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COMPIES RENDUS 441 ranee des monnaies par rapport a l'Histoire (p. 163-165), on aurait pu rappeler, par exemple, qu'une dynastie entiere, celle des souverains hellenistiques de Bactriane, n'est pratiquement connue que par des monnaies, dont certaines sont des fleurons de la numismatique antique. Ne convenait-il pas de s'interroger sur le droit de faire figurer une effigie sur une monnaie (membres de la famille royale ou imperiale) ? Le culte des souverains estpresente de facon sommaire (p. 181-182 et p. 198), et l'on ne souligne pas I'interet des representations de divinites (introduction de cultes nou- veaux). Les grandes festivites (concours grecs, Jeux Seculaires) donnant lieu a la frappe de monnaies commemoratives, ne sont pas evoquees (quelques lignes sont consacrees aux anniversaires, p. 199). La presentation des legendes monetaires, par exemple en ce qui conceme les titulatures imperiales, est trop rapide (p. 193-194). Enfin, on aurait pu indiquer, sous forme d'un tableau, les principales marques d'ateliers qui apparaissent sur les monnaies romaines dans la seconde moitie du me siecle (p. 201). C'est la le genre d'informations que le grand public cultive, auquel cet ouvrage est destine, s'attend a trouver. Certes, vu l'ampleur du sujet a traiter, il etait indispensable de faire des choix, mais on peut regretter que l' ouvrage fasse la part plus belle aux problemes strictement numismatiques qu'a la place occupee par la monnaie dans les civilisations de I' Antiquite. Francois KA YSER Ivo LUKANC, Les imitations des monnaies d'Alexandre le Grand et de Thasos. Wetteren, Cultura, 1996. 1 vol. 23 x 29 cm, 128 p., 174 pl. ISBN 90-74623-09-3. On accueillerait volontiers avec bienveillance le livre de M. Lukanc comme le travail imparfait mais profondement utile d'un amateur eclaire. Mais la realite est que, grace a cette etude, M. Lukanc est devenu le Dr Lukanc, titre confere par l'Universite de Paris. On hesite des lors entre mansuetude et severite. Mansuetude car l'apport de ce travail est reel. Son premier merite est, sans nul doute, d'avoir reproduit l'entierete du materiel examine, soit les photographies de plus de 2.000 monnaies rassemblees sur pas moins de 174 planches. Comme ce materiel provient pour l'essentiel des musees bulgares et roumains, pas toujours faciles dacces, on mesure sans peine l'importance du service rendu aux chercheurs. Il s'agit bien - et de loin - de la meilleure illustration disponible pour les imitations de tetradrachmes thasiens. On saura gre egalement a l'auteur d'avoir opte pour un systeme de classification raison- nable qui ne multiplie pas a l'envi les sous-groupes et varietes : 10 groupes dont 2 se subdivisent en sous-groupes, voila qui se situe favorablement entre la typologie trop simple de R. Gobl et celle trop compliquee de I. Prokopov. On reconnaitra aussi que l'utilisation faite des tresors monetaires n'est pas maladroite et qu'elle n'aboutit pas a une proposition aberrante de chronologie. Celle-ci revient, comme d'autres l'avaient deja demontre, a placer l' essentiel de cet abondant monnayage dans les premieres decennies du le siecle ay. J.-c. (c. 100-70 ay. J.-c.). Pour le reste, malheureusement, il faut se montrer critique. Il y a, tout d'abord, un vertigineux problerne d'heuris- tique: «Les catalogues de vente ont ete systernatiquement ignores. Les especes circulant dans les catalogues de vente risquent d'etre le plus souvent les memes pieces, vendues et revendues a l'infini, a moins que nous ne les retrouvions dans les fonds des musees ou des collections privees que nous avons visitees» (p. 4). Quoiqu'une partie du sens de cette phrase m' echappe, il y a tout lieu de penser contre l' auteur que, pour les imitations thasiennes comme pour les autres series courantes, le depouillement des

