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Économie du climat
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MIEUX COMPRENDRE LA RECHERCHE EN FINANCE
Avec le concours de Christian de PerthuisPierre-André JouvetSuzanne ShawBoris SolierRaphaël TrotignonGuillaume BouculatJérémy ElbezeMaria Mansanet-Bataller
DE L’ILBCAHIERSL E S
MAI 2011
Numéro spécial
ÉCONOMIE DU CLIMAT
N°2
LES CAHIERS DE L’ILB - 2
Valorisation et diffusion de la recherche
� Prix de la recherche en Finance en partenariat avec l’Institut
Europlace de Finance (EIF).
� “Les Cahiers de l’ILB” font découvrir quelques uns des travaux
de recherche des chaires. Les chercheurs y présentent leurs
résultats dans un langage accessible à un large public. Faire
partager les enjeux de la recherche à tous ceux qui s’intéressent
à la finance, tel est l’objectif des Cahiers de l’ILB.
� Portail “Recherche en Finance” en partenariat avec l’AGEFI :
celui-ci a pour vocation de diffuser et de vulgariser les travaux
de chercheurs sous forme d’une interview de présentation et
d’explication (http://www.agefi.fr/dossiers/recherche-finance.
aspx).
� Partenariats presse : L’Institut Louis Bachelier fournit régu-
lièrement des articles au comité de rédaction de revues telles
que Revue Banque, Revue Risques et Bank Market Investors
(BMI).
� Réseau communautaire en ligne de chercheurs pour l’industrie financière
Création d’équipes scientifiquesd’excellence
� Coopération avec des universités et centres de rechercheeuropéens, américains et asiatiques positionnant l’ILB
comme un carrefour international pour la recherche en banque,
finance et assurance.
� Contribution et soutien à l’émergence de programmesde recherche en lien direct avec l’industrie financière : 25 chaires et initiatives de recherche ont été créées sous l’égide
de l’Institut Europlace de Finance (EIF) et de la Fondation du
Risque (FDR) depuis 2007.
� Montage de projets de recherche multidisciplinaire : L'ILB
mutualise son expertise en matière de partenariats publics/
privés au service des chaires et initiatives de recherche afin de
faciliter la gestion des projets de recherche.
Espace de réflexion et de débats à l’échelleeuropéenne
� Le Forum International des Risques Financiers : cette
manifestation a pour objectif de présenter, chaque année, les
meilleurs travaux de recherche internationaux et de dialoguer,
par le biais de débats et de tables rondes, sur les préoccupations
des acteurs financiers.
� Les Semestres Thématiques : organisés sous forme de
conférences, de séminaires et de cours, les semestres théma-
tiques visent à favoriser les échanges entre académiques et
professionnels sur une problématique commune.
� Les Ateliers Thématiques : répondent à la volonté de confronter
les chaires de recherche à un questionnement de la profession.
� Le Job Market Européen de la recherche en finance :cette manifestation annuelle vise à mettre en relation les jeunes
chercheurs doctorants, post-doctorants français et internationaux
avec les universités et les professionnels français et européens.
Promouvoir, partager et éclairer sur les enjeuxde la recherche française en banque, finance et assurance
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Politique climatiqueDE KYOTO À COPENHAGUE : COMPRENDRE LA NÉGOCIATION CLIMATIQUE INTERNATIONALEentretien avec Christian de Perthuis
Changement climatiqueHARMONISER ET ÉTENDRE LES INSTRUMENTS EXISTANTSentretien avec Suzanne Shaw
Facturer le carboneUNE SOLUTION AU FINANCEMENT DE LA CROISSANCEVERTEentretien avec Boris Solier
Taxe carboneTIRER PARTI DES EXPÉRIENCES EXISTANTES POURMIEUX LUTTER CONTRE LA POLLUTIONentretien avec Jérémy Elbeze
Marché du carbone européenQUELLE UTILISATION DES CRÉDITS CARBONE ?entretien avec Raphaël Trotignon
Permis de pollution négociablesDES SOLUTIONS POUR UNE DISTRIBUTION ÉQUITABLEentretien avec Pierre-André Jouvet
Marché européen du carboneUN MODÈLE POUR MIEUX COMPRENDRE SES TENANTS ET SES ABOUTISSANTSentretien avec Suzanne Shaw
Quota européen et crédit KyotoDES DIFFÉRENCES DE PRIX QUI PEUVENT RAPPORTER GROSentretien avec Maria Mansanet-Bataller
Investissements forestiersPOUR UNE MEILLEURE APPRÉHENSIONDES RISQUES LIÉS AU CARBONEentretien avec Guillaume Bouculat
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LES CAHIERS DE L’ILB - 3
éditoUne chaire économie du climat, pourquoi faire ?
En 1798, preuve que les économistes s’intéressaient déjà auxproblématiques environnementales, Malthus soulignait les limitesque l’activité humaine peut faire peser sur l’environnement. Deuxsiècles plus tard, la conférence de Kyoto faisait prendre consciencede l’importance et des dangers du changement climatique pourl’ensemble de la planète. Si, au départ, la régulation environne-mentale se base sur des principes de taxation, notamment avecPigou, les travaux fondateurs de Coase repris par Crockers et Dalesont posé les fondements théoriques d’une régulation par l’introductiond’une finance environnementale. Il a fallu pratiquement quarante ansavant que ne se déploient, à partir de 2005, les deux grandesbranches de la finance carbone : le marché européen des quotas deCO2 et celui des mécanismes de projets issus du protocole deKyoto.
Le développement de ces instruments a abouti en quelques annéesà la constitution d’un marché du carbone dépassant en taille et ensophistication toutes les expérimentations préalablement conduites.Comprendre le fonctionnement de ce marché, ses impacts surl’économie et les émissions de gaz à effet de serre, constitue lepremier objectif de notre chaire. Pour y parvenir, ses chercheurs sont attentifs à collecter le maximum d’informations disponibles età les interpréter en développant notamment le modèle de simulation ZEPHYR.
La question des conditions de l’extension, au-delà du marché euro-péen, et de la généralisation de la tarification du carbone, mobiliseégalement notre énergie. Nous la traiterons d’autant mieux sous l’anglegéographique que s’étoffera le réseau de chercheurs et d’universitésétrangères avec lequel la chaire Economie du Climat est déjà enrelation. Elle fera également l’objet d’approfondissements sectorielsavec le lancement de deux nouvelles initiatives en 2011, l’une surl’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’autre sur la mobilité dans unesociété bas carbone.
Cette recherche appliquée a l’ambition de participer tout autant audébat académique qu’aux mises en œuvre des préconisations. Lemoyen de cette ambition passe par une articulation étroite entre une recherche académique et des pratiques s’enrichissant des observations de terrain. Les allers-retours permanents entre analysesthéoriques et analyses pratiques visent à faciliter une meilleure compréhension des enjeux de l’action face au changement climatiquepar les décideurs.
Ceci exige un effort d’ouverture et d’écoute sur le monde extérieurde la part de l’ensemble de nos chercheurs. En ouvrant ses colonnesà notre équipe, les Cahiers de l’ILB contribuent à cette exigence decommunication externe. Qu’elle en soit, ainsi que son responsablede communication, Cyril Armange, chaleureusement remerciée.
Christian de Perthuis et Pierre-André JouvetDirecteurs scientifiques de la Chaire Economie du Climat
Publicationde l'Institut Louis BachelierPalais Brongniart28 place de la Bourse75002 ParisTél. : 01 49 27 56 40www.institutlouisbachelier.orgwww.e-fern.org
DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONJean-Michel Beacco
CHEF DE PROJETSCyril Armange
RÉDACTEUR EN CHEFMedhi Ramdani
CONTRIBUTEURSChaire Economie du Climat
CONCEPTION GRAPHIQUEVega Conseil45 rue Garibaldi 94100 Saint MaurTél. : 01 48 85 92 01
COUVERTURECaléis62 avenue de l’Europe78140 VélizyTél. : 01 39 46 16 71
RÉALISATIONBusiness Digest19 rue Martel 75010 ParisTél. : 01 56 03 55 91
IMPRIMEURIRO : Z.I. rue Pasteur 17185 Périgny cedexTél. : 05 46 30 29 29
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BIOGRAPHIE
Christian de Perthuis
Docteur d'Etat en sciences
économiques, Christian de Perthuis
est professeur d’économie à l’université
Paris-Dauphine et président du conseil
scientifique de la Chaire Economie
du Climat. Ses recherches portent
notamment sur le fonctionnement
des marchés du carbone et sur leur lien
avec les politiques de réduction et
d’adaptation au changement climatique.
Son dernier ouvrage “Pour quelques
degrés de plus” a été publié en avril
2011 par Cambridge University Press.
L’enjeu de la conférence de Copenhague
sur les climats, qui s’est déroulée en
décembre 2009, était de négocier un
accord international prolongeant au-delà
de 2012 les règles introduites par le
protocole de Kyoto. Beaucoup attendaient
de ce sommet qu’il élargisse le méca-
nisme collaboratif existant et fixe, pour
la période allant de 2013 à 2020, de
nouvelles règles régissant le système
coordonné de plafonnement des émis-
sions de gaz à effet de serre (GES) auquel
étaient soumis les pays industrialisés
jusque-là. Mais voilà : l’accord signé à
Copenhague s’est fortement écarté de
la logique des accords climatiques
existants. Il ne prolonge pas le protocole
de Kyoto et il n'est pas juridiquement
contraignant. D’après les auteurs, il
“affirme simultanément le principe de
transferts financiers pour faciliter la mise
en place de politiques climatiques dans
les pays en développement sans en
préciser les modalités”.
Politique climatiqueDE KYOTO À COPENHAGUE : COMPRENDRE LA NÉGOCIATION CLIMATIQUE INTERNATIONALE
LES CAHIERS DE L’ILB - 4
A RETENIR
� L’accord conclu au sommet de Copenhague marque une rupture avecla logique du système mis en place depuis Kyoto. La conférence deCancún en a repris les dispositions.
� Il existe beaucoup d’incertitudes sur les engagements des pays industrialisés, à commencer par ceux des Etats-Unis.
� Sous l’impulsion des pays émergents, l’accord élargit considérable-ment la part des émissions de GES faisant l’objet d’un engagementde réduction déposé aux Nations Unies.
� Après Copenhague et Cancún, il reste beaucoup de travail à effectuerlors des prochaines étapes de la négociation climatique pour introduireun véritable jeu coopératif, seul garant d’une réelle réduction desémissions au niveau mondial.
Alors que beaucoup espéraient du sommet de Copenhague un élargis-sement du dispositif mis en place à Kyoto, l’accord qui y a été signérompt avec sa logique. D’après l’étude menée par Christian de Perthuiset ses coauteurs, cet accord introduit des ruptures dans la négociationclimatique internationale qu’il faut intégrer pour comprendre les nouvellesétapes et notamment la conférence de Cancún, tenue en décembre 2010.
Partenaires de la chaire
D’après un entretien avec Christian de Perthuis et son article “Cancún :L’an un de l’après-Copenhague” (Cahiers de la Chaire Economie duClimat, série “Information et débats” n°8, octobre 2010(1)), coécrit avecHenri Casella(2) et Anaïs Delbosc(3).
(1) Etude également diffusée par CDC-Climat recherche : Etude Climat n°24 d’octobre 2010
(2) Chercheur à la Chaire Economie du Climat
(3) Chef de projet à CDC Climat Recherche
R e c o m m a n d a t i o n spour les les Etats et les
acteurs économiques
� Cette étude montre la voie à suivre poursurmonter les limites de Copenhague etrebondir sur l’accord conclu, afin de mettreen place les instruments permettant deréduire les émissions de GES au niveaumondial avec une meilleure efficacitééconomique.
