 a 2007 chez 20 nourrissons demoins de 12 mois ayant un score de Wang superieur a 3 et un VRSidentifie dans les prelevements nasopharynges. Ces nourrissonsavaient ete repartis aleatoirement dans 2 groupes : 8 dans legroupe beneficiant d’une nebulisation de serum sale hyperto-nique seule et 12 dans celui beneficiant de nebulisations deserum sale hypertonique couplees a des seances de kinesithe-rapie (15 ELP puis 5 manœuvres de toux provoquee). Les criteresd’evaluation medicale etaient le score de Wang, la saturationpulsee en oxygene et la frequence cardiaque a T0, T30 et T150. Lescore de Wang (p = 0,02), les signes de lutte (p = 0,05), lafrequence respiratoire (p = 0,001) et cardiaque (p < 0,001)avaient significativement diminue. Le score de Wang avaitsignificativement diminue a j5 pour le groupe avec kinesithe-rapie mais pas la duree d’hospitalisation : 6,3� 2 jours dans legroupe controle contre 5,3� 1,8 dans le groupe kinesitherapie(p = 0,25). En pratique, on peut douter de l’interet d’ameliorer unscore clinique a j5 sans modifier la duree d’hospitalisation. Un telprotocole semble egalement difficile a mettre en place enroutine et enfin, le faible effectif permet difficilement deconclure definitivement a propos de cette approche.

3

Page 4: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

B.

Sterling

eta

l.Archives

dePediatrie

2014;xxx:1-6

Tableau IIEtudes publiees sur la kinesitherapie respiratoire dans la bronchiolite aigue du nourrisson.Etude Technique Critere de

jugementNombred’enfants

Lieu de l’etude Resultats Type d’etude Commentaires

Webb [9] PV Duree d’evolution 90 Hopital, Angleterre Pas de difference Prospective Technique inapproprieeRalston [19] PV Utilisation de la KR 11 568 Hopitaux, Etats-Unis Diminution de 14 a 4 % Prospective ObservationnelleGajdos [20] AF + toux

provoqueeDelai de guerison 496 Hopitaux, France Evolution idem

Confort ressenti idemProspective

Rochat [22] ELPAF

Stabilite clinique 99 Hopital, Geneve Pas de difference Monocentrique Pas de reelle dureed’hospitalisation

Sanchez [23] ELPAF + touxprovoquee

Dureed’hospitalisationet d’utilisationde l’oxygene

236 Hopital, Espagne Pas de difference Double insu Biais : utilisation debroncho-dilatateurs,corticoides. . .

Pupin[26]

ELPPV

SpO2, frequencerespiratoireet cardiaque

81 Hopital, Bresil Pas de difference Monocentrique Criteres cliniquesPetite cohorte

Gomes [27] ELP + deglutitionretrogradePVDRP

Score de Wang 30 Hopital, Bresil Amelioration a j3dans le groupe ELP

Monocentrique Effectifs reduitsScore clinique

Postiaux [30] SSHSSH+ ELP

Score de WangSpO2

20 Hopital, Belgique Diminution duscore de Wang

Monocentrique Effectifs reduitsPas de duree d’evolution

PV : percussion/vibration ; AF : acceleration de flux ; ELP : expiration lente prolongee ; DRP : desobstruction rhinopharyngee ; SSH : serum sale hypertonique ; KR : kinesitherapie respiratoire ; SpO2 : saturation pulsee en oxygene

AR

CP

ED

-381

9;

No

of

Pag

es6

4

Page 5: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

Bronchiolite et kinesitherapie

ARCPED-3819; No of Pages 6

7. Effets indesirables

La KR est rarement source d’effets secondaires, essentiellementdus a une mauvaise utilisation des techniques (amplitudetrop importante des gestes, execution trop rapide et tempsde consultation trop long) ou a son utilisation chez des nour-rissons inaptes a en beneficier (en detresse respiratoire mar-quee, peu encombres). Ont ete decrits des collapsus tracheauxet bronchiques, l’apparition de petechies, la majoration d’unreflux gastro-œsophagien ou des vomissements dans l’etudede Gajdos et al. [20], de la fatigue, des decompensationsrespiratoires et des fractures costales [31,32].