Callatay, Rev. a Lukanc 'Les Imitations de Monnaies de Alex. Grand Et de Thasos

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ranee des monnaies par rapport a l'Histoire (p. 163-165), on aurait pu rappeler, parexemple, qu'une dynastie entiere, celle des souverains hellenistiques de Bactriane,n'est pratiquement connue que par des monnaies, dont certaines sont des fleurons de lanumismatique antique. Ne convenait-il pas de s'interroger sur le droit de faire figurerune effigie sur une monnaie (membres de la famille royale ou imperiale) ? Le cultedes souverains estpresente de facon sommaire (p. 181-182 et p. 198), et l'on nesouligne pas I'interet des representations de divinites (introduction de cultes nou-veaux). Les grandes festivites (concours grecs, Jeux Seculaires) donnant lieu a lafrappe de monnaies commemoratives, ne sont pas evoquees (quelques lignes sontconsacrees aux anniversaires, p. 199). La presentation des legendes monetaires, parexemple en ce qui conceme les titulatures imperiales, est trop rapide (p. 193-194).Enfin, on aurait pu indiquer, sous forme d'un tableau, les principales marquesd'ateliers qui apparaissent sur les monnaies romaines dans la seconde moitie du mesiecle (p. 201). C'est la le genre d'informations que le grand public cultive, auquel cetouvrage est destine, s'attend a trouver. Certes, vu l'ampleur du sujet a traiter, il etaitindispensable de faire des choix, mais on peut regretter que l' ouvrage fasse la part plusbelle aux problemes strictement numismatiques qu'a la place occupee par la monnaiedans les civilisations de I' Antiquite. Francois KAYSER

Ivo LUKANC, Les imitations des monnaies d'Alexandre le Grand et de Thasos.Wetteren, Cultura, 1996. 1 vol. 23 x 29 cm, 128 p., 174 pl. ISBN 90-74623-09-3.

On accueillerait volontiers avec bienveillance le livre de M. Lukanc comme letravail imparfait mais profondement utile d'un amateur eclaire. Mais la realite est que,grace a cette etude, M. Lukanc est devenu le Dr Lukanc, titre confere par l'Universitede Paris. On hesite des lors entre mansuetude et severite. Mansuetude car l'apport dece travail est reel. Son premier merite est, sans nul doute, d'avoir reproduit l'entieretedu materiel examine, soit les photographies de plus de 2.000 monnaies rassembleessur pas moins de 174 planches. Comme ce materiel provient pour l'essentiel desmusees bulgares et roumains, pas toujours faciles dacces, on mesure sans peinel'importance du service rendu aux chercheurs. Il s'agit bien - et de loin - de lameilleure illustration disponible pour les imitations de tetradrachmes thasiens. Onsaura gre egalement a l'auteur d'avoir opte pour un systeme de classification raison-nable qui ne multiplie pas a l'envi les sous-groupes et varietes : 10 groupes dont 2 sesubdivisent en sous-groupes, voila qui se situe favorablement entre la typologie tropsimple de R. Gobl et celle trop compliquee de I. Prokopov. On reconnaitra aussi quel'utilisation faite des tresors monetaires n'est pas maladroite et qu'elle n'aboutit pas aune proposition aberrante de chronologie. Celle-ci revient, comme d'autres l'avaientdeja demontre, a placer l' essentiel de cet abondant monnayage dans les premieresdecennies du le siecle ay. J.-c. (c. 100-70 ay. J.-c.). Pour le reste, malheureusement,il faut se montrer critique. Il y a, tout d'abord, un vertigineux problerne d'heuris-tique: «Les catalogues de vente ont ete systernatiquement ignores. Les especescirculant dans les catalogues de vente risquent d'etre le plus souvent les memes pieces,vendues et revendues a l'infini, a moins que nous ne les retrouvions dans les fonds desmusees ou des collections privees que nous avons visitees» (p. 4). Quoiqu'une partiedu sens de cette phrase m' echappe, il y a tout lieu de penser contre l' auteur que, pourles imitations thasiennes comme pour les autres series courantes, le depouillement des

