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© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 13-17 Actualités Maladies Respiratoires Revue des Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) Édition 2014 Interactions Muscles et Respiration Paris, 21 et 22 mars 2014 Coordonnation : B. Maître, F. Chabot 2014 1 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Cas clinique n° 2 Myasthénie D. Orlikowski 1,* , H. Prigent 2 1 Service de réanimation, Hôpital Raymond Poincaré, AP-HP, 104 boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches 2 Service d’exploration fonctionnelle, Hôpital Raymond Poincaré, AP-HP, 104 boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches Commentaires Pensez-vous que le diagnostic de myasthénie peut être retenu ? Prévoyez-vous d’autres examens complémentaires ? Outre les aspects cliniques, le diagnostic de certitude est apporté par un dosage positif d’anticorps anti-RaCh ou anti-MusK. Ceci ne pose pas de problème chez un patient ayant une myasthénie déjà connue. Dans le cas d’une myasthénie de découverte récente ou suspectée, l’obtention des dosages peut être retardée de plusieurs semaines. Le diagnostic va donc reposer sur un faisceau d’arguments et d’examens complémentaires. En premier lieu, l’électromyogramme va être demandé à la recherche d’un bloc de conduction neuromusculaire post-synaptique. Celui consiste à stimuler électriquement à basse fréquence (3 Hz) un nerf moteur et recueillir le potentiel d’action résultant. En cas de bloc post-synaptique, on observe un décrément du potentiel d’action d’au moins 10 % d’amplitude. Cet examen n’est pas spéciÀque et peut être pathologique dans d’autres maladies neuromusculaires. En cas de négativité, cet examen peut être complété par un test électrophysiologique dit en Àbre unique [1]. Un test aux anticholinestérasiques d’action rapide peut être utilisé avec l’edrophonium (Tensilon ® , Reversol ® , Enlon ® ). Ce test utilise des produits bloquant l’acétylcholinestérase qui dégrade l’acétylcholine dans la synapse et augmente transitoirement le taux d’acétyl- choline et donc la contraction musculaire. Ce test n’est pas spéciÀque et une réversibilité franche et transitoire (quelques minutes) des symptômes doit être observée pour qu’il soit concluant [2]. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Orlikowski)

Cas clinique n° 2 Myasthénie

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Page 1: Cas clinique n° 2 Myasthénie

© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 13-17

ISSN 1877-1203

www.splf.org

Actualités

Maladies

RespiratoiresRevue

des

Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP)

Édition 2014Interactions Muscles et RespirationParis, 21 et 22 mars 2014

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires

Respiration

Amplituderespiratoire

Ventilationalvéolaire

Mécanorécepteursdes poumons et

des mucles respiratoires

Coordonnation : B. Maître, F. Chabot

8456

9

mars

Vol 6 2014 n°1

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Cas clinique n° 2 Myasthénie

D. Orlikowski1,*, H. Prigent2

1Service de réanimation, Hôpital Raymond Poincaré, AP-HP, 104 boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches2Service d’exploration fonctionnelle, Hôpital Raymond Poincaré, AP-HP, 104 boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches

Commentaires

Pensez- vous que le diagnostic de myasthénie peut être retenu ? Prévoyez- vous d’autres examens complémentaires ?

Outre les aspects cliniques, le diagnostic de certitude est apporté par un dosage positif d’anticorps anti- RaCh ou anti- MusK. Ceci ne pose pas de problème chez un patient ayant une myasthénie déjà connue. Dans le cas d’une myasthénie de découverte récente ou suspectée, l’obtention des dosages peut être retardée de plusieurs semaines. Le diagnostic va donc reposer sur un faisceau d’arguments et d’examens complémentaires.

En premier lieu, l’électromyogramme va être demandé à la recherche d’un bloc de conduction neuromusculaire post- synaptique. Celui consiste à stimuler électriquement à basse fréquence (3 Hz) un nerf moteur et recueillir le potentiel d’action résultant. En cas de bloc post- synaptique, on observe un décrément du potentiel d’action d’au moins 10 % d’amplitude. Cet examen n’est pas spéci que et peut être pathologique dans d’autres maladies neuromusculaires. En cas de négativité, cet examen peut être complété par un test électrophysiologique dit en bre unique [1].