� Cette recherche établit un lien entre le jeudiplomatique international et les instrumentséconomiques qui se mettent en place sur leterrain : marchés de permis d’émission, taxescarbone, mécanismes de projets. Elle permetaux acteurs de mieux anticiper les conditionsdans lesquelles ils pourront opérer, demain,sur les différents marchés du carbone.
LES CAHIERS DE L’ILB - 5
M E T H O D O L O G I E
Cet accord introduit en outre un système
flou d’engagements à géométrie variable
qui n'est pas assorti de dates-butoirs ni
d'objectifs quantitatifs, si ce n’est celui
de stabiliser la hausse de températures
à 2 degrés par rapport à l'ère préindus-
trielle qui, s’il constitue une avancée,
n’est atteignable qu’au prix d’efforts de
réduction des émissions de GES consi-
dérables, pour ne pas dire irréalistes
actuellement…
Chacun fait sa popote climatique
“Copenhague constitue un point de
rupture dans les négociations climatiques
internationales, explique Christian de
Perthuis. On passe d’une organisation
où les pays prennent des engagements
au sein d’un système régulé, à une autre
dans laquelle chaque pays conserve sa
souveraineté et construit ses propres
instruments économiques pour atteindre
les objectifs qu’il s’est fixés”.
D’après lui et ses coauteurs, c’est le
décalage entre attentes et réalisation qui
explique la perplexité qui a prévalu au
lendemain du sommet. “On a beaucoup
parlé des résultats de Copenhague,
adoptant souvent une vision négative,
voire catastrophiste, poursuit Christian
de Perthuis. Personne ne s’est intéressé
sérieusement aux engagements des
pays émergents. Nous avons voulu les
mesurer pour pouvoir dire comment les
décisions prises vont se traduire dans la
vie réelle”.
Bien sûr, Christian de Perthuis est le
premier à reconnaître que l’accord de
Copenhague a mis au jour de réels motifs
de déception, notamment un qu’il qualifie
d’énorme : “Quand on creuse, on se rend
compte que les engagements américains
sont totalement subordonnés au soutien
du Congrès. Ce n’est pas très différent
de ce qui s’était passé à Kyoto, où ils
s’étaient engagés mais n’avaient pas
reçu le soutien du congrès”. Plus géné-
ralement, il estime que “contrairement à
ce que l’on imagine souvent, il subsiste
beaucoup d’incertitudes sur les engage-
ments des pays industrialisés. On a
l’impression que les choses sont claires
pour ces pays. En fait, elles ne le sont
pas tant que ça”.
La bonne cuisine des chefs asiatiques
Il n’en reste pas moins que l’accord de
Copenhague a le mérite d’avoir remis au
cœur de la négociation climatique les
grands pays émergents. “Ni échec
absolu, ni avancée historique, la confé-
rence de Copenhague a vu un déplace-
ment du centre de gravité de la
négociation qui reflète le changement
des rapports de force dans le monde”,
estiment les auteurs.
“D’aucuns critiquent sans voir quelque
chose de tout à fait nouveau : depuis
Copenhague, les grands pays émergents
ont accepté de discuter de la réduction
de leurs propres émissions et ont pris
des engagements en la matière, souligne
Christian de Perthuis. C’est fondamental
parce que la totalité de la croissance des
émissions de GES dans le monde vient
désormais des pays émergents et en
développement”. Si bien qu’à la suite de
l’accord de Copenhague, les engage-
ments couvrent 80% des émissions
mondiales contre à peine plus du quart
dans le cadre du protocole de Kyoto
(60% étaient intialement visés) !
A l’immobilisme américain, il semble
vouloir opposer les efforts consentis par
le Japon, la Corée et même la Chine. “On
se trompe quand on réduit la politique
énergétique chinoise aux centrales à
charbon : la Chine réoriente rapidement
sa stratégie interne. Elle investit massi-
vement dans les filières industrielles
d’énergie bas carbone (photovoltaïque,
éolien, nucléaire) et expérimente dans la
cadre du XXI° plan quinquennal deux
systèmes d’échange de permis d’émis-
sion de CO2”.
Et maintenant ?
“En l’absence d’un système unifié d’en-
registrement et de contrôle, la portée
exacte de ces engagements est incer-
taine mais reste, dans les meilleures
hypothèses, en deçà des préconisations
du Groupement Intergouvernemental des
Experts sur le Climat (GIEC)”, résument les
auteurs, qui détaillent les efforts à mettre
en œuvre pour introduire un véritable jeu
coopératif lors des prochaines étapes
de la négociation : renforcer le système
existant des Nations Unies en matière
de mesures et vérifications, étendre les
instruments existants de tarification du
carbone et rendre possible le dégagement
de ressources additionnelles dirigées
vers les pays en développement. La
conférence de Cancún n’a apporté que
des progrès limités en la matière. “Il reste
beaucoup de travail car il s’agit de
remettre à plat une grande partie de la
gouvernance des accords climatiques
internationaux”, concluent-ils...
Ni échec absolu, ni avancée historique.“
”
Pour al ler plus loin
� Christian de Perthuis et Anaïs Delbosc “LeChangement climatique”, Le CavalierBleu Collection Idées Reçues
� Christian de Perthuis “Et pour quelquesdegrés de plus… Nos choix économiquesface au risque climatique”, Pearson.Grand prix du livre des dirigeants 2009.Deuxième édition en anglais “EconomicChoices in a Warming World”, CambridgeUniversity Press
Cet article évalue l’accord de Copenhagueen analysant notamment les communica-tions qui ont été transmises de janvier àjuin 2010 par les différents pays signatairesau secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changementsclimatiques.
Il montre combien Copenhague constitueun déplacement du centre de gravité dansla négociation climatique internationale,avant de proposer une analyse du systèmed’engagements “à géométrie variable”introduit par l’accord puis de s’interrogersur les conditions requises pour sortir deCopenhague par le haut.
BIOGRAPHIE
Suzanne Shaw
Suzanne Shaw est actuellement chef
de projet à la Chaire Economie du
Climat et doctorante à l'université Paris-
Dauphine. Originaire de la Jamaïque,
elle est titulaire d’un Master 2 spécialité
Economie du Développement Durable,
de l'Energie et de l'Environnement de
l’Ecole Polytechnique, et d’un Master
mention développement durable de
l’université d’Edimbourg. Suzanne
Shaw a également été responsable
scientifique à la Commission
Européenne (Institut de l'Energie
du Centre Commun de Recherche)
et a travaillé sur différents projets
dans le secteur énergétique en tant
qu’ingénieur ou consultante. Ses
recherches à la Chaire portent sur la
formation et la modélisation du prix
du CO2 sur le marché européen des
quotas.
L’article de Suzanne Shaw, Christian de
Perthuis et Stephen Lecourt présente les
deux types d’instruments principaux -
réglementaire et économique – utilisés
dans le cadre des politiques environne-
mentales notamment dans la lutte
contre le changement climatique. Le
premier est le plus couramment utilisé au
niveau de l’Etat, notamment sous forme
de normes fixant des limites d’émissions
de produits polluants par unité produite
ou consommée. Même si d’après les
auteurs la régulation par les normes
est efficace sous l’angle écologique si
elle est utilisée de façon habile par les
pouvoirs publics, elle n’est pas adaptée à
toutes problématiques environnementales.
En effet, le régulateur ne connaissant
que très imparfaitement la distribution
des coûts de mise en conformité au sein
des entités régulées, l’imposition d’une
norme peut engendrer un coût global
élevé. “C’est pourquoi les économistes
préconisent depuis longtemps la mise
en place d’outils économiques, qui per-
mettent d’atteindre les mêmes résultats
environnementaux à moindre coût”,
écrivent-ils. Cette catégorie d’instruments
comprend les taxes et les systèmes
de permis d’émission de gaz à effet de
serre (GES) échangeables, et se carac-
térise par la tarification de la nuisance
environnementale afin de l’internaliser
dans le calcul économique du pollueur.
Changement climatiqueHARMONISER ET ÉTENDRE LES INSTRUMENTS EXISTANTS
D’après un entretien avec Suzanne Shaw et son article “Quel(s) type(s)d'instruments employer pour lutter contre le changement climatique ?” (Vie et Sciences Economiques n°183-184, Juin 2010(1) ), coécrit avecChristian de Perthuis(2) et Stephen Lecourt(3).
LES CAHIERS DE L’ILB - 6
A RETENIR
� Les principaux instruments utilisés dans les politiques environnementalessont utiles et peuvent être complémentaires. Aucun n’est applicableà toutes les situations.
� Pour une politique climatique plus efficace et efficiente, rendue nécessairepar les objectifs de réduction des émissions de GES inscrits dans l’accord de Copenhague, ces instruments doivent être harmonisés etétendus à un plus grand nombre d’acteurs.
Une étude approfondie des principaux instruments utilisés dans lespolitiques environnementales révèle que s’ils sont tous utiles et peuvents’avérer complémentaires, ils doivent néanmoins être améliorés etharmonisés pour mieux lutter contre le changement climatique.
(1) Etude également diffusée par la chaire Finance & Développement Durable de l’université Paris-Dauphine :
Cahiers du PREC n°5 de juin 2010
(2) Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et Président du conseil scientifique de la Chaire
Economie du Climat
(3) Chercheur à la Chaire Economie du Climat et à IHS-CERA. Doctorant en sciences économiques à l'université
Paris-Dauphine
Partenaires de la chaire
Pour al ler plus loin
� Mission Climat de la Caisse des Dépôts etMEEDDM (2010), Repères Chiffres Clés duclimat : France et Monde
� Vallée A. (2002), Economie de l’environne-ment, Seuil, coll. Points
� De Perthuis C. (2009), Et pour quelquesdegrés de plus... Nos choix économiquesface au risque climatique, Pearson Education
� De Perthuis C., Delbosc A. (2009), Le Chan-gement climatique, Le Cavalier Bleu, coll.Idées Reçues
LES CAHIERS DE L’ILB - 7
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n spour les pouvoirs publics
� Cet article présente l’intérêt des différentsinstruments utilisés dans les politiques envi-ronnementales, et montre leur complémentaritédans certains cas de figure. Il doit donc inciterles gouvernements des différents pays à nenégliger aucune piste pour atteindre lesobjectifs de réduction des émissions de GESfixés.
� Les auteurs montrent la voie à suivre (exten-sion et harmonisation des instruments) auniveau global pour réduire les émissions deGES et ainsi lutter contre le changementclimatique, et les pouvoirs publics devraientdonc s’en inspirer pour les prochaines étapesde la négociation climatique.
Pas d’instrument idéal ou de solution universelle
“Nous présentons le contexte et la théorie
sous-jacente, la façon dont les instru-
ments sont utilisés, et nous expliquons
pourquoi certains le sont dans des cas
particuliers, explique Suzanne Shaw. Par
exemple, on a plus recours aux normes
au niveau national ou pour un nombre
d’installations limité dans un secteur où
des technologies de substitution sont
déjà développées. Les permis échan-
geables sont utilisés dans d’autres cas,
au niveau international où le nombre
d’acteurs est très élevé et les issues
possibles très variées, et où le coût de
réduction des émissions peut potentiel-
lement être beaucoup plus élevé si l’on
utilise des normes”.
En ce faisant, les auteurs ont montré que
ces différents instruments ont tous un
intérêt et peuvent même être utilisés
conjointement, en particulier pour lutter
contre le changement climatique. “Nous
voulions rectifier l’idée fausse selon
laquelle il existe un instrument idéal, car
souvent les gens sont favorables à l’un
plutôt qu’à l’autre, poursuit Suzanne Shaw.
