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Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 Les termes d’autonomie et de dépendance ne sont pas opposés car l’autonomie se réfère au libre arbitre de la personne alors que la dépendance est définie par le besoin d’aide. Mais ces deux notions se complètent et sont à prendre en compte pour répondre au mieux au besoin de la personne âgée. Les causes de dépendance sont variées avec l’intrication de facteurs médicaux, psychiques et sociaux. Les conséquences de la dépendance intéres- sent la personne âgée, son entourage ou les acteurs médico-sociaux. L’évaluation de la dépendance exige une méthode et des outils fiables. Elle repose en France sur la détermination des soins requis pour une personne mais aussi pour un groupe de personnes âgées. Elle conduit à la mise en oeuvre d’un projet gérontologique ou d’un plan d’aides sanitaires et / ou sociales pour un individu donné ou une collecti- vité. Il nécessite une étroite collaboration entre tous les acteurs paramédicaux et sociaux et le médecin traitant. Celui-ci a un rôle essentiellement d’évaluation et de conseil auprès de la personne âgée et de sa famille. 1. Définitions 1.1 L'autonomie L'autonomie est définie par la capacité à se gouverner soi-même. Elle présuppose la capacité de jugement, c'est-à-dire la capacité de prévoir et de choisir, et la liberté de pouvoir agir, accepter ou refu- ser en fonction de son jugement. Cette liberté doit s'exercer dans le respect des lois et des usages communs. L'autonomie d'une personne relève ainsi à la fois de la capacité et de la liberté. Lorsque les capacités intellectuelles d'une personne âgée sont altérées, les soins qui lui sont prodigués doivent lui être expli- qués. La volonté de la personne ou ses choix doivent primer sur ceux de ses proches. Certaines situations sont com- plexes : les désirs ou projets d'une per- sonne âgée ne sont pas toujours en adé- quation avec les possibilités d’y répondre. Dans tous les cas, le respect de l'autono- mie impose une négociation centrée sur les souhaits de la personne âgée. L'autonomie est parfois définie comme l'absence de dépendance. Cette vision nous semble réductrice et déracinée de ses sources philosophiques et morales qui en font une valeur fondatrice de la démarche gérontologique. 1.2 La dépendance La dépendance est l'impossibilité partielle ou totale pour une personne d'effectuer sans aide les activités de la vie, qu'elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s'adapter à son environnement. 1.3 L'analyse fonctionnelle des maladies Afin de distinguer les différents niveaux de retentissement de la maladie, l'Organi- 91 Chapitre 8 - Autonomie et dépendance Plan du chapitre 1. Définitions L'autonomie La dépendance L'analyse fonctionnelle des maladies 2. Les causes de la dépendance La dépendance : une conséquence des maladies L’hospitalisation, facteur de dépendance 3. Conséquences de la dépendance Conséquences de la dépendance sur la personne âgée Conséquences de la dépendance sur l'entourage 4. Evaluation de la dépendance d'une personne âgée Définition de l'évaluation Les buts de l’évaluation Un instrument d'évaluation doit être validé Deux exemples de situations cliniques évaluées par les grilles citées en annexe 5. Etablir un plan d'aide à la dépendance

Chapitre 8 - Autonomie et dépendance

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance

Les termes d’autonomie et de dépendancene sont pas opposés car l’autonomie seréfère au libre arbitre de la personne alorsque la dépendance est définie par lebesoin d’aide. Mais ces deux notions secomplètent et sont à prendre en comptepour répondre au mieux au besoin de lapersonne âgée. Les causes de dépendancesont variées avec l’intrication de facteursmédicaux, psychiques et sociaux. Lesconséquences de la dépendance intéres-sent la personne âgée, son entourage oules acteurs médico-sociaux. L’évaluationde la dépendance exige une méthode etdes outils fiables. Elle repose en Francesur la détermination des soins requis pourune personne mais aussi pour un groupede personnes âgées. Elle conduit à la miseen oeuvre d’un projet gérontologique oud’un plan d’aides sanitaires et / ou socialespour un individu donné ou une collecti-vité. Il nécessite une étroite collaborationentre tous les acteurs paramédicaux etsociaux et le médecin traitant. Celui-ci aun rôle essentiellement d’évaluation et deconseil auprès de la personne âgée et desa famille.

