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BULLETIN HOBBES XXIV Bibliographie critique internationale des études hobbesiennes pour l'année 2010 Centre Sèvres | « Archives de Philosophie » 2012/2 Tome 75 | pages 343 à 367 ISSN 0003-9632 ISBN 9770003963008 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2012-2-page-343.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- « Bulletin Hobbes XXIV. Bibliographie critique internationale des études hobbesiennes pour l'année 2010 », Archives de Philosophie 2012/2 (Tome 75), p. 343-367. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.83.98 - 16/05/2017 18h00. © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.83.98 - 16/05/2017 18h00. © Centre Sèvres

BULLETIN HOBBES XXIV · 2017-07-23 · Article disponible en ligne à l'adresse : ... indiquées ci-dessus se trouvent au programme de l’agrégation de philosophie. Yves Charles

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BULLETIN HOBBES XXIVBibliographie critique internationale des études hobbesiennes pour l'année 2010

Centre Sèvres | « Archives de Philosophie »

2012/2 Tome 75 | pages 343 à 367 ISSN 0003-9632ISBN 9770003963008

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2012-2-page-343.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------« Bulletin Hobbes XXIV. Bibliographie critique internationale des étudeshobbesiennes pour l'année 2010 », Archives de Philosophie 2012/2 (Tome 75),p. 343-367.--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres.© Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans leslimites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de lalicence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit del'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockagedans une base de données est également interdit.

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Bulletin Hobbes XXIV1

Bibliographie critique internationaledes études hobbesiennes pour l’année 2010

LIMINAIRE

SÉMINAIRE DU CENTRE THOMAS HOBBES (2011-2012)LE POLITIQUE: PHILOSOPHIE, HISTOIRE, SOCIOLOGIE

Le séminaire du Centre Thomas Hobbes de l’équipe PHILéPOL (Philosophie,épistémologie et politique) de l’Université Paris Descartes, Faculté SHS-Sorbonne,a consacré une journée d’étude au thème « Hobbes et le statut de la liberté » avec laparticipation de Pierre Guenancia, Jean-Maurice Monnoyer, Didier Mineur, FranckLessay et Yves Charles Zarka. Il s’agissait de reprendre la conception hobbesiennede la liberté sous tous ses aspects, depuis la dimension métaphysico-théologique,jusqu’à ses développements politiques en passant par la physique et l’éthique. Laconception hobbesienne de la liberté reste en effet l’un des points les moins étudiésde l’œuvre. Certes, il y a eu beaucoup d’articles et de livres sur ce sujet, mais ceux-ci ont été pour la plupart consacrés exclusivement à la théorie politique. On a ainsisans cesse répété le lieu commun qui veut que la conception hobbesienne – où laliberté est identifiée à la nécessité – n’ait eu d’autre objet que de permettre une jus-tification de la servitude au plan politique. Hobbes n’aurait eu d’autre intention quede combattre la conception « républicaniste » de la liberté telle qu’on la trouve for-mulée en particulier à la Renaissance. Or c’est ce lieu commun qu’il s’agissait deremettre en cause de deux manières: (1) en refusant d’isoler la liberté politique dansles Elements of Law (Œuvres traduites. Tome II, Paris, Vrin), le De Cive et leLéviathan (Œuvres traduites, t. VI-2, Paris, Vrin) de ses fondements métaphysico-

Archives de Philosophie 75 (2012) 343-367

1 Ce bulletin est réalisé par le Centre Thomas Hobbes de l’Université Paris Descartes(Sorbonne). Directeur : Y.C. Zarka, Professeur de philosophie politique à l’Université ParisDescartes (Sorbonne). Directeur adjoint : F. Lessay, Professeur de civilisation britannique àl’Université de Paris 3 – Sorbonne Nouvelle. Secrétaire scientifique du bulletin: D. Lapennaavec la collaboration de D. Mineur.

Ont collaboré à ce numéro: D. Jiménez, D. Lapenna, A. Napoli, J. Olsthoorn, T. Papronty,L. Ribarevic, R. Santi, M. L. de Stier, F. Wilmann. Des indications ont été fournies parJ. Monserrat Molas pour l’Espagne, par M. Lukac de Stier pour l’Amérique latine hispanophoneet lusophone, par A. Napoli et R. Santi pour l’Italie, par S. Probst pour l’Allemagne, parJ. Griffith pour les États-Unis. La mise en place de l’ensemble a été assurée par D. Lapenna.

L’ensemble des listes bibliographiques du Bulletin Hobbes est consultable sur le site desArchives de Philosophie : http://www.archivesdephilo.com.

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théologiques développés dans la polémique avec l’évêque Bramhall (De la liberté etde la nécessité, Œuvres traduites, t. XI-1, Paris, Vrin et Questions concernant liberté,la nécessité et le hasard, Œuvres traduites, t. XI-2, Paris, Vrin) ; (2) en analysant lerapport de la liberté chez Hobbes avec la conception du libre arbitre chez Descartes,mais aussi avec sa postérité chez Spinoza, la critique qu’en a produit Leibniz sur laquestion de la contingence, et l’opposition de Cudworth.

Il en ressort que l’enjeu principal de la pensée du philosophe anglais n’est pasdu tout engagé dans une polémique avec la conception « républicaniste ». Le sens dugeste proprement hobbesien est ailleurs : penser autrement la liberté individuelledans ses rapports avec l’État. Loin de justifier la servitude politique, Hobbes fondeau contraire le concept moderne de la liberté.

Cette démarche de reconsidération des thèses hobbesiennes sur la liberté et lanécessité sera poursuivie tout au long du séminaire du Centre Thomas Hobbes de laprochaine année universitaire (2012-2013), année au cours de laquelle les œuvresindiquées ci-dessus se trouvent au programme de l’agrégation de philosophie.

Yves Charles ZARKA

1. Éléments pour une recherche

1.1. « Bulletin Hobbes XXIII. Bibliographie critique internationale des étudeshobbesiennes pour l’année 2009 », Archives de philosophie, tome 74, cahier 2, avril-juin 2011, p. 341-364.

2. Textes et traductions

2.1. HOBBES (Thomas), El Cuerpo: Primera sección de los elementos de filoso-fía, edición y traducción de Bartomeu Forteza, prólogo de Yves-Charles Zarka, notaintroductoria de Josep Monserrat, Valencia, Pre-Textos, 2010, 770 p.

Au terme d’une longue attente paraît enfin en Espagne la traduction du DeCorpore réalisée par l’un de ceux qui ont le plus contribué aux études hobbesiennesen Espagne: Bartomeu Forteza. Cette traduction, qui devait initialement paraître fin1999, est aujourd’hui publiée aux éditions Pre-Textos grâce aux efforts des procheset des collaborateurs de Forteza.

Plusieurs éléments font de l’édition de Forteza une édition particulière. Toutd’abord, il s’agit de la parution en castillan d’une œuvre de première importancepour la compréhension de la pensée hobbesienne. Il est vrai que nous disposionsdéjà de la grande traduction réalisée par J. Rodríguez Feo, mais ce qui en différen-cie celle-ci est, entre autres, le riche et judicieux apparat critique qui l’accompagne,dû à un grand connaisseur de Hobbes. Ensuite, un ensemble de contributions intro-duit le texte du De Corpore : un prologue d’Yves-Charles Zarka, une note introduc-tive de Josep Monserrat-Molas et une longue introduction de Bartomeu Forteza lui-même.

Dans son bref mais dense prologue, Yves Charles Zarka fait une synthèse des prin-cipales idées et théories qui forment la première partie des Éléments de Philosophie,concentrant son attention sur (1) « le rôle que joue le De Corpore dans la philosophiedu XVIIe siècle » et (2) celui « qu’il joue dans l’œuvre de Hobbes, par rapport aux trai-

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tés politiques notamment » (p. III). Pour le développer, Zarka engage plusieurs desthèses travaillées dans ses interprétations devenues désormais classiques sur la pen-sée hobbesienne.

Mais l’élément quantitativement le plus important de ces textes est l’introductionde plus de 140 pages de Forteza lui-même, que l’on peut lire comme une monogra-phie. Elle comporte cinq parties : I. Le long chemin jusqu’au De Corpore, II. Unephilosophie linguistique, III. Le système philosophique de Hobbes: unité et fortune,IV. La présente édition et, enfin, une longue bibliographie sélective.

Dans la première partie, l’auteur donne un aperçu des divers écrits hobbesiensqui, dès 1629, semblent conduire progressivement le philosophe à publier la premièrepartie des Éléments de Philosophie. Forteza nous invite à ce voyage « afin de mieuxconnaître le contenu et le sens du livre dont [il] présente la traduction » (p. 15). Dansla deuxième partie, B. Forteza analyse les principales idées philosophiques du DeCorpore à partir de l’étude de chacune des quatre sections qui le composent: la logi-que, la philosophie première, la géométrie et la physique. Pour la logique, l’auteurreprend les thèses principales de son L’Objectivitat a la Filosofia Lingüística deThomas Hobbes (1999) et il interprète la pensée du philosophe anglais en insistantsur le problème du langage. Selon Forteza, la philosophie de Hobbes est « une philo-sophie marquée par la finitude de la condition humaine. Cette philosophie sera […]une philosophie linguistique, c’est-à-dire, non pas une philosophie du langage au senspropre du terme, mais une philosophie qui assume les caractéristiques, les possibi-lités et les limites marquées par le langage » (p. 46). En ce qui concerne la philoso-phie première, Forteza l’interprète comme une détermination de « l’usage juste deces mots fondamentaux sans lesquels la science ne peut ni se faire ni se comprendre »(p. 66), tout en prêtant une attention particulière à l’hypothèse de l’annihilatiomundi. Enfin, il analyse la géométrie et la physique du De Corpore. Il y apparaît queHobbes ne parvient pas à passer à l’histoire de la science parce que sa géométrie géné-rative rejette l’inclusion de l’algèbre réalisée par Descartes, et parce que sa physiquedéductive n’est pas capable de laisser une place à la dimension d’expérience. Dans latroisième partie, l’auteur tente de résoudre une des grandes apories des études surHobbes: la possibilité de trouver un élément qui unifie et établisse la continuité entrela philosophie naturelle et la science civile de Hobbes. En accord avec certaines idéesde L’Objectivitat a la Filosofia Lingüística de Thomas Hobbes, Forteza résout ceproblème en faisant appel à la méthode selon laquelle Hobbes étudiait chacun desdeux pôles de la réalité que sont la nature et la politique en portant une attentionminutieuse au langage,

Nous avons laissé pour la fin les considérations sur la note introductive de JosepMonserrat-Molas et sur la dernière partie de l’introduction de Forteza parce que nouscroyons que toutes les deux éclairent la dernière question à traiter : celle de la qua-lité de la traduction dont il est question ici.