Par exemple, certains peuvent favoriser
la norme sur la base qu’en théorie elle
remplit toujours son objectif environne-
mental alors qu’en réalité, ce n’est pas
le cas. Si la norme est trop sévère, l’ob-
jectif ne sera pas atteint, ou alors à
grands frais. Or, l’efficacité est une com-
posante déterminante dans l’atteinte de
cet objectif. Il en est de même pour les
marchés de permis d’émission comparés
aux taxes : les marchés de permis sont
mieux acceptés au niveau international
mais leur choix d’utilisation n’est pas
exclusif. En effet, on peut y adjoindre des
taxes afin de renforcer l’efficacité globale.
Ils représentent tous deux des solutions
légitimes”.
Des outils complémentaires à adapter à la situation
Si on prend l’exemple de la Suède, qui
en plus de participer au marché euro-
péen d’échange de quotas, a adopté
une taxe carbone : “Nous ne conseillons
pas à tous les pays d’en faire de même.
Nous les invitons plutôt à réfléchir à des
mesures qui seraient complémentaires
en fonction de l’objectif qu’ils se sont fixé”.
Suzanne Shaw insiste sur le fait qu’il
n’existe aucune recette applicable à tous
les cas de figure : “les caractéristiques
de chaque situation doivent être prises
en compte pour choisir les instruments
les plus appropriés. Nous donnons des
exemples de succès en la matière et nous
en expliquons les raisons, ajoute-t-elle.
Dans le cas des permis et des taxes, les
gens ont tendance à penser qu’il faut
nécessairement utiliser l’un ou l’autre.
Mais les deux peuvent servir de manière
complémentaire, voire se renforcer
mutuellement. Dans certains secteurs
économiques comme les transports ou
les ménages, qui ne sont pas nécessai-
rement adaptés aux seuls marchés de
permis, les taxes sont complémentaires”.
Des perspectives d’extension et d’harmonisation
D’après les auteurs, les mécanismes de
projet du protocole de Kyoto améliorent
l’efficacité globale des marchés de per-
mis mais doivent être améliorés pour
permettre à de plus nombreux acteurs
de participer à la réduction des émissions
de GES. Compte tenu des objectifs en
la matière inscrits dans l’accord de
Copenhague, ils jugent en outre indis-
pensable de trouver une articulation
adéquate entre les différents instruments
pour mieux lutter contre le changement
climatique. “L’enjeu est donc de créer un
consensus, entre les nations, sur la
mobilisation des instruments économiques
et de régulation permettant de relier les
différents systèmes nationaux et régionaux
qui seront mis en place et ainsi d’atteindre
l’ensemble des objectifs dans un souci
d’efficacité et d’équité”, concluent-ils.
Nous donnons desexemples de succès en la matière et nous en expliquons les raisons.
“”
Cet article décrit la théorie et l’applicationpratique des principaux instruments utilisésdans les politiques environnementales,dans celles de lutte contre le changementclimatique en particulier. Les auteursprésentent le contexte et les problématiquesen jeu dans le choix des instruments àdifférents niveaux (régional, national,international) et analysent les perspectivespour une harmonisation de ces instrumentset leur extension à un plus grand nombred’acteurs, en vue d’atteindre une politiqueclimatique plus efficace et efficiente.
BIOGRAPHIE
Boris Solier
Boris Solier est diplômé des
universités de Montpellier I et de
Paris-Dauphine. Il est chercheur
à la Chaire Economie du Climat et
doctorant en sciences économiques
au Centre de Géopolitique de l’Energie
et des Matières Premières (CGEMP).
Ses travaux portent notamment sur
l’organisation des marchés de l’énergie
et leur interaction avec les mécanismes
de tarification des émissions de gaz
à effet de serre. Il est l’auteur avec
Raphaël Trotignon du livre “Comprendre
les enjeux énergétiques”, paru en
septembre 2010 aux éditions Pearson.
Dans une économie de marché, les coûts
et risques provoqués par les rejets de CO2
dans l’atmosphère ne sont pas correcte-
ment pris en compte par le système de
prix. Les auteurs considèrent que l’inter-
vention des pouvoirs publics est justifiée
pour rétablir cette “défaillance du marché”.
Pour éviter de pénaliser la croissance, les
pouvoirs de régulation ont intégré les coûts
environnementaux dans les prix sous
forme de taxes ou de quotas d’émissions.
Il en existe au niveau mondial, hérité du
protocole de Kyoto, au niveau européen,
sous la forme d’un système de quotas, et
il s’en développe au niveau national.
La création d’une rente carbone
En instaurant des contraintes sur les
émissions de CO2, les pouvoirs publics
donnent une valeur, un prix au carbone
(directement dans le cadre d’une taxe,
indirectement dans le cadre d’un mar-
ché en fixant une contrainte sur les
quantités émises). Cette rente carbone
“se compose de 2 parties ; la rente de
rareté et la rente différentielle” nous dit
Boris Solier. La rente de rareté repré-
sente le volume d’émissions autorisé par
la politique en vigueur, que multiplie le
prix du carbone. Même dans le cas où
les quotas d’émissions sont distribués
Facturer le carbone UNE SOLUTION AU FINANCEMENT DE LA CROISSANCE VERTE
D’après un entretien avec Boris Solier et son article “Le carbone : catalyseur d’une nouvelle croissance” (Conseil Economique pour le Développement Durable, Ministère de l’écologie, du développementdurable, des transports et du logement) coécrit avec Christian de Perthuis(1).
LES CAHIERS DE L’ILB - 8
A RETENIR
� La politique de réduction va devenir de plus en plus contraignante àl’avenir et étendre son périmètre à de nouveaux secteurs (transportaérien) et de nouveaux gaz.
� Les entreprises doivent se préparer à une généralisation de la vente auxenchères des quotas en Europe. Celle-ci permettra de financer les futurespolitiques de réduction d’émission engagées par les pouvoirs publics.
Pour une entreprise, il n’existe aucun intérêt économique à s’engagerspontanément sur le chemin de la croissance verte. Les pouvoirspublics ont le moyen d’intervenir de sorte à créer cet intérêt. Boris Solieret Christian de Perthuis montrent par exemple que la création d’un marchépour les émissions de carbone peut être une double source de financementpour la croissance verte. En amont, en incitant les entreprises à innoverpour émettre moins de CO2, et en aval en utilisant les fonds pour financerdes politiques de réduction des émissions de carbone.
(1) Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et Président du conseil scientifique de la Chaire
Economie du Climat
Partenaires de la chaire
LES CAHIERS DE L’ILB - 9
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n spour les professionnels
de l ’épargne
� Les mécanismes de tarification du carboneont le pouvoir de financer de manière pérennela croissance verte, à condition de bien exploiter tout le potentiel qu’ils représentent(ventes aux enchères des quotas, extensionaux secteurs à émissions diffuses,…).
� L’existence d’un prix pour le carbone inciteau progrès technique et contribue fortementà l’apparition de nouvelles technologies à la fois sobres en carbone et source de croissance.
gratuitement, cela représente un coût
d’opportunité pour les entreprises qui
utilisent ces droits pour leur conformité
au lieu de les revendre sur le marché.
Les particuliers sont concernés par ces
coûts puisqu’en l’absence de concur-
rence internationale, le producteur les
répercute à ses prix de vente. Dans le
cas d’une taxe, l’impact est encore plus
visible puisque celle-ci est directement
appliquée au produit. Le consommateur
la supporte donc lors de son achat.
La rente différentielle, quant à elle, se
matérialise par la recherche de l’efficacité
en termes d’émission de carbone, dans
la mesure où la réduction des émissions
permet aux entreprises de dégager un
excédent de quotas pouvant ensuite
être valorisé sur le marché. Mais la rente
carbone permet également de financer
des réductions d’émission en dehors
de l’Europe. En effet, Boris Solier donne
l’exemple du “mécanisme pour un
développement propre”, un système
lié au protocole de Kyoto qui permet
aux entreprises des pays industrialisés
d’investir dans des projets de réduction
des émissions dans les pays en dévelop-
pement afin de respecter leur objectif
dans ce domaine.
Une généralisation de la vente des quotas en Europe
Les deux premières phases du marché
européen d’échange des quotas d’émis-
sions ont révélé, selon Boris Solier, une
large sous-utilisation de la possibilité
pour les Etats de vendre les quotas sous
la forme d’enchères. En effet, l’auteur
soutient qu’au départ, les Etats ont
privilégié l’acceptation du système par
les industriels et n’ont pas souhaité leur
imposer de contrainte financière trop
forte. En France, le recours aux enchères
a été particulièrement faible en compa-
raison à des pays comme l’Allemagne. Il
note d’ailleurs qu’un tel comportement
des Etats est paradoxal compte tenu
des déficits publics abyssaux creusés
par les politiques de relance. Selon Boris
Solier, qui cite l’exemple de la France, “si
la totalité des quotas était vendue aux
enchères, l’Etat récupérerait la valeur de
la rente carbone” ; ce qui permettrait de
financer des projets d’envergure pour
soutenir la croissance verte dans les
pays de l’UE comme dans les pays en
développement.
La possibilité pour les pouvoirspublics d’aller plus loin
A compter de 2013, le programme
européen de réduction des émissions
prévoit la mise aux enchères de tous les
quotas de CO2 pour le secteur électrique
et de 20% des quotas pour les autres
secteurs non soumis à la concurrence
internationale. L’aérien est le prochain
gros secteur à entrer dans le champ
d’application du marché européen. Boris
Solier soutient que la contribution du prix
du carbone à la croissance verte pourrait
passer à la vitesse supérieure dès
aujourd’hui si, d’une part, les pouvoirs
publics utilisaient au maximum la possi-
bilité de vendre les quotas aux enchères
et réinvestissaient une partie significative
des revenus pour financer des projets
verts, et d’autre part, si le prix du carbone
s’étendait aux secteurs des émissions
diffuses via la mise en place de taxes
carbone. Autre point très important et
peu connu du système européen de
quotas d’émissions de CO2 : un particu-
lier ou une ONG a la possibilité d’acqué-
rir des quotas (qu’ils n’utiliseront pas)
pour diminuer d’autant le plafonnement
des émissions. Comme Boris Solier le sou-
ligne, “c’est une manière de donner une
valeur à la protection de l’environnement.”
En instaurant des contraintes sur les émissions de CO2, les pouvoirs publicsdonnent une valeur, un prix au carbone.
“
”
Les auteurs se sont basés sur plusieurssources de données pour calculer leursestimations, notamment sur le livre co-écrit par C. de Perthuis pour le calculdes réductions des émissions de CO2dans le cadre du marché européen desquotas et du mécanisme de projets domestiques. Ils ont également utilisé des données publiques provenant de laCommission Européenne, du Ministère de l’Ecologie ou de l’INSEE. Ils ont ainsi pu déduire le manque à gagner pour lesfinances publiques du fait du faible recours aux enchères de quotas, ainsi queles ressources potentielles liées à l’instau-ration d’une taxe carbone en France.