Plan du chapitre1. Définitions

L'autonomieLa dépendanceL'analyse fonctionnelle des maladies

2. Les causes de la dépendanceLa dépendance : une conséquence des maladiesL’hospitalisation, facteur de dépendance

3. Conséquences de la dépendanceConséquences de la dépendance sur la personne âgéeConséquences de la dépendance sur l'entourage

4. Evaluation de la dépendance d'une personneâgéeDéfinition de l'évaluationLes buts de l’évaluationUn instrument d'évaluation doit être validéDeux exemples de situations cliniques évaluées par les grilles citées en annexe

5. Etablir un plan d'aide à la dépendance

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1. Définitions

1.1 L'autonomie

L'autonomie est définie par la capacité àse gouverner soi-même. Elle présupposela capacité de jugement, c'est-à-dire lacapacité de prévoir et de choisir, et laliberté de pouvoir agir, accepter ou refu-ser en fonction de son jugement. Cetteliberté doit s'exercer dans le respect deslois et des usages communs. L'autonomied'une personne relève ainsi à la fois de lacapacité et de la liberté.

Lorsque les capacités intellectuelles d'unepersonne âgée sont altérées, les soins quilui sont prodigués doivent lui être expli-qués. La volonté de la personne ou seschoix doivent primer sur ceux de sesproches. Certaines situations sont com-plexes : les désirs ou projets d'une per-sonne âgée ne sont pas toujours en adé-quation avec les possibilités d’y répondre.Dans tous les cas, le respect de l'autono-mie impose une négociation centrée surles souhaits de la personne âgée.

L'autonomie est parfois définie commel'absence de dépendance. Cette visionnous semble réductrice et déracinée deses sources philosophiques et morales quien font une valeur fondatrice de ladémarche gérontologique.

1.2 La dépendance

La dépendance est l'impossibilité partielleou totale pour une personne d'effectuersans aide les activités de la vie, qu'ellessoient physiques, psychiques ou sociales,et de s'adapter à son environnement.

1.3 L'analyse fonctionnelle des maladies

Afin de distinguer les différents niveauxde retentissement de la maladie, l'Organi-

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sation Mondiale de la Santé a repris l'ana-lyse fonctionnelle des maladies de Wood.Cette analyse distingue la déficience, l'in-capacité et le handicap.

n La déficience correspond à une anoma-lie d'un organe, d'un appareil ou d'unsystème. Cette anomalie peut être sansconséquence pathologique, mais le plussouvent, elle est symptomatique etéquivaut à la maladie.

n L'incapacité représente une des consé-quences de la déficience et en est l'ex-pression en terme de fonction ou deperformance.

n Le handicap est le désavantage résul-tant de l'incapacité. Il traduit l'écartentre l'incapacité physique et intellec-tuelle de la personne et les normeshabituelles de qualité de vie. Le handi-cap est proportionnel aux ressourcesmatérielles et sociales disponibles pourpallier à l'incapacité.

Par exemple, une diminution de force depréhension d'une main est une déficience.Elle peut engendrer une incapacité tellel'impossibilité de couper les aliments aucours du repas. Si le patient peut s'aider deson autre main et/ou d'ustensiles adaptés(aides techniques), cette incapacité n'a pasde retentissement sur son environnement.Si au contraire cette incapacité impose laprésence d'une personne à chaque repas,elle est source de handicap.

2. Les causes de la dépendance

2.1 La dépendance : une conséquence des maladies

Toutes les maladies peuvent être descauses de survenue ou d’aggravation de ladépendance. Les affections dégénérativesdu système nerveux central telles que lesdémences, les maladies destructrices desarticulations (coxarthrose, gonarthro s e ) ,les accidents vasculaires cérébraux ensont de bons exemples.

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Chez le même sujet âgé, plusieurs causesde dépendance sont souvent mises en évi-dence, qu’elles soient aiguës ou chro-niques. C’est l’intrication de ces causes quifait la gravité de la situation.

