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MECA2855 2002 141 Chapitre 9. LES TURBINES A GAZ 1. Description et principe de fonctionnement La turbine à gaz est une installation motrice dans laquelle un mélange gazeux est comprimé par un turbocompresseur avant d'être porté à haute température de façon quasi isobare, puis détendu dans une turbine. Dans sa version la plus répandue, la turbine à gaz aspire de l'air atmosphérique qui est comprimé, puis se transforme en fumées à haute température par combustion d'un carburant dans une chambre adéquate. Ces fumées sont ensuite détendues dans la turbine, et enfin évacuées dans l'atmosphère. Le schéma de principe d’une telle installation est illustré fig. 9.1, tandis que les diagrammes p,v et T,S fig. 9.2 permettent de suivre l'évolution thermodynamique du fluide. Figure 9.1. L'expansion thermique des gaz due à l'effet de la source chaude donne lieu à la production d'une puissance motrice de détente supérieure à celle nécessaire à la compression du gaz frais. L'excédent de la puissance de la turbine sur l’ensemble des puissances que prélève le compresseur, que dissipent les frottements mécaniques (paliers et butées) et que consomment les auxiliaires (pompe à combustible, lubrification, soufflante de refroidissements...), constitue la puissance effective P e de cette installation motrice. On peut ainsi écrire : e mT mC fm aux P P P P + = (9.1) 1 4 3 2 T C CC

Chapitre 9 Les Turbines a Gaz

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MECA2855 2002 141

Chapitre 9. LES TURBINES A GAZ

1. Description et principe de fonctionnement

La turbine à gaz est une installation motrice dans laquelle un mélange gazeux est comprimépar un turbocompresseur avant d'être porté à haute température de façon quasi isobare, puisdétendu dans une turbine. Dans sa version la plus répandue, la turbine à gaz aspire de l'airatmosphérique qui est comprimé, puis se transforme en fumées à haute température parcombustion d'un carburant dans une chambre adéquate. Ces fumées sont ensuite détenduesdans la turbine, et enfin évacuées dans l'atmosphère. Le schéma de principe d’une telle installation est illustré fig. 9.1, tandis que les diagrammesp,v et T,S fig. 9.2 permettent de suivre l'évolution thermodynamique du fluide.

Figure 9.1.

L'expansion thermique des gaz due à l'effet de la source chaude donne lieu à la productiond'une puissance motrice de détente supérieure à celle nécessaire à la compression du gazfrais. L'excédent de la puissance de la turbine sur l’ensemble des puissances que prélève lecompresseur, que dissipent les frottements mécaniques (paliers et butées) et que consommentles auxiliaires (pompe à combustible, lubrification, soufflante de refroidissements...),constitue la puissance effective Pe de cette installation motrice. On peut ainsi écrire :

e mT mC fm auxP P P P += − − (9.1)

1 4

32

TC

CC

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où les indices T, C et fm+aux sont relatifs à la turbine, au compresseur et aux frottementsmécaniques et auxiliaires.

Figure 9.2

En désignant par Tm et Cm les flux de masse à la turbine et au compresseur, il vient encore :

e T mT C mC fm auxP m W m W P += − −

On peut tirer de cette expression de la puissance effective celle de la puissance motrice :

m e fm aux T mT C mCP P P m W m W+− = − (9.2)

Le quotient de cette puissance Pm au débit massique Cm du compresseur constitue le travail

moteur de l’installation dont l’expression s’écrit donc :

m Tm mT mC

C C

P mW W Wm m= − (9.3)

La description simplifiée du fonctionnement de l’installation prend en compte :

• les hypothèses simplificatrices habituelles d'identité des états d'énergie cinétique etd'énergie potentielle en chacun des points remarquables du cycle, notés fig. 9.1 et fig. 9.2.

