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Centre d’information sur les professions médicales … climatique et...dautant limpact des remplacements ultérieurs. Sans « perte de numéro INAMI », il sagirait dune simple

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Clos Chapelle-aux-Champs 30.19 Tél 02 / 764 32 62 1200 Bruxelles site via navigateur : CIPMP

Centre d’information sur les professions médicales et paramédicales (CIPMP)

Dérèglements climatiques et …. numerus clausus en médecine !

Denise Deliège et Etienne De Clercq

Pourquoi cette curieuse association ?

Sécheresse, inondations, désertification, …. Le climat subit des dérèglements, mais il n’est pas le seul. En

Fédération Wallonie-Bruxelles, le « marché des soins » subira des périodes troublées analogues : après une

décade de pénurie, nous connaîtrons une inondation temporaire de médecins fraîchement promus, suivie

par une raréfaction record de jeunes médecins diplômés ! Et si l’on soupçonne l’activité humaine d’être en

cause en matière de climat, il n’y a guère de doute à propos de la démographie médicale: c’est bien

l’activité humaine qui nous vaut les troubles prévisibles. Ou plus exactement les politiques de numerus

clausus résultant de notre puzzle institutionnel. Et ce en trois temps !

1. Le niveau fédéral : en 1997, le pouvoir fédéral imposa une planification du nombre de nouveaux

médecins ayant accès à terme aux remboursements de l’INAMI : il fixa des « quotas » en la matière.

Mais ses décisions se basaient sur des perceptions du moment (une situation de pléthore), en oubliant

d’évaluer les conséquences à venir ; paradoxalement, pour estimer l’impact futur, il faut pointer les

jumelles vers le passé : dénombrer les médecins promus 40 ans auparavant et qui grosso modo seront

en âge de retraite quand seront promus les futurs diplômés. Que de cris d’orfraie quand dans les

années ’90, nos calculs annonçaient déjà la pénurie actuellement ressentie, soit quelque 20 ans plus

tard !

2. La Communauté française : en omettant de décréter des normes d’entrée aux études de médecine, ce

niveau de pouvoir a, hélas, détricoté les louables efforts des Facultés de médecine qui tentaient de

contrôler les flux d’étudiants, pour tenir compte des quotas établis au niveau fédéral. Dès lors, le

Conseil d’Etat donna raison à des étudiants désireux de poursuivre leurs études, malgré les barrages

érigés par ces Facultés. Depuis 2008, celles-ci n’eurent d’autre choix que de laisser entrer tous les

jeunes attirés par ces études. Il s’en suivit une croissance importante du nombre d’étudiants

francophones en médecine. C’est compréhensible : l’attractivité de ces études a toujours été très

forte parmi les jeunes francophones. Jusqu’en 2004 (première année d’impact du numerus clausus),

les diplômés en médecine francophones dépassaient systématiquement les 40% attendus dans

l’hypothèse d’une attractivité égale au Nord et au Sud du pays ; dans les années 1950, ils dépassaient

même 60% des effectifs ; nul n’y trouvait à redire (cf. graphique).

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Pourcentage de Francophones selon l’année de promotion ou de visa - Source : CIPM sur base de :

1955-2006 : Diplômés selon le Service de statistiques universitaires

2007 -14 : Visas délivrés par le SPF Santé publique - 2015-20 : Visas estimés par le SPF Santé publique -

Par ailleurs, en 2018, deux promotions de médecins obtiendront simultanément leur diplôme : ceux

formés en sept ans et ceux formés en six ans seulement. Conséquence : de 2018 à 2020, près de 4000

nouveaux médecins francophones (1330 par an) débouleront sur le marché, soit en moyenne 60% de

plus que 40 ans auparavant, c.-à-d. au plus fort de la pléthore qui a débuté à la fin des années

’70 (830 en moyenne annuelle à l’époque). C‘est « l’inondation » évoquée en tête de cet article. Parmi

eux, 3200 dépasseront les quotas fixés au niveau fédéral ; ils sont dits « surnuméraires ». S’ils

obtiennent néanmoins le droit de bénéficier des remboursements INAMI, certaines pénuries seront

résorbées, mais ensuite le marché requiert du temps pour absorber d’éventuels surplus. Ces jeunes

surnuméraires réaliseront certes leur rêve, mais nombre d’entre eux connaîtront des débuts difficiles.

C’est un moindre mal : qui oserait les arrêter après tant d’années d’études difficiles !

