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Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg Y. Thibout a *, B. Mennecier b a Service de Pneumologie, CHU de Lyon, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495, Pierre-Bénite cedex b Service de Pneumologie, CHRU Hôpital Civil de Strasbourg, 1, Place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Thibout) © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 8-13 M onsieur K. R. est un patient de 52 ans, tabagique à 2 paquets par jour sevré depuis un an. Il n’a pas d’antécédent notable et exerce la profession d’installateur sanitaire. Il présente depuis 3 semaines une toux avec des expectorations hémoptoïques. À l’examen clinique, on note un index de Karnofsky à 90 %, un poids de 88 kg pour 1 m 70 sans amaigrissement récent, et une adénopathie sus-claviculaire droite de 2 cm de grand axe. Les biopsies bronchiques concluent à un carcinome bronchique à petites cellules. Le dosage de la NSE est à 49 µg/l (n < 12). Le scanner cérébral et abdominal est sans particularité. La biopsie ostéo-médullaire est normale. L’iconographie des différents examens complémen- taires est représentée en figure 1. Discussion par Y. Thibout (Lyon) Question 1 Quelle(s) situation(s) correspond(ent) au stade limité ? A - Adénopathie médiastinale controlatérale B - Adénopathie sus claviculaire controlatérale C - Atteinte de la plèvre D - Champ d’irradiation complexe E - Atteinte médiastinale vasculaire La bonne réponse est la E. La classification des CBPC la plus utilisée est celle des Vétérans (VASLG), qui date des Figure 1 Données du bilan initial. A : radiographie thoracique. B : tomographie par émission de positons (TEP). C et D : scanner thoracique. E : aspect en fibroscopie bronchique.

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Cas clinique n °2 proposé par l’équipe de Strasbourg

Y. Thibouta*, B. Mennecierb

a Service de Pneumologie, CHU de Lyon, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495, Pierre-Bénite cedex b Service de Pneumologie, CHRU Hôpital Civil de Strasbourg, 1, Place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg

* Auteur correspondant. Adresse e-mail :[email protected](Y.Thibout)

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

RevuedePneumologieclinique(2009)65,8-13

Monsieur K. R. est un patient de 52 ans, tabagique à2paquetspar jour sevrédepuisunan. Il n’apas d’antécédent notable et exerce la profession

d’installateursanitaire.Ilprésentedepuis3semainesunetouxavecdesexpectorationshémoptoïques.Àl’examenclinique,onnoteunindexdeKarnofskyà90%,unpoidsde88kgpour1m70sansamaigrissementrécent,etuneadénopathie sus-claviculairedroitede 2 cmde grandaxe.Lesbiopsiesbronchiquesconcluentàuncarcinomebronchiqueàpetitescellules.Ledosagede laNSEestà 49 µg/l (n < 12). Le scanner cérébral et abdominalest sans particularité. La biopsie ostéo-médullaire est normale.

L’iconographiedesdifférentsexamens complémen-taires est représentée en figure 1.

Discussion par Y. Thibout (Lyon)

Question 1

Quelle(s) situation(s) correspond(ent) au stade limité ?

A-Adénopathiemédiastinalecontrolatérale•B-Adénopathiesusclaviculairecontrolatérale•C - Atteinte de la plèvre•D-Champd’irradiationcomplexe•E - Atteinte médiastinale vasculaire•

LabonneréponseestlaE.LaclassificationdesCBPClaplus utilisée est celle des Vétérans (VASLG), qui date des

Figure 1 Donnéesdubilaninitial.A:radiographiethoracique.B:tomographieparémissiondepositons(TEP).CetD:scannerthoracique.E:aspectenfibroscopiebronchique.