• le caractère adiabatique des transformations de compression et de détente, justifié par lasuperposition du champ thermique stationnaire du fluide dans l’espace de la machine auchamp thermique de régime de la machine elle-même

1 4

32p

v S

T

1

22S

3

44S

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Ainsi, la valeur du travail moteur peut s'établir à partir des expressions du travail moteur de laturbine et du compresseur :

4

mT fT 3 43W vdp W h h=− − = −∫

2

mC fC 2 11W vdp W h h= + = −∫

ce qui fournit la relation :

Tm 3 4 2 1

C

mW ( h h ) ( h h )m

= − − − (9.4)

La dépense consentie pour la production de la puissance motrice est le flux calorifiqueassocié à la consommation fuelm de combustible de pouvoir calorifique PCI.

L’effet de ce flux sur l’évolution du fluide est décrit par le bilan énergétique de lacombustion supposée complète :

fuel C 2 T 3m PCI m h m h+ =

L'effet calorifique QI relatif à l'unité de masse d'air admis au compresseur s’obtient endivisant cette relation par le débit Cm :

fuelTI 3 2

C C a1

mm PCIQ h h PCIm m λm

− = = (9.5)

En référence au rôle de comburant que joue l'air, apparaît ici le quotient du pouvoircalorifique PCI du combustible au produit de son pouvoir comburivore ma1 par le coefficientd'excès d'air λ.

Explicitant encore le quotient des flux de masse sous la forme :

T

C a1

m 11m λm= +

l'expression du travail moteur devient :

m 3 4 2 1a1

3 2 4 1a1 a1

1W (1 )( h h ) ( h h )λm

1 1(1 )h h (1 )h hλm λm

= + − − −

= + − − + −(9.6)

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Sous cette dernière forme, le travail moteur s’exprime comme la différence entre l’effetcalorifique QI fourni par la combustion et celui QII cédé à l'atmosphère par les gazd'échappement qui s’y refroidissent par dilution.

Le rendement de conversion de la chaleur QI fournie par le combustible en travail moteurWm, ou rendement thermique, a pour expression :

4 1m a1II

thI I

3 2a1

λ(1 )h hW mQη 1 1 λQ Q (1 )h h

m

+ −= − = −

+ −(9.7)

2. Etude paramétrique des performances

Les paramètres essentiels qui affectent la valeur du travail moteur Wm et celle du rendementthermique ηth sont aisés à mettre en évidence lorsqu'on adopte, en plus des l'hypothèses déjàadoptées, les approximations simplificatrices suivantes :

• la combustion 2-3 est considérée comme parfaitement isobare, alors qu'une chute relativede pression pouvant atteindre 10 % se produit durant cette phase du cycle

• le quotient 1/λma1 est négligeable devant l'unité alors qu'il atteint 0.02 à 0.03 selon lecoefficient d'excès d'air pratiqué

• le fluide moteur, qui peut raisonnablement être assimilé à un gaz idéal, a une chaleurmassique cp invariable, alors qu'elle passe de 1.0 kJ/kgK pour l'air d'admission à 1.3kJ/kgK pour les gaz de combustion à l'entrée de la turbine.

Moyennant ces simplifications, l'expression du travail moteur s’écrit sous la forme :

m p 3 4 2 1W c ((T T ) (T T ))= − − − (9.8)

et l’on peut directement en déduire l’expression simple du rendement thermique :

4 1th

3 2

T Tη 1T T

−= −−

(9.9)

On peut introduire à ce stade les notions de rendement isentropique interne ηSiC de lacompression et de rendement isentropique interne ηSiT de la détente, ce qui conduit à réécrirel’expression du travail moteur sous la forme :