Cette qualité tient tout d’abord à la magnifique reconstruction que donneJ. Monserrat-Molas de la correspondance entre Forteza et un autre grand spécialistede la philosophie hobbesienne – Karl Schumann. Forteza commença à correspondreavec Schumann après avoir entendu parler de son édition critique du De Corpore enlatin (Paris, Vrin, 1999). Le fait que Forteza, après trois ans de travail sur le sujet, aitjugé utile le travail de Schumann pour parfaire sa propre traduction est une démons-tration éloquente de sa rigueur. Après avoir reçu une copie de ce travail encore iné-

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dit et l’avoir exhaustivement révisé, Forteza écrira à Schumann pour lui proposerquelques corrections. L’aspect le plus intéressant de ces suggestions est qu’elles déno-tent une maîtrise absolue du texte original du De Corpore – ce que Schumann recon-naîtra lui-même en les incorporant à sa propre édition.

Mais c’est Forteza lui-même qui nous offre, dans la quatrième partie de son intro-duction, ce qui joue vraiment en faveur de cette traduction. On y apprend en effetque la présente édition est le fruit de quinze ans de travail et de deux traductions dis-tinctes : la première basée sur le texte de Molesworth et une seconde réalisée à partirdes éditions de Londres et d’Amsterdam complétées grâce à l’édition de Schumann,ainsi qu’en comparant la traduction définitive avec celles réalisées en anglais, en ita-lien, en allemand et en français.

David JIMÉNEZ (trad. J. Tramonte)

2.2. HOBBES (Thomas), Éléments du Droit naturel et politique. Introduction,notes, glossaire, index et traduction par Delphine Thivet. Tome II des Œuvres deThomas Hobbes, sous la direction de Yves-Charles Zarka, Paris, Vrin, 2010, 254 p.

Ce volume est le dernier publié dans le cadre de la collection Vrin des œuvrescomplètes de Hobbes. On le sait, il y a trois éditions des œuvres de Hobbes: celle dela première moitié du XIXe siècle de William Molesworth, divisée en œuvres anglai-ses et latines, rééditée à plusieurs reprises, la seule complète à ce jour, mais qui n’estpas rigoureuse du point de vue philologique; l’édition oxfordienne, The ClarendonEdition of the Works of Thomas Hobbes, avec un comité de rédaction composé deN. Malcolm, S. Schaffer, Q. Skinner et K. Thomas (1983-) et l’édition parisienne, diri-gée par Y.-C. Zarka, Œuvres de Thomas Hobbes (1990-). Les Elements of Law,Natural and Politic, que Hobbes a fait circuler en copies manuscrites en 1640,publiées en 1650, sans son autorisation, comme deux essais séparés, Human Natureet De Corpore politico, constituent la première œuvre de Hobbes à caractère éthico-politique et anticipent de nombreux thèmes développés successivement dans le DeCive et le Leviathan. Compte tenu de l’imprécision du texte établi par Molesworthet en attendant la publication de l’édition de J.-P. Sommerville dans le cadre de l’édi-tion oxfordienne, destinée à devenir l’édition anglaise de référence, les textes en lan-gue originale disponibles à ce jour sont ceux édités par le sociologue allemandF. Tonnies en 1889 (réédité avec une nouvelle introduction de M.M. Goldsmith en1969), traduit en français par L. Roux (1977) et D. Weber (2003) et celui édité parJ. Gaskin pour la collection Oxford World’s Classics en 1994, traduit en français parA. Milanese (2006).

Nous avons donc à faire à quatre traductions intégrales différentes en français(l’œuvre de Hobbes a d’ailleurs suscité dès le début l’intérêt du monde culturelfrancophone, comme en témoignent les traductions partielles de 1652 et 1653 : LeCorps politique, traducteur anonyme, peut-être Sorbière et, en 1772 : De la naturehumaine, traduit par le baron d’Holbach). En quoi la nouvelle traduction deDelphine Thivet s’en différencie-t-elle ? Sa valeur, y compris à l’échelle internatio-nale, tient à ce qu’il ne s’agit pas seulement d’une traduction mais d’une véritable« édition-traduction ». L’éditrice ne s’est pas contentée de traduire l’une des édi-tions existantes, mais elle a consulté les originaux de Hobbes, en prenant commetexte de base l’une des copies manuscrites conservées à la British Library, plus pré-cisément celle répertoriée « Harley MS 4235 » (264 pages) – qui présente la signa-

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ture originale de Hobbes, quelques notes manuscrites dans les marges et des cor-rections autographes – en la comparant aux premières éditions imprimées en 1650et 1651. Cette opération, le soin philologique avec lequel le texte a été écrit et lefait que les différences ont été opportunément indiquées dans l’apparat critique,font de cette édition française un travail extrêmement utile pour tous les spécialis-tes de Hobbes.

La traduction, dans le titre de l’œuvre, de Law par Droit peut certes susciter unecertaine perplexité, compte tenu de la différence cruciale, soulignée à maintes repri-ses par Hobbes lui-même, ici et dans d’autres ouvrages, entre « loi » (law/lex) et« droit » (right/ius). Toutefois, comme l’indiquait Michel Villey, « le premier grandouvrage de Hobbes se présente comme un traité de théorie générale du droit :Elements of Law. La philosophia civilis, il l’identifie à la science du droit naturelet civil » (La formation de la pensée juridique moderne, Paris, 2003). Villey l’indi-que encore, les autres écrits hobbesiens se spécialiseront de plus en plus vers la phi-losophie politique, tandis que les Elements of Law sont généralement considéréscomme un ouvrage de philosophie du droit, ce que confirme le chapitre de conclu-sion, qui scelle le texte avec une divisio legis. Par conséquent, le titre choisi pourcette traduction française est parfaitement adapté (à noter que la même solution aété adoptée récemment en Espagne: Th. HOBBES, Elementos de Derecho Natural yPolítico, éd. D. Negro Pavón, Madrid, 2011).

Les Éléments du droit ont une grande importance pour la compréhension dudéveloppement de la philosophie de Hobbes. Elle contient en quelque sorte tous lesprésupposés théoriques qui seront réélaborés (à des degrés différents) dans les ouvra-ges ultérieurs. Il suffit à ce propos de citer la phrase (chap. XVIII, partie I) contenanten résumé tout le fondement logique utilisé pour établir la nécessité de la construc-tion de l’État : « Les lois mentionnées dans les chapitres précédents, de même qu’el-les sont appelées ‘lois de nature’, puisqu’elles sont les prescriptions de la raison natu-relle, et également ‘lois morales’ parce qu’elles concernent les mœurs et les conduitesdes hommes les uns à l’égard des autres, sont des lois divines au regard de leur auteur,Dieu Tout-Puissant […] ». Ici comme dans d’autres cas, il faut souligner la traduc-tion correcte sans être littérale de « conversations » par « les mœurs et les conduitesdes hommes ». « Conversation », en effet, doit s’entendre comme le latin « conversa-tio » pour lequel l’Oxford Latin Dictionary indique les sens de « conduct » et de« behaviour », auxquels se réfère Hobbes.

Le texte des Éléments du droit est ici précédé par une introduction qui en exposeles grandes lignes, favorisant sa compréhension, et par une présentation du texte; ilest suivi par une bibliographie et un index. L’une des qualités majeures de ce travailréside encore une fois dans son apparat critique. En plus d’indiquer les ajouts deHobbes au manuscrit et de corriger certaines omissions et des oublis de Tönnies, lesnotes reconstruisent le cas échéant aussi bien les vicissitudes biographiques deHobbes que les aspects importants du contexte historique; elles identifient les ana-logies et différences de perspective avec d’autres écrits de Hobbes, en particulier leLeviathan (anglais et latin), mais également avecd’autres textes commela trilogie desElementa Philosophiae ; en outre, elles explicitent les références de Hobbes ou lacorrespondance de sa pensée avec d’autres auteurs, classiques et modernes. C’est sur-tout dans ce dernier domaine que l’on peut apprécier la subtilité de l’interprétationde la traductrice, qui identifie des connexions – pas immédiatement évidentes et sou-

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vent négligées par les interprètes – avec certains textes aristotéliciens (par exemple,De la divination dans le sommeil et De l’âme à propos de l’imagination), avec leDe officiis de Cicéron, les Essais de Montaigne, le poème Nosce teipsum de Sir JohnDavies et l’Anatomie de la Mélancolie de Robert Burton. Elles soulignent égale-ment ponctuellement des références aux œuvres de Descartes, les Méditations méta-physiques et le Discours de la méthode.

En résumé, cet excellent travail profitera à l’ensemble de la communauté scien-tifique internationale des spécialistes de Hobbes.

Raffaella SANTI

2.3. HOBBES (Thomas), Elementos filosóficos. Del Ciudadano, Traducción,notas, glosario y prólogo d’Andrés Rosler, Buenos Aires, Hydra, 2010, 385 p.

La traduction de Rosler, quatrième traduction espagnole du De Cive – générale-ment sous ce titre – part du texte latin de l’édition de W. Molesworth (ThomasHobbes, Opera philosophica quae latine scripsit omnia, London, 1839, vol. II). Elleprend également en compte l’édition, par H. Warrender, de la version latine publiéepar Oxford University Press en 1983. Cette traduction est intitulée Elementos filo-sóficos. Del ciudadano, suivant le titre que l’éditeur Elzévir d’Amsterdam donna en1647 à la deuxième édition de l’œuvre qui, Hobbes l’indique lui-même dans son auto-biographie en vers, a été le premier ouvrage à le faire connaître.

Cette excellente traduction reflète la maîtrise du latin du traducteur. En outre,elle est dotée d’une valeur ajoutée très importante: une préface qui constitue en elle-même un véritable projet de recherche, dépassant, avec ses 93 pages, ce à quoi l’ons’attend normalement. Puisque dans ce travail Hobbes considère la souveraineté del’État comme un antidote aux tendances anarchiques du républicanisme dans lecontexte de la guerre civile anglaise, le traducteur a intitulé sa préface: L’ennemi dela République: Hobbes et la souveraineté des États. La préface est divisée en 30 sec-tions, le sous-titre attribué à chacune n’hésitant pas à faire appel à des expressionstypiques de la culture politique populaire argentine. Par exemple, « Le peuple uni nesera jamais vaincu » (p. 53), traite de la distinction entre pueblo et multitud. La pré-face comprend l’histoire du texte et sa méthode (§ 2-4) ; Libertas discute la premièrepartie du De Cive (§ 5-10), Imperium la seconde partie (§ 11-26), Religio la troisièmepartie (§ 27-30). Il faut également souligner la richesse des notes, les précisions surla traduction et sur les références explicites du texte de Hobbes à des personnageshistoriques, des faits et des proverbes. De même, les notes signalent les convergen-ces avec la pensée d’autres philosophes, les relations thématiques avec d’autresœuvres politiques de Hobbes ainsi que les interprétations et les questions soulevéespar les principaux critiques. Dans la dernière partie de son travail, Rosler proposeun Glossaire des concepts et questions clés de la doctrine politique de Hobbes quisera sans doute très utile à ceux qui ne sont pas familiers avec le texte hobbesien.Ajoutons que le lecteur de langue espagnole, expert de la pensée hobbesienne oudébutant, ne sera pas déçu.