3. Dès lors, le niveau Fédéral est appelé à jouer aujourd’hui un nouveau rôle : intégrer les médecins dits

« surnuméraires ». Il y serait disposé à une double condition : a) que le concours de fin de 1ère année

ait pu ajuster le nombre d’étudiants aux « quotas » fixés pour la fin de leurs études (… 6 ans plus tard)

et b) que les surnuméraires admis soient déduits des quotas décidés pour les années ultérieures

(c’est ce qu’on appelle le « lissage négatif »). Cette nouvelle gymnastique conduira ensuite à ne plus

pouvoir octroyer de visa INAMI qu’à 169 médecins francophones par an pendant 10 ans1, soit un

contingent historiquement bas, le minimum observé depuis 1956 étant de 309. L’impact d’une telle

disette de jeunes médecins se fera sentir à contretemps, soit au plus fort des départs probables liés

aux pics de médecins diplômés 40 ans plus tôt ; de 2021 à 2027 par exemple, seuls 22% des médecins

francophones en passe de prendre leur retraite pourraient ainsi être remplacés par de nouveaux

promus (169 sur 767 en moyenne) ! Voilà en perspective la future « désertification » évoquée en tête

de l’article. Et le marché des soins connaîtra de nouvelles difficultés. En effet, les « inondations » de

diplômés de 2018-20 seront rapidement asséchées : elles auront résorbé des pénuries et provoqué

des abandons.

1 Hypothèse : compensation étalée sur dix ans en impactant les quotas de base, ceux-ci étant supposés inchangés.

30%

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% Diplômés ou Visas francophones

% attendu si attractivité selon populationfrancophone estimée à 40%

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Une « planification » mal ficelée

Curieusement les partis de droite instaurent une planification (d’ailleurs mal ficelée), alors que les partis de

gauche prônent une liberté totale ! On n’en est pas à une bizarrerie près dans ce dossier !

A ce jeu entre niveaux de pouvoir, les étudiants et les futurs candidats sont perdants, les doyens des Facultés

de médecine sont en difficulté et la disponibilité de médecins devient chaotique ! Bravo la « planification » !

Comment mieux organiser une planification ?

Il serait temps d’introduire une planification rationnelle et non émotionnelle. A savoir un numerus clausus

tenant compte de la pyramide des âges et pas seulement d’une volonté d’égaliser les densités médicales. En

effet, grâce aux études de l’INAMI, on a constaté que, contrairement à la croyance des années 1990, les

Wallons, malgré une densité de médecins supérieure de plus de 20%, pèsent en moyenne moins que les

Flamands sur les dépenses d’assurance soins de santé, quand certains facteurs de besoin de soins sont pris

en compte.

Quant à la Flandre, elle génère 554 futurs médecins « surnuméraires », qui devront ensuite être compensés.

Cette présence de surnuméraires néerlandophones prouve que, contrairement à la doxa en cours, le fameux

examen d’entrée, brandi comme parangon de filtre efficace, n’est pas efficace en soi ! Du côté francophone,

l’examen habituel en fin de 1ère année opérait aussi une sélection draconienne. En réalité, c’est la moindre

attractivité traditionnelle des études médicales du côté flamand qui a donné à la Flandre un vernis de

« vertu » non mérité. Pourquoi n’impose-t-on pas aussi un réel concours au Nord du pays ?

Des solutions en vue pour éviter la « désertification » annoncée ?

Face au prochain afflux de surnuméraires, il y aurait moyen de desserrer un peu l’étau du numerus clausus,

et de réduire d’autant l’impact du lissage négatif. D’ores et déjà certains remplacements de médecins inclus

dans les quotas sont autorisés : en cas de décès, abandons, mandats de recherche et décisions ministérielles.

D’autres jeunes médecins peuvent alors obtenir le précieux numéro INAMI à leur place. Elargissons cette

liste de remplacements autorisés ! -

- Première piste : les médecins issus des quotas mais domiciliés à l’étranger (par exemple depuis 2 ans)

pourraient être remplacés. Sont particulièrement concernés les médecins étrangers pouvant accéder

au précieux n° INAMI, soit 16% des Francophones en 2014. En supposant ce % stable de 2004 à 2014,

les jeunes médecins francophones incluraient plus de 660 diplômés de nationalité étrangère. Reste à

savoir combien ont obtenu le n° INAMI et quitté nos frontières.

- Deuxième piste : cette solution de remplacement pourrait être étendue à l’ensemble des médecins

contingentés par les règles du numerus clausus et qui sont devenus inactifs dans le système de santé

belge. Le Centre d’Information sur les Professions médicales permet de les dénombrer.

Les médecins disparus du « marché des soins » belge et ainsi remplacés garderaient un droit au retour en

Belgique (ou au retour à l’activité), de tels retours étant probablement rares ; il suffirait de diminuer

d’autant l’impact des remplacements ultérieurs. Sans « perte de numéro INAMI », il s’agirait d’une simple

mise de côté pouvant être provisoire. L’on nous rétorquera que face à ces départs, il existe aussi une

immigration de médecins étrangers vers la Belgique ; certes, mais c’est la pénurie qui crée un aspirateur de

ces médecins et, si elle se tarit, l’immigration s’amoindrira automatiquement.

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Comme évoqué en début d’article, une planification peut-être plus rationnelle consisterait à adapter les

futurs quotas en tenant compte, pour chaque Communauté, du nombre de médecins diplômés 40 ans plus

tôt.

Conclusion

Face à une « planification » chaotique, un peu de lucidité et de bonne volonté politique sont nécessaires

pour en gommer les effets néfastes. L’on éviterait ainsi que des décisions malencontreuses désorganisent le

système de santé au lieu de le réguler.