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chirurgie en urgence de la dissection aortique aiguë de type a chez l’octogénaire

Chirurgie en urgence de la dissection aortique

aiguë de type A chez l’octogénaire :

est-ce raisonnable ?

1. INTRODUCTIONAvec les progrès constants en matière de santé, l’espérance de vie des populations occidentales ne cesse de croître. Ainsi, on estime à plus de 25 millions la population des plus de 80 ans aux États-Unis d’ici 2050 [1]. Les pathologies cardio vasculaires étant la première cause de mortalité dans les pays industria-lisés [2], des patients de plus en plus âgés sont proposés à la

chirurgie cardiovasculaire. L’amélioration des techniques chirurgicales et des soins périopératoires permet de pratiquer couramment ces interventions chez l’octogénaire avec des ré-sultats acceptables en chirurgie réglée [1]. Beaucoup plus rare sont les séries rapportées d’octogénaires opérés en urgence de dissection aortique [3-5]. En effet, la lourdeur de la prise en charge de ces patients en termes de ressources hospitalières

Antonin Souaga1*, Louis Labrousse2, Laurent Barandon2, Jean-Philippe Guibaud2, Nicolas Elia2, Emmanuel Choukroun2,

Francesco Madonna2, Claude Deville2, Xavier Roques2

RÉSUMÉ Mots clés : dissection aortique, chirurgie cardiaque, octogénaire Objectifs : l’augmentation de l’espérance de vie de la population pose le problème du traitement en urgence des patients octogénaires porteur de dissection aortique tant en termes de résultats que d’utilisation des ressources du système de santé. Cette étude rétrospective analyse une série de patients octogénaires opérés en urgence de dissection de type I.

Méthode : entre janvier 1995 et mai 2010, sur 467 dissections aiguës de l’aorte opérées, 31 étaient octogénaires. L’âge moyen était de 81,9 ± 2 ans (extrême : 80-86). En préopératoire, aucun des patients n’était moribond, ne présentait d’accident neurologique ou de défaillance hémodynamique sévère. La réparation chirurgicale a consisté en un remplacement de l’aorte ascendante sous clampage de l’aorte sauf en cas de porte d’entrée située en aval.

Résultats : 7 patients sont décédés en postopératoire (22,6 %). Comparée à celle de patients plus jeunes, cette mortalité n’a pas été significativement supérieure (12,8 %, 56 pour 436). La durée de séjour hospitalier est similaire dans les deux groupes (≥ 80 ans ; ou < 80 ans) de patients (17,8 ± 7j vs 15,8 ± 7j). Par contre, la durée du séjour en soins intensifs postopératoire a été plus courte chez les octogénaires (6j ± 3 vs 8,9j ± 4). La durée de séjour des octogénaires décédés a été de 6 ± 4j (1 à 12). L’analyse univariée n’a pas permis de mettre en évidence de facteur de risque de mortalité précoce.

Conclusion : la prise en charge des dissections aiguës de l’aorte chez l’octogénaire est possible au prix d’une mortalité hospitalière acceptable. L’utili-sation des ressources hospitalières est raisonnable en comparaison de celles utilisées pour les patients moins âgés. La prise en charge des dissections aiguës compliquées reste à évaluer.

ABSTRACT Keywords: aortic dissection, cardiac surgery, octogenariansObjective: with the progressing aging of populations, controversy exists regarding health care resources and cost-effective approach to hospital re-source management for emergent surgery in octogenarians. Especially emergent surgery for acute aortic dissection is under caution. This study was undertaken to analyse a consecutive series of octogenarians with acute type A dissection.

Methods: 31 consecutive octogenarians of 461 patients with aortic dissection from January 1995 to May 2010 were recewed. The median age was 81,9 ±2 years (range ; 80-86). Preoperatively, none of the patients was morbidond, have cerebral ischemia or acute heomodynamic failure. Ascending aorta cross clamp technique was used as the standard technique except if the primarily tear was not found.

Results: hospital mortality was 22,6% (7 of 31 patients) without statistical difference compared with 12,8% (56 of 436) in younger patients. Similarly, hospital stay was without significance difference for surviving patients (17,8±7 days vs 15,8±7 days). Controversy, intensive cares unit (ICU) stay was shorter in octogenarians comparing to younger patients (6±3 days vs 8,9±4 days). Mean ICU stay for deceased octogenarians patients was 6±4 days (1 to 12). No significant risk factor was found by univariate analysis to be related to early mortality.

Conclusion: aggressive emergent surgery of aortic dissection in selected population of octogenarians is associated with satisfactory early results in term of mortality and hospital resource management. However, the management of octogenarians’ patients with complicated acute aortic dissection need to be assess.