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m SiT p 3 4S p 2S 1SiC

4S 2SSiT p 3 p 1

3 SiC 1

1W η c (T T ) c (T T )η

T T1η c T (1 ) c T ( 1)T η T

= − − −

= − − −

Dans cette relation, les états 2S et 4S sont ceux qui seraient atteint respectivement en fin decompression et de détente adiabatiques sans travaux dissipatifs Wf. Le recours au modèlepolytropique du fonctionnement des turbomachines pour décrire les transformations qui s’yproduisent avec travaux dissipatifs Wf, conduit à utiliser les rendement polytropique ηpiC ducompresseur et ηpiT de la turbine tels que l'on ait :

PiC PiC

PiTPiT

γ 1 1 1m 1γ η η2S2 2 2m

1 1 1 1

γ 1m 1 ηηγ4 4 4 4Sm

3 3 3 3

TT p p( ) ( ) ( )T p p T

et

T p p T( ) ( ) ( )T p p T

−−

−−

= = =

= = =

ce qui fournit une autre expression du travail moteur :1

ηPiT ηPiC4S 2Sm p 3 p 1

3 1

T TW c T (1 ( ) ) c T (( ) 1)T T

= − − −

Pour simplifier l'écriture, il est commode de poser :γ 1 γ 1γ γ3 2S 32

1 4 1 4S

p T TpX ( ) ( )p p T T

− −

= = =

qui est une image non linéaire du rapport de pression réalisé dans la machine.Il est également judicieux d'introduire à ce stade le rapport de la température maximum dufluide moteur à celle de base du cycle, à savoir :

3

1

TYT

On exprime par ce paramètre la contrainte thermique à laquelle sera astreinte la turbine en sesorganes les plus sollicités : les ailettes des premiers étages de détente. Soumises à desaccélérations centripètes atteignant couramment 10000 g, ces ailettes doivent impérativementconserver à chaud leur tenue mécanique et leurs qualités aérodynamiques, ce qui conduit àlimiter la température de l'ambiance dans laquelle elles évoluent et par là, à limiter T3 enpratiquant pour la combustion un coefficient d’excès d’air adéquat.

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L'utilisation des paramètres Y et X conduit aux relations sans dimension :

PiC

PiT

mSiT

p 1 SiC

1ηm

ηp 1

W Y 1( η )( X 1)c T X η

ou

W 1Y(1 ) ( X 1)c T X

= − −

= − − −

et

PiC

I

p 1 SiC

1ηI

p 1

Q 1Y ( X 1) 1c T η

ou

Q Y Xc T

= − − +

= −

On tire ces expressions celles du rendement thermique :

PiC

PiC

SiTSiC

th

SiC

ηPiT

th 1η

Y 1( η )( X 1)X ηη 1Y ( X 1) 1η

ou

1Y (1 ) ( X 1)Xη

Y X

− −=

− − +

− − −=

L’analyse de ces relations montre que la valeur du travail moteur Wm :

• est une fonction uniformément croissante de Y, c'est à dire à la fois de la capacité derésistance des matériaux soumis à la température T3 et de la condition de températureambiante T1

• est tributaire de la perfection aérodynamique interne du compresseur et de la turbinedéfinie par les paramètres ηpiC et ηpiT qui conditionnent la perfection thermodynamiquede la compression et de la détente définie par les paramètres ηSiC et ηSiT

• présente, à Y fixé, un zéro en X = 1 et en x = X0 de valeur :

0 SiC SiT PiC PiTX η η Y η η Y= ≈ (9.10)

• passe par un maximum pour la valeur XA donnée par l'expression :

PiTPiC

11 ηη

A SiC SiT PiC PiT PiC PiTX η η Y ( η η Y ) η η Y+

= = ≈ (9.11)

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cette dernière valeur étant fonction croissante de Y.