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années1960 [1].Danscetteclassification, ladéfinitiondes stades limités est très restrictive, n’acceptant qu’une adénopathiesus-claviculairehomolatérale,unseulchampd’irradiation et l’absence de pleurésie néoplasique. La définitiondustadelocaliséproposéeparl’IASLC[2]estpluslargeetacceptelesadénopathiessus-claviculairehomo-oucontrolatérales,lesadénopathiesmédiastinalesouhilairescontrolatérales,etuneatteintepleuralehomolatérale.Enpratiqueclinique,onconsidèresouventqu’unCBPCestlimités’ilestincluabledansunseulchampd’irradiation.L’atteinte pleurale fait donc souvent classer la tumeur comme disséminée. Ce problème de l’atteinte pleurale aétéétudiédansuntravailrétrospectifdeCBPCn’ayantqu’une pleurésie comme site « métastatique » [3]. Entre juillet 1995 et décembre 2003, 56 patients ont été étudiés et divisés en 3 groupes : le groupe A (n = 23) avait été traité parradiochimiothérapie, legroupeB(n=8)parchimio-thérapieseuleavecunedisparitiondelapleurésie,etlegroupe C (n=25)parchimiothérapieseulesansdisparitionde la pleurésie. La survie médiane était respectivement de 19,2mois(A),14,7mois(B)et9,2mois(C);lasurvieà3ansétaitde22%(A),13%(B)et8%(C).Ilétaitégalementnoté4longssurvivantsàplusde5ans.Cesrésultatssuggèrentdoncqu’unCBPCavecpleurésienéoplasiquepeutêtretraitépar radiochimiothérapie,avecdes tauxdesurviesupérieursàunesimplechimiothérapie.

Question 2

Parmi ces examens, lequel (lesquels) réalisez-vous systématiquement dans le cadre d’un CBPC ?

A - TEP scan•B-Explorationmédullaire(myélogrammeoubiopsie•

ostéo-médullaire)C - NSE•D-TDMouIRMcérébrale•E-Ponction d’une adénopathie périphérique•

superficielleF-J’arrêtelesexamensaupremiersitemétastatique•

LesbonnesréponsessontlesA,B,D,E,F.Eneffet,unerechercheexhaustiveestnécessaireencasd’inclusiondansunessai thérapeutique,Horsessai,unecertaine logique«coût/bénéfice»peutjustifierd’arrêterlebiland’extensiondèsladécouverted’unsitemétastatique(horspointd’appel).L’exploration médullaire est la dernière étape en raison de son caractère invasif, mais il faut cependant rappeler que la moelle osseuse est un des sites métastatiques les plus fréquentsaudiagnosticdeCBPC.Concernantledosagedesmarqueurs tumoraux comme la NSE, il n’est pas nécessaire pour le diagnostic, le pronostic ou le suivi (SPLF 1997).

Revenonsàl’iconographie,laradiopulmonaireretrouveunevolumineuseopacitésus-hilairedroitequisembledébor-derenparatrachéalgauche,avecuneprobableatélectasiedulobesupérieurdroit.Lescoupesduscannerconfirmentlesimages radiologiques avec un volumineux complexe ganglio-tumoralpré-etparatrachéaldroit,avecunenvahissementde la veine cave supérieure qui reste perméable et une

atélectasie du lobe supérieur droit. D’après l’endoscopie, on aurait un envahissement de l’arbre bronchique quiremonteraitjusqu’auxbronchessouchesdroites.AuniveauduTEPscan,onretrouveunefixationdutraceurauniveaudu complexe ganglio-tumoral primitif et au niveau de deux adénopathiessus-claviculairesdroites.

Question 3

Devant ce CBPC limité au thorax chez ce patient PS 1 de 52 ans, quel traitement effectuez-vous ?

A-Cisplatine VP16 et radiothérapie thoracique•concomitante

B-Carboplatine VP16 et radiothérapie thoracique•concomitante

C-Platine VP16 et radiothérapie thoracique•séquentielle

D-PCDE et radiothérapie thoracique intercalée ou•séquentielle

E-Autre chimiothérapie à base d’anthracycline et•radiothérapiethoraciqueséquentielle

La bonne réponse est la A. Le traitement des formes limitéesdesCBPCestpotentiellementcuratif.Ilfautdoncprivilégier l’intensitéet l’efficacitédutraitementsur latoxicité.Lachimiothérapiedesformeslimitéesreposesur4cyclesdecisplatineàdosesmoyennes(80-100mg/m²)associéà l’etoposide,J1,J2,J3–J22.Lecisplatinedoitêtre préféré quand cela est possible au carboplatine car auraitunemeilleureefficacité.Lecarboplatinedoitêtreréservé aux cas de contre-indication au cisplatine (comme l’insuffisancerénale)etausujetâgé(>70ans).

