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Cas clinique n° 2

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Page 1: Cas clinique n° 2

J Radiol 2005;86:516-9© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2005

jfr 2004

Cas clinique n° 2

C Granier, H Brunel, E Lebars et A Bonafe

Clinique

Patiente de 73 ans, hospitalisée en novem-bre 2002 pour crise tonico-clonique géné-ralisée, avec aphasie post-critique.Un scanner cérébral avec injection deproduit de contraste et une IRM crânio-encéphalique sont réalisés. Les donnéesde ce premier examen IRM sont stri-ctement superposables à l’examen decontrôle IRM pratiqué en août 2003.Dans l’intervalle de temps, l’état neurolo-gique est demeuré stable, la comitialitécontrôlée et il ne persiste qu’un discretmanque du mot.

Questions

1

°

Quelles hypothèses diagnostiquesévoquez-vous compte tenu des caractéris-tiques lésionnelles en imagerie morpho-logique, compte tenu de la durée del’évolution clinique ?2

°

Quels diagnostics écartez-vous ?3

°

Quel est l’apport au diagnostic de l’ima-gerie fonctionnelle ?

Réponses

1

°

Gliomatose cérébrale. Forme oligo-dendrogliocytaire, avec transformationmaligne en fin d’évolution.2

°

Gliome cérébral bas grade, encéphalitevirale, thrombose veineuse cérébrale.3

°

Apport spécifique de l’imagerie spec-troscopique.

Observation

Il s’agit d’une patiente âgée de 73 anshospitalisée en novembre 2002 pour l’ex-ploration d’une crise comitiale tonico-clonique généralisée, avec aphasie post-critique d’évolution favorable en quelquesjours.

L’interrogatoire de ses proches révèle destroubles de la personnalité évoluant de-puis plus d’un an avec notamment uneapathie. La patiente signale par ailleursdes céphalées persistantes depuis plu-sieurs mois.L’examen clinique objective de discretstroubles phasiques et un œdème papillairebilatéral.Un scanner cérébral avec injection deproduit de contraste iodé, réalisé en ur-gence, ne montre qu’une discrète hypo-densité mal limitée de la partie postérieu-re de l’hémisphère gauche associée à uneffet de masse modéré effaçant le carre-four ventriculaire gauche, sans rehausse-ment suspect. Une IRM cranio-encépha-lique complète le bilan. Les données de cepremier examen sont strictement super-posables à celles de l’examen de contrôleréalisé 9 mois plus tard en août 2003.Dans l’intervalle de temps, l’état neurolo-gique est demeuré stable, la comitialitécontrolée et il ne persiste qu’un discretmanque du mot.L’exploration IRM crânio-encéphalique(aimant de 1,5 Tesla (Philips Intera, Ver-sion 8.1), antenne tête réceptrice en qua-drature de phase) est réalisée, avec des sé-quences axiales en pondération T2,FLAIR, T1, Diffusion, suivies par uneacquisition volumique en écho de gra-dient pondérée T1 après injection de ga-dolinium

(fig. 1)

. Cet examen montre uneinfiltration des deux tiers postérieurs del’hémisphère cérébral gauche avec une at-teinte du splénium du corps calleux et desnoyaux gris centraux, sans rehaussementanormal. Le coefficient apparent de dif-fusion est augmenté dans l’ensemble duterritoire atteint.Un complément d’examen est réalisé parimagerie spectroscopique du proton 2D.L’imagerie spectroscopique (1 coupe)est obtenue avec une séquence PRESScomportant des gradients de codage dephase dans les deux directions du plan del’image. La résolution spatiale obtenue estde 2 cm

3

par voxel (FOV = 19 cm, codagede phase 16x16, épaisseur de coupe 1,5 cm).Deux imageries spectroscopiques sontréalisées pour un Temps de Répétition(TR) de 1530 ms, un Temps d’Echo (TE)de 136 ms puis un TE de 30 ms pour un

temps d’acquisition respectif de 6 min 38 spuis 6 min 13 s (1 excitation, bande passante1 kHz, échantillonnage 1 024 points). Lepositionnement du volume de l’imageriespectroscopique est basé sur les plans decoupe pour lesquels un hypersignal enFlair est visible.L’ensemble du traitement des donnéesest réalisé sur une station périphériquede type PC mise en réseau avec la conso-le d’acquisition. La visualisation del’imagerie spectroscopique, la mise enconcordance de l’image anatomiqueFlair avec l’image spectroscopique, ainsique le choix des voxels pour l’analysequantitative sont réalisés avec le logi-ciels

