119
- 1 - Pierre RAYNAUD Changer votre vie Grâce à L’Analyse Relationnelle E-Book

Changer votre vie A5 - Le blog de Pierre Raynaud · Le manuel du jeu POLEMIOS ou Comment faire changer d’avis les gens sans jamais leur donner tort, Editions ULRICH, ... rapporte

Embed Size (px)

Citation preview

- 1 -

Pierre RAYNAUD

Changer votre vie

Grâce à

L’Analyse Relationnelle

E-Book

- 2 -

DU MEME AUTEUR

Les mythes du médicament, Editions LAPS, 1975, épuisé L’art de manipuler, Editions LAPS, 1977, épuisé Les jeux de mots politiques des français, Editions LAPS, 1983 épuisé Le médicament, malade de sa communication, Editions ULRICH, 1992 L’art de manipuler, Editions ULRICH, 1996 Le management de la relation, Editions ULRICH, 1998 A la recherche du client, Editions ULRICH, 1999 La grande mutation de l’industrie pharmaceutique, Editions ULRICH, 2006, épuisé Tous racistes ? Analyse Relationnelle des mécanismes du racisme, Editions ULRICH, 2009, épuisé Le manuel du jeu POLEMIOS ou Comment faire changer d’avis les gens sans jamais leur donner tort, Editions ULRICH, 2009, épuisé. Arrêter de se faire des films ou nos croyances et nos opinions ne sont pas la réalité, Editions EYROLLES, 2011

- 3 -

Cet ouvrage ne peut être utilisé qu’à usage privé seulement. Vous n’avez pas le droit de l’offrir ni de le revendre sans accord des auteurs. Vous ne devez pas le modifier. Si toutefois vous souhaitez l’offrir ou le vendre, vous devez obligatoirement avoir accepté nos programmes d’affilliation ce qui vous permettra de recevoir un pourcentage intéressant de vos ventes, en toute légalité. Sinon vous vous exposez au délit de contrefaçon décrit à l’article : 335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Nos conditions d’affiliation sont simples : il vous suffit d’avoir un compte Paypal et de présenter le livre avec le code que vous pouvez générer automatiquement ainsi : http://pierreraynaud.com/[email protected] Les internautes visitant cette page et achetant le livre vous feront gagner automatiquement 7 € à chaque fois ! De plus vous pourrez utiliser votre code d’affilié pour vendre d’autres produits et services de l’Analyse Relationnelle et de Polemios, en gagnant les commissions prévues pour chaque produit. Cela peut rapidement vous faire un sérieux complément de revenu mensuel. Vous serez payé automatiquement sur votre compte Paypal. Mais n’oubliez pas de déclarer vos gains au fisc !

- 4 -

- 5 -

I. PREFACE La plupart des gens ne songent jamais à essayer de contrôler leur esprit et, malheureusement, cette discipline de base ne fait pas partie de l'éducation contemporaine, n'entrant pas dans ce qu'on appelle l'acquisition du savoir. (Philip Kapleau, Les trois piliers du zen, p 59). La Méthode AR est un ensemble de méthodes permettant à l’homme de contrôler à la fois son esprit, son langage et ses comportements. La Méthode AR est aussi la méthode du changement. Tous les jours, nous évoquons des sujets de notre vie quotidienne que nous aimerions améliorer : être plus ceci et moins cela. La Méthode AR nous permet d’atteindre ces buts. Avant tout, il faut savoir que le terme changement se rapporte à une action transitive. Il n’est pas suffisant d’affirmer : je veux changer, il faut ajouter deux sortes de compléments : changer quoi ? et changer pour quoi faire ? Ces deux compléments ont trait aux deux aspects inhérents de toute relation individuelle : le contenu de nos actions, et les objectifs de celles-ci. Avant de lire ce livre, et, peut-être, ensuite de pratiquer la Méthode Relatio, il n’est pas inutile de vérifier que les objectifs de la Méthode AR sont aussi les vôtres. Voici une série non-exhautive de 32 voeux exprimés par la plupart des personnes qui viennent nous voir. Il vous suffit de cocher ceux que vous faites souvent.

- 6 -

SOUHAITS Souvent

1 Changer de vie 2 Etre sûr de soi 3 Avoir confiance en soi 4 Dominer les situations difficiles 5 Réussir dans ses entreprises 6 Apprendre à dire non 7 Ne plus dépendre des autres 8 Rester calme 9 Savoir s’imposer 10 Oser prendre les devants 11 Séduire l’autre 12 Ne plus avoir peur des autres 13 Savoir se valoriser 14 Vaincre le stress et l’anxiété 15 Trouver son chemin 16 Croire en soi 17 Etre prêt à tout 18 Ne plus avoir besoin d’aide... 19 Connaître le succès 20 Vaincre les maladies 21 Se sentir fort 22 Voir la vie de façon positive 23 Pratiquer le détachement 24 S’épanouir 25 Enrichir ma vie 26 Bien se connaître 27 Prendre du recul 28 Ne pas se faire avoir 29 Faire changer les autres d’avis 30 Obtenir des relations durables 31 Ne pas se laisser impressionner 32 Ne plus avoir peur des autres

- 7 -

Si vous avez coché plus de 15 propositions, vous avez trouvé le livre et la méthode qui vous conviennent ; la Méthode AR est prête à ouvrir pour vous les portes menant aux changements que vous souhaitez. Si vous avez coché entre 10 et 15 propositions, la Méthode AR peut vous être utile pour résoudre certains de vos voeux ponctuels ; mais vous savez déjà, semble-t-il, résoudre les problèmes par vous même. Si vous avez coché moins de 10 propositions, la Méthode AR vous apportera un confort supplémentaire dans votre vie. Lisez d’abord ce livre, et vous verrez bien. Enfin, si vous avez coché moins de 5 propositions, bravo ! Vous n’avez pas besoin de nous. Vous pouvez tout de suite donner ce livre à l’un de vos amis moins avancé que vous dans l’art d’être bien dans sa peau. Nous sommes curieux de savoir comment vous avez fait pour être aussi satisfait de votre sort. Vous n’avez pas besoin de la Méthode AR, c’est la Méthode AR qui a besoin de vous. Venez rejoindre notre équipe.

- 8 -

- 9 -

II. INTRODUCTION : LE PROBLEME DES PROBLEMES Depuis notre plus tendre enfance jusqu’au dernier jour de notre vie, nous sommes pris dans les mailles d’une suite ininterrompue d’événements. Certains d’entre eux sont provoqués par nous-mêmes ; beaucoup d’autres nous « tombent dessus », et nous ne savons pas toujours bien comment y réagir. Ces événements sont de toutes sortes, et concernent notre vie professionnelle, familiale, ou simplement nos rapports avec les autres dans la rue, dans les restaurants, ou dans les salles de cinéma... Nous ne sommes physiquement jamais seuls, et sans cesse sollicités par une multitude de stimuli, non souhaités pour la plupart. Et pourtant, nous nous sentons souvent seuls. Les autres sont là, tout près, mais nous ne faisons parfois que les tolérer, ils ne font pas partie de notre bulle dans laquelle nous restons enfermés. Notre patron ne tient pas ses promesses, notre fils a des mauvaises notes à l’école et sèche les cours, notre femme est trop souvent absente, et râle sans arrêt, la concierge n’est pas aimable, et le voisin bruyant, les autos ne nous laissent pas traverser tranquilles les rues et les piétons se mettent imprudemment devant notre capot de voiture, les feux sont toujours au rouge quand nous sommes pressés, et la location de vacances, trois pièces avec vue sur mer, s’avère être un cagibi d’où l’on voit la mer... en montant sur la cuvette des toilettes, les dents nous empêchent de dormir et le dentiste nous fait peur. Mon meilleur ami vient trop souvent voir ma femme quand je suis absent, et les lois me serrent comme des étaux, elles me sanctionnent dès que je bouge, on ne reconnaît pas mes nouvelles idées quand elles sont véritablement nouvelles et tout le monde prétend les avoir eues avant moi quand elles ont rencontré le succès, on ne me remercie pas pour les efforts que je fais et l’on me congratule quand je n’y suis pour rien, ma fille répond mal à sa mère et la mère me tarabuste pour que je fasse quelque chose, tout le monde voudrait que je sois autrement, et moi

- 10 -

aussi, j’aimerais bien qu’ils soient autrement et qu’ils arrêtent de m’embêter... Les sujets d’inquiétude, d’angoisse, de stress (comme on dit maintenant à tort et à travers), de malheur, sont infinis, quotidiens, et répétitifs ; pour un malheur écarté, dix nouveaux se présentent à moi. Mais, d’un autre côté, les occasions de se réjouir sont tout aussi nombreuses, du parfum de la rose qui vient d’éclore cette nuit dans mon jardin, à la douceur de la peau de ma compagne, en passant par le goût inimitable de mon Bordeaux favori, ou par le son enchanteur de l’orchestre de Benny Goodman, et mille autres chose encore... Comment se fait-il que la même vie puisse être vécue, par les uns comme un enfer et par les autres comme un paradis, et qu’il faut parfois peu de faits nouveaux, réels ou imaginaires, pour passer de la vision rose à la vision grise. Nous connaissons tous des personnes dont la tendance permanente est de grossir les événements négatifs, de déprimer dès la moindre contrariété, et pour qui la vie est un enfer permanent, même dans les passages heureux de leur existence (ou plutôt qui nous paraissent tels) ; et à l’inverse, des personnes qui gardent, en toutes circonstances, visage serein, et sourire aux lèvres, et qui se sortent facilement des situations les plus délicates de la vie. Pour les uns la vie est un enfer, pour les autres un délice. On se pose souvent la question : sont-ils aussi différents que cela ? Comment font-ils pour ne pas sélectionner le même type de faits ? Il est certain que notre façon, plus ou moins optimiste de voir la vie, et de nous situer par rapport à celle-ci, dépend en grande partie de nos processus de pensée. Celui qui est heureux dans la tourmente et celui qui est malheureux dans l’accalmie ne doivent pas posséder les mêmes savoir-faire. Le problème est que nous ne savons pas expliquer comment il se fait que le « bien-être » soit à la portée de l’un et pas de l’autre. Ceux qui sont malheureux expliquent naturellement leur malheur par les événements extérieurs, par la faute des autres. Mais, ces événements négatifs, et la malveillance d’autrui, nous les retrouvons aussi chez ceux

- 11 -

qui gardent, en toutes circonstances, un équilibre efficace. Il est probable que les circonstances extérieures, les faits venant d’autrui, ne sont pas les vraies explications de nos états d’esprit, qu’on appelait avant états d’âme. Et devant notre ignorance des modes de fabrication du malheur ou du bonheur, nous sommes tous égaux. La culture traditionnelle, celle que l’on a reçue à l’école et à la maison, ne nous aide en rien à résoudre les menus et les graves problèmes de la vie quotidienne. Un P.D.G., un ministre, sont aussi vulnérables devant les soucis et les ennuis de tous les jours qu’un ouvrier maçon, ou un immigré analphabète. On n’apprend pas à l’école comment maîtriser correctement ses relations avec autrui, et pourtant certaines personnes le font bien, spontanément, et sans savoir comment cela marche. L’école traditionnelle en Occident, nous a donné une culture d’encyclopédiste. Nous apprenons des dates, des chiffres, des données géographiques, des formules de mathématiques, de physique ou de chimie, mais nous n’apprenons pas à nous conduire en société. Nous n’apprenons pas à apprendre, nous n’apprenons pas à comprendre, à analyser ce qui se passe, et à le changer. Mais, nos maîtres d’école eux-mêmes ne l’ont pas appris ! Nous sommes condamnés ainsi à vivre dans un monde dont personne ne nous a donné les clés. Nous avons un savoir de prêt-à-porter qui ne s’adapte pas à ce qui nous arrive tous les jours. Notre savoir nous dit ce qu’il faut penser, de façon générale, sur les « grands sujets » de notre société, nous inculque, comme le dit Winclich, un « prêt-à-penser » universel, alors que les événements quotidiens s’entêtent à ne pas rentrer dans le cadre préétabli de cette culture. On peut se demander pourquoi nos enseignants persistent à nous traiter comme si, nous étions des encyclopédies et des dictionnaires. En nous apprenant des faits, des dates, ils écrivent en nous comme sur des pages blanches. Le génie des hommes n’est-il pas plutôt de savoir utiliser les données, plutôt que de les apprendre par coeur ? Point n’est besoin de posséder autant de connaissances, que nous saurons bien aller chercher dans les encyclopédies, quand nous en aurons besoin.

- 12 -

Le seul savoir-faire dont nous avons besoin, à chaque instant de notre vie, est celui-ci : « comment se comporter avec les autres pour atteindre les objectifs qui sont les miens ». Nous attendons l’apparition d’une école de type nouveau qui, à partir de quelques centaines de situations habituelles de la vie de tout homme, nous donnerait des exemples de réussite, des exemples d’échecs, et nous ferait progresser dans la recherche d’une meilleure souplesse relationnelle, pour mieux atteindre nos objectifs. Cette école n’existant pas, nous l’avons créée : c’est la Méthode AR. La vie, en tant que successions ininterrompues de faits, n’est pas statique. Elle ressemble plus à la pratique d’un sport continu qu’à un ensemble de savoirs sur les gens et les choses. Le besoin fondamental de chacun, que nous ressentons de façon plus ou moins aiguë, est de nous améliorer, de mieux conduire notre barque, de changer donc. Or, comme nous allons le vivre dès les premières leçons de Méthode AR , il arrive fréquemment que nous souhaitions changer et, qu’en même temps nous en ayons peur. Ce que nous avons appris à l’école, loin de nous aider à changer, est plutôt un frein à l’action. Nous avons appris les vertus des concepts abstraits, tels que Bonheur, Santé, Morale. Ces concepts nous apparaissent comme des valeurs stables ne souffrant aucune modification. Nous associons à ces mots des adjectifs tels que : absolu, total, parfait... Et nous nous assimilons à certains de ces adjectifs. Ainsi, nous nous voyons comme des êtres pouvant se définir par des traits permanents, immuables et possédant une personnalité fixe et définitive. Nous avons appris l’importance de respecter certaines valeurs, celles de notre société, qu’on nous a présentées comme des valeurs au dessus de tout soupçon ; nous avons appris l’importance d’avoir en tout des opinions bien tranchées ; bref, l’importance de penser le monde en termes de concepts abstraits. Et ce bagage dont nous sommes si fiers, devient lourd à porter, comme l’est une grosse valise. Plus on adhère à des idées, plus on a d’opinions arrêtées, plus on vit par rapport à des valeurs morales, plus le bagage est lourd, et plus il est difficile de

- 13 -

courir devant le danger, plus il est difficile de changer de route quand c’est nécessaire, et moins l’on peut résoudre rapidement les problèmes de la vie de tous les jours, car ceux-ci se moquent des abstractions. La Méthode AR nous apprendra à voyager léger, sans bagages superflus, c’est-à-dire avec le minimum de valeurs, de croyances et d’opinions.

A. Un problème, c’est quoi ?

La plupart des problèmes que nous pouvons recenser sont de nature relationnelle : ce sont des problèmes que nous avons avec les autres. Nous nous plaignons souvent de n’être pas reconnu par les autres, tel que nous nous voyons nous-mêmes. Le problème naît de l’écart entre un souhait et ce que nous constatons. D’autre part un problème n’est pas seulement une difficulté, qui peut surgir à tout moment entre deux personnes, difficulté passagère, fugace, et qui se résout d’elle-même. Un problème est une difficulté qui se répète et se répète. Nous avons l’impression d’avoir un problème avec telle ou telle personne à partir du moment où l’on s’aperçoit que « c’est toujours la même chose ». Les problèmes se racontent ainsi : « Chaque fois que je lui parle de ses parents, elle se met en colère... » C’est pourquoi nous souffrons de nos problèmes et que nous les considérons comme des maladies à vaincre. Nous en arrivons rapidement à notre définition simplifiée et provisoire du mot problème : « Un écart douloureux et permanent ressenti entre notre situation présente telle que nous la voyons et la situation telle que nous la souhaiterions ». Nous verrons plus loin dans quelle mesure cette définition naïve, que nous acceptons tous, peut-être elle-même source de maints problèmes.

- 14 -

B. Les principaux problèmes que l’on veut résoudre

Quel est notre objectif au momentoù nous décidons de nous attaquer à la résolution du problème ? Nous en déterminons quatre principaux. 1. Nous changer nous-mêmes. Devenir plus forts, plus sûrs de nous, plus énergiques, être plus à l’aise en société, ne plus être influençables. Apprendre de nouveaux savoir-faire tels que : parler en public, convaincre les autres... Ce type de problèmes contient souvent un jugement négatif sur nous-mêmes. 2. Changer les autres. Que les autres soient plus gentils avec nous, qu’ils cessent de nous importuner, de râler, de fumer ... L’enfer, c’est les autres. 3. Résoudre des conflits. Mieux nous entendre avec les autres, être heureux avec nos amis, notre conjoint, au bureau... L’objectif fondamental est la paix. 4. Gagner des conflits. Etre le plus fort, gagner des compétitions, séduire les autres, contrôler les autres... Faire la guerre, et la gagner. Certains de ces problèmes sont ponctuels et ne concernent qu’une seule personne de notre entourage ; d’autres sont plus généraux, et il nous semble les avoir avec « tout le monde ». Eliminons pour l’instant les problèmes du style : il faut changer les autres (nous le traiterons en fin de livre).

1. Se sentir plus fort

Nous avons tous le sentiment de ne pas toujours bien maîtriser notre vie. Beaucoup d’événements qui nous arrivent nous « tombent dessus », il nous est difficile de nous sentir responsables de ces événements. Combien de fois dans notre vie répétons-nous cette antienne : « Ce n’est pas de ma faute ».

- 15 -

Bien sûr, si le problème est qu’il ne fait pas beau, aucune méthode n’y pourra rien changer ; mais, ce n’est pas là un problème relationnel. Si nous voulons apprendre à mieux maîtriser notre vie, alors il vaut mieux partir d’ un axiome selon lequel « nous sommes responsables de (presque) tout ce qui nous arrive », et abandonner définitivement l’habitude de rendre responsables les autres. Il est impossible d’apprendre à être fort sans adopter, d’abord, cet axiome de base. Nous reviendrons plusieurs fois sur les implications de ce choix.

2. Résoudre des conflits

Les conflits sont permanents. Le fait même d’exister et de vivre en compagnie d’autres gens, nous entraîne dans une suite interrompue de frottements, de bousculades, d’oppositions qui peuvent, à tout moment dégénérer en conflits plus ou moins permanents. Le conflit avec autrui, est « normal » - au sens de correspondant aux normes - et cependant, nous le ressentons souvent comme une anomalie, donc un problème à résoudre. Nous poursuivons, du moins officiellement, la paix avec nos semblables. Nous verrons plus loin que ce but n’est pas dépourvu d’utopie et d’hypocrisie. Il est sûr que, souvent, nous préférons la paix à la guerre ; nous y vivons plus à l’aise, et la fatigue est moindre. Ainsi, beaucoup de problèmes à résoudre sont des résolutions de conflits.

3. Gagner des conflits

Une des façons la plus agréable de résoudre un conflit est parfois de le gagner. Nous sommes souvent dans une situation où le problème n’est pas de nous entendre avec l’autre, mais d’avoir le dessus. Si nous prétendons préférer la paix avec nos semblables à la guerre, nous préférons aussi gagner que perdre. Ce qui peut paraître contradictoire. Mais, est-ce certain ? On pourrait en douter quand on voit les

- 16 -

efforts déployés par certaines personnes pour « réussir à échouer », comme le dit notre maître Paul Watzlawick.

4. Les huit formules du changement

Résoudre un problème que nous nous posons équivaut à procéder à un changement : changer notre façon de voir le problème, changer nos relations avec autrui, ou changer l’autre. Disons une fois pour toutes que, dans ce livre nous utiliserons indifféremment les termes changement et résolution de problèmes. Pour nous, toute résolution de problèmes suppose des changements à plusieurs niveaux, même si tout changement n’est pas une résolution de problème. Comment exprimons-nous notre désir de changement, notre désir de voir le problème résolu ? La plupart des changements relationnels peuvent s’exprimer au sein de ce que nous appellerons les huit formules de base de la définition des problèmes : 1. Comment suis-je avec les autres ? 2. Que fais-je avec les autres ? 3. Comment les autres sont-ils avec moi ? 4. Que font les autres avec moi ? 5. Comment je voudrais être avec les autres ? 6. Que voudrais-je faire avec les autres ? 7. Comment voudrais-je que les autres soient avec moi ? 8. Que voudrais-je que les autres fassent avec moi ?

- 17 -

C. Quelques mots de la Méthode d’Analyse Relationnelle

Pour ceux qui ne détestent pas la théorie, nous donnons dans le dernier chapitre une description précise des fondements de la Méthode AR, de ses origines et de ses rapports avec les autres méthodes de changement. Ici, nous nous contenterons de dire que la Méthode AR permet à toute personne, en quelques mois, d’apprendre plusieurs savoir-faire oubliés de l’école traditionnelle. La Méthode AR peut être définie de multiples manières, selon le contexte auquel on se réfère ; on peut dire, entre autres, que c’est un ensemble de savoir-faire et une nouvelle manière de se comporter. La Méthode Relatio, nous demande d’oublier parfois une partie de ce que nous avons appris de façon abstraite : concepts, croyances, valeurs, opinions. Pour la Méthode AR, les gigantesques constructions intellectuelles qui nous habitent sont la plupart du temps inutiles, voire même dangereuses pour l’accomplissement harmonieux de nos relations quotidiennes. Plus on porte de jugements sur les personnes que l’on fréquente, plus nos relations seront artificielles. Plus on a d’opinions sur les choses, moins on est à même de les voir, telles qu’elles sont, dans leur ingénuité. Les choses ne sont pas ceci ou cela ; c’est nous qui les voyons ainsi. La Méthode AR, inspirée de Palo Alto et de la Sémantique Générale, eux-mêmes inspirés du zen, nous amène progressivement à abandonner cette lourde culture dont nous sommes si fiers, et qui fonctionne comme des vêtements empêchant notre corps de respirer et de rester léger. Il est assez curieux de remarquer que, souvent, les progrès les plus rapides en Méthode AR sont accomplis par des personnes au bagage intellectuels assez étroit, par des gens qui n’éprouvent pas le besoin permanent d’étiquetter à l’aide de concepts leurs pas quotidiens. Autrement dit, les « grosses têtes » qui ont pris la détestable habitude de

- 18 -

penser en termes de concepts abstraits ont plus de mal à entrer dans ce nouveau savoir-faire. La Méthode AR nous apprend à définir la nature des relations que nous entretenons avec les autres, puis à poser de façon concrète les problèmes que nous souhaitons résoudre, enfin à élaborer des stratégies de changement pour résoudre ces problèmes. La pratique régulière de la Méthode AR nous fait franchir une frontière, celle qui existe entre le raisonnement classique partagé par la plupart de nos contemporains et celle qui sera celle des hommes de demain, et qui est déjà partagée par un petit nombre de scientifiques de par le monde. Mais attention cette méthode n’est pas toujours anodine, car une fois franchie cette frontière, il n’est plus possible de revenir en arrière. Il n’est plus possible de raisonner « comme avant ». Une fois adoptés les raisonnements de la Méthode AR, on les applique à l’ensemble des situations de notre vie quotidienne d’abord, puis aux façons de résoudre les problèmes complexes de notre société. En fin de compte tout peut concerner la Méthode AR : l’éducation de nos enfants, le couple et la famille, les entreprises : le management, le marketing et la vente, la santé et la médecine, la politique...

- 19 -

III. LES 7 RAISONS DE NE PAS CHANGER Nous verrons plus loin que le même terme de changement peut recouvrir des réalités bien différentes. Il est des changements peu importants comme de changer la couleur de ses cheveux ou de changer de cravate, et des changements fondamentaux après lesquels nous disons : je ne suis plus le (ou la) même. Ce sont ces derniers changements que Palo Alto appelle les changements 2, qui nous intéressent. Or, ces changements sont assez rares dans une vie ; ils font peur en même temps qu’ils fascinent, et nous nous donnons parfois beaucoup de raisons pour ne pas oser les accomplir. On dit alors : je voudrais, quand il faudrait utiliser le présent : je veux. Dans notre vie quotidienne, il existe une infinité de situations neutres, anodines ; ce qui se passe nous paraît parfaitement normal. « Cela a toujours été ainsi », disons-nous. Ce n’est pas seulement que nous baissons les bras à l’idée du moindre changement, mais souvent, et plus simplement que nous ne voyons même pas ce qui pourrait changer. Nous souffrons de notre patron qui ne nous respecte pas, de notre femme qui est indifférente, ou de nos enfants qui tiennent tête, et nous pensons : « Que puis-je y faire ? ». Nous cultivons ainsi, et souvent à notre insu, des croyances handicapantes, inhibantes et paralysantes, qui nous empêchent de chercher des solutions. D’autres fois, nous cherchons à résoudre un problème précis sans avoir pris la précaution de le décrire concrètement, et d’en avoir analysé les processus récurrents. D’autres fois encore, nous n’osons pas changer. Nous nous justifions à l’aide de vieilles antiennes du type : « Un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ou « On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce que l’on aura ». D’autres fois on s’aperçoit que la tâche est au dessus de nos forces présumées, et que nous n’avons pas la personnalité nécessaire à la poursuite du changement souhaité. Enfin, et trop souvent, nous voyons l’autre comme la source de tous nos maux, et nous partons avec l’idée de changer

- 20 -

l’autre. Nous oublions trop souvent que les problèmes que nous nous posons sont, d’abord, dans notre tête, dans notre esprit. C'est dans vos pensées que les problèmes existent. Et comme vous regardez la réalité à travers elles, la réalité devient problématique. Votre mental fonctionne comme une prison. Il dissèque, il crée des problèmes... La réalité est totalement non problématique. Mais vous ne pouvez pas vivre sans problèmes. Il faut qu'il y ait des problèmes. (Baghwan Rajneesh. Le livre des secrets. p.101) Bref, nous nous donnons au moins sept grandes raisons pour ne rien changer dans notre vie. Ces raisons agissent ensuite comme des entités réelles, comme des barrières réelles, alors qu’elles ne sont que virtuelles et imaginaires. Examinons-les.

A. Vivre ses problèmes de façon abstraite

Un problème relationnel, quel qu’il soit peut se décrire en termes de concepts abstraits comme en termes de relations concrètes ; alors que la résolution de ce problème, le changement, est surtout un changement de comportements concrets. La Méthode AR, comme Palo Alto et la Sémantique Générale qui sont nos méthodes de référence, ne s’intéresse nullement à la communication en général. Notre champ d’action est l’étude de séquences précises de communication entre deux ou plusieurs personnes. Ce que nous appellerons dorénavant communication consistera en bouts de conversation, ou en saynètes que l’on pourrait filmer. Nous n’utiliserons jamais le mot dans un autre sens ; pour nous, communication et comportement sont des mots synonymes. C’est pourquoi la première erreur méthodologique sera de vouloir résoudre un problème concret, à partir de sa définition abstraite. Même si la définition nous semble correcte parce qu’elle correspond à notre sentiment, elle ne

- 21 -

donnera aucune clé permettant d’ouvrir la porte du changement. Un bon nombre de gens qui cherchent une aide décrivent leur problème d'une façon apparemment sensée mais en fait inutilisable : ils voudraient être plus heureux, mieux communiquer avec leur conjoint, profiter davantage de la vie, avoir moins de soucis, etc. L'imprécision même de ces objectifs les rend impossibles à atteindre. (P. Watzlawick. Changements... p.134) Les choses sont dynamiques et vivantes, tandis que nos concepts sont statiques et pauvres. (Thich Nhat Hanh. Clefs pour le Zen. p.28) « Etre heureux » est le type même de problème sans solution ; il s’agit d’un souhait abstrait, et aucune méthode ne peut dire par quels chemins il faut passer pour arriver à cet endroit où, enfin, on pourra être heureux. Il faudra donc apprendre à nos relationnistes (nom possible pour les pratiquants de la Méthode AR) débutants à redéfinir autrement le problème, en « descendant » le plus possible vers le concret. On en arrivera à des formulations du type : « Je voudrais passer une bonne soirée avec ma femme ». Puis, en descendant encore plus près du concret, plus près des détails, on fera décrire la bonne soirée en question, jusqu’à ce qu’on en arrive à un véritable scénario. Quand le débutant cédiste réussira à nous décrire le film de sa soirée et que nous pourrons la visualiser en détail : les sourires des partenaires, les gestes affectueux, leurs allées et venues, comme au cinéma, alors nous saurons que nous approchons du début de la solution. JMG nous dit que son patron ne le respecte pas, il voudrait remédier à ce problème. Nous refusons de traiter le problème en ces termes. Nous le transformons en un objectif plus précis, et, en apparence plus modeste : que le patron accepte de commenter le prochain dossier que JMG lui présentera. Dans les deux cas, en descendant de l’abstrait vers le concret (la Sémantique Générale appelle cela descendre de la Carte vers le Territoire), nous grossissons les détails des actions, comme avec un microscope. Nous voyons alors

- 22 -

apparaître les petits gestes de la vie quotidienne, les mimiques, les grimaces, les tics des uns et des autres, nous voyons apparaître les aspérités les plus fines du terrain comme sur une carte d’état-major. Et ce sont certains de ces détails que nous allons changer. En pratiquant ainsi, notre méthode de changement nous offre deux avantages considérables. Premier avantage : en étudiant la carte détaillée, nous voyons tout de suite qu’il existe plusieurs chemins possibles pour changer le cours de notre randonnée. « Il suffit de passer le pont, et c’est tout de suite l’aventure » chantait le poète. Mais le pont n’apparaît pas sur les cartes trop générales, seulement sur les cartes détaillées. Maintenant, on a le choix entre passer le pont, ou prendre la petite route, ou encore... La route n’est plus toute tracée de façon inéluctable, nous pouvons choisir. JMG peut maintenant choisir chaque jour la nature du changement qu’il va opérer, aussi bien en lui que dans la relation qu’il entretient avec son patron. Aujourd’hui, il le salue dans l’ascenseur l’air préoccupé de celui qui a un dossier en tête ; demain, il lui demandera un rendez-vous urgent ; après-demain, il refusera d’obtempérer à un ordre prononcé d’un ton méprisant... Deuxième avantage : les changements de petite envergure ont parfois mauvaise presse chez les gens pressés (sans jeux de mots) qui voudraient tout résoudre tout de suite. Mais la politique des « petits pas » induit souvent d’autres changements. Les changements sont en quelque sorte contagieux. En effet, on s’aperçoit souvent que le plus petit changement, au niveau le plus fin, fait tâche d’huile. En bref, les changements obtenus en fin de course sont souvent plus nombreux, plus importants que les changements définis en termes généraux et qui ne sont le plus souvent que des « annonces de changements ». Reprenons l’exemple de JMG. S’il avait gardé son objectif ambitieux « que le patron me respecte », et s’il avait manifesté ouvertement un tel objectif, il n’aurait probablement rien obtenu du patron sinon une recrudescence de mépris. « Qu’est-ce qui lui prend à celui-là

- 23 -

? ». Mais s’il se comporte de façon à ce que son patron le salue tous les jours, ou qu’il accepte de débattre d’une idée proposée, et que tous les jours, ce même patron soit mis en présence d’une initiative de JMG, alors, même si dans un premier temps rien ne change dans l’opinion (que d’ailleurs on ne connaît pas) du patron vis à vis de son collaborateur, il finira par élaborer à son insu un nouveau type de relation avec lui. Il se mettra à voir, donc à juger différemment son collaborateur. Quant à JMG, non seulement il atteindra ainsi ses premiers objectifs modestes, mais encore d’autres objectifs qu’il ne pensait même pas poursuivre au départ. Par exemple, le patron lui proposera une promotion. Attention ! Nous ne sommes qu’au début de la présentation de la méthode Méthode AR . Attention, il ne suffit pas de décrire concrètement un problème pour qu’il soit résolu. Mais sans description fidèle, point de changement possible. Le premier savoir-faire que nous apprenons aux débutants, ou plutôt que nous tentons de leur apprendre tant la chose est difficile, est de ne pas généraliser. Ne pas généraliser c’est en soi un grand changement d’habitude de pensée. C’est considérer que tout événement qui nous arrive, toute personne, tout propos, est unique en soi, et ne doit pas être assimilé à ce que nous connaissons déjà. C’est en même temps se retenir de donner un nom, une étiquette, à un fait unique et précis. Ne pas généraliser c’est rester au niveau de « ce qui se passe », au niveau du concret. Je constate, par exemple, que mon amie MM sourit chaque fois qu’elle évoque les espiègleries qu’elle fait avec son patron, sans éprouver le besoin de donner un nom à ce sourire (moqueur, ironique...). Ne pas généraliser, c’est refuser de porter un jugement quelconque sur mes amis à partir de quelques observations. PR rit souvent (combien de fois, dans quel cas, en disant quoi ?) quand nous bavardons ensemble ; mais cela ne me donne pas le droit de dire qu’il est gai. Les généralisations sont dangereuses quand elles fonctionnent comme des étiquettes que l’on colle à la face

- 24 -

des gens, ou sur soi-même. Le processus est simple, il se déroule en trois temps. Tout d’abord nous faisons une observation, relativement concrète : PR se met en colère. Puis, je pense « naturellement » (je veux dire par là qu’il me semble naturel et normal de penser ainsi) que ce n’est ni la première fois ni la dernière fois qu’il se met en colère, et je lui attribue une propension à se mettre en colère ; à cette seconde étape, il a quelque chose, comme on dit d’un malade qu’il a la grippe. Ce quelque chose est une tendance à se mettre en colère. Puis, l’étiquette colle encore plus et devient partie intime de PR ; à cette étape, il est « coléreux ». Il est classé dans une catégorie d’où il sera bien difficile de le sortir. Il faut savoir que notre esprit fonctionne ainsi et que nous n’y pouvons pas grand chose, sinon être vigilant et découvrir les généralisations abusives et préjudiciables aux personnes. Par exemple, il faut faire la chasse aux jugements normatifs, qu’ils soient positifs ou négatifs. On peut penser qu’il vaut mieux penser de mon ami qu’il est « génial », plutôt que « stupide » ; or, ce n’est pas le cas. Dans les deux cas, il s’agit d’un jugement à terme préjudiciable, pour moi comme pour lui. Si je le pense génial, je risque de ne pas voir qu’il m’entraîne à sa suite dans des coups dangereux, et si je le crois stupide, je raterai toute occasion d’apprécier ses bonnes idées. Est préjudiciable tout classement normatif, dont le mouvement de pensée va de l’observation vers la conceptualisation. Je pleure souvent, puis j’ai une dépression, enfin je suis dépressif. Arrivé au niveau le plus abstrait, la dépression s’installe, et je ne peux plus la combattre efficacement. Voyons maintenant si vous pouvez appliquer le principe de non généralisation.

- 25 -

B. Donner des explications rationnelles à ses problèmes

1. Cela vient de mon passé

Haley : A contrecoeur, je suis arrivé à la conclusion que le fait d’aider un patient à se comprendre, à devenir plus conscient de son passé, n’a rien à voir avec des changements dans sa façon de vivre. Erickson : Absolument. (J. Haley, Changer les couples, P. 23). Maintenant, en supposant que nous ayons appris à définir nos problèmes de façon concrète, et que nous soyons prêts à tout pour les résoudre, il restera encore un écueil que nous présentera notre esprit : le besoin de tout expliquer, appelé parfois explicationnite. Notre culture, encore elle, nous a habitué à poser sans cesse, pour tout événement, aussi futile soit-il, la question : Pourquoi ? Or, se demander Pourquoi ai-je ce problème ? revient à en rechercher l’origine, donc souvent, le coupable. Cette quête du coupable, du responsable, se termine trop souvent par une réponse simple et réconfortante : « C’est la faute des autres ». Nous avons appris que tout ce qui nous arrive possède une cause, et que « les mêmes causes produisent les mêmes effets » (ce qui est parfaitement faux). Nous avons souvent l’impression, en découvrant une explication à nos malheurs, de les avoir en partie résolus. Les thèses freudiennes, encore trop puissantes, ne nous disent-elles pas à peu près cela : « Si vous connaissez la cause de vos troubles, vous serez proches de la guérison » ? Ce n’est pas notre avis. Pour nous la guérison - et toute résolution de problèmes peut être assimilée à une guérison -, est à la fois un changement et l’apprentissage d’une autre façon d’agir, un savoir-faire, alors que la connaissance de la cause est une explication. Il n’y a pratiquement aucun rapport entre le fait de savoir pourquoi je fais encore pipi au lit, et comment faire pour arrêter. Nous remarquons

- 26 -

encore ici la présence des deux mondes : le monde abstrait des pourquoi, et le monde plus concret des comment. Méditer sur le pourquoi de nos troubles nous empêche de réfléchir aux techniques qui nous permettraient de nous en sortir. Les méthodes anciennes en thérapie mettent l’accent sur le passé, et sur le rapport linéaire cause - effet. Nos méthodes (celles de Palo Alto comme de la Méthode AR) mettent l’accent sur l’objectif, donc sur l’avenir, et le chemin à parcourir. Les processus mis en branle dans les deux types de méthodes sont de natures différentes : dans le premier cas, il s’agit de recherches introspectives, dans le deuxième d’exercices de musculation, d’apprentissages et de savoir-faire. Il n’existe aucun rapport entre les deux philosophies. Un problème, nous l’avons vu, est un « écart douloureux », ici et maintenant ; il convient donc d’étudier comment dans ma tête, je réussis à pérenniser mon problème. A démonter les mécanismes, je découvrirai à quel endroit de ceux-ci se produisent les enchaînements défectueux, et je pourrais alors espérer réussir à les corriger. Le réveil est cassé, il s’agit de le réparer et non de savoir pourquoi le sale gosse l’a jeté par terre. MM a un problème avec sa mère qui est agressive ; elle a un problème, dit-elle, parce que sa mère est agressive. Donc, logiquement, ce problème ne sera résolu que si la mère change, et cesse d’être agressive. On voit le piège se refermer sur notre cobaye, piège qu’il a mis en place lui-même dans la formulation même de son problème : en généralisant d’abord (elle est agressive) et en charchant à expliqer le comportement de l’autre. Maintenant, il ne reste plus qu’à prier qu’elle se calme. L’explicationnite, maladie aiguë et chronique à la fois, fait naître chaque jour des croyances limitantes, surtout quand la généralisation s’en mêle. MM souffre d’une mère agressive, mais aussi de son patron. Elle ne tarde pas à remarquer à quel point il est, lui aussi, agressif. Et elle en conclut qu’elle souffre, de façon générale, de l’agressivité des gens. En deux aller retour, du concret vers l’abstrait et de l’abstrait vers le

- 27 -

concret, elle s’est forgé un bon gros problème bien solide, aux noeuds bien serrés.

2. Le principe de non explication

Après ne pas généraliser, ne pas expliquer sera le deuxième principe-clé de la Méthode AR. D’ailleurs généralisation et explications vont souvent de pair, elles appartiennent toutes deux au monde des idées (la Carte, en sémantique générale). Les explications possèdent l’immense inconvénient de satisfaire notre esprit raisonneur : je sais pourquoi je suis malade, c’est parce que j’ai trop mangé de glace au chocolat. J’établis un lien « logique » au niveau des idées, entre deux faits : celui d’« avoir trop mangé de glace au chocolat » et celui d’« être malade », souvent sans en avoir la moindre preuve. Ainsi, nos hommes politiques, nos historiens expliquent tout et n’importe quoi, par relation entre des faits, relation qui n’existe en fait que dans leur esprit. La misère s’explique par l’industrialisation, l’ulcère par le stress, le chômage par la crise... La Méthode AR nous apprend à pratiquer la chasse aux explications inutiles. Le tableau nous semblera-t-il plus beau, si l’on nous explique pourquoi le peintre l’a peint ? En abandonnant progressivement nos « principes explicatifs » (comme le dit Gregory Bateson), nous serons étonnés de découvrir un monde plus riche de nuances, plus varié, et, somme toute, plus agréable. Nous n’avons pas besoin de la plupart des certitudes qui nous habitent pour vivre en harmonie avec les autres et notre environnement.

- 28 -

B. Chercher une solution utopique

Maintenant j’ai appris à décrire concrètement comment se passent les situations à problèmes, je sais oser, et je me moque de savoir pourquoi je suis dans cette situation. J’ai le sentiment d’avoir fait des progrès considérables, et d’être débarrassé de mes anciens préjugés qui me coûtaient cher. Mais, ne voilà-t-il pas qu’une nouvelle barrière se dresse à l’horizon ! Nous avons été élevés dans l’idée d’aller toujours et sans cesse à la recherche de relations « idéales », c’est-à-dire parfaites et dénuées de tout nuage discordant. C’est le syndrome d’utopie que nous retrouvons à chaque décision de notre vie. MM s’attaque au grave problème qu’elle a avec son patron. Elle aimerait, non seulement qu’il la considère et la traite avec respect, mais tant qu’à faire aussi qu’il file doux comme un agneau quand elle lui suggère une action, et qu’il l’admire pour toutes ses idées. Elle applique les outils que lui a donnés la Méthode AR et ça ne marche pas. Elle est tombée dans le syndrome d’utopie, en se fixant un objectif impossible. Elle voudrait, en quelque sorte, être supérieure à son patron. Utopie. Bien des conflits de couple sont ainsi créés par la seule comparaison entre la vie quotidienne et la vie que l’on devrait vivre si le couple correspondait au modèle du couple idéal. Autrement dit, le problème est engendré par la seule comparaison entre, d’une part ce qui existe et, d’autre part, ce qui pourrait exister si l’on vivait une expérience « idéale ». Ces problèmes n’ont tout simplement pas de solution. L’utopiste est un être malheureux par essence, dans la mesure où il recherche la solution à un problème imaginaire ; il s’invente une question pour avoir ensuite loisir de se plaindre de ne pas trouver la réponse.

- 29 -

Il n’est pas facile de traquer dans nos esprits les problèmes d’origine utopique, car cette façon de penser les faits nous est tellement familière que nous ne pouvons plus la reconnaître comme génératrice de problèmes. Ainsi de l’homme qui rêve de faire des voyages ; jusqu’à la fin de sa vie, il dit : « Plus tard, quand j’aurai les moyens ». Ou de l’homme qui attend la retraite pour écrire le roman de sa vie. Et qui ne l’écrit jamais. L’utopie est fille de l’abstraction. L’utopie persiste tant que personne ne nous met le nez sur la réalité. Toute mon enfance j’ai entendu cette phrase, à laquelle je n’ai jamais adhéré : « Les rêves font vivre ». On ne vit pas de ses rêves, mais on peut vivre ses rêves. L’utopie la plus répandue est celle d’un avenir dépourvu de conflits, les « lendemains qui chantent » en quelque sorte. La paix, comme bien suprême (avec des majuscules c’est encore mieux). Tout cela n’a jamais existé, et n’existera jamais, sous peine de voir l’humanité entière se consumer aussitôt d’ennui. Nous sommes esclaves de cette utopie dans notre vie quotidienne, quand nous prétendons poursuivre des objectifs de paix. Nous ne le dirons jamais assez : l’idée que la paix est la norme et la guerre une anomalie est séduisante, mais dangereuse et probablement fausse. Il suffit d’ouvrir un journal pour le constater. Cela se saurait. Restons proche de la réalité et poursuivons des buts réalistes. Une forme particulièrement dangereuse de cette utopie et qui fait partie de notre « inconscient collectif » pour parodier Jung, c’est l’idée que nous devons être égaux en tout. Les hommes sont égaux nous dit-on depuis deux siècles, à quoi l’on a ajouté l’égalité de l’homme et de la femme, et l’égalité des civilisations. Ce n’est pas ici le lieu de traiter de cela, remarquons seulement à quel point nous nous compliquons souvent la vie en voulant poursuivre cet idéal d’égalité jusque dans les moindres actions quotidiennes : ménagères (repassage, lavage, courses...), mais aussi sociales. Nous devons tous à égalité être capables de prendre

- 30 -

des décisions. C’est une utopie génératrice de maints conflits : Bien des conflits de couples sont fondés sur l’idée : « Nous devons tout partager à égalité.» Je leur montre immédiatement que l’égalité dans le partage est impossible car biologiquement ils sont des créatures différentes. (J. Haley, Changer les couples. Entretiens avec Milton Erickson. p. 18). Contre ces utopies, nous enseignons le principe de non idéalisation.

C. Ne pas oser et ses variantes

Une autre barrière imaginaire que nous dressons devant nous se définit par les phrases : « On ne peut pas faire cela », en ajoutant parfois : « Ca ne se fait pas, ce n’est pas bien ». Ce sont des phrases assassines de changement. Certains de nos élèves n’osent pas faire les exercices qu’on leur donne, mais nous les démasquons facilement car : Je sais quelles sont les questions qu'on pose quand on pratique une méthode et je sais quelles sont celles qu'on pose par curiosité, pour satisfaire l'intellect. Et petit à petit, je ne répondrai plus à vos questions intellectuelles...Quand on dit : " cet exercice est très simple", c'est qu'on ne l'a pas encore fait (Bagwan Rajneesh Le livre des secrets. p.115). Ma femme m’ennuie, avec elle tous les jours se ressemblent ; une des solutions évidentes est d’en changer. Mais on ne peut pas faire cela. Mon patron m’insulte en public, il me fait faire les travaux les plus humiliants ; le plus simple serait de lui crier mon ras le bol, ou de changer d’entreprise. Mais on ne peut pas faire cela. Mon voisin de table au restaurant parle trop fort, je n’entends même plus les mots d’amour de ma petite amie ; le mieux est de le faire taire, ou de parler encore plus fort que lui. Mais, on ne peut pas faire cela.

- 31 -

Ne pas oser est l’handicap majeur de tous ceux qui ne font que rêver leurs changements. Ah, si j’osais ! Il arrive que notre peur se cache sous des formulations diverses du type : « ça ne marchera pas » ou « je l’ai déjà fait » ou « c’est trop tard ». Notre esprit devient soudain créatif quand il s’agit de trouver les raisons de notre immobilisme ou de nos peurs du changement. Ces gens sont les champions du conditionnel ; ils vivent toute leur vie au milieu d’une forêt de : je voudrais. Oser nous fait franchir l’écart existant entre les « je voudrais » et les « je veux ». De spectateurs, nous devenons acteurs de nos propres changements.

D. Cultiver des croyances handicapantes

Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés à dévoiler les processus cognitifs que nous suivons, dans la vie de tous les jours : la généralisation, l’explication et l’idéalisation nous aident quotidiennement à forger des opinions et des croyances sur tout et sur tous, à commencer sur nous-mêmes. Hélas, la plupart de ces croyances ont pour but de justifier notre immobilisme ; nous les appelons les croyances handicapantes, inhibantes ou limitatives. Les débutants qui viennent à notre Institut sont porteurs de problèmes souvent anciens sur lesquels ils ont déjà essayé maintes solutions, sans succès. Ils nous les apportent comme des trophées, en disant : « Si vous réussissez à résoudre celui-là, c’est que la méthode est bonne. » Quant à eux, ils en sont venus à penser que ce problème est insoluble. Simplement parce qu’ils ont déjà essayé sans réussir. Nous verrons plus loin comment ce sont souvent ces tentatives mêmes qui, parfois, ont aggravé le problème. Nous avons tous, au fil de notre vie, engrangé une multitude de croyances, sur tous les sujets de notre connaissance et aussi sur les sujets que nous ne connaissons pas. S’il fallait écrire le grand livre des croyances, nous pourrions atteindre le volume d’une encyclopédie. Nos croyances forment ce que

- 32 -

nous appelons, en Sémantique Générale, la Carte (voir les annexes méthodologiques). Et nos croyances déterminent en partie nos comportements. Nos croyances nous dictent aussi bien notre façon de manger et de boire, que notre façon de nous habiller, de nous tenir en société, de faire l’amour, et de travailler, nos loisirs, bref toute notre action sociale est - en partie seulement - conditionnée par ces croyances. On pourrait imaginer une infinité de façons de classer ces croyances. Pour l’instant, nous nous contenterons de les classer en deux catégories sommaires : les croyances dynamisantes, celles qui nous poussent à changer et à nous adapter aux fluctuations de notre environnement et les croyances inhibantes, celles qui sont un frein au changement. On remarquera souvent que, plus une croyance est abstraite et générale, plus elle a de chances d’être inhibante. Comment expliquer cela ? Une croyance générale prétend s’appliquer à l’ensemble des situations, elle est souvent précédée d’expressions du type de : « Toujours, jamais, dans tous les cas... ». De toute évidence ce type de croyance m’empêchera de voir les exceptions à ces toujours et ces jamais quand elles se présenteront. Si je crois, par exemple, que le rôle de la femme est de rester au foyer, alors je ne verrai pas que ma cousine Lucie est manifestement faite pour travailler. Et si je crois que les femmes doivent aller travailler au bureau ou à l’usine comme les hommes, je ne verrais pas à quel point ce travail rend malheureuse ma voisine de palier qui aimerait mieux s’occuper de ses enfants. Pire, je nierai ce sentiment qui risquerait de m’amener à dénoncer mes idées. D’une façon plus générale, toute croyance que l’on adopte, fonctionne comme un choix, en nous interdisant d’adhérer à des croyances différentes. Toute croyance, en nous ouvrant une porte, nous ferme toutes les autres. En adoptant une croyance, je choisis une voie, et me retrouve dans un couloir où le choix ne se pose plus. Toute croyance joue à un moment ou à un autre, le rôle de gardien de l’ordre, en me limitant dans mes actions.

- 33 -

Mais celui qui cultive un moi rigide, qui s'enferme dans ses comportements et ses opinions, se détermine lui-même et limite sa liberté. Ses actions deviennent prévisibles, son autonomie restreinte. (Maître Taisen Deshimaru, Yujiro Ihemi Zen et self control, p. 102) N’oublions pas que tout jugement porté sur moi-même comme sur autrui peut être considéré comme une croyance. Si je dis de ma cousine qu’elle est autoritaire, je me condamne à ne pas voir chez elle en quoi elle est aussi coopérative, amicale... Est-ce à dire que nous devrions tuer en nous toutes les croyances ? Nous verrons cela plus tard. Juste une citation pour terminer ce chapitre : Au cours de ce voyage qu'est notre vie, nous nous encombrons d'une quantité invraisemblable de bagages. Tous les jours, nous accumulons sans discernements des connaissances inutiles, des jugements superficiels, nous nous entourons d'une carapace et nous pensons que la surface externe c'est la véritable nous-même, alors qu'en vérité, c'est ce qui masque notre vraie personnalité. (Claude Durix. Zen ou l’esprit de l’eau courante. p 133

E. Vouloir changer les autres d’abord

On peut admettre facilement qu’après avoir réussi à expliquer la genèse et la permanence de la plupart de nos problèmes par les agissements d’autrui, j’en arrive naturellement à l’idée de la nécessité de changer les autres. La plus grosse des erreurs lorsque nous voulons changer notre relation avec quelqu’un, est de vouloir changer l’autre d’abord. Nous raisonnons et analysons nos problèmes par rapport à nous, et voulons que ce soit l’autre qui change. C’est comme si nous nous fixions des objectifs qui dépendraient d’autrui. Ce désir est presque toujours voué à l’échec.

- 34 -

Ma femme est agressive, elle doit changer et tout rentrera dans l’ordre. Cette façon de penser est techniquement fausse, et méthodologiquement va m’engager dans des erreurs de procédure. La Méthode AR , après Palo Alto, définit une relation comme un ensemble ordonné d’interactions. Nous verrons plus loin l’importance de cette notion. Autrement dit, le problème dont je me plains, n’est pas seulement en moi, ni en l’autre, mais se trouve généré en grande partie par les séries d’interactions antérieures que nous avons eu ensemble. Les êtres humains engagés dans une interaction ont constamment recours à ce vice de raisonnement : A et B prétendent tous deux qu'ils ne font que réagir au comportement de leur partenaire sans s'apercevoir qu'ils influencent à leur tour leur partenaire par leur propre réaction. (P. Watzlawick. Une logique de la communication, p.42). Ma femme est agressive est un jugement abstrait, une généralisation ; nous devons combattre cette formulation, et la remplacer par des phrases plus précises du type : « Quand je lui ai demandé, hier, dans quel restaurant nous allions manger, elle m’a répondu : pourquoi me demandes-tu cela, puisque de toutes façons nous irons où toi, tu veux aller ? ». Ma femme n’est pas agressive ; elle me paraît agressive, de temps à autre, avec moi, et je ne sais pas comment elle est avec ses amis... Et je ne dois jamais exclure la possibilité que ce soit moi qui la rende agressive, du moins en partie. Donc, en tout état de cause, que selon moi le problème vienne de l’autre ou de moi, il vaut mieux commencer par me changer moi-même, et l’on verra bien si elle continue à se comporter de la même façon. Si nous avons tendance à définir les problèmes comme étant de la faute des autres, c’est encore une fois que notre culture nous y prédispose. Notre vision des choses est assimilée par chacun de nous comme la vérité ; or, nous ne pouvons voir la relation que de notre point de vue, tout simplement parce qu’on n’est pas de l’autre côté. Or, de notre point de vue, nous voyons surtout l’autre qui est en face et, de façon bien plus floue, nous nous voyons nous-

- 35 -

mêmes. L’autre nous apparaît comme un être objectif, c’est lui qui réagit, c’est lui qui nous satisfait ou nous mécontente, c’est donc lui qui porte la responsabilité de la mauvaise relation. Le moi n’est que l’autre de l’autre (Jacques Brosse satori. Dix ans d'expérience avec un maître zen) Il ne peut en être autrement tant que n’aurons pas appris à voir l’ensemble de la relation de façon globale, comme la verrait un tiers nous observant à quelque distance. Si j’ai un problème avec quelqu’un, cela peut être de ma faute, de la sienne, mais aussi, et c’est plus difficile à expliquer et à admettre, de la faute de la relation que nous avons construite ensemble. On peut sans grand risque de se tromper dire que c’est presque toujours au niveau de ces trois éléments qu’il faut chercher. Ce qui n’empêche pas qu’au moment de partir vers la résolution du problème, le seul élément dont on dispose librement, et que l’on peut modifier à volonté, du moins en théorie, c’est nous-mêmes. Aussi en Méthode AR, nous partirons du principe efficace selon lequel, quoi qu’il nous arrive, nous en sommes responsables. Ce principe n’est pas un principe explicatif : nous n’expliquons pas le problème par une quelconque faute que nous aurions commise, car ce choix ne mène pas loin, vraisemblablement vers une quelconque folie. Ce n’est pas non plus un principe descriptif : dans une relation perturbée, personne n’a ni tort ni raison, et tous les partenaires ont droit de porter la croix. Simplement, il s’agit d’un principe philosophique d’action : je ne m’occupe pas de savoir à qui la faute, je considère que la méthode la plus efficace est toujours (ou presque) de commencer par modifier chez moi, et ma façon de penser le problème, et ma façon d’en parler, et ma façon de me comporter. Un changement aussi petit soit-il, peut en entraîner un autre, puis un autre...

- 36 -

F. Développer une personnalité faible

Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés aux aspects cognitifs de la genèse de nos problèmes quotidiens ; c’est-à-dire que nous avons mis en lumière en quoi la plupart de ces problèmes proviennent de la façon même dont nous raisonnons. Changer notre façon de raisonner est déjà en soi un changement qui apparaîtra, à maints égards, comme révolutionnaire, dans la mesure où nos croyances et opinions se mettent elles aussi à changer, voire même à nous quitter. Mais il ne suffit pas de bien raisonner pour réussir nos changements relationnels ; encore faut-il que nous en soyons capables. Attaquons-nous maintenant à ce que nous appelons habituellement la « personnalité ». Maintenant, après de longs mois d’exercice, vous avez réussi à poser concrètement tous vos problèmes, vous êtes prêts à oser n’importe quoi, vous ne cherchez plus à expliquer les raisons de vos problèmes, et avez éliminé tout objectif utopique ; de plus, vous avez fait une chasse intensive à vos croyances inhibantes. Vous êtes fin prêt pour le grand changement. Vous foncez et vous vous cassez la figure. Vous avez oublié de vérifier l’essentiel : avez-vous les muscles assez aguerris pour atteindre la réussite de vos plans ? Vous partez à toute allure sans vous être entraîné. Dans les méthodes classiques et dans notre vie de tous les jours, nous parlons volontiers de notre personnalité. En général, sous sommes fiers de posséder une certaine personnalité. En avoir ou pas, c’est le premier problème ; en avoir une bien forgée, est le second problème. En Méthode AR, nous n’attachons que peu d’importance à cette fameuse personnalité. Nous pensons plus important d’apprendre aux gens à bien agir en toutes circonstances de leur existence et à s’adapter aux aléas de leur environnement. Nous leur apprenons de nouveaux gestes, de nouveaux réflexes, de nouveaux comportements, et une

- 37 -

nouvelle personnalité jaillit, après coup, de ces nouveaux « jeux ». Il est cependant sûr, qu’en l’absence de toute formation, de tout exercice particulier, nous avons tous, plus ou moins tendance, à nous comporter plutôt de telle ou telle façon. Ce n’est qu’une question de degré, mais cela peut changer toute une vie. Par exemple, nous nous sentons tous, à certains moments dominés par les autres ou par la situation. Oui, mais plus ou moins. Et l’on devine que celui qui se sent la plupart de temps dominé, par toutes les personnes qu’il rencontre, n’est pas apte par lui-même à résoudre ses problèmes. Nous allons maintenant étudier les SEPT principaux traits de personnalité qui sont des handicaps pour le changement. Nous donnerons en même temps quelques idées de la façon dont ces handicaps pourront être résolus. Comment chacun d’entre nous peut connaître son profil vis à vis de ces traits de personnalité ? L’adjectivogramme est l’outil qui vous permettra, en première analyse, de savoir d’où vous partez, avant toute action de changement.

1. Réactif

Globalement un réactif agira en fonction de l’opinion des autres, ou plutôt de l’opinion qu’il prête aux autres sur lui-même. Il est influencé en permanence par les actions et les opinions des autres, il aime parler en dernier avant de donner son avis. Il jouera aux cartes quand on le lui proposera, il parlera à ceux qui viennent le saluer. Il pourra faire baptiser ses enfants « pour faire plaisir à la belle-mère », en fait plutôt pour ne pas la fâcher. Il fêtera les anniversaires même si cela le laisse indifférent. Mais il peut aussi, dans des contextes de guerre, réagir violemment : il ne déclenche jamais les hostilités lui-même mais peut répondre violemment à un coup donné. Quand on lui demande d’expliquer ce qui vient de se passer, il commence généralement ses phrases par « L’autre jour, il est venu dans mon bureau, il m’a dit... ».

- 38 -

Le type réactif peut être très malheureux dans son souci permanent de savoir ce que les autres pensent de lui. Sans être pour autant « altruiste », il vit pour les autres. Il n’est rien sans amis, sans copains, sans collègues de bureau. On se doute que, dans la mesure où toute opération de changement demande à être dirigée, il n’est pas souhaitable d’être trop réactif si l’on veut résoudre ses problèmes relationnels. Un réactif peut rarement se changer de lui-même ; il est changé par les autres. Le réactif se donne des buts qui dépendent des autres.

2. Dominé

Globalement, ce type ne se sent bien que dans l’obéissance ; il ressent le besoin d’être protégé, de suivre un leader. Ce peut être un excellent numéro 2, jamais un numéro 1. Ce type peut justifier de façon générale ses comportements par des propos de modestie à son propre égard : « je ne suis pas doué pour... » assortis d’une certaine admiration pour les autres. Très agréable en tant que collaborateur parfait, c’est-à-dire parfaitement obéissant, il n’est pourvu que d’un minimum d’autonomie. Dans la vie de tous les jours, il arrive qu’on lui dise ce qu’il doit faire et il le fait de son mieux pour faire plaisir à l’autre et pour être tranquille. Ce type est assez courant chez les débutants dans une école ou une profession, ou chez des jeunes face à leurs aînés. (Quoique !). Paradoxalement on le trouve chez de bons managers, qui savent s’entourer de collaborateurs meilleurs qu’eux sur tous les plans techniques de leur profession : ils savent commander, en synthétisant, en distribuant le travail. A la maison ce sont des femmes ou des maris que l’on dit « soumis », à l’autorité de leurs conjoints ; ils seront « Papa gâteau » incapables de sévir. Ils sont adeptes de l’éducation libérale plus par faiblesse que par conviction. Pour résoudre le moindre problème de notre vie relationnelle, il est nécessaire d’apprendre à ne plus se sentir dominé, et à devenir, soit égalitaire, soit, mieux encore, dominant.

- 39 -

3. Exalté

Des hauts et des bas permanents dans l’humeur de ce type. Le type exalté fait « des montagnes » d’un moindre rien. Une grippe devient une maladie grave, un manque d’argent temporaire devient la ruine, un petit béguin et c’est le grand amour. L’exalté exagère tout ce qu’il vit : ce qu’on lui dit comme ce qu’il dit lui-même. Son langage en porte les marques : tout est « géant », « génial », « extraordinaire »...Rien de ce qui lui arrive ne peut être banal. L’exalté a intérêt à être de surcroît énergique, sinon il aura de temps en temps de grands coups de fatigue qui pourront vite devenir chez lui « dépressions graves ». En famille, l’exalté fatiguera son monde. La soupe trop chaude et le rôti trop cuit sont sources de cris violents; son bon côté sera ses enthousiasmes pour la réussite scolaire du petit dernier ou les promotions du conjoint. En entreprise, l’exalté considérera celle-ci, soit comme géniale, soit comme la pire des entreprises. L’exalté sera souvent à la tête des mouvements revendicatifs, mais aussi bien pour défendre son entreprise contre la concurrence ou l’environnement, que comme porteur de banderoles contestataires. Pas de changement sérieux sans un minimum de maîtrise de soi ; le cédiste désireux de résoudre des conflits, ou de gagner, se doit de contrôler à la fois ce qu’il dit et fait, pour contrôler ensuite de ce que les autres penseront de lui.

- 40 -

4. Placide

Le type Placide ne se lancera dans des activités que dans la mesure où il s’y sent obligé, poussé. Sa vie est pour lui, une succession d’états : états d’âmes, états d’esprit, états corporels. Il pense beaucoup à ses loisirs, aux bons moments entre amis, à ses fins de semaines. Et le farniente est la principale activité de ses vacances. Il parle facilement de plages, et de « doigts de pied en éventail ». En famille on le voit souvent dans son fauteuil, il lit le journal, écoute la radio ou regarde la télévision. Ses lectures sont souvent faciles, et il ne va pas au cinéma pour voir des films intellectuels. En entreprise, il fait bien son travail, mais uniquement son travail tel qu’on le lui a défini. Il attend 18 heures avec plaisir, surtout le vendredi soir. Il est rarement accro de promotion ; une longue vie tranquille dans la même entreprise, et (presque) au même poste lui convient assez bien. Ce type de personnes est très commun dans la vie de tous les jours. Le contraire de placide est énergique. Et il faut souvent beaucoup d’énergie pour oser changer, et consolider les premiers changements obtenus. Nous verrons aussi comment apprendre à devenir énergique.

5. Centré sur soi

Le type Centré sur soi n’est pas automatiquement un égoïste ; simplement, il ne voit pas les autres. Ce qui l’intéresse, c’est son propre développement, son plaisir personnel. Il s’enferme souvent dans sa coquille-maison ou dans sa coquille-bureau. Ce pourra être un chercheur ; s’il trouve le médicament du Sida, sa satisfaction sera tout autant d’avoir résolu un problème difficile que d’avoir sauvé des vies humaines.

- 41 -

C’est souvent un homme de dossier, un travailleur « scientifique ». Ou bien il n’a pas de relations humaines ou bien les autres devront être exclusivement à son service. En famille, sa valeur dominante sera « la tranquillité ». Il aimera les soirées calmes entre intimes. S’il y a trop de monde, il se réfugie dans son bureau ou dans ses pensées. Et s’il parle aux invités, c’est pour s’entraîner, pour en tirer un bienfait personnel. En entreprise, il aimera travailler les portes fermées et considérera son travail, ou son service comme un monde en soi. Il comprendra mal le point de vue des autres personnes, celui des autres services, et le point de vue global de l’entreprise. Nous verrons plus loin que le trait de personnalité opposé centré sur les autres, est très important dans toute opération de résolution de problèmes. On ne vit pas seul, et tout changement est à la fois un changement de soi-même, de l’autre, et de la relation.

6. Guerrier On dit du type Guerrier qu’il aime bien la bagarre, soit parce qu’il la provoque de lui-même, soit parce qu’il réagit toujours de façon agressive. Il peut partir en guerre contre les idées dominantes, dans ce cas c’est un intellectuel « révolutionnaire » ou simplement aimer participer à des actions belliqueuses. Il a du mal à s’entendre avec les gens, sauf ceux qui aiment obéir. Son agressivité peut n’être que verbale, ou ludique. Il aimera facilement les jeux de simulation guerrière : jeux de go, jeux d’échecs, jeux de rôles, ou encore les jeux vidéos sanglants où les points sont les morts de l’adversaire. Mais, dans un autre domaine, il se réjouira de la déconfiture des autres. Il participera à des « commandos commerciaux », aimera définir ses « cibles marketing » et jugera de sa réussite au nombre de cadavres qu’il laissera sur le tapis, même s’il ne s’agit que de produits concurrents. A priori, rien n’empêche qu’à certains moments d’une opération de changement, nous passions par des étapes

- 42 -

guerrières dans une relation ; toutefois, la guerre doit être voulue et contrôlée. Déclarer la guerre peut être une stratégie ; se sentir en guerre avec l’autre restera une faiblesse. A cette faiblesse, nous préférerons le sentiment de paix.

7. Rigide Le type Rigide agit en fonction d’un code d’honneur, qu’il soit personnel ou partagé par son groupe d’appartenance. Plus couramment, il agira de façon rigide selon les principes moraux judéo-chrétiens. Il pense en termes de « Bien » et de « Mal » (avec les majuscules), il tient beaucoup à ses principes. « Chez les Dupont, monsieur, on ne divorce pas ». Il se dit volontiers « pur » et « entier » ; en termes de communication. On le trouble facilement et parfois sans comprendre ce qui le fâche, faute de connaître son code. Il préfère souvent perdre une bataille plutôt que de « perdre son âme ». On le voit beaucoup chez les prêcheurs, les enseignants et tous ces gens pour qui il est important de rester honnête, malgré toutes les tentations. En famille ce sont des maris fidèles (ou terriblement honteux de ne pouvoir l’être), des parents rigoureux sur l’éducation des enfants et l’heure à laquelle ils doivent rentrer (selon l’âge), des fils respectueux. Dans une entreprise on peut compter sur eux : fidèles à leur patron et à leur société auxquels ils s’assimilent volontiers, ils seront mortifiés si on leur fait des infidélités. Ils aiment la transparence, la justice sociale au risque de paraître un peu « utopiques » ; on en trouve souvent chez les syndicalistes sincères. Tout lecteur attentif ne manquera pas de remarquer que la personne que nous désignons sous le titre de rigide, est en fait une personne qui est tombée dans toutes les marmites d’erreurs : elle ne sait pas analyser concrètement les situations, elle généralise, elle se justifie et explique chacune de ses actions, et elle vit en fonction d’un code idéal. Bref, le rigide, en faisant dépendre ses

- 43 -

comportements de ses croyances, fixe en quelque sorte ceux-ci, et semble nous dire : « Je suis ainsi depuis toujours et ce n’est pas maintenant que ça va changer » ou encore : « Je suis ainsi et j’en suis fier ; de toutes façons, chassez le naturel, il revient au galop ». Que dire à quelqu’un qui nous déclare aussi nettement son désir de ne pas changer, sinon que la Méthode AR n’est pas pour lui ? Qu’il s’engage dans un parti politique, dans une secte ou une religion, ou encore qu’il démarre une psychanalyse sans fin pour savoir par exemple pourquoi, il ne veut pas changer. La Méthode AR, entre autres choses, est une méthode de changement ; il est donc naturel qu’elle ferme sa porte à ceux qui ne veulent pas changer, soit qu’ils se trouvent bien comme ils sont, soit qu’ils se trouvent irrécupérables.

- 44 -

- 45 -

IV. COMMENT CHANGER ET RESOUDRE SES PROBLEMES AVEC AUTRUI

A. Le schéma des chemins du changement

La Méthode AR nous enseigne une méthode de changement dont voici le schéma grossier :

Le processus de changement d’une relation avec autrui - donc toute résolution de problème - peut se comparer à une randonnée pédestre. Nous ne pouvons pas changer correctement si nous ne savons pas d’abord : 1. Où nous sommes : c’est la situation de départ et 2. Où nous allons : c’est la situation d’arrivée.

- 46 -

Pour déterminer ces deux éléments, il nous faut tracer une carte détaillée du chemin à parcourir. Il faut apprendre à définir l’objectif le plus concrètement possible. Nous avons déjà étudié ce point. L’on ne dit pas, « je grimperai sur la montagne », mais « je prendrai tel ou tel chemin... » ; l’on ne dit pas « Quand ma femme m’agressera, je ne réagirai plus par une contre-attaque », mais « la prochaine fois qu’elle me sourit pour se moquer quand je lui dis que j’ai de grands projets, je lui répondrai calmement :... » Puis, on doit apprendre à déterminer : 3. Les étapes, surtout si le projet paraît trop ambitieux après mesure de l’écart entre le point d’arrivée et le point de départ. Par exemple, notre ami, JMG qui dit : « Je voudrais que mon patron me considère », exprime là un objectif global, général et lointain. Trop lointain pour que je puisse l’atteindre en une seule étape. Nous fixons alors une étape intermédiaire : que son patron accepte le prochain projet qu’il lui présentera bientôt. Définir des étapes comme des objectifs moins ambitieux est un des garants de la réussite ; chaque étape réussie nous encouragera à continuer la marche. De même qu’en randonnée, il est prudent de prévoir la possibilité de s’arrêter à quelque refuge intermédiaire avant d’attaquer la montagne. Enfin, il faut regarder l’état de son 4. Sac à dos. Il est important de charger correctement notre sac à dos. Combien voyons-nous de randonneurs partir, avec des livres, des objets inutiles, et trop de vêtements, en oubliant la gourde pour la soif, ou les pansements... Le sac à dos est-il bien rempli ? Sommes-nous sûrs de posséder les éléments de base de tout bon marcheur ? Un sac à dos bien rempli suppose que nous ayons appris à raisonner de façon correcte et efficacement et que nous possédions les compétences d’un bon marcheur. Sommes-nous bien entraînés et bien musclés pour ne pas attraper de crampes dès les premiers kilomètres ? Ainsi, avant de mettre en oeuvre des solutions dans une relation qui nous pose problème, il est bon de nous entraîner

- 47 -

avec des personnes avec qui tout va bien. A ce moment-là seulement, nous examinons notre carte et traçons 5. Les chemins. Il est prudent, avant de partir, d’étudier la carte et de tracer plusieurs chemins possibles pour atteindre le sommet, en sachant qu’en matière de communication tout comme en randonnée, le chemin le plus court est rarement le meilleur, ni le plus facile. Maintenant, le plus difficile reste à faire, ce que personne ne peut faire à notre place : marcher vers l’objectif. La méthode Méthode AR nous donne toutes les garanties d’une bonne analyse de la situation, d’une bonne préparation, elle nous livre les bons ustensiles à emmener en voyage, mais elle ne marche pas à notre place.

- 48 -

B. Le sac à dos du changement

On le voit facilement : la plupart d’entre nous ne sommes pas naturellement armés pour savoir et pouvoir changer. Notre sac à dos ordinaire, mal préparé, contient une trop grande quantité de traits de personnalité inhibants, de croyances inutiles, et d’erreurs de jugements, tels que la généralisation abusive, l’explicationnite ou l’idéalisation. Vidons notre sac à dos mental des restes de nos anciennes randonnées ratées, et remplissons-le maintenant des éléments indispensables. Notre sac à dos doit contenir les ingrédients suivants : savoir aller de l’avant, décider de la marche à suivre nous-mêmes (c’est le critère entreprenant) ; être centré sur la nature du terrain, sur la couleur du ciel et l’état de nos chaussures comme de nos estomacs (critère centré sur les autres) ; ne pas nous laisser troubler ni influencer par ce qui peut nous arriver, rester maître de soi (critère calme) ; faire provision de nourriture pour la route (critère énergique). Grâce à ce sac à dos correctement rempli, nous apprendrons vite à devenir stratégique et à choisir notre route en fonction des événements.

1. Ma vision est la réalité Mais avant de décrire les traits nécessaires à tout voyage réussi, quelques mots d’une croyance générale que nous avons et qui nous fait rater la plupart de nos changements. Nous croyons ferme que notre vision du monde, nos croyances, nos opinions, nos habitudes comportementales, bref, la façon même dont nous interprétons tout ce qui nous arrive, est la réalité en soi. Et que, par voie de conséquence, tout le monde devrait voir les choses comme nous. Si les autres ne voient pas les choses comme nous, alors, c’est qu’ils sont inconscients, ignorants, illettrés, ou carrément fous, ou bien qu’ils le font exprès, et ce sont des salauds. De façon abstraite nous acceptons assez bien l’idée que les gens puissent avoir des opinions divergentes des

- 49 -

nôtres, mais nous tolérons assez mal qu’ils les aient véritablement, qu’ils les assument et les pratiquent. « Ca n’est pas possible, vous ne pouvez pas penser cela ! Mais enfin...! » Le randonneur sur sa montagne, perché sur la face ouest, ne comprend pas la description d’un autre randonneur qui a grimpé la face est. Ca n’est pas manifestement pas la même montagne qu’ils viennent de monter, et pourtant ils savent intellectuellement que c’est la même. Nos esprits soi-disants cartésiens butent et calent à cette idée ; le principe du tiers-exclus est déchiré comme un vieux journal. Il va nous faire une névrose. Les joyeux utopistes, qui, selon Watzlawick ont « les yeux pleins d’étoiles » pourront nous dire autant qu’ils voudront que ce n’est pas bien, et qu’un jour viendra où les hommes se réconcilieront dans une vision commune de l’univers, nous avons beaucoup de mal à les croire. De toutes façons, il est plus efficace pour l’action, et plus vraisemblable de postuler qu’il en sera toujours ainsi. En attendant un miracle. La façon dont nous décrivons notre vie, la réalité et nos problèmes est et restera subjective. Nous ne pouvons décrire autre chose que notre propre vision, ce que nous voyons à partir de l’endroit où nous nous situons, ici et maintenant. L’autre, les autres en général, n’ont pas le même panorama sous les yeux ; ils contestent la réalité telle que nous la voyons et la décrivons, et nous contestons la leur. Parmi un groupe de randonneurs éparpillés dans la montagne, qui a la « vraie » vue de la montagne ? Voilà le type de questions susceptible de nous empoisonner une vie entière. Il devient urgent d’apprendre à ne plus nous les poser. Chacun possède sa vision de la montagne ; celui qui est resté dans la vallée en voit beaucoup plus que celui qui est engagé sur ses flancs, et encore plus que celui qui est sommet. Même si nous n’en voyons qu’une toute petite partie, nous sommes capables d’admettre la partie de la montagne que nous ne voyons pas comme une réalité aussi « vraie » que celle que nous voyons. Pour la montagne, pas de dispute ; mais, si nous remplaçons la montagne par un concept comme la démocratie ou par un bon gros problème relationnel qui nous étouffe depuis dix ans !

- 50 -

Le débutant en Méthode AR devra très vite apprendre à distinguer les termes subjectif et faux ; notre vision de la vie et de nous-mêmes au milieu de tout cela est subjective, mais on ne peut pas dire de cette vision qu’elle est fausse. Affirmer d’une opinion, d’une croyance qu’elle est fausse implique la croyance que des opinions et croyances puissent être vraies en soi, en dehors de tout contexte précis. Donc, j’ai un problème avec mon patron car « il est épouvantable, exigeant et, finalement, pas si intelligent que cela ». Ceci est ma vérité. Ceci est mon problème parce que ceci est ma vérité, mais je ne m’en rends pas compte. Et si mon collègue de bureau n’est pas d’accord avec moi et vient me dire : « Pas du tout, il est sympa, très compréhensif et, de plus, brillant », c’est qu’il est idiot, qu’il ne voit rien, ou bien que le patron lui a promis la promotion qu’il me doit, donc qu’il est un affreux hypocrite. Les gens persistent à ignorer la divergence de leurs points de vue et imaginent naïvement qu'il n’existe qu'une réalité et d'elle qu'une seule vision (à savoir la leur) ; avec la conséquence que quiconque voit les choses différemment doit être ou méchant ou fou.(P. Watzlawick. La réalité de la réalité. P.68) Combien de fois dans notre vie, n’avons-nous prononcé l’un de ces deux anathèmes sur nos amis et relations : il est bête ou salaud ? D’ailleurs, notre culture a créé une réponse institutionnelle pour chacun de ces deux cas : l’hôpital psychiatrique et la prison. A partir du moment où nous rejetons la thèse de l’autre quand elle est divergente de la nôtre, en disqualifiant le partenaire à l’aide d’une de ces deux anathèmes, nous nous affirmons par la même comme détenteurs de la vérité. J’ai raison parce qu’il a tort et réciproquement. Et il est en premier lieu tout à fait inexact de dire qu'en cas de divergences d'opinions à propos de la nature d'une relation humaine un des partenaires puisse avoir raison et l'autre tort, ou encore, pour anticiper brièvement un de nos thèmes principaux, qu'un des partenaires soit "normal" et l'autre "fou". (P. Watzlawick. Les cheveux du baron de Münchausen. p.13)

- 51 -

La Méthode AR nous fait faire un grand pas en avant, non pas en faisant de chacun de nous un petit Dieu capable d’oublier ses dissensions avec les autres. Nous continuerons à préférer nos propres opinions et croyances à celles de nos voisins, comme nous préférons notre famille à celle du voisin, quoique... la femme du voisin... mais la Méthode AR nous habituera à penser que les autres, tout comme nous, de leur propre point de vue, ont également raison. Et, en généralisant, on arrive à la formule que « personne n’a ni tort ni raison », et qu’en matière de communication, les relations ne s’analysent pas en termes dualistes aussi tranchés. Gardons notre vision propre et subjective, tout en sachant qu’elle n’est qu’une description entre mille autres possibles de la même situation.

- 52 -

2. Les critères qui favorisent le

changement

a) Centré sur les autres

On voit donc que, si le but est d’être stratégique, il conviendra d’apprendre au cédiste débutant à être centré sur les autres. En termes de communication classique, dans laquelle nous observons la triade E-M-R (Emetteur - Message - Récepteur), nous appellerons cela être centré sur le récepteur. Ce qui signifie que dans une conversation, une interaction verbale entre deux personnes (ou plus), le cédiste centrera son attention sur l’autre : il le fera parler, il l’écoutera, il pratiquera le silence, il analysera ce qu’il dit, et rapidement il le connaîtra beaucoup mieux que l’autre ne se connaît lui-même. Le cédiste en action, s’oublie complètement ; le but est à ce prix. Le profane croit que pour obtenir quelque chose des autres, il lui faut briller en société, bien parler, argumenter... alors que le cédiste sait qu’il vaut mieux faire parler l’autre, l’amener à briller, à se mettre en valeur, et à dévoiler par là même toutes ses batteries. C’est plus efficace et, de plus, c’est moins fatiguant.

b) Entreprenant

Le type Entreprenant va au devant des autres. Il commence souvent ses récits par : « j’ai fait ceci... ». Il déclenche les opérations. Dans le train, au restaurant, il parle le premier aux voisins, et dans la rue, il aborde facilement les gens. Il pense souvent que les autres sont comme lui et il est toujours étonné de constater que ses relations n’aiment pas, comme lui, prendre les initiatives.

- 53 -

Le type Entreprenant agit en fonction de la façon dont il voit sa relation à autrui, sans se poser trop de questions sur le point de vue de l’autre. Que ce soit dans la paix ou dans la guerre, il tend la main ou frappe le premier. Ce n’est pas pour autant un impulsif, mais il ne réfléchit pas longtemps avant d’agir. Ce qui l’amène parfois à manquer de stratégie. Dans son entreprise, il cherchera à fédérer les autres autour de sa conception des choses, il ira leur proposer des solutions, des actions communes, il créera des commissions de travail, des groupes de pression, et si, de plus il appartient au type énergique et/ou dominant, il sera rapidement le meneur de n’importe quel groupe, pour ou contre l’entreprise. L’entreprenant prend ses problèmes en main ; il part du principe que, s’il est responsable de ses soucis, il sera aussi rsponsable de ses solutions. Comment réussir à changer, et à résoudre des problèmes relationnels si l’on n’est pas entreprenant ?

c) Dominant

Globalement, ce type aime les situations dans lesquelles il est en « position de force ». Il peut se sentir habituellement supérieur aux personnes qu’il rencontre, mais, plus vraisemblablement, il aime jouer à des jeux où il se sait gagnant. Il n’aime pas perdre ; on dit de lui souvent qu’il est « un mauvais perdant ». Il lui arrive dès la première rencontre avec une nouvelle personne de se dire : « Je vaux mieux qu’elle », simplement en regardant autour de lui, dans un restaurant ou dans le train par exemple. S’il est intellectuel, il aura le souci d’atteindre la perfection dans son art ou son domaine d’action, pour montrer aux autres qu’il les domine. Il peut devenir « idéologue », il aimera qu’on pense comme lui et ne supportera guère la contradiction. Dans des contextes de paix, il jouera aux boules ou à la belote parce qu’il est presque sûr de gagner, il prendra

- 54 -

souvent la parole en public pour le plaisir d’être écouté et de briller. Dans des contextes de guerre, il pratiquera souvent la stratégie de « guerre à outrance » ; il se bat pour gagner, voire même pour tuer. Il n’est pas nécessaire d’être toujours dominant pour réussir nos changements, mais il faut savoir se mettre facilement en position dominante chaque fois que nous l’estimons nécessaire.

d) Calme

Ce type est facile à décrire. On a l’impression que le feu pourrait prendre dans toute la maison qu’il resterait assis dans son fauteuil. Les événements ne rencontrent pas chez lui de caisse de résonance ; il ne connaît ni les grandes joies ni les grands chagrins. Il est reposant pour son environnement, mais parfois agaçant d’être à ce point tranquille. Il peut être actif, sportif, mais il choisira des activités qui lui permettront de cultiver une certaine égalité d’humeur. Il ne dira jamais : « Oh ! » devant un beau spectacle ou une jolie fille qui passe. En passant au travers de son esprit, tout événement perd de son caractère abrupt, une maladie devient un petit ennui, une colère devient une légère contrariété... En famille on appréciera sa compagnie reposante, quoique un peu terne. En entreprise ce n’est pas lui qui déclenchera les conflits, les grèves ; il pourra dire ce qu’il a à dire, mais sur un ton posé, même s’il s’agit de revendications « dures ». On pourra toujours l’utiliser comme médiateur dans des réunions houleuses. Ce caractère est nécessaire à double titre à tout postulant au changement : d’une part, il donne de meilleurs chances de réussite à celui qui le possède, en lui permettant d’observer plus « objectivement » ce qui se passe, d’autre part, il

- 55 -

impressionnera les autres, qui verront dans ce calme une sûreté de soi annonciatrice de victoire.

e) Energique

L’Energique est entièrement tourné vers l’action ; la plus grande punition qu’on puisse lui infliger : le repos intégral. L’Energique n’est pas très porté sur les vacances, ou alors, il s’agira de vacances courtes, pour se remettre en forme, ou alors encore de vacances actives, à thèmes, sportives... L’Energique ne comprend pas qu’on puisse dormir dix heures par nuit, et qu’on fasse la grasse matinée. Ses journées comme toute sa vie, se décompose en actions successives. Il est essentiellement ce qu’il fait. En famille, l’Energique est fatigant pour les autres ; centré sur autrui, il voudra entraîner tout le monde dans son tourbillon. Il proposera sans cesse des sorties, des jeux, sauf s’il consacre son énergie à une recherche solitaire, auquel cas sa famille ne le verra guère sortir de son bureau. En entreprise, il sera un gros travailleur, les longues journées ne lui feront pas peur. Il sera toujours prêt à accepter un travail supplémentaire, à remplacer un absent, à emporter des dossiers chez lui. Nous comparons souvent dans nos cours le critère Energique au bouton de la radio que nous pouvons tourner à volonté : c’est toujours la même musique mais plus ou moins fort. D’ailleurs, il arrive souvent qu’un énergique parle fort et, même s’il n’est pas toujours sûr de lui, il en donne l’impression. Et si quelque chose ne marche pas, il est toujours prêt à faire autrement. Il n’abandonne pas ses projets au premier obstacle.

- 56 -

f) Stratégique

Le type stratégique n’agit pratiquement jamais sous impulsion : il n’est pas spontané. Il semble sans cesse se poser des questions du genre : « Que dois-je faire pour atteindre tel objectif ? » Il sait jouer avec le temps ; il aime gagner les guerres et se moque si, pour cela, il faut d’abord perdre des batailles. Il gagne toujours quand son adversaire est un impulsif. Le stratégique, en famille, manque de sentiment, mais il sait ne pas se mettre en colère quand son intérêt est en jeu, il sait faire un compliment pour obtenir une faveur, et certains n’hésitent pas à le taxer d’hypocrite. Mais ce n’est pas le cas : l’hypocrite cache ses sentiments, alors que le stratégique en a peu. Il joue bien sûr aux jeux de stratégie tels que les échecs ou le jeu de go, à moins que son jeu favori ne soit de jouer avec les gens. Dans une entreprise, il gagnera souvent et franchira facilement les échelons, car il avancera masqué ; on lui donnera d’autant plus facilement de l’avancement qu’il saura ne rien demander. Il peut aussi, surtout s’il est en situation de guerre, déclencher de véritables catastrophes. Ce peut être un démolisseur d’entreprise. Sa force vient essentiellement de sa capacité à tout analyser en termes d’actions concrètes et non pas en termes de valeurs abstraites, et de se moquer éperdument de ce qu’on pense de lui : l’important est d’atteindre ses objectifs, quels qu’ils soient. Nous l’avons déjà dit : c’est le critère roi. Le pratiquant de la Méthode AR averti deviendra inévitablement stratégique. Si le but principal de la Méthode AR est de nous apprendre à conduire au succès nos désirs de changement, alors, en amont, elle doit nous apprendre à devenir stratégique, chaque fois que cela sera nécessaire dans nos relations avec autrui. Etre stratégique n’est pas seulement pour la Méthode AR une expression commode, cela possède un sens précis. Dans une séquence de communication avec B, si mon esprit est centré sur l’effet produit en moi par les paroles et comportements de B, je ne suis pas du tout stratégique ; si

- 57 -

mon esprit est centré sur B lui-même, et que mon comportement est déterminé par l’objectif que je me suis fixé dans notre relation, alors je suis stratégique. Le stratégique ne réagit pas en fonction de ce qu’il ressent, mais en fonction des réactions qu’il pense obtenir chez l’autre. Dit autrement, on peut affirmer que, pour le stratégique, ce qu’il dit tend vers un objectif, alors que pour le non-stratégique, ce qu’il dit révèle son état d’esprit. Le stratégique est tourné vers le but, le futur, le non-stratégique (que nous appelons dorénavant rigide) vers le passé. Le stratégique pense en termes de comment et de comment faire ; le rigide en termes de pourquoi.

3. Les critères neutres

a) Egalitaire

Globalement, ce type préfère les situations où il se sent l'égal des autres. Ce peut être un humaniste ou un moraliste emprunt de valeurs d'égalité. "Nous sommes tous égaux" se disant volontiers démocrate, ami de tous les peuples et de toutes les races. Mais ce peut être plus simplement quelqu'un d'accueillant, d'aimable et de sociable qui aime les réunions entre amis ou en famille, les jeux où l'on joue plus pour le plaisir de jouer que celui de gagner. En entreprise, le type égalitaire participera volontiers à des travaux d'équipe, il préférera souvent le travail à plusieurs que le travail en solitaire. Dans les relations quotidiennes, il évitera à la fois de dominer autrui et d'être dominé. Toutefois, il pourra supporter les conflits : à une agression, il pourra répondre par une agression semblable, de même force ou de même nature. Ce sera "l'égalité dans la guerre". Il aimera les soirées en amoureux, au coin du feu ou dans un club d'amis...Il s'adaptera facilement à un nouvel environnement humain, à condition de s'y sentir l'égal des autres.

- 58 -

Nous sommes tous en position égalitaire dans un pourcentage important de nos relations, avec nos amis, nos femmes, et les personnes que nous rencontrons au hasard de la vie. Notre culture est basée sur le culte de l’égalité, et nous avons vu que ce culte n’est pas dénué d’utopie. S’il est sain après tout de considérer a priori comme un égal un inconnu que nous venons de rencontrer, il devient malsain de continuer à le considérer ainsi quand nous nous voyons obligé de l’assister en tout. Nous avons beau privilégier, sur le plan abstrait, les relations égalitaires, nous sommes souvent avec autrui dans des positions dominantes ou dominées, positions que Palo Alto appelle complémentaires. Rien n’empêche de chercher nos changements et les résolutions de nos problèmes dans des relations de type égalitaire ; toutefois, si nous voyons que nous nous sommes trompés de chemin, il ne faudra pas hésiter à quitter ces sentiers paisibles pour des relations plus difficiles. Les chemins du changement passent souvent par tous les registres, et seules, les personnes stratégiques réussiront à jouer de ces registres différents.

b) Pacifique

Dans la tête du Pacifique on trouvera des slogans tels que : « De la paix avant toute chose, ne cherchons pas les conflits, même si je suis le plus fort, se battre est fatigant, les autres ne méritent pas qu’on les engueule, passons sur les erreurs, les mesquineries, et ne faisons de peine à personne, même à ceux qui l’ont bien mérité ». Le Pacifique n’est pas automatiquement un soumis, ni un calme, ni un gentil, simplement quelqu’un qui n’aime pas la guerre et qui préfère une concession à un conflit. Ce qui le fait passer parfois pour plus faible qu’il n’est en réalité. L’adjectif qui le caractérise est « conciliant ». Le pacifique ne répondra pas à l’automobiliste qui l’invective ou alors par un sourire d’impuissance désolée, il descendra

- 59 -

du trottoir quand il rencontrera une bande à l’allure inquiétante et s’écartera des groupes discutant très fort autour de la machine à café. En entreprise, dans les réunions, il cherchera à montrer aux belligérants qu’ils ont tous raison, d’une certaine façon, selon le point de vue auquel on se place. Il « se mettra à la place » des autres et comprendra facilement leurs points de vue, même si ceux-ci sont très divergents du sien. On peut faire les mêmes remarques pour ce trait de personnalité que pour le trait égalitaire. Rien n’empêche de chercher la résolution des conflits par la voie pacifique, à condition d’être prêt à tout moment, s’il le faut, de s’engager dans des chemins plus guerriers. La Méthode AR privilégie la stratégie aux rapports de force brutaux ; elle s’inspire plus des arts martiaux que de la boxe. Il n’en reste pas moins que, parfois, une brutalité, est la seule façon de débloquer les situations. La Méthode AR n’évite pas les guerres qu’elle considère comme des actes aussi normaux que les actes de paix. L’autre est souvent pour nous une gêne, et, pour s’imposer à lui, il est souvent fort utile de jouer du coude au comptoir.

c) Rationnel et Intuitif

Il reste encore deux traits de personnalité de nature différente, moins relationnel et plus cognitif décrivant la façon dont une personne raisonne, assemble les faits et prend des décisions. Rationnel et intuitif ; il a coulé beaucoup d’encre sur ces traits de caractère, sur les rôles respectifs du cerveau droit et du cerveau gauche. Foin des localisations et des délocalisations. Il est certain que si mon ami ML se sent incapable de prendre la moindre décision sans avoir, comme il dit « pesé le pour et le contre, mesuré les avantages et les inconvénients », il n’en est pas moins vrai que je me moque copieusement de lui en préférant foncer tout de suite derrière une idée nouvelle, réfléchissant au fur et à mesure que j’avance, et faisant demi-tour quand je

- 60 -

m’aperçois qu’il s’agit d’une voie sans issue. C’est un rationnel et je suis un intuitif ; et tous deux nous admirons les rares personnes qui savent être les deux à la fois. Décrivons ces deux types de personnes plus en détail. Le Rationnel ne peut agir que s’il comprend bien ce qu’il fait et si cela peut se classer dans une des catégories précises de son « monde ». Le Rationnel a besoin de réfléchir avant d’agir. Le Rationnel se sert d’une carte pour avancer. Le rationnel organise sa vie comme son agenda, en tranches. Il ne mélange pas la vie privée et la vie professionnelle. Il dira : « En tant que citoyen, je considère que...mais en tant que père de famille... ». Il se considérera facilement comme une addition de rôles sociaux différents. En famille, il aimera les pièces bien rangées, les objets à leur place et les soirées bien organisées, avec des invités qui arrivent à l’heure. L’imprévu le prendra au dépourvu et son premier mouvement sera la contrariété. En entreprise, il trouvera immédiatement les pièces de ses dossiers, et son bureau sera bien rangé, vide de papiers. Il saura analyser les situations du point de vue technique, dans les moindres détails ; il sera plus performant dans les tâches commerciales. Pour lui, ce qui n’est pas blanc ne peut être que noir ; il aura tendance à gommer les nuances, les tons pas nets, et à ne pas voir « tout de suite » que le monde a évolué autour de lui. Il verra son environnement de façon statique et non dynamique. L’Intuitif, au contraire, passe son temps à « sentir les choses et les gens » et ne peut pas toujours expliquer les raisons de ses choix et de ses actions. Il réfléchit en agissant, parfois même après ou pas du tout. Il fait souvent ce qui lui plaît sur le moment. C’est un créatif, un imaginatif qui marche, dit-il « au feeling ». Il peut choisir ses amis, sa femme et sa profession sur ce qui peut paraître aux autres comme « un coup de tête ». Le coup de foudre, il connaît, et il peut laisser tomber du jour au lendemain sa passion d’hier. Difficiles à analyser, ses idées sont, soit folles, soit géniales et on comprend ce qu’il a voulu dire, longtemps après, quand il sera reparti sur d’autres idées.

- 61 -

L’Intuitif est souvent un « boute en train » ; il est sociable, il invente des situations, à moins que, solitaire, il invente des philosophies et des religions dans son bureau. Ce qu’il comprend, il le comprend tout d’un coup, en un éclair, il voit les ensembles là où les rationnels voient les éléments. Il voit en mouvement son environnement, il sait que demain ne pourra être semblable à aujourd’hui. Il n’aime pas ce qui est figé, immobile. En entreprise, l’Intuitif inventera des produits, des services, des nouvelles structures, des stratégies nouvelles. Il verra venir de loin les futurs succès comme les échecs, même s’il se trompe souvent. Pour utiliser le critère stratégique qui est le critère roi de la Méthode AR, il serait bon d’être à la fois intuitif, pour être capable à tout moment d’inventer plusieurs stratégies différentes, divers chemins pour avancer, et rationnel pour ordonner sa marche et penser à ce que l’intuitif oublie parfois, comme, par exemple, de remplir la gourde d’eau fraîche. Il est clair que l’exercice régulier consistant à travailler tous les critères, et particulièrement ceux qui vous donneront la tournure d’esprit du changement, fera de vous rapidement, une personne ayant le sens de la stratégie. Rappelons la définition de stratégique selon la Méthode AR : est stratégique toute personne qui, à un moment donné, et de façon consciente, agit, non pas en fonction de la façon dont elle ressent la relation, mais en fonction de son objectif final. Pour apprendre à devenir plus stratégique dans ses relations quoditiennes, il est nécessaire que les élèves en Méthode AR apprennent à fortifier les autres critères de l’adjectivogramme, même et surtout en dehors de toute besoin véritable. Nous voulons dire par là que l’on n’apprend pas à être calme, uniquement en se forçant à être calme quand on se sent « crispé », mais aussi, en vacances, quand nous nous sentons déjà calmes ; sans compter, nous l’avons déjà pressenti, que l’apprentissage du calme passe par le contrôle de nos comportements, et, paradoxalement, un des meilleurs entraînements consistera à « se mettre en colère » sur commande.

- 62 -

C. Les 7 savoir-faire de la Méthode AR

Les premiers savoir-faire que nous apprend la Méthode AR sont d’acquérir ces principaux traits de caractère. Toutefois, il ne faudrait pas penser, dès le premier succès, que, ça y est, nous avons changé, ou pire que nous sommes changés. L’exercice doit être permanent, et rien n’est jamais acquis. Ce n’est pas parce que nous avons franchi la barre des deux mètres que nous la franchirons dans vingt ans sans nous exercer. Nous avons appris à l’école, - et ce n’est pas du tout le point de vue de la Méthode AR -, que notre personnalité était plus ou moins quelque chose de fixe et d’acquis une fois pour toutes. Pour nous, au contraire, elle est fluctuante en permanence, et change avec nos amis, notre humeur, notre état de santé, notre âge, nos expériences, nos objectifs et bien d’autres choses encore. Elle est comme un cheval fou qui a besoin d’être dressé chaque jour. Les débutants sont parfois ébranlés quand ils constatent à quel point la façon dont ils se voient peu changer en quelques semaines. La Méthode AR est avant tout un ensemble de savoir-faire. Le lecteur attentif notera que nous ne parlons jamais de savoir-être : nous laissons cela à d’autres méthodes de changement. Pour nous, l’être humain est l’ensemble des relations qu’il entretient avec autrui « ici et maintenant » ; apprendre à maîtriser ses relations, c’est donc à la fois apprendre à faire et apprendre à être. Nous renvoyons les fanas de théorie à la bibliographie s’ils souhaitent développer ce point (l’éternel dualisme entre l’être et le paraître), passionnant dans l’abstrait mais sans intérêt pour le changement. La Méthode AR apprend à ses pratiquants, comme le dit si bien Wittgenstein, « à jouer un nouveau jeu qui rend l’ancien caduc ». La Méthode AR peut se comparer à un sport, qui serait alors un art martial, dans lequel, tous les savoir-faire demandent

- 63 -

avant tout une grande souplesse relationnelle. Comment mieux assouplir nos muscles relationnels pour avancer plus vite et sans efforts vers nos objectifs ? D’une façon générale, toute opération de Méthode AR, donc toute opération de changement, pour être réussie, doit comporter trois étapes : connaître, analyser, modifier. Les savoir-faire de la Méthode AR suivent ces trois étapes et visent à nous donner la maîtrise maximum de chaque opération. Examinons deux de ces savoir-faire indispensables à tout changement.

1. L’écoute, l’observation et la mémorisation

Quand on observe nos amis - ou nous-mêmes - au cours d’une discussion animée, on remarque vite qu’une des choses les plus rares est d’écouter l’autre. Observation banale en soi, mais qui devient symptôme grave lorsque notre objectif est de changer la relation. Comment changer une relation que nous ne savons même pas comment la décrire ; ce serait un travail à l’aveugle. Que peut signifier écouter l’autre ? Certaines méthodes insistent particulièrement sur l’écoute « active », ou l’écoute « empathique ». Tout dépend du but que nous poursuivons. S’il s’agit de mieux connaître l’autre, afin de recueillir les éléments nécessaires à son changement, l’écoute doit être tout simplement attentive. Par là, nous entendons une écoute fidèle qui nous permettra de noter mentalement les mots exacts prononcés par nos partenaires, leurs tics de langage, leurs façons de raisonner, leurs programmations verbales et non verbales. Il ne s’agit pas d’un travail d’amateur, car il faut beaucoup d’entraînement avant d’entendre exactement ce que nous disent les autres, et non plus ce que nous croyons avoir entendu. Tout savoir-faire portant sur une relation est comme une interface : on peut l’examiner des deux côtés du miroir, par rapport à soi ou par rapport à l’autre. Ainsi, les techniques

- 64 -

d’écoute de l’autre sont en même temps des techniques de maîtrise du silence. Apprendre à relever exactement ce que dit et fait l’autre, c’est en même temps apprendre à se taire. Deux savoir-faire sont ainsi réunis au sein de la même action. Mais notre culture ne sait pas pratiquer le silence. Des spécialistes de l’interaction verbale, en particulier Catherine Kerbrat-Orecchioni (voir la bibliographie), ont noté que le temps moyen de silence d’un français en cours de conversation était de trois secondes. Ce qui signifie qu’à partir de la quatrième seconde de silence, nous sommes perçus comme quelqu’un de taciturne. Or, celui qui se tait ressent et propage comme une gêne, que chacun s’empresse de gommer... en prenant la parole. Cultivons notre silence en le faisant durer deux secondes de plus que le silence supportable, et communément admis dans notre société. Le bénéfice immédiat du silence est de renforcer notre calme. Mais en même temps, la seule pratique du silence amène les autres à parler plus, pour combler le vide et dissiper la gêne. Faisons parler autrui, donnons-lui l’impression d’être passionnés par ce qu’il dit et de l’approuver entièrement ; il se dévoilera au maximum. Il suffira, de temps à autre, de le relancer, par des mimiques ou des reformulations appropriées, et il repartira pour un nouveau long discours. En bout de course, nous apprendrons beaucoup sur lui, pendant qu’il n’apprendra rien sur nous, et nous ferons coup double en cultivant le calme et la sérénité nécessaire à toute opération de changement et de résolution de problème. Mais, il faut aussi entraîner notre mémoire : il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais aussi de retenir les mots, les tournures de phrases, les expressions répétitives...

- 65 -

L’écoute de l’autre Nous avons déjà vu l’importance de ce savoir-faire de la Méthode AR. Ecouter l’autre, le faire parler de lui, peut faire partie d’une stratégie de changement. Sur le plan de la maîtrise de la relation, faire parler l’autre le rend vulnérable, non seulement parce qu’il se dévoile, mais aussi parce que le fait même que nous l’écoutions et que nous nous intéressions à lui, lui fait baisser la garde. Il devient moins agressif, et moins dominant. Il s’affaiblit tout en parlant. Celui qui parle a perdu.

- 66 -

2. Modéliser les interactions

a) L’importance de l’interaction

Une séquence de communication entre deux personnes, que nous appellerons A et B, est une suite, apparemment linéaire, de propos, de gestes et de mimiques. Toute interaction peut être définie par analogie avec un jeu, c'est-à-dire comme une succession de "coups" régis par des règles rigoureuses. (P. Watzlawick, Une logique de la communication, p.38) En Méthode AR nous chercherons à maîtriser nos interactions avec autrui. Dans une séquence quelconque, qu’elle soit une séquence à problème, ou une séquence agréable, la vision classique d’une suite linéaire dans laquelle A et B agissent à tour de rôle, peut être avantageusement remplacée par la vision « orchestrale » de deux personnes agissant en même temps. Chaque partenaire bouge, murmure, fait des grimaces pendant que l’autre s’exprime ; la communication entre eux est ininterrompue. Même le silence est une forme de communication. Affirmer que le comportement de A provoque le comportement de B, c'est négliger l'effet du comportement de B sur la réaction suivante de A; c'est en fait, déformer la chronologie des faits en choisissant une ponctuation qui met en relief certaines relations tout en voilant d'autres. (P. Watzlawick, Une logique de la communication. P.126) Dans une conversation entre deux personnes, tout ce qui se passe est vécu en même temps par les deux partenaires qui y réagissent simultanément et différemment. L’interaction est l’unité que nous étudions. Les protagonistes d’une relation, eux, sont secondaires par rapport à l’interaction elle-même. Les interactions semblent obéir à des règles, connues de tous, bien que souvent non

- 67 -

conscientes, des règles universelles, sociales, ou propres au système dans lequel vivent les protagonistes : famille, entreprise, relation personnelle... Selon que ces règles sont partagées ou non par les partenaires, qu’elles sont plus ou moins respectées, la relation sera vécue par l’un ou l’autre ou les deux, comme normale ou « pathologique ». Et, dans ce dernier cas, A ou B s’écriera : « j’ai un problème avec ce type ! » Chaque fois que je demande à mon ami Marcel un service, il trouve le moyen de refuser, sous le prétexte qu’il n’a pas le temps, pas d’argent... Sans le savoir, il désobéit à la règle selon laquelle il est préférable de répondre favorablement à une demande. Quant à moi, j’ai l’impression d’aider souvent mon ami Marcel. Il transgresse donc une autre loi implicite : celle de la réciprocité. Cette règle est parfaitement décrite dans l’ouvrage de R. Cialdini : Influence et manipulation. (Voir bibliographie). Dans notre schéma, la personnalité intrinsèque des partenaires s’efface devant ce qu’on pourrait appeler par analogie la personnalité de l’interaction. Chaque partenaire doit obéir aux règles de l’interaction, s’il ne veut pas se créer des « problèmes ». Ainsi, beaucoup de problèmes exprimés par les relationnistes débutants en Méthode AR sont des problèmes résultant du non respect des règles de la communication interactive. On voit donc immédiatement que la solution consistera à créer une nouvelle relation avec l’autre, de façon à rétablir le respect des règles.

- 68 -

b) Les six principales stratégies

Une des façons d’analyser correctement l’évolution et le changement est de se référer aux six façons de considérer « ici et maintenant » la relation avec B et que nous allons voir maintenant. Dominant – Paix, Dominant – Guerre, Egalitaire – Guerre, Egalitaire – Guerre, Dominé – Paix, Dominé - Guerre Il est assez difficile de prétendre changer quoi que ce soit dans une relation sans changer la modalité de celle-ci. Par exemple, une relation établie sur le mode dominant guerre (le père qui engueule son fils), ne pourra véritablement changer en restant sur ce mode, donc on pourra conseiller au père de passer dans une relation égalitaire paix ou mieux dominé paix. On remarque que c’est souvent parce que les personnes ne veulent pas changer la nature de la relation qu’ils ont établie avec la personne « à problème », qu’ils en viennent à l’idée de vouloir changer l’autre. A ce moment-là, le raisonnement est la suivant : moi, je suis bien comme cela, c’est lui qui ne veut pas admettre que... Aussi, en Méthode Relatio, la première caractéristique d’une stratégie de changement est de nous apprendre à passer d’un type de relation à un autre. La plupart des problèmes évoqués entrent facilement dans ces catégories. Les problèmes posés en termes de résolution de conflits consistent à passer d’une relation de guerre à une relation de paix. Les problèmes où au contraire, il faut gagner les conflits nous font passer de la relation dominant paix à la relation dominant guerre. Quelle que soit la relation dans laquelle nous nous trouvons, il est toujours possible, du moins théoriquement, de passer dans les cinq autres types de relations. Ces mouvements, quand ils sont étudiés à l’avance et parfaitement conscients peuvent constituer des stratégies ou des stratagèmes.

- 69 -

c) Les stratégies complexes

La plupart des changements souhaités par les cédistes, demandent d’élaborer une stratégie complexe. Nous avons déjà vu, quand la distance du changement est trop longue, la nécessité de ponctuer le parcours d’étapes intermédiaires. L’objectif principal est décomposé en objectifs secondaires. La stratégie complexe est ainsi constituée de stratégies plus simples. Mais il ne faut pas croire que les problèmes les plus graves (ressentis comme tels), ou ceux qui durent depuis longtemps, sont automatiquement ceux qui demandent la stratégie la plus complexe. Ce n’est pas la gravité, toujours subjective, ni l’ancienneté qui fait la difficulté d’un problème de changement, mais l’écart entre deux situations. Si le chemin est long, il faut laisser au temps le temps d’agir. Les stratégies les plus fortes ressemblent aux mouvements des arts martiaux. Elles utilisent la force et les mouvements de l’adversaire pour le vaincre. Nous appelons ces stratégies les stratégies royales. Elles consistent à se comporter de façon pacifique même si l’on ressent un besoin de combattre, et de façon égalitaire, voire dominé, même si l’on ressent un sentiment de supériorité vis-à-vis de l’autre. Le but des stratégies, rappelons-le, est de créer des situations nouvelles, qui mettent l’autre devant des choix nouveaux de réponse. Et comme, la plupart du temps, il ne possède pas de réponses spontanées en stock dans ces situations nouvelles, il marque un temps d’arrêt, ce qui sollicite sa créativité. Si nous reprenons notre phrase fétiche (qui fera prochainement l’objet d’un prochain ouvrage sur les stratégies perdantes) : Lui : « Chérie, où as-tu mis mes pantoufles ? » Elle : « Je ne suis pas ta bonniche ! » nous constatons que la réponse fait jouer la réciprocité des coups. Elle pense que la question du mari est agressive et dominante ; elle répond agressive (guerre) et dominante. Elle répond spontanément, cette réponse existait

- 70 -

préalablement, toute prête dans son esprit. Et le mari de répondre à son tour quelque chose comme : « Je vois que tu es encore de mauvaise humeur ce soir. » Ainsi, la soirée est bien mal partie. Imaginons maintenant que le deuxième coup de l’homme, soit un coup stratégique ; que, par exemple, il aille chercher un Méthode AR dont il fait cadeau à sa femme. Sur le moment, elle n’a pas de réponse à cette situation, et ne sait plus si elle doit se fâcher de sa demande de pantoufles ou le remercier de son cadeau. Les deux messages s’annulent et se dénient l’un l’autre. Mais, quelle que soit sa réponse, elle sera différente et nouvelle. Les stratagèmes sont des coups, verbaux ou non, qui placent la relation dans une situation nouvelle qui empêche l’autre de réagir comme il en a l’habitude.

- 71 -

3. Comment poser un problème relationnel en termes concrets ?

Nous avons jusqu’à présent appris comment poser correctement un problème relationnel, et comment se préparer à le résoudre, en « musclant » nos comportements pour être plus fort. Nous allons voir maintenant qu’un grand nombre de ce que nous appelons nos « problèmes » sont en fait de faux problèmes, fabriqués par notre esprit. Que nous les avons engendrés nous-mêmes, par nos croyances et opinions, d’autre part par nos façons erronées de raisonner. Reprenons la définition du mot « problème », telle que nous l’avons donnée en début de ce livre : « Une difficulté qui se reproduit, et qui se manifeste par un écart douloureux entre ce que nous vivons et ce que nous aimerions vivre ». Cet écart est une comparaison entre deux visions subjectives : celle du présent et celle d’un futur hypothétique. Cette formulation est elle-même la source d’un grand nombre de problèmes possibles, posés par la question fondamentale : quelle est le degré de réalité du problème, tel que je le pose ? Examinons les faux problèmes.

- 72 -

4. Construire des stratégies de changement

a) Faux problèmes

Il existe au moins trois sortes de faux problèmes : 1. Les problèmes dont l’existence vient du fait qu’on se les pose. Ce sont par exemple les problèmes, déjà étudiés, d’utopie. Si je rêve d’avoir trois bras, me rend malheureux de n’en avoir que deux. De même si je cherche à vivre un idéal, je m’aperçois que ma vie en est loin. 2. Les problèmes mal posés. Souvent les problèmes n’ont pas de solution parce que la façon de les poser ne se situe pas au niveau d’abstraction correspondant au problème relationnel lui-même. Un problème relationnel doit être posé en termes relationnels. Un problème concret peut avoir une solution concrète, alors qu’un problème abstrait, s’il a une solution, celle-ci se situe, malheureusement, aussi au niveau concret. 3. Les problèmes dont la cause est erronée. Il s’agit par exemple de la tendance fréquente que nous avons de rendre les autres responsables de tout ce qui nous arrive de négatif, alors que nous sommes tout autant responsables de la situation. Par exemple, je suis agacé par le bruit que font les membres de ma famille autour de moi et je casse une tasse de café : c’est de leur faute (s’ils faisaient moins de bruit !) ; le fait que je sois maladroit n’y est pour rien.

- 73 -

b) Problèmes utopiques

L’utopique est celui qui vit en fonction d’une vie meilleure et idéale. L’utopique se rend malheureux dès qu’il se met en route vers ses solutions idéales. Les idéaux absolus nous empoisonnent la vie. Prenons exemple : la santé absolue. Ceux qui la recherchent sont habituellement appelés hypocondriaques. L’hypocondriaque n’est pas un malade imaginaire, mais une personne qui passe son temps à s’examiner, et à comparer ce qu’elle ressent, ce qu’elle voit, à l’idée abstraite d’une santé parfaite. Elle ne parvient jamais à creuser l’écart entre les deux, car l’une appartient au monde du concret (les sensations, les troubles...), l’autre au monde de l’abstrait. Plus on s’examine, plus on trouvera de paramètres pris en défaut. Plus on cherche la « bonne santé », plus on déclenche des maladies par cette recherche même. En effet, le souci, l’anxiété, voire l’angoisse que ressent en permanence l’hypocondriaque, deviendra en soi un malaise assez fort pour être ressenti comme une maladie ; en quoi, l’hypocondriaque finit par avoir raison, puisqu’il ne se sent pas bien. Et alors, il tombe dans un paradoxe bien connu de Palo Alto : je ne me sens pas bien et pourtant les examens ne révèlent rien : donc cela doit être très grave, probablement une maladie nouvelle, encore inconnue de la médecine. Cette utopie fondamentale enrichit l’industrie pharmaceutique. Nos sociétés qui sont gouvernées et gérées par des individus raisonnant de façon utopique rencontrent le même type de problèmes, à un niveau plus complexe. Quand elles poursuivent par exemple le mythe d’une société sans guerre, sans bagarres, sans racisme, où tout le monde s’aimera en se considérant, conte toute logique, comme l’égal des autres. Ainsi, nos sociétés, à l’instar de nous-mêmes, s’embarrassent-elles d’un grand nombre de problèmes

- 74 -

complexes que nos hommes politiques sont censés ensuite résoudre. Nommons pêle-mêle la recrudescence du Sida, le cholestérol (qui s’est aggravé le jour même où l’OMS) a décidé d’abaisser le taux de normalité, la délinquance des banlieues.... Attention, nous ne disons pas que « tout va bien », ce qui serait une autre dangereuse utopie. Mais, seulement, qu’il ne faut pas confondre l’aggravation réelle de certains maux et l’aggravation du sérieux des commentateurs et des analystes de ces problèmes. Dans notre vie quotidienne comme dans la vie de la cité, nous pouvons ainsi nous compliquer la vie, simplement en changeant le grossissement de nos microscopes : la tumeur paraît plus grosse quand on tourne la manivelle. C’est ainsi que les grands manipulateurs que sont nos gouvernants réussissent à nous faire croire à l’aggravation de « l’hécatombe sur les routes » au moment même où les accidents ont diminué de façon spectaculaire. Mais ce n’est pas le sujet de ce livre. Apprenons au moins à ne plus procéder ainsi dans notre vie de tous les jours, en éliminant les problèmes qui existent seulement parce qu’on se les pose. Eliminons une fois pour toutes l’utopie fondamentale selon laquelle on pourra un jour vivre sans maladie et sans problème ; admettons au contraire qu’une certaine dose de souffrance, de maladies, de gêne et de malheur, est parfaitement normale, et existera toujours dans toutes les vies, dans toutes les sociétés, sous toutes les latitudes. Apprenons, non seulement à supporter ces maux, mais encore à les soulager grandement en les traitant par le mépris.

- 75 -

c) Problèmes mal posés

Une catégorie de problèmes mal posés a été déjà évoquée plus haut : quand nous pensons changer la relation en changeant, d’abord, ou essentiellement l’autre. Ce défaut est extrêmement fréquent dans la mesure où, devant une difficulté de la vie, nous cherchons d’abord une explication au travers de la personnalité des partenaires de la relation malade. Donc « si ce n’est moi, c’est donc mon frère ».

d) Problèmes explicatifs erronés

Pratiquons la chasse aux explications abusives ; elle est ouverte toute l’année. Au sens scientifique du terme, on peut dire que l’on a trouvé une explication d’un phénomène lorsqu’on est capable de reproduire à volonté ledit problème en reproduisant l’environnement qui l’a fait naître. Or, l’environnement est un ensemble complexe de faits, d’événements, mais aussi de jugements portés sur ces faits, surtout lorsqu’il s’agit d’un problème humain. Les explications linéaires de causalité simple, ne sont en communication que des pseudo-explications. En effet, en communication, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Les causes possibles d’un seul phénomène sont assez complexes et enchevêtrées pour qu’on ne puisse pas affirmer les avoir repérées et recensées. En adoptant le raisonnement périmé des rapports de causalité, nous nous livrons entièrement à des mythes. Sans trop développer dans ce livre destiné aux débutants en Méthode AR, racontons deux petites histoires que nous avons vécues récemment, pour illustrer l’un de ces mythes : celui des causes chronologiques. Dans un restaurant (que nous ne nommerons pas), pour gagner un client de plus, les propriétaires ont placé une petite table tout près d’une

- 76 -

marche ; à cette table on ne peut installer que des clients solitaires, et encore, se trouve-t-il plutôt à l’étroit. Un soir, un client, pour détendre ses muscles engourdis par l’exiguïté du lieu, avait allongé ses jambes de côté. C’est alors qu’un garçon, portant un gigantesque plateau de fruits de mer, trébucha et renversa la moitié de la commande d’une autre table. Le garçon s’excusa, le client s’excusa à son tour et tout rentra dans l’ordre entre gens civilisés, et après nettoyage. A qui la faute ? Bien sûr le client allongeait ses jambes au milieu de l’allée ; bien sûr, le restaurateur aurait pu se dispenser d’installer une table à cette place trop étriquée ; bien sûr, le garçon aurait où regarder où il mettait les pieds... Dans un autre restaurant, un couple attendait sa commande. Le plat de Monsieur arrive et, par politesse, il attend que Madame soit servie avant de manger. Longtemps après, le plat de Madame arrive, et Monsieur goûte à son assiette en se plaignant que son plat soit froid. Question ? A qui la faute ? Bien sûr, les serveurs n’ont pas apporté les plats en même temps, comme il se doit dans un restaurant digne de ce nom en France, mais aussi Monsieur s’est cru obligé, de par son éducation, d’attendre que madame soit servie. Le plus curieux, (et c’est ma femme qui me l’a fait remarqué), est que Monsieur avait commandé du carpaccio, qui, je pense, est un plat qui se mange comme la vengeance : froid. Selon nous, il n’y a pas de réponse correcte à ces questions. Selon nos opinions et croyances, nous attribuerons la faute (donc la cause) de ces incidents, soit au restaurateur (si l’on pense par exemple que ce sont des exploiteurs), soit aux clients, dont l’un sera dit sans-gêne et l’autre peu logique. Soit encore, si l’on a une vue plus « globale» de ces problèmes, nous apercevrons des causes multiples et en chaîne, enchevêtrées sans que l’une de ces causes possibles ne puissent prétendre à la suprématie sur les autres. On peut ainsi remonter dans le temps la chaîne des causes et rendre responsable la mère du client sans qui, finalement, rien ne serait arrivé ! Notre thèse est claire : raisonner ainsi nous empoisonne la vie. Rien ne sert de connaître les responsables d’une

- 77 -

situation détestable, quand le problème est d’en sortir. Si nous ne cherchons plus les causes de ce qui nous arrive, nous rencontrerons des réponses, mais des réponses totalement dépendantes de notre façon préalable de poser les questions. La réponse est dans la question. Alors, tournons-nous vers l’objectif, vers la solution, vers l’avenir.

e) Quand la solution est le problème : les solutions « logiques »

Or, et c'est là presque une règle pour les situations humaines, les solutions de bon sens sont celles qui vont le plus à l'encontre du but recherché et sont même parfois les plus destructrices. (P. Watzlawick. Changements... p.175) Que nous dit là Palo Alto ? Que nous appliquons parfois à la résolution de nos problèmes des solutions qui l’aggravent. Et pourtant, il s’agit de solutions qui nous semblent logiques, comme de chercher le sommeil lorsqu’on est insomniaques. Ici, nous nous heurtons à une croyance très forte et répandue chez la plupart d’entre nous, selon laquelle les règles de la communication interindividuelle et sociale seraient des règles logiques. Pourquoi le seraient-elles, alors que notre propre langage n’en possède pas ? La logique est un système parfait et parfaitement clos pour parler des x et y, ce que font avec bonheur les logiciens et les mathématiciens. Mais les x et y ou possèdent exactement la personnalité que leurs créateurs leur donnent. Mais ce qui est valable pour les entités mathématiques et logiques, ne l’est plus du tout pour notre voisine ou notre patron. On dit souvent et ce n’est pas seulement une « galipette mentale », que chacun d’entre nous possède sa propre logique. C’est un fait que chacun d’entre nous semble relativement cohérent dans ses comportements, et garde une relative cohérence entre ses croyances, son langage et ses faits et gestes. Mais, il ne

- 78 -

s’agit pas là de logique. Nous utilisons ce terme à tort et à travers, on en abuse, car l’on est assez fier de notre héritage cartésien. Disons-le clairement : la recherche de logique dans les faits humains est encore une des vilaines utopies qu’il nous faut bien vite chasser. Cela résoudra du même coup maints problèmes quotidiens. Prenons un exemple. Quand je rentre chez moi après une rude journée de labeur, selon le stéréotype du travailleur acharné, ma femme, qui a la chance de ne pas travailler, m’accueille, parfois en me montrant sa joie de me retrouver et de passer une agréable soirée avec moi, et parfois, elle continue à regarder la télé, sans me saluer. Je ne trouve pas ce comportement logique, et comme je pense qu’il devrait l’être, me voilà avec un joli problème créé, bien ancré, et sans solution. Puis-je avancer une seule raison pour laquelle ma femme devrait m’accueillir tous les soirs de la même façon ? Certes, au niveau de la recherche explicative, je peux en trouver mille : le film l’intéresse au plus haut point, et le film est un moment unique alors que, moi, je suis un contexte permanent ; elle a mal aux pieds ; elle s’est encore disputée avec sa copine... Si je quitte le monde des explications, la recherche des causes, pour aller rejoindre le monde concret des solutions, et la recherche des : comment faire ? je m’aperçois que je peux construire mille situations nouvelles pour la dérider. Mais je ne vous les dirai pas. Les interactions entre les individus semblent obéir, certes, à certaines règles ; mais ces règles ne sont pas dans la nature des choses : elles ont été inventées par les chercheurs eux-mêmes. Et les règles n’ont-elles pas été inventées pour être transgressées ? Il est certain qu’un grand nombre de solutions sont au bout des chemins qui commencent par une transgression. Où l’on arrive à l’idée que résoudre un problème relationnel est aussi affaire de créativité. Avis aux rationnels purs qui ont le sérieux handicap de vouloir tout comprendre avant d’agir. Fort heureusement pour lui, la plupart du temps, le rationnel qui ne voit pas les solutions ne voit pas non plus les problèmes. « Les autres ont peut-être des problèmes avec

- 79 -

moi, mais moi je n’en ai pas avec eux ». C’est une solution à tous les problèmes ! C’est même ce qu’on appelle l’ultrasolution. Si l’on croit que les problèmes relationnels peuvent être résolus de façon rationnelle et logique, on va chercher les solutions dans des comportements heurtant de front les manifestations du problème. Je ne peux pas dormir, je me force : ma voisine fait du bruit, je l’engueule ; mon patron me méprise, je cherche à me distinguer ; ma soeur n’arrête pas de me demander de l’argent, je lui dis que c’est fini ; ma fille désobéit, je punis... Les livres sont pleins de ces solutions qui contribuent à renforcer le problème qui devient répétitif, et s’installe. C’est ce que l’école de Palo Alto veut dire quand elle dit que les tentatives de solution sont le problème : le problème est la solution. Chaque partenaire tire la corde vers lui pour faire comprendre à l’autre qu’il doit la lâcher, comme ces couples qui passent leur nuit à tirer la couverture sur eux, en accusant l’autre de tout prendre. Le même gâchis se rencontre dans les carrefours où l’on voit chaque automobiliste occuper le dernier millimètre que leur ont laissé les autres automobilistes, en créant ainsi un beau noeud inextricable. Les problèmes sont souvent comparables à des noeuds. Et quand vous voulez défaire un noeud bien emmêlé, avez-vous l’habitude de tirer sur les extrémités ? Non, bien sûr, alors pourquoi faire ainsi lorsque le noeud s’appelle « mon patron ne me respecte pas » ou « ma femme ne m’aime plus ». Ce type de situation porte un nom : on dit que les partenaires font « toujours plus de la même chose ». Nous y reviendrons plus tard. Rappelons seulement ici l’idée encore peu répandue, selon laquelle les solutions d’un problème relationnel entre deux ou plusieurs personnes, doivent se chercher au travers de comportements irrationnels, inhabituels, voire même paradoxaux. Tous les insomniaques savent bien qu’on ne peut pas se forcer à dormir, et que la meilleure méthode de s’endormir

- 80 -

est d’y renoncer, par exemple en se levant pour accomplir une activité quelconque ; le sommeil nous prend alors, en quelque sorte, quand il en a envie. Le sommeil est naturel, et vient interrompre notre activité, justement parce qu’on ne le cherche plus. De même, les sexologues savent fort bien qu’on ne guérit pas l’éjaculation précoce en serrant les mâchoires et en se répétant « Il faut faire durer », mais au contraire en se détachant de l’idée d’une certaine performance à accomplir.

f) La ponctuation

Nous en arrivons à une notion fondamentale chez Palo Alto : la ponctuation. La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires. (P. Watzlawick. Une logique de la communication. p.57) Pour parler de façon simple et naïve : les problèmes de la ponctuation sont les problèmes où l’un (ou les deux) partenaires se pose la question idiote : savoir qui a commencé. J’accuse ma femme de fainéantise et je suis obligé de faire une foule de boulots à sa place, alors qu’elle ne voit pas pourquoi elle ferait ces choses , puisque je ne lui laisse pas le temps de les faire à son rythme. Les Américains supportent cinq secondes de silence dans une conversation (voir Catherine Kerbrat-Orecchioni), et les Français trois seulement, si bien que les français parlent les premiers quand le silence s’établit dans une conversation. Les Américains se disent : « Quelle impétuosité ces Français, ils ne nous laissent même pas parler » et les français : « Quelle mollesse ces Américains, il faut toujours parler à leur place ». Quand nous disons : « J’ai tel problème, c’est la faute de l’autre », nous montrons par là, souvent, que notre façon de ponctuer commence par l’autre.

- 81 -

Certes, ce n’est pas intéressant de savoir qui a commencé, ça ne résout en rien le problème qui se pose dans le présent. Et pourtant, une grand nombre de problèmes entre couples, amis et relations de travail, sont des problèmes de ponctuation. Tout conflit semble avoir un début historique. Il en est de même dans les conflits de société, dans la façon de conter l’histoire. Ainsi, on s’accorde - sans preuve aucune, par convention - à faire débuter la révolution française par la prise de la Bastille, on fait débuter nos conflits par une comportement agressif de l’autre, la plupart du temps. « Tout a commencé le jour où il... » Or, nous l’avons vu en parlant de l’interaction : dans une séquence de communication, les deux partenaires communiquent sans arrêt et en même temps. De plus, nous sommes relativement peu conscients d’un certain nombre de messages non verbaux que nous émettons envers les autres : mimiques de désapprobation, grimaces de dégoût... Aussi comment pousser l’outrecuidance jusqu’à affirmer que jamais, au grand jamais, nous n’avons émis de messages négatifs envers l’autre, avant que celui-ci ne commence les hostilités. « Qu’avez-vous fait concrètement avant qu’il ne vous agresse la première fois ? — Moi, rien ! » Comment naissent dans la vie quotidienne les problèmes de ponctuation ? Pour éclaircir cela, évoquons une des règles fondamentales de l’interaction. Dans une séquence de communication entre deux partenaires, chacun doit parler à tour de rôle, et parler le même nombre de fois. Ce qui signifie que si A commence la discussion, c’est théoriquement B qui doit la terminer. D’autre part, cette « loi » est accompagnée d’une seconde dite loi de la réciprocité : dans une séquence de communication, tout partenaire a tendance à répondre à l’autre par un coup de même nature. Ce qui signifie qu’à tout coup agressif de A, B répondra de même ; du moins si la relation est symétrique. Maintenant observons une conversation amicale entre A et B. A un moment donné B perçoit un message agressif de A : pour lui c’est le premier coup agressif qui est joué. Il y répond, on pourrait dire légitimement. A qui n’a pas joué consciemment de coup agressif, ne comprend pas ce qui se

- 82 -

passe, sinon que, sans raison apparente, B l’agresse : c’est là que se situe pour lui, le premier coup agressif de B. A partir de là les deux partenaires n’auront de cesse de répondre à l’agressivité de l’autre. Chaque fois que l’un sera prêt à abandonner la lutte avec le sentiment d’être quitte, l’autre agressera encore une fois. Chacun donnera tort à l’autre de vouloir continuer à se battre, simplement parce qu’il ne verra pas les paires de coups de la même façon. Pour A les coups s’analyseront en commençant par B : B—A—B—A... pour B, en commençant par A : A—B—A—B... Les problèmes de ponctuation sont les plus difficiles à résoudre ; il y faut souvent l’aide d’un tiers. En effet, pour que ce jeu sans fin s’arrête, il faut et il suffit que l’un des partenaires admette - ou fasse semblant d’admettre- la ponctuation de l’autre. Pour cela, il faut effectuer avant un léger recadrage du type : « Peu importe sa vision, je m’en fiche... » Les jugements et généralisations abusives dénoncées plus haut dans ce livre démarrent souvent par un malentendu de type ponctuation. B m’agresse « sans raison », c’est alors que j’ai le droit de dire qu’il est agressif. Et la suite des événements ne fait que de me donner raison. C’est ainsi que l’autre me paraîtra agressif, même si tous ses comportements ultérieurs sont emprunts de douceur et de gentillesse. Tout jugement porté sur l’autre tendra à perdurer, même en présence de faits le contredisant. Un stratagème bien connu utilise cette propriété de l’interaction. Comment faites-vous si vous voulez qu’un gros mensonge soit cru de votre entourage ? Vous vous forgez préalablement l’image de quelqu’un qui ne ment pas. Vous dites la vérité de façon ostentatoire plusieurs fois, tout le monde peut le vérifier ; puis, vous mentez. Vous pouvez y aller franchement : tous vos messages ultérieurs seront crus dans la mesure où vous-même serez jugé sincère.

- 83 -

g) Toujours plus de la même chose

On voit que souvent, les interactions entre deux personnes au cours d’une séquence de communication ressemblent à une série de coups répétitifs de même nature. On a l’impression que les deux personnages « tournent en rond » comme dans ces dialogues de gosses : « Mais si — Mais non — Mais si... » Chaque personnage persiste dans son attitude envers l’autre ; ils sont pris tous deux dans une relation symétrique où chacun, à tour de rôle tire un peu plus la couverture à soi. Ce type de relations est connu sous l’appellation : « toujours plus de la même chose », ce qui est une façon élégante de dire : sans issue. Et pourtant, chaque partenaire est hanté par le désir réel d’arrêter ce cercle vicieux qui les fait souffrir tous deux. C’est alors que, brusquement, l’un d’entre eux, a une idée : et si je faisais exactement l’inverse de mes comportements habituels ? Par exemple, ma voisine ne cesse de m’importuner avec ses bruits, et je ne cesse de lui en faire reproche. Je choisis une tactique radicalement opposée : je lui souris quand je la croise dans les escaliers. J’opère par là ce que nous appelons un changement 1, ou changement de premier niveau. Une des erreurs les plus courantes concernant le changement est de conclure que, si quelque chose est mauvais, son contraire est nécessairement bon.(P. Watzlawick. Changements...p.38) Mais ça ne marche pas, elle continue à faire du bruit. Faire l’inverse de ce que je faisais précédemment n’est finalement pas un grand changement car j’étais pris, par ma logique aristotélicienne, dans une alternative : ou bien... ou bien... Ou bien la jupe de ma petite amie est longue, ou bien elle est courte. Et toute l’histoire de la mode tient dans quelques dualismes de ce type. C’est ainsi que des générations de parents ne sachant pas quoi faire pour que leurs enfants soient sages, alternent des périodes de tolérance et des périodes de sévérité. C’est un comportement à variété 2 :

- 84 -

une alternative. Il s’agit, nous le savons, d’un changement hautement prévisible, un peu comme après la pluie, nous savons que le soleil va se pointer. Nous appelons également cette situation : plus ça change, plus c’est la même chose. Adopter un comportement contraire à celui que nous avions l’habitude d’adopter, n’est pas un changement véritable ; ça n’est que l’envers de la même pièce. Les deux comportements opposés font partie du même principe. Choisir entre blanc ou noir exclut la couleur, et pourtant, c’est la couleur qui effectuera un vrai changement, qu’on appelle changement 2. Le vrai changement ce n’est pas quand ma petite amie change de jupe, mais quand elle n’en met plus. Ainsi, ER se plaint d’un frère envahissant qui ne cesse de lui demander des services. Parfois, elle lui rend le service demandé tout en spécifiant : c’est la dernière fois ; parfois, elle refuse, et se sent alors fortement culpabilisée, ce qui l’amène la fois suivante à accepter immédiatement de rendre un service plus grand. Il est probable que le frère en question s’est habitué à ce régime de douche froide et qu’il se dit, en allant voir sa soeur : est-ce que ce sera aujourd’hui un jour avec ou un jour sans ? ER est coincée dans une alternative qui lui donne l’illusion d’un choix. Elle ne sortira de ce dilemme qu’en créant elle-même une nouvelle sorte de relation entre son frère et elle, une relation qu’il n’est pas préparé à vivre. Par exemple, elle lui téléphone pour lui demander de l’argent en dépannage sachant qu’il est toujours fauché, en créant un nouveau type de relation avec lui, elle annule les effets nocifs de la relation habituelle. C’est ce que Wittgenstein appelle : jouer un nouveau jeu qui rend l’ancien caduc.

- 85 -

5. La variété des comportements

La Méthode AR, est une méthode de changement « systémique », Elle considère toute personne, non pas en soi, avec sa personnalité propre et fixe, mais en interaction avec d’autres individus, et formant avec eux des systèmes relationnels. Une famille est ainsi considérée comme un système relationnel, de même qu’une entreprise, un groupe d’amis... Si l’on observe le fonctionnement de ces systèmes, nous ne tardons à distinguer des « jeux relationnels » répétitifs. Tout système relationnel possède des invariants, des programmations comportementales itératives. Un système relationnel possède des états, des positions, ainsi que des mouvements-types. Le nombre d’états que peut prendre un système est appelé la variété de celui-ci. Les experts en thérapie familiale ont remarqué que les familles saines possédaient plus d’états différents que les familles pathologiques. Les systèmes qui fonctionnent bien disposent apparemment d'une meilleure flexibilité et d'un plus grand répertoire de règles, alors que des systèmes "malades", c'est-à-dire très conflictuels, n'ont qu'un nombre réduit de règles, et elles sont difficilement modifiables. (P. Watzlawick. Les cheveux du baron de Münchausen. P.30) Nous nous doutons que la personne qui a appris à devenir stratégique possède plus de variété que la personne encore trop rigide. Nous donnons plus loin un exercice qui vous permettra de mesurer la variété de vos relations. Dans la vie de tous les jours, aussi bien avec nos partenaires qu’avec nous-mêmes, nous possédons une variété faible. Une situation possède une variété 0 quand nous ne savons pas comment réagir ; nous sommes bloqués, sans réponse. La

- 86 -

variété 1 se manifeste lorsque, devant une situation particulière, nous ne possédons qu’une seule façon de réagir. La variété 2, est représentée par l’alternative : « Nous faisons ou bien... ou bien... ». Dans les deux cas de figure, nous pouvons être comparés à des robots, juste un peu plus perfectionnés quand la variété est de 2. La liberté de l’homme dans ses actions commencent à partir du moment où il dispose dans un état ou situation donnés d’au moins trois réponses possibles. L’avantage est évident. Prenons par exemple cette femme qui, lorsqu’on la siffle dans la rue, ne sait faire qu’une chose en retour : hausser les épaules. Elle en devient hautement prévisible. Il s’agit d’un conditionnement simple : je siffle, elle hausse les épaules. Quelle différence existe-t-il avec les animaux de laboratoires ? Vous connaissez l’histoire du rat qui s’adresse à son voisin de cage en disant : « Je ‘ai bien dressé mon expérimentateur : je lève la patte et il me donne à manger ». Maintenant, voici une autre de mes amies qui, lorsqu’on la siffle dans la rue, une fois hausse les épaules, une autre fois fait semblant de ne pas entendre, une troisième fois sourit de mépris, une quatrième s’arrête pour voir la tête du siffleur, une cinquième va le souffleter... Pour elle, la vie est plus variée, plus agréable à vivre ; et les siffleurs se méfient car elle leur parait imprévisible. La monotonie de notre vie, comme son nom l’indique : un seul ton, dépend de la variété de nos comportements, laquelle dépend de nous. Ainsi, la Méthode AR enseigne que c’est nous-mêmes qui nous faisons la vie monotone ou pas. Nous sommes monotones et faisons notre vie à notre image. Devant mon amie, quelque peu envahissante qui n’arrête pas de me demander des services, et se plaint quand j’émets la moindre réticence, je n’avais jusqu’à ce jour que deux comportements : ou bien lui rendre service, ou bien refuser. Dans les deux cas, j’étais perdant, dans un cas les services rendus me coûtaient, dans l’autre je souffrais de voir son air

- 87 -

malheureux. Maintenant, je continue à réagir ainsi, mais en outre je possède toute une panoplie de « jeux » nouveaux : je lui demande un service en retour dès le lendemain, et si possible un service plus important que celui qu’elle m’a demandé ; je lui demande pourquoi elle fait cette demande, et lui tient un discours fort long et ennuyeux sur l’intérêt de se débrouiller seule ; je réussis parfois à ne pas répondre, ni oui, ni non ; je lui propose un autre service ; je lui donne l’adresse de quelqu’un qui pourra lui rendre ce service ; je refuse tout en lui faisant un cadeau... Et je remarque une tendance nette chez elle à ne plus rien me demander. A ceux qui ont du mal à pratiquer la variété avec leurs amis, nous conseillons de s’entraîner dans l’exécution des gestes quotidiens de la vie courante, ceux que l’on accomplit sans y réfléchir, et qui ne présentent aucun danger. Un bon terrain d’entraînement est de modifier nos gestes du matin entre le réveil et le moment où l’on part travailler. La plupart d’entre nous accomplissons tous les matins les mêmes gestes dans le même ordre. Changeons cet ordre, changeons la longueur des actions : déjeunons longuement, douchons-nous rapidement ; changeons les gestes eux-mêmes : la façon de se laver les dents, de se savonner ; mettons nos vêtements dans un ordre différent... Et allons au bureau en variant les chemins, une fois en auto, une fois à pied, une fois en stop... Augmenter la variété de nos comportements aura plusieurs avantages. Le premier sera de paraître plus imprévisible aux autres. Nos intimes nous connaissent bien comme nous les connaissons bien ; et bien connaître quelqu’un n’est-ce-pas finalement prévoir ce qu’il fera dans chaque circonstance de la vie ? Plus nous serons imprévisibles, plus nous échapperons aux manipulations de nos semblables. Si, une fois nous sourions, une autre fois nous insultons, une autre encore nous faisons semblant de ne pas entendre... ils hésiteront plus souvent à nous agresser, ne sachant pas ce qui les attend. Un autre avantage : grâce à la variété, chacune de nos actions est une action différente. En d’autres mots, la

- 88 -

variété de nos programmations comportementales diminuera l’emprise de nos généralisations. Pratiquer la variété dans ses comportements augmentera notre attention aux phénomènes concrets, et diminuera donc l’importance que nous accordons à nos croyances, valeurs, et opinions. En même temps, nous serons plus attentifs aux comportements des autres. C’est le troisième avantage : augmenter chez nous la tendance à être centré sur les autres.

6. La dissociation, le détachement : le principe de non sincérité

La dissociation est une technique mentale que nous pratiquons tous naturellement, quand nous participons par exemple à une conversation qui ne nous intéresse pas du tout. Nous répondons en quelque sorte machinalement aux questions qui nous sont posées, en rêvant d’être ailleurs où il fait bon vivre. Dans ce cas, la dissociation est un moyen de s’échapper, mais ça n’est pas une technique utile. Nous demandons à nos élèves en Méthode AR de pratiquer la dissociation, au contraire, dans les relations intenses, mouvementées, et posant problème. De quoi s’agit-il ? Ou bien je me vois physiquement dans la relation, ou bien je suis en dehors. Tout le monde sait bien qu’il est plus facile de voir ce qui est en dehors de nous, on appelle cela dans la vie courante « prendre du recul ». On ne voit pas la montagne lorsque l’on est au sommet. La dissociation pourrait se définir comme une schizophrénie expérimentale et volontaire ; c’est mettre une distance mentale entre soi-même et soi-même. J’ai un rendez-vous qui promet d’être difficile avec mon patron. Je rentre dans son bureau avec mon double, qui va s’asseoir sur la chaise là-bas. Et j’observe, j’analyse, je contrôle, je manoeuvre la réunion, à partir de mon double. C’est lui qui me conseille : de pratiquer le silence, de ne pas généraliser, de ne pas me mettre en colère...

- 89 -

Quand je suis dissocié je me vois en train d’agir ; au balcon, j’observe mon double sur la scène. Cette pratique augmente rapidement mes capacités à rester calme en toutes circonstances ; je me sens moins concerné par ce qui se passe si je suis dissocié. La Méthode AR possède un outil plus intellectuel pour aider ses pratiquants à se dissocier et à abaisser leur taux d’émotivité dans leurs relations : le principe de non sincérité. Sous ce nom provocateur se cache un fabuleux outil permettant de diminuer progressivement en nous l’importance du Moi, de cet ego toujours envahissant. Le principe de non sincérité nous enseigne à ne pas être concernés par ce qui nous arrive. Nous ne sommes pas concernés, ni par ce que nous disons et faisons, ni par ce que l’autre nous dit et nous fait. Par exemple, quand mon ami Eric m’agresse, je ne pense plus à l’effet en moi de ses paroles, mais à comprendre d’où lui vient cette hargne envers moi. Je pense à lui. Toute manifestation venant de l’autre est une belle occasion d’en apprendre un peu plus sur lui. Ainsi grâce au principe de non-sincérité je peux dire à l’autre : quand tu parles de moi, tu parles de toi. La dissociation ou le principe de non sincérité ne sont que des outils externes ; je peux les pratiquer par tactique, ou stratégie et continuer à me sentir nerveux et concerné. Mais, à force de pratiquer le calme, on finit par le ressentir. Comme le dit Pascal : pour croire, il faut d’abord se mettre à genoux. En bout de course, après quelques mois, ou années d’exercices, nous en arrivons au but : le détachement, c’est-à-dire au sentiment intérieur de ne plus être concerné.

- 90 -

7. Faire changer d’avis nos partenaires

a) Il est impossible de ne pas polémiquer

C’est un travers très fréquent que nous partageons tous de vouloir à tout prix que les autres partagent nos idées. Il nous est toujours plus ou moins difficile de tolérer les différences d’opinions, de croyances et de comportements, d’admettre les différences. L’idée que tout irait mieux si tout le monde pensait et faisait la même chose, si tout le monde était comme nous, est plus ou moins présente dans nos esprits pseudo-rationnels ; nous pensons même que la Paix éternelle serait à ce prix. Rien n’est moins sûr. Milton Erickson ne disait-il pas déjà qu’une des principales sources de conflits dans notre vie est de vouloir que les autres nous ressemblent. C’est pourquoi quand nous regardons autour de nous, quand nous écoutons les conversations dans la rue, au café, dans le bus, au bureau et à la maison, nous observons qu’une partie non négligeable de notre temps de vie est consacrée à ces tentatives, vaines la plupart du temps, de convaincre les autres du bien-fondé de nos opinions, croyances et comportements. Nous admettons volontiers, de façon intellectuelle et froide, que les différences constituent la richesse d’une société, mais nous ne l’admettons guère dans notre pratique quotidienne de la vie en groupe. C’est aussi une source de conflits multiples et sans fin. Il est très difficile de s’entendre avec les autres, surtout s’ils ont l’outrecuidance de vouloir être différents et de nous tenir tête.

- 91 -

b) La tactique du bélier

« Lorsque nous argumentons, nous avons tendance à partir de notre propre point de vue et aboutissons souvent, de la sorte, à élargi le fossé qui nous sépare de l’autre. Dans une nouvelle conception de la rhétorique, l’art de l’argumentation va consister, au contraire, à « utiliser le point de vue de l’autre », afin de lui montrer en quoi ce que nous lui disons est en harmonie avec sa vision des choses » Françoise KOURILSKY

Que faisons-nous pour éliminer ce que nous ressentons comme un problème à résoudre dans une relation ? Nous avons tous une approche naïve de ce problème : nous demandons à l’autre de changer. Fichtre ! Mais quelle raison aurait l’autre de changer, uniquement parce qu’on le lui demande ? Chacun de nous s’est construit, au fil des années, une personnalité unique, justifiée semble-t-il par nos expériences toujours singulières. L’ensemble de nos croyances et opinions (ce que nous pensons), de nos comportements (ce que nous faisons) et de notre langage (comment nous en parlons) est ressenti par chacun de nous comme un ensemble cohérent, qui nous appartient en propre. Et chaque élément de cet ensemble se voit renforcé et justifié par la présence des autres ; cela fait bloc, et cela semble immuable. Nous sommes tous cohérents au sein de notre construction mentale qui fait notre unicité ; et cela même si nous paraissons totalement incohérents aux yeux des autres. Les différents étages de ce qui constitue ce qu’on appelle habituellement notre personnalité se renforcent mutuellement. Par exemple, nous nous lavons tous les jours parce que nous croyons à l’importance de l’hygiène, mais si nous croyons cela c’est en partie parce que nous nous lavons tous les jours et notre façon d’en parler renforce le lien

- 92 -

entre croyance et comportement, chaque jour un peu plus. Nos opinions et nos actions forment un tout solide, comme un mur ; et comment déplacer un mur sans se faire mal ou sans le détruire ? Nous avons souvent la croyance naïve qu’il suffit de demander un changement pour l’obtenir. Cela se saurait si c’était vrai. En fait, il existe trois façons d’obtenir quelque chose d’autrui : 1. Le lui demander. Cela fonctionne si la demande est anodine et ne heurte pas le mur de la personnalité de l’autre ou si cela entre dans la définition du rôle de l’autre, tel qu’il l’a accepté. Le patron obtient de sa secrétaire qu’elle aille chercher un dossier car cela entre dans ses fonctions. 2. Argumenter. Si demander ne suffit pas, et que l’autre n’a pas de raison spontanée de faire ce qu’on lui demande, alors on argumente : on explique pourquoi on veut que l’autre aille chercher le pain, ou achète notre produit, etc. L’argumentation nous vient spontanément car elle est dans notre culture. Il arrive que ça marche mais il arrive plus souvent que cela ne marche pas car on argumente avec nos arguments, sans vérifier si l’autre en accepte le bien-fondé. Si l’on ne tient pas compte de l’autre, de sa propre logique et de sa structure de pensée, nos arguments tombent à plat et deviennent des contre-arguments. Alors que nous reste-t-il comme solution ? 3. Utiliser des stratagèmes. Ce qui revient à dire que, pour obtenir ce que nous voulons, nous allons commencer par ne pas le demander ! Etonnant ! Mais, c’est de la manipulation disent certains ! Evacuons une fois pour toutes ce problème qui n’en est plus un pour nous depuis longtemps. Oui, cela peut s’appeler de la manipulation, mais c’est ce que nous faisons tous pour obtenir ce que l’autre s’entête à ne pas vouloir nous donner. Le mot manipulation n’est pas de la manipulation, et les

- 93 -

actions que vous dénoncez sont des actions quotidiennes pour la plupart d’entre nous. Alors faut-il rester au niveau du mot qui est vilain, sale et voué aux gémonies ou rester au niveau du concret et voir comment les gens se servent de ces techniques pour obtenir ce qu’ils désirent ? Pour nous, POLEMIOS® est une approche quasi scientifique pour obtenir que l’autre change : change d’avis, change de croyances ou change de comportements. On part de quatre faits indiscutables : 1. Nous avons tous des avis, des opinions et des croyances sur pratiquement tous les sujets de notre vie quotidienne, sur tous les sujets de société et même sur des sujets dont nous ne connaissons rien ! En effet, nous entendons rarement quelqu’un dire à propos d’un quelconque sujet : je n’ai pas d’avis là-dessus. Nous nous comportons tous les jours comme s’il était honteux de ne pas avoir d’avis sur les sujets de société dont on entend parler tous les jours. L’ignorance n’est acceptée que sur des sujets techniques. 2. Le cerveau est programmé pour préférer sa propre opinion à celle d’autrui, donc pour croire que nous avons raison et que les autres ont donc logiquement tort. 3. Nous pensons que l’autre devrait avoir la même vision que nous, la même analyse des évènements, et nous sommes toujours étonnés de constater qu’il n’en est rien. 4. Nous pensons, en tout cas nous nous comportons comme si nous pensions, qu’il suffit d’affirmer son opinion, et de l’affirmer haut et fort, avec sans cesse plus de force, pour que l’autre s’en remette à nous et finisse par nous donner raison ; nous pensons qu’il suffit d’insister pour que cela marche mais on est souvent bien déçu. Une fois admis ces quatre principes d’action, la controverse, la dispute, la polémique, voire le conflit, la fâcherie et la guerre deviennent des issues quasi inévitables. Et cela partout, tout le temps, avec tout le monde : en famille, entre conjoints ou entre parents et enfants, avec les amis, au travail avec les patrons, les collègues ou les collaborateurs, dans la rue avec les piétons, les vélos, les

- 94 -

automobilistes… entre groupes contre les fonctionnaires, les jeunes, les vieux, les riches… Pour nous, il est clair que le désaccord est la norme du climat social et que l’accord est une exception, car les opinions, croyances sont multiples sur n’importe quel sujet et il est quasi impossible, statistiquement, que deux personnes puissent avoir le même avis sur tous les sujets. D’où polémiques et conflits sans fin.

- 95 -

D. 3 outils pour changer plus facilement

Il serait assez pédant d’affirmer en début de chapitre qu’il est toujours possible de résoudre un problème relationnel. Et pourtant, nos maîtres nous ont montré la voie. Dans un prochain livre, plus axé sur les stratégies de changement, nous décrirons les méthodes thérapeutiques utilisées par quelques grands noms : Erickson, Watzlawick... Ici, nous nous contenterons d’évoquer les trois voies principales des changements relationnels. Quelles sont nos prémisses de raisonnement ? Toute communication est subjective, aussi un problème ne peut être exprimé que par un seul à la fois des deux partenaires d’une relation Nous avons vu que le verbe changer est transitif : changer quoi ? Changer qui ? Se changer soi-même avons-nous répondu, en soulignant la difficulté de changer l’autre, avant d’avoir acquis une maîtrise complète de ses propres changements. Il existe trois façons - au moins - de se changer soi-même. Première façon : changer la façon dont on voit le problème ; dont on le pose, bref changer nos idées opinions et croyances. On appelle cela le recadrage. Deuxième façon : changer notre façon d’agir avec l’autre, en créant des situations nouvelles auxquelles l’autre n’est pas préparé : on appelle cela la stratégie (ou les stratagèmes). Enfin, nous pouvons agir directement sur l’autre en décidant d’un comportement nouveau ; ce sont les injonctions.

- 96 -

1. Les stratégies

Tout d’abord évacuons la possibilité de confusions sémantiques en donnant notre définition des termes tactique, stratégie et stratagèmes. On abuse souvent du terme de stratégie. Quand nous conseillons un comportement particulier à l’un de nos élèves, il s’agit d’une tactique. Parfois même, c’est une simple ficelle. Tout conseil au niveau d’un coup à jouer est une tactique. Mais, si nous conseillons une façon générale de procéder en disant par exemple de jouer la position dominée et pacifique chaque fois que l’autre se mettra en colère, nous donnons une ligne directrice d’action sans préciser dans quel contexte cette ligne sera suivie. Il s’agit d’une stratégie. Une stratégie, pour faire simple, est une tactique qui dureou un ensemble de tactiques. Mais aussi, une stratégie sera définie de façon plus abstraite qu’une tactique, toujours plus proche du concret. Comment parcourir les chemins du changement, c’est-à-dire, en d’autres termes comment changer la relation que j’ai avec mon partenaire ? La stratégie de changement est rigoureusement déduite de l’étude de l’écart entre la position de départ, celle qui pose problème, et la position d’arrivée, quand le problème sera résolu. Les pratiquants de Méthode AR apprennent à visualiser précisément ce qui se passera quand le problème sera résolu. Il ne suffit pas de dire que nous voulons changer, mais aussi être capable de dire ce que nous voulons changer exactement. Mais une stratégie ne se définit pas seulement par la connaissance des points de départ et d’arrivée. Pour passer d’un état à l’autre, il peut être nécessaire d’emprunter des chemins détournés. Par exemple un conflit de père à fils, dans lequel le père se trouve dans une relation dominante guerre, peut se résoudre en passant par la relation dominé paix, pour arriver à la relation finale souhaitée par le père qui sera (ceci n’est qu’un exemple) égalitaire paix.

- 97 -

Etablir un modèle de base du changement que l’on programme suppose que nous soyons capables d’utiliser un certain nombre d’outils. Enfin le terme stratagème désigne un coup ou une série de coups sans rapport avec la façon dont nous ressentons la situation et dont le but est d’amener l’autre à avoir tel ou tel comportement en retour.

2. Le recadrage

a) Définitions

Recadrer, c’est au sens propre du terme : cadrer autrement ; comme en photo où l’on peut tirer une infinité de photos différentes à partir du même négatif, selon que l’on choisit telle ou telle partie de la photo d’origine. Recadrer en communication, c’est changer la façon dont on voit (et dont on parle de) tel ou tel problème. C’est classer le problème dans une autre catégorie. On connaît l’exemple de ce vendeur qui bégayait et qui considérait son bégaiement comme un handicap jusqu’au jour où on lui fait remarquer qu’un bègue est plus crédible que ces charlatans parlant bien et dont tout le monde se méfie. Il s’est passé alors dans sa tête comme un déménagement du mot bégayer, qui est sorti de son tiroir handicap pour aller se ranger dans le tiroir avantage. On reconnaît là un recadrage typique et que l’on reconnaît à des phrases du style : « Je n’avais pas vu les choses sous cet angle. » Le recadrage n’est pas évident car : Une fois qu'un objet est conçu comme membre d'une classe donnée, il est extrêmement difficile de le voir comme appartenant aussi à une autre classe.(P. Watzlawick. Changements... p.120) On peut penser que deux personnes qui ne classent pas les mêmes objets et les mêmes concepts de la même façon, dans les mêmes catégories, ne peuvent guère s’entendre. Or,

- 98 -

c’est le cas général : chacun d’entre nous avons nos propres classements, créés par notre propre historique, toujours unique. Prenons un exemple tiré des récentes élections régionales. La télé nous donne les résultats en nous montrant les scores de trois blocs politiques : la gauche (dite « plurielle »), la droite, et le front national (ou extrême-droite). C’est un découpage du monde des partis politiques en trois sous-ensembles de même niveau. C’est la version officielle dans la France de 1998. D’autres personnes découpent autrement ce paysage politique, en faisant remarquer que, pour eux, droite et extrême-droite peuvent se regrouper, ils classent ainsi : gauche / droite (droite + Front National). Pour d’autres encore, qui font remarquer à quel point les opinions et les décisions de tous les partis, de gauche comme de droite, se ressemblent, le découpage est le suivant : partis traditionnels (gauche + droite) / Front national (la vraie droite). Il existe mille autres façons de découper le monde des partis politiques, par exemple, en insistant sur le fossé qui se creusent entre les hommes politiques et le français ; on classe alors ainsi : partis / français, ou encore en fonction de leur attitude vis à vis de l’Europe de Maastricht : (PC et FN) / autres partis. Encore une fois, il n’existe pas de bon ni de mauvais découpage de la réalité. Ils sont tous subjectifs et reflètent la vision des personnes qui les émettent. C’est pourquoi nous devons être vigilants à ce qu’aucune instance, quelle qu’elle soit, ne tente de nous imposer son propre découpage qui deviendra alors le découpage officiel. Car, là on entrerait en dictature. La difficulté de recadrer provient du fait que nous sommes attachés à nos classements ; ils constituent la plupart de nos opinions. Et ils engendrent aussi la plupart de nos problèmes. Quand nous cherchons une solution à l’un de nos problèmes relationnels, nous la cherchons en respectant notre classement du réel, notre découpage cognitif personnel. Or, souvent, le problème lui-même provient de ce découpage même. Nos tentatives de solution empruntent le cadre dans

- 99 -

lequel le problème s’est formé ; elles renforcent le problème. Erickson : « Pour tenter de résoudre un problème, bien des gens restent dans le cadre de la situation. Si vous pouvez les faire sortir de ce cadre, vous leur montrez qu’ils sont capables d’aller au-delà des limites immédiates de ce problème affectif. Tout à coup, ils découvrent qu’il existe d’autres points de vue, d’autres possibilités, d’autres formes de compréhension. » (J. Haley, Changer les couples, P. 133) Un recadrage amène à redéfinir notre vision d’une situation. En voyant autrement ce qui se passe, nous changeons le fait lui-même. Récemment, j’ai lu dans un journal un fait divers surprenant, digne de Palo Alto. Une caissière se fait braquer par un cambrioleur armé. Elle lui dit : « Excusez-moi, je suis occupée en ce moment, revenez plus tard ». Il a dit : « D’accord, je reviendrai ». Miracle ! Courage ! Certes, mais aussi recadrage dans la tête du cambrioleur. En quelques mots, la caissière l’a fait passer d’une situation : celle d’un braqueur qui cambriole, à une autre, celle d’un client qui tombe à un mauvais moment. La caissière a créé une situation nouvelle, inattendue pour le partenaire ; or, dans cette situation, il redevient client et réagit comme un client. On remarque le peu d’importance de la réalité « réelle » pour les protagonistes. Les deux partenaires savent bien qu’il s’agit d’un braquage, mais ils se comportent comme s’il s’agissait de tout autre chose. Ceux qui raisonnent à l’aide des concepts classiques et rationnels de la réalité vraie et objective comprennent difficilement tout cela. Le recadrage ne change rien à la situation réelle, mais il permet seulement à l’un ou à l’ensemble des partenaires d’une relation de la voir différemment. Dans nos cours, nous considérons que ce que nous disent nos stagiaires ne constitue que leur propre vision, à la fois de ce qu’ils sont (ou croient être) et de la façon dont ils voient B. Dans les deux cas, il s’agit de leur propre subjectivité. Dans tous les cas, changer la relation, c’est aussi et d’abord changer leur propre subjectivité. Aussi, pouvons-nous dire que tout changement satisfaisant obtenu dans une relation,

- 100 -

sera en même temps un recadrage réussi dans l’esprit de celui qui s’exerce. A exprime un problème relationnel avec B ; on déplace la vision subjective de A, par exercice, par changement de vision, et A ne voit plus le problème relationnel de la même façon. Sans que B, dans un premier temps n’ait changé quoi que ce soit dans son comportement. Prenons un exemple. MM nous exprime ainsi son problème avec son supérieur hiérarchique : « Il est bête, et autoritaire. Il nous oblige en réunion à faire des exercices que tout le monde trouve idiots. Je suis la seule à refuser, et il m’y oblige en disant que c’est lui le chef. » Que désire notre cédiste ? Bien s’entendre avec cette personne, mais aussi qu’elle reconnaisse sa compétence et la respecte. Mais MM se rend compte que cela lui sera difficile tant que les journées qu’elle passe avec son supérieur hiérarchique lui apparaitront comme des corvées insurmontables. Ceci est sa façon de classer les événements et de définir son problème. Nous lui faisons remarquer alors, que ces journées sont les seules au cours desquelles elle peut tout à loisir s’exercer à la Méthode AR, au détriment de son chef. Nous allons dans son sens, nous acceptons son jugement négatif sur le chef, mais les journées passées avec lui deviennent un magnifique occasion de progresser. Les journées pénibles chengent de tiroir, de classement, et deviennent journées fructueuses pour elle. MM s’amuse au dépens de son chef, mais s’amuse en faisant semblant de l’approuver. Maintenant, elle est la préférée de son chef, qui lui demande son avis sur les événements de l’entreprise. Et c’est exactement ce qu’elle voulait. ER se sent agressée et redoute quand son frère lui téléphone : « Qu’est-ce qu’il va me demander aujourd’hui ? ». Elle se sent dominée par lui et obligée de répondre affirmativement à ses demandes. Nous lui montrons que ce frère est un être faible, incapable à quarante ans de se débrouiller seul, et qu’il appelle au secours sa grande soeur. D’un coup, la relation n’est plus la même. Elle réagit en grande soeur ; elle ne lui donne plus d’argent, mais des conseils. Il n’appelle plus, car des conseils il n’en veut point.

- 101 -

Recadrer suppose être capable d’un certain détachement, juste le temps de voir l’ensemble de la situation. Sans recadrage, nous ferons comme la poule qui veut sortir et se cogne la tête au grillage du poulailler. Elle prend son élan et se cogne encore, sans fin ; probablement qu’elle se dit : ça finira bien par marcher. A quelques pas de là, la porte est grande ouverte, mais elle ne la voit pas. Ne nous moquons de la poule, ne rions pas trop fort d’elle. Enfin, le meilleur recadrage est celui qui modifie notre sensibilité au problème : la souffrance peut disparaître simplement en arrivant à la conclusion : « Mais je m’en fiche ». Mon voisin fait du bruit, je me crispe aussitôt, j’ai du mal à lire, j’ai envie d’aller lui casser la figure ; mais, finalement le bruit n’est pas si fort, et cette musique qu’il écoute n’est pas désastreuse. Ca n’a pas vraiment d’importance. Dès que ma crispation cesse, la musique me parait moins forte, les bruits s’atténuent. Je ne lutte plus, et la crispation musculaire me quitte. J’aime cette phrase lue quelque part dans la littérature de Palo Alto : « Elle avait un grave problème qui la faisait souffrir. Jusqu’au jour où elle a décidé que cela n’avait pas d’importance. Depuis tout va bien. »

- 102 -

b) Problèmes de généralisation et solutions

Les problèmes dus à des généralisations abusives sont souvent résolus instantanément par un recadrage. Il s’agit là des problèmes créés par nos propres opinions. Je pense que mon collègue André est un escroc, je me méfie donc de lui à tout moment, et cela finir par engendrer une relation tendue entre nous. Dans ce cas, le recadrage s’opère par une descente vers le concret. Je me pose des questions du style : quels sont les faits concrets qui me font penser qu’il est un escroc ? J’écris sur une feuille papier les événements que j’ai vus moi-même qui justifie mon jugement, je passe en revue les contextes dans lesquels il est et ceux dans lesquels il n’est pas escroc. S’il le faut je me demande ce que j’aurais fait à sa place, ou ce qu’aurait fait mon ami Patrice pourtant si honnête. Et je ne tarde pas à voir disparaître mon jugement préétabli, qui devient tout au plus quelque chose comme : « Il est escroc comme tout le monde. » Dans la mesure où recadrer consiste à changer la définition de certains mots, il s’agit souvent aussi de parcourir un chemin sur l’axe du général au particulier. On a vu pour le classement des partis politiques que passer de la classification classique en trois blocs, à celle opposant la gauche à la droite seulement supposait une généralisation du type : Droite + Front National = Droite. On peut ainsi recadrer, soit en généralisant, soit au contraire, en découpant un concept en sous-ensembles.

- 103 -

c) Problèmes de fausses explications et solutions

De même le recadrage est une solution rapide quand le problème est engendré par un besoin inutile de comprendre en termes de Pourquoi. On retrouve ici les problèmes qui n’existent que parce qu’on se les pose. Nous croyons souvent être à la recherche d’une solution, alors que nous sommes seulement à la recherche d’une explication. Et cette recherche constitue notre véritable problème. Le recadrage consiste à montrer en soi recherche d’une explication nous éloigne de la résolution de son vrai problème.

d) Problèmes d’utopie et solutions

Un problème que nous nous posons et qui nous rend très malheureux peut être totalement « imaginaire », c’est-à-dire qu’il peut être issu d’une mauvaise façon de voir la réalité. Il faut savoir reconnaître les faux problèmes, et apprendre à ne pas les résoudre, puisque chaque tentative de solution d’un faux problème, en lui donnant une importance et une légitimité accrue, ne peut que le conforter. Qui d’entre nous n’a jamais souhaité vivre avec la femme ou le mari ou le patron ou le fils « idéal ». Idéal signifiant « tel que ma définition le détermine ». A partir du moment où ce souhait devient un objectif réel, je m’aperçois d’une différence, d’un écart, entre ce que je vis et ce que je « devrais » vivre. Cet écart est créé par ma définition même de la vie idéale, il n’est pas dans la nature, n’est pas dans le comportement de l’autre, il est l’un de mes fantômes, dans ma tête. Et cet écart devient « problème » avec toutes les caractéristiques des problèmes : permanent, répétitif, et possédant tous les aspects d’une boucle sans fin. Et si je commets l’erreur classique de demander à l’autre de

- 104 -

correspondre à mon propre modèle de ce qu’il devrait être, le problème devient relationnel. C’est ainsi qu’on voit telle personne désirer que son patron soit soumis et « doux comme un agneau », ou telle autre qui désire que son fils se comporte exactement comme l’idée qu’il se fait d’un adolescent responsable et énergique... Dans ce type de problème, extrêmement fréquent, la solution passe par la suppression de la position « idéale » comme référent permettant de juger ce que nous visons. C’est un recadrage. Un certain nombre de problèmes sont de cette nature : ceux qui sont dus au perfectionnisme. Le perfectionniste poursuit un idéal qui lui fait apparaître tout ce qui se passe comme imparfait. Ainsi, l’hypocondriaque est une personne qui compare en permanence son état physique et psychique (?), à l’idée qu’il se fait de la santé « parfaite ». Et, c’est ce qui le rend « malade ». Dans notre société, hélas, l’importance de l’idéalisation semble aller sans cesse croissant. Nous observons de plus en plus à la loupe toute une série de paramètres physiques, sociaux et autres. Il suffit de faire baisser le taux « normal » de cholestérol pour qu’une proportion notable de la population entre brutalement dans la catégorie des gens « malades ». Ainsi beaucoup de faits de société nous sont présentés comme des aggravations (recrudescence de la criminalité, de séropositifs...), alors qu’il s’agit surtout d’une recrudescence de cas examinés. N’oublions pas que faire référence à des concepts idéaux, est l’apanage, dans notre classification des traits de personnalité, de personnes dites « morales » ou « rigides » et que le but de la Méthode AR est, au contraire, de devenir stratégique. Un recadrage sera efficace dans tous ces cas de figures. Mais le recadrage n’est pas la seule méthode de résolution de problèmes. Parfois, il arrive que les gens posent correctement leurs problèmes, et qu’ils n’ont besoin d’aucun recadrage.

- 105 -

Il faut à ce moment-là leur conseiller de changer leur façon d’agir et non plus seulement leur façon de penser. C’est la notion de stratégies de changement.

e) La métacommunication

C’est un concept mis en relief par Palo Alto. Métacommuniquer signifie communiquer sur la communication. Je me mets en colère après mon interlocuteur (je communique) et je lui explique ce qui m’a mis en colère (je métacommunique). La métacommunication est nécessaire dans une relation ; c’est elle qui permet d’arrondir certains angles, et de résoudre une foule de problèmes. Les thérapeutes systémiques ont remarqué que les couples ou les familles dites « pathologiques » sont celles qui ont le plus de mal à métacommuniquer. JMG qui estime ne pas être suffisamment respecté par son patron peut utiliser la ressource de la métacommunication. Il peut aller voir son patron pour lui parler de ce qui s’est passé la dernière fois dans son bureau et lui faire part de la façon dont lui, JMG, a ressenti cette rencontre. Beaucoup de troubles relationnels peuvent être résolus ainsi et amener le partenaire à dire : « Je n’avais pas vu comme cela la situation, et je ne savais pas que vous la ressentiez ainsi. » On voit que la métacommunication est un moyen d’amener les partenaires à recadrer leur vision des problèmes.

- 106 -

3. Les injonctions Au sens technique du terme, les injonctions sont les ordres que les thérapeutes systémiques donnent à leurs patients pour les aider à résoudre les problèmes dont ils se plaignent. Au sens de la Méthode Relatio, les pratiquants peuvent se donner à eux-mêmes des injonctions : ce sont des ordres d’action, des saynètes à jouer, des exercices à faire, souvent assortis d’une clause de répétition (une fois par jour) et de temps (pendant dix minutes).

a) Injonctions logiques

Nous avons déjà évoqué notre tendance « naturelle » à résoudre les problèmes en s’opposant directement à celui-ci ; c’est ce que nous appelons la façon « logique » d’agir. Par exemple, mon fils me « tient tête », je sévis (donc, je lui tiens tête en retour), mon amie est autoritaire, je refuse de lui obéir... Il m’engueule, je l’engueule... Je réagis de façon symétrique, « en miroir » à la façon dont je vois l’autre agir envers moi. Je lui rends la monnaie de sa pièce, et cela nous semble « naturel ». Mais, par ces chemins « naturels », nous ne rencontrons pas de solution. Car il s’agit là d’une illustration du slogan : « Toujours plus de la même chose » ou encore « Plus ça change, plus c’est la même chose ». Watzlawick nous avertit : « Il suffit d’insister » est une des meilleures façons de nous rendre malheureux. L’automobiliste nous invective, on ne va pas se laisser faire, nous l’invectivons en espérant naïvement que cela mettra un terme à la dispute. « Je lui ai bien rabattu son caquet ! ». « Il finira bien par comprendre. » L’ennui c’est que l’autre, au même moment, utilise la même technique à notre égard. Ces tentatives de solution « logiques » sont dangereuses. Par exemple, je me sens dominé par l’autre, donc je vais tenter de le dominer à mon tour, en jouant le même jeu que lui. Je

- 107 -

vais me dire : il faut que tu deviennes dominant, puisque tu es dominé. Elles sont dangereuses car elles solidifient le problème qu’elles tentent de résoudre, en en faisant un jeu sans fin entre les deux partenaires. Elles resserrent le noeud entre les partenaires. C’est le même type d’erreur qui nous amène à penser qu’il suffit de prendre le contre-pied d’une mauvaise solution pour y trouver la bonne solution. Le contraire d’une erreur peut encore constituer une erreur, ou quand une erreur peut en cacher une autre. Par exemple, j’essaie de remonter le moral à un déprimé en lui demandant de se secouer, ce qui m’amène rapidement à l’échec, car si le déprimé pouvait se secouer, il ne serait pas déprimé ; alors, comme ce type de personnage m’agace prodigieusement, je finis par l’engueuler et lui déclare que je laisse tomber. Cette deuxième solution, ou plutôt tentative de solution ne résout rien non plus. Dans un grand nombre de problèmes relationnels, j’essaie tantôt la carotte (la gentillesse), tantôt le bâton (la dureté), j’oscille entre deux types de tentatives opposées, et me montre incapable d’en inventer une troisième sorte. Encore une fois nous rencontrons ici nos limitations sur le plan de la variété. Variété 1 : je fais toujours la même action dans telle ou telle circonstance. Variété 2 : l’alternative, ou bien... ou bien. Et pourtant, une multitude d’autres comportements restent possibles.

- 108 -

b) Injonctions paradoxales

Ce sont nos esprits dualistes, qu’on nomme parfois avec beaucoup de vanité « cartésiens », qui nous amènent à penser que, pour résoudre un problème, il suffit d’aller dans le sens du changement souhaité. Je désire être plus dominant avec autrui, alors, je m’entraîne à le dominer, comme pour mieux dormir, je m’entraîne à dormir. L’idée qu’un changement peut être l’aboutissement d’une démarche logique et rationnelle est une utopie. Toutefois, il peut arriver que cela marche, car l’autre est imprévisible. La plupart du temps cela ne marche pas, car c’est justement parce que je me sens dominé que je suis devenu incapable de jouer un rôle de dominant. Presque tous les critères de l’adjectivogramme ont la tendance agaçante d’augmenter d’importance au fur et à mesure qu’on veut les diminuer. C’est particulièrement vrai du critère calme ; essayez d’être calme sur ordonnance ! Notre premier conseil est de ne jamais tenter de diminuer l’importance d’un critère, de ne jamais combattre un comportement sans chercher en même temps à augmenter son contraire. Comment ? En jouant des rôles avec des personnes neutres et dans des situations qui ne nous posent aucun problème particulier. L’idée que les changements peuvent être l’oeuvre d’une réflexion rationnelle, logique, implique une autre idée : celle que les seuls vrais changements sont précédés d’une prise de conscience. A cette démarche, que nous utiliserons parfois, nous préférons une démarche plus paradoxale, basée sur une technique qu’on appellera : la résolution des problèmes sans les traiter. Expliquons. Je me sens dominé par B, et je voudrais le dominer. Par ailleurs, mon adjectivogramme me montre habituellement Entreprenant et Centré sur les autres. Je suis donc parfaitement capable d’aller vers les autres et de les faire parler. Je vais donc faire des exercices au cours desquels j’interrogerai B, et observerai comment il parle,

- 109 -

comment il se comporte? Je vais dresser la « carte mentale » de B... et, au fil des exercices, je vais me sentir « au dessus de lui », car je sais maintenant beaucoup sur lui, plus qu’il n’en sait sur moi. Dans ce type de démarche, je n’ai pas cherché consciemment à le dominer, je n’ai pas cherché à résoudre un quelconque problème, j’ai seulement exploité mes savoir-faire préalables dans ma relation avec B. Il peut même se faire que la consigne des animateurs de la Méthode AR ait été de rester dominé par B, et de tout faire pour me sentir encore plus dominé, consigne à laquelle il me devient de plus en plus difficile d’obéir au fur et à mesure que mes exercices avancent. On reconnaît une démarche diamétralement opposée à la méthode freudienne dans la mesure où elle ne cherche même pas à traiter le problème. Je pense que B me domine, alors laissons-le encore plus me dominer ; et si je réussis à l’amener à me dominer encore plus, c’est que je le domine, au moins sur ce point. Dans cette partie de notre méthode, le stagiaire cédiste fait des exercices, sans rapport logique avec son problème. Il déclenche de lui-même des événements, et joue des rôles préalablement décidés avec son animateur.

- 110 -

V. CONCLUSION : ET SI ON CHANGEAIT LES AUTRES ? Nous avons vu dans l’exposé précédent, que les « problèmes » étaient souvent définis en termes de : « c’est de la faute des autres ». Dans ce cas, l’élève en Méthode AR nous présente son désir de changer autrui. Et parfois, la définition du problème s’inscrit dans le cadre d’un langage du type : « c’est de ma faute ». Dans ce cas, la personne nous dit : il faut que je change si je veux voir ce problème disparaître. Il est intéressant de noter que, la plupart du temps, le même problème peut être écrit des deux façons à la fois. Quelqu’un qui dit : « Ma femme m’agace, elle n’arrête pas de me critiquer », exprime en fait deux besoins de changement : que sa femme arrête de le critiquer et/ou qu’il cesse d’en être agacé. A partir de là, on peut se poser deux types de questions différentes. D’une part, peut-on déterminer les parts de responsabilités réciproques dans la genèse et le maintien d’un problème relationnel ? D’autre part, quel type de problème est le plus facile de résoudre ? Répondons tout de suite à la deuxième interrogation : la plupart du temps, il est illusoire de vouloir changer l’autre, d’abord parce qu’une des personnes la moins habilitée à entreprendre cet exploit est celle-là même qui nous avoue avoir un problème de communication avec nous, ensuite parce qu’on ne connaît pas comment l’autre fonctionne, et que nous ne pouvons pas nous fier seulement à la vision du partenaire. Autrui est et reste presque toujours un inconnu ; ses réactions à nos stratagèmes sont en grande partie imprévisibles. Enfin, dernière raison de ne pas chercher à changer les autres : cela demande d’abord une grande expérience dans l’art et les techniques de changement de soi-même. Notre vision de la communication est celle d’une chaîne sans fin de maillons de communication, dans laquelle A influence B qui influence A... Ainsi, dire : B est autoritaire, est une affirmation rationnelle, explicative du problème ; malheureusement elle est non seulement fausse mais encore

- 111 -

improductive de tout changement positif. Il faut dire : « je trouve B autoritaire », ce qui signifie aussi : « je me sens dominé par B ». Ainsi, dans tout problème posé en termes de changements mutuels, on observe que les changements souhaités chez l’un sont souvent l’inverse des changements souhaités chez l’autre, et cela sur un grand nombre de critères. Par exemple, désirer que B soit plus soumis, revient à désirer être plus dominant vis-à-vis de lui. Maintenant, ne soyons pas pessimistes : il existe bien des méthodes pour amener les autres à changer, dans le sens de nos souhaits. Mais nous ne croyons pas cela possible tant que nous ne sommes pas capables de nous changer nous-mêmes à volonté, et de montrer, d’une part une grande variété stratégique de comportements, et d’autre part un détachement réel vis-à-vis de nos croyances handicapantes. Changer les autres est la deuxième étape de la Méthode AR e ce sera le thème d’un deuxième livre qui préxentera la méthode du jeu POLEMIOS®.

Pierre RAYNAUD Juillet 2012

Deuxième version du texte de 2004 [email protected] http://pierreraynaud.com/

- 112 -

TABLE DES MATIERES

I. Préface .............................................5 II. Introduction : le problème des problèmes ....9

A. Un problème, c’est quoi ? ................... 13 B. Les principaux problèmes que l’on veut résoudre ............................................. 14

1. Se sentir plus fort ......................... 14 2. Résoudre des conflits .................... 15 3. Gagner des conflits ....................... 15 4. Les huit formules du changement ...... 16

C. Quelques mots de la Méthode AR .......... 17

III. les 7 raisons de ne pas changer ............... 19 A. Vivre ses problèmes de façon abstraite ... 20 B. Donner des explications rationnelles à ses problèmes ........................................... 25

1. Cela vient de mon passé ................. 25 2. Le principe de non explication ......... 27

B. Chercher une solution utopique ............ 28 C. Ne pas oser et ses variantes ................ 30 D. Cultiver des croyances handicapantes .... 31 E. Vouloir changer les autres d’abord ........ 33 F. Développer une personnalité faible ....... 36

1. Réactif...................................... 37 2. Dominé ..................................... 38 3. Exalté ....................................... 39 4. Placide ..................................... 40 5. Centré sur soi ............................. 40 6. Guerrier .................................... 41

- 113 -

7. Rigide ....................................... 42

IV. comment changer et résoudre ses problemes avec autrui ............................................. 45

A. Le schéma des chemins du changement .. 45 B. Le sac à dos du changement ................ 48

1. Ma vision est la réalité ................... 48 2. Les critères qui favorisent le changement ...................................... 52

a) Centré sur les autres .................. 52 b) Entreprenant ............................ 52 c) Dominant ................................ 53 d) Calme .................................... 54 e) Energique ................................ 55 f) Stratégique .............................. 56

3. Les critères neutres ...................... 57 a) Egalitaire ................................ 57 b) Pacifique ................................ 58 c) Rationnel et Intuitif .................... 59

C. Les 7 savoir-faire de la Méthode AR ....... 62 1. L’écoute, l’observation et la mémorisation .................................... 63 2. Modéliser les interactions ............... 66

a) L’importance de l’interaction ........ 66 b) Les six principales stratégies ......... 68 c) Les stratégies complexes.............. 69

3. Comment poser un problème relationnel en termes concrets ? ............................ 71 4. Construire des stratégies de changement 72

a) Faux problèmes ......................... 72 b) Problèmes utopiques .................. 73

- 114 -

c) Problèmes mal posés .................. 75 d) Problèmes explicatifs erronés ........ 75 e) Quand la solution est le problème : les solutions « logiques » ........................ 77 f) La ponctuation .......................... 80 g) Toujours plus de la même chose ..... 83

5. La variété des comportements ......... 85 6. La dissociation, le détachement : le principe de non sincérité ...................... 88 7. Faire changer d’avis nos partenaires .. 90

a) Il est impossible de ne pas polémiquer 90 b) La tactique du bélier .................. 91

D. 3 outils pour changer plus facilement ..... 95 1. Les stratégies .............................. 96 2. Le recadrage .............................. 97

a) Définitions ............................... 97 b) Problèmes de généralisation et solutions ...................................... 102 c) Problèmes de fausses explications et solutions ...................................... 103 d) Problèmes d’utopie et solutions .... 103 e) La métacommunication .............. 105

3. Les injonctions ........................... 106 a) Injonctions logiques ................... 106 b) Injonctions paradoxales .............. 108

V. conclusion : et si on changeait les autres ? 110

- 115 -

Pour en savoir plus sur nos méthodes…

Quelques sites web

Le blog : http://pierreraynaud.com/ Le site du jeu POLEMIOS : http://polemios.com/ Le site de l’adjectivogramme : http://adjectivogramme.com/ Pour acheter le jeu Polemios : http://pierreraynaud.com/polemios Pour acheter l’e-book : http://pierreraynaud.com/changer-sa-vie

- 116 -

NOTES PERSONNELLES

- 117 -

- 118 -

- 119 -

Copyright Pierre RAYNAUD Deuxième édition : 2012