1. Service de chirurgie cardio-vasculaire, Institut de cardiologie d’Abidjan, Abidjan, Côte d’Ivoire.2. Service de chirurgie cardio-vasculaire, hôpital cardiologique de Haut-Levêque, Pessac, CHU de Bordeaux, France.* Auteur correspondant.

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associée à un pronostic sombre rend leur traitement contro-versé et même contre-indiqué pour certaines équipes [3,5-6].Ce travail a pour but de rapporter notre expérience dans la prise en charge de la dissection aortique de type A chez l’octogénaire.

2. PATIENTS ET MÉTHODECette étude rétrospective a été conduite dans le service de chirurgie cardiovasculaire du CHU de Bordeaux et a inclus tous les patients octogénaires opérés en urgence d’une dis-section aortique de type A de janvier 1995 à mai 2010. Au cours de cette période, sur 467 patients opérés en urgence de dissection aiguë de type A de l’aorte, 31 (6,6 %) avaient un âge ≥ 80 ans. Il s’agissait de 22 hommes (71 %) et 9 femmes (29 %) dont l’âge moyen était de 81,9 ± 2 ans (extrêmes de 80 à 86 ans). Tous les patients avaient un ou plusieurs fac-teurs de risque cardiovasculaire et/ou chirurgicaux [tableau 1]. Tous étaient connus hypertendus (HTA), 5 avec une dyslipi-démie (16,1 %), 3 diabétiques (9,7 %), 3 tabagiques (9,7 %) ; 7 patients avaient un antécédent de chirurgie vasculaire pé-riphérique (22,6 %), 3 des troubles respiratoires chroniques (BPCO) (9,7 %) et 1 un antécédent d’accident vasculaire cérébral (AVC).Tous les patients avaient à l’admission un état hémodynami-que stable (absence d’usage de drogue vasopressive et TA sys-tolique > 90 mmHg) et un état de conscience normal sans déficit neurologique constitué à l’arrivée. Quatre patients avaient une créatininémie supérieure à 200 μmol/l. Enfin, l’Euroscore standard (additif) moyen des patients était de 12,8 ± 0,7 (extrêmes : 12-15). La quasi-totalité des patients (29/31) avait bénéficié d’un TDM et c’est sur ce seul examen qu’était portée l’indication opératoire. Dans les 2 autres cas, le diagnostic avait été fait une fois lors d’un cathétérisme pour douleur thoracique et suspicion de syndrome coronaire aigu (SCA), et dans un cas sur l’échocardiographie seule. L’ETO pré- ou peropératoire n’a jamais été demandée de manière formelle. Du fait de l’ur-

gence, l’usage de l’ETO est lié en peropératoire à l’habitude qu’en a l’anesthésiste réanimateur.

2.1. Technique opératoireTous les patients ont été opérés en urgence dans les deux heu-res suivant leur admission à l’hôpital. Après héparinisation, la circulation extracorporelle (CEC) était établie entre l’artère fémorale de façon rétrograde et/ou l’artère axillaire d’une part et l’oreillette droite. Depuis 2007, un monitoring de la perfu-sion cérébrale utilisant la technique de Near Infrared Spectros-copy (NIRS) est employé à titre systématique [7-9]. Le tableau 2 détaille les différentes techniques de réparation utilisées. Le temps moyen de CEC était de 146 min ± 49 min (extrêmes de 62 à 241 min), celui du clampage aortique de 78 min ± 29 min (extrêmes de 30 à 148 min) et celui de l’arrêt circulatoire ou de la perfusion sélective cérébrale de 29 min ± 8 (extrêmes de 20 à 43 min). Dans tous les cas, la porte d’entrée a été retrouvée au niveau de l’aorte ascendante ou transverse. Le geste opératoire a consisté soit au remplacement isolé de l’aorte ascendante, soit associé au remplacement de l’hémicrosse dans 9 cas (anasto-mose ouverte oblique avec suture oblique excluant la concavité aortique au ras du tronc artériel brachiocéphalique [TABC] lorsque la porte d’entrée s’étendait dans la concavité aortique). Aucun remplacement complet de l’aorte transverse n’a été réa-lisé. Les anastomoses distale et proximale ont été réalisées après appropriation des tuniques aortiques par encollement (colle Bioglue®, Genzyme, États-Unis) sur une double attelle de Téflon. Le traitement d’une éventuelle insuffisance aortique a consisté en un encollement simple des sinus avec resuspen-sion des commissures chez 21 patients. En ce qui concerne les gestes complémentaires, 8 patients ont bénéficié d’un rempla-

Tableau 1. Caractéristiques préopératoires des patients.