María LUKAC DE STIER (trad. D. Lapenna)

2.4. HOBBES (Thomas), Leviathan : Or The Matter, Forme, & Power of aCommon-Wealth Ecclesiasticall and Civill. Edited and with an Introduction by IanShapiro, New Haven (CT), Yale University Press, 2010, 608 p.

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2.5. HOBBES (Thomas), Moto, Luogo e Tempo, Gianni Paganini (éd.), Torino,Utet, 2010, 708 p.

Le manuscrit de Hobbes (non olographe) de 474 pages, approximativement datéde 1643 et conservé à la Bibliothèque Nationale de France (Fonds latin 6566A), pré-sente quelques modifications et ajouts de la main de Marin Mersenne (1588-1648).C’est une critique de bon nombre de thèses défendues par le philosophe anglaisThomas White dans son ouvrage De mundo dialogi tres, publié à Paris en 1642. Sanstitre, il a été publié en 1973 par Jean Jacquot et Harold Whitmore Jones en tant queCritique du De Mundo de Thomas White. Dans sa traduction italienne, GianniPaganini suit cette édition, mais en change le titre, en fonction du témoignage deMersenne qui, dans la préface à sa Ballistica, dans les Cogitata physico-mathema-tica (1644), se réfère au texte de Hobbes comme au De motu, loco et tempore.

Le texte de Hobbes, divisé en quarante chapitres, est précédé par une introduc-tion et par les notes biographiques, bibliographiques et critiques, et suivi d’une tabledes matières comprenant un sommaire du manuscrit, très utile pour se retrouverdans le vaste domaine couvert par Hobbes. Les notes explicatives – commentaires etrenvois aux autres écrits du philosophe de Malmesbury ou d’autres auteurs, in pri-mis Thomas White et son De mundo – défilent au bas des pages sur tout le texte.

L’introduction (p. 7-104) est une véritable monographie sur le De motu et auraitpu être publiée comme un livre en soi. Elle est divisée en six parties ou sections. Dansla première, « Hobbes et White: L’histoire d’une controverse », l’auteur reconstituele cadre historique et intellectuel de la « controverse » entre Hobbes et White, notam-ment en se concentrant sur l’auteur de The Grounds of Obedience and Government(1655) et en partageant l’opinion exprimée par Beverley C. Southgate dans l’étudede 1993 (jusqu’à ce jour la plus importante sur White : « Covetous of truth ». TheLife and Work of Thomas White, 1503-1676), selon laquelle White a été capable deproduire une « synthèse créative » entre la philosophie d’Aristote d’un côté, et cellesde Copernic et de Galilée (la philosophie mécanique) de l’autre, dans la tentative deconjuguer foi et savoir, religion et philosophie nouvelle.

La deuxième partie, « Mouvement, lieu et temps : une philosophie de Galilée »,analyse les réponses de Hobbes aux conceptions de White sur la mécanique et la ciné-matique. Ici il est possible de mesurer la différence entre l’opération « conciliante »de White et la « rupture » opérée par Hobbes, lui aussi pourtant de formation aristo-télicienne. Sa conception de la matière et du mouvement se caractérise par le maté-rialisme intégral et par le fait que Hobbes accueille et s’approprie le principe d’iner-tie identifié par Galilée. Paganini résume les « théorèmes du mouvement » énumérésau XXXVII, 3 ainsi : « 1. tout ce qui bouge est un corps, c’est-à-dire une substancequi est en trois dimensions, 2. Le mouvement est “le passage d’un endroit à un autreendroit”, donc le corps doit pouvoir être en un endroit, à savoir “remplir un espaceen trois dimensions”, 3. Tout ce qui bouge, se déplace lui-même, en étant poussé outiré 4. rien ne peut se déplacer tout seul ; 5. Chaque mouvement est dirigé vers unendroit en particulier » (p. 29). En outre, la théorie du conatus est tout à fait origi-nale, en tant que principe de mouvement, qui s’applique également au niveau psy-chologique.

La troisième partie de l’Introduction, « Dans le ‘laboratoire’ de Hobbes : laréforme de la ‘philosophie première’ », développe l’idée que, dans le but d’analyserla relation (de rupture) entre la métaphysique de Hobbes et celle de la tradition occi-

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dentale, de Platon et Aristote en particulier, il faut vraiment faire référence à l’œu-vre manuscrite de Hobbes. Le De Motu, loco et tempore, contrairement au De cor-pore (qui profitera du travail conceptuel realisé précisément dans De Motu), évoluedans le cadre d’idées et de catégories traditionnelles afin de les réinterpréter et de lesréajuster selon la vision ontologique de Hobbes, comme cela arrive avec les conceptsaristotéliciens de « substance » et d’« accident » : la substance est la substance corpo-relle (matière/corps) et « l’accident désigne la manière dont une chose est conçue parl’esprit qui se la représente » (p. 59). L’accident indique ou la présence d’un autreorganisme ou un changement d’état dans le même corps, encore une fois à cause dumouvement. Comme le souligne justement Paganini, « le flux des accidents est l’équi-valent ontologique du fluide des qualités secondaires décrit par Galilée » (p. 67).

Les quatrième et cinquième parties, respectivement intitulées « À la recherche dupremier moteur en mouvement : mécanisme et problèmes de la théologie » et« Questions de théodicée », abordent les questions théologiques du problème de l’exis-tence de Dieu et de sa connaissance humaine, de la question du mal dans le monde– problèmes qui transcendent la naturalis ratio et sont philosophiquement insolu-bles. Paganini montre comment Hobbes, également dans De Motu, nous permetd’entrevoir la thèse de la matérialité de Dieu et affirme que « c’est justement en com-paraison avec White que Hobbes se mesure à tout le système métaphysique de la sco-lastique sous sa forme la plus indiscutable et la plus sophistiquée ». Enfin, dans ladernière partie, « psychologie, morale et loi », l’auteur aborde la matérialité des pro-cessus émotionnels, le sens du bonheur selon Hobbes, le rapport entre la prudence(réinterprétée dans un sens issu de l’eudémonisme) et le savoir, et enfin la relationentre droit naturel et droit civil.

Raffaella SANTI

3. Publications collectives

3.1. PAGANINI (Gianni) (éd.), « Hobbes and Renaissance Philosophy », HobbesStudies (Special issue), 23, n° 1, 2010, p. 1-102.

3.2. TRALAU (Johan) (éd.), Thomas Hobbes and Carl Schmitt. The Politics ofOrder and Myth, New York, Routledge, 2010, 216 p.

4. Sources. Contexte historique et doctrinal

4.1. ALFONSO VARGAS (Jorge), « Hobbes y la literatura », Límite, 5, nº 22, 2010,p. 65-88.

L’auteur aborde l’œuvre de Hobbes à partir de son contexte historique, de sonenvironnement culturel, et plus particulièrement littéraire. Il commence par exami-ner la dernière période de la Renaissance anglaise. Les Anglais, toujours isolés ducontinent, ont cultivé une littérature originelle, à caractère national, forgée par lalutte contre le catholicisme et par l’opposition à d’autres nations. L’adoption du pro-testantisme a sans doute marqué l’écart entre l’Angleterre et le reste de l’Europe. Lerésultat a été une nouvelle attitude quant à la morale ainsi qu’un fort intérêt pour ladiscussion des questions liées à la foi.

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Le climat anglais est anticlérical; Hobbes partage cet esprit, en raison de la dépen-dance du clergé à la pensée médiévale et au dogme catholique, et par refus de l’in-trusion du pouvoir spirituel dans le temporel. La Réforme a également laissé sonempreinte sur la littérature : une abondance d’œuvres de polémique religieuse, detraductions de la Bible, de sermons et de livres de dévotion. Le meilleur témoignageen est la Bible de Jacques Ier (1611), adoptée par tous les courants protestants et d’uneincomparable beauté littéraire. Alfonso Vargas signale aussi la profusion d’autresgenres littéraires tels la critique et l’essai (non-fiction) ; Richard Hooker en serait lereprésentant exemplaire, éminent par son ton persuasif, son appel à l’imagination,son usage de la langue anglaise truffé de latin, et spécialement pour avoir mis ces res-sources au service de l’anglicanisme. Hooker est le premier d’une série d’auteurs,essayistes et polémistes, parmi lesquels prendra place aussi John Donne. Dans cetarticle, l’auteur annonce un travail à venir dans lequel il analysera les auteurs les plusremarquables de la Renaissance anglaise tels que Donne, Bacon, Shakespeare etMilton, afin de saisir les résonances entre littérature et philosophie chez ThomasHobbes. L’auteur conclut en affirmant qu’on ne peut pas parler d’une littérature pro-prement moderne, mais plutôt de l’abandon du style ancien qui permet de dévelop-per un style proprement anglais où la clarté, la vigueur et la beauté de la pensée semêlent à une langue moderne qui se donne ses propres normes, s’épure et se donneà elle-même son propre brillant.

María LUKAC DE STIER (trad. D. Lapenna)

4.2. BAUMGOLD (Deborah), Contract Theory in Historical Context : Essays onGrotius, Hobbes, and Locke, Leiden, Brill, 2010, 190 p.

4.3. BOTWINICK (Aryeh), « Shakespeare in Advance of Hobbes: Pathways to theModernization of the European Psyche as Charted in the Merchant of Venice »,Telos: A Quarterly Journal of Critical Thought, 153, 2010, p. 132-159.

4.4. CORCILIUS (Klaus), « Thomas Hobbes », in Ideen: Repräsentationalismusin der Frühen Neuzeit, Dominik Perler, Johannes Haag (eds.), tome I: Texte, Berlin,De Gruyter, 2010, p. 119-164.

4.5. CORCILIUS (Klaus), « Thomas Hobbes », in Ideen: Repräsentationalismusin der Frühen Neuzeit, Dominik Perler, Johannes Haag (eds.), tome II: Kommentare,Berlin, De Gruyter, 2010, p. 83-122.

4.6. DICK (Howard), The Primacy of the Political : A History of PoliticalThought from the Greeks to the French & American Revolutions, New York,Columbia University Press, 2010, 416 p.

4.7. DUNCAN (Stewart), « Leibniz on Hobbes’s Materialism », Studies in Historyand Philosophy of Science, 41, n° 1, 2010, p. 11-18.

4.8. GALLI (Carlo), « La Produttivita Politica della Paura : Da Machiavelli aNietzsche », Filosofia Politica, 24, n° 1, 2010, p. 9-28.