Leprotocoleassociantcisplatine,etoposide,cyclophos-phamide,adriamycine(PCDE)aéténotammentproposéparPujoletal[4]danslesCBPCdiffus.L’étudecomportait226CBPCdestadedisséminé,avecrandomisationentreunbrascontrôletraitéparcisplatine100mg/m²J2etetoposide100mg/m²J1-J3,etunbrasexpérimentaltraitéparcisplati-ne-etoposideauxmêmesdosesassociésaucyclophosphamide400mg/m²J1-J3etàl’adriamycine40mg/m²J1.Letraite-mentétaitrépététousles28jourspour6cyclesdansles2bras. Les taux de réponse et de survie étaient en faveur du bras PCDE avec un taux de réponse complète de 21 % versus 13%,untauxderéponsepartiellede55%versus48%,unesurvieà1ande40%versus29%,etunemédianedesurviede 10,5 mois versus 9,3 mois (p = 0,007). Cependant, cette étude ne concernait que des formes disséminées, et n’est pas compatibleavecuneradiothérapiethoraciqueconcomitantedufaitdelatoxicitédesanthracyclines.

Lesautresassociationsàbased’antracyclinenesontpassupérieuresàcisplatine-VP16etnepermettentpasuneradiothérapieconcomitante.

LaradiothérapiethoraciquedanslesformeslimitéesdeCBPCjoueunrôlemajeur,carelleaugmentelecontrôlelocal[5],etaugmentelasurvieà2et3ansde5%[6].Laméta-analysedePignonetal.[7]aainsidémontréunbénéficeentermesderisquerelatifdedécèspourlachimiothérapieassociéeàlaradiothérapiethoraciquecomparéeàlachimio-thérapieseule(RR=0,86,p = 0,001). Cette association de

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10 Y.Thibout,etal.

radiochimiothérapieentraîneparailleursuneaugmentation« acceptable » des toxicités muqueuses et médullaires (qui sontmajoréessionyassocieuneanthracycline).Sielleestdélivrée précocement (avant la 9e semaine) en même temps quelachimiothérapie,ellepermetenoutred’augmenterlasurvieà2ans[8].Cebénéficedisparaîtenrevancheencasd’utilisationd’anthracyclines.Lemomentd’administrationdelaradiothérapieparrapportàlachimiothérapieestdis-cuté.Uneradiothérapieconcomitanteauraitunemeilleureefficacité[9].Unschémaderadiothérapiealternéaveclachimiothérapieseraitassociéparailleursàunemoindretoxicité[10],etpourraitdoncavoirunintérêtchezlesujetâgé(>70ans)ouavecunmauvaisétatgénéral(PS>2).Eneffet,Arriagadaetal.ontainsipuobteniravecceschémauntauxderéponsecomplètede70%etunesurvieà5ansde18%[10].Leschémaséquentielseraréservéquantàluiausujetâgé(>70ans)ouavecunmauvaisétatgénéral(PS>2).Dans letraitementdesformes limitées, ladoseestde50à60Gy.Leschémabi-fractionnépourraitêtreplusefficacequ’unfractionnementclassique.Ainsi,Turrisiet al. [11] ont obtenu une médiane de survie de 23 mois dansleschémabi-fractionnéversus19mois,etunesurvieà5ansde26%versus16%(p=0,04).Onnotecependantqueceschémabi-fractionnéestassociéàuneplusgrandetoxicité. Au niveau européen, une étude anglaise menée en collaboration avec le GFPC est actuellement en cours (étude CONVERT),comparantunschémaconventionnelàunschémabi-fractionnédanslesCBPClocalisés.

Question 4

À propos de l’irradiation cérébrale prophylactique (ICP) dans le CBPC limité : quand l’effectuez-vous et chez quels patients ?

A-Chez les répondeurs complets ou presque•complets

B-Chezlesrépondeurspartiels•C-Cheztous,enmêmetempsque laradiothérapie•

thoraciqueetlachimiothérapieD-A distance de la chimiothérapie, après le bilan•

d’évaluationE-Jenefaispasd’ICP•

Les bonnes réponses sont A et D. L’irradiation cérébrale prophylactique(ICP)permeteneffetuneréductiondutauxderechutecérébraleetuneaméliorationdelasurvieà3anschezdespatientsenrémissioncomplète[12].CetteICPnedoitpasêtreréaliséeencoursdechimiothérapiecarresponsablealorsd’une surtoxicité neurologique [13]. La dose standard n’est pas clairementétablie,etestleplussouventde24Gy.Uneétuderécente multicentrique randomisée a comparé une dose de 25Gyetunedosede36Gychez720patientsporteursdeCBPClocalisésconsidérésenrémissioncomplèteaprèsradiochimio-thérapie[14].Uneimageriecérébraleétaitréaliséeavantlarandomisation, mais on note que l’évaluation de la réponse tumoraleétaitétabliedefaçonvariable(scanner,radiographiesstandards…).Larandomisationétaitfaiteentre3bras:unbrasà25Gy10fractions/12jours,unbrasà36Gy18fractions/24jours,etunbrasà36Gy2fractions/j,24fractions/16jours.