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catalogues de vente permette de reunir un nombre d'exemplaires largement superieur'celui de tous les musees publics. Les illustrations reproduites dans les catalogues son~generalement de meilleure qualite que celles qu'il a pu obtenir des musees et la fiabi-lite concernant la justesse des poids est, en dehors de quelques exceptions, excellenteC'est grand peche de ne pas en avoir tenu compte. Je croirais volontiers qu'il soitpossible en quelque trois mois de depouillement des seuls catalogues de reunir 4 a Sfois le materiel commente par I. Lukanc. Que 1'auteur n'ait pu avoir accss auxrichesses du musee de Sofia, le plus riche du monde pour ces series, est evidemrnentdommage mais, vu les circonstances, ne peut lui etre reproche, En revanche, qu'il nese soit pas enquis des avoirs des musees de Berlin et de Vienne, pour ne citer que cesdeux-la, est assez incroyable. On en arrive ainsi au paradoxe suivant : s'il est exactque I'etude d'I. Lukanc propose le plus grand nombre jamais publie d'imitationsthasiennes, il est non moins vrai que ce nombre ne constitue qu'une petite partie detoutes les monnaies existantes. Pour donner une idee de la mesure de ce qui ne figurepas dans le catalogue de I. Lukanc, on comparera les 3 exemplaires (n? 1927-1929)reunis par lui pour la variete dont il attribue, d'ailleurs a tort, le monogramrne auquesteur Aesillas avec les 25 rassembles par I. Prokopov et moi-meme en vue d'uneetude en cours. Huit fois plus done. J'ajoute que, sur les 22 exemplaires additionnelsil s'en trouve venir 1 du Cabinet des Medailles de Paris et 1 de 1'Institut archeologiqu~de Bucarest, deux institutions dont 1'auteur nous dit avoir exploite les res sources.Quant au Cabinet de Vienne, tres riche pour ces regions comme a l' accoutumee vuson passe imperial, il en possede 2 exemplaires. Passant ensuite de 1'heuristique a1'exploitation des donnees, on deplorera l'absence d'une etude de coins. L'occasionetait revee. Elle a ete manquee. Cela nefit pourtant pas implique un travail tropconsiderable et ent permis, vraisemblablement, de donner a ce monnayage une toutautre dimension. La recherche attendra probablement des lors les travaux d'I, Proko-pov pour en avoir le cceur net, lequel I. Prokopov peut du reste faire reposer sesobservations sur un materiel plus large que celui reuni par I. Lukanc (plus de 4.000exemplaires contre moins de 2.300). Sans merne disposer d'une etude detaillee, on nepeut, en tout cas, qu'etre frappe par le tres grand nombre didentites de coins de droit.Les chances sont grandes qu'une etude de coins bien menee reduise l'importance de cemonnayage dont le nombre plethorique d'exemplaires exagere dans nos esprits levolume reel. Sans etude de coins, I. Lukanc est amene a quelque peu disseminer desexemplaires issus du meme coin de droit. Quelques exemples a titre indicatif : le coinde droit du tetradrachme n° 596 de son catalogue est egalement celui qui a servi pourles n" 606-607, 641, 649, 664, 681, 686-687, 699 et 707. Cela n'est pas grave: ilsappartiennent tous au meme sous-groupe. La situation est plus genante quand, commecela arrive pour les tetradrachmes n? 775 et 911, des monnaies issues du merne coin dedroit sont donnees a des groupes differents (XI pour le n° 775 et XI, 2 pour le n° 911).Deux pieces, apparemment frappees avec le meme coin de droit (encore que lesdifferences d'eclairage et une eventuelle retouche du coin ne permettent pas d'etreabsolument certain de cette identite), peuvent aussi se retrouver classees tantot avecles imitations precoces (n" 173), tantot avec les imitations barbarisees (n° 1019).L'eparpillement peut encore concerner des coins de droit, differents mais tressimilaires. Ainsi, en va-t-il de deux coins de droit, tres maronitains par leur aspect,dont 1'un est classe parrni les imitations precoces anterieures au premier groupe (n°39) et l' autre parmi le 1er sous-groupe du 5e groupe (n? 436-437). On pourraitmultiplier de tels rapprochements qui paraissent miner le classement propose. I.