4.9. GREENE (Robert A.), « The Origin, Definition, Assimilation, and Enduranceof Instinctu Naturae in Natural Law Parlance – From Isidore and Ulpian to Hobbesand Locke », History of European Ideas, 36, n° 4, 2010, p. 361-374.

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4.10. KINGSBURY (Benedict), STRAUMANN (Benjamin), « State of Nature versusCommercial Sociability as the Basis of International Law: Reflections on the RomanFoundations and Current Interpretations of the International Political and LegalThought of Grotius, Hobbes, and Pufendorf », in The Philosophy of InternationalLaw, Samantha Besson, John Tasioulas (éds.), Oxford, Oxford University Press,2010, p. 33-51.

4.11. KRAMNICK (Jonathan), Actions and Objects from Hobbes to Richardson,Palo Alto (CA), Stanford University Press, 2010, 307 p.

4.12. MORI (Gianluca), « Hobbes, Cartesio e le Idee : un Dibattito Segreto »,Rivista di Storia della Filosofia, 65, n° 2, 2010, p. 229-246.

Gianluca Mori montre de façon convaincante que l’auteur anonyme de la lettreadressée à Descartes par Mersenne, en latin, le 19 mai 1641 (voir l’édition Adam-Tannery, vol. 3, p. 375-377) peut être presque certainement identifié avec Hobbes.Une analyse conceptuelle et lexicale détaillée de la lettre – dont le contenu concernela notion d’idée, avec une référence particulière à l’idée de Dieu et à sa fonction dansle contexte de la preuve cartésienne de l’existence divine – permet de mettre en évi-dence des similitudes surprenantes, et même des concordances textuelles, avec lespositions exprimées par Hobbes dans ses œuvres officielles, tant antérieures quepostérieures. L’auteur considère (de façon convaincante, à notre avis) que la clartéde ces points, et le fait que « la lettre a effectivement une signification dans l’hori-zon des thèses métaphysiques hobbesiennes » (p. 242), sont des éléments cruciauxpour attribuer à Hobbes la paternité de la lettre. De ce point de vue, la lettre du19 mai (à laquelle Descartes répondra par deux lettres datées du 16 juin et de juil-let 1641, sans se douter que son interlocuteur était en réalité « l’Anglais », qu’il détes-tait) peut être considérée comme une suite « secrète » du débat qui opposa les deuxphilosophes quelques mois plus tôt lors des Objections hobbesiennes auxMéditations (« une réplique brève de Hobbes aux trois réponses de Descartes : unetentative, peut-être, de renouer sous déguisement le dialogue interrompu brutale-ment », p. 234).

Andrea NAPOLI (trad. D. Lapenna)

4.13. MOSS (Laurence S.), « Thomas Hobbes’s Influence on David Hume: TheEmergence of a Public Choice Tradition », The American Journal of Economicsand Sociology, 69, n° 1, 2010, p. 398-430.

4.14. MOSS (Laurence S.), « Hobbes and the Early Uses of Economic Method »,The American Journal of Economics and Sociology, 69, n° 1, 2010, p. 499-523.

4.15. MUGNAI (Massimo), « Logic and Mathematics in the Seventeenth Century »,History and Philosophy of Logic, 31, n° 4, 2010, p. 297-314.

4.16. PICCIOTTO (Joanna), Labors of Innocence in Early Modern England,Cambridge (MA), Harvard University Press, 2010, 863 p.

4.17. RAYLOR (Timothy), « The Anglican Attack on Hobbes in Paris, 1651 »,Historical Journal, 53, n°1, 2010, p. 153-164.

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4.18. RILEY (Patrick), « Leibniz and Modernity : Against the “Voluntarism” ofCalvin, Descartes, Hobbes and Spinoza », in Leibniz und die Entstehung derModernität, Juan Antonio Nicolás (éd.), Wiesbaden, Franz Steiner, 2010, p. 41-48.

4.19. SERGIO (Emilio), « The Leviathan in Naples: Vico’s Response to Hobbes’sLife and Works », Journal for Eighteenth-Century Studies, 33, n° 2, 2010, p. 227-244.

Nouvelle version révisée (avec l’ajout de 5 illustrations) de l’essai « Hobbes aNapoli (1661-1744): Note sulla ricezione della vita e dell’opera di Hobbes nel previ-chismo napoletano et nell’opera di Vico », publié en 2007 dans le Bollettino delCentro di Studi Vichiani, n. 37. (Voir notre compte rendu dans le Bulletin HobbesXXI, p. 363-364).

Andrea NAPOLI (trad. D. Lapenna)

5. Études générales du système

5.1. BURELLI (Carlo), E fu lo Stato. Hobbes e il dilemma che imprigiona,Prefazione di Massimo Cacciari, Milano-Udine, Mimesis, 2010, 91 p.

L’auteur interprète le modèle jusnaturaliste hobbesien à travers la ‘théorie desjeux’ (l’analyse des décisions d’agents rationnels dans des situations d’interactionmutuelle). Selon cette perspective (ouverte par David P. Gauthier dans son livre de1969 The Logic of Leviathan), l’état de nature de Hobbes est un système dont lastructure reflète le cas particulier de la théorie des jeux connu sous le nom de‘dilemme du prisonnier’ : une situation où le choix stratégique des acteurs est néces-saire, car il n’y a aucune alternative adéquate (même s’il connaissait la décision del’adversaire, le joueur ne pourrait faire un choix différent : cette situation est définietechniquement comme ‘l’équilibre de Nash’). Cela implique inévitablement l’impos-sibilité de coopération entre les individus, et entraîne les troubles généralisés quicaractérisent l’état de nature hobbesien. L’auteur souligne justement que cela impli-que également la nature moralement neutre du conflit (« l’obligation morale est fon-dée sur la responsabilité, mais la responsabilité demande un choix. Hobbes décritune situation dans laquelle les individus n’ont pas de choix », p. 38).

Une différence substantielle dans les stratégies des joueurs et, par conséquent, lerenversement du dilemme, ne pourraient être obtenus qu’en suscitant un agent exté-rieur qui, par sa simple présence, introduirait un changement dans la structure desjeux. Le troisième sujet ici en question est bien l’État : avec la dissuasion fournie parla sanction législative, il transforme le dilemme du prisonnier (où la coopération estimpossible) en un nouveau jeu (où s’applique la coopération). Dans cette situationnouvelle, le choix des joueurs est encore univoque, mais maintenant, c’est la coopé-ration qui constitue le résultat naturel du jeu, c’est-à-dire, le choix le plus appropriépour chaque individu. La différence permet de résoudre le soi-disant problème dufree rider, autrement dit l’impossibilité de créer un bien commun (en premier lieula survie elle-même). De fait, aucun être rationnel ne voudrait en payer le prix: si lacoopération est imposée, la production de biens publics – dont le coût est supportépar tous – est finalement possible. L’auteur considère la sortie de l’état de naturecomme la conquête d’une ‘rationalité sociale’, à savoir d’un niveau plus élaboré derationalité, « une sorte de méta-raison » (p. 68) acquise par la réflexion sur la raison

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elle-même et sur ses choix stratégiques – en d’autres termes, en identifiant la struc-ture logique du dilemme du prisonnier et en même temps la manière de la contrôlerà travers la création d’une institution coercitive: « L’homme est capable de raisonnernon seulement sur la structure actuelle d’un jeu, mais aussi d’introduire des chan-gements à la structure afin d’augmenter l’efficacité du résultat. Cette capacité, mêmesi elle n’est suggérée qu’implicitement par Hobbes, pourrait contribuer à s’affran-chir du dilemme, en optant pour la constitution de l’état civil » (p. 31-32).

Dans la perspective d’une évaluation de l’actualité de la pensée hobbesienne, l’au-teur trouve dans la prise de conscience par Hobbes de la fragilité et de la vulnérabi-lité du Léviathan un rappel constant à comprendre que la fonction de base de l’Étatest de garantir la survie des individus, condition essentielle pour la satisfaction detout désir humain. Le point faible se trouve plutôt dans ce que l’auteur juge commeune vision dichotomique et abstraite de l’opposition entre l’état naturel des passionset du désordre, et l’état civil de la rationalité et de l’ordre. L’abstraction théoriquede cette opposition bipolaire entre le Léviathan et le Behemoth – soutient Burelli –trahit la complexité de la réalité. En effet, « le terrible dilemme qui hante l’huma-nité » (p. 81) n’est pas le choix entre ces deux extrêmes, mais plutôt la nécessitéd’équilibrer les risques entre un État trop fort qui, au nom de la sécurité, comprimela liberté individuelle, et un État trop faible qui favorise l’émergence d’un conflit des-tructeur (« le Scylla du totalitarisme » et « le Charybde de l’anarchie », p. 85). Cettefaiblesse, cependant – ajoute l’auteur – « ne rend pas la pensée de Hobbes obsolète,au contraire, elle nous permet de la regarder sous une lumière nouvelle et plus inté-ressante », en l’utilisant comme un véritable ideal-type wébérien pour comprendreles phénomènes réels (p. 81). Toutefois, par rapport et contre le système théoriquede Hobbes, l’expérience de la dégénération totalitaire du Léviathan au XXe siècle (les« Léviathans fous », comme les définit Burrelli de manière suggestive, p. 83 et 85)pose fortement à la pensée contemporaine la question de savoir s’il est rationnel depayer n’importe quel prix pour la protection de la vie et la stabilité sociale. Ces obser-vations pertinentes, par lesquelles l’auteur conclut son travail, devraient peut-êtreêtre complétées par une discussion plus détaillée des caractéristiques spécifiques del’État hobbesien, dont l’excessive abstraction (selon l’interprétation del’auteur lui-même, qui parle aussi de « stylisation aseptique », p. 81) doit être à notre avis recon-sidérée. Néanmoins, le caractère absolu de l’État de Hobbes n’équivaut pas à un tota-litarisme (à noter que si l’auteur rejette l’image de Hobbes théoricien de l’État absolu,c’est seulement parce qu’il identifie de manière réductrice l’État absolu avec l’Étatmonarchique, p.18-19).

Andrea NAPOLI (trad. D. Lapenna)

5.2. FISH (Stanley), « How Hobbes Works », in Visionary Milton : Essays onProphecy and Violence, Peter E. Medine, John T. Shawcross, David V. Urban (éds.),Pittsburgh (PA), Duquesne University Press, 2010, p. 65-87.

5.3. GERT (Bernard), Hobbes: Prince of Peace, Cambridge, Polity Press, ClassicThinkers Series, 2010, 183 p.

Cette introduction à la philosophie morale et politique de Hobbes est la premièremonographie de Gert sur Hobbes. Il y intègre beaucoup de ses travaux antérieurs,en reprenant ses deux argument interprétatifs principaux: d’abord, la conception dela raison chez Hobbes, de type aristotélicien et non pas humien (c’est-à-dire instru-

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mental) ; qui plus est, le but de ‘la raison naturelle’ : éviter la mort et la douleur. Parconséquent, agir contre l’auto-préservation ne peut pas être rationnel.