Données Valeurs

Âge 82,5 +/- 2 ans (80 à 87)

Sexe Ratio H/FMasculinFéminin

2,422 71 % 9 29 %

Facteurs de risqueHTADyslipidémieDiabèteTabacAVCBPCOChirurgie vasculaire

31 100 % 5 16,1 % 3 9,1 % 2 9,1 % 1 3,2 % 3 9,1 % 7 22,6 %

Fraction d’éjection 55,9 +/- 8,3 (35 à 75 %)

Créatininémie 136,2 ± 76,4 (70 à 401)

Euroscore 12,8 ± 0,7 (12-15)

Tableau 2. Caractéristiques peropératoires.

Caractéristiques Valeurs

Technique de CECClampage simple Hypothermie profonde + PC – PCA– PCR Hypothermie profonde seule Hypothermie modéré + PCA

16 (51,6 %) 9 (29 %)814 (12,9 %)1 (3,2 %)

CEC

Clampage aortique

Arrêt circulatoire

146 min ± 49 (62 à 241 min) 78 min ± 29 (30 à 148 min) 29 min ± 8 (20 à 43 min)

InterventionGestes sur l’aorte– Remplacement aorte ascendante – Remplacement aorte ascendante et de l’hémicrosse Gestes sur la racine aortique– RVAO – Bentall– Resuspension des commissures

22 (71 %)9 (29 %)

8 (25,8 %)2 (6,4 %)21 (67,7 %)

PC : perfusion cérébrale ; PCA : perfusion cérébrale antérograde ; PCR : perfusion cérébrale rétrograde ; RVAO : remplacement valvulaire aortique.

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cement valvulaire aortique, et dans 2 cas, un remplacement complet de la racine aortique selon la méthode de Bentall a été nécessaire. Aucun patient n’a bénéficié de geste de radiologie interventionnelle en pré- ou en postopératoire pour lever une malperfusion viscérale.

2.2. Analyse statistiqueLes variables continues ont été analysées sous forme de moyenne avec les écarts-types. La mortalité opératoire a été considérée comme la mortalité à 30 jours. La comparaison des variables a été réalisée par le test de Fisher ; le seuil de significativité admis a été de 0,05.

3. RÉSULTATSAucun patient n’est décédé au cours de l’intervention. Sept pa-tients sont décédés dans les 30 premiers jours postopératoires, soit une mortalité hospitalière de 22,6 %. Les causes de décès ont inclus 1 tamponnade aiguë, 4 bas débits cardiaques, et 2 patients sont décédés de défaillance polyviscérale après infec-tion pulmonaire, impossibilité de sevrage respiratoire et insuf-fisance rénale nécessitant une hémodiafiltration continue. Ces patients sont décédés après un séjour moyen de 6 jours ± 4 (extrêmes de 1 et 12 jours). Quinze patients (incluant les 7 pa-tients décédés) ont eu une ou plusieurs complications (48,4 %) [tableau 3]. Il s’agissait de 9 bas débits cardiaques (29 %) avec nécessité de support hémodynamique (dont 5 décédés). Une

insuffisance rénale oligo-anurique est survenue chez 6 patients et a nécessité une hémofiltration (19,4 %). Deux des patients hémofiltrés sont décédés. Cinq (16,1 %) complications neuro-logique mineures sont survenues (confusion dans 4 cas et une atteinte isolée réversible du plexus brachial suite à l’abord de l’artère axillaire à l’aisselle). Toutes les complications neurolo-giques sauf une (confusion puis aggravation de l’état psychiatri-que) ont été transitoires. Des complications respiratoires (infec-tion bronchopulmonaire : 2, atélectasie : 2, décompensation de BPCO : 1, pneumothorax : 1) ont été retrouvées chez 6 patients (19,4 %). Une reprise hémostatique précoce par sternotomie a été nécessaire chez 2 patients (6,5 %). Le temps moyen d’extu-bation des patients était de 38 heures ± 22 (extrêmes de 6 h et 72 h). Seul un des patients décédés avait été extubé avant son décès (décès par tamponnade). La durée moyenne de séjour en réanimation des patients non décédés était 6 jours ± 2,7 (médiane 4 j, extrêmes de 2 et 33 jours). Leur durée moyenne d’hospitalisation a été de 16 jours ± 5 (médiane 13 j, extrêmes de 9 et 41 jours) [tableaux 4 et 5]. Tous ont été admis en maison de convalescence. Vingt-deux (91,6 % des survivants) ont pu re-gagner leur domicile valides et autonomes après un séjour post-opératoire total de 47 jours ± 15 (extrêmes de 28 à 84 jours). Deux patients n’ont pas pu regagner leur domicile. L’un a été admis à l’hôpital gériatrique et l’autre à hôpital psychiatrique pour troubles neuropsychiatriques.