Pour al ler plus loin
� De Perthuis, C., 2009, “Le débat sur la taxecarbone : les économistes au chevet du climat”, Futuribles, No. 356
� De Perthuis, C., 2010, Et pour quelques degrés de plus… Changement climatique :incertitudes et choix économiques, 2° édition, Pearson
� Delbosc A. et De Perthuis, C., 2009, “Lesmarchés du carbone expliqués”, Caring forclimate Series, Pacte mondial de l’Organi-sation des Nations-Unies
� Leguet, B., 2009, “Cote à la hausse pourles projets domestiques”, ClimatsphèreNo. 15, CDC Climat Recherche
� Solier, B. et Trotignon, R., 2010, “Comprendreles enjeux énergétiques”, Coll. Comme unexpert, Pearson
BIOGRAPHIE
Jérémy Elbeze
Diplômé de l’ENS Cachan (économie
et gestion) et agrégé d’économie,
Jérémy Elbeze est chercheur à la Chaire
Economie du Climat, qu’il a intégrée
après son stage de fin d’études
effectué sous la houlette de Christian
de Perthuis à la Mission Climat de
la Caisse des Dépôts et Consignations.
Ses recherches portent sur la fiscalité
environnementale en général et la
taxation du carbone en particulier.
Traditionnellement, les manuels d’éco-
nomie présentent deux voies pour dimi-
nuer les émissions de gaz à effet de
serre : celle des marchés de permis
d’émission de CO2 comme celui ins-
tauré en Europe depuis 2005, devenu la
référence incontournable, et celle de la
taxe carbone. L’objectif de cette dernière
est de modifier les prix relatifs des biens
produits ou des sources d’énergie en
fonction de leur contenu en CO2, de
manière à orienter les acteurs de
l’économie vers des modes de production
et de consommation moins polluants.
“En théorie, une taxe carbone est un ins-
trument économique simple et efficace
pour réduire les émissions de CO2,
écrivent Jérémy Elbeze et Christian De
Perthuis. Dans la pratique, l’instauration
d’un tel système s’avère bien plus
complexe. Acceptabilité sociale de la
taxe, information imparfaite, gestion
de la compétitivité, existence d’autres
mesures de politique environnementale
ou encore actions des lobbies sont
autant de facteurs qui viennent se
heurter à la simplicité du concept de
départ”.
Taxe carboneTIRER PARTI DES EXPÉRIENCESEXISTANTES POUR MIEUX LUTTERCONTRE LA POLLUTION
D’après un entretien avec Jérémy Elbeze et son article “Vingt ans detaxation du carbone en Europe : Les leçons de l’expérience” (Cahiers dela Chaire Economie du Climat n°9 – janvier 2011), coécrit avec Christiande Perthuis(1).
LES CAHIERS DE L’ILB - 10
A RETENIR
� La taxe carbone et les marchés de permis peuvent être complémentaires,il faut simplement trouver une articulation efficace.
� Les recettes issues de la taxe ont en général plusieurs utilisations :compenser les ménages, baisser les impôts ou les déficits publics etfinancer des mesures pour l’environnement.
� Pour être efficace, le taux d’imposition doit augmenter dans le tempset être dédié à l’atteinte de l’objectif environnemental.
� La taxe carbone permet d’obtenir des résultats environnementauxmais également des bénéfices économiques.
Comment utiliser la taxe carbone à bon escient ? A quoi doivent servirles recettes ? La fiscalité carbone est-elle compatible avec un marchéde permis d’émission ? A-t-elle un effet positif sur l’environnement etsur l’économie ? C’est ce qu’ont cherché à déterminer Jérémy Elbezeet Christian De Perthuis en étudiant les expériences très variées de miseen place de taxes carbone dans divers pays européens ces 20 dernièresannées.
(1) Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et Président du conseil scientifique de la Chaire
Economie du Climat
Partenaires de la chaire
LES CAHIERS DE L’ILB - 11
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n spour les pouvoirs publics
� Même si ce n’est pas son but, cet article doitsensibiliser l’Etat français à la nécessité de lataxe carbone, et à la façon la plus efficace del’utiliser (assiette, taux et son évolution, usagedes recettes).
� Les auteurs montrent qu’il est souhaitableque la question de l’instauration d’une fisca-lité carbone puisse à nouveau être traitée auniveau européen compte tenu de la multituded’arbitrages économiques, politiques et sociaux à mener lors de la mise en place d’un système de taxation du carbone au seinde chaque pays.
Les systèmes hybrides ont prouvéleur efficacité
La Commission Européenne a lancé un
premier projet de taxe carbone sur les
émissions industrielles dès 1990. S’il n’a
jamais vu le jour, cela n’a pas empêché
la Suède de s’engager dans une voie
similaire dès 1991. Elle a ensuite été
rejointe par les autres pays scandinaves,
et plus récemment la Suisse et l’Irlande,
le projet français ayant été abandonné
au printemps 2010. “Nous avons com-
mencé à travailler sur ce sujet au moment
où une taxe carbone devait être mise en
place en France, et nous voulions voir
quelles leçons nous pouvions tirer des
différentes expériences européennes,
explique Jérémy Elbeze. C’est quelque
chose qui se fera forcément à moyen
terme en France et dans toute l’Europe,
donc nous voulions comprendre com-
ment cela s’était déroulé ailleurs”. En
tête des enseignements qu’ils ont tirés
de l’observation des initiatives euro-
péennes en la matière, on trouve la com-
plémentarité des marchés d’émissions
et de la taxe carbone. Si ces deux voies
sont généralement présentées comme
alternatives, elles sont d’après Jérémy
Elbeze “capables de couvrir l’intégralité
des émissions quand elles sont combi-
nées”. “Dans la réalité, les quotas ne
peuvent pas être utilisés facilement pour
limiter toutes les émissions dites diffuses,
celles émanant des petits émetteurs :
les chauffages des particuliers, les
petites entreprises, les transporteurs
etc., poursuit-il. Ce qui semble se profiler
dans la manière dont sont organisées les
politiques environnementales, ce sont
des systèmes hybrides utilisant les
marchés de quotas pour réguler les
émissions concentrées des grandes
installations industrielles et la taxe carbone
pour réguler les émissions diffuses”.
Des modalités d’utilisation variées
A condition toutefois que les deux
systèmes utilisent une assiette distincte.
“Sinon, il y a des transferts de revenus
qui nuisent à l’efficacité du système,
précise Jérémy Elbeze. Les quelques
pays qui taxaient les entreprises sous
quotas sont par exemple en train d’arrê-
ter”. Les auteurs ajoutent qu’il “semble
nécessaire de faire converger à terme
les prix du carbone issus des deux ins-
truments”. Quant aux recettes provenant
de la taxe carbone, ils ont constaté
des usages divers selon les contextes
économiques et politiques. “Tout dépend
de la priorité du pays, estime Jérémy
Elbeze : si l’on veut réduire les déficits,
améliorer la compétitivité de l’économie,
ou si l’on a un objectif environnemental
très fort et qu’on utilise alors les revenus
pour atteindre cet objectif”. Quoiqu’il en
soit, leur étude montre que “les Etats
pratiquent généralement un panachage
entre des mesures destinées à compenser
les ménages, des baisses d’impôts sub-
séquentes et des mesures additionnelles
pour financer des réductions d’émissions.
L’écueil principal à éviter serait la trans-
formation de la taxe carbone en une taxe
ayant pour objectif la levée de fonds
pour alimenter le budget des Etats“.
L’économie au service de la politique
Les auteurs ont aussi puisé dans les
expériences des pays pionniers quelques
leçons relatives au taux d’imposition sur
le carbone. “Plus que le choix du taux de
départ, qui est souvent un arbitrage
politique, c’est l’évolution de celui-ci
qui détermine l’efficacité du système,
écrivent-ils. Ce taux doit augmenter
dans le temps et être dédié à l’atteinte
de l’objectif environnemental”. Ils déplorent
cependant que “le choix de l’assiette,
du taux et de son évolution se fassent
souvent bien loin des recommandations
des économistes”. Comme ils le souli-
gnent de façon générale, “l’étude des
expériences européennes met en lumière
la multitude d’arbitrages économiques,
politiques et sociaux à réaliser lors de la
mise en place d’un système de taxation
du carbone”. Cela n’enlève toutefois rien
à l’intérêt d’une taxe carbone, dont ils
montrent qu’elle a déjà permis, dans
d’autres pays, d’obtenir un bénéfice
environnemental mais aussi économique,
fusse-t-il de faible ampleur comme le
révèle aussi leur étude...
L’étude des expériences européennesmet en lumière la multituded’arbitrages.
“”
Pour al ler plus loin
� Milne, J. (2008), “The Reality of CarbonTaxes in the 21st Century: the context forthe future”, Vermont Journal of Environ-mental Law, 10: 1-30
� Prasad, M. (2009), “Taxation as a Regula-tory Tool: Lessons from EnvironmentalTaxes in Europe”, in Edward Balleisen andDavid Moss, Toward a New Theory of Re-gulation, Cambridge University Press
� Delbosc, A., De Perthuis C. (2010), “L'Europeet la tarification du carbone. Quelques élé-ments de cadrage”, Futuribles, 361 : 15-24
� De Perthuis C. (2009), Et pour quelques degrés de plus... Nos choix économiquesface au risque climatique, Pearson Educa-tion
Après avoir rappelé les enjeux de la taxa-tion du carbone dans un contexte d’évo-lution des systèmes fiscaux et deconsolidation des finances publiques, lesauteurs s’interrogent sur la bonne façonde définir l’assiette des taxes carbone etde les faire coexister avec le périmètrecouvert par le marché.
Ils examinent ensuite la façon dont l’onpeut se rapprocher de l’objectif d’unicitédu prix du carbone quand il existe un marché de permis d’émission, avantd’analyser les modalités pratiques de l’utilisation des recettes de la taxe carbone et de s’interroger sur les conditions d’obtention d’un bénéfice économique subséquent à sa mise enplace.
BIOGRAPHIE
Raphaël Trotignon
Raphaël Trotignon est ingénieur
des Mines de Nantes en Génie de
l’Environnement et diplômé d’un
master 2 Recherche en Economie
de l’Energie, de l’Environnement et
du Développement Durable (AgroParis-
Tech-ParisOuest). Il a été chercheur
invité au Centre de Recherche en
Politique Economique, Energétique et
Environnementale du MIT (Boston, MA).
Il a travaillé pendant trois ans à la
Mission Climat de la Caisse des Dépôts,
et est depuis 2009 doctorant à
l’université Paris-Dauphine et à la
Chaire Economie du Climat.
Ses recherches se concentrent sur
l’analyse ex post du système européen
des quotas de CO2 et étudient le
comportement de conformité des
participants.
Le Système Communautaire d’Echange
des Quotas d’Emission de l’UE (SCEQE)
est unique : il implique les 27 Etats-
membres mais aussi le Liechtenstein,
l’Islande et la Norvège ; il couvre près de
50% des émissions de gaz à effet de
serre de l’UE et intègre la mécanique de
projets du Protocole de Kyoto(1) à celle
de plafonnement et d’échanges. Ainsi, à
la possibilité d’échanger des quotas
carbone – autorisations à émettre une
certaine quantité de CO2- s’ajoute celle
d’échanger des crédits carbone liés aux
économies réalisées grâce à un projet de
réduction des émissions. En fonction de
la localisation d’origine du projet, ces
crédits sont de deux types : les Réduc-
tions d’Emissions Certifiées (REC) sont
attribuées aux entreprises d’un pays
développé dont les investissements
réalisés dans un pays en développement
se sont traduits par une réduction de
gaz à effet de serre ; les Unités de
Réductions d’Emissions (URE) sont
accordées aux entreprises d’un pays
développé, qui a réalisé des investisse-
ments dans un autre pays développé.
Ces crédits font ensuite l’objet de
transactions et sont importés sur le
marché européen. Qui les utilise ? A quelle
fréquence ?
Marché carbone européenQUELLE UTILISATION DES CRÉDITS CARBONE ?