Les résultats retrouvaient une diminution de l’incidence des métastasescérébralesàladosede36Gy(24%versus30%,NS),maisavecuneaugmentationsignificativedesrechutesthoraciques(48%versus40%,p = 0,02) et une diminution de lasurvieglobale(37%versus42%,p = 0,03). L’explication des ces résultats reste actuellement peu évidente. Au total, l’ICP25Gy,10fractions/12joursdoitactuellementresterletraitement standard.

Laréalisationdel’ICPchezlesCBPCenréponsepartielleafait l’objetd’uneétudedel’EORTC,présentéeen2007[15].Cetteétudeacomparéparrandomisationl’ICPàl’ab-sencedetraitementchezlespatientsporteursdeformesmétastatiquesenréponseaprèschimiothérapie.Lecritèrede jugement principal était l’apparition de métastases cérébrales symptomatiques. Deux cent quatre-vingt-sixpatientsontétérandomisés,143danslegroupeICPet143danslegroupecontrôle.Latolérancedelaradiothérapieétaitbonne,avec29%d’effetsindésirablesaigus(céphalées,nausées,léthargie,dermiteaiguë)degrade1,et18%degrades2et3.Lebénéficedel’ICPestobservéàlafoissurletauxd’apparitiondemétastasescérébralessymptomatiques(14,6%versus40,4%à1an,p < 0,001) et sur la survie globale(27,1%versus13,3%à1an,p=0,003).L’ICPn’apar ailleurs pas entraîné d’effet délétère sur les paramètres dequalitédeviechezlespatientscomparativementàceuxquin’enavaientpasreçu.À la lumièredecesrésultatsdans les formes métastatiques, il pourrait être intéressant d’envisageruneICPégalementdans lesformeslocaliséesen réponse partielle. Cependant, aucune étude n’a encore montrél’intérêtdel’ICPdanscettesituation,c’estpourquoinousneretenonspaslaréponseB.

Une chimiothérapie est débutée le 7 octobre 2005,compliquéed’uneneutropéniegrade4fébrileà38,5°Cpendant1jour,traitéeàdomicileparKetek®. Après une cure, on note une amélioration radiologique importante (Fig. 2) etunechutedelaNSEà15µg/l,ainsiqu’unedisparitiondel’adénopathiesus-claviculairedroite.

Figure 2 Radiographie thoracique après une cure dechimiothérapie

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Question 5

À propos du risque aplasique par chimioradiothérapie dans le CBPC : quelle est la proposition vraie ?

A-La prescription de facteur de croissance héma-•topoïétioque systématiquedès lapremièrecuren’apporteaucungainencasdeCisplatineVP16àdoseshabituelles

B-Laprescriptiondefacteurdecroissancehémato-•poïétioquepeutsefairependantlaradiothérapiethoracique

C-Uneantibiothérapieparquinolonesen coursde•chimiothérapieadémontrésonintérêt

D-Leprincipalrisqued’hypoplasiemédullaireestàla•findelachimiothérapie

E-Lesfacteursdecroissancehématopoïétioquesn’ont•pas démontré leur intérêt par rapport aux antibio-tiquesàlapremièrecure

LabonneréponseestlaC.Concernantl’antibioprophy-laxieseule,Bucaneveetal.[16]ontpumettreenévidencesur 760 patients avec une forte probabilité de neutropénie (GB<1000/mm3)chimio-induite(aplasieprévuepourêtresupérieureà5jours)unbénéficed’uneantibioprophylaxieparlevofloxacine500mg/j(J1delachimiothérapiejusqu’àlasortiedeneutropénie)entermesdesurvenued’unefièvre(p = 0,001), d’une infection documentée (p = 0,001), et d’une bactériémie (p=0,001).Iln’existaitparcontrepasdedifférencesignificativeentermededécès.Demanièresimilaire,Cullenetal.[17]ontétudié1565patientsàrisquepouruneneutropénie(PNN<0,5giga/l)dont225cancersàpetitescellules(autres:lymphomes,autrescancerssolides),avecrandomisationentreunbras levofloxacine500mg/jversus placebo pendant 7 jours pendant la période prévisible d’aplasie.Lasurvenued’unefièvreaudécoursdu1ecycleetdesautrescycles,lenombred’hospitalisationetd’infectionétaientstatistiquementenfaveurdubraslevofloxacine;lenombre de décès était identique entre les 2 bras. Cependant, l’EORTCne recommandepas actuellement l’antibiopro-phylaxiesystématique,dufaitdurisqued’acquisitionderésistance bactérienne.