Spectro-Tools

(Version 2, Works inProgress Philips Medical System). Deuxvolumes de 25 voxels sont étudiés dansle plan de coupe : l’un est placé au seinde la zone en hypersignal Flair de l’hé-misphère gauche ; l’autre de façon sy-métrique au sein de l’hémisphère droit

(fig. 2a, 2b)

. En pratique, les résultats del’analyse quantitative des spectres sontreprésentés sous forme de rapportsd’un métabolite par rapport à un autre(Cho/Cr, Cho/NAA, NAA/Cr) et d’unmétabolite par rapport à la somme desmétabolites : NAA, Cho, Cr et Ino pourTE = 30 ms

(fig. 2c, 2d)

et NAA, Cho,Cr pour TE = 136 ms

(fig. 2e et 2f)

.L’analyse quantitative est effectuée avecles méthodes de quantification AMA-RES intégrées au logiciel j

MRUI

(1). Laquantification relative des différentsmétabolites étudiés est présentée dans le

tableau I

pour TE = 30 ms et le

tableau II

pour TE = 136 ms. Le

tableau III

rap-pelle les déplacements chimiques desprincipaux métabolites analysés. De-vant ce tableau clinico-radiologique,seul un traitement symptomatique estentrepris.À partir de mars 2004, le tableau cliniques’aggrave progressivement avec une ma-

Service de Neuroradiologie, Hôpital Gui de Chauliac, 80 Avenue Augustin Fliche, 34295 Montpellier.

Abréviations

NAA : N-acétylaspartateCho : CholineCr : CréatineIno : Myo-inositolS : Somme des métabolites

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Fig. 1 :a-b Coupes axiales en pondération FLAIR de 5 mm d’épaisseur. Infiltration tumorale en hyper signal par rapport au cortex cérébral intéres-

sant l’ensemble du lobe temporal gauche, l’uncus, l’hippocampe et une partie du lobe occipital avec un effet de masse modéré respon-sable d’un effacement des sillons corticaux et de la corne temporale. L’infiltration tumorale s’étend au splénium du corps calleux, au lobe pariétal gauche, à la partie postérieure du thalamus gauche, au bras postérieur de la capsule interne ainsi qu’au noyau lenticulaire et au cortex insulaire.

c-d Séquence tridimensionnelle pondérée T1 en écho de gradient après injection de chélates de gadolinium. Coupes axiales de 2,4 mm d’épaisseur. L’effet de masse sur le carrefour ventriculaire gauche est modéré, il n’existe pas de prise de contraste anormale.

a b c d

4,5 3,5 2,5 1,5 0,54 3 2 1 0

Fréquence (ppm)

Am

plitu

de (

–)

75

50

25

0

– 25

5 4 3 2 1 0 – 1

Fréquences (ppm)

Am

plitu

de (

–)

50

40

30

20

10

0

– 10

4 3 2 1 0

Fréquence (ppm)

Am

plitu

de (

–)

60

50

40

30

20

10

0

– 10

Fréquences (ppm)

5 4 3 2 1 0

Am

plitu

de (

–)

40

30

20

10

0

Tableau IQuantifications relatives des différentes métabolites analysés pour TE = 30 ms.