D’après un entretien avec Raphaël Trotignon et son article “Combiningcap-and-trade with offsets: lessons from the EU ETS, Tracking CER usein the EU ETS for 2008 and 2009” (Cahier de la Chaire Economie duClimat – Série Working Paper N°2011-3).
LES CAHIERS DE L’ILB - 12
A RETENIR
� La possibilité d'utiliser les crédits carbone dans le système européendes quotas a été utile (réduction des coûts) et utilisée.
� Cependant l'utilisation de ces crédits reste encore concentrée, et n'est pas très fréquente ni très intense par rapport aux possibilités offertes.
� Plusieurs freins possibles à cette utilisation comme les coûts detransactions pour les petites entreprises ou la flexibilité et les différences de règles entre les pays et les secteurs.
En 2005, l’Union Européenne a adopté un système d’échange de quotascarbone pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, système reliéen partie à celui des crédits carbone du Protocole de Kyoto. Accusénotamment d’altérer l’intégrité du système et d’outsourcer les réductionsd’émissions de CO2, le marché d’échange des crédits carbone s’estdéveloppé avec l’entrée dans la phase II du dispositif en 2008. RaphaëlTrotignon dresse un bilan des deux premières années d’utilisation descrédits carbone en Europe.
(1) Directive 2004/101/EC of the European Parliament and the Council of 27 October 2004 amending Directive
2003/87/EC
(2) A titre de comparaison, la plus grosse installation industrielle en Europe émet près de 30 millions de tonnes
de CO2 par an
(3) Allemagne, Espagne, Italie, France, Pologne, Royaume-Uni et la République Tchèque
Partenaires de la chaire
LES CAHIERS DE L’ILB - 13
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n spour les pouvoirs publics
L’étude de R.Trotignon confirme que les créditscarbone sont à la source d’une plus grande efficacité économique du SCEQE. En identifiantles freins à une utilisation plus large et régulièredes crédits, il propose des pistes d’améliorationtelles que :
� Un travail sur les coûts de transaction en vuede les limiter et permettre aux petites instal-lations un recours aux REC plus fréquent.
� Une harmonisation européenne des limitesd’importation de crédits. Les différences parpays varient de 0% en Estonie à 20% en Allemagne.
� Une harmonisation des règles qui donnent dela flexibilité temporelle pour l’utilisation descrédits, source d’une meilleure efficacité économique globale.
Un marché économiquement efficace
L’émission de crédits carbone associée
à des projets de réduction des émis-
sions présente plusieurs avantages : il
élargit l’impact des réductions de gaz à
effet de serre en impliquant tous les pays ;
il diffuse les technologies de réductions
dans le monde entier ; il réduit les coûts
pour les participants au système de
quotas auquel il est relié. Car plus le
champ de réduction des émissions est
grand, plus la probabilité de trouver des
projets de réductions des émissions à
moindre coût est grande. Les réductions
se feront en premier lieu là où elles seront
le moins chères. Par ailleurs, le marché
secondaire d’échange de crédits s’est
ajouté à celui d’échange de quotas et a
eu deux conséquences.
La première est de permettre aux opé-
rateurs de réaliser des économies sur la
différence de prix entre les crédits et
les quotas. Ainsi, sur les deux années
étudiées, R. Trotignon estime à environ
280 millions d’euros les économies réa-
lisées par les installations échangeant
des REC plutôt que des quotas.
La seconde est de faire baisser le prix
d’équilibre des quotas, ce qui bénéficie
indirectement à tous les opérateurs.
De plus, ces crédits répondent à une
demande : plus de 40% des crédits émis
avant mai 2010 ont déjà été restitués
sur le marché européen. Malgré la crise
économique et la baisse de la demande
en quotas carbone, l’utilisation des crédits
par les installations est restée stable
entre 2008 et 2009.
Une utilisation encore peu développée
En moyenne, sur les années 2008 et
2009, 20% des installations industrielles
concernées par le système européen
ont eu recours aux REC sur au moins
une des deux années et 10% sur les deux
années successives. Ce qui signifie que
près de 70% des installations industrielles
concernées n’ont jamais utilisé ce type
de crédits. Le chiffre monte à 81,7%
dans le cas de petites installations indus-
trielles (< 25000 de tonnes de CO2 émis
par an(2)).
La taille des installations est en effet un
critère déterminant. Plus les installations
sont petites, moins il y a de chances
qu’elles utilisent de REC. R. Trotignon
avance deux explications :
� L’importance des coûts de transaction
oblige les petites installations à limiter le
recours aux REC. Car si les transactions
sont moins fréquentes, elles sont égale-
ment plus intenses. Les petites installa-
tions ont intérêt à se procurer et à
restituer des crédits en ayant recours au
moins de transactions possibles pour en
limiter les coûts.
� Une moins bonne maîtrise et connais-
sance du marché carbone européen.
Les petites usines, qui sont nombreuses
par exemple dans les secteurs de la
céramique, de papier ou de carton,
peuvent être des entreprises isolées et
familiales, qui n’ont pas la même facilité
d’accès au marché des crédits que des
multinationales.
Une utilisation très concentrée
R.Trotignon montre également que l’im-
portation des crédits est très concentrée :
� Par secteurs : Un peu moins de 5%
des installations importent des REC sur
le marché européen. Les principaux
secteurs y ayant recours sont les
secteurs du ciment et de la raffinerie. R.
Trotignon fait remarquer que contraire-
ment aux attentes, le secteur de la com-
bustion n’est pas, en terme d’intensité,
un grand importateur de crédits. En effet,
sa structure le rapproche de la moyenne
tant il regroupe des installations variées.
� Par destinations : En 2008, l’Alle-
magne et l’Espagne représentaient à
eux deux près de la moitié des importa-
tions de crédits sur le marché européen.
Sept pays(3) sur les trente du SCEQE
concentrent 75% du potentiel d’utilisa-
tion de crédits.
Enfin, l’étude remarque que les sources
des crédits utilisés sur le marché euro-
péen sont également très concentrées :
La plupart des REC échangés en
Europe provient de projets basés en
Chine, Inde, Corée du Sud et au Brésil.
65% des REC restitués sur le marché
européen proviennent de 10 gros projets
de réduction de gaz industriels (HFC/
N2O) dans des pays en voie de dévelop-
pement.
Les réductions se feront en premier lieu là où elles seront le moinschères.
“”
Pour al ler plus loin
� Ellerman A.D., Trotignon R. (2009), “CrossBorder Trading and Borrowing in the EUETS”, Energy Journal Volume 30, SpecialIssue #2
� Trotignon R., Delbosc A. (2008), “AllowancesTrading Patterns during EU ETS Trial Period”, Mission Climat Research reportn°13, Caisse des Dépots et Consignations,June 2008
� Trotignon R., Leguet B. (2009), “How manyCERs by 2013?”, Mission Climat WorkingPaper n°2009-5, Caisse des Dépôts etConsignations, August 2009
� Trotignon R. (2009), Comprendre le ré-chauffement climatique, collection Commeun expert, Pearson
� Solier B.,Trotignon R. (2010), Comprendreles enjeux énergétiques, collection Commeun expert, Pearson
L’auteur a croisé les données du registrecentral de suivi des quotas – CommunityIndependent Transaction Log (CITL) – aveccelles des projets de mécanisme de développement propres du protocole deKyoto (MDP). L’étude porte ainsi sur prèsde 12 000 installations européennes (recouvrant environ 5000 entreprises) et500 projets MDP. Elle couvre les années2008 et 2009, deux premières années de la phase II de la mise en œuvre du Système Communautaire d’Echange desQuotas d’Emission de l’UE (SCEQE). L’auteur s’est concentré sur les Réduc-tions d’Emissions Certifiées (REC) qui représentent 97% des crédits restitués endistinguant les principaux bénéficiaires deces crédits, l’intensité et la fréquence deleur utilisation.
9.15 - Registration & Welcome Coffee
09.45 Welcoming wordsChristian de Perthuis (CEC)
Session 1: Projects mechanisms at workChairman: Sam Fankhauser (London School of Economics - LSE)
10.00 A Global Assessment on Kyoto Project Based MechanismsJorgen Fenhann (UNEP Risoe)
10.20 Top-down vs. bottom-up approaches to Project-Based Mechanisms (TBC)Christina Hood (International Energy Agency)
10.40 Discussion
11.00 - Coffee Break
11.30 Projects Mechanisms in Agriculture and ForestryBrian Murray (Duke University)
11.50 Project Mechanisms in Energy and IndustryLaurent Valiergue (Orbeo)
12.10 Discussion
12.30 – Lunch
Session 2: The Double Challenge of Reducing Emissions Internally and Externally
Chairman: Frank Convery (University College Dublin)
14.00 The European Union Strategy with OffsetsEuropean Commission (TBC)
14.20 The Japanese Strategy with Offsets(TBC)
14.40 Discussion
15.00 - Coffee Break
15.30 Experiences with Domestic Offset ProjectsGerman Federal Environment Agency (TBC)
15.50 The Californian Perspective on Domestic and Foreign Offsets ProjectsJan Mazurek (Duke University)
16.10 Discussion
Carbon Markets and PricesResearch Initiative
Workshop: COMBINING CAP AND TRADE WITH OFFSETSParis-Dauphine University – 20/21st June 2011
16.30 – Workshop End
Dinner: invited speaker (TBC)
Session 3: The Integration of Offsets in the EU ETSChairman: Barbara Buchner (Climate Policy Initiative)
10.00 Offsets and Compliance in the EU ETSRaphaël Trotignon (CEC)
10.20 The Nature and Use of Project-Based Credits in the EU ETS: The German ExperienceAndreas Loeschel (ZEW)
10.40 Discussion
11.00 - Coffee Break
11.30 The Impact of Offsets on EU ETS Carbon Price EquilibriumSuzanne Shaw and Stephen Lecourt (CEC)
11.50 Experiences with Offsets in the EU ETSJean-Yves Caneill (EdF) and Alexandre Marty (EdF Trading)
12.10 Discussion
12.30 - Lunch
Session 4: The Integration of Offsets in Other SchemesChairman: Denny Ellerman (European University Institute - MIT)
14.00 Hosting Offset Projects as a National PolicyBenoit Leguet (CDC Climat Research, JISC)
14.20 The Future Generation of ProjectsAxel Michaelowa (Perspectives) (TBC)
14.40 Dicussion
15.00 - Coffee Break
15.30 Linking Cap and Trades with OffsetsRob Dellink (OECD)
15.50 Hybrid SchemesL. Taschini (LSE)
16.10 Cap and Trade, Tax, and Offsets: How to Combine them Efficiently?Christian de Perthuis (CEC)
16.30 Dicussion
16.10 Closing RemarksPierre André Jouvet (CEC)
17.00 Workshop end
LES CAHIERS DE L’ILB - 14
BIOGRAPHIE
Pierre-André Jouvet
Pierre-André Jouvet est Professeur
des universités et docteur ès sciences
économiques. Il est enseignant-
chercheur à l’université de Paris Ouest,
Nanterre – La Défense, et responsable
du Master Economie du Développement
Durable et de l’Environnement et du
Master Développement Environnement
et Territoire. Pierre-André Jouvet est
également directeur scientifique de
la Chaire Economie du Climat depuis
le 1er janvier 2011. Ses recherches
portent principalement sur l’économie
de l'environnement (politiques
environnementales, instruments
de régulation, innovation etc.), les effets
des risques sur le comportement des
agents et de manière plus générale sur
l'économie publique.