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Lukanc, suivant en cela le point de vue d'autres dont 1. Prokopov, nous dit que lesimitations thasiennes ont ete produites essentiellement dans les premieres decenniesdu ler s. ay. J.-c. par le pouvoir romain, quelque part en Thrace. C'est bien mon avis.Je percois moins bien, en revanche, la cesure operee entre ce qui serait monnaiesofficieUes et imitations de Thasos (voir p. 29-31). La ligne de fracture, si elle existe,est en tout cas malaisee a etablir et n'est pas etablie de facon convaincante dans cetouvrage. Veut-on dire que les premieres emissions auraient ete realisees par la cite aucontraire des suivantes qui auraient ete decidees par Rome? Veut-on dire que seule unepoignee de coins de droit serait veritablement thasienne (quelle raison a pu pousserl'auteur a placer parmi les imitations precoces le tetradrachme n? 1 de son catalogue ?)? Voila quelques questions, parmi d'autres, que 1'0n eut aime voir investiguees parl'auteur. Le livre de 1. Lukanc, on l'a dit, n'est pas sans merite. n fournit une percep-tion globalement correcte d'un phenomene qui a longtemps ete tres mal evalue.Comme l'auteur ne s'en cache pas, il s'agit d'ailleurs souvent des resultats degagespar I. Prokopov dont les ecrits, moins systematiques jusqu'a present sur ce sujet,n'ont pas encore connu la diffusion qu'ils meritent. C'est neanmoins un livre bacle.Non pas tant par ses defauts formels (parmi lesquels un francais souvent approximatifqui fait deplorer l' absence manifeste de relecture serieuse) que par ses carences de fond;materiel limite, mal mis en ceuvre et pas assez questionne, Francois DECALLATAY

William E. METCALF, The Silver Coinage of Cappadocia, Vespasian-Commodus.New York, The American Numismatic Society, 1996. 1 vol. 16,5 x 23,5 cm, XIV-I73p., 54 pl. (NUMISMATICNOTES AND MONOGRAPHS, 166). ISBN 0-89722-254-7.

Le tresor monetaire partiellement publie par W.E. Metcalf a ete trouve tresprobablement en 1980 pres de Cesaree (Cappadoce). n contenait peut-etre un totalproche de deux mille pieces. W.E. Metcalf ne propose pas d'hypothese pour expliquerson enfouissement. Peu apres sa decouverte, il fut divise a des fins commerciales enfonction des especes monetaires. Une partie fut publiee par W. Weiser en 1984, dansEA, 3, p. 109-132 (L'annexe 1, p. 147-148 demontre I'origine commune de ces deuxgroupes). D'autres pieces, enumerees p. 3-4, sont apparues depuis sur le marche desantiquaires. Ici sont editees et commentees 932 pieces d'argent parvenues a l' AmericanNumismatic Society: 931 didrachmes et 1 denier. L'auteur fournit d'abord uncatalogue complet des 932 pieces avec etude de coin, poids et axe. On regrettera que larigueur n'ait pas ete totale dans la redaction des notices (comparer, par exemple, n" 53-62 «Mt. Argaeus; on summit, Helios radiate standing 1., globe in r., scepter in 1.» et156 «Mt. Argaeus. On summit, nude figure, globe in 1., scepter in r.»). Toutes lesmonnaies sont excellemment reproduites, droit et revers, pl. 1-51. L'auteur ensuiteanalyse regne par regne les points notables des differentes emissions. n en tire dans undernier chapitre des conclusions generales sur le monnayage de Cappadoce. Celui-cietait exceptionnellement abondant et regulier, puisque presque sous chaque nouvelempereur un nouveau flot de monnaies etait mis en circulation (remarquons que,prudemment, l'auteur se refuse d'estimer le nombre de pieces frappees par la matrice).L'intervention de Rome etait forte, liee probablement sous Trajan, Marc Aurele etLucius Verus a des carnpagnes militaires, mais ceci n'etait pas la seule cause de cesemissions massives, comme le prouverait la plupart des types monetaires.iD'autresfacteurs, plus economiques, ont dfi entrer en jeu, comme la volonte de renforcer les