Un test aux anticholinestérasiques d’action rapide peut être utilisé avec l’edrophonium (Tensilon®, Reversol®, Enlon®). Ce test utilise des produits bloquant l’acétylcholinestérase qui dégrade l’acétylcholine dans la synapse et augmente transitoirement le taux d’acétyl-choline et donc la contraction musculaire. Ce test n’est pas spéci que et une réversibilité franche et transitoire (quelques minutes) des symptômes doit être observée pour qu’il soit concluant [2].

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Orlikowski)

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14 D. Orlikowski et al.

Quelle est votre attitude ? Effectuez- vous d’autres examens ?

Devant cette crise myasthénique avec des signes respiratoires de gravité malgré un traitement bien conduit, la patiente est intubée et ventilée de façon mécanique puis transférée en réanimation. Le bilan étiologique s’avère négatif, ne trouvant aucune porte d’entrée infectieuse. Le scanner thoracique con rme l’existence d’une masse médiastinale rétrosternale évocatrice d’une lésion thymique.

Quelle est votre proposition sur le traitement de fond ?

Devant les crises myasthéniques répétées, l’introduction d’un traitement de fond par corticothérapie et immuno-suppresseur par azathioprine est décidée après réalisation d’une thymectomie.

L’évolution va être lentement favorable avec une amé-lioration progressive permettant l’extubation de la patiente, la reprise d’une alimentation orale puis sa sortie à domicile sous un traitement de fond associant anticholinestérasique, corticothérapie et azathioprine.

Myasthénie auto- immune : généralités

La myasthénie généralisée (MG) auto- immune est la pathologie la plus fréquente de la jonction neuromus-culaire avec une incidence de 1 pour 20 000, ce qui en fait une pathologie rare. Le sex ratio F/H est de 3 : 2 avec un début de la maladie qui tend à être plus précoce chez les femmes que chez les hommes (2e décade versus 4e décade). Cependant, il n’est pas rare que la MG touche des patients des 2 sexes âgés, voire très âgés, de façon inaugurale. C’est une pathologie auto- immune liée à des auto- anticorps dirigés directement contre le récepteur de l’acétylcholine (RaCh) dans plus de 80 % des cas et contre la muscle speci c tyrosine kinase (MusK) dans environ 10 % des cas. Ceci explique le caractère post- synaptique du bloc de transmission neuromusculaire [3]. Il existe une forte association avec des pathologies thymiques (hyperplasie

notamment chez les patients de moins de 40 ans) et des thymomes (environ 10 % des cas). Comme toute pathologie auto- immune, elle est fréquemment associée à d’autres pathologies auto- immunes (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, polymyosite, anémie de Biermer, etc.). C’est une pathologie chronique dont le risque évolutif va être la survenue de poussée ou de crise myasthénique pouvant conduire le patient en réanimation.

Aspects cliniques

Par dé nition, les signes neurologiques de la MG sont pure-ment moteurs. Du fait de la physiopathologie de la maladie, seuls les muscles de la musculature striée vont pouvoir être touchés. L’évaluation de la sévérité de l’atteinte se fait grâce à plusieurs scores dont le score Myasthenia Gravis Muscular Score (MMS) que nous utilisons (Tableau 1). Certains groupes musculaires vont être atteints préférentiellement, ceci de façon isolée ou combinée. Deux grandes formes cliniques peuvent ainsi être distinguées, la myasthénie oculaire ne touchant que les oculomoteurs (atteinte le plus souvent inaugurale) et la myasthénie généralisée touchant également les autres groupes musculaires. Ainsi peuvent être concernés les muscles oculomoteurs (diplopie et ptosis), les muscles faciaux (dif cultés à fermer les lèvres, à sif er, faciès tombant), les muscles bulbaires (troubles de déglutition, mastication, phonation), les muscles des membres (le plus souvent atteinte proximale, symétrique des racines), les muscles axiaux (nuque tombante, dé cit du tronc ou des muscles lombaires) et les muscles respiratoires.