Ensuite, Hobbes ne suit pas la doctrine de l’égoïsme psychologique. Du momentque le ‘bon’ équivaut à tout objet du désir, des passages comme « mais l’objet, quelqu’il soit, de l’appétit ou du désir d’un homme est ce que pour sa part celui-ci appellebon » (Lev 25,2) ne posent aucune restriction à ce que les humains devraient désirer.‘L’égoïsme tautologique’ de Gert semble difficile à concilier avec l’affirmation hob-besienne que les saints aussi agissent en vue du bien qui leur est propre – c’est la béa-titude céleste qui les motive (EW4, 378). Il faut noter que, compte tenu de son inté-rêt pour la psychologie de Hobbes, Gert ignore complètement Questions ConcerningLiberty, Necessity, and Chance.

L’exposition de la théorie morale de Hobbes par Gert mérite d’être signalée parcequ’il sépare les éléments de l’éthique: les vertus, les éléments déontologiques et uti-litaires. Les vertus morales (traits du caractère prescrits par les lois de nature) pro-fitent à tous et de manière impartiale, en promouvant la paix. L’ouvrage se terminepar une discussion sur les philosophes influencés par Hobbes, notamment Gert lui-même.

Johan OLSTHOORN (trad. D. Lapenna)

5.4. GERT (Bernard), « Hobbes », in The Routledge Companion to Ethics, JohnSkorupski (éd.), New York, Routledge, 2010, p. 88-98.

5.5. HÖFFE (Otfried), Thomas Hobbes, München, Beck, 2010, 251 p.Otfried Höffe compte parmi les représentants éminents de la philosophie prati-

que, le point fort de son travail étant la théorie politique. Il se réclame d’une appro-che traditionnelle, au meilleur sens du terme, c’est-à-dire qu’il étudie ses sujets enles resituant dans leur contexte, de manière historique et critique et en les ordonnantdans le déploiement historique de la systématique philosophique – un travail sérieux,fondé sur les textes et informé. Ce faisant, Höffe, dans son nouveau livre sur ThomasHobbes, se distingue une fois de plus des tendances analytiques à la mode et du cou-rant dominant imprégné de philosophie des sciences. Il expose les différents aspectsde la richesse de l’œuvre de Thomas Hobbes de manière concise et claire, ses analy-ses sont justes et fondées.

L’auteur illustre ainsi de manière véritablement exemplaire le sérieux d’un tra-vail en sciences humaines fondé non pas sur des idées brillantes et aventureuses oudes thèses extravagantes, mais faisant confiance à la force de l’argument, vérifiabledans le texte et le contexte. En d’autres termes, Höffe ne joue pas à la manière post-moderne, il présente au lecteur la richesse de l’œuvre de Thomas Hobbes demanière classique. Dans une introduction largement biographique, il donne uneimage vivante du philosophe. Les références à la guerre civile qui ont marquéHobbes pour la vie montrent bien qu’il est certes possible de lire une œuvre commele Léviathan – qui fit date dans l’histoire de la philosophie – sans avoir consciencedu contexte dans lequel elle a été rédigée, mais qu’au bout du compte, une telle lec-ture risque d’induire une compréhension limitée, voire erronée du texte. Aussi Höffefonde-t-il l’orientation du Léviathan et explique-t-il la démarche de Hobbes ainsi :« Depuis les Elements of Law jusqu’au Léviathan en passant par le De cive, Hobbesmet l’œuvre de sa vie au service de ce qui est selon lui le bien suprême de l’homme,au plan individuel, la vie, et au plan de ce qui la rend possible socialement, la paix.

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Dans la mesure où la science de la paix se déploie comme une technique au servicede la paix, elle se présente directement comme une prescription politique. Hobbesn’élabore pas sa théorie de l’État comme une philosophie à laquelle s’ajouterait uneprescription politique, mais directement comme une instruction politique pourconstituer son objet, le Léviathan, ce qui en fait tout de même une techniquesociale, plus précisément, une technique de l’État. Le philosophe ne fait pas de dif-férence entre la théorie générale et l’instruction pour une pratique politique parti-culière, dépendante d’une situation historique donnée. Dans sa théorie, la scienceest en même temps directive pour l’action, à savoir injonction à mettre effective-ment en œuvre les moyens nécessaires et suffisants pour la paix. » (p. 76) Le thèmemajeur de Hobbes fournit également le fil directeur de cet ouvrage. Höffe étudie lesidées anthropologiques du philosophe; il discute les problèmes de la souveraineté,la nécessité de la paix mais aussi la menace pesant sur la liberté humaine du fait desouverains puissants et surpuissants que Hobbes, pensant et écrivant dans les limi-tes de son époque, ne pouvait anticiper sous cette dernière forme. Aujourd’huiencore, le réalisme déterminé et sans illusion de Hobbes parait remarquable, a for-tiori face à la situation compliquée voire inextricable dans le champ de la théoriepolitique – on songe par exemple aux modèles du libéralisme, des théories du dis-cours ou du communautarisme, qui trouvent toujours autant d’écho, alors querepenser Hobbes serait peut-être plus utile que les constructions théoriques insipi-des de ces quarante dernières années.

Höffe montre bien également la légitimité des réflexions anthropologiques deHobbes, dont la réception a souvent donné lieu à des quiproquos: « Que dans l’étatde nature, l’homme soit violent, du moins de manière latente, ne signifie pas queHobbes pense que l’homme est agressif et destructeur par nature. Les passionshumaines sont pour lui des pulsions détachées de toute valeur, qu’il faut prendre tel-les qu’elles sont, par réalisme. L’homme n’est pas antisocial, en un sens moral, c’est-à-dire méchant; il n’est pas même méchant par innocence. Ses passions fondamen-tales ne sont nullement l’envie et la haine, la violence et l’hostilité, mais la rechercheévoquée de la libre préservation de soi et du bonheur. Ces instincts primaires condui-sent cependant nécessairement à ces autres tendances, certes secondaires, mais néan-moins inévitablement asociales. Aussi longtemps que l’homme n’est pas limité parun pouvoir étatique, et qu’il suit exclusivement son intérêt propre et libre, il tend àla violence. » (p. 130) Il est donc nécessaire d’assurer la paix, afin que la vie humainetelle qu’elle est décrite dans le Léviathan, ne soit pas « misérable, répugnante, ani-male et brève ». Höffe résume précisément la conséquence qui en découle: « L’intérêtpropre de l’homme s’avère dysfonctionnel, et l’état qui fait cesser la guerre latente,l’état de paix, est de l’intérêt bien compris de tout un chacun. » (p. 130) Lire les écritsde Thomas Hobbes s’avère toujours aussi fécond, qu’on les soumette à réflexion cri-tique ou qu’on se les approprie en entrant en résonance avec les textes. Le livred’Otfried Höffe est extraordinairement travaillé ; on en recommandera vivement lalecture à tous ceux qui se sont d’ores et déjà intéressés à la philosophie de Hobbes,aussi bien qu’à ceux qui voudraient y entrer.

Thorsten PAPROTNY (trad. F. Willmann)

5.6. HULL (Gordon), Hobbes and the Making of Modern Political Thought,New York, Continuum, 2010, 218 p.

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5.7. KÜHNELT (Jörg), Pluralistische Gesellschaften und Vertragstheorien. EineKonstruktive Kritik der Hobbesianischen Vertragstheorie, Frankfurt-Heusenstamm,Ontos Verlag, 2010, 331 p.

Jörg Kühnelt se propose d’analyser la théorie classique du contrat de ThomasHobbes en se demandant dans quelle mesure il est possible, dans des sociétés plura-listes comme les nôtres, de légitimer l’ordre étatique. La question est de savoir si desindividus ayant différentes représentations des valeurs peuvent adhérer à un seulmodèle d’ordre. L’ouvrage de Kühnelt se divise en deux grandes parties : l’une traitedes États territoriaux, du pluralisme et des théories du contrat, l’autre esquisse unethéorie du contrat prenant en compte les contextes. L’auteur présente ensuite sesréflexions en huit sections.

Kühnelt établit l’importance du contexte en développant la thèse selon laquelledes théories du contrat orientées vers des valeurs, tournées par exemple vers les idéesde liberté et de droit naturel, ne peuvent emporter l’adhésion dans le cadre de struc-tures communautaires pluralistes. Un ordre imposé nécessite en effet des justifica-tions auxquelles puissent adhérer des sceptiques moraux, des altruistes modérés (telle citoyen moyen de la République fédérale, volontiers prêt à faire des dons) et deségoïstes rationnels. Par sceptiques moraux, l’auteur entend des personnes qui fon-dent leur scepticisme sur la morale. Ce n’est pas ainsi que l’entend généralement lediscours de la philosophie politique, pour lequel le scepticisme moral soumet lesmaximes morales à un questionnement critique.

Kühnelt met en œuvre une approche positiviste qui conçoit Hobbes comme uncontractualiste modéré, une orientation épistémologique rigoureuse rejetant commeirrationnel tout recours à des valeurs. Par « modéré », il faut entendre que les valeursmorales, religieuses ou politiques ne sauraient être utilisées pour obliger d’autresindividus à des comportements déterminés. C’est pourquoi, pour obtenir un critèrede rationalité instrumentale, il faut montrer que l’État est un avantage pour tous. End’autres termes, il faut un État reconnu comme étant dans l’intérêt de tous, y com-pris lorsque coexistent dans une collectivité les conceptions de la vie et les culturesles plus diverses.

L’auteur essaie ensuite de présenter le passage d’une compatibilité des valeurs àune compatibilité des intérêts en analysant des exemples, ainsi qu’à travers une dis-cussion approfondie de la théorie contemporaine du contrat. L’intérêt est placé avantla valeur, ce que Kühnelt s’efforce de fonder en théorie (non pas ontologiquement).Il va chercher très loin ses arguments et tient compte de nombreuses variantes. Il faitnotamment appel à James Buchanan qui s’évertue tout particulièrement à transpo-ser Hobbes dans le contexte moderne, indiquant des pistes pour organiser les bienscommuns économiques ou sociaux.