MétabolitesTE = 30 ms

Côté sain

Côté pathologique

NAA/S 0,602 0,499

Cr/S 0,161 0,187

Cho/S 0,083 0,101

Ino/S 0,153 0,211

Ino/Cr 0,95 1,12

Ino/NAA 0,25 0,42

Cho/Cr 0,52 0,53

Cho/NAA 0,14 0,20

NAA/Cr 3,74 2,65

Tableau IIQuantifications relatives des différents métabolites analysés pour TE = 136 ms.MétabolitesTE = 136 ms

Côté sain

Côté pathologique

NAA/S 0,614 0,421

Cr/S 0,19 0,312

Cho/S 0,19 0,267

Cho/Cr 0,97 0,85

Cho/NAA 0,31 0,63

NAA/Cr 3,16 1,35

Fig. 2 :

Position du volume d’intérêt spectroscopique :

a

sur l’hémisphère sain ;

b

sur l’hémisphère pathologique ;

c

spectre obtenu pour TE = 30 ms du côté sain ;

d

spectre obtenu pour TE = 30 ms du côté pathologique ;

e

spectre obtenu pour TE = 136 ms du côté sain ;

f

spectre obtenu pour TE = 136 ms du côté pathologique.

a bc de f

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joration des troubles phasiques et descéphalées. Une IRM de contrôle est réali-sée avec une séquence axiale en pondéra-tion FLAIR et une acquisition volumiquepondérée T1 en écho de gradient aprèsinjection de Gadolinium

(fig. 3a et 3b)

.Cet examen montre une extension de l’in-filtration tumorale ainsi que l’apparitiond’un nodule rehaussé en périphérie àcentre nécrotique.Des biopsies cérébrales en condition sté-réotaxique sont réalisées au décours de cetexamen sur la zone rehaussée par le pro-duit de contraste. L’analyse neuropatho-logique conclut à une prolifération tumora-le oligodendrocytaire anaplasique (gradeIII de l’OMS).L’ensemble des données cliniques, radio-logiques, spectroscopiques et histologi-ques permet de retenir le diagnostic degliomatose cérébrale avec transformationanaplasique au cours de son évolution.

Discussion

La gliomatose cérébrale (GC) est une néo-plasie neuro-épithéliale d’origine incon-

nue (classification WHO 1993) (2). Sonorigine est controversée : elle serait issuede la transformation néoplasique de cel-lules gliales de différents types histologiques(3), posant ainsi de nombreux problèmes decaractérisation neuropathologique et né-cessitant si possible la réalisation de biop-sies multiples.Cliniquement, il n’existe aucun signe spé-cifique. La GC atteint plutôt des sujetsjeunes, même si une survenue tardive estpossible, comme dans notre cas. Le débutdes troubles est progressif avec une dété-rioration mentale, des troubles de la per-sonnalité, une hypertension intra-crâ-nienne. Des signes neurologiques focauxapparaissent secondairement. L’atteinteneurologique n’est pas proportionnelle àl’atteinte radiologique (4).Actuellement, le diagnostic de GC est dif-ficile et repose sur l’association de critèresmorphologiques et histologiques (3). Ain-si, en IRM, les critères morphologiquessont les suivants : infiltration tumoralediffuse, extensive, atteignant plus de deuxlobes cérébraux, fréquemment bilatérale,avec une extension infra-tentorielle possi-ble, voire même médullaire. Les noyauxgris centraux, le corps calleux, le thala-mus, l’hypothalamus et le tronc cérébralpeuvent être concernés. L’histologie révèleune prolifération gliale oligodendrocytaireet/ou astrocytaire en général sans spécifi-cité, dont le grade OMS varie (II, III ouIV) (5).Chez notre patiente, l’IRM morphologi-que montre une atteinte de la substance

blanche et des noyaux gris centraux,en hyper signal en pondération T2 etFLAIR, en hypo ou iso signal T1, avecpeu d’effet de masse proportionnelle-ment à l’étendue de l’infiltration tumo-rale. L’infiltration tumorale sur la pre-mière IRM intéresse au moins quatrelobes contigus de l’hémisphère gauche(lobes temporal, occipital, pariétal et in-sulaire). Elle ne s’étend pas à l’hémisphè-re droit, mais envahit le splénium ducorps calleux. Initialement, il n’existe nirehaussement, ni zone de nécrose. Sur lecontrôle effectué un an plus tard, l’infil-tration tumorale s’est majorée tandisqu’est apparu un nodule nécrotique re-haussé par le contraste. Dans les donnéesde la littérature, une telle prise decontraste évoque une transformationanaplasique (5) : la biopsie cérébrale aconfirmé cette évolution dans notre ob-servation en révélant une proliférationtumorale de type oligodendrocytaireanaplasique.Après biopsie, l’association chez notre pa-tiente des critères morphologiques ethisto-pathologiques permet d’évoquer fa-cilement le diagnostic de gliomatose céré-brale. Mais avant de disposer des donnéesanatomo-pathologiques, un tel tableauclinique et morphologique pouvait faireévoquer aussi d’autres diagnostics, aupremier rang desquels figurent les glio-mes de bas grade (GBG), le lymphome cé-rébral (bien qu’il n’existe pas de rehausse-ment initial) et moins probablement lesleucoencéphalites virales, les leucodystro-