Laprescriptiondefacteurdecroissancehématopoïétiqueest basée sur l’évaluation de la fréquence de neutropénie fébrileassociéeauprotocoledechimiothérapieutilisée

D’aprèslesrecommandationsdel’EORTC[18]etdel’ASCO[19] l’utilisationdeG-CSFestpréconisée,enprophylaxieprimaire,pourunechimiothérapieassociéeàuntauxdeneutropénie fébrilesupérieurouégalà20% ;pourunechimiothérapiemodérémentmyélosuppressive(présentantunrisquedeneutropéniefébrile<20%selonl’ASCO,entre10et20%selonl’EORTC)l’utilisationdeG-CSFseradiscutéeen fonction des facteurs de risque individuels de neutropénie fébriledupatient(âgesupérieurà65ans,comorbidités,stadedelamaladie…).Leprotocolecisplatine–etoposideutilisédansletraitementdesCBPCaunefréquenceestiméedeneutropéniefébrilede54%danscesrecommandations[18],maisdans lapratiquecouranteestplutôtcompriseentre 10 et 20 % (ce risque étant maximal au décours de la 1e cure).

L’utilisation de facteur de croissance en cours de radio-thérapieaétéévaluéedansl’étudedeBunnetal[19].DeuxcenttrenteCBPClimitésauthoraxettraitésparradiochimio-thérapie(cisplatine40mg/m²J1-J3+etoposide80mg/m²J1-J3,6cures,avecradiothérapiethoraciqueconcomitanteprécoce2Gy/fractions,25fractions)étaientrandomisésentreGM-CSF(J4-J18)versusplacebo.Ilétaittrouvé30%d’infections respiratoires dans le bras GM-CSF versus 10 % dans lebrasplacebo,etuntauxdedécèstoxiquede8,4%danslebras GM-CSF versus 1 % dans le bras placebo. Les médianes desurvien’étaientpasstatistiquementdifférentes(14moisversus 17 mois, p = 0,12). Les recommandations actuelles del’ASCO[20]sontdoncdenepasutiliserdefacteursdecroissancehématopoïétiquesencasderadiochimiothérapieconcomitante,c’est-à-direencoursderadiothérapie

L’associationd’antibiotiquesenprophylaxieaufacteurde croissance a été étudiée dans un certain nombre de travaux.Ainsi ilaétémontréquel’ajoutdeG-CSFàuneantibioprophylaxieréduitdefaçonsignificativel’incidencedeneutropéniefébrileaupremiercycledechimiothérapie[21],avecunrisquerelatifde0,47aveccetteassociation(95%CI0,24-0,94,p=0,01)versusantibioprophylaxieseule.

Unesecondecureestréaliséele31/10/2005sansfacteursdecroissance,etuneradiothérapiemédiastino-tumoraleestdélivréedu02/11/2005au21/11/2005(13fractionsde2Gy).

Latroisièmecureestannuléecarlepatientestfébrileà39°C,oligurique(créatininémieà165µmol/l,uréesanguineà7mmol/l)et l’onnote l’apparitiond’unfoyerdu lobesupérieur droit qui prend progressivement un caractère excavé (Fig. 3).

Figure 3 Radiographieetscannerthoracique.Apparitiond’uneopacitéexcavéelobairesupérieuredroite.

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12 Y.Thibout,etal.

Une lobectomie supérieure droite de propreté est réalisée le15février2006dansdes«conditionstechniquesdélicates». Àl’anatomopathologie,iln’yapasdestructuretumoralerésiduelle.Enrevanche,l’originedelapneumopathieexcavéeestconfirmée.Laradiographiethoraciquepost-opératoireest représentée en figure 4.

Question 6

Quelle est l’hypothèse diagnostique la plus probable ?

Ils’agitdoncd’unepneumopathienosocomialeexcavéedans un contexte d’immunodépression. Les principaux dia-gnosticséventuelssontunepneumonieradiqueaiguë,unetuberculose,une infectionàmycobactérieatypique,uneactinomycose,uneaspergillosepulmonaireinvasive.