Tout cela mérite d’être lu. Kühnelt aboutit à l’idée que l’on peut faire un Étatconstitutionnel de ce qui n’est qu’un simple État minimal pourvu que deux condi-tions soient remplies : « Premièrement, un État constitutionnel doit prendre encharge des tâches qui rendent possible une réduction efficace des problèmes d’inter-action et de coordination, une majorité au moins de citoyens devant tirer un profitsuffisant, relativement à un éventail d’intérêts donné, de l’élargissement de l’Étatminimal à un État constitutionnel ». (p. 307)

Hobbes n’était pas, chacun le sait, un simple positiviste, et l’interprétationmoderne des sciences politiques est sans conteste excellente lorsqu’elle creuse et

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expose des questionnements complexes. Malgré tout, la distinction entre intérêts etvaleurs n’est pas tout à fait convaincante. L’auteur fait comme si l’intérêt, à mêmed’être énoncé rationnellement, pouvait davantage se légitimer que ce qui relève dela valeur, dont il est possible après tout qu’elles aient été données à l’homme et quecelui-ci ne puisse, ou ne soit pas obligé, de les produire : valeurs fondamentales del’être homme, qui ont un rapport avec ce qui est transcendant. Choses peu priséesdans la science politique des carriéristes et des omniscients.

Rainer MIEHE (trad. F. Willmann)

5.8. PINK (Thomas), « Thomas Hobbes », in A Companion to the Philosophy ofAction, Timothy O’Connor, Constantine Sandis (éds.), Oxford, Wiley-Blackwell,2010, p. 473-480.

6. Études particulières du système

6.1. PHILOSOPHIE PREMIÈRE, LOGIQUE, LANGAGE ET SCIENCE

6.1.1. DEAR (Peter), « Divine Illumination, Mechanical Calculators, and the Rootsof Modern Reason », Science in Context, 23, n° 3, 2010, p. 351-366.

6.2. ÉTHIQUE ET POLITIQUE. RELIGION ET HISTOIRE

6.2.1. Alfonso Vargas (Jorge), « La Biblia como un texto político: Federalismo noes contractualismo. Una crítica a Hobbes », Límite, 5, nº 21, 2010, p. 33-58.

A partir des travaux de Daniel J. Elazar, présentant la Bible comme un texte poli-tique qui définit l’alliance politique et religieuse des Juifs avec Dieu, l’intéressanteétude de Jorge Alfonso Vargas analyse la Bible comme un texte pédagogique à carac-tère moral. À travers l’étude de cas particuliers, le travail propose de véritables para-digmes de la constitution politique de la communauté juive. L’un de ces paradigmesest notamment l’alliance entre Dieu et le peuple juif. L’existence politique de ce peu-ple est étroitement liée au pacte, dont dérive, selon Eléazar, toute la théologie politi-que chrétienne occidentale. Cette alliance concilie obligation et consentement.L’auteur analyse les termes juifs berit (devoir) et khesed (amour) utilisés pour décrirecette alliance. Considérant que la Vulgate traduit berit comme foedus, Elazar etAlfonso Vargas en dérivent le terme ‘fédéral’, au sens de ‘convenu par le pacte’. Ledevoir et le consentement amoureux s’impliquent ainsi mutuellement de sorte quele « fédéralisme » concerne les relations personnelles autant que communautaires. Enanalysant les différentes formes de l’idée fédéraliste de l’alliance juive tout au longde l’histoire, Elazar affirme que cette théologie politique a été sécularisée par Hobbes,Locke, Spinoza et d’autres modernes, qui ont transformé le « fédéralisme » en contrac-tualisme. En particulier, Elazar critique le modèle du pacte chez Hobbes, car il serapproche davantage d’un contrat commercial que d’une alliance solennelle. Cettequestion est abordée par J. Alfonso Vargas qui, de fait, intitule son article : ‘Le fédé-ralisme n’est pas le contractualisme’ ; Vargas ne prend pas de distance avec Elazar,et attribue à Hobbes, à notre sens injustement, une idée commerciale du pacte et unemorale strictement utilitaire.

María LUKAC DE STIER (trad. D. Lapenna)

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6.2.2. ALLARD (Maxime), « Passeurs de frontières (du) théologico-politique(s) »,Sociologie et Sociétés, 42, n° 1, 2010, p. 19-44.

6.2.3. BAUMGOLD (Deborah), « Slavery Discourse Before the Restoration : TheBarbary Coast, Justinian’s Digest, and Hobbes’s Political Theory », History ofEuropean Ideas, 36, n° 4, 2010, p. 412-418.

6.2.4. BEJAN (Teresa M.), « Teaching the Leviathan : Thomas Hobbes onEducation », Oxford Review of Education, 36, n° 5, 2010, p. 607-626.

6.2.5. BERNIER (Jean), La Critique du Pentateuque de Hobbes à Calmet, Paris,Champion, 2010, 336 p.

6.2.6. BERNINI (Lorenzo), FARNESI CAMELLONE (Mauro), MARCUCCI (Nicola),La Sovranità scomposta. Sull’attualità del Leviatano, Milano, Mimesis, 2010, 138 p.

6.2.7. BERNSTEIN (J.M.), « Without Sovereignty or Miracles : Reply toBirmingham », Journal of Speculative Philosophy: A Quarterly Journal of History,Criticism, and Imagination, 24, n° 1, 2010, p. 21-31.

6.2.8. BIRMINGHAM (Peg), « On Violence, Politics, and the Law », Journal ofSpeculative Philosophy : A Quarterly Journal of History, Criticism, andImagination, 24, n° 1, 2010, p. 1-20.

6.2.9. BUCHANAN (James M.), « The Constitutionalization of Money », CatoJournal, 30, n° 2, 2010, p. 251-258.

6.2.10. CAKSU (Ali), « L’autorité de l’État comme autorité divine: la religion civilechez Thomas Hobbes » (en turc), Kutadgubilig : Felsefe-Bilim ArastirmalariDergisi, 17, 2010, p. 71-88.

6.2.11. CHARCHULA (Jaroslow), « Hobbes’s Theory of State: The Structure andFunction of State as the Key to Its Enduring », Forum Philosophicum: InternationalJournal of Philosophy, 15, n° 1, 2010, p. 191-203.

6.2.12. COOPER (Julie E.), « Vainglory, Modesty, and Political Agency in thePolitical Theory of Thomas Hobbes », Review of Politics, 72, n° 2, 2010, p. 241-269.

6.2.13. CRAIG (Leon Harold), The Platonian Leviathan, Toronto, University ofToronto Press, 2010, 704 p.

6.2.14. DI BELLO (Anna), Sovranità e Rappresentanza: La Dottrina dello Statoin Thomas Hobbes, Napoli, Pubblicazioni dell’Istituto Italiano per gli StudiFilosofici, 2010, 200 p.

6.2.15. DI LEO RAZUK (Andrés), « El Katechon como elemento teológico-políticoen la Teoría del Estado de Thomas Hobbes », Actas del II Simposio InternacionalHelenismo Cristianismo (II SIHC), Marta Alesso, Raquel Miranda (éds.), éd. onlinehttp://www.sihc.com.ar/pdf/Di%20Leo.pdf, 2010, p. 1-6.

6.2.16. DOOMEN (Jasper), « A Systematic Interpretation of Hobbes’s PracticalPhilosophy », Croatian Journal of Philosophy, 10, n° 29, 2010, p. 157-172.

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6.2.17. ECHEVERRI (Juan David Ramírez), Thomas Hobbes y el Estado absoluto:del Estado de razón al Estado de terror, Medellín, éd. de l’Universidad de Antioquia,Colección mejores trabajos de grado, 2010, 107 p.

6.2.18. FRANKENBERG (Günter), Staatstechnik: Perspektiven auf Rechtsstaatund Ausnahmezustand, Berlin, Suhrkamp, 344 p.

6.2.19. GARCÍA-SALMONES ROVIRA (Mónica), « Razón práctica, lo Mecánico yTeoría Legal en Hobbes: la Legalización de los Político », Revista internacional dePensamiento político, 5, 2010, p. 261-272.

6.2.20. GREEN (Leslie), « Two Worries about Respect for Persons », Ethics, 120,n° 2, 2010, p. 212-231.

6.2.21. GUSTAFSON (Andrew), « Rorty, Caputo and Business Ethics withoutMetaphysics : Ethical Theories as Normative Narratives », Business Ethics : AEuropean Review, 19, n° 2, 2010, p. 140-153.

6.2.22. HARVEY, Warren Zev, « Une Note sur la Guerre et la Paix chez Hobbes etSpinoza » (en hébreu), Iyyun: The Jerusalem Philosophical Quarterly, 59, 2010,p. 95-102.

6.2.23. HOLLAND (Ben), « Sovereignty as Dominium ? Reconstructing theConstructivist Roman Law Thesis », International Studies Quarterly, 54, n° 2, 2010,p. 449-480.

6.2.24. KLIEMT (Hartmut), « The PPE Enterprise : Common Hobbesian Rootsand Perspectives », Politics, Philosophy and Economics, 9, n° 4, 2010, p. 398-410.

6.2.25. KORSTANJE (Maximiliano Emanuel), « El temor en Thomas Hobbes comoorganizador político: Notas preliminares sobre la paradoja profesional », Contrastes:Revista Interdisciplinar de Filosofía, 15, 2010, p. 167-186.

6.2.26. MENELY (Tobias), « Sovereign Violence and the Figure of the Animal,From Leviathan to Windsor-Forest », Journal for Eighteenth-Century Studies, 33,n° 4, 2010, p. 567-582.

6.2.27. OLSTHOORN (Johan), « De Moraalfilosofie Van Thomas Hobbes: EnkeleNieuwe Publicaties », Tijdschrift voor Filosofie, 72, n° 4, 2010, p. 803-809.

6.2.28. PAGANINI (Gianni), « Ubbidienza, resistenza e critica del concetto di“tirannia” in Hobbes », in Figure di servitù e dominio nella cultura filosofica euro-pea tra Cinquecento e Seicento, Panichi Nicola (éd.), Firenze, Le Lettere, 2010,p. 207-226.

6.2.29. PAGANINI (Gianni), « Thomas Hobbes e la questione dell’umanesimo », inLe Origini dell’umanesimo dcientifico dal Rinascimento all’Illuminismo, LorenzoBianchi, Gianni Paganini (éds.), Napoli, Liguori, 2010, p. 135-158.

Ce travail constitue une nouvelle et importante étape de la recherche que GianniPaganini consacre depuis plusieurs années à l’enracinement culturel de la pensée deHobbes. Ici, l’élément spécifique de l’analyse est la relation complexe entre laréflexion de Hobbes et la conception de l’homme propre à la tradition humaniste.

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Paganini identifie en Hobbes la coexistence de deux éléments: d’une part, un aspectantihumaniste, qui trouve son expression dans la critique hobbesienne de la formu-lation anthropocentrique de l’humanisme de la Renaissance, fondée sur l’image clas-sique de la dignitas hominis ; d’autre part, la proposition d’une forme nouvelle etdifférente d’humanisme, qu’on pourrait qualifier de technique et constructiviste, oùla spécificité de l’homme par rapport aux autres êtres vivants n’est plus un apanagenaturel et inné (tels que dans l’humanisme traditionnel), mais plutôt une dimensionacquise par un processus évolutif et intégratif. Selon l’auteur, la coexistence des deuxaspects au sein de la pensée hobbesienne est possible grâce aux niveaux très diffé-rents qu’ils impliquent: chez Hobbes, au niveau naturel l’homme n’a pas de positionprivilégiée par rapport aux autres êtres vivants, mais il retrouve sa propre spécificitéet son rôle de premier plan dans la dimension opérationnelle de la science et dans ladimension artificielle de la politique, c’est-à-dire précisément sur un plan technico-constructif.