Pierre-André Jouvet et ses coauteurs
ont voulu combler un vide laissé par leurs
confrères en s’intéressant aux effets
d'un marché de permis de pollution sur
la rémunération des facteurs de produc-
tion – capital mais aussi travail – et sur
l’équilibre mondial, c'est-à-dire en inté-
grant les pays en développement. “Cette
question est particulièrement pertinente
dans un contexte Nord-Sud, où les pays
en développement, anticipant des coûts
d'une politique de réduction supérieurs
aux bénéfices, ont refusé de participer
aux actions impliquées par le Protocole
de Kyoto. Pourtant, de nombreuses
études cherchant à évaluer ces coûts ne
prennent pas en compte ces pays. Il
semble pourtant clair qu'une telle question
ne peut s'étudier que dans un cadre
d'équilibre général et ne peut se cantonner
à l'examen de la seule répartition de la
charge des efforts de réduction. Elle doit
en particulier prendre en compte les
effets probables sur la réallocation du
capital, engendrée par la modification du
taux d'intérêt suite à la distribution des
permis”.
Motiver les pays en développement
Les permis de pollution constituent en
effet, par définition, un mode de régula-
tion de l'environnement qui comporte la
Permis de pollution négociablesDES SOLUTIONS POUR UNE DISTRIBUTION PLUS ÉQUITABLE
D’après un entretien avec Pierre-André Jouvet et son article “CompetitiveMarkets for Pollution Permits: Impact on Factor Income and InternationalEquilibrium” (Environmental Modelling and Assessment, vol. 15, n°1 -2010), coécrit avec Philippe Michel(1) et Gilles Rotillon(2).
A RETENIR
� Les différents modes de distribution des permis ont un impact sur lesmouvements de capitaux, la production et la répartition des revenus.
� La distribution gratuite de permis aux sociétés favorise les actionnairesau détriment des salariés.
� La mise aux enchères des permis permettrait potentiellement de remplir les objectifs d’efficacité et d’équité, mais les entreprises s’yopposent.
� Tous les facteurs de production contribuent à la pollution et devraientse voir allouer des permis en conséquence.
Les différents modes d'attribution de permis de pollution négociablesont des conséquences économiques sur les profits et les salaires, etdonc l’équilibre général du marché. C’est ce que révèle l’étude dePierre-André Jouvet, Philippe Michel et Gilles Rotillon, qui proposentdes pistes pour mieux partager les richesses, que ce soit avec les salariésou les pays en développement.
(1) EconomiX, Université Paris Ouest, Nanterre - La Défense
(2) EconomiX, Université Paris Ouest, Nanterre - La Défense
Partenaires de la chaire
LES CAHIERS DE L’ILB - 15
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n spour les pouvoirs publics
� Pour un système efficace et équitable, lespermis devraient être distribués à chaquefacteur proportionnellement à sa contributionà la production : un tiers au capital (action-naires), deux tiers au travail (salariés).
� Dans le cadre de l’aide au développement oude la redistribution Nord-Sud, on devrait attribuer plus de permis aux pays en déve-loppement, même si ce sont eux qui polluentle moins, pour qu’ils puissent récupérer del’argent des pays du Nord.
fixation d'un quota d'émissions (le nom-
bre de permis) et qui laisse au marché
le soin de sa répartition. Mais le marché
ne résout pas tout : les mouvements de
capitaux, la production et la répartition
des revenus dépendent du mode d'at-
tribution des permis. Leur distribution a
une influence sur l'équilibre. “Au niveau
de l’équilibre entre entreprises ou entre
pays dans la distribution des permis,
le mode d’allocation peut, s’il n’est pas
proportionnel aux facteurs de production,
induire des mouvements de capitaux
d’un pays à l’autre, une réallocation qui
peut entraîner une perte de production
au niveau mondial, explique Pierre-André
Jouvet. Si l’on donne presque tous les
permis à un pays très pauvre et très peu
à un pays riche, ce dernier va placer des
capitaux dans le premier en achetant
des permis. On va avoir un gain net pour
les pays en développement au prix d’une
perte d’efficacité globale en termes d’uti-
lisation du capital”.
Les permis, c’est bon pour les profits
Pour analyser l’impact du mode d'attri-
bution, les auteurs ont supposé qu’une
partie des permis de pollution était
allouée gratuitement à des entreprises,
le reste pouvant être mis aux enchères.
Si théoriquement n'importe quel système
d'allocation est envisageable, d’après
leurs recherches la distribution initiale
gratuite des permis aux firmes polluantes
en fonction des émissions passées -
règle du grandparentage - est générale-
ment considérée comme inévitable.
“La raison principale de cette pratique
tient au fait qu'avec ce système, les
entreprises ne paient que les permis
additionnels alors qu'elles en paieraient
la totalité avec un système d'enchères.
En conséquence, elles jugent le grand-
parentage bien plus acceptable que tout
autre système de distribution, même s’il
n'engendre qu'un faible revenu supplé-
mentaire pour l'Etat”. Mais l’étude des
chercheurs met en évidence que le don
de permis aux sociétés favorise les
actionnaires, donc le facteur capital, au
détriment des salariés (le facteur travail).
“Il est même possible que les profits
soient plus élevés dans l'économie avec
marché des permis que dans l'économie
sans régulation de l'environnement
(quand les restrictions d’émissions sont
faibles)”, poursuivent-ils. La mise aux
enchères permettrait potentiellement,
quant à elle, de mieux remplir les objectifs
d’efficacité et d’équité.
N’oublions pas les travailleurs
La mise aux enchères des permis de
polluer suppose que les gouvernements
sachent répartir cette manne. Une solu-
tion satisfaisante serait alors de “distri-
buer des permis à chaque facteur
proportionnellement à sa contribution à
la production (de manière générique un
tiers au capital, deux tiers au travail).
En fait, le grandparentage ne crée pas
forcément des profits exceptionnels
pour les actionnaires quand ils sont
alloués de manière judicieuse à tous
les facteurs de production”. Ce mode
d’allocation présenterait l’avantage d’être
plus équitable. “A priori, pour l’instant,
quand on octroie des permis aux entre-
prises cela revient in fine à les donner au
capital car cela rentre dans les profits,
qui rémunèrent le capital, or il n’y a aucune
raison de donner cet avantage au seul
capital dans la mesure où les émissions
résultent de l’ensemble de la production,
conclut Pierre-André Jouvet. Si on voulait
faire quelque chose d’à peu près équi-
table, il faudrait donner des permis à
l’ensemble des facteurs de production
dont le travail”. Et faire bénéficier les
salariés des entreprises d’un système de
prime à la restitution, par exemple.
La mise aux enchères permettrait potentiellement, de mieuxremplir les objectifs d’efficacité et d’équité.
“
”
Les auteurs ont étudié les conséquenceséconomiques des différentes modalités de distribution de permis de pollution (allocation gratuite ou mise aux enchères)sur l’équilibre général dans un modèlethéorique simple (deux pays, une entre-prise produisant le même bien avec la même technologie dans chacun), enexplicitant le rôle des facteurs de produc-tion (capital et travail) dans la formulationde Stokey (1998) et en se plaçant dans uncadre d'analyse statique.
Pour al ler plus loin
� Chevallier J., Jouvet P.-A., Michel P., Rotillon G. (2010), “Economic consequencesof permits allocation rules”, Economie Internationale, 120 : 77-90
� Jouvet P.-A., Michel P., Rotillon G. (2005),“Optimal Growth with Pollution: How to UsePollution Permits?”, Journal of Economic Dynamics and Control, 29 : 1597-1609
� Parry, I.W. H. (2002). Are tradeable emissionspermits a good idea? Resources for the future issues brief 02-33. Washington DC
� Congressional Budget Office (2000), “Whogains and who pays under carbon-allo-wance trading? The distributional effects ofalternative policy designs”, Washington D.C.:Congressional Budget Office
BIOGRAPHIE
Suzanne Shaw
Suzanne Shaw est actuellement chef
de projet à la Chaire Economie du
Climat et doctorante à l'université Paris-
Dauphine. Originaire de la Jamaïque,
elle est titulaire d’un Master 2 spécialité
Economie du Développement Durable,
de l'Energie et de l'Environnement de
l’Ecole Polytechnique, et d’un Master
mention développement durable de
l’université d’Edimbourg. Suzanne
Shaw a également été responsable
scientifique à la Commission
Européenne (Institut de l'Energie
du Centre Commun de Recherche)
et a travaillé sur différents projets
dans le secteur énergétique en tant
qu’ingénieur ou consultante.
Ses recherches à la Chaire portent sur
la formation et la modélisation du prix
du CO2 sur le marché européen des
quotas.
Dans le cadre du marché européen
d’échange de quotas (l’EU ETS, pour
European Union Emissions Trading Sys-
tem), les industriels européens doivent
s’assurer qu’ils ont chaque année un
nombre de permis ou quotas d’émis-
sions de CO2 équivalent à leurs émis-
sions réelles et les restituer à l’autorité
publique. Afin de se mettre en conformité,
les entreprises peuvent, en plus des
quotas qui leur sont alloués, acheter des
“crédits carbone” (quotas européens ou
crédits Kyoto de réductions certifiées)
auprès d’autres entreprises, qui elles ont
investi afin de réduire leurs émissions.
Suzanne Shaw et Stephen Lecourt ont
élaboré un modèle, baptisé Zéphyr, afin
de déterminer l’équilibre entre l’offre et la
demande de ces quotas sur le marché
européen du carbone, le plus important
système de ce type au monde. Leur article
présente le modèle et livre quelques
conclusions tirées des résultats prélimi-
naires obtenus pour la production d’élec-
tricité, secteur le plus détaillé dans le
modèle pour l’instant. “Ce travail de
recherche me permet de mettre à profit
mon expérience professionnelle dans le
secteur énergétique, les énergies renou-
velables, et ce que j’étudie dans le cadre
Marché européen du carboneUN MODÈLE POUR MIEUX COMPRENDRE SES TENANTS ET SESABOUTISSANTS
D’après un entretien avec Suzanne Shaw et son article “EU ETS electricitysector emissions and compliance to 2012: preliminary results from theZephyr model” (à paraître), coécrit avec Stephen Lecourt(1).
LES CAHIERS DE L’ILB - 16
A RETENIR
� Le modèle Zéphyr a été conçu afin de comprendre et analyser lecomportement des différentes entreprises par rapport au marché européen des quotas et l’impact de ce dernier sur le système de prix.
� Le modèle se distingue en se focalisant sur le périmètre du marchéeuropéen et le moyen terme.
� Les résultats préliminaires sont relativement conformes aux donnéeschiffrées existantes.
� Le modèle prévoit des émissions de GES inférieures aux quotas entre2008 et 2012.
Le marché du carbone en est à ses débuts et les mécanismes qui le régissent sont encore mal compris. C’est pour cela que SuzanneShaw et Stephen Lecourt ont conçu un modèle dont les prémices sont prometteuses : il devrait aider les différents acteurs du marché européen des quotas à optimiser leur prise de décisions.
(1) Chercheur à la Chaire Economie du Climat et à IHS-CERA. Doctorant en sciences économiques à
l'université Paris-Dauphine
Partenaires de la chaire
LES CAHIERS DE L’ILB - 17
M E T H O D O L O G I E
R e c o m m a n d a t i o n s
� Les industriels européens vont pouvoir seservir de ce modèle pour déterminer :
s les stratégies qui leur permettraient de semettre en conformité à moindre coût.
s où peuvent se trouver les opportunités,comme par exemple le fait d’investir danscertaines technologies plutôt que d’autres.
s s’ils doivent faire des provisions de quotasd’émissions de GES, en acheter ou en emprunter.
� Les pouvoirs publics peuvent utiliser ce modèlepour analyser l’impact de changements dansla politique climatique sur le marché européendes quotas et les émissions de CO2.
de ma thèse, à savoir les marchés du
carbone et la politique climatique, étudier
son impact sur le secteur énergétique en
l’occurrence”, explique Suzanne Shaw.