Quant au rendement thermique ηth , il est également lié à Y et X, et l'on peut en retenir lescaractéristiques suivantes :

• il s'annule comme Wm pour X = 1 et X = X0

• il présente un maximum pour une valeur XB telle que l'on ait toujours :

A B 0X X X< < (9.12)

Des expressions ci-dessus sont tirées les valeurs du tableau 9.1, établi pour un cycle utilisantde l’air considéré comme gaz idéal de coefficient γ constant, et pour T1 = 288K, T3 =1573K, ηPiC = ηPiT = 0.90.

p2/p1 X T1 T2 T3 T4 Wm ηth

- - K KJ/kg -16 2.21 288 694 1573 771 396 0.45020 2.35 288 745 1573 728 388 0.46825 2.51 288 800 1573 687 374 0.48330 2.64 288 848 1573 656 357 0.49240 2.87 288 929 1573 609 323 0.50250 3.06 288 997 1573 575 289 0.502

Tableau 9.1

La valeur de XB est d'autant plus proche de celle X0 que la qualité aérodynamique interne descomposants de la machine est grande. On notera ainsi que pour le cas limite où ηpiC= ηpiT= 1,l'expression du rendement thermique devient :

PiT PiC PiT PiC

thη η η η 1

1lim η 1X= = = →

= −

Cette valeur est formellement indépendante de Y et est uniformément croissante avec X.

Le maximum pratique du rendement correspond dès lors au maximum envisageable pour X,et qui n'est autre dans ce cas que la valeur X = X0 =Y qui annule Wm. La valeur limite durendement correspondant à cette situation est celle du rendement de Carnot, obtenu pour uncycle thermodynamique dont l’effet à la source chaude est isotherme à la température T3 alorsque l’effet à la source froide est isotherme à la température T1. Pour cette situation limite, ce

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n’est pas seulement le travail moteur qui s’annule, mais c’est aussi l’effet calorifique à lasource chaude, puisque T2 tend vers T3.

On notera l'extrême sensibilité du rendement thermique aux imperfections des composants,caractère résultant du principe même de l'installation : le travail moteur y apparaît comme ladifférence entre WmT et WmC, quantités qui sont du même ordre de grandeur.

Cette sensibilité est encore aggravée lorsque l’on prend en compte le rendement mécaniquede l’installation. Celui-ci peut en effet s’exprimer en considérant que la puissanceconsommée par les frottements mécaniques et par les auxiliaires est proportionnelle à lapuissance mécanique installée, qui est la somme de la puissance de la turbine et de celle ducompresseur :

fm aux mC mTP k ( P P )+ = +

Il en résulte que l’expression du rendement mécanique de l’installation peut s’écrire sous laforme suivante, en utilisant la notion d’indice de répartition τC, rapport entre la puissancemotrice (ou le travail moteur) du compresseur et celle (ou celui) de la turbine:

fm aux mT mC Cmec

m mT mC C

P P P 1 τη 1 1 k 1 kP P P 1 τ+ + +− = − = −

− −(9.13)

L’utilisation des paramètres de température X et Y dans les relations explicitant WmC et WmT

au moyen des rendements isentropiques internes ηSiC et ηSiT permet de lier l’indice derépartition aux paramètres de température :

C0

XτX

=

ce qui permet d’expliciter la valeur du rendement mécanique de l'installation sous la forme :

0mec

0

X Xη 1 kX X+= −−

Le rendement mécanique est fonction uniformément décroissante de X, présentant un plateauaux faibles valeurs de X pour s'effondrer à l'approche de X=X0. Le maximum de rendementeffectif correspond donc en pratique à une valeur XM telle que l'on ait toujours :

A M B X X X≤ ≤ (9.14)

La combinaison du rendement thermique et du rendement mécanique fournit la valeur du

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rendement effectif ηe et celle du travail effectif We :

e th mec

e mec m

η η η

W η W

=

=(9.15)

Le fonctionnement à long terme des turbines à gaz implique que les produits de combustionsoient dépourvus d'agressivité physico-chimique à haute température. L'emploi direct decombustibles solides est exclu à cause des résidus solides, de même que celui de coupespétrolières moyennes qui contiennent entre autres impuretés du vanadium particulièrementredoutable à haute température. L'utilisation de combustibles nobles, comme le kérosène (enaviation) ou le gaz naturel (en utilisations stationnaires) permet par contre de tirer parti deshautes températures que permettent des technologies appropriées. Ainsi, actuellement :

• l'usage d'alliages hautement réfractaires (Ni, Cr, Mo) et d'une technologie à ailettescreuses refroidies par de l'air prélevé au compresseur, conduit à pratiquer destempératures T3 dépassant 1300 °C.

