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$YDQWSURSRV Il est bon de reprendre ici quelques réflexions qui figuraient déjà dans l’introduction de l’ouvrage Analyse des systèmes linéaires. Le qualificatif linéaire se réfère ici à la théorie des systèmes automatisés dits à état continu, c’est-à-dire dont les entrées, sorties et variables internes températures, vitesses, tensions peuvent varier de façon continue, par opposition aux automatismes à état discrets, dont les variables sont souvent des combinaisons de grandeurs binaires (ouvert/fermé, présent/absent, etc.). On y souligne aussi que le pilotage (automatique) des systèmes à état continu se fait souvent à travers des actions proportionnelles aux écarts que l’on souhaite contrôler. Ainsi, on peut réguler la vitesse d’une automobile (cruise control) en agissant sur la commande d’accélération, proportionnellement à l’écart observé par rapport à une vitesse de consigne. Le qualificatif proportionnel évoque précisément une loi de commande linéaire. Les processus eux-mêmes ne sont pratiquement jamais régis par des lois physiques linéaires. Ainsi, la vitesse d’un véhicule, même en régime permanent, n’est certainement pas rigoureusement proportionnelle à la position de sa pédale d’accélérateur. Néanmoins, dès lors qu’on envisage des lois de commande en boucle fermée, le retour a pour objectif de corriger des écarts, que ceux-ci soient dus à des perturbations extérieures ou à des écarts entre un modèle de conception et le comportement réel. Il en résulte que la modélisation, même approximative, par un modèle linéaire sera généralement suffisante pour concevoir des lois de commande efficaces. Par ailleurs, les limites des performances des systèmes automatisés proviennent le plus souvent de la puissance limitée des actionneurs, de la précision des capteurs, des incertitudes et de la variabilité du comportement des processus, plus que de leurs possibles non-linéarités.

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Il est bon de reprendre ici quelques réflexions qui figuraient déjà dansl’introduction de l’ouvrage Analyse des systèmes linéaires. Le qualificatif linéaire seréfère ici à la théorie des systèmes automatisés dits à état continu, c’est-à-dire dontles entrées, sorties et variables internes températures, vitesses, tensions peuventvarier de façon continue, par opposition aux automatismes à état discrets, dont lesvariables sont souvent des combinaisons de grandeurs binaires (ouvert/fermé,présent/absent, etc.).

On y souligne aussi que le pilotage (automatique) des systèmes à état continu sefait souvent à travers des actions proportionnelles aux écarts que l’on souhaitecontrôler. Ainsi, on peut réguler la vitesse d’une automobile (cruise control) enagissant sur la commande d’accélération, proportionnellement à l’écart observé parrapport à une vitesse de consigne. Le qualificatif proportionnel évoque précisémentune loi de commande linéaire.

Les processus eux-mêmes ne sont pratiquement jamais régis par des loisphysiques linéaires. Ainsi, la vitesse d’un véhicule, même en régime permanent,n’est certainement pas rigoureusement proportionnelle à la position de sa pédaled’accélérateur. Néanmoins, dès lors qu’on envisage des lois de commande en bouclefermée, le retour a pour objectif de corriger des écarts, que ceux-ci soient dus à desperturbations extérieures ou à des écarts entre un modèle de conception et lecomportement réel. Il en résulte que la modélisation, même approximative, par unmodèle linéaire sera généralement suffisante pour concevoir des lois de commandeefficaces. Par ailleurs, les limites des performances des systèmes automatisésproviennent le plus souvent de la puissance limitée des actionneurs, de la précisiondes capteurs, des incertitudes et de la variabilité du comportement des processus,plus que de leurs possibles non-linéarités.

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16 Commande des systèmes linéaires

Enfin, il est évidemment indispensable de posséder les bases de l’automatiquelinéaire avant de prétendre passer à la théorie des systèmes non linéaires, au risquepourtant de développer des habitudes de pensée et des réflexes dont il est parfoisdifficile de se défaire lors de l’analyse du comportements des processus réels,toujours plus ou moins non linéaires. Tout ceci explique pourquoi l’automatique dessystèmes linéaires apparaît comme une théorie fondamentale, féconde etindispensable, et que les problèmes associés à la commande en boucle fermée enconstituent l’essentiel.

Cet ouvrage a pour ambition de donner une vision complète des différentesapproches de la commande. Il fait souvent référence au volume consacré à l’analysedes systèmes linéaires qui, sans constituer pour autant un prérequis, estparticulièrement cohérent avec ce volume dédié à la commande.

Les chapitres 1 et 2 sont consacrés respectivement à l’analyse et à la synthèse parles techniques monovariables classiques. Basé sur les concepts de transmittance, lechapitre 3 traite de la commande par placement de pôles et le chapitre 4 de lacommande par modèle interne. Les trois chapitres suivants abordent l’automatiquedite moderne, à base de représentation d’état, en insistant sur les indispensablesaspects méthodologiques : la commande par optimisation H2 au chapitre 5, lacommande modale au chapitre 6 et le cadre H

f au chapitre 7. Enfin, le chapitre 8

traite des systèmes linéaires variables dans le temps.