8. Perspectives

L’ensemble des etudes realisees a ce jour (tableau II) manquede rigueur methodologique mais s’accorde quasi unanime-ment pour ne plus prescrire la KR dans la bronchiolite enl’absence de technique simple standardisee chez des nourris-sons bien identifies cliniquement et qui auraient un interet aen beneficier, soit pour ameliorer leur confort, soit pouraccelerer leur sortie d’hopital, soit pour eviter leur hospitali-sation.Le but de toute therapeutique etant de permettre un retourrapide du nourrisson a la maison sans complications, lesparametres les plus pertinents semblent etre le nombre dejours d’hospitalisation sans complications et le cout. Cepen-dant d’un point de vue parental, le bien-etre du nourrisson estau centre de leur attention. Les etudes s’attachent pourtanttoutes a l’amelioration d’un score clinique du nourrisson maisn’y integrent pas plusieurs parametres comme son compor-tement, sa prise alimentaire, les vomissements ou son som-meil. Dans l’etude de Gajdos et al., un ressenti identique duconfort et de l’evolution des nourrissons entre les groupesavec et sans KR a ete objective par un questionnaire rempli parles parents (75 % avaient rendu leur questionnaire) [20].Cependant une penibilite plus importante pour le groupeKR avait ete notee.Une etude en secteur ambulatoire du realisee par le reseaukinesitherapie bronchiolite Essonne a ete realisee en 2006avec la methode d’acceleration du flux expiratoire et la touxprovoquee associee a un desencombrement rhinopharynge[33]. Quatre cent sept nourrissons avaient ete traites. Un scoreclinique avant et apres une seance avait ete etabli (ausculta-tion, toux, secretion, signes de detresse respiratoire, fre-quence respiratoire, saturation et signes de gravite) ainsiqu’un score de niveau d’encombrement (nombre de secre-tions bronchiques, rhinopharyngees). La frequence respira-toire etait identique avant et apres seance, seuls 1/3 desnourrissons avaient termine la seance sans gene respiratoireet le score clinique apres seance etait d’autant moins bon quele nourrisson etait jeune. Le score clinique apres KR n’etait pascorrele au score de desencombrement mais l’etait au score

clinique avant KR. L’evaluation de la necessite de KR doit plusprobablement se faire selon la duree d’evolution de la BAN.Dans une etude realisee chez 20 nourrissons ventiles pourBAN, la KR par technique d’ELP s’est montree efficace a courtterme (3 h) sur les parametres de ventilation et sur la FiO2mais le petit effectif, l’absence de suivi, la duree d’hospita-lisation et de ventilation ne permettent pas de conclure surces nourrissons les plus graves [34]. Le developpement dudrainage autogene (experimente dans la mucoviscidose)pourrait etre une technique interessante et bien toleree maisn’a pas ete etudiee dans la BAN [35].L’education des parents par les kinesitherapeutes a pour butle developpement de competences (desobstruction rhinopha-ryngee du nourrisson, depistage de l’aggravation) relayantl’education therapeutique medicale etablie lors de la consul-tation [36]. Ces apprentissages pourraient s’envisager egale-ment en collaboration avec d’autres personnels paramedicauxet le developpement de partenariat creche/protection mater-nelle et infantile/auxiliaire de puericulture/hopital.

9. Conclusion

La BAN est un probleme de sante publique, le cout global de laprise en charge des bronchiolites hospitalisees en France etl’evolution des couts dans le temps ne sont pas connus. AuxEtats-Unis, le cout etait estime en 2009 a 1,73 milliards dedollars [37], incluant consultations, hospitalisations, mobilisa-tion de personnels medicaux et paramedicaux et surveillance.Au vu des etudes decrites ci-dessus, il n’est pas recommandede prescrire systematiquement la KR dans la BAN a l’hopital.Des etudes sur son utilisation dans des populations ciblees oua risque de complications sont necessaires. Toutes les etudesdisponibles portent sur des nourrissons avec des criteresd’hospitalisation. Il n’existe aucune etude permettant d’eva-luer l’interet de cette prescription pour un suivi a domicile. Lasurveillance des nourrissons atteints de BAN, necessaire enville comme a l’hopital, ne doit pas obligatoirement passer parles kinesitherapeutes.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

References[1] Che D, Nicolau J, Bergounioux J, et al. Bronchiolite aigue du

nourrisson en France : bilan des cas hospitalises en 2009 etfacteurs de letalite. Arch Pediatr 2012;19:700–6.

