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Cancer du sein hyperéchogène

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Page 1: Cancer du sein hyperéchogène

Imagerie de la Femme 2005;15:243-5 Corrélation anatomo-radiologique 243© Masson, Paris, 2005

Corrélation anatomo-radiologique

Cancer du sein hyperéchogène

Philippe Vignal, Patrick Zemb, Danielle Juguet-Carfatan

Correspondance : Philippe Vignal, 33, rue Nicolo 75116 Paris.Email : [email protected]

Bien que l’aspect le plus commundu cancer du sein en échographie soitune masse hypoéchogène [1, 2], unehyperéchogénicité prédominante estvue dans de rares cas [3]. Dans uneétude antérieure [4] nous avonsaffirmé que le cancer du sein invasifétait hypoéchogène du fait de la pré-sence d’acide hyaluronique au seinde la matrice extracellulaire car sonimage échographique était similaire àla forme de cette même matrice. Àpartir d’un cas de cancer d’apparencehyperéchogène, nous avons fait unecoloration par le bleu alcian quicolore l’acide hyaluronique pour ten-ter de comprendre un aspect aussiinhabituel. Cette coloration a permisde mettre en évidence rétrospective-ment une composante hypoéchogèneriche en acide hyaluronique adjacenteà la composante hyperéchogène.

Matériel et méthode

Une patiente de 41 ans, sansantécédent familial de cancer dusein, a présenté un nodule palpabledans le quadrant externe du sein gau-che. À l’examen clinique, il n’y avaitni rétraction, ni cicatrice, ni douleur.Le nodule ne semblait pas adhérent àla peau. La mammographie (fig. 1)montrait une masse à densité hétéro-gène, aux contours mal définis, déve-loppée dans la graisse sous-cutanée.L’IRM était négative, montrant denombreux spots bilatéraux de carac-tère bénin. Après deux échographies

ayant conclu à un cancer hyperécho-gène (PZ, DJC), une troisième écho-graphie de contrôle (PV) a été faitedevant une conclusion aussi surpre-nante. Cette dernière a été effectuéeavec un appareil logic 7 (GE Health-care, Milwaukee, WI), équipé d’unesonde linéaire de 7 à 12 MHz, enmode harmonique. Elle a confirmé lesdeux échographies précédentes etmontré une masse hyperéchogène(fig. 2), ellipsoïde, plus large quehaute (1,10 × 0,74 cm), aux contoursmal définis. L’absence de capsule aéliminé d’emblée cette masse de laclassification BI-RADS 3 et uneponction à l’aiguille fine a été faiteimmédiatement. L’aiguille a été miseen plein milieu de la zone hyper-échogène par l’opérateur ayant faitl’échographie (PV). Le diagnostic demalignité a été immédiat : vastes pla-ges de cellules isolées pléomorphi-ques à gros noyau nucléolé (fig. 3).De nombreux lobules graisseuxétaient également présents. Aprèstumorectomie curage axillaire, lediagnostic final anatomo-pathologi-que a été celui de cancer invasif detype canalaire, SBR II, ganglionsnégatifs.

Une coloration par le bleu alcian(fig. 4a) a été faite sur des coupes his-tologiques pour une corrélation entrel’anatomopathologie, la mammogra-phie et l’échographie. Le bleu alcianest une coloration spécifique pourl’acide hyaluronique qui est coloré enbleu.

Nous avons comparé les coupesanatomo-pathologiques avec l’aspectéchographique et mammographique.

Résultats

Nous avons isolé 5 régions (a, b,c, d, e) sur la coupe histologique(fig. 4a) et tenté de les corréler à desrégions correspondantes sur les cou-pes échographiques et sur la mam-mographie.

Les régions a et b étaient consti-tuées de cellules malignes au sein d’unstroma collagénique riche en acidehyaluronique (fig. 5a), avec peu d’adi-pocytes.