Le premier aspect, à savoir la prise de distance hobbesienne vis-à-vis de la concep-tion humaniste traditionnelle, apparaît fortement dans les écrits sur la liberté et lanécessité, ainsi que dans les pages consacrées à la psychologie et à l’anthropologie.Comme l’a noté Paganini, il s’accomplit ici « une rapide démolition critique du para-digme humaniste » (p. 137) : le refus d’une volonté rationnelle séparée de l’appétitsensible, et plus généralement le refus des différences essentielles entre les bases psy-chologiques de l’homme et des animaux, comporte en effet le rejet de la spécificitéet de la supériorité de l’action humaine – pourtant le dénominateur commun de toutela grande tradition de l’humanisme classique (de la tradition aristotelico-scolastiqueà la tradition platonico-ficiniane, et à la tradition issue d’Érasme). Paganini localiseles racines du dépassement de l’anthropocentrisme humaniste séculaire opéré parHobbes dans la tradition sceptique, reprise et développée à l’époque moderne pardes penseurs qui eurent sur Hobbes une influence indirecte (Montaigne) ou directe(Gassendi). La continuité entre les humains et les animaux qu’exprime la pensé scep-tique – selon laquelle l’intelligence et la raison ne sont pas des prérogatives exclusi-ves de l’homme – implique la perte de la position privilégiée de l’homme sur lesautres êtres vivants, de sorte que, parallèlement aux positions de Hobbes, on remar-que une véritable « crise du paradigme humaniste de la Renaissance » (p. 145).

Paganini affirme aussi que Hobbes a en outre cherché à surmonter les résultatsles plus extrêmes de la réflexion sceptique, et que c’est pour cette raison qu’« avec ladémolition de l’humanisme traditionnel il s’est aussi engagé à bâtir un humanismenouveau et différent » (p. 140). Selon l’auteur, cette tentative de construire une nou-velle idée de l’homme (anti-sceptique) en jetant les bases d’un « nouvel humanisme »(p. 146), est fondée tout d’abord sur la reprise d’un aspect central de l’héritage huma-niste, à savoir la base introspective – exprimée par l’idée socratique du « connais-toitoi-même » – qui, dans l’introduction du Léviathan apparaît comme la méthode laplus appropriée pour fonder l’anthropologie et la politique. C’est proprement danscette perspective, c’est-à-dire sur des fondements empiriques, que Hobbes définit lacaractéristique qui fait la spécificité de la condition humaine, traçant ainsi une nou-velle forme de discontinuité entre les humains et les autres êtres vivants. Cet élémentparticulier est introduit par le rôle du langage en tant que prérogative spécifiquementhumaine pour l’accès à la raison et à la science. Ces deux perspectives sont acquises(construites) par un processus évolutif basé sur deux facteurs cardinaux: l’‘indus-

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trie’, à savoir l’exercice réglé et méthodique du langage, et la ‘curiosité’, à savoir, unepassion typiquement humaine qui mène à la recherche des effets futurs des causesprésentes (et donc à la recherche du ‘pouvoir’, ouvrant ainsi l’horizon du politique).C’est précisément ici, au carrefour entre langage, industrie, curiosité et pouvoir qu’ontrouve « le propre de l’homme selon le ‘philosophe anglais’ » (p. 153).

À cet égard, Paganini suggère aussi que Hobbes reprend certains aspects de latradition hermétique, dont les liens « très inattendus » (p. 153) avec la pensée hobbe-sienne n’ont fait que récemment l’objet de recherches. L’auteur montre commentMarsile Ficin, bien que dans un contexte métaphysique totalement étranger à Hobbesdéveloppe dans sa Theologia platonica des thèmes liés à la curiosité et à l’industrie,en identifiant dans l’art humain (et surtout dans la politique, le plus excellent de tousles arts selon Ficin) les éléments d’une assimilation entre l’homme et Dieu. De plus,cela semble présenter des similitudes importantes avec les pages du Léviathan quidécrivent l’art de l’homme comme une imitation de la nature (c’est-à-dire l’art deDieu) et l’État comme un ‘homme artificiel’ et un ‘dieu mortel’. Avec l’actualisationde cette thématique hermétique, le ‘nouvel humanisme’ hobbesien trouve son accom-plissement dans la dimension artificielle du politique, où « l’humanité se dépasse elle-même pour accéder à une dimension privilégiée, qu’on peut dire divine, même si elleest précaire, finie et mortelle comme toute construction humaine » (p. 157).

Andrea NAPOLI (trad. D. Lapenna)

6.2.30. PARRA QUINTERO (José Daniel), « Entre Carl Schmitt y Thomas Hobbes.Un estudio del liberalismo moderno a partir del pensamiento de Leo Strauss », Eidos,Revista de Filosofía de la Universidad del Norte, 12, 2010, p. 48-86.

6.2.31. PAVESI (Ermanno), « Thomas Hobbes, teorico dell’assolutismo », Culturae Identità, 2, n° 8, 2010, p. 54-63.

6.2.32. PEACOCK (Mark), « Obligation and Advantage in Hobbes’ Leviathan »,Canadian Journal of Philosophy, 40, n° 3, 2010, p. 433-458.

6.2.33. POLAT (Necati), « Peace as War », Alternatives: Global, Local, Political,35, n° 4, 2010, p. 317-345.

6.2.34. QUIRICO (Stefano), « Paura, terrore, ordine: note sul pensiero politico diThomas Hobbes », Il Pensiero Politico, 43, n° 2, 2010, p. 253-264.

L’article traite de l’analyse – dans la littérature critique récente – du thème de lapeur chez Hobbes. Il prend en particulier en compte les interprétations de Skinner,Ginzburg et Borrelli.

6.2.35. RUNCIMAN, (Walter G.), Great Books, Bad Arguments. Republic,Leviathan, and the Communist Manifesto, Princeton (NJ), Princeton UniversityPress, 2010, 138 p.

6.2.36. SAADA (Julie), Hobbes et le sujet du droit : contractualisme et consente-ment, Paris, CNRS éd., 2010, 250 p.

6.2.37. SREEDHAR (Susanne), Hobbes on Resistance. Defying the Leviathan,Cambridge, Cambridge University Press, 2010, 183 p.

Cet ouvrage se propose de donner une nouvelle interprétation de la notion dedroit à la résistance envers le pouvoir souverain de Hobbes. Susanne Sreedhar com-

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mence par une analyse de la définition du droit à l’autodéfense donnée par Hobbes.D’après cette définition, ce droit n’est que le reliquat du droit naturel que les sujetsgardent dans l’État. Contrairement aux interprétations selon lesquelles l’inaliénabi-lité de ce droit relève de l’impossibilité de sa limitation contractuelle ou de l’impos-sibilité psychologique d’assumer l’obligation de la non-résistance envers la mort, l’au-teur trouve que les sujets gardent ce droit en raison du caractère spécifique du contratsocial. En mettant en cause la thèse selon laquelle la mort chez Hobbes est décritecomme mal univoquement absolu, l’auteur considère que dans le cadre de sa sciencepolitique il est possible d’envisager des contrats renonçant au droit à l’autodéfense(par exemple, le contrat d’un soldat portant sur l’engagement militaire). Cependant,quand il s’agit du contrat social, ce droit ne peut pas faire l’objet de limitations. Lesrègles formelles conditionnant la validité du contrat s’y opposent. L’auteur les a for-mulées en s’appuyant sur le texte de Hobbes. Il s’agit du principe d’attente raison-nable selon lequel ne sont valides que des contrats permettant à chaque partiecontractuelle d’avoir des raisons raisonnables de croire que l’autre partie remplirases obligations contractuelles. Ensuite, le principe de fidélité selon lequel ne sontvalables que des contrats assurant un transfert de droit fidèle à la finalité du contrat.Et finalement, le principe de nécessité selon lequel les parties contractuelles ne trans-fèrent que des droits nécessaires à la réalisation du contrat. Or, étant donné que celaviolerait les trois principes susmentionnés, il n’est pas possible d’aliéner le droit àl’autodéfense par le contrat social. En appliquant ces principes au contrat social,Seedhar s’intéresse aussi aux vraies libertés des sujets qui, en tant que droits spéci-fiques à la résistance envers le souverain, sont issues, d’après Hobbes, du droit fon-damental à l’autodéfense.

Chez Hobbes, la théorie du droit à la résistance est l’expression directe de sesefforts pour fonder sa théorie de l’obligation politique sur l’intérêt personnel etéclairé des sujets. L’existence de cette théorie a cependant amené ses nombreux com-mentateurs, à commencer par Bramhall, à qualifier sa science politique d’échec caril semble qu’entre le droit à la résistance et l’idée d’un souverain absolu existe unetension insurmontable. Toutefois, Sreedhar démontre de manière convaincante quela théorie politique de Hobbes est imperméable aux remarques de ce genre car sathéorie du droit à la résistance est conçue de manière à rendre compatible la natureconditionnelle de l’obligation politique et la nature absolue du pouvoir souverain.L’obéissance limitée au souverain illimité est possible parce que le droit à la résis-tance au pouvoir souverain est réduit aux droits dont l’exercice ne met pas en pérille pouvoir du souverain et qu’il est impossible d’interdire aux sujets de manière effi-cace. De plus, l’auteur pense que l’on peut également parler d’un droit spécifiqueindividuel à la rébellion chez Hobbes. Il s’active seulement lorsque le souverain n’as-sure pas la sécurité de ses sujets. On peut alors conclure que dans la science politi-que de Hobbes le droit à la rébellion n’est possible que parce que son extension estconsidérablement limitée par l’interdiction explicite de la rébellion motivée par desconvictions politiques, éthiques ou religieuses. Finalement, cela veut dire que dansun État bien organisé dont le souverain gouverne conformément à son devoir prin-cipal qui est d’assurer la sécurité, la rébellion légitime des sujets est en effet inima-ginable.

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6.2.39. STAUFFER (Devin), « Strauss’s Discussion of Hobbes in What Is PoliticalPhilosophy? », Perspectives on Political Science, 39, n° 2, 2010, p. 87-91.

6.2.40. STILLMAN (Robert E.), « Mastering the Monster Text : Teaching Hobbes’sLeviathan », in Teaching Early Modern English Prose, Susannah Brietz Monta,Margaret W. Ferguson (éds.), New York, Modern Language Association of America,2010, p. 282-291.