4. DISCUSSIONLe traitement chirurgical en urgence des dissections aortiques de type A a pour but de prévenir la rupture de l’aorte, lever l’is-chémie des organes et corriger l’éventuelle atteinte de la valve aortique. Cette chirurgie reste une chirurgie à risque opératoire élevé, dont un des facteurs de risque principal est l’âge du pa-tient [10]. Ainsi un âge supérieur à 70 ans est retrouvé comme étant associé à une surmortalité importante [10]. Parallèlement se pose de plus en plus le problème de la consommation de res-sources hospitalières (et leurs conséquences financières) pour des patients à l’espérance de vie courte et à risque opératoire élevé [3-4]. Dans ce cadre, la chirurgie de la dissection aortique aiguë chez le patient de plus de 80 ans reste controversée et contre-indiquée pour certaines équipes [3,5-6]. Notre étude rapporte une mortalité hospitalière de 22,6 %, mortalité comparable à la mortalité hospitalière actuelle

Tableau 3. Complications postopératoires observées chez l’octogénaire.

Complications n (%)

Bas débit 9 (29)

Respiratoires 6 (19,4)

Insuffisance rénale 6 (19,4)

Neurologiques 5 (16,1)

Trouble du rythme 2 (6,5)

Hémorragie 2 (6,5)

Tamponnade 1 (3,2)

Infection 1 (3,2)

Tableau 4. Comparaison de la mortalité et des durées de séjour hospitalier des octogénaires et des non-octogénaires.

Facteurs < 80 ans (n = 436) ≥ 80 ans (n = 31) p

Mortalité 12,8 % (56) 22,6 % (7) NS

Séjour réanimation 8,9j ± 4,2 (1 à 71) 6j ± 3 (1 à 33) NS

Séjour hospitalier 17,8j ± 7 (1 à 131) 15,8j ± 5 (1 à 41) NS

Tableau 5. Détail des durées de séjour hospitalier des octogénaires.

Séjours Total (n = 31) Vivants (n = 24) Décédés (n = 7)

Séjour réanimation 6j ± 3 (1 à 33) 6j ± 2,7 (2 à 33) 6j ± 4 (1 à 12)

Séjour hospitalier 15,8j ± 5 (1 à 41) 16j ± 5 (9 à 41) 6j ± 4 (1 à 12)

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dans le service pour cette pathologie et similaire à celle re-trouvée dans la littérature [10-14]. Aucun de nos patients n’est décédé en peropératoire d’échec technique de la réparation à la différence de la série rapportée par Néri [3]. La prise en charge exclusive dans notre centre par un chirurgien senior de ce type d’urgence prend ainsi chez ces patients âgés tout son sens. Cependant, la mortalité hospitalière des dissections est également fonction de l’état clinique préopératoire des patients, ce qui explique qu’elle varie dans la littérature de 5 % à 83 % [3,10,15]. Il faut noter que dans notre série, seuls 5 patients présentaient une insuffisance rénale préopératoire pouvant s’expliquer par un phénomène de malperfusion et qu’aucun ne présentait de syndrome aigu de tampon nade avec hypotension et bas débit cardiaque. Il est probable qu’une présélection des patients par les centres périphériques nous les adressant ait été réalisée, et que pour les octogé naires en tamponnade, leur transfert n’ait pas été envisagé. En prati-que, lorsque le patient présente un AVC préopératoire ou une instabilité hémodynamique empêchant le transfert, le patient est récusé « par téléphone ». Dans tous les autres cas, si le patient présente une autonomie et une vie relationnelle éva-luées comme « correctes » pour son âge par le praticien cor-respondant, nous acceptons son transfert au service d’accueil des urgences cardiologiques. La confirmation de l’indication opératoire est alors posée par le chirurgien senior de garde. Seule l’apparition de troubles neurologiques constitués fait alors récuser l’intervention.Les causes des 7 décès précoces sont directement la consé-quence de la dissection, à part celle liée à la tamponnade. En effet, les bas débits cardiaques comme la défaillance multi-viscérale sont probablement à relier à des phénomènes de malperfusion qui sont plus dépendants de la pathologie elle-même que de la technique de prise en charge. La technique chirurgicale a toujours consisté à pratiquer le geste opératoire le plus court. Alors que nous réalisons de principe chez les patients plus jeunes une exploration systématique de l’aorte transverse et une suture selon la technique de l’anastomose ouverte, nous ne l’avons utilisée chez ces patients âgés qu’en cas de porte d’entrée débordant sur l’aorte transverse. En effet, l’anastomose ouverte nécessite une CEC plus longue et une hypothermie plus profonde qui sont classiquement associées à des troubles de l’hématose associés à une augmentation de la morbimortalité postopératoire. En pratique la technique du clampage simple est celle que nous privilégions. Pour éviter qu’au cours de ce clampage simple des anomalies de perfu-sion périphériques n’apparaissent, nous réalisons de manière systématique une double canulation artérielle périphérique (en l’occurrence l’association canulation fémorale et axillaire droite) [16]. Enfin, depuis trois ans, nous utilisons la NIRS qui permet de monitorer la perfusion cérébrale [7-9] et de poser si nécessaire l’indication de rajouter une perfusion sélective cérébrale supplémentaire par un abord carotidien.La morbidité postopératoire est apparue dans cette série mo-dérée (à part une évolution psychiatrique d’une probable souffrance cérébrale), réversible et sans retentissement sur la qualité de vie des patients. La moitié de nos patients a cepen-dant présenté une ou plusieurs complications. Les plus gra-ves potentiellement en termes de retentissement fonctionnel sont les complications neurologiques, observées dans 16,1 % des cas. Nous n’avons pas observé d’accident ischémique