Après ce bref résumé, la présentation détaillée de chaque chapitre constituemaintenant la suite de cet avant-propos.

Le chapitre 1 présente les concepts fondamentaux liés aux systèmes asservislinéaires. La structure générale d’un système asservi (ou bouclé) y est décrite. Onexamine les performances en termes de précision et en termes de rapidité, on yprésente les paramètres caractéristiques en régimes temporel et fréquentiel ainsi queles équations de passage des uns aux autres. Dans l’analyse de ces systèmes, on yprésente la stabilité, la précision et la sensibilité paramétrique. Pour l’étude de laprécision on y distingue l’aspect statique de l’aspect dynamique : le premierconcerne l’étude en régime permanent tandis que le second concerne le régimetransitoire. La stabilité est étudiée à l’aide des critères de Nyquist (géométrique) etde Routh (algébrique). Ce chapitre s’achève avec la notion de sensibilité dessystèmes. Des exemples académiques sont fournis à titre d’illustrations.

Le chapitre 2 traite des méthodes de corrections classiques permettant d’obtenirun comportement des systèmes asservis conforme à un cahier des charges, où lesspécifications des performances en boucle fermée s’expriment en termes decontraintes sur la réponse fréquentielle du système corrigé en boucle ouverte. Lesréseaux correcteurs introduits sont à actions proportionnelle (P), proportionnelle et

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intégrale (PI), proportionnelle, intégrale et dérivée (PID), à avance ou à retard dephase, à actions combinées et à action parallèle. Le rôle de chaque réseau correcteury est décrit. On y montre que la recherche d’un compromis stabilité-rapidité estnécessaire et conduit en général à imposer à la boucle fermée un comportementapparenté à celui d’un système du second ordre doté de pôles complexes conjugués.Des exemples sont traités pour illustrer l’application de ces méthodes.

Le chapitre 3 est consacré à ce qu’il est convenu d’appeler la commande RST,qui a été développée initialement au cours des années 1980 dans le contexte discret,via la commande adaptative. Le calcul des paramètres de la loi de commande y estdéterminé en utilisant des résultats classiques de l’algèbre des polynômes. En fait cen’est qu’une réinterprétation de la commande par placement de pôles par retourd’état avec observateur dans le cas des procédés scalaires. Cependant cettecommande RST reste synonyme de commande numérique dans l’esprit de bien desautomaticiens et sa description, dans les ouvrages, se ramène fréquemment àl’énoncé d’un algorithme de résolution de l’équation de Bézout en vue d’obtenir despôles en boucle fermée fixés a priori par le concepteur. Ce chapitre met d’abord enplace un cadre assez général pour l’approche polynomiale de la commandemonovariable, afin de mettre en évidence l’ensemble des degrés de liberté quirégissent l’élaboration d’une telle commande. En particulier, le choix des degrés despolynômes utilisés est minutieusement analysé en fonction des performancesstationnaires requises pour diverses consignes et perturbations et du niveau du bruitde mesure. Après cette analyse, une partie importante est consacrée à l’implantationmatérielle de la loi de commande en tenant compte du problème très concret de lasaturation des actionneurs. Enfin, une dernière partie propose une méthodologiesimple pour le choix des paramètres de synthèses afin de garantir un certain degré derobustesse. Cette partie s’appuie fortement sur les travaux de de Larminat. Cetteméthodologie présente l’avantage de reposer sur deux paramètres de réglage ayantune dimension de constante de temps (ayant donc une signification très concrètepour le concepteur). Tout au long de ce chapitre, un exemple est traité pour illustrerles divers résultats proposés.

Le chapitre quatre est consacré aux commandes prédictives. Celles-ci ont prouvéleurs performances au travers de nombreuses applications industrielles. Deuxstratégies prédictives émergent plus particulièrement, d’une part la commandeprédictive généralisée (GPC), d’autre part la commande prédictive fonctionnelle(PFC). La structure GPC est tout d’abord développée, depuis les définitions dumodèle et du critère quadratiques jusqu’à l’obtention du régulateur polynomialéquivalent. Des extensions à des structures à modèles de référence multiples,cascades, et avec prise en compte de contraintes terminales sont égalementexaminées, ainsi que le choix des paramètres de réglage. Enfin, la structure PFC estprésentée, incluant le modèle de prédiction, la trajectoire de référence, les fonctionsde base et les points de coïncidence, ainsi que le critère et les paramètres de réglage.