Lapneumopathieradiqueaiguëdoitêtreévoquéesurceterraind’irradiationthoracique,cependantnousavonsécarté cette hypothèse car la survenue est ici précoceet lapneumopathie radiqueaiguëdonneplusvolontiersunepneumopathie interstitielleavecsecondairementdescondensationsplutôtqu’unepneumopathieexcavée.

L’évolution clinique est un peu trop rapide pour une tuberculoseouunemycobactérieatypique,lediagnosticde certitude aurait été probablement obtenu avant la chirurgie, et le patient aurait été traité d’abord parantibiotiques.

Pour l’hypothèsede l’actinomycose, il s’agitd’uneinfectiondueàdesbactériesdelafamilledesActinomyces,saprophytes naturelles des muqueuses digestives etrespiratoires, infectantes du fait d’une lésion muqueuse préexistanteet/oud’uneimmunodépression.L’infectionsurvientàproximitédupointd’inoculationet s’étendprogressivement, pouvant parfois prendre un aspect pseudo-tumoral. Le traitement est prolongé et repose le plus souvent sur la pénicilline A.

L’hypothèsequenousavonsprivilégiéeestl’aspergillosepulmonaire invasive, qui est une infection survenant sur un

Figure 4 Radiographiethoracique.Aspectpost-opératoire.

terrain d’immunodépression, le diagnostic de certitude est difficile,etletraitementmédicalestsouventlourdetpro-longé,pouvantaboutirparfoisàunechirurgiedepropreté.

L’évolution du patient sans aucun traitement carcinolo-giquecomplémentairerestesatisfaisantejusqu’àcejour,àl’exceptiondelasurvenueenjanvier2007d’unedouleurthoraciquegauchebrutaleavecdyspnée,frissons,fièvreà 39°CetCRPà 360mg/l. La radiographie thoraciquecorrespondanteestreprésentéeenfigure5.

Question 7

Comment interprétez-vous la survenue d’une embolie pulmonaire dans ce contexte ?

Lesprincipaleshypothèsesàévoquerdevantlasurvenued’uneemboliepulmonairedanscecontextesontlarechuteduCBPC, l’apparitiond’unnouveaucancer(hypercoagu-labilité), la thrombose sur site implantable avec embolcruorique(thrombosesurPAC=0,3à28%,dont15à25%se compliquent d’embolie pulmonaire [22]), et l’infection desiteimplantableavecembolseptique(leplussouventàStaphylocoque).

Résultat par B. Mennecier

Lepatientaeffectivementreçuunechimiothérapieparcisplatine - etoposide, sans facteur de croissance associé, plusradiothérapiethoraciqueconcomitante.Cetraitementaétécompliquédeneutropéniefébrilegrade4etd’uneinsuffisance rénale fonctionnelle transitoire au décoursde la 3ecuredechimiothérapie.Devantlapersistancedutableau infectieux, lepatientareçuuneantibiothérapieprobabilisteàlargespectre,avecajoutà48hd’unethérapie

Figure 5 Radiographie thoracique de janvier 2007 lors de ladouleurthoracique.

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anti-staphylococciquepuisd’anti-fongique(amphotéricineB).Cetteantibiothérapieaentraînéunerécidivedel’in-suffisancerénale,cequiaobligéàarrêterl’amphotéricine,remplacée par du voriconazole. La survenue d’une toxicité hépatiqueasecondairementobligéàstopperlevoriconazole.C’estalorsqu’unechirurgiedepropretéaétéproposée.Lachimiothérapieaquantàelleétépoursuivieduranttoutecettepériodefébrile,parcarboplatine–etoposideetfacteursdecroissancehématopoïétiques, iln’apaseuderécidivedeneutropénie.L’examenanatomopathologiquedelapièceopératoire ne retrouvait aucun résidu tumoral et a permis de poser le diagnostic d’aspergillose pulmonaire invasive, avec en parallèle une sérologie aspergillaire revenue positive et la présenced’Aspergillusdanslelavagebronchiolo-alvéolaire.Ilaensuiteétéeffectuéunesimplesurveillancedupointdevue infectieux sans reprise d’antifongique (mauvaise tolé-rance). Le patient est resté stable et en rémission jusqu’en janvier 2007 avec la survenue d’une embolie pulmonaire avecpleuro-pneumopathie.Sixmoisaprèscetteemboliepulmonaire a été diagnostiqué un cancer de prostate, traité radicalement, avec secondairement une rémission complète que ce soit au niveau pulmonaire ou prostatique.

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