• le degré de perfection du design et de la fabrication des ailettes des turbines modernes aconduit à des valeurs des rendements ηPiC et ηPiT voisins de 0.90.

• on peut estimer que les dissipations mécaniques correspondent à une valeur de kn'excédant pas 0.02.

Figure 9.3

L'application de ces considérations est illustré fig. 9.3 où l'on a représenté les évolutions desvaleurs de We et ηe en fonction de X et en fonction du rapport de pression p2/p1 , en prenant encompte la variation des chaleurs massiques et la différence entre les débits Cm et Tm .

0 20 40 60 80 1000

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5MJ/kg

40

20

30

10

%ηe

We

p2 / p1

1 2 3 40

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5MJ/kg

30

40

20

10

%

ηe

We

X

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Le tableau 9.2 fournit des grandeurs caractéristiques de cycles correspondant à l'intervalle XA

< X < XB, pour la valeur 1573 K de la température de pointe, celle 0.90 des rendementspolytropiques internes et celle 0.10 du coefficient de chute de pression au cours de lacombustion et celle 0.02 du coefficient k de dissipations mécaniques.

p2/p1 X T1 T2 T3 T4 We ηth ηmec ηe

- - K kJ/kg - - -

16 2.17 288 679 1573 897 423 0.396 0.944 0.374

20 2.31 288 724 1573 854 422 0.417 0.940 0.391

25 2.45 288 772 1573 812 414 0.434 0.935 0.406

32 2.61 288 827 1573 767 400 0.451 0.928 0.419

40 2.76 288 880 1573 728 380 0.464 0.920 0.427

50 2.92 288 935 1573 691 354 0.473 0.910 0.430

Tableau 9.2

Ce tableau précise les valeurs numériques correspondant à la figure 9.3 où l’on observe que : • la variation relative du rendement effectif est moindre que celle du travail effectif dans

l'intervalle XA < X < XB. Il est donc plus pénalisant pour le travail effectif de choisir lepoint XB qu’il n’est pénalisant pour le rendement de choisir le point XA.

• en termes de rapport de pression, le fonctionnement à rendement maximum est de loinplus exigeant que le fonctionnement à travail moteur maximum et implique le recours àune technologie coûteuse tant pour le compresseur (nombre élevé d’étages) que pour lachambre de combustion (haute densité de puissance thermique).

L'un des aspects les plus attrayants de la turbine à gaz comme installation motrice étant satrès grande compacité qui lui confère un temps de réponse extrêmement court, on utilise donc le plus souvent en pratique un rapport de compression plus proche de celui donnant lieu aumaximum de travail que de celui conduisant au maximum de rendement.

3. Aspects technologiques et domaines d’utilisation

Turbines à gaz à cycle simple

La figure 9.4 illustre la configuration d'une turbine à gaz utilisée en propulsion marine pour

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applications exigeantes en manoeuvrabilité. Le compresseur axial est entraîné par les deuxpremières roues de la turbine, également axiale, le tout formant un ensemble rotorique libre.

Figure 9.4

La troisième roue de turbine fournit la puissance à l'arbre de sortie via le réducteur de vitessesitué en tête de machine et est mécaniquement indépendante de l’ensemble rotorique libre.