La myasthénie auto- immune est une pathologie carac-térisée par son évolution uctuante émaillée de poussées pouvant mettre en jeu le pronostic vital lorsque celles- ci s’accompagnent d’une atteinte respiratoire. L’atteinte respiratoire qui fait toute la gravité de la pathologie peut concerner à la fois les muscles inspiratoires et expiratoires mais également les muscles de la toux. Elle peut conduire à l’arrêt respiratoire en l’absence de ventilation mécanique. L’association de troubles de déglutition est un élément sup-plémentaire de sévérité dans ce contexte. La caractéristique principale de cette atteinte motrice est sa prédominance vespérale maximale en n de journée et à l’effort s’amé-liorant avec le repos mais surtout uctuante.

Tableau 1. Médicaments contre- indiqués au cours de la myasthénie.

Médicaments strictement contre- indiqués

Béta- bloquants(collyres y compris)Curares Dantrolène

Aminosides injectablesColimycine PolymyxineCyclines injectablesQuinine – Chloroquine

D- pénicillamine, ProcaïnamideDiphényl- hydantoïneTriméthadioneQuinidine

Médicaments nécessitant des précautions d’emploi

BenzodiazépinesNeuroleptiques

PhénothiazinesCarbamazépine

FluoroquinolonesAminosides locaux

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Cas clinique n° 2 — Myasthénie 15

Poussées myasthéniques

Une poussée myasthénique se dé nit par la survenue de nouveaux symptômes ou l’aggravation d’un dé cit pré- existant. Elle se distingue ainsi des uctuations habituelles de la symptomatologie et des dégradations plus progressives. Son diagnostic est clinique, aucun examen paraclinique n’est nécessaire pour la con rmer. La crise myasthénique est dé nie par la survenue d’une insuf sance respiratoire aiguë imposant le recours à la ventilation mécanique [4].

La survenue d’une poussée myasthénique doit faire systématiquement rechercher un facteur déclenchant. En effet, dans plus de 70 % des cas, un événement peut être rattaché à l’aggravation. Dans 30 à 40 % des cas, il s’agit d’un événement infectieux (viral ou bactérien), le plus souvent d’origine pulmonaire [4,5]. Une interaction médicamenteuse doit être recherchée de façon systématique, de nombreux médicaments étant susceptibles d’aggraver la myasthénie par leur action sur la jonction neuromusculaire (Tableau 1) [6,7]. Les modi cations du traitement de fond immunosuppresseur au moment de leur décroissance peuvent être à l’origine d’aggravation parfois brutale.

La crise cholinergique est classiquement décrite comme une complication rare pouvant être à l’origine d’une crise myasthénique par la survenue d’une hypersécrétion bronchique induisant une insuf sance respiratoire, et suspectée devant la présence de signes de surdosage à type d’hypersalivation, de diarrhées, de crampes, de sueurs et de fasciculations [8]. Il est en fait fréquent d’observer des signes de surdosage en anticholinestérasiques, les patients ayant souvent tendance à augmenter d’eux- mêmes leur posologie devant l’aggravation de leurs symptômes. Ces signes de surdosage impliquent une diminution, voire l’arrêt transitoire du traitement par anticholinestérasiques et contre- indiquent la réalisation d’un test à la physostigmine qui, dans ces circonstances, pourrait paradoxalement aggraver les patients. La période péri- opératoire constitue une période à risque pour les patients myasthéniques qui doivent être surveillés de façon attentive en post- opératoire immédiat. De plus, la survenue d’une décompensation ou l’impossibilité de sevrage ventilatoire au décours d’une intervention chirurgicale doivent faire rechercher une complication en particulier infectieuse. La recherche d’un thymome associé doit être systématique si la crise est inaugurale ou si elle n’a pas été effectuée aupara-vant. L’identi cation d’un facteur déclenchant est capitale car son éradication, lorsqu’elle est possible, fait partie à part entière du traitement de la crise myasthénique.