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Le chapitre 5 traite de la conception de régulateurs multivariables robustes pourdes systèmes incertains dont le comportement se laisse correctement approximer parun modèle linéaire. La méthodologie de commande envisagée utiliseconceptuellement l’approche d’état. Le parti pris est de formaliser les objectifs decommande au moyen d’un critère H2 quantifiant en un certain sens la qualité del’asservissement. Le passage du problème d’asservissement tel qu’il se présente àl’ingénieur automaticien, à un problème d’optimisation H2 bien posé n’a rien detrivial. L’objet de ce chapitre est de définir des règles méthodologiques permettantde réaliser cette étape cruciale. Par ailleurs, les résultats existant dans la littérature,au demeurant très riche, sur la commande LQG – H2, ne permettent pas toujours larésolution du problème d’optimisation H2 qui découle des objectifs de commande.On a donc été amené à présenter quelques résultats théoriques originaux permettantde relâcher les hypothèses du problème H2 standard et de faire le lien avec leproblème du régulateur.

Le chapitre 6 présente les indispensables techniques de placement de structurepropre par retour de sortie. Une première partie est dévolue à la définition de lastructure propre des systèmes, à savoir ses valeurs et vecteurs propres, l’accent étantmis sur le rôle joué par chacune de ces composantes au niveau des transfertsd’entrées-sorties. Une deuxième partie présente les techniques d’analyses permettantde définir la structure dominante en termes de contribution entrée-sortie. C’est cettestructure qui sera modifiée lors de la synthèse de la loi de commande. Cette analysesera complétée par une analyse de la commandabilité du système. Enfin, la troisièmepartie de ce chapitre présente les méthodes traditionnelles de placement de structurepropre par retour de sortie. Les valeurs propres sont placées de façon à garantir lestemps de réponse et les amortissements. Les vecteurs propres de la boucle ferméesont quant à eux choisis en fonction d’objectifs de découplage ou de robustesselocale aux variations paramétriques. On définit ensuite la notion d’observateurélémentaire. Ceux-ci sont exploités dans une procédure de synthèse globalepermettant de placer de manière exacte tous les couples de valeurs et vecteurspropres au système. Ces différentes approches sont illustrées tout au long duchapitre par l’exemple de la synthèse d’un pilote automatique pour la partie latéraled’un avion gros porteur.

Le chapitre sept constitue une ouverture sur les outils développés dans le cadrelinéaire à partir du formalisme H

f et des inégalités matricielles affines (LMI). Les

aspects liés à la notion de robustesse y sont plus particulièrement soulignés. Nousaborderons successivement la synthèse H

f, l’analyse de robustesse puis la synthèse

robuste par les valeurs singulières structurées, enfin la synthèse de correcteursdépendant de paramètres. Dans le contexte adopté ici, les résultats théoriques sontdonnés sans démonstration car nous préférons orienter le lecteur intéressé versd’autres ouvrages et illustrer les concepts présentés par des exemples simples.

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Avant-propos 19

Le chapitre 8 traite enfin des systèmes linéaires variables dans le temps. Ilsouligne d’abord que la complexité des phénomènes physiques étudiés ne peut passe réduire à la seule classe décrite par les modèles dynamiques linéaires àcoefficients constants. Dans des domaines aussi variés que l’hydrologie,l’électronique, le trafic, l’électrotechnique, la mécanique, il existe de nombreusessituations qui engendrent des comportements où les coefficients varient au cours dutemps. Ces variations peuvent résulter de non-stationnarités brusques ou« ruptures », caractérisées par des intervalles temporels où les coefficients sontconstants. La non-stationnarité n’est due qu’à la présence de sauts instantanés deleurs valeurs. Cette modélisation se retrouve par exemple dans le domaine de lasurveillance et du diagnostic. La problématique consiste alors essentiellement àdétecter les instants de changement ainsi que l’amplitude des sauts paramétriques.Par opposition, on peut regrouper dans une seconde classe les systèmes où lescoefficients sont des fonctions évolutives du temps. Quand ces dynamiques sont« lentes » vis-à-vis de celles du système, les problèmes engendrés, tant encommande qu’en identification, peuvent être résolus à travers des techniquesadaptatives. Mais il existe aussi de nombreux cas où l’évolution des paramètres est« rapide » (systèmes T-périodiques, systèmes auto-similaires, etc.). Cette dernièrecatégorie rend indispensable le développement et la mise en œuvre de méthodesspécifiques de résolution des problèmes posés en automatique et/ou en traitement dusignal. Au préalable, il est indispensable de disposer des outils mathématiques debase indispensables à leur analyse. Il existe différentes approches pour conduirecette analyse qui dépendent en partie, de la représentation choisie pour le modèle(modèle d’état, etc.). La démarche présentée ici consiste en une approche parallèle àcelle adoptée pour les systèmes à coefficients constants vus à travers la fonction detransfert. Le concept de transfert peut malgré tout être étendu aux systèmesdifférentiels linéaires non stationnaires à condition d’opérer sur le corps, noncommutatif, des fractions rationnelles qui existent si les coefficients appartiennent àun corps différentiel. Ce corps est isomorphe à l’ensemble engendré par les systèmesdynamiques linéaires non stationnaires. Dès lors, on peut élaborer les règles decomposition de ces systèmes à l’aide des règles algébriques appliquées auxfonctions de transfert. Les résultats obtenus peuvent être utilisés pour résoudre desproblèmes de commande ou/et d’identification.

Philippe DE LARMINAT