[2] Stagnara J, Balagny E, Cossalter B, et al. Conference de consen-sus HAS : prise en charge de la bronchiolite du nourrisson 21septembre 2000 Salle Louis Armand–Cite des Sciences et del’Industrie de la Villette–Paris. Arch Pediatr 2001;8(Suppl 1):11–23.

5

Page 6: Bronchiolite et kinésithérapie respiratoire : un dogme ébranlé

B. Sterling et al. Archives de Pediatrie 2014;xxx:1-6

ARCPED-3819; No of Pages 6

[3] Prescrire Redaction. Bronchiolites : pas de place pour la kinesi-therapie respiratoire. Rev Prescrire 2012;32(927) [Et Fetouh M.Lettre ouverte a la redaction de la Revue Prescrire en reponse ala publication de l’article : « Bronchiolites : pas de place pour lakinesitherapie respiratoire »].

[4] Postiaux G, Hankard R, Saulnier JP, et al. Chest physical therapyin infant acute viral broncholitis: should we surrender? ArchPediatr 2014;21:452–3.

[5] Warnock L, Gates A, Van der Schans CP. Chest physiotherapycompared to no chest physiotherapy for cystic fibrosis.Cochrane Database Syst Rev 2013;9 [CD001401].

[6] Gomes EL, Postiaux G, Medeiros DR, et al. Chest physicaltherapy is effective in reducing the clinical score in bronchioli-tis: randomized controlled trial. Bras Fisioter 2012;16:241–7.

[7] Recommandations de la 1re conference de consensus en kinesi-therapie respiratoire Lyon, les 2 et 3 decembre 1994. AnnKinesither 1995;22:49–53.

[8] David M, Luc-Vanuxem C, Loundou A, et al. Application de laConference de consensus sur la bronchiolite aigue du nourris-son en medecine generale : evolution entre 2003 et 2008. ArchPediatr 2009;17:125–31.

[9] Webb MS, Martin JA, Cartlidge PH, et al. Chest physiotherapy inacute bronchiolitis. Arch Dis Child 1985;60:1078–9.

[10] Barben J, Hammer J. Current management of acute bronchioli-tis in Switzerland. Swiss Med Wkly 2003;133:9–15.

[11] Aviram M, Damri A, Yekutielli C, et al. Chest physiotherapy inacute bronchiolitis. Eur Respir J 1992;5(Suppl 15):29–30.

[12] Bohe L, Ferrero ME, Cuestas E, et al. Indications of conventionalchest physiotherapy in acute bronchiolitis. Medicina (B Aires)2004;64:198–200.

[13] Nicholas KJ, Dhouieb MO, Narshal TG, et al. An evaluation ofchest physiothreapy in the management of acute bronchiolitis.Changing clinical practice. Physiotherapy 1999;85:669–74.

[14] Wallis C, Prasad A. Who needs chest physiotherapy? Movingfrom anecdote to evidence. Arch Dis Child 1999;80:393–7.

[15] Cincinnati Children’s Hospital Medical Center (CCHMC). Evi-dence-based care guideline for management of first timeepisode bronchiolitis in infants less than 1 year of age. Cincin-nati (OH): Cincinnati Children’s Hospital Medical Center; 2010:16 pp [http://www.cincinnatichildrens.org/service/j/anderson-center/evidence-based-care/bronchiolitis/].

[16] Perrotta C, Ortiz Z, Roque M. Chest physiotherapy for acutebronchiolitis in paediatric patients between 0 and 24 monthsold. Cochrane Database Syst Rev 2007 [CD004873].

[17] Perrotta C, Ortiz Z, Roque M. Chest physiotherapy for acutebronchiolitis in paediatric patients between 0 and 24 monthsold. Cochrane Database Syst Rev 2005 [CD004873].

[18] American Academy of Pediatrics Subcommittee on Bronchioli-tis. Diagnosis and management of bronchiolitis. Pediatrics2006;118:1774–93.

[19] Ralston S, Garber M, Narang S, et al. Decreasing unnecessaryutilization in acute bronchiolitis care: results from the value inpatient pediatrics network. J Hosp Med 2013;8:25–30.