Quel que soit le facteur déclenchant, l’aggravation rapide d’un dé cit musculaire en particulier cervical, l’apparition de troubles de déglutition (surtout s’ils gênent la prise du traitement pouvant ainsi accélérer l’aggravation de la symptomatologie) et la survenue de symptômes respiratoires chez un patient myasthénique signent une déstabilisation de la maladie et imposent l’hospitalisation du patient en urgence dans une unité de surveillance étroite (réanimation ou post- réanimation). Pendant cette période instable, la grande labilité de la symptomatologie impose la plus extrême prudence pour le transport de ces patients qui devra être médicalisé, en particulier en cas de symptomatologie respi-ratoire même si celle- ci n’est que subjective (attention à la « gêne expiratoire » exprimée par le patient myasthénique !).

Il faut de plus signaler l’importance de respecter pendant ce transport la position du patient si celui- ci a une orthopnée.

L’insuf sance respiratoire au cours de la myasthénie résulte d’une parésie des muscles respiratoires. Son expression est souvent fruste, pouvant se manifester par une simple diminution de l’ampliation thoracique et ne doit pas faussement rassurer les praticiens prenant en charge ces patients, la présentation du patient myasthénique étant moins « spectaculaire » que celle des décompensa-tions respiratoires d’origine obstructive [9]. Les sensations d’oppression thoracique et d’encombrement ressenties par le patient doivent alarmer le clinicien. À la phase de détresse respiratoire, la dyspnée est souvent discrète, mais la tachypnée est fréquente et l’orthopnée signe l’atteinte diaphragmatique. La mise en jeu des muscles respiratoires accessoires est tardive et doit faire craindre un arrêt respi-ratoire imminent [10]. Le meilleur outil d’évaluation objectif du syndrome restrictif et de son évolution est la mesure de la capacité vitale (CV). Celle- ci pouvant facilement être réalisée au lit du malade au moyen de spiromètres portables, elle est un outil de surveillance à part entière [10,11]. Les variations importantes de la CV doivent faire craindre la survenue d’une détresse respiratoire. La mesure du débit expiratoire de pointe ne peut pas lui être substituée, celle- ci n’ayant aucune valeur prédictive dans cette pathologie.

Parallèlement à l’atteinte respiratoire, le dé cit mus-culaire périphérique doit être scrupuleusement évalué et surveillé. Il dé nit la gravité de la poussée et peut contribuer à la survenue d’une crise. En effet, les troubles de la déglu-tition peuvent participer et entretenir l’atteinte respiratoire en favorisant l’encombrement bronchique et la survenue de surinfections pulmonaires. De plus, ils peuvent empêcher le patient de prendre son traitement habituel, pérennisant, voire aggravant la symptomatologie [5]. Leur dépistage précoce est important pour prescrire une éventuelle mise au repos et une alimentation entérale par sonde nasogastrique. Le score myasthénique constitue alors un outil important d’évaluation de l’atteinte musculaire mais également de surveillance de l’évolution de la maladie, que ce soit en phase aiguë ou de manière chronique (Tableau 2) [6].

Tout appel d’un patient myasthénique pour une aggra-vation rapide et récente de sa symptomatologie doit béné- cier d’une évaluation clinique pour rechercher des signes de gravité, à la fois des symptômes et de leur cinétique. Une simple évaluation téléphonique expose à un risque de sous- estimation du diagnostic de poussée, voire de crise myasthénique, et peut conduire à des erreurs d’orientation. De plus, du fait du caractère chronique de la maladie, une grande partie des patients connaissent bien leur symptomato-logie et leur appel aux structures d’urgence dénote déjà une modi cation inhabituelle, voire inquiétante des symptômes.

Prise en charge de la crise myasthénique

Le traitement de la crise myasthénique est avant tout symp-tomatique. Il consiste en premier lieu à la mise au repos du patient. La présence de troubles de déglutition, mettant en péril les voies aériennes supérieures et empêchant la prise des traitements, impose la mise en place d’une sonde

Page 4: Cas clinique n° 2 Myasthénie

16 D. Orlikowski et al.

Tableau 2. Score myasthénique musculaire.