La région c était faite d’îlots decellules malignes entourés de cellulesadipeuses (fig. 5b).

La région d était faite d’un stromacollagénique au sein d’agrégats d’adi-pocytes (fig. 5c). Enfin, la région eavait la forme d’une fente constituéepresque exclusivement de graisse.

Les régions c et d correspon-daient à l’évidence aux zones hyper-échogènes de l’échographie et à lazone hypodense centrale de la mam-mographie. Ceci était encore plusflagrant pour la seule zone c, encomparant les figures 2 et 4b : mêmeforme triangulaire, même taille(0,5 cm).

Les régions a et b pouvaient êtrevues rétrospectivement sur l’échogra-phie comme des régions hypoécho-gènes, d’emblée visibles comme des

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zones hyperdenses sur la mammogra-phie. La région e était clairementvisible sur les deux imageries, iso-échogène sur l’échographie et hypo-dense sur la mammographie.

Discussion

Il ressort de cette corrélation entrel’imagerie et l’anatomo-pathologie

que le cancer étudié n’était pas uncancer purement hyperéchogène. Larégion cancéreuse hyperéchogène de1,1 cm n’était qu’une partie d’un can-cer hétérogène plus étendu. En effet,la tumeur mesurait 1,9 cm compre-nant une zone isoéchogène (régions aet b) de 0,8 cm qui avait été manquéeen première lecture et une zonehyperéchogène de 1,1 cm. Rétrospec-tivement, la zone isoéchogène de latumeur était facile à retrouver dans lesrégions a et b.

Trois raisons pouvaient expli-quer cette erreur. D’abord, la zoneisoéchogène était côte à côte avec lazone hyperéchogène. Le plus sou-vent la partie hyperéchogène d’unetumeur entoure la région hypoécho-gène tel un halo hyperéchogène quicontraste avec la graisse environ-nante en dehors et la région carcino-

mateuse iso ou hypoéchogène endedans. Deuxièmement, la petitezone isoéchogène était développéedans la graisse sous-cutanée avec peude contraste entre les deux tissus,cancéreux et graisseux. Enfin, laponction à l’aiguille fine avait étéfaite exactement dans la zone hype-réchogène et contenait de nombreu-ses cellules carcinomateuses parmides lobules graisseux, éliminant lapossibilité d’un stroma interlobu-laire normal. L’erreur aurait pu êtreévitée en utilisant un coussin acous-tique, mais la vraie raison étaitl’aspect inhabituel de la tumeur.

Nous avions montré précédem-ment [4] que la présence d’acide hya-luronique pouvait expliquer l’hypo oul’isoéchogénicité des cancers invasifsdu sein. Ce cas confirme la récipro-que : l’absence d’acide hyaluronique

Figure 1. Mammographie zoom sur la tumeur. Figure 2. Masse hyperéchogène.

Figure 3. Aspect cytologique.

Figure 4. • a : coupe anatomopathologique colorée par le bleu alcian.• b : zoom sur la zone c.

ba

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fait qu’un cancer est hyperéchogène.En effet concernant l’échographie,il ressort de l’aspect histologique ducancer du sein de notre patiente quel’interface adipocytes – îlots de cellulesmalignes a créé une grande concentra-tion d’interfaces acoustiques, entraî-nant une réflexion accrue du faisceauultrasonore, avec pour résultat unezone hyperéchogène dans les régionsc et d. Comme l’impédance acousti-que de la graisse est très différente detous les autres tissus [5], et en particu-lier des cellules, la réflexion était aussiintense. À l’inverse, les régions isoé-chogènes (a et b) étaient acoustique-ment homogènes, car cellules collagè-nes et acide hyaluronique ont uneimpédance acoustique peu différente.Concernant la mammographie, il res-sort que l’hyperdensité (a et b), trou-vait son origine dans l’eau contenuedans les régions hydratées riches enacide hyaluronique et l’hypodensité (c,d, e) dans les régions graisseuses.