6.2.41. TAYLOR (Quentin), « Thomas Hobbes, Political Economist: His ChangingHistorical Fortunes », The Independent Review, 14, n° 3, 2010, p. 415-433.

6.2.42. THIVET (Delphine), Une pensée hétérodoxe de la guerre. De Hobbes àClausewitz, Paris, PUF, 2010, 192 p.

6.2.43. TUOMO (Aho), « Hobbes and Religion », in Theology and Early ModernPhilosophy (1550-1750), Simo Knuuttila and Risto Saarinen (éds.), Helsinki,Academia Scientiarum Fennica, 2010, p. 155-168.

6.2.44. VANDERSCHRAAF (Peter), « The Invisible Foole », Philosophical Studies,147, n° 1, 2010, p. 37-58.

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Siècle, 62, n° 2, 2010, p. 223-233.

7. Réception et influence. Extrapolations

7.1. ALTINI (Carlo), « ‘Potentia’ As ‘Potestas’ : An Interpretation of ModernPolitics between Thomas Hobbes and Carl Schmitt », Philosophy and SocialCriticism, 36, n° 2, 2010, p. 231-252.

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7.3. CRINELLA (Galliano), Norberto Bobbio. Dall’umanesimo politico-giuridicoalla « Lettura » di Hobbes, Urbino, Argalìa, 2010, 130 p.

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7.5. GILLESPIE (Michael Allen), PERKINS (Lucas), « Political Anti-Theology »,Critical Review: An Interdisciplinary Journal of Politics and Society, 22, n° 1,2010, p. 65-84.

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7.6. KELLOGG (Frederic R.), « Hobbes, Holmes, and Dewey: Pragmatism and theProblem of Order », Contemporary Pragmatism, 7, n° 2, 2010, p. 1-14.

7.7. SPRINGBORG (Patricia), « Liberty Exposed: Quentin Skinner’s Hobbes andRepublican Liberty », British Journal for the History of Philosophy, 18, n° 1, 2010,p. 139-162.

7.8. VINX (Lars), « Constitutional Indifferentism and Republican Freedom »,Political Theory: An International Journal of Political Philosophy, 38, n° 6, 2010,p. 809-837.

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE POUR L’ANNÉE 2009

8.1. BERNARDO (Paola), « Questioni Testuali. Hobbes, Leibniz e il Nominalismo »,Studi filosofici : Annali dell’Istituto universitario Orientale, 31, 2008/2009, p. 79-97.

L’auteur analyse de façon systématique l’influence de Hobbes sur Leibniz, sui-vant l’évolution chronologique de la théorie nominaliste de Leibniz à partir de laDisputatio Metaphysica (1663) jusqu’aux Nouveaux Essais (1705).

8.2. BRITO VIEIRA (Monica), The Elements of Representation in Hobbes.Aesthetics, Theatre, Law and Theology in the Construction of Hobbes’s Theory ofState, Leiden, Brill, 2009, 286 p.

Le livre de Monica Brito Vieira représente une contribution importante à la dis-cussion contemporaine sur la conception hobbesienne de la notion de représenta-tion. L’approche particulière de Vieira consiste à aborder le problème de la représen-tation selon plusieurs perspectives différentes, en se démarquant de la perspectivejuridique qui a constitué jusqu’à présent l’essentiel des interprétations de la déter-mination hobbesienne de la représentation. L’argument principal de l’auteureconsiste à affirmer qu’une compréhension appropriée du rôle de la représentationdans la théorie de l’État de Hobbes n’est pas possible si l’on ne tient pas compte,outre son aspect juridique, des registres de signification esthétiques, théâtraux etthéologiques que Hobbes attribue à cette notion. Autrement dit, étant donné que lascience politique de Hobbes dans le Léviathan s’organise autour de la relation dereprésentation entre le souverain et les sujets, sa valorisation théorique restera incom-plète si l’on ne considère la nature de cette relation politique fondamentale qu’ex-clusivement du point de vue de la théorie juridique de l’autorisation.

Dans le premier chapitre du livre, consacré à la dimension esthétique de laconception de Hobbes de la représentation, Vieira démontre que l’essentiel est co-déterminé par l’ancienne conception de la représentation en tant qu’image descrip-tive, métaphorique ou symbolique. Étudiée dans une perspective esthétique, la repré-sentation se révèle être processus dynamique qui sous-tend l’interaction entre ceuxqui la créent et le public. En outre, Hobbes souligne la puissance de production dela représentation visuelle qui modifie de façon créative la réalité par le changementconstant de ce qu’elle représente. Qui plus est, la représentation visuelle est capablede construire son propre objet. En se référant au fait que la réalité n’est pas la pré-supposition nécessaire de sa propre représentation, mais que, bien au contraire, elle

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peut être le résultat de la représentation, Hobbes remet en question de façon cohé-rente la relation présupposée de la primauté de la réalité sur sa propre image.

Le deuxième chapitre traite de l’aspect théâtral de la représentation. Étant donnéque tout pouvoir est dépendant de sa propre visibilité, le pouvoir politique relève duthéâtre : l’obéissance envers l’État dépend du succès de la représentation de l’Étatcomme pouvoir irrésistible. L’autorité souveraine n’existe qu’à travers sa proprereprésentation, et elle est efficace lorsque le public lui-même est prêt à accepter l’en-tité fictive représentée par le souverain en tant qu’image collective du public àlaquelle il accepte de se soumettre. La soumission au jugement du public investit lareprésentation politique d’un élément puissant de contingence qui oblige le souve-rain à construire avec soin le masque qu’il porte. Son expression, projetée de nou-veau vers le public/sujets, peut former un public unifié/une unité politique, maisseulement dans la mesure où chaque membre réussit à se reconnaître en elle.

Afin de responsabiliser le public du théâtre politique vis-à-vis de ce qui se passesur la scène, Hobbes était obligé de recourir aux concepts juridiques. Vieira analysede manière très précise les éléments de la théorie de l’autorisation de Hobbes parlaquelle est établie la nature de la relation juridique entre le représentant et les repré-sentés. Grâce à sa théorie de l’autorisation, Hobbes indique la façon dont il est pos-sible de créer la fiction d’une personnalité juridique à partir de quelqu’un ou de quel-que chose qui, auparavant, ne disposant pas de sa propre volonté, ne possédait pasde personnalité juridique. La représentation, cependant, peut faire encore davantage:elle est capable de créer des personnes ex nihilo. L’État représente une personne quin’existe pas antérieurement à lui et indépendamment du processus de la représenta-tion. Puisque l’État, en tant que détenteur impersonnel de la souveraineté irréduc-tible à la personne du souverain ou à sa propriété, n’existe pas si les sujets ne sontpas prêts à établir et à maintenir la fiction de leur personnalité politique collective,leur autorisation du souverain ne peut consister en un acte unique isolé, mais doitêtre conçue comme acte permanent. Il est nécessaire que les sujets se conçoivent dansle rôle des auteurs de paroles et d’actions du représentant souverain pour que, parla suite, ils puissent agir conformément à ce rôle et ainsi, rendre l’État réel. Or, l’ac-ceptation de ce rôle dépend de leur perception de l’État en tant que réalité qui leurest extérieure, et les force de façon impérieuse à l’obéissance. Le pouvoir politiquepossède donc un caractère ambivalent: il s’agit d’un pouvoir s’exerçant sur ses sujetsqui est, en même temps, le pouvoir des sujets eux-mêmes. Cela signifie que l’inter-prétation que le souverain se fait de l’État est sujette à certaines restrictions qui pren-nent la forme d’injonctions destinées à sa conscience, et dont le respect dépend dela plausibilité de sa personnification de l’État et de la disposition des sujets à l’obéis-sance.

Dans le dernier chapitre du livre, Vieira traite dans un sens théologique de l’em-ploi que Hobbes fait du concept de représentation développé dans la sphère de lapolitique. Selon Vieira, Hobbes n’hésitait pas à faire face aux condamnations sévè-res suite à la reformulation excessivement désinvolte qu’il fit du dogme central chré-tien de la sainte Trinité, considérant qu’il n’était possible de l’accorder à l’idée dupouvoir souverain unifié qu’en la réinterprétant radicalement. L’interprétation hob-besienne de la Trinité a de graves conséquences politiques. L’image de Dieu n’estprésente qu’à travers le souverain en tant que son représentant exclusif. Ce sont lessouverains, et non pas l’Église, qui représentent les successeurs immédiats du rôle

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de Moïse, comme détenteur du pouvoir spirituel et laïque à l’époque du Royaumedivin de l’ancien Israël.

Brito Vieira démontre de manière convaincante que la conception hobbesiennede la représentation ne peut se réduire à l’interprétation de son aspect juridique. Unetelle approche simpliste débouche sur une compréhension déformée de la théorie del’État de Hobbes qui exagère l’importance du pouvoir du souverain en tant que figureisolée du détenteur du monopole politique. Dans son analyse de la notion de repré-sentation en tant que mécanisme de la production du pouvoir, Vieira fait valoir ladynamique forte qui relie le souverain, incarnation de l’État, aux sujets dont l’obéis-sance dépend de leur capacité à reconnaitre leur propre visage d’acteurs de l’unitépolitique dans le masque porté par le souverain. C’est pour cette raison, montreVieira, que le sens de la théorie hobbesienne de la représentation ne peut être plei-nement saisi que si la théorie juridique de l’autorisation est interprétée en tenantcompte de la compréhension que se faisait Hobbes d’autres aspects de la mêmenotion, à savoir, les aspects esthétique, théâtral et théologique.

Luka RIBAREVIC (trad. B. Lalovic)

8.3. GONNELLI (Filippo), « Status hominum naturalis est status belli omnium inomnes. Lo Hobbes di Kant in una nota de La religione entro i limiti della solaragione », La Cultura, 47, n° 3, 2009, p. 481-491.

8.4. MARINI (Sergio), Il tema della libertà in Cartesio e in Hobbes, Milano,EDUCatt, 2009, 95 p.

8.5. PERISSINOTTO (Luigi), « Sui miracoli e il miracoloso. Qualche considerazionetra Hobbes, Spinoza, Hume e Wittgenstein », Filosofia e Teologia, 23, n° 3, 2009,p. 589-605.

ERRATUM

Bulletin Hobbes XXIII : ce n’est pas sur l’article de Sergio EMILIO, « RagioneGeometrica e Corpo Politico nella Filosofia di Thomas Hobbes » [Il Contributo, 31,n° 3, 2009, p. 67-87] que porte le compte rendu publié aux pages 358-359, mais surSergio EMILIO, « Le ‘Ragioni’ del Materialismo », in L’Oblio del Corpo e del Mondonella Filosofia Contemporanea, Mario Alcaro (éd.), Milano-Udine, Mimesis, 2009,p. 147-190.

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