cérébral. Les syndromes confusionnels transitoires (sauf 1) observés sont habituels après ce genre de chirurgie [11]. Pour certains enfin, l’octogénaire présenterait une vulnérabilité cérébrale accrue lors des gestes chirurgicaux en hypothermie [5]. Si l’on considère l’utilisation des ressources hospitalières, nous n’avons pas observé dans notre série d’accroissement des durées moyennes de séjour en comparaison avec les pa-tients opérés de moins de 80 ans. Bien que cette étude n’ait pas été construite pour comparer au sens propre les durées de séjour hospitalier, ces résultats légitiment en termes de santé publique la prise en charge chirurgicale de ces patients. Plus intéressant est de noter qu’il existe une tendance nette à des durées de séjour en soins postopératoires courtes pour des patients octogénaires (médianes de 4 j de séjour en soins intensifs et de 13 j d’hospitalisation). Cela traduit à la fois la présélection des patients adressés par les correspondants péri-phériques, mais aussi l’absence « d’escalade thérapeutique » lorsque le geste opératoire a été réalisé. Ainsi, si 6 patients ont bénéficié d’une hémofiltration continue en postopératoire, celle-ci a été sevrée rapidement dans 4 cas et associée au dé-cès des 2 autres patients. Il faut noter par ailleurs que même chez les patients décédés, la durée de séjour en soins post-opératoires n’a pas dépassé 11 jours.

4.1. Limites de l’étudeLa limite principale est qu’il s’agit d’une étude rétrospective avec très probablement un biais de recrutement des patients opérés. En effet, seuls les patients « semblant » chirurgicaux ont probablement été transférés des centres hospitaliers péri-phériques vers notre hôpital. Cependant, étant le seul centre à pratiquer cette chirurgie dans la région Aquitaine (4 millions d’habitants), cette série reflète l’évolution des indications au cours du temps. Aussi aucun patient octogénaire n’a été opéré avant 1995. En outre, l’amélioration du diagnostic par la gé-néralisation de l’ETO et du TDM a probablement permis de sélectionner cette population octogénaire à risque acceptable. L’étude porte sur un petit échantillon de 31 cas seulement mais comparable en taille aux autres séries de la littérature. Enfin, une évaluation précise de la qualité de vie de ces pa-tients une fois rentrés à domicile ainsi qu’une étude de leur devenir à moyen terme semblent primordiales avant de pou-voir complètement légitimer ces indications.

5. CONCLUSIONL’augmentation de l’espérance de vie, l’amélioration du dia-gnostic, des techniques opératoires et de soins postopératoires font que des octogénaires nous sont adressés de plus en plus souvent pour dissection aiguë de l’aorte. Les résultats immédiats du point de vue morbimortalité nous paraissent satisfaisants. Ceci est probablement lié à une sélection des patients et des gestes chirurgicaux appropriés. Ainsi, bien que l’âge avancé soit un facteur de risque de mortalité après dissection aiguë de l’aor-te, il ne saurait à lui seul être l’élément de contre-indication. Notre série démontre que l’existence d’une vie relationnelle et fonctionnelle autonome en préopératoire doit conduire à dis-cuter chez ces patients une indication opératoire. L’absence de dysfonction d’organe majeure préopératoire (par comorbidité préopératoire, malperfusion ou instabilité hémodynamique) explique probablement ces bons résultats chirurgicaux. n

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