Fig. 3 :a Coupe axiale en pondération FLAIR de 5 mm d’épaisseur.

Par comparaison avec la figure 1b, il existe une nette extension de l’infiltration au sein des noyaux gris centraux, du splénium du corps calleux et de la substance blanche occipitale. De plus il existe un nodule en hyposignal au voisinage du carrefour ventriculaire gauche.

b Séquence tridimensionnelle pondérée T1 en écho de gradient après injection de chélate de gadolinium. Coupe axiale de 2,4 mm d’épaisseur.L’infiltration tumorale se manifeste par un hyposignal mal limité mieux visible que sur l’IRM initiale. Il s’y associe un nodule à centre nécro-tique, rehaussé par le produit de contraste au voisinage du carrefour ventriculaire gauche témoignant d’une dégénérescence anaplasique.

a b

Tableau IIIRappel du déplacement chimique des principaux métabolites observés.NAA 2,002 ppm

Cr 3,005 ppm

Cho 3,200 ppm

Ino 3,531 ppm

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phies, le syndrome CADASIL et l’infarc-tus cérébral d’origine veineuse (5).L’imagerie spectroscopique apporte des ar-guments supplémentaires pour le diagnos-tic de GC (6-8). Les principales modifica-tions spectrales décrites dans le cadre de laGC concernent les métabolites suivants (6) :– le N-Acétyl Aspartate (NAA) : mar-queur de l’intégrité neuronale, est dimi-nué dans les proliférations gliales, aussibien dans les GBG que dans la GC ;– la créatine (Cr) : reflet du métabolismeénergétique du tissu cérébral normal, estmoins diminué dans la GC que dans lesGBG, témoignant probablement du ca-ractère moins destructeur de la GC ;– la choline (Cho) : liée à l’activité mem-branaire est plus augmentée dans les GBGque dans la GC, vraisemblablement car ladensité tumorale est plus faible dans la GC ;– le myo-inositol (Ino) : marqueur del’activation gliale, est augmenté dans laGC et dans les GBG, mais pas dans les tu-meurs non gliales.L’étude des données de la spectroscopies’avère être particulièrement pertinentepar la détermination de plusieurs rap-ports des différents métabolites observés.Ainsi dans notre observation, le taux Cho/NAA est augmenté alors que le rapport

NAA/Cr est abaissé, ce qui plaide en fa-veur d’une origine tumorale (6, 7). L’aug-mentation à temps d’écho court des rap-ports Ino/NAA et Ino/Cr est concordanteavec une tumeur gliale (8). L’élévation durapport Cr/S par rapport au côté sain estplus en faveur d’une GC que d’un GBG(6). Par ailleurs, selon la littérature, l’élé-vation importante des rapports Cho/NAA (> 2,5) et Cho/Cr serait en faveurd’un haut grade histologique de la GC (7).Dans notre cas le rapport Cho/NAA estfaiblement augmenté (<1,3) et le rapportCho/Cr n’est pas modifié : ces données,ainsi que l’absence de lactate, sont en fa-veur d’une forme de bas grade commepouvait le laisser supposer l’absence deprise de contraste.Sur l’IRM de contrôle réalisée un an plustard, nous ne disposons pas d’acquisitionspectroscopique. L’évolution de ces rap-ports, après transformation anaplasique,n’a pu être étudiée.

Références

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