Cette particularité typique de l'application visée, est réalisée en faisant usage d’un arbre creuxportant le groupe rotorique libre, que traverse concentriquement l’arbre de transmission liantla turbine de puissance au groupe réducteur. Elle autorise le démarrage de l’ensemblerotorique libre indépendamment de l’actionnement du système propulsif et offre ainsi unetrès grande flexibilité d’usage. On notera encore la disposition annulaire de la chambre decombustion qui confère à l’installation une très grande compacité et lui donne un caractère degroupe fonctionnel monobloc. Le domaine des puissances typiques de cette application est de10 à 40 MW .

La Figure 9.5 représente une installation stationnaire de grande puissance destinée à brûler dugaz naturel. De telles installations couvrent un domaine de puissances allant de 50 à plus de200 MW.On remarquera dans ce cas, la configuration latérale des chambres de combustion, solutionadoptée par le constructeur pour disposer d’une grande flexibilité dans la disposition des

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éléments de contrôle de la combustion.

Figure 9.5

Il est en effet important de pouvoir maîtriser les champs de température du cœur même de laflamme à sa périphérie, si l’on veut :

• obtenir à l’entrée de la turbine une température aussi homogène que possible, qui résultede la dilution des fumées très chaudes issues d’une combustion stable (et donc proche dela stoechiométrie) par l’air en excès amené en périphérie de la zone de flamme

• minimiser les émissions de polluants et en particulier celles des oxydes d’azote dontl’origine thermique se fait d’autant plus sévère que l’on recherche de hautes températuresT3 à l’entrée de la turbine.

Installations à cycles combinés

Pour les installations stationnaires, la température encore élevée des gaz d'échappement (plus

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de 800 K) révélé par l’analyse paramétrique des performances, permet d’en envisager lavalorisation pour la production de travail moteur par un cycle thermique an aval de la turbineà gaz. En pratique, il s’agit d’un cycle utilisant la détente dans une turbine de la vapeur souspression produite par une chaudière grâce à la récupération d’une fraction de l’enthalpiesensible des gaz d’échappement. Si l’on désigne par ηR le taux de récupération de l’enthalpiesensible encore disponible à l’échappement, et qui représente pour la turbine à gaz la perte àla source froide 1- ηTG , tandis que ηCAV désigne le rendement de conversion en travail de lachaleur ainsi récupérée, le rendement global de conversion de la chaleur en travail moteur apour valeur dans l’installation combinée :

TGCAV TG TG R CAVη η (1 η )η η= + − (9.16)

Compte tenu des valeurs séparées ηTG= 0.40, ηR = 0.70 et ηCAV =0.35, le rendement globald’une telle installation peut atteindre près de 55 %.Sans entrer dans la description détaillée des systèmes mis en œuvre pour atteindre de telsrendements de conversion du PCI du combustible en travail moteur, il est possible d’en situerle potentiel et les limites en faisant usage de la notion d’exergie, fonction d’état définie par larelation :

1 1 1e ( H H ) T ( S S )− − − (9.17)

et qui représente le travail maximum que l’on peut obtenir d’un fluide du fait de son état dedéséquilibre par rapport aux conditions de l’ambiance, considérée comme source froideinfinie à température T1 et pression p1.L’application de cette notion à la production de travail moteur à partir de l’enthalpie sensiblede température T4 mais à la pression p4 = p1 des fumées à l’échappement de la turbine à gazest illustrée par le diagramme T,S fig. 9.6.

Pour obtenir le maximum de travail moteur des gaz d’échappement, on peut imaginer de lesdétendre de façon adiabatique et sans travaux dissipatifs de leur état initial 4 à un état final 5d’entropie S5 = S4 et de température T5 = T1 , la pression p5 étant dès lors bien inférieure àcelle p1. Lors de cette détente idéale, on produirait le travail moteur WmD = H4 – H1.Afin de pouvoir rejeter dans l’atmosphère le fluide ainsi détendu, il faudrait alors lecomprimer de p5 à p1, et consentir pour cela la consommation d’un travail moteur dont leminimum correspond à une compression isotherme utilisant l’atmosphère de température T1

comme source froide. Le travail de compression aurait alors pour valeur WmC = T1 (S4 – S1).Toute intervention autre que la source froide ambiante étant exclue, ceci montre que l’exergiee4 des fumées, représentée par le triangle curviligne 145, est bien le maximum de travail

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moteur récupérable sur l’énergie disponible des gaz d’échappement. La fraction nontransformable en travail moteur, soit la valeur T1(S4 – S1), est représentée par la surface155010 et porte le nom d’anergie .