Nous pensons, tout comme Sta-vros [6] que les cancers purementhyperéchogènes n’existent pas. Pourêtre purement hyperéchogène, uncarcinome devrait ne contenir quedes cellules malignes au sein de cel-lules graisseuses. Ce type de carci-nome n’a jamais été décrit. Les cel-lules malignes ne peuvent survivre etproliférer dans un environnementgraisseux ; cet état est transitionnelet la graisse est vite remplacée par un

stroma riche en acide hyaluronique.Seul ce stroma fortement hydraté,induit par les cellules néoplasiqueselles – mêmes, permet une diffusionde l’oxygène et autres nutrimentsnécessaires à leur prolifération. Cetype de modification de la matriceextracellulaire est nécessaire pourproduire un environnement favora-ble à la prolifération, l’envahisse-ment carcinomateux, et à lanéoangiogénèse [7]. De fait, dansson étude Soon [3] a trouvé 31 can-cers avec une hyperéchogénicitémixte parmi 393 cancers entre 1994et 2002. Mais il a rapporté égale-ment 2 cas de cancers purementhyperéchogènes. Ces cas pourraientfaire partie des rares cas (5 %) decarcinomes décrits par Auvinen [8]avec un stroma pauvre en acide hya-luronique. Mais, sans aucune corré-lation anatomo-pathologique, cesdeux cas restent mal compris.

La connaissance et la compré-hension de la composante hyperé-chogène d’une tumeur sont essen-tielles car Stavros a affirmé quel’hyperéchogénicité homogène mar-quée était une caractéristique béni-gne avec une haute valeur prédictivenégative. La découverte d’un nodulehyperéchogène, implique un exa-men attentif de l’échographie afin dedétecter la présence d’une compo-sante hypoéchogène, en utilisant sipossible un coussin acoustique. Au

moindre doute, une ponction àl’aiguille fine est indiquée.

Références

[1] Fornage BD, Sneige N, Faroux MJ et al.Sonographic appearance and ultrasound-guided fine-needle aspiration biopsy ofbreast carcinomas smaller than 1 cm3. JUltrasound Med 1990;9:559-68.

[2] Stavros AT, Thickman D, Rapp CL et al.Solid breast nodules: use of sonographyto distinguish between benign and mali-gnant lesions. Radiology 1995;196:123-34.

[3] Soon PS, Vallentine J, Palmer A et al.Echogenicity of breast cancer: is it ofprognostic value? Breast 2004;13:194-9.

[4] Vignal P, Meslet MR, Romeo JM et al. JUltrasound Med 2002;21:532-8. Sono-graphic morphology of infiltrating breastcarcinoma: relationship with the shape ofthe hyaluronan extracellular matrix.

[5] Teubner J, Bohrer M, Van Kaick G et al.Correlation between histopathology andechomorphology in breast cancer. In:Madjar H, Teubner J, Hachelöer B (eds).Breast ultrasound update. Basel, Switzer-land: Karger 1994:63-74.

[6] Stavros AT (editors). Breast Ultrasound.Philadelphia, Lippincott Williams etWilkins, 2004: 508.

[7] Bertrand P, Girard N, Delpech B et al.Hyaluronan (hyaluronic acid) and hyalu-ronectin in the extracellular matrix of hu-man breast carcinomas: comparisonbetween invasive and non-invasive areas.Int J Cancer 1992;52:1-6.

[8] Auvinen P, Tammi R, Parkkinen J et al.Hyaluronan in peritumoral stroma andmalignant cells associates with breastcancer spreading and predicts survival.Am J Pathol 2000;156:529-36.

Figure 5. • a : cellules tumorales dans un stroma collagénique riche en acide hyaluronique.• b : nids de cellules tumorales entourées d’adipocytes.• c : stroma collagénique riche en acide hyaluronique au sein d’agrégats d’adipocytes.

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