Membres supérieurs étendus à l’horizontale (en position assise)

pendant 150 secpendant 100 secpendant 50 sec

15105

Membres inférieurs cuisse à 90°, jambes à 90° (en position couchée)

pendant 75 secpendant 50 secpendant 25 sec

15105

Flexion de la tête (en position couchée)

contre résistancesans résistanceimpossible

1050

Passage de la position couchée à la position assise

possible sans l’aide des mainsimpossible sans l’aide des mains

100

Occulomotricité extrinsèque

normaleptsosis isolédiplopie

1050

Occlusion palpébrale

complète incomplète (mais avec recouvrement palpébral)nulle (sans recouvrement palpébral)

1050

Mastication

normalediminuéenulle

1050

Déglutition

normaledysphagie sans fausse routedysphagie avec fausse route

1050

Phonation

voix normalevoix nasonnéeaphonie

1050

Score /100

nasogastrique. La surveillance du dé cit musculaire et d’une éventuelle atteinte respiratoire doit être au minimum quotidienne et scrupuleuse tant que persistent les troubles.

L’éradication d’un éventuel facteur déclenchant est impé-rative : traitement d’une infection, arrêt d’un médicament contre- indiqué, ré- équilibration du traitement de fond…

L’indication de la ventilation mécanique repose à la fois sur des critères cliniques et spirométriques. Elle est indiquée en présence de signes de détresse respiratoire (polypnée, orthopnée, dif culté ou impossibilité à la parole, toux inef- cace, encombrement important…), devant une capacité vitale inférieure à 30 % de la valeur prédite et/ou à 15 ml/kg, une pression expiratoire maximale inférieure à 40 cmH2O, une pression inspiratoire maximale inférieure à –20 cmH2O et/ou une hypercapnie [4,7].

L’hypercapnie étant tardive, elle ne doit pas être atten-due pour procéder à l’intubation, mais sa présence est un critère de gravité de l’atteinte respiratoire. L’utilisation de la ventilation non invasive n’est pas à l’heure actuelle préconisée chez ces patients du fait du risque d’épuisement secondaire à la labilité de leur pathologie neuromusculaire et des fréquents troubles de déglutition pouvant gêner la mise en œuvre et l’exécution de la VNI. Néanmoins, elle a été proposée dans de récents travaux dont les résultats sont à con rmer. Sa mise en œuvre ne doit s’envisager que sous une surveillance rapprochée en unité de réanimation ou de soins intensifs [12-14].

Le traitement spéci que de la crise repose sur les échanges plasmatiques (EP) et les immunoglobulines intra- veineuses (Ig IV). Les deux traitements ont montré leur ef cacité avec une amélioration dans 70 à 75 % des cas dès le deuxième ou troisième échange pour les EP et dans 76 % des cas avec un traitement à la dose 0,4 g/kg/j pendant 5 jours pour les Ig IV [4,5]. Le choix se fera essentielle-ment en fonction de la disponibilité des traitements et du respect de leurs contre- indications respectives (absence d’abord vasculaire suf sant et infection évolutive pour les EP, insuf sance rénale et risque théorique de trans-mission d’agent pathogène pour les Ig IV). En n, la crise impose un traitement de fond avec une adaptation de la répartition des anticholinestérasiques, une introduction ou une majoration de la corticothérapie (habituellement initialisée à la dose de 1 mg/kg/j) et l’introduction d’un traitement par immunosuppresseurs, habituellement par aziathropine. Toute diminution de ces thérapeutiques ne peut s’envisager qu’après une longue période de stabilité (à partir du deuxième mois pour les corticostéroïdes et après un an pour les immunosuppresseurs).

La recherche d’une anomalie thymique est systématique. Un thymome sera opéré systématiquement et chez les patients dont l’âge est inférieur à 40 ans avec des anticorps anti- RaCh positif, il est recommandé de pratiquer une thymectomie dans le but de stabiliser la maladie sur le long terme [15].

L’éducation des patients quant à leur pathologie et la bonne appréciation de leurs symptômes est essentielle ; un livret d’information spéci que des patients myasthéniques a été récemment établi par le ministère de la Santé et peut être remis aux patients pour améliorer leur prise en charge.

Liens d’intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.

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Cas clinique n° 2 — Myasthénie 17

Références

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