Stephen Lecourt s’occupe quant à lui
plus particulièrement du secteur non-
électrique et participe à la programmation
du modèle.
Le modèle d’une niche
Compte tenu des problèmes de liquidité
résultant de la crise économique de 2008,
qui ont joué un rôle dans l’inondation du
marché européen des quotas, le modèle
Zéphyr a été conçu afin de comprendre
et analyser le comportement des diffé-
rentes entreprises par rapport au marché
européen des quotas et l’impact de ce
dernier sur le système de prix. D’après
Suzanne Shaw, à ce stade “il combine
les approches de différents types de
modèles pour fournir une représentation
détaillée des émissions du secteur élec-
trique”. Le fait qu’il se focalise sur le moyen
terme et sur les dynamiques opérant sur
le marché européen uniquement comble,
en outre, d’après les auteurs un vide laissé
par les analyses existantes situées soit
dans le court terme (modèles économé-
triques), soit dans le long terme (modèles
d’équilibre général ou partiel) et un péri-
mètre plus important. Car selon Suzanne
Shaw, “les acteurs basent leurs décisions
sur ce qu’ils voient maintenant et leurs
attentes pour les prochaines années, ils
ont tendance à ne pas avoir une vision
à très long terme compte tenu de l’incer-
titude relative à l’évolution de la politique
climatique”.
Pour mieux cerner le marchéeuropéen
Plus précisément, ce modèle a pour but
de procurer une représentation des
opérations stratégiques et des décisions
d’investissement (et les émissions résul-
tantes) des différents acteurs de l’EU
ETS. Pour les industriels européens par
exemple, le prix des quotas constitue en
effet un coût d'opportunité et il a une
influence sur les technologies utilisées
dans la production et sur les investisse-
ments réalisés. Le prix est également un
indicateur, pour les autorités, quant au
poids de l’environnement dans la prise
de décisions économiques des pollueurs.
Le modèle doit les aider à mieux com-
prendre les coûts et les opportunités liés
au marché, mais il doit aussi alimenter le
débat relatif à son évolution.
Des résultats encourageants
Même si les auteurs reconnaissent qu’ils
doivent être peaufinés (prise en compte
de données supplémentaires, nouvelles
analyses) et plus détaillés dans la repré-
sentation du secteur non-électrique, les
résultats préliminaires obtenus avec le
modèle Zéphyr sont d’après eux “satis-
faisants quand on les compare aux
données réelles”. De plus, ils indiquent
que lors de la phase II de l’EU ETS (2008
à 2012), les émissions seraient inférieures
aux quotas disponibles si la configuration
du parc électrique conventionnel était
maintenue (pourcentage constant pour
chaque technologie parmi les énergies
non renouvelables). “Les résultats mon-
trent ce que le modèle peut faire, y com-
pris le prix qu’il faut avoir pour obtenir
l’équilibre entre l’offre et la demande,
poursuit Suzanne Shaw. Il reflète ce qui
se passe sur le marché et donne une
première analyse empirique de ce à quoi
il faut s’attendre”.
Le modèlereflète ce qui se passesur le marché et donneune première analyse empirique de ce à quoi il faut s’attendre.
Pour al ler plus loin
� Ellerman D., Convery F., De Perthuis C.,(2010), “Le prix du carbone, les enseigne-ments du marché européen du CO2”, Pear-son France
� Delbosc A., De Perthuis C., (2009), “Lesmarchés du carbone expliqués”, GlobalCompact Europe (Bureau du Pacte Mondialde l’ONU), coll. Caring for Climate
� Taschini L., “Environmental Economics andModeling Marketable Permits: A Survey”,Asian Pacific Financial Markets, Vol. 17, No.4, 2010
� De Perthuis C., Shaw S., (2010), “CarbonMarket and Climate Negotiations”, in LasryJ.-M., Lautier D., Fessler D. (Eds), The Economics of Sustainable Development,Economica
� Egenhofer C., (2007), “The Making of theEU Emissions Trading Scheme: Status,Prospects and Implications for Business”,European Management Journal, Vol. 25,No. 6, Décembre 2007, 453-463
Les auteurs présentent le modèle Zéphyr,construit afin de représenter les émissionsde CO2 et la formation du prix des quotasd’émissions de CO2 à moyen terme dansle cadre du marché européen des quotas.Après avoir exposé ses apports par rapportaux modèles existants, Suzanne Shaw etStephen Lecourt détaillent sa structure,son état de développement avant de com-parer les résultats obtenus avec des données réelles de la deuxième phased’application de l’EU ETS (2008 à 2012),notamment en ce qui concerne la produc-tion d’électricité. Ils précisent enfin surquels points il devra être amélioré (étalon-nage, introduction d’incertitude par exem-ple) ou étendu (secteur non-électriquenotamment).
“
”
BIOGRAPHIE
Maria Mansanet-Bataller
Maria Mansanet-Bataller est titulaire
d’un double doctorat de l’université
de Valence (Espagne) et de l’université
Paris-Dauphine et d’un PhD Européen
en finance quantitative délivré par le
gouvernement espagnol. Elle est maître
de conférences à l’université de
Valence et chercheur invité à la Chaire
Economie du Climat. Ses recherches
portent sur les marchés du CO2 et
l’adaptation au changement climatique.
Quota européen et crédit KyotoDES DIFFÉRENCES DE PRIX QUI PEUVENT RAPPORTER GROS
D’après un entretien avec Maria Mansanet-Bataller, et son article “EUAand sCER Phase II Price Drivers: Unveiling the reasons for the existenceof the EUA-sCER spread” (Energy Policy 39,pp.1056-1069,2011), coécritavec Julien Chevallier(1), Morgan Hervé-Mignucci(2) et Emilie Alberola(3).
LES CAHIERS DE L’ILB - 18
A RETENIR
� Le prix du crédit Kyoto dépend principalement de celui du quotaeuropéen car la demande majeure de CER provient du marché européen du carbone.
� L’écart de prix entre le crédit Kyoto et le quota européen s’établit enraison du fait que l’EUA ne peut être que partiellement remplacé par le CER (13,5% jusqu’à fin 2012).
� Il est probable que certains industriels européens ne profitent pasassez de cet écart pour réaliser des économies substantielles.
Comment expliquer la différence de prix entre les divers types de “crédit- carbone” dont la finalité est pourtant identique (réduire les émissionsd’une certaine quantité de CO2) ? Maria Mansanet-Bataller et ses co-auteurs expliquent ce phénomène par les spécificités intrinsèques dumarché du carbone et montrent que, loin de nuire à son bon fonction-nement, cet écart de prix peut s’avérer intéressant pour les acteurs quisauraient en tirer parti.
(1) Université Paris-Dauphine (CGEMP/LEDa)
(2) CDC Climat Recherche et Université Paris-Dauphine (CGEMP/LEDa)
(3) CDC Climat Recherche et HEC
(4) Manzoni, K., (2002), “Modeling credit spreads: An application to the sterling Eurobond market”, International Review of
Financial Analysis, 11 : 183-218
(5) Ramchander, S., Simpson, M.W., and Chaudhry, M.K., (2005), “The influence of macroeconomic news on term and quality
spreads”, The Quarterly Review of Economics and Finance, 45 : 84-102
Le quota européen du CO2 (EUA) et le
crédit de réductions certifiées (CER)
correspondent tous deux à un “droit
à polluer” permettant aux industriels
d’émettre une tonne de CO2 dans
l’atmosphère. Ces derniers peuvent être
achetés ou vendus : l’un sur les différents
marchés internationaux du carbone
existants (CER), l’autre uniquement sur
le marché européen (EUA). Pour atteindre
les objectifs de réduction d’émissions du
Protocole de Kyoto, l’Union Européenne
a lancé le système européen d’échange
de quotas.
Conformément à ce système, les instal-
lations qui ont dépassé leurs plafonds
d’émissions de gaz à effet de serre (GES)
sont pénalisées selon le principe du
pollueur-payeur, se trouvant dans l’obli-
gation d’acheter des crédits ou quotas
d’émissions de GES auprès d’installa-
tions qui ont investi afin de réduire leurs
émissions, ces dernières voyant ainsi
leurs efforts environnementaux récom-
pensés. “Nous nous sommes lancés
dans cette analyse économétrique du
marché de CO2 parce que nous voulions
comprendre pourquoi il existe un écart
Partenaires de la chaire
M E T H O D O L O G I E
LES CAHIERS DE L’ILB - 19
R e c o m m a n d a t i o n spour les industriels
� Les industriels pourraient avoir recours aucrédit Kyoto de façon plus importante afin deréaliser des économies substantielles enremplaçant plus d’EUAs par des CERs pour semettre en conformité quand la différence deprix est conséquente. Ils devraient étudierl’intérêt de se doter d’un service spécialisédans l’échange d’émissions de gaz à effet deserre, ou de trouver des acteurs financiers(banques, courtiers spécialisés) qui le sontpour leur servir d’intermédiaire.
L’écart de prix EUA-sCER n’est pas déterminé par des facteursphysiques.
Les auteurs ont analysé les facteursdéterminants du prix du quota euro-péen du CO2, de celui du crédit Kyotode réductions certifiées et de l’écartentre leur prix (ou spread) pendant lesdeux premières années de la périodede conformité du protocole de Kyoto(2008-2012) en utilisant la méthodolo-gie à laquelle Katiuscia Manzoni(4) etSanjay Ramchander(5) ont eu recourspour étudier le spread propre aux titresfinanciers. Ils ont essayé de déterminers’il existait un rapport direct entre lesprix de l’EUA et celui du CER, analysantensuite grâce à la modélisation GARCHleurs fondamentaux puis ceux du spread.
entre ces deux prix et comment on peut
expliquer son évolution”, précise Maria
Mansanet-Bataller.
Des caractéristiques “propres” aucarbone
“Si le marché de CO2 est efficient, la
seule explication possible à l’existence
d’un écart de prix entre l’EUA et le
CER est que les acteurs du marché
considèrent que ces deux actifs ne
sont pas fongibles malgré le fait qu’ils
permettent tous les deux d’émettre une
tonne de CO2”.
L’étude menée par Maria Mansanet-
Bataller et ses coauteurs sur les facteurs
déterminants des prix du quota européen
et du crédit Kyoto a relevé certaines
spécificités qui expliquent qu’ils soient
différents.
Il n’en va pas de même pour le prix du
CER, qui même s’il est directement
corrélé avec celui de l’EUA, car sa
demande la plus importante provient du
marché européen des quotas, dépend
aussi du niveau de son offre et des
facteurs ayant un impact sur la demande
internationale de CERs (telle que le
développement d’autres marchés).
Des incertitudes concernant le créditKyoto
“En effet, les participants ne disposent
pas d’informations exactes sur la quantité
de crédits qui sera effectivement livrée
sur le marché, sur la demande globale
attendue d’ici 2012, et sur l’avenir des
mécanismes de projets au-delà de 2012.
A ceci s’ajoute la restriction d’utilisation
de CER en Europe, prolongée jusqu’en
2020”. De 2008 à 2012, les industriels
européens les plus émetteurs de CO2
ne peuvent en effet utiliser des CER
pour leur conformité qu’à la hauteur de
13,5% de leur allocation d’EUA. C’est
d’ailleurs cette fongibilité partielle qui
explique, d’après l’article, la différence
entre les prix (ou spread) du quota
européen et du crédit Kyoto secondaire
(sCER). “On ne peut pas les utiliser
indistinctement. Ce sont deux actifs
différents donc il est normal que leurs
prix ne soient pas identiques, explique
Maria Mansanet-Bataller. Mais cela ne
veut pas dire que le marché n’est pas
efficient”. Pour les auteurs, l’évolution
du spread dépend du niveau des prix
de l’EUA et du sCER, et surtout de
variables de microstructures de marché,
ce qui suggère qu’il est utilisé pour des
opérations d’arbitrage (remplacement
d’EUAs par des CERs pour réaliser un
profit sans risque).