Figure 9.6

Le rendement de conversion en travail de l’enthalpie sensible de ces gaz a donc pour valeur :

4 1 1 4 1CAV

4 1

H H T ( S S )ηH H

− − −=−

Pour un gaz idéal et de chaleur massique constante, cette expression se réécrit :

41CAV

4 1 1

TTη 1 logT T T

= −−

(9.18)

Compte tenu de l’expression (9.4 ) du rendement thermique du cycle de la turbine à gaz, larelation donnant le rendement de l’installation combinée s’écrit :

4 1 4 1 41TGCAV

3 2 3 2 4 1 1

T T T T TTη 1 (1 log )T T T T T T T

− −= − + −− − −

soit finalement :

41TGCAV

3 2 1

TTη 1 logT T T

= −−

(9.19)

L’utilisation dans cette expression des valeurs des températures établies au tableau 8.1permet d’établir le tableau 9.3 complétant les valeurs du rendement et du travail moteur descycles simples par celles obtenues pour les installations combinées à récupération par cycleaval idéal correspondantes. Les plus hauts rendements des installations à cycle avalcorrespondent au choix du rapport de compression optimisant le travail moteur pour le cycle

S

T

1

2

3

4

5

e4 = H4 –H1 – T1 (S4 – S1)

a4 = T1 (S4 – S1)10 50

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simple, ce que confirme l’analyse des systèmes TGV combinant turbine à gaz et turbine àvapeur

p2/p1 16 20 25 30 40 50ηTG 0.450 0.468 0.483 0.492 0.502 0.502

WmTG (kJ/kg) 396 388 374 357 323 289WmTGCAV (kJ/kg) 596 561 523 488 428 377

ηTGCAV 0.677 0.677 0.676 0.672 0.665 0.654

Tableau 9.3

Utilisation en propulsion aérienne

Le rapport puissance/masse de la turbine à gaz en fait le moteur idéalement compact pour lapropulsion des avions. L'exigence d'une grande fiabilité mécanique liée à la relativesimplicité de la maintenance, et la nécessité de disposer de grandes puissances unitaires pourvoler vite et à haute altitude sont deux indications majeures au choix de la turbine à gazcomme moteur de propulsion. A cela s'ajoute une parfaite adaptation aux conditions poséespar l'altitude, car

• d'une part, la diminution de la masse volumique de l'air ne constitue pas pour ce type demoteur un handicap comparable à celui subi par les moteurs volumétriques

• d'autre part, l'abaissement de la température ambiante est très favorable au rendement parl’effet important qu’il a sur le rapport T3/T1 .

Ce dernier aspect est illustré par le tableau 9.4, qui fournit une comparaison entre lesperformances d'une turbine à température T3 de 1573 K, dont le compresseur et la turbine ontdes rendements polytropiques internes ηpiC = ηpiT = 0.90. Pour d’évidentes raisons de rapportpuissance/poids, impératives en aviation, le choix du rapport de compression est centré sur lemaximum de travail moteur.

La comparaison porte sur les conditions ambiantes au sol (T1 = 288 K, p1 = 100 kPa) d'unepart, et en altitude (T1 = 220 K, p1 = 25 kPa) d'autre part.