Par exemple, une fracture du col du fémursurvenant chez une personne qui souffraitauparavant d’une arthrose diffuse, d’unediminution de l'acuité visuelle et detroubles de la marche et de l'équilibre enrelation avec un syndrome extra-pyrami-dal, en est un exemple. Dans un telcontexte, la reprise de la marche aprèsmise en place d'une prothèse prend encompte les difficultés pré-existantes. Il nefaut pas négliger, à côté de cette intrica-tion de pathologies, la participation de fac-teurs d'ordre psychique ou social.

2.2 L’hospitalisation, facteur de dépendance

Quand le malade âgé n’a pas bénéficiéd’une évaluation médico-sociale préalable,une hospitalisation en urgence survient àl'occasion d'une pathologie intercurrente.La personne âgée est habituellement priseen charge par un service dont la missionest de proposer des soins purement tech-niques pour une "pathologie d'organe".Cette situation est souvent délétère pourles personnes âgées : l’hospitalisationdevient alors une cause de dépendance quis'ajoute aux précédentes.

L’hospitalisation peut aussi se prolongerpour des problèmes sociaux négligés, ouréglés hâtivement sans évaluation globale.Dans certains cas, une entrée en institu-tion non préparée, voire non voulue, estperçue par la personne âgée comme unacte de sanction et d'abandon. C’est unenouvelle cause de dépendance, du fait desproblèmes psychiques qui en découlentinéluctablement.

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance 93

La dépendance résulte de l’intricationde plusieurs facteurs

maladiesphysiques

maladiespsychiques

environnement

3. Conséquences de la dépendance

3.1 Conséquences de la dépendance sur la personne âgée

n Vie quotidienne : La dépendanceretentit en premier lieu sur la vie quoti-dienne de la personne âgée. Lorsque lemaintien à domicile est possible, ladépendance impose la présence de per-sonnes au domicile. Lorsque les enfantsinterviennent, le rapprochement entrevieux parents et enfants est bienaccueilli par les personnes âgées.Lorsque l'aide provient de personnesétrangères à la famille, telles que desaides ménagères, il faut vaincre sou-vent la réticence de la personne quiconsidère comme une gène, voire undanger, cette intervention extérieure.

n Abandon du domicile : Ailleurs, ladépendance provoque l'abandon dudomicile au profit de structures institu-tionnelles. Le changement de lieu de viedoit être préparé avec la personne âgéeen structurant progressivement un pro-jet de vie intégrant à la fois l'accepta-tion de la perte du domicile et la prépa-ration au nouveau logement. En regardde ce travail nécessaire avant d'effec-tuer un changement d'hébergement, on

Corpus de Gériatri

conçoit l'aspect brutal des placementsréalisés rapidement, dès la sortie d'unehospitalisation pour une affectionaiguë, et ainsi la nécessité d'un travailmédico-social préventif.

n Vie affective : La dépendanceinfluence à l'évidence la vie affectived'une personne. La personne devenuedépendante de son entourage réactivedes modes de relation anciens voireinfantiles. Les adaptations psychiques àla dépendance puisent dans desre g i s t res archaïques, plus ou moinsexpressifs selon les traits de personna-lité de l'individu. Ainsi, en fonction despersonnalités, le besoin d'aide est vécucomme pénible ou au contraire l'occa-sion de "bénéfices secondaires".

n Gestes de la vie quotidienne :Lorsque la dépendance est forte, inté-ressant des gestes de la vie quotidienneparfois intimes, la relation avec lesaidants peut osciller entre la révolte etla servilité.

n Risques de maltraitance : Cesmodes de réaction doivent être appré-ciés de préférence en équipe, afin d'évi-ter tout comportement de projection oude rejet que peuvent ressentir certainssoignants. La clairvoyance sur cesmécanismes est une des démarc h e spréventives de maltraitance.

3.2 Conséquences de la dépendance sur l'entourage

n Modification du regard de l’entou-r a g e : La dépendance modifie leregard de l'entourage envers une per-sonne âgée. Les enfants peuvent occu-per une place de type parental vis-à-visde leurs propres parents. Cette inver-sion des rapports peut réactiver desproblématiques œdipiennes très sou-vent sources de culpabilité. Le médecinet plus largement les équipes soi-gnantes veillent - selon le contexte - àconforter les enfants dans leur rôleessentiel d'aide au maintien du domi-cile et de soutien affectif de la personneâgée.