Une nouvelle bulle en formation ?
“L’écart de prix EUA-sCER n’est pas
déterminé par des facteurs physiques.
Il évolue en fonction de l’évolution du
prix de l’EUA, des informations régle-
mentaires concernant l’utilisation des
CER et des EUA mais aussi des condi-
tions techniques de trading : certains
opérateurs de marché profitent de cet
écart de prix sans avoir d’objectifs de
conformité”. L’utilisation de sCER est
cependant limitée pour l’instant (3,9%,
soit 96% d’EUA en 2008), les auteurs
relevant que contrairement à ce que l’on
peut voir en finance pure, les opportunités
d’arbitrage ne sont pas systématiquement
exploitées. “L’activité d’arbitrage entre
les EUAs et les sCERs demande des
connaissances spécialisées que seules
les banques disposant d’un service
d’échange d’émissions de carbone, les
négociants d’énergie les plus importants
et les courtiers spécialisés sont capables
de proposer aujourd’hui, écrivent-ils.
Tandis que la gamme de marchés du
carbone s’étoffe à travers le monde,
nous pouvons nous attendre à voir ce
type d’activité se développer rapide-
ment”...
Pour al ler plus loin
� Ellerman D., Convery F., De Perthuis C.,(2010), “Le prix du carbone, les enseigne-ments du marché européen du CO2”, Pearson France.
� Bellassen V., Leguet B., (2008), “Comprendrela compensation carbone”, Pearson France.
� Delbosc, A., De Perthuis C. (2009), “Les mar-chés du carbone expliqués”, Global CompactEurope (Bureau du Pacte Mondial de l’ONU),coll. Caring for Climate.
� Mansanet-Bataller M., Pardo A, (2008),“What You Should Know About Carbon Markets”, Energies 2008, 1, 3 : 120-153.
� Bredin D., Muckley C., (2010), “An emergingequilibrium in the EU emissions tradingscheme”, à paraître dans Energy Economics
“”
BIOGRAPHIE
Guillaume Bouculat
Guillaume Bouculat est responsable
de l’initiative de recherche agriculture-
forêts-alimentation pour la Chaire
Economie du Climat, une initiative de
CDC Climat (filiale de la Caisse des
Dépôts et Consignations dédiée à la
lutte contre le changement climatique)
et de l'université Paris-Dauphine sous
l'égide de la Fondation Institut
Europlace de Finance. Il a écrit cet
article en tant que chargé de mission
à l’ONF International . Diplômé de
l’ESCP-Europe en finance, il a exercé
différentes fonctions dans le secteur
financier et s’est récemment spécialisé
sur l’économie du climat après avoir
obtenu un Master en économie de
l’énergie et du carbone à l’université
Paris-Dauphine.
L’article de Guillaume Bouculat et
Clément Chenost débute par ce constat :
“Les projets forestiers sont aujourd’hui
réduits à la portion congrue des outils
d’action contre le changement clima-
tique”. Pourtant, comme le rappellent les
auteurs, “le système forestier renferme
un important potentiel d’atténuation”
des émissions de gaz à effet de serre
(GES). Certaines initiatives comme les
projets carbone forestiers REDD(2) , visant
à réduire les émissions de GES du
secteur forestier en permettant aux pays
développés de compenser leurs propres
émissions par des investissements dans
les pays en développement, sont encore
exclues du champ d’application du
Protocole de Kyoto et non fongibles dans
les principaux marchés de conformité.
“Les aspects pratiques et opérationnels
de ce type de projets sont encore très
mal maîtrisés”, affirme Guillaume Bouculat.
Les raisons principales évoquées sont
le “défi de la comptabilisation” des crédits
forestiers, et la difficulté de réaliser des
mesures précises de l’état des couverts
forestiers et de leur contenu en carbone.
En effet, les risques liés aux investisse-
ments dans les projets forestiers sont au
final plus important que ceux rencontrés
Investissements forestiersPOUR UNE MEILLEURE APPRÉHENSIONDES RISQUES LIÉS AU CARBONE
LES CAHIERS DE L’ILB - 20
A RETENIR
� Le système forestier renferme un important potentiel d’atténuation del’émission des GES et donc du réchauffement climatique, mais sonutilisation à cette fin n’en est qu’à ses débuts.
� Les projets forestiers présentent des risques particulièrementimportants, dont certains sont spécifiques, mais les développeurs deprojets n’en ont pas toujours clairement conscience.
� Certains risques peuvent être gérés mais d’autres n’ont pas de solution définitive disponible.
Guillaume Bouculat et Clément Chenost s’intéressent aux risques, par-ticulièrement importants, qui pèsent sur les projets forestiers contenantun volet carbone. Ils montrent alors que si certains peuvent aisémentêtre atténués par une bonne gestion des projets, d’autres n’ont toujourspas à ce jour trouvé de solution satisfaisante et peuvent représenter unfrein majeur à l’investissement.
D’après un entretien avec Guillaume Bouculat et son article “Le risquecarbone dans les investissements forestiers” (Cahiers de Recherche de la Chaire Economie du Climat, série Informations et Débats, n°7 – septembre 2010), coécrit avec Clément Chenost(1).
(1) Directeur du développement d'ONF International, professeur associé à l'Ecole des Mines de Paris (ENSMP, ParisTech) en
gestion de projets environnementaux et co-fondateur de l'ONG Green Synergie
(2) Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation
(3) Rénforcement des stocks de carbone forestiers
(4) Afforestation and Reforestation : boisement et reboisement
Partenaires de la chaire
M E T H O D O L O G I E
LES CAHIERS DE L’ILB - 21
R e c o m m a n d a t i o n sL’article est riche en enseignements pour plu-sieurs types d’acteurs :
� Pour les investisseurs potentiels et les pro-fessionnels du secteur : une meilleureconnaissance des risques encourus et uneprise de décision plus éclairée.
� Pour les assureurs : une introduction aux en-jeux de “l’assurance permanence” des cré-dits forestiers.
� Pour les pouvoirs publics : un éclairage pourleur politique de conservation des couvertsforestiers.
dans la plupart des activités industrielles
classiques, encore plus quand ces projets
comportent un volet carbone. “Nous
avons inventorié une vingtaine de risques
afin de mieux les comprendre et ainsi
mieux les traiter, poursuit Guillaume
Bouculat. Beaucoup de gens travaillent
sur ces projets sans avoir conscience de
ce qui peut mal se passer”.
Des risques spécifiques
Parmi les risques identifiés et explicités
dans l’article, il en existe certains qui sont
particulièrement importants et spécifiques
au “carbone forestier” : à commencer par
le risque de non-permanence. “Prenez
un projet carbone plus classique, comme
une centrale électrique à charbon qui
réduit ses émissions permanentes de
GES de 50% en passant au gaz. Com-
parez-le à un projet REDD qui permettrait
à une forêt d’être dégradée et déforestée
au rythme de 5% par an au lieu de 10%
en l’absence du projet. Cela réduirait
donc les émissions de 50% sans pour
autant signifier que les arbres ne seront
pas détruits plus tard à cause du feu ou
du défrichement agricole”.
Il en va de même pour le risque dit de
fuite : “Si vous protégez une forêt qui
pourrait être défrichée pour y cultiver du
soja, dont la demande est inélastique et
plutôt croissante au niveau mondial, rien
ne vous assure que les agriculteurs ne vont
pas défricher une forêt voisine ou même
à l’autre bout du monde pour satisfaire
la demande qui, elle, ne baissera pas
et doit de toute façon être satisfaite”,
explique-t-il.
Des solutions pour certains risques
Dans le cas du risque de non-perma-
nence des solutions existent avec le
système de provisionnement, voire, à
terme, de couverture contre ce risque
par des assureurs spécialisés. Le provi-
sionnement revient d’après Guillaume
Bouculat à “ mettre en réserve une partie
des crédits carbones générés pour
couvrir les éventuelles dégradations
ultérieures du stock de carbone”.
Certains autres risques sont malheureu-
sement plus problématiques, comme
celui de fuite, jugé “pratiquement ingéra-
ble à court terme” par Guillaume Bouculat.
“Cela dépend de la cause de la fuite : si
les gens coupent du bois pour se chauffer,
le risque est réduit. On peut planter des
essences d’arbres à croissance rapide sur
des terres déjà dégradées pour satisfaire
leurs besoins, explique-t-il. Mais si c’est
pour cultiver du soja, le risque de fuite
est maximal. Le seul moyen de bien le
gérer, à terme, consiste à appliquer le
système REDD à très grande échelle,
que toutes les forêts importantes soient
protégées”.
Du chemin à parcourir pour les autres
Or, ce système est justement en voie
d’élargissement avec l’inclusion du pro-
gramme REDD+(3) dans le périmètre
de la Convention Cadre des Nations
Unies sur le Changement Climatique lors
du sommet sur le climat de Cancún.
“Beaucoup de choses restent à détermi-
ner, pondère Guillaume Bouculat, mais il
y a des initiatives positives comme le
futur marché californien du carbone, qui
acceptera des crédits forestiers d’un
certain nombre de pays, ou le dévelop-
pement des marchés volontaires. A Paris,
quatre fonds d’investissement sont en
cours de structuration pour mobiliser
des financements publics et privés et
investir dans la conservation et la valori-
sation des forêts tropicales”.
D’après l’article, les trois grandes familles
de projets carbone forestiers - REDD,
REDD+ et A/R(4) – “offrent des profils de
risque distincts”. Comme le marché n’offre
pas à ce jour de perspective historique
suffisante sur chacune d’entre elles,
les auteurs préconisent une approche
d’investissement en portefeuille diversifié :
technologies, pays, standards etc. “Mais
celle-ci n’exonèrera pas le porteur de
projet de l’obligation d’analyser en pro-
fondeur chaque risque que nous avons
évoqué, et ce dans le contexte particulier
de chaque projet”.
Le système forestier renferme un important potentiel d’atténuation.
Pour al ler plus loin
� Angelsen, A. (éd.) (2008), Moving aheadwith REDD: Issues, options and implications,Center for International Forestry Research
� Calmel M., Martinet A., Grondard N., Dufour T.,Rageade M., Ferté-Devin A. (2010), REDD+à l'échelle projet - Guide d'évaluation et dedéveloppement, ONF International
� Chenost C., Gardette Y.-M., Demenois J.,Grondard N., Perrier M., Wemaëre M. (2010),Les marchés du carbone forestier, Pro-gramme des Nations unies pour l’environ-nement
� Angelsen A., Brown S., Loisel C., PeskettL., Streck C., Zarin D. (2009), “ReducingEmissions from Deforestation and ForestDegradation (REDD): An Options AssessmentReport”, Meridian Institute
Cet article synthétise les principaux ensei-gnements tirés de l’élaboration par sesauteurs d’un indicateur de risque pour lagénération des crédits carbone forestiersau niveau projet (degré de confiance dansla capacité du projet à livrer les créditscarbone dans les quantités et les délaisprévus). L’étude s’appuie sur une recherchebibliographique et de nombreux entretiensde professionnels du secteur, et consisteen une explicitation des différents risquesafférents aux investissements dans lesprojets forestiers dotés de volets carbone,suivie d’une esquisse de propositions detraitement.
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