T1

KT3/T1

-p2/p1

-T2

KT4

KWe

kJ/kgηth

-ηe

-288220

5.467.15

1626

679616

897802

423537

0.3960.469

0.3740.446

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Tableau 9.4

On peut observer à quel point les conditions ambiantes de basse température jouent un rôlefavorable au rendement, puisqu’à même qualité des composants, l’amélioration relative durendement qui résulte du passage des conditions au sol à celles du vol à haute altitude estvoisine de 20 %

Pour les avions commerciaux modernes, le système de propulsion associe une turbine à gaz àune soufflante basse pression, constituant ce que la terminologie anglo-saxonne désigne sousle nom de turbofan (littéralement : turboventilateur) dont la configuration est illustrée fig. 9.7

Figure 9.7

Ce système crée la poussée F destinée à compenser la traînée de l’avion et à lui conserver savitesse, par effet de réaction de l'air qui, s'approchant de l'avion à vitesse c (dans un repère liéà l'avion), s'en éloigne à vitesse cs > c grâce à l'action du système propulsif, assimilable à unventilateur. Pour un débit m passant dans le système propulsif, la relation fondamentale surla conservation du flux de quantité de mouvement s’écrit :

sF m( c c )= − (9.20)

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Le produit de la poussée propulsive F à la vitesse de vol c définit la valeur de la puissancepropulsive (ou utile) :

p sP F c m( c c )c= − (9.21)

tandis que la puissance motrice dépensée résulte de la variation de l'énergie cinétique de l'airpropulseur et a pour valeur :

m fP m( ∆K W )= +

Il est raisonnable d'exprimer que Wf est une fraction de l'énergie cinétique cs2/2 de l'air qui

transite dans le propulseur et d’écrire :2s

fcW ( ξ 1) avec ξ 12

= − ≥

La puissance motrice s'explicite alors sous la forme :2 2s

mξ c cP m

2−= (9.22)

Le rendement propulsif, quotient de la puissance propulsive à la puissance motrice a doncpour valeur :

sP 2 2

s

( c c )cη 2ξ c c

−=−

(9.23)

Il est fonction du rapport cs/c entre la vitesse du jet propulseur et la vitesse de vol, et estoptimum lorsque ce rapport a pour valeur :

s 1c 1 1ξc

= + −

A cette valeur, toujours inférieure à 2, correspond le rendement propulsif optimum de valeur :

PMAX1η

ξ ξ( ξ 1)=+ −

Les systèmes de propulsion les plus performants utilisant le cycle de la turbine à gaz ont desvaleurs de ξ proches de 1.10 et leur rendement propulsif ηP optimum atteint ainsi 0.70. Leproduit de ce rendement par celui ηe voisin de 0.45 du cycle moteur de la turbine à gaz donnedonc lieu à un rendement total ηtot proche de 0.31.

Ainsi, un avion de poids Mg induit une traînée Mg/f où f est le coefficient de finesse quedéfinit l’aérodynamique de l’appareil. Cette traînée doit être compensée par la poussée F dusystème propulseur pour maintenir un vol à vitesse c.

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La puissance propulsive nécessaire à un tel avion a donc pour valeur :

pM gP c

f= (9.24)

et le débit km de kérosène de pouvoir calorifique PCI que brûle le système de propulsion de

rendement total ηtot= ηe ηP est donné par l’expression :

pk

tot tot

P M gm cη PCI f η PCI

= =

La consommation par unité de distance parcourue s’en déduit immédiatement et s’exprime :

stot

M gmf η PCI

= (9.25)

Les valeurs ci-dessus conduisent ainsi pour un avion commercial de 300 tonnes en charge, definesse f = 15 et brûlant du kérosène de PCI = 43000 kJ/kg, à une consommation de l’ordrede 15 kg/km.Pour une vitesse de vol de 250 m/s, la valeur de cs est voisine de 340 m/s et la puissancemotrice de l'ensemble propulsif est de 75 MW en croisière, dans de l'air à 0.4 kg/m3. Auxconditions de décollage, dans de l'air à 1.2 kg/m3, la puissance motrice atteint 225 mW.