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance94

n Surinvestissement ou désinvestis-s e m e n t : Le surinvestissement desenfants est issu d'une culpabilité nonfondée, d'un souci de bien faire. Il peutrésulter également d'une réponse à unedemande excessive de leurs parents.Cet excès doit être repéré. Entre ledésinvestissement et la soumission, laplace des enfants est d'autant plus diffi-cile à trouver que la relation parents-enfants est justement le lieu de forma-tion et de structuration de leurpersonnalité. Les soignants peuventaider les enfants à condition de conser-ver une réserve de principe, sans cher-cher à modifier la structure de la rela-tion que des enfants peuvent entreteniravec leurs propres parents, quel quesoit leur âge.

4. Evaluation de la dépendanced'une personne âgée

4.1 Définition de l'évaluation

L'évaluation donne les moyens d'analyseet de mesure d'une situation complexe. Leregroupement d'informations caractéris-tiques, la transformation d'éléments quali-tatifs en valeurs quantitatives, associée àdes facteurs de pondération, produisentun résultat concis qui cherche à rendrecompte de l'ensemble de la réalité décrite.La simplicité du résultat autorise la com-munication avec une perte minimum d'in-formation.

4.2 Les buts de l’évaluation

Les outils d'évaluation utilisés dépendentdes objectifs de l'évaluation.

n Evaluer la personne

Lorsqu'une évaluation de la dépen-dance concerne une personne donnée,elle vise les déficiences et les incapaci-tés. Par exemple, l'évaluation de lamarche cherche à repérer les troublesde l'équilibre et de la coordination (getup and go test, test de Tinetti).

Corpus de Gériatr

D'une manière générale l'évaluationpermet à une équipe de soins :• de repérer les déficiences et incapa-

cités qui retentissent sur l'environ-nement,

• d'établir un plan de soins pour limi-ter le handicap,

• de communiquer avec d'autre sacteurs de santé,

- et de suivre une même personne enévaluant son incapacité au cours dutemps.

L’expérience américaine de l’évaluationde la personne conduit actuellement àl’extension du concept au “comprehen-sive geriatric assessment” ou “évalua-tion globale de la personne âgée”, outout simplement “assessement”,comme le suggère la Société Françaisede Gérontologie. Ce concept d’assesse-ment déborde le cadre d’une simpleévaluation pour introduire une notionde répétition et de suivi, qui selon lestravaux de Rubenstein, s’est révéléethérapeutique avec une diminution dela morbidité et de la mortalité chez lessujets qui en bénéficient.

n Evaluer la charge en soins

L'organisation des soins nécessite uneadaptation à la dépendance de la per-sonne soignée. L'évaluation infirmièremesure par exemple le temps passé parles soignants pour une personne, ouplus largement pour un groupe de per-sonnes au sein d'une unité fonction-nelle, d'un service ou d'un établisse-ment. Les gestes consommateurs detemps comme les aides à la toilette ou àl'alimentation sont alors privilégiés.

n Evaluer le coût de la dépendance

La dépendance engendre un coût directen aide technique, le plus souvent aisé àévaluer. L’évaluation des coûts indirectsest plus complexe à apprécier : retentis-sement de la dépendance sur lesfamilles, évaluation des aides humainesimpliquant des aidants naturels ou desacteurs sociaux. La difficulté augmente

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si l’on tient compte de la multiplicitédes financeurs. Les coûts de santé sontpris en charge au titre de l’AssuranceMaladie, du ressort de l’Etat. Les coûtssociaux sont à la charge de l’intéresséou de sa famille (obligation légale), et àdéfaut des collectivités locales (ConseilGénéral, communes), par l’intermé-diaire de l’aide sociale.

n Evaluer la dépendance dans une population à domicile

Cette démarche vise à la répartition desmoyens financiers et humains pour uneorganisation sanitaire efficiente. L'ana-lyse des causes de dépendance sur unepopulation utilise des outils d'évalua-tion centrés sur des pathologies pour-voyeuses d'un nombre important desujets dépendants. Les outils doiventdépister rapidement et à grande échelledes signes associés ou prédictifs de cespathologies. Pour l'appréciation desmoyens sociaux mis à la disposition despersonnes âgées, l'évaluation de la pro-portion de personnes âgées en institu-tion (structures repérables et coû-teuses) représente une autre cible desenquêtes à l'échelle de la population.