[20] Gajdos V, Katsahian S, Beydon N, et al. Effectiveness of chestphysiotherapy in infants hospitalized with acute bronchiolitis:a multicenter, randomized, controlled trial. PLoS Med 2010;7:e100035.

[21] Gajdos V, Beydon N, Bommenel L, et al. Inter-observer agree-ment between physicians, nurses, and respiratory therapists

6

for respiratory clinical evaluation in bronchiolitis. Pediatr Pul-monol 2009;44:754–62.

[22] Rochat I, Leis P, Bouchardy M, et al. Chest physiotherapy usingpassive expiratory techniques does not reduce bronchiolitisseverity: a randomised controlled trial. Eur J Pediatr 2012;171:457–62.

[23] Sanchez Baylea M, Martın Martın R, Cano Fernandeza J, et al.Chest physiotherapy and bronchiolitis in the hospitalisedinfant double-blind clinical trial. An Pediatr (Barc) 2012;77:5–11.

[24] Roque i Figuls M, Gine-Garriga M, Granados Rugeles C, et al.Chest physiotherapy for acute bronchiolitis in paediatricpatients between 0 and 24 months old. Cochrane DatabaseSyst Rev 2012 [CD004873].

[25] Postiaux G, Zwaenepoel B, Louis J. Chest physical therapy inacute viral bronchiolitis: an updated review. Respir Care 2013;58:1541–5.

[26] Pupin M, Lopes Riccetto A, Ribeiro J, et al. Comparison of theeffects that two different respiratory physical therapy techni-ques have on cardiorespiratory parameters in infants withacute viral bronchiolitis. J Bras Pneumol 2009;35:860–7.

[27] Gomes EL, Postiaux G, Medeiros DR, et al. Chest physicaltherapy is effective in reducing the clinical score in bronchioli-tis: randomized controlled trial. Rev Bras Fisioter 2012;16:241–7.

[28] Sauvaget E, David M, Bresson V, et al. Nebulized hypertonicsaline and acute viral bronchiolitis in infants: current aspects.Arch Pediatr 2012;19:635–41.

[29] Zhang L, Mendoza-Sassi RA, Wainwright C, et al. Nebulizedhypertonic saline solution for acute bronchiolitis in infants.Cochrane Database Syst Rev 2008 [CD006458].

[30] Postiaux G, Louis J, Labasse H, et al. Evaluation of an alternativechest physiotherapy method in infants with respiratory syncy-tial virus bronchiolitis. Respir Care 2011;56:989–94.

[31] Gorincour G, Dubus JC, Petit P, et al. Rib periosteal reaction: didyou think about chest physical therapy? Arch Dis Child 2004;89:1078–9.

[32] Chalumeau M, Foix-l’Helias L, Scheinmann P, et al. Rib fracturesafter chest physiotherapy for bronchiolitis or pneumonia ininfants. Pediatr Radiol 2002;32:644–7.

[33] Andre-Vert J, Gazave M, Goudenege P, et al. Symptomes avantet apres kinesitherapie respiratoire : etude prospective aupresde 697 nourrissons du Reseau Kinesitherapie BronchioliteEssonne. Kinesither Rev 2006;50:25–34.

[34] Bernard-Narbonne F, Daoud P, Castaing H, et al. Efficacite de lakinesitherapie respiratoire chez des enfants intubes ventilesatteints de bronchiolite aigue. Arch Pediatr 2003;10:1043–7.

[35] Chevaillier J, Gauchez H. Principes du drainage autogeneapplique au nourrisson et a l’adulte dans la mucoviscidose.Rev Mal Respir 2005;3:548–50.

[36] Pelca D, Fausser C, Evenou D. Kinesitherapie respiratoire pedia-trique, argumentaire pour une evolution des pratiques. Kinesi-ther Rev 2008;75:43–51.

[37] Hasegawa K, Tsugawa Y, Brown D, et al. Trends in bronchiolitishospitalizations in the United States, 2000-2009. Pediatrics2013;132:28–36.

[38] Meates-Dennis M. Bronchiolitis. Arch Dis Child Educ Pract Ed2005;90:ep81–6.

[39] Rodriguez R, Ramilo O. Respiratory syncytial virus: how, whyand what to do. J Infect 2014;68(Suppl 1):115–8.