4.3 Un instrument d'évaluation doit être validé

Les deux principales qualités recherchéespour un outil d'évaluation sont la validitéet la reproductibilité. Un instrument estvalide lorsqu'il mesure réellement ce qu'ilest prétendu mesurer. Une grille validée nedoit pas être modifiée, ni panachée avecune autre. Il est indispensable qu’une grillesoit utilisée en respectant les règles derecueil des différentes variables et lesconsignes d’interprétation des résultats.Une grille d’évaluation de la dépendancene peut servir qu'à évaluer la dépendance(pour laquelle elle a été conçue) et nonautre chose.

Parmi les outils validés, nous présentonsen annexes (Annexes 1 à 6) les plus utilisésen France.

Corpus de Gériat

4.4 Choix des instruments d’évaluation de la dépendance

Lors d’une évaluation de la dépendance,les instruments d’évaluation validés serontchoisis en fonction de la qualité de leurvalidation et du but de l’évaluation. Ladétermination des capacités d’un individupour les gestes courants intéressant lecorps utilisera l’échelle des activités de vie quotidienne (Activities of Daily

Les principes de validationd’un instrument d’évaluation

de la dépendance

On distingue la validité de critère et la validité deconstruit selon qu'il existe ou non un instrumentde référence (gold standard).S'il existe un instrument de référence, la validité decritère est vérifiée en comparant l'instrument testéà celui de référence. Cette validité dépend de lasensibilité, de la spécificité, et de la valeur prédic-tive positive de l'instrument testé. La sensibilitéd'un outil d'évaluation de la dépendance est la pro-portion de sujets classés dépendants par l'outilparmi tous les sujets réellement dépendants. Laspécificité est la proportion de sujets classés indé-pendants par l'outil parmi ceux réellement indé-pendants. La valeur prédictive positive est la pro-portion de sujets dépendants classés comme telspar l'outil.S'il n'existe pas d'outil de référence - c’est le cas dela dépendance - on étudie alors la validité deconstruit. Pour vérifier ce type de validation, onattend de l'instrument testé qu'il fournisse unrésultat identique dans la même situation. Ainsi,dans le cadre de l'évaluation de la dépendance, onpeut attendre de l'instrument testé qu'il distingueles populations selon la médicalisation de leurstructure d'hébergement : unité de soins de longuedurée, section de cure médicale, foyer-logement.On peut également attendre de l'outil testé qu'ilsoit corrélé avec une mesure de charge de soinsinfirmiers. Plusieurs études sont habituellementnécessaires pour prouver la validité de construitd'un outil.Un outil est reproductible lorsqu'il donne desrésultats comparables dans des situations compa-rables. On distingue les fidélités inter-juges etintra-juges. Pour la fidélité inter-juge, on recherchela concordance des résultats obtenus par deux ouplusieurs examinateurs qui évaluent le sujet avec lemême outil. Pour la fidélité intra-juge, ou fidélitétest-retest, on recherche la stabilité de la mesureen comparant les résultats de deux évaluations dumême sujet, effectuées en deux ou plusieurs tempspar le même examinateur.

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance96

Living ADL) (soins corporels, habillement,toilette, transfert, continence, alimenta-tion) (Annexe I). Cette grille simple etrapide à renseigner est bien validée. Elleest considérée comme une référence dansla littérature internationale. Cette grille deplus prédit fortement le pronostic enterme de morbi-mortalité. Lors de l’éva-luation de la dépendance chez des sujetsâgés vivant à leur domicile, il est néces-saire d’évaluer les activités courantes quinécessitent une utilisation des fonctionscognitives dites instrumentales (calcul, éla-boration de stratégies exécutives).L’échelle des activités instrumentales dela vie quotidienne (Instrumental ADL)(Annexe II) est la plus utilisée. Les activitésainsi évaluées sont la capacité d’utiliser letéléphone, de faire les courses, de prépa-rer un repas, de faire le ménage, de laver lelinge, d’effectuer un voyage ou des trans-ports urbains, de prendre un traitementmédicamenteux et de gérer un budget per-sonnel. Cette échelle fait référence. Ilconvient de souligner que le sujet évaluelui-même ses capacités. Une vérificationauprès des proches peut être nécessaire,voire une mise en situation (préparationdes médicaments, utilisation du téléphone,manipulation de la monnaie). La mise enoeuvre ou l’observation des activités ins-trumentales permettent de dépister destroubles des fonctions exécutives, parfoispremier signe d’une démence dégénéra-trice de type Alzheimer.

La grille AGGIR (Autonomie Gérontolo-gique Groupes Iso Ressources) (AnnexeIII) sert à évaluer l’état fonctionnel et àclasser les besoins du sujet au sein d’unréférentiel à 6 niveaux. Cette grille est uti-lisée à des fins réglementaires : mise enplace de la Prestation Spécifique Dépan-dance et tarification des institutions.

D’autres grilles ont été proposées pour desutilisations variées, telle que l’évaluationde la charge en soins d’un service ou lesuivi d’un sujet. Dans ce cadre on peutciter celle de la Société Française deGérontologie (Grille de Kuntzmann) ou lagrille Géronte.

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5. Etablir un plan d'aide à la dépendance

La survenue d'une dépendance est untournant évolutif majeur au cours duvieillissement. La nécessité d'une aidepour les gestes de la vie quotidienneimpose soit la mise en place d’aides àdomicile, soit le changement de lieu de vie.

Dans le premier cas, la famille doit prendreune part active à l'aide à la dépendance.Pour cela, il est nécessaire que les évalua-teurs prennent contact avec le réseau dessoins habituels de la personne âgée et quel'environnement familial se sente parte-naire (voir chapitre 12 ; partie soutien etmaintien à domicile). Le retentissement decette nouvelle charge de travail sur lesenfants doit être prise en compte, et l'en-tourage doit être soutenu en même tempsque la personne âgée dépendante. Il n'estpas rare que la fille ou le fils de la personneâgée ait lui-même plus de 65 ans !

Dans le second cas, l’entrée en institutionimpose fréquemment la nécessité d’unes t r u c t u re médicalisée et les contraintesfinancières limitent le choix du maladeâgé. Il ne faut pas pour autant négligercette étape, que nous avons clairementidentifiée plus haut comme un des fonde-ments du respect de l’autonomie.

Dans les deux cas, l’évaluation gériatriquedoit être globale. La dépendance est aucentre de l'évaluation : d'une part elle estun témoin de la diminution des capacitésfonctionnelles des différents appareils, et,d'autre part, elle guide les interventions deréhabilitation. L’évaluation gériatriquedoit aussi intégrer d'autres domaines d'in-tervention tels que le dépistage des dété-riorations intellectuelles, des déficiencessensorielles, des risques de malnutrition,des difficultés psychologiques (syndromedépressif) et des pertes de l'équilibre avecle risque de chute.

Plusieurs études ont clairement montré lebénéfice d'une évaluation gériatrique glo-bale. Elle obtient une réduction du nombred’entrées en institution, du nombre de ré-hospitalisations en service de soins aiguset une amélioration de la qualité de vie.

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance 97

Annexe I

Echelle des activitésde la vie quotidienne

ButEvaluer de manière objective les activi-tés de la vie quotidienne.

DescriptionL’autonomie pour une activité de viequotidienne est côté 1. Un score de 6indique une autonomie complète. Unsujet âgé dont le score est < 3 est consi-déré comme dépendant.

Remarques- Simplicité et briéveté de passation- Très utilisé dans la littérature inter-

nationale- Ne tient pas compte des déplace-

ments- 20 % des patients restent non classés

RéférenceKatz S., Dowtn T.D., Cash H.R. Pro-gress in the development of the indexof ADL. Gerontologist 1970 ; 10 : 20-30.

Echelle des activités de la viequotidienne - Indice de KATZ

(cf tableau)

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Annexe II

Echelle des activités instrumentales de la vie quotidienne

ButEvaluer le comportement et l’utilisationdes outils usuels.

DescriptionPour chaque item, la cotation ne peutêtre que 0 et 1. Le score est côté de 0 à5 pour les hommes et de 0 à 8 pour lesfemmes.

Remarques- Le temps de passation est bre f

(5 minutes environ)- Cette échelle demande un apprentis-

sage mais peut être effectuée aussibien par un médecin, une infirmière,une aide-soignante, qu’un travailleursocial. Les informations sont four-nies par le patient lui-même si lesfonctions cognitives sont préser-vées, sinon par son entourage.

- Questionnaire adapté aux personnesâgées vivant à leur domicile.

- Parfois, la personne apprécie avecdifficulté ses capacités réelles.

- Les items n° 1, 2, 6, 7 permettent dedépister les troubles des fonctionsexécutives qui peuvent apparaître demanière précoce dans les démencesdégénératives.

RéférenceLawton M., Brody E.M. Assessment ofolder people : self-maintaining and ins-trumental activities of daily living.Gerontologist 1969 ; 9 : 179-186.

Echelle des activités instrumentales de la vie quotidienne - Test de Lawton

(cf tableau)

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance98

Echelle des activités de la vie quotidienne - indice de Katz

Activités Définition d’une activité indépendante IndépendantOui Non

Soins corporels Ne reçoit pas d’aide ou ne reçoit de l’aideuniquement pour se laver unepartie du corps

Habillement Peut s’habiller sans aide à l’exception de laçer ses souliers

Toilette Se rend aux toilettes, utilise les toilettes, arrangeses vêtements et retourne sans aide (peut utiliser une canne ou un déambulateur,un bassin ou un urinal pendant la nuit)

Transfert Se met au lit et se lève du lit et de la chaisesans aide (peut utiliser une canne ou un déambulateur)

Continence Contrôle fécal et urinaire complet (sans accidents occasionnels)

Alimentation Se nourrit sans aide(sauf pour couper la viande ou pour beurrer du pain)

Echelle des activités instrumentales de la vie quotidienne - Test de Lawton

Activités Cotation Cotationfemmes hommes

1. Téléphone Utilise le téléphone de sa propre initiative, compose le numéro 1 1Compose quelques numéros connus 1 1Décroche mais ne compose pas seul 1 1N’utilise pas le téléphone 0 0

2. Faire les Achète seul la majorité des produits nécessaires 1 1courses Fait peu de courses 0 0

Nécessite un accompagnement lors des courses 0 0Incapable de faire ses courses 0 0

3. Faire la Prévoit et cuisine les repas seul 1cuisine Cuit les repas après préparation par une tierce personne 0

Fait la cuisine mais ne tient pas compte des régimes imposés 0Nécessite des repas préparés et servis 0

4. Ménage S’occupe du ménage de façon autonome 1Fait seul des tâches ménagères légères 1Fait les travaux légers mais de façon insuffisante 1Nécessite de l’aide pour les travaux ménagers 1Nécessite de l’aide pour les travaux ménagers quotidiens 0

5. Linge Lave tout son linge seul 1Lave le petit linge 1Tout le linge doit être lavé à l’extérieur 0

6. Transport Utilise les moyens de transport de manière autonome 1 1Commande et utilise seul un taxi 1 1Utilise les transports publics avec une personne accompagnante 0 0Parcours limités en voiture, en étant accompagné 0 0Ne voyage pas 0 0

7. Médicaments Prend ses médicaments correctement et de façon responsable 1 1Prend correctement les médicaments préparés 0 0Ne peut pas prendre les médicaments correctement 0 0

8. Argent Règle ses affaires financières de façon autonome 1 1Règle ses dépenses quotidiennes, aide pour les virements et dépôts 1 1N’est plus capable de se servir de l’argent 0 0

Corpus de Gériatrie - Janvier 2000

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance 99

Annexe III

Grille AGGIR (Autonomie Géronto-logique Groupes Iso ressources)

La grille AGGIR cherche à définir le profilde dépendance d’un sujet âgé donné. Ladépendance y est évaluée en terme deniveau de demande de soins requis (appelé“ G roupe Iso-Ressource (GIR)”. La grillecomporte 10 items ou “variables discrimi-nantes”. Un algorithme classe les combi-naisons de réponses aux variables discri-minantes en 6 Groupes Iso-Ressources.

Description

Définitions des variables

Les variables discriminantes se définissentde la manière suivante.

1- Cohérence

Converser et/ou se comporter de façonlogique et sensée par rapport auxnormes admises par la société danslaquelle on vit.2- Orientation

Se repérer dans le temps, les momentsde la journée, dans les lieux et leurcontenu.3- Toilette

Elle concerne l’hygiène corporelle etest renseignée en 2 parties :- Toilette du haut : visage, face anté-

r i e u re du tronc, membres supé-rieurs, coiffage

- Toilette du bas : régions intimes,membres inférieurs.

4- Habillage

Cette variable comporte l’habillage, ledéshabillage et est renseignée en 3parties :- Habillage du haut : vêtements pas-

sés par les bras ou la tête- Habillage moyen : fermeture sur le

corps (boutonnage, ceinture, bre-telles, pressions, etc…)

- Habillage du bas : vêtements passéspar le bas du corps.

Corpus de Gériatr

5- Alimentation

Cette variable comprend 2 parties :- Se servir : couper les aliments,

emplir son verre, etc…- Manger : porter les aliments à la

bouche et avaler.6- Élimination urinaire et fécale

Assurer l’hygiène et l’élimination avec2 parties correspondant aux élimina-tions urinaires et fécales.7-Transfert, se lever, se coucher,s’asseoir

Passer d’une des trois positions (cou-ché, assis, debout) à une autre, dans lesdeux sens.8- Déplacement à l’intérieur

À l’intérieur de la maison et en Institu-tion au sein du lieu de vie y compris lesparties communes.9- Déplacement à l’extérieur

À partir de la porte d’entrée sansmoyen de transport

10-Communication à distance

La communication à distance est défi-nie par ALERTER, c’est-à-dire utiliserles moyens de communication à dis-tance : téléphone, alarme, sonnette,téléalarme, dans un but d’alerter.

Les modalités des variables discrimi-nantes

A- fait seul, totalement, habituellementet correctement

B- fait partiellement ou non habituelle-ment et correctement

C - ne fait pas

Les groupes Iso-ressources (GIR)

Les groupes iso-ressources correspondentaux profils les plus fréquents d’associationde variables.

Le groupe 1 correspond aux personnes lesplus dépendantes, alors que le groupe 6re g roupe les personnes qui n’ont pasperdu leur autonomie pour les actes dis-criminants de la vie courante.

ie - Janvier 2000

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Chapitre 8 - Autonomie et dépendance100

Remarque

La grille AGGIR est inscrite dans la loifrançaise (J.O. : n°97-60 du 24 janvier 1997)comme outil d’évaluation de la dépen-dance en vue de déterminer si une per-sonne peut bénéficier et à quel niveau de laPrestation Spécifique Dépendance. Seulesles personnes dont le GIR est côté 1, 2 ou 3peuvent prétendre à la Prestation Spéci-fique Dépendance.

L’utilisation de la grille AGGIR s’est élargieen pratique et est utilisée, par exemple,

Corpus de Gériat

pour définir la dépendance de pension-naires d’une institution ou pour l’apprécia-tion de la charge de travail d’une équipesoignante.

Références

Syndicat National de Gérontologie Clinique. AGGIR Guide pratique pour lacodification des variables. Principaux pro-fils des groupes iso-ressources. La revuede Gériatrie. 1994;19:249-259.

Les 10 variables discriminantes du modèle A.G.G.I.R

Les variables Autonomie fait seule totalement, habituellement, correctement = Afait partiellement = Bne fait pas = C

CohérenceConverser er/ou se comporter de façon logique et senséeOrientationSe repérer dans le temps, les moments de la journéeet dans les lieuxToilette du haut et du bas du corpsAssurer son hygiène corporelle(AA=A, CC=C, autres=B)Habillage (haut, moyen, bas )S’habiller, se déshabiller, se présenter(AAA=A, CCC=C, autres=B)AlimentationSe servir et manger les aliments préparés(AA=A, CC=C, BC=C, CB=C, autres=B)Élimination urinaire et fécaleAssurer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale(AA=A, CC=C, AC=C, CA=C, BC=C, CB=C, autres = B)TransfertSe lever, se coucher, s’asseoirDéplacements à l’intérieurAvec ou sans canne, déambulateur, fauteuil roulantDéplacements à l’extérieurA partir de la porte d’entrée sans moyen de transportCommunication à distanceUtiliser les moyens de communications : téléphone, alarme, sonnette